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Pas de démocratie digne de ce nom sans tirage au sort pour que nos représentants restent nos serviteurs
On n’est pas préparés à cette idée :
la première fois qu’on nous parle de tirage au sort en politique, on ouvre tous des yeux incrédules et on se demande quelle est cette nouvelle lubie.
Le mythe de l’élection est très puissant et il n’est pas facile de s’en déprendre, même quelques minutes pour voir.
Pourtant, je vous conseille chaleureusement de laisser une chance à l’idée et de lire seulement quelques lignes sur le sujet : vous allez vite sentir en vous-même que, loin d’être une nouvelle lubie, c’est une bonne idée, et même une très bonne —et très vieille— idée, bien connue de nos aïeux et bien testée (pendant des siècles !) avec d’excellents résultats.
Récapitulatif Élection VS Tirage au sort
L’ÉLECTION
inégalitaire et corruptrice
LE TIRAGE AU SORT (TAS)
égalitaire et incitant à la vertu
1. L’élection incite la manipulation
L’élection repose sur la volonté des gens et donc donne de nombreuses prises aux escrocs, menteurs séduisants, trompeurs professionnels de volonté.
1. Le TAS nous protège des manipulateurs
Le tirage au sort ne repose pas sur la volonté des gens et donc ne donne aucune prise aux escrocs, menteurs séduisants, trompeurs professionnels de volonté.
2. L’élu est incontrôlable
L’élection repose sur la confiance et prétend servir elle-même de contrôle des représentants ; elle ne prévoit donc aucun contrôle, ni en cours ni en fin de mandat, ce qui facilite la corruption.
2. Le TAS contrôle les résultats
Le tirage au sort repose sur la défiance et s’accompagne de contrôles en cours de mandat et de reddition des comptes en fin de mandat, ce qui complique la corruption des représentants.
3. L’élection incite à mentir
L’élection pousse au mensonge les représentants : d’abord pour accéder au pouvoir, puis pour le conserver, car les candidats ne peuvent être élus, puis réélus, que si leur image est bonne : cela pousse mécaniquement à mentir, sur le futur et sur le passé.
3. Le TAS rend inutile les mensonges
Le tirage au sort dissuade du mensonge les représentants, aussi bien pour accéder au pouvoir que pour le conserver :
d’abord le mensonge ne sert à rien (et on évite les intrigues) et ensuite il serait puni.
4. L’élection pousse à la corruption
Elle permet (à ceux qui le peuvent) d’aider des candidats, et les élus ainsi « sponsorisés » sont ainsi mécaniquement dépendants de ceux qui ont financé leur campagne électorale et acheté les médias pour les faire connaître davantage que les autres candidats. Les acteurs politiques serviront des intérêts particuliers au lieu de servir l’intérêt général.
4. Le TAS empêche la corruption
Le tirage au sort ne permet pas d’aider quelqu’un à accéder au pouvoir. Ceci est absolument décisif. Il ne peut pas y avoir de tirés au sort sponsorisés-donc-débiteurs. L’indépendance des représentants est donc garantie (alors que l’élection l’interdit !).
Les acteurs politiques serviront le bien commun au lieu de servir des intérêts particuliers.
5. L’élection contribue à l’inégalité des classes
L’élection favorise certaines classes sociales et en défavorise d’autres : ceux qui parlent bien, ceux qui savent s’imposer, et ceux qui ont des facilités (avocats et fonctionnaires), ce qui contredit gravement l’égalité politique revendiquée par la démocratie. Une assemblée élue n’est jamais représentative, elle diffère toujours profondément de la population représentée.
5. Le TAS est impartiale et équitable
La procédure du tirage au sort est impartiale et équitable : la loi des grands nombres garantit une justice distributive, la parité hommes-femmes par exemple mais pas seulement (conséquence logique, prioritaire, et souhaitable, du principe d’égalité politique). Une assemblée tirée au sort est toujours représentative, elle ressemble au peuple représenté.
6. L’élection favorise la concurence déloyale
Elle incite au regroupement en partis et soumet l’action politique à des clans et surtout à leurs chefs, avec son cortège de turpitudes liées aux logiques d’appareil et à la quête ultra prioritaire (vitale) du pouvoir. Les partis imposent leurs candidats, ce qui rend nos choix factices. La concurrence déloyale des partis dans la compétition électorale prive la plupart des individus isolés de toute chance de participer au gouvernement et favorise donc le désintérêt politique (voire le rejet) des citoyens.
6. Permet l’égalité des chances
Le tirage au sort n’incite pas au regroupement en partis pour aider des candidats à conquérir le pouvoir, et ne soumet donc pas la société à leur logique hiérarchique (fin du combat des chefs et des logiques d’appareil). Débarrassés de la concurrence déloyale des candidats imposés par les partis, les simples citoyens ont des chances réelles de participer au gouvernement de la Cité, ce qui favorise l’intérêt de tous pour la chose politique, avant même d’être désigné, pendant toute la vie.
7. L’élection asservit
L’élection est infantilisante, une pédagogie de la servitude. Savoir qu’il ne sera jamais élu décourage l’électeur de s’instruire pour participer aux débats publics.
7. Le TAS émancipe
Le tirage au sort est émancipant, il traite en adulte. Savoir qu’il peut être tiré au sort incite chaque citoyen à s’instruire pour participer aux controverses publiques.
8. L’élection déresponsabilise les électeurs
N’avoir jamais été élu enferme chaque électeur dans ses préoccupations personnelles et le dissuade de se préoccuper du monde commun. N’avoir jamais senti le regard public posé sur lui le dissuade de s’instruire et de développer ses compétences.
8. Le tirage au sort responsabilise les citoyens
Avoir été tiré au sort pousse chaque citoyen à s’extraire de ses préoccupations personnelles et à se préoccuper du monde commun ; sa désignation et le regard public posé sur lui l’ont poussé à s’instruire et à développer ses compétences par son travail.
9. L’élection demande une confiance aveugle
Élire c’est abdiquer, c’est renoncer à sa souveraineté, accorder une confiance exagérée et renoncer à contrôler. L’élection porte à négliger le contrôle permanent des élus : on est prié de se contenter du « risque » de non réélection (contrôle très illusoire).
➔ L’élection nécessite par définition une bonne connaissance des candidats (puisqu’on est censé les choisir puis les surveiller)
➔ l’élection est donc mal adaptée pour les entités de grande taille. Alors qu’on entend dire généralement le contraire.
9. Le TAS permet de garder le contrôle
Tirer au sort, c’est tenir à sa souveraineté, se méfier, et imposer des contrôles réels de tous les représentants. Le TAS s’accompagne toujours de contrôles drastiques et bien réels à tous les étages (avant, pendant et après les mandats).
➔ Le TAS ne nécessite donc pas de bien connaître les représentants
(puisqu’ils sont beaucoup contrôlés par ailleurs)
➔ le tirage au sort est mieux adapté que l’élection pour les entités de grande taille. Alors qu’on entend dire généralement le contraire.
10. L’élection fabrique des gagnants qui soumettent les perdants
L’élection crée des rancunes de la part de tous ceux qui ont « perdu », et des fiertés chez ceux qui ont « gagné » qui deviennent vaniteux et se sentent supérieurs et légitimes pour décider seuls.
➔ L’élection fabrique des maîtres, qui se sentent supérieurs.
10. Le TAS est pacifiant
Le tirage au sort ne crée jamais de rancunes : pas de vanité d’avoir été choisi ; pas de ressentiment à ne pas avoir été choisi : il a des vertus pacifiantes pour la Cité, de façon systémique.
➔ Le tirage au sort fabrique des serviteurs, des égaux.
11. L’élection créé de la domination
Représentants et représentés ne sont pas sur un pied d’égalité. Les élus dominent les électeurs.
11. Le TAS rend égaux
Représentants et représentés sont à égalité. Avec le tirage au sort, personne ne domine personne durablement.
12. L’élection délègue tout
Et donc dispense (éloigne) les citoyens de l’activité politique quotidienne ; elle favorise la formation de castes d’élus, professionnels à vie de la politique, toujours portés à tirer vanité de leur condition et cherchant toujours à jouir de privilèges, très loin de leurs électeurs pour finalement ne plus représenter qu’eux-mêmes.
12. Le TAS responsabilise
Le tirage au sort peut mobiliser n’importe qui et responsabilise (rapproche) les citoyens de l’activité politique ; il empêche l’apparition de politiciens pros, il impose l’amateurisme en politique ; les amateurs tirés au sort, forcément proches du peuple, partagent ses intérêts et objectifs, ils sont de bons porte-voix populaires.
13. Élire c’est abdiquer et renoncer à l’action politique
L’élection étouffe les résistances contre les abus de pouvoir : elle nous prive de la puissance de parole et d’action d’homme libre. Le vote tous les cinq ans, déjà infantilisant, est en plus trompé par un bipartisme de façade qui n’offre que des « choix » factices. La consigne du « vote utile » est un bâillon supplémentaire.
13. Le TAS protège des abus de pouvoir
Tirer au sort les représentants, c’est les affaiblir (en les plaçant à égalité avec les autres), ce qui garantit à chaque citoyen l’initiative et le vote des lois, la parole et la participation politique, ce qui permet de résister à tout moment aux éventuels abus de pouvoir, indépendamment des jours de désignation des représentants.
14. L’élection donne le pouvoir aux pires d’entre-nous
L’élection donne le pouvoir à ceux qui le veulent (les candidats), c’est-à-dire aux pires d’entre nous, alors qu’on sait depuis au moins 2500 ans qu’il ne faut surtout pas donner le pouvoir à ceux qui le veulent (lire Platon et Alain).
14. Le TAS donne le pouvoir aux citoyens modestes et honnêtes
Le tirage au sort donne le pouvoir à ceux qui ne le veulent pas et qui sont précisément les meilleurs d’entre nous, modestes et honnêtes. Les mandats courts et non renouvelables permettent de ne pas les surcharger.
15. L’élection est aristocratique
Par définition, elle désigne le meilleur (aristos) et ce n’est pas du tout démocratique. L’expression « élection démocratique » est un oxymore (un assemblage de mots contradictoires).
15. Le TAS est vraiment démocratique
Le tirage au sort est démocratique par définition (il désigne un égal, un pair). L’expression « démocratie par tirage au sort » est un pléonasme (une répétition de mots identiques).
16. DE FAIT depuis 200 ans…
(depuis le début du 19ème), l’élection donne le pouvoir politique aux plus riches et à eux seuls, jamais aux autres : l’élection de représentants politiques SYNCHRONISE durablement le pouvoir politique et le pouvoir économique, créant progressivement des monstres irresponsables écrivant le droit pour eux-mêmes et s’appropriant le monopole de la force publique à des fins privées, créant ainsi des fortune colossales (et une puissance de corruption supplémentaire en proportion). On est donc tenté de penser que c’est l’élection des acteurs politiques qui a rendu possible le capitalisme : écrire la constitution a permis aux riches de choisir la procédure qui leur permet d’aider les candidats, de rendre débiteurs les élus, et d’imposer leurs lois.
16. DE FAIT, pendant 200 ans…
de tirage au sort quotidien (au Ve et IVe siècle av. JC à Athènes), les citoyens riches n’ont JAMAIS gouverné, et les citoyens pauvres toujours. Les riches vivaient confortablement, mais ils ne pouvaient pas tout rafler sans limite, faute d’emprise politique.
Ceci est essentiel : mécaniquement, infailliblement, irrésistiblement, le tirage au sort DÉSYNCHRONISE le pouvoir politique du pouvoir économique. C’est une façon astucieuse d’affaiblir les pouvoirs pour éviter d’être dominé par eux.
On suggère ici que le tirage au sort retirerait aux capitalistes leur principal moyen de domination : le capitalisme, c’est du droit
➔ la procédure du TAS retirerait toute prise aux capitalistes pour imposer le droit qui les avantage.
Playlist de vidéos sur le tirage au sort (TAS)
Une sélection de vidéos à retrouver sur la chaîne Youtube : Etienne Chouard
Cliquer sur en haut de la vidéo pour afficher la playlist.
DÉMOCRATIE – TIRAGE AU SORT plutôt que ÉLECTION
Vidéos sur le tirage au sort
la vidéo du challenge : tout dire en 18 mins :o)
Livres sur le tirage au sort et la démocratie
Publications sur le tirage au sort
Écouter
Un plaidoyer extrêmement convainquant, dans « À voix nue », sur France Culture, le 8 juin 2012 : Jacques Testart : pas de démocratie sans Conventions de Citoyens tirées au sort.
Lire
Une synthèse sur le tirage au sort, au 6 juin 2012, en texte et en vidéo, préparée par l’universitaire français, spécialiste de la question, Yves Sintomer : Tirage au sort et démocratie délibérative, une piste pour renouveler la politique au 21e siècle.
Lire
Sur tribords.com, une interview de Paul, ce gentil-virus qui a pensé et réalisé le site le-message.org :
Tirage au sort : la démocratie réelle ?
Première synthèse :
1) Élection ou tirage au sort ? Aristocratie ou démocratie ?
2) Qui est légitime pour faire ce choix de société ? Le peuple lui-même ou ses élus ? »
Lire
Deuxième synthèse, plus récente et dont les arguments sont articulés avec nos problèmes économiques (l’oppression des pauvres par les riches) : « CENTRALITÉ DU TIRAGE AU SORT EN DÉMOCRATIE »
Lire
André Tolmère, « Manifeste pour la vraie démocratie »
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Des députés tirés au sort : proposition iconoclaste pour des citoyens législateurs
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« L’expérience formidable en Colombie-Britannique : une Assemblée constituante tirée au sort ! »
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Jacques Testart : « Pas de démocratie sans CONVENTIONS DE CITOYENS, évidemment tirées au sort ! »
Lire
Repenser le long terme. Pour une nouvelle Constituante
Repenser le long terme.
Pour une nouvelle Constituante.
Étienne Chouard, enseignant et blogueur
La Croix, 5 avril 2013
« Dans une démocratie digne de ce nom, les citoyens devraient avoir toute la place. Leurs représentants devraient être des serviteurs, empêchés de devenir des maîtres par le tirage au sort des charges, par des mandats courts et non renouvelables, et par de nombreux contrôles avant, pendant et après leur mandat. Dans la réalité, chacun peut constater que c’est exactement le contraire qui se produit : sitôt élus, nos « représentants » se comportent comme s’ils étaient nos maîtres, tout en se mettant au service exclusif des cartels et des banques, contre l’intérêt général.
Notre problème fondamental n’est donc pas technique mais politique : nos « représentants » ne nous représentent pas, pour la bonne raison qu’ils ne nous doivent rien. C’est mécanique : celui qui passe le plus à la télé est élu, c’est tout. Il a donc suffi aux banques d’acheter les médias de masse pour être sûres de gagner les élections à tous les coups. Les élus ne représentent que les banques parce qu’ils leur doivent tout.
Quant à nous, simples électeurs (pas citoyens), nous sommes privés de toute institution pour nous défendre contre ces faux « représentants » : nous n’avons pas de Constitution.
Une Constitution, c’est un texte supérieur qui sert à protéger le peuple contre les abus de pouvoir, en surplombant tous les pouvoirs, publics et privés. Une Constitution digne de ce nom doit être crainte par les pouvoirs : il ne faut donc à aucun prix laisser les pouvoirs en question l’écrire eux-mêmes, ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir, ce n’est pas aux parlementaires, ni aux ministres, ni à aucun professionnel de la politique, d’écrire ou de modifier la Constitution.
Une bonne Constitution – que les « élus » n’écriront jamais, à cause de leur intérêt personnel – prévoirait de (vrais) référendums d’initiative populaire (RIP législatif, abrogatoire, révocatoire et constituant), la séparation des pouvoirs dangereux (législatif, exécutif, judiciaire, médiatique et monétaire) pour les affaiblir, une des Chambres législatives tirée au sort pour une représentation fidèle du pays, des mandats courts et non renouvelables pour éviter la professionnalisation, la responsabilité illimitée (et la révocabilité) des décideurs publics, des chambres de contrôle tirées au sort pour surveiller tous les pouvoirs sans exception, une création monétaire uniquement publique et des banques toutes publiques aussi, des services publics d’information rendus indépendants (sur le modèle des juges) mais eux aussi contrôlés par des jurys citoyens tirés au sort, etc.
Aucune de ces institutions, nécessaires à la justice sociale, ne verra jamais le jour tant qu’on n’aura pas compris et éliminé le conflit d’intérêts majeur qui est à la racine commune de toutes nos impuissances : il faut que les constituants soient désintéressés.
Alors, comment faire ? Soit on réunit une Assemblée constituante dans chaque commune ou quartier (où viendront ceux qui le voudront) et on en dégage une synthèse pour fédérer les principales exigences citoyennes. Soit on tire au sort une seule Assemblée constituante (au lieu de l’élire!) : c’est beaucoup plus simple et ça donnera probablement le même résultat, parce que finalement, nous avons tous intérêt aux mêmes institutions fondamentales.
Pour que cela advienne, il suffirait que nous soyons des millions à le vouloir ; c’est donc à nous de faire passer le message de façon virale, autonome, souterraine, insaisissable, pour devenir rapidement très nombreux à dire ensemble : « Nous voulons avant tout une Assemblée constituante tirée au sort – car tout le reste suivra. »
C’est une vraie cause commune : instituons d’abord notre puissance, on se disputera après. On n’échappera pas autrement aux usuriers, qui ont déjà volé presque tous les pouvoirs : si on veut une Constitution, il faudra l’écrire nous-mêmes.
Nous, on a commencé ; si le cœur vous en dit, rejoignez-nous (1). »
Étienne CHOUARD
(1) Site : https://old.chouard.org/Europe
Source : La Croix, http://www.la-croix.com/Archives/2013–04-05/Repenser-le-long-terme.-Pour-une-nouvelle-Constituante.-Etienne-Chouard-enseignant-et-blogueur-2013–04-05–929560
DÉMOCRATIE ET CONSTITUTION
DÉMOCRATIE ET CONSTITUTION
http://www.unspecial.org/2013/04/democratie-et-constitution/
Encore une synthèse, pardonnez-moi : vous allez trouver ça saoulant, à force.
Le journaliste, Nicolas-Émilien ROZEAU du site UN Special (avec qui j’ai passé quelques heures au téléphone) a bien résumé l’essentiel, je trouve. Merci à lui.
Étienne Chouard, vous êtes enseignant en économie-gestion en France. Vous êtes également un philosophe politique. Qu’y‑a-t-il de si passionnant dans la philosophie politique ?
Je suis un philosophe politique amateur, bien sûr, comme nous devrions tous l’être. Suivant la façon dont nous l’exerçons, cette activité intellectuelle peut nous donner des moyens inédits pour régler la plupart de nos problèmes, qui ne sont pas techniques mais politiques, y compris la pollution, le chômage et les bas salaires que nous saurions très bien résoudre ; mais nous avons un sacré problème politique, avec nos prétendus « représentants ».
Une des raisons d’être de la philosophie politique, c’est d’essayer d’organiser au mieux la vie ensemble pour éviter que règne l’arbitraire de la loi du plus fort, pour que l’on arrive à vivre ensemble sans s’entretuer, tout en se protégeant contre l’adversité. Manifestement, la philosophie politique ne tient pas ses promesses, et c’est parce que seuls les puissants s’en occupent. Ceux qui ont du pouvoir et ceux qui ont beaucoup d’argent ont un intérêt personnel et vital à faire de la philosophie politique, de l’économie et du droit. L’appropriation de ces clefs assure leur domination durable. Elles pourraient aussi être les clefs de notre libération, si nous autres, les 99% restants, les pauvres, nous nous les appropriions.
Est-ce que les peuples s’intéressent à la vie de la cité du point de vue politique ?
La vie moderne pourrait laisser croire que non. Aujourd’hui, après des siècles de conditionnement avec des institutions infantilisantes, nous avons désappris à faire de la politique. Mais il y a des tas d’exemples qui montrent qu’à la première occasion, l’homme est resté un animal politique. Il est prêt à agir à la condition que sa voix soit prise en compte. Avec de bonnes institutions, on s’apercevrait que les humains réapprennent très vite et ont le goût intense de l’action politique.
Qu’est-ce qui domine actuellement dans notre société ? De façon entretenue, manipulée, voulue, je dirais : la division, l’atomisation. Y compris la division de la pensée. Le zapping est une habitude que l’on entretient à la télévision. Nous n’arrivons plus à nous concentrer. Dès lors, nous n’arrivons plus à seulement VOULOIR un projet global cohérent. Il ne faut pas laisser les médias, c’est-à-dire les professionnels de la désinformation, nous distraire. C’est à nous de nous émanciper de nos maîtres en nous formant entre nous, par éducation populaire.
Finalement, en courant après un gain de productivité et de compétitivité, n’avons-nous pas scié la branche sur laquelle nous étions tous assis ?
Le libre-échange, qui n’intéresse — depuis toujours — que les multinationales, aura notre peau. Il ruinera les peuples comme il l’a toujours fait. Le libre-échange n’a jamais enrichi aucun pays. Tous les pays riches ont toujours été protectionnistes. Tous. Tous les pays pauvres sont ceux qui ont supprimé leurs protections, souvent de force. C’est une course non nécessaire et perdue d’avance qui nous entraîne, en plus, dans des gaspillages éhontés. Alors que l’on devrait tâcher de vivre une frugalité heureuse comme le suggère Pierre Rabhi.
Là encore, le problème est politique car ce sont les multinationales qui dirigent leurs marionnettes politiques, en achetant les médias qui permettent de les faire élire. Dans ces conditions, ce n’est pas étonnant que l’intérêt du plus grand nombre soit négligé et celui de la minorité (les banques) favorisé. L’impression est trompeuse, mais l’offre politique est unique. Napoléon le disait : « il faut enduire les actes d’une confiture de paroles. ». Nous y sommes. Mais ce n’est pas une fatalité. Relisez le Contrat Social de Rousseau, chapitre « des députés ou représentants » sur les désastres causés par la démission du citoyen. C’est d’une actualité brûlante.
Les médias jouent-ils encore leur rôle d’information ?
Les médias sont une pièce maîtresse de la domination politique des pauvres par les ultrariches. Les pauvres, c’est nous tous, 99%, et les 1% riches sont une poignée de gens hyperpuissants : ils ont compris avant tout le monde comment on créait la monnaie et depuis, ils ont tout acheté, y compris le politique.
Les médias devraient être sous la protection de l’État, comme le pouvoir judiciaire. Évidemment, l’État ne devrait pas pouvoir s’ingérer dans les affaires médiatiques. Les journalistes devraient être protégés par le peuple parce que nos libertés dépendent de leur indépendance. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation dramatiquement inverse : nos journalistes dépendent pour leur survie des puissants qui les font vivre. Ils se croient libres ; ils sont en fait au service du pouvoir. Ce ne sont plus des sentinelles du peuple, mais des collaborateurs des tyrans.
Comment se répartit la responsabilité de ce que nous vivons actuellement ?
Je ne trouve pas les causes du problème dans ceux qui nous mentent, nous violent et nous volent. Ils sont dans leur rôle : tout pouvoir va jusqu’à ce qu’il trouve une limite. C’est nous qui sommes éteints politiquement, peureux et paresseux. Il en va pourtant de notre responsabilité de changer les choses. Quand un pouvoir abuse, cela ne sert à rien d’essayer de changer ce pouvoir : c’est dans sa nature d’abuser, il essaiera toujours. Il faut donc lui résister comme il faut. Qui fixe les limites ? La limite des pouvoirs est normalement inscrite dans la Constitution. Ce n’est donc pas aux hommes au pouvoir, ni aux hommes de partis, ni aux parlementaires d’écrire la Constitution. Tout est là ! Nous devons créer dans nos communes des assemblées constituantes citoyennes.
Quelle définition donneriez-vous aux mots « citoyen », « électeur » et « démocratie » ?
Un citoyen est une personne qui accepte d’être gouverné par les lois qu’il a votées lui-même, directement. Il est autonome : il a produit lui-même le droit auquel il consent à obéir. Au contraire, un électeur est hétéronome ; il subit le droit écrit par quelqu’un d’autre qui est son maître. Une démocratie, c’est un régime de citoyens, au sein duquel le peuple tire au sort et contrôle ses représentants pour qu’ils restent toujours à son service. Aujourd’hui, nous vivons en ploutocratie.
La révolution est-elle une solution ?
Oui, mais seulement si elle est bien préparée. Sinon, les mêmes causes généreront les mêmes effets. Les professionnels de la politique écriront la Constitution et ils reprendront le pouvoir. Les banques feront du lobbying pour imposer leur monnaie privée et elles reprendront le pouvoir également. Les usuriers recommenceront à circonvenir les constituants. À ce jour, aucun peuple n’a été capable d’être constituant.
Il y a des milliers d’acteurs qui pensent et agissent pour un autre monde, pourtant rien ne semble changer. Pourquoi ?
On dénonce souvent et fort bien les dangers (pesticides, publicité, libre-échange…) avec toutes les solutions techniques, mais sans rien changer depuis 50 ans : il faut se rendre à l’évidence. Au lieu de dénoncer les conséquences de notre impuissance politique, prenons le problème à la racine, soyons radicaux, et écrivons nous-mêmes la Constitution dont nous avons besoin ! Car il faut d’abord instituer notre puissance politique, et seulement ensuite discuter des solutions. Regardez les banques : elles l’ont, leur constitution… Elles ont écrit elles-mêmes la Constitution européenne !
Tous les gens qui œuvrent pour un autre monde doivent enfin se réunir pour introduire cette idée centrale et commune dans leur action.
Le mot de la fin ?
Il n’y aura pas de prospérité sans monnaie publique. Il n’y aura jamais de monnaie publique (gratuite et permanente) sans démocratie. Et il n’y a pas de démocratie sans tirage au sort. Cela s’applique à toutes les nations, c’est une réflexion à portée universelle.
Pour creuser la question : https://old.chouard.org/Europe
Source : Revue des Nations Unies :
• http://www.unspecial.org/2013/04/democratie-et-constitution/
• http://www.unspecial.org/wp-content/uploads/2013/04/UNSpecial_Avril20131.pdf
Le tirage au sort démonte le mécanisme qui conduit à notre impuissance actuelle
Entretien avec Étienne Chouard (Nexus n°78)
Chercheur indépendant, citoyen sans parti, sans étiquette et sans ambitions politiques personnelles, Étienne Chouard s’est fait connaître du grand public en 2005 à l’occasion du référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe en argumentant pour le « non ». Devenu depuis un adepte du tirage au sort, il en est aussi l’un des principaux propagateurs et théoriciens. Conférencier infatigable, il sillonne les routes pour en expliquer la logique.
Nexus : Qu’est-ce qu’il y a de révolutionnaire dans le tirage au sort ?
Étienne Chouard : Tout. Le tirage au sort démonte le mécanisme qui conduit à notre impuissance actuelle. Il y a quantité de causes à notre impuissance, qui s’imbriquent les unes les autres. Ma méthode, empruntée à Hippocrate, consiste à chercher la cause des causes, à remonter à la racine du problème. Quand j’étudie les raisons de notre faiblesse par rapport aux abus de pouvoir, de proche en proche, j’aboutis à tous les coups à la même chose : la Constitution. La Constitution est en effet l’outil génial que les hommes ont inventé pour affaiblir les pouvoirs. Or, qui écritaujourd’hui la Constitution ? Des parlementaires, des professionnels de la politique, des ministres, des juges… Autrement dit, ceux-là mêmes qui vont exercer le pouvoir et qui devraient craindre les lois institutionnelles. Et il ne s’agit pas là d’un accident isolé, mais d’une règle générale : dans tous les pays du monde et à toutes les époques, ce sont les hommes au pouvoir qui dictent les règles du pouvoir — même si ces règles sont désormais souvent votées par les peuples, ce qui montre au passage qu’il est assez facile de convaincre le peuple d’accepter lui-même sa propre impuissance. C’est le grand paradoxe des constitutions : originellement pensées comme le moyen de protéger les citoyens contre les abus de pouvoir, elles donnent aujourd’hui une légitimité aux abus de pouvoir ! Voilà la cause des causes de nos problèmes. Malheureusement, les humains, qui restent à ce stade des enfants, ne mesurent pas l’importance du processus constituant. S’il est aussi stratégique qu’un tel processus soit désintéressé, c’est pour éviter très prioritairement les conflits d’intérêts. Pour cela, il faut radicalement séparer le pouvoir constituant des pouvoirs constitués. C’est là que le tirage sort s’impose comme solution : en raisonnant a contrario, on peut dire que, mécaniquement, n’importe qui fera mieux pour l’intérêt général qu’une personne qui a un intérêt personnel à défendre contre l’intérêt général.
Seule manière de récupérer la démocratie à ceux qui l’ont confisquée ?
Ils ne l’ont pas tant confisquée qu’empêchée d’advenir. La non-démocratie est écrite par des personnes qui ont un intérêt personnel à ce qu’il n’y ait pas de démocratie. Nos régimes sont délibérément et sciemment pensés et voulus comme des non-démocraties. La plupart des pères fondateurs de nos régimes parlementaires étaient des notables pleins de méfiance à l’encontre du peuple. Ils ont institué des gouvernements représentatifs qu’ils ont, plus tard, fallacieusement étiqueté du nom de « démocratie ». Mais c’est une escroquerie qui ne fonctionne qu’auprès des naïfs. C’est pourquoi je fais la grève du mot « démocratie ». Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on s’est fait berner pendant deux cents ans que cela va durer éternellement. J’ai bon espoir que nous nous passions le mot entre nous et que nous transformions en virus démocratique le principe du tirage au sort, seul antidote durable contre la confiscation du pouvoir par une oligarchie.
Mais vous l’avez dit, il y a quelque chose d’imparable dans la mécanique électorale, c’est le consentement : le peuple consent à sa propre domination…
C’est le mécanisme même de toute escroquerie. Les escrocs sont toujours des gens très séduisants, jamais des affreux qui font peur aux enfants. Ils nous piègent en nous flattant et en détournant la puissance libératrice de notre volonté : « puisque vous votez, vous êtes le souverain », nous disent-ils. Et c’est vrai qu’au niveau individuel, l’exercice de notre volonté nous permet souvent d’améliorer notre sort, à la condition qu’elle ne soit pas biaisée par des escrocs (c’est le point essentiel). Notre erreur est de croire que notre volonté, qui fonctionne bien au niveau individuel, va pareillement fonctionner au niveau collectif, alors qu’à ce niveau, apparaissent des raisons puissantes de circonvenir la volonté générale, des mobiles de crimes . De l’utilité souvent confirmée de notre volonté individuelle, nous déduisons fautivement qu’il en sera de même au niveau collectif. C’est une erreur. Au niveau collectif apparaissent des trompeurs d’opinion et l’élection donne une prise à ces voleurs de pouvoir.Le plus riche pourra financer les campagnes électorales et faire élire son candidat qui, du coup, sera son débiteur et mènera les politiques qui lui sont favorables. Le tirage au sort écarte cette mécanique corruptrice de l’élection en ne donnant aucune place à la volonté. C’est la loi des grands nombres (incorruptible par construction) qui décide, et non plus une volonté susceptible d’être trompée.
Mais on vous rétorquera que le sort est arbitraire ?
Impartial, plutôt. Le projet démocratique consiste à ne déléguer que très peu de pouvoir aux représentants. Ce que le tirage au sort permet. Il ne cherche pas à rendre l’humanité parfaite, il veut au contraire s’adapter à son imperfection, en en tirant les conséquences logiques : puisque nous sommes imparfaits, ne donnons jamais la totalité des pouvoirs à quelques-uns. Donnons un tout petit peu de pouvoir, à un grand nombre de personnes, pour très peu de temps, et jamais deux fois de suite. Le tirage au sort emporte avec lui la rotation des charges (des mandats courts et non-renouvelables) et le contrôle systématique des représentants. L’expression « démocratie indirecte » est un oxymore, une contradiction dans les termes. La démocratie est directe ou elle n’est pas. Certes, nous avons besoin de représentants, mais pas pour voter les lois : seulement pour les exécuter, les interpréter et les préparer. Ces représentants doivent être tirés au sort pour qu’ils restent nos serviteurs et qu’ils ne deviennent jamais nos maîtres. Les dérives corporatistes qui viennent toujours avec la professionnalisation des fonctions de représentation sont profondément anti-démocratiques. Les démocrates dignes de ce nom tiennent prioritairement à l’amateurisme politique.
Que répondez-vous aux deux objections les plus couramment formulées contre le tirage au sort, à savoir la dimension technique des problèmes, beaucoup plus complexe aujourd’hui, et le changement d’échelle : les citoyens ne se chiffrent plus en dizaines de milliers comme à Athènes, mais en dizaines de millions, sinon en centaines ?
La compétence d’un représentant fraîchement élu n’est pas innée. Il va devoir trancher sur une profusion de sujets, juridiques, techniques, scientifiques, etc. Il va acquérir sa compétence chemin faisant. Ce n’est pas un surhomme omniscient. C’est son travail qui va le rendre compétent. Toutes les expériences d’assemblées citoyennes démontrent que des personnes distinguées par le hasard se transforment, s’investissent, se responsabilisent et choisissent finalement les bonnes solutions, y compris sur des sujets complexes. Voyez comment les parlementaires européens, soi-disant si compétents, votent les lois : savez-vous qu’ils ont à leurs pieds une sorte de grande cantine dans laquelle sont classés tous les dossiers du jour ? Ces dossiers sont si nombreux, si complexes, si ardus, qu’il est impossible de seulement les lire à temps. Chaque dossier comporte donc un numéro et une consigne de vote fournie par le parti. Le député moderne n’est donc alors qu’un automate et l’argument de sa nécessaire compétence paraît bien surfait.
Et l’objection de la taille ?
Elle ne tient pas non plus. Raisonnons à partir de la cellule de base démocratique, qui n’est ni le continent, ni le pays, ni la région, mais la commune, la démocratie ne s’imposant pas par le haut, mais par le bas. A cet égard, rien n’a changé depuis les Grecs, la cellule de base pour nos démocraties reste la même. Au niveau communal, les gens se côtoient et se connaissent. Ils peuvent se surveiller mutuellement. Au niveau plus large, la démocratie s’organise autour de communes libres gérées dans le cadre d’une fédération. Les exemples fédératifs ne manquent pas (États-Unis, Suisse, Allemagne, etc.). Il n’est pas exagéré de dire qu’ils fonctionnent très bien, à cette réserve près qu’ils utilisent tous, à la base, une procédure aristocratique : l’élection. C’est cette procédure qu’il faut changer. Comment ? En la remplaçant par la seule procédure démocratique qui soit : le tirage au sort. Les citoyens de chaque commune décideront alors librement des sujets qu’ils sont en mesure de traiter eux-mêmes, directement, et ils délégueront les autres au niveau fédéral, selon le principe de la subsidiarité, qui veut que l’on ne doit pas faire à un échelon plus élevé ce qui peut l’être avec plus d’efficacité à un échelon plus petit.
Que pensez-vous des (rares) expériences de tirage au sort ?
Elles sont toutes enthousiasmantes, car elles montrent toutes que l’homme normal n’est pas bête mais astucieux et avisé. Tant que ce sera des hommes de parti et des élus qui parleront de démocratie participative, les choses n’avanceront pas. Les professionnels de la politique n’accoucheront jamais de la vraie démocratie, non parce qu’ils sont mauvais en eux-mêmes, mais parce qu’ils sont en conflits d’intérêts. Le conflit d’intérêts est la clé de compréhension de notre impuissance politique. Les constituants ne doivent plus être en conflits d’intérêts. Le jour où nous serons des millions à dire qu’on ne veut plus d’hommes de pouvoir dans les assemblées constituantes, mais seulement des gens normaux et désintéressés, alors tout changera.
Propos recueillis par François Bousquet.
À visiter :
https://old.chouard.org/Europe/
Source : revue Nexus, n°78 janvier-février 2012.
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