[Le management, science de l’oppression] « Les nazis, pionniers du management » (Johann Chapoutot, signalé par Mediapart et reçu par France Culture)

18/01/2020 | 11 commentaires

Voi­ci un livre bien inté­res­sant, de Johann Cha­pou­tot (« Libres d’o­béir », Gal­li­mard 2020), que je rap­proche à la fois du tra­vail de Supiot (« La gou­ver­nance par les nombres », Fayard 2015, et « Qu’est-ce qu’un régime de tra­vail réel­le­ment humain », Her­man 2018) pour dénon­cer les méfaits cri­mi­nels du mana­ge­ment (pri­vé et public), et du tra­vail d’Al­fred Wahl (« La seconde his­toire du nazisme dans l’Al­le­magne fédé­rale depuis 1945 », Armand Colin 2006) et de celui d’An­nie Lacroix-Riz (« La non-épu­ra­tion en France », Armand Colin 2019) pour dénon­cer la non-déna­zi­fi­ca­tion de la socié­té après la deuxième guerre mon­diale. Pour amé­lio­rer le contrôle total de la socié­té et des tra­vailleurs, les nazis ont déve­lop­pé, pen­dant la guerre et depuis la guerre, le mana­ge­ment par objec­tifs (et autres tech­niques d’as­ser­vis­se­ment pré­ten­du­ment « libérales ») :

Les nazis, pionniers du management

par Joseph Confa­vreux (Media­part)

Source : Media­part, https://​www​.media​part​.fr/​j​o​u​r​n​a​l​/​c​u​l​t​u​r​e​-​i​d​e​e​s​/​1​7​0​1​2​0​/​l​e​s​-​n​a​z​i​s​-​p​i​o​n​n​i​e​r​s​-​d​u​-​m​a​n​a​g​e​m​e​n​t​?​o​n​g​l​e​t​=​f​ull 
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Dans son der­nier livre, l’historien Johann Cha­pou­tot montre com­ment la réflexion sur la conduite des hommes a été au cœur de la machine nazie, avant de trou­ver une recon­ver­sion mana­gé­riale dans la RFA d’après guerre. « Para­doxa­le­ment », note-t-il, des idéo­logues du IIIReich ont déve­lop­pé « une concep­tion du tra­vail non auto­ri­taire, où l’employé et l’ouvrier consentent à leur sort et approuvent leur acti­vi­té ».

Libres d’obéir. Le mana­ge­ment, du nazisme à aujourd’hui. Ouvrir un livre por­tant un tel titre pour­rait faire lever immé­dia­te­ment des soup­çons de point God­win, s’il n’était pas signé de l’historien Johann Cha­pou­tot, grand spé­cia­liste du nazisme. Les com­pa­rai­sons entre la période hit­lé­rienne et les vio­lences capi­ta­listes ont en effet été nom­breuses, et sou­vent périlleuses et biai­sées, notam­ment depuis la paru­tion deSouf­frances en France, du psy­chiatre et socio­logue Chris­tophe Dejours qui fai­sait appel à la notion de « bana­li­té du mal », for­gée par Han­nah Arendt lors du pro­cès du nazi Adolf Eich­mann, pour décrire les injus­tices sociales et pro­fes­sion­nelles contemporaines.

 © Gallimard

Cha­pou­tot pré­cise d’emblée que son « pro­pos n’est ni essen­tia­liste ni généa­lo­gique : il ne s’agit pas de dire que le mana­ge­ment a des ori­gines nazies – c’est faux, il lui pré­existe de quelques décen­nies – ni qu’il est une acti­vi­té cri­mi­nelle par essence ». Tout le tra­vail de l’historien, qui avait notam­ment dres­sé une sai­sis­sante carte de l’univers men­tal des nazis, tend à mon­trer que ces der­niers ne peuvent être réduits à des fous, des bar­bares ou des incar­na­tions du mal radi­cal, puisque, « en fai­sant d’eux des étran­gers à notre com­mune huma­ni­té, nous nous exo­né­rons de toute réflexion sur l’homme, l’Europe, la moder­ni­té, l’Occident, en somme, sur tous ces lieux que les cri­mi­nels nazis habitent, dont ils par­ti­cipent et que nous avons en com­mun avec eux », ain­si qu’il l’écrivait dans La Loi du sang.

Mais alors qu’il s’intéressait en prio­ri­té à l’amont de la machine nazie, Cha­pou­tot s’intéresse dans ce livre-ci à l’aval, à par­tir du constat que cer­taines méthodes et concepts de la conduite des hommes for­gés pen­dant la période hit­lé­rienne lui ont sur­vé­cu tout en se trans­for­mant. « Le mana­ge­ment a une his­toire qui com­mence bien avant le nazisme, mais cette his­toire s’est pour­sui­vie et la réflexion s’est enri­chie durant les douze ans du IIIReich, moment mana­gé­rial, mais aus­si matrice de la théo­rie et de la pra­tique du mana­ge­ment pour l’après-guerre », explique l’historien.

De ce fait, la « concep­tion nazie du mana­ge­ment a eu des pro­lon­ge­ments et une pos­té­ri­té après 1945 », en plein « miracle éco­no­mique » alle­mand et « d’anciens hauts res­pon­sables de la SS en ont été des théo­ri­ciens, mais aus­si des pra­ti­ciens heu­reux, réus­sis­sant une recon­ver­sion aus­si spec­ta­cu­laire que rémunératrice ».

En effet, pour­suit le cher­cheur, les fonc­tion­naires du IIIe Reich « ont beau­coup réflé­chi aux ques­tions mana­gé­riales, car l’entreprise nazie fai­sait face à des besoins gigan­tesques en termes de mobi­li­sa­tion et d’organisation du tra­vail ». Une ques­tion cen­trale pour l’hitlérisme était notam­ment de savoir com­ment gérer un ter­ri­toire en expan­sion, et la seule réponse pos­sible consis­tait alors à pou­voir faire mieux avec moins. Ce qui a conduit cer­tains idéo­logues du Reich à éla­bo­rer « para­doxa­le­ment une concep­tion du tra­vail non auto­ri­taire, où l’employé et l’ouvrier consentent à leur sort et approuvent leur activité ».

Autre para­doxe appa­rent, cette réflexion se décline au sein d’une hos­ti­li­té forte envers l’État. Alors que l’idée com­mune assi­mile tota­li­ta­risme et État tota­li­taire, l’historien rap­pelle que, pour de nom­breux juristes nazis, l’État était à la fois inutile et funeste, incar­nant ce droit romain qui avait mis fin à la liber­té des Ger­mains des ori­gines, orga­ni­sés en tri­bus et obéis­sant à des lois natu­relles. « À notre grand éton­ne­ment, les nazis se révèlent des anti-éta­tistes convain­cus », écrit ain­si le chercheur.

Cette nou­velle orga­ni­sa­tion du tra­vail et des hommes, ou Men­schenfüh­rung, pen­sée comme fluide et proac­tive, est cen­sée se dis­tin­guer de l’administration (Ver­wal­tung) consi­dé­rée comme trop romaine et fran­çaise. Pour les nazis, la Ver­wal­tung appar­tient à l’âge révo­lu des États prin­ciers et des indi­vi­dus sou­mis à une règle qu’ils n’ont pas déci­dée et à l’héritage déplo­rable de l’Empire romain tardif.

Un tel tra­vail sur la « direc­tion des hommes » est indis­so­ciable « d’une ambi­tion et d’une obses­sion : mettre fin à la “lutte des classes” par l’unité de race et par le tra­vail com­mun au pro­fit de l’Allemagne et de la Volks­ge­mein­schaft (« Com­mu­nau­té du peuple ») ». Pour les nazis, l’idée que le groupe humain est une socié­té com­po­sée d’individus et tra­ver­sée par des conflits de classe est une aber­ra­tion due aux révo­lu­tion­naires fran­çais et au marxisme…

Au cœur de ce dis­po­si­tif théo­rique et pra­tique se trouve la notion de gou­ver­ne­ment par la mis­sion, qui pose un objec­tif déci­dé en haut lieu, mais en lais­sant toute lati­tude et ini­tia­tive aux subor­don­nés sur les moyens à employer pour y par­ve­nir. Cette liber­té très orien­tée ne donne ain­si que la « liber­té d’obéir », qui donne son titre à l’ouvrage du cher­cheur. Ain­si, « la liber­té ger­ma­nique, vieux topo eth­no­na­tio­na­liste, se décline donc éga­le­ment dans et par la liber­té du fonc­tion­naire et de l’administrateur en géné­ral : liber­té d’obéir aux ordres reçus et d’accomplir à tout prix la mis­sion confiée ».

Lais­ser l’initiative des moyens, et non des fins, sup­pose une sim­pli­fi­ca­tion admi­nis­tra­tive, qui trouve son abou­tis­se­ment dans le « décret de sim­pli­fi­ca­tion de l’administration » pris par le Füh­rer le 28 août 1939 pour deman­der à ses fonc­tion­naires une « acti­vi­té sans relâche » libé­rée de « toutes les inhi­bi­tions bureaucratiques ».

Pour obte­nir le consen­te­ment des Alle­mands à par­ti­ci­per de toutes leurs forces à l’entreprise nazie, leur conten­te­ment est une dimen­sion essen­tielle, car les diri­geants du Reich sont conscients que le ren­sei­gne­ment et la répres­sion ne suf­fisent pas. « Il faut plus, et bien plus, pour impli­quer et moti­ver une popu­la­tion à tra­vailler, puis à com­battre et à tuer », écrit Chapoutot.

 © La Découverte

La consom­ma­tion répan­due et encou­ra­gée de métham­phé­ta­mines dans toute la popu­la­tion, y com­pris sous forme de confi­se­ries, décrite par le jour­na­liste Nor­man Ohler dans L’Extase totale. Le IIIe Reich, les Alle­mands et la drogue (La Décou­verte) consti­tuait un pre­mier aspect impor­tant de cette mobi­li­sa­tion des corps et des esprits en vue d’une entre­prise criminelle.Dans le domaine éco­no­mique, cela exi­geait un mana­ge­ment qui gra­ti­fie et pro­mette, pour moti­ver et créer une com­mu­nau­té pro­duc­tive. Celle-ci pas­sait notam­ment par l’organisation Kraft Durch Freude, la « Force par la Joie », que « l’on peut défi­nir comme un immense comi­té d’entreprise à l’échelle du Reich tout entier » et qui avait pour mis­sion de rendre le lieu de tra­vail agréable et le tra­vailleur heu­reux, en lui offrant des loi­sirs répa­ra­teurs – notam­ment des croi­sières – pour qu’il soit d’autant plus pro­duc­tif et motivé.

« L’heure n’est pas encore aux baby-foot, aux cours de yoga ni aux chief hap­pi­ness offi­cers, écrit Cha­pou­tot, mais le prin­cipe et l’esprit sont bien les mêmes. Le bien-être, sinon la joie, étant des fac­teurs de per­for­mance et des condi­tions d’une pro­duc­ti­vi­té opti­male, il est indis­pen­sable d’y veiller. »

Cette nou­velle manière de pen­ser la conduite des hommes et du tra­vail ne vaut – est-il néces­saire de le pré­ci­ser ? – que pour la com­mu­nau­té ger­ma­nique, car pour les 15 mil­lions de tra­vailleurs étran­gers aux­quels il est fait appel – tra­vailleurs de l’Est et déte­nus des camps – « aucun mana­ge­ment et nul ména­ge­ment : c’est la seule contrainte, dou­blée d’une répres­sion féroce, qui pré­vaut pour les étran­gers à la com­mu­nau­té », écrit l’historien.

« Josef Mengele du droit »

Si les réflexions sur l’organisation du tra­vail et l’optimisation des fac­teurs de pro­duc­tion ont été nom­breuses et intenses sous le IIIe Reich, c’est parce qu’elles répon­daient à des ques­tions urgentes, mais aus­si « parce que se trou­vait en Alle­magne une élite de jeunes uni­ver­si­taires qui alliaient volon­tiers savoir et action, réflexion savante et technocratie ».

 © Gallimard

Par­mi eux, Cha­pou­tot se consacre en par­ti­cu­lier à la figure de Rein­hard Höhn, juriste dont la tra­jec­toire consti­tue l’armature de son livre. Ce « Josef Men­gele du droit » était un tra­vailleur achar­né, ayant notam­ment diri­gé la publi­ca­tion de la revue Reich, Volk­sord­nung, Lebens­raum, lieu de réflexion cen­tral de cette nou­velle orga­ni­sa­tion de la conduite des hommes. Ce pro­té­gé de Himm­ler fit toute sa car­rière dans la SS, finis­sant au grade de géné­ral (Oberfüh­rer). Le plus sai­sis­sant dans son par­cours n’est tou­te­fois pas celui qu’il eut durant le IIIeReich, mais après 1945.En dépit de son grade très éle­vé dans la SS, Höhn n’eut en effet pas à fuir sur un autre conti­nent, mais réus­sit sa recon­ver­sion dans la RFA démo­cra­tique, en adap­tant ses théo­ries au mana­ge­ment de l’après-guerre, « en renon­çant à son ani­mo­si­té envers les sous-hommes, les allo­gènes et les Juifs, mais en gar­dant l’idée que la vie est une guerre et qu’il est oppor­tun d’aller cher­cher chez les pen­seurs de l’armée alle­mande les méthodes et les recettes d’une orga­ni­sa­tion effi­ciente et performante ».

Dès 1953, il dirige en effet la Socié­té alle­mande d’économie poli­tique, qui décide de créer une école de com­merce pour les cadres de l’économie alle­mande sur le modèle de la Har­vard Busi­ness School qui doit être répli­quée en Alle­magne comme elle l’a été en France avec la créa­tion de l’INSEAD en 1957. Höhn n’est d’ailleurs pas le seul à avoir mis ses com­pé­tences for­gées pen­dant la Seconde Guerre mon­diale au ser­vice des démo­cra­ties d’après guerre. Si l’on sait que Mau­rice Papon devint pré­fet, en poste à Paris pen­dant la mani­fes­ta­tion du 17 octobre 1961 pen­dant laquelle des dizaines d’Algériens furent jetés dans la Seine, on sait moins qu’il rédi­gea un essai de mana­ge­ment inti­tu­lé L’Ère des res­pon­sables, avant de deve­nir pré­sident de Sud-Avia­tion, la future Aérospatiale.

De l’autre côté du Rhin, Rein­hard Höhn prit donc la direc­tion de l’académie des cadres de Bad Harz­burg (Aka­de­mie für Füh­rung­skraft) fon­dée en 1956 en Basse-Saxe. Elle accueille­ra des cen­taines de mil­liers de cadres, pri­vés mais aus­si publics ou mili­taires de la RFA, en for­ma­tion conti­nue pour la plu­part. Par­mi les ensei­gnants, on trouve aus­si un ancien col­lègue de la SS, Franz Alfred Six, qui y enseigne le mar­ke­ting. On y repère aus­si un méde­cin nazi « fana­tique d’eugénisme », le pro­fes­seur Köt­schau, qui pro­digue« désor­mais des conseils dié­té­tiques et ergo­no­miques à des cadres épui­sés », constate Chapoutot.

Höhn, pas­sion­né d’histoire mili­taire, s’y inté­resse à l’art de la guerre éco­no­mique, et pense pou­voir appli­quer la méthode mili­taire de l’Auf­trag­stak­tik au champ mana­gé­rial. Cette « tac­tique par la mis­sion », for­gée par les réno­va­teurs de l’armée prus­sienne au début du XIXe siècle, après la défaite de 1806 face à Napo­léon, a, pour lui, lar­ge­ment contri­bué aux vic­toires de l’armée prus­sienne contre les Fran­çais (1813−1815), les révo­lu­tion­naires alle­mands (1849), les Autri­chiens (1866) et les Fran­çais encore (1870−1871).

Dans cette tac­tique, pour l’officier de ter­rain, il ne s’agit pas de « déci­der qu’il faut prendre telle col­line ou atteindre tel point, ou de répu­dier cet objec­tif comme par­fai­te­ment absurde. Son unique liber­té est de trou­ver par lui-même, de manière auto­nome, la façon de la prendre ou de l’atteindre ».

Le mana­ge­ment des entre­prises ou des admi­nis­tra­tions pen­sé par Höhn fonc­tionne sur le même prin­cipe : « la liber­té d’obéir, l’obligation de réus­sir ». Le juriste et géné­ral nazi recon­ver­ti a renon­cé à son racisme, mais pas à ses intui­tions sur la façon dont la socié­té et le tra­vail doivent être orga­ni­sés. « De manière tout à fait oppor­tune, sou­ligne Cha­pou­tot, les concep­tions du com­man­de­ment et du mana­ge­ment déve­lop­pées par Höhn et ses col­lègues dès les années 1930 se révé­laient éton­nam­ment congruentes à l’esprit des temps nouveaux. »

Ce « mana­ge­ment par délé­ga­tion de res­pon­sa­bi­li­té », cette méthode dite de Bad Harz­burg, a ain­si fait la fier­té de la RFA pen­dant des décen­nies, explique le cher­cheur. En effet, à l’âge de la mas­si­fi­ca­tion démo­cra­tique, tout le monde vou­lait être consi­dé­ré, non comme un subor­don­né, mais comme un col­la­bo­ra­teur. Höhn devient ain­si le théo­ri­cien prin­ci­pal d’un « mana­ge­ment non auto­ri­taire, para­doxe appa­rent pour un ancien SS mais appa­rent seule­ment, pour celui qui vou­lait rompre avec l’État abso­lu­tiste, voire avec l’État tout court, et faire adve­nir la liber­té d’initiative de l’agent et des agences », qui n’est que la liber­té des moyens et pas celle des fins.

Cette méthode pos­sède le grand avan­tage, du point de vue de Höhn et des cadres qu’il forme, de per­mettre de délé­guer la res­pon­sa­bi­li­té tout en gar­dant le contrôle. Elle repose en effet, écrit l’historien « sur un men­songe fon­da­men­tal en fai­sant dévier l’employé ou le subor­don­né d’une liber­té pro­mise vers une alié­na­tion cer­taine pour le plus grand confort de la Füh­rung, de cette “direc­tion” qui ne porte plus elle seule la res­pon­sa­bi­li­té de l’échec poten­tiel ou effectif ».

En trans­po­sant un modèle mili­taire à l’économie pri­vée, la méthode de Höhn,« hié­rar­chique sans être auto­ri­taire », offrait aux col­la­bo­ra­teurs la jouis­sance d’une liber­té amé­na­gée. Sa doc­trine fit rapi­de­ment office de caté­chisme offi­ciel dans les armées, les entre­prises, les admi­nis­tra­tions de la RFA, accueillant avec faveur, un mana­ge­ment, écrit Cha­pou­tot, « par­fai­te­ment com­pa­tible avec elle : l’ordo-libéralisme se vou­lait une liber­té enca­drée, visant à inté­grer des masses par la par­ti­ci­pa­tion et la coges­tion, pour évi­ter la lutte des classes et le glis­se­ment vers le bolchévisme ».

 © Rowohlt

À par­tir du début des années 1970, la méthode de Bad Harz­burg entre tou­te­fois en déclin, après la révé­la­tion du pas­sé nazi de son théo­ri­cien prin­ci­pal, mais aus­si parce qu’elle finit par être per­çue comme un mana­ge­ment trop lourd et peu maniable, avec ses 315 règles d’application défi­nis­sant notam­ment les normes de com­mu­ni­ca­tion entre les employés et leurs chefs. Elle perd du ter­rain au pro­fit du « mana­ge­ment par objec­tifs », une ver­sion allé­gée et plus libé­rale des intui­tions de Höhn, dont l’académie perd alors du ter­rain et du pres­tige. Cette « méthode » ne tom­ba pour autant pas tota­le­ment en désué­tude, puisqu’un livre récent Aldi au rabais. Un ancien mana­ger déballe tout, rap­pelle que le groupe de super­mar­chés avait lar­ge­ment fon­dé son mana­ge­ment, jusqu’aujourd’hui, sur les prin­cipes et pra­tiques déve­lop­pés par Rein­hard Höhn, d’abord sous le nazisme, ensuite à l’académie de Bad Harzburg.

Source : Media­part, https://​www​.media​part​.fr/​j​o​u​r​n​a​l​/​c​u​l​t​u​r​e​-​i​d​e​e​s​/​1​7​0​1​2​0​/​l​e​s​-​n​a​z​i​s​-​p​i​o​n​n​i​e​r​s​-​d​u​-​m​a​n​a​g​e​m​e​n​t​?​o​n​g​l​e​t​=​f​ull 
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Les influences nazies du management moderne

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11 Commentaires

  1. alainr

    Les livres du psy­chiatre et socio­logue Chris­tophe Dejours (évo­qué au début) sont excellents.

    Réponse
  2. etienne

    Johann Chapoutot sur France culture : Les influences nazies du management moderne [et du New Public Management, et de la théorie de l’agence (avec un projet, un budget, une mission), et de la pulvérisation de l’État, et de la gouvernance militaire par la terreur, et autres techniques soi-disant « libérales »]

    https://​you​tu​.be/​0​4​L​T​2​G​U​M​pgs

    « libé­ral » = par­ti­san d’une socié­té de tra­vailleurs libres d’o­béir (aux « libéraux »)

    Les réso­nances de ce tra­vail his­to­rique avec le tra­vail (fon­da­men­tal) d’A­lain Supiot sont infi­nies (et pas­sion­nantes). Ne ratez pas Alain Supiot :
    https://​www​.chouard​.org/​2​0​1​9​/​1​2​/​1​8​/​a​l​a​i​n​-​s​u​p​i​o​t​-​i​m​m​e​n​s​e​-​p​e​n​s​e​u​r​-​d​u​-​t​r​a​v​a​i​l​-​d​u​-​d​r​o​i​t​-​d​u​-​t​r​a​v​a​i​l​-​e​t​-​p​l​u​s​-​l​a​r​g​e​m​e​n​t​-​d​e​-​l​e​t​a​t​-​d​e​-​d​r​o​i​t​-​a​v​e​c​-​d​e​s​-​c​r​i​t​i​q​u​e​s​-​p​e​n​e​t​r​a​n​t​e​s​-​e​t​-​e​t​o​n​n​a​m​m​e​n​t​-​p​a​r​a​l​l​e​l​e​s​-​d​e​s​-​s​c​i​e​n​t​i​s​m​e​s​-​d​e​-​t​y​p​e​-​r​e​l​i​g​i​e​u​x​-​q​ue/

    Réponse
    • Jacques

      Mer­ci Etienne de nous avoir signa­lé cet entre­tien très édi­fiant (Johann Cha­pou­tot à France Culture).

      Réponse
  3. joss

    Eux-mêmes influen­cés par des Américains…taylorisme, for­disme dans l’or­ga­ni­sa­tion scien­ti­fique du tra­vail. Hen­ry Ford avait finan­cé et équi­pé le par­ti nazi. Hit­ler véné­rait Ford, il avait même une pho­to de lui sur son mur.

    Réponse
  4. zedav

    Bon­jour Étienne,
    Je viens de vision­ner une émis­sion de Paris Pre­mière « Zemour et Naul­leau » qui invi­tait Juan Branco.
    Bran­co vous qua­li­fie de mou­vance d’ex­trême droite…oui, Juan Branco !
    Sur le pla­teau, acquies­ce­ment silen­cieux et général.
    Grande tristesse…

    Réponse
    • joss

      à la 1:16:00, du n’im­porte quoi.
      Juan Bran­co, le neo BHL avec le cha­risme en moins 🙂

      Réponse
  5. Adrien Bonnet

    Mon­sieur Chouard, voi­là un Argu­men­tum Ad Hit­le­rum assez lamen­table de votre part, sou­te­nu par une vidéo d’une qua­li­té déplo­rable. L’in­com­pé­tence crasse de ce mon­sieur Cha­pou­tot est avé­rée ; il ignore visi­ble­ment presque tout de la théo­rie des orga­ni­sa­tion et – plus grave encore – il est ignare en matière de culture ger­ma­nique. Il émet une contre-véri­té à chaque phrase qu’il pro­nonce. Le jour­na­liste, fidèle à l’é­thique de sa pro­fes­sion, est en des­sous de tout.

    Vous ne pour­rez jamais émettre un dis­cours ration­nel en ten­tant de dis­qua­li­fier un sujet par asso­cia­tion avec le nazisme, car tout ce qui est pré­ten­du­ment spé­ci­fique au nazisme pré­exis­tait en fait dans toutes les socié­tés d’a­vant-guerre et a même été exploi­té après-guerre par les vainqueurs.

    Le nazisme, en tant que repré­sen­ta­tion toté­mique du mal abso­lu dans le mythe moderne, sert d’a­li­bi aux vices contem­po­rains : puisque le mal se doit d’être spé­ci­fique au nazisme, nous en sommes donc pré­mu­nis. Le nazisme, comme tous les sym­boles du mal abso­lu, est un blanc-seing don­né à tous les tor­tion­naires de la Terre : ce qu’ils font, par défi­ni­tion, ne sera jamais aus­si ter­rible que l’hor­reur nazie.

    Je suis très déçu de vous voir faire au « mana­ge­ment moderne » ce que Le Média vous a fait. Les esprits faibles, cen­sés rédi­ger une consti­tu­tion, seront sans doute séduits et ras­su­rés. Mais aux yeux des autres, vous n’en sor­ti­rez pas grandi.

    Je ne me sens pas l’éner­gie de remettre d’a­plomb tout ce fatras d’i­nep­ties, d’au­tant plus quand on sait que vous consi­dé­rez comme démo­cra­tique et exem­plaire un sys­tème poli­tique consis­tant en une dic­ta­tures des 1% les plus riches choi­sis par­mi les 10% ayant le mono­pole de la pro­prié­té. Oui, la démo­cra­tie athé­nienne était dans les faits une oli­gar­chie capi­ta­liste extrê­me­ment inéga­li­taire. « Demos » en grec ancien ne signi­fie pas du tout « peuple » ! Ce sens, tar­dif, s’est impo­sé à la faveur de l’hel­lé­nisme fan­tas­mé de la Renais­sance. C’est en fait un terme déno­tant une sub­di­vi­sion du ter­ri­toire habi­té et exploi­té, englo­bant ceux qui y étaient atta­chés. Autre­ment dit, la « demo­kra­tia » est le pou­voir des pro­prié­taires fon­ciers, qu’on appe­lait « sei­gneurs » dans nos contrées. La démo­cra­tie athé­nienne n’é­tait qu’une bête féo­da­li­té. Vous n’a­vez même pas remar­qué cela…

    Réponse
    • joss

      Il y a eu des échelles hié­rar­chiques de domi­nance de tout temps. Le nazisme a appor­té sa part de contri­bu­tion dans les moyens d’as­ser­vir un peuple. Bien enten­du il a été influen­cé par ses pré­dé­ces­seurs et ses idéo­logues. Cela ne remet pas en cause leurs apports en matière d’or­ga­ni­sa­tion scien­ti­fique du tra­vail. C’est ce qu’il faut retenir.

      Sur la démo­cra­tie athé­nienne, il faut rete­nir le pro­ces­sus de fonc­tion­ne­ment des ins­ti­tu­tions, de dési­gna­tion des membres, des moyens de contrôle, des pro­tec­tions contre la cor­rup­tion, des modes de déci­sion. C’est ce qu’il faut gar­der d’é­man­ci­pa­teur pour notre socié­té. Evi­dem­ment il ne faut abso­lu­ment pas s’ins­pi­rer du sta­tut des femmes de l’é­poque, ni du fait qu’ils pen­saient que le soleil tour­nait autour de la terre comme tous les astres, ni de leur esprit guer­rier. Il faut savoir sépa­rer le bon grain de l’i­vraie, comme dans toutes les époques.

      L’ob­jec­tif d’un fonc­tion­ne­ment sain d’une socié­té est de faire coin­ci­der les inté­rêts indi­vi­duels de ses membres avec l’in­té­rêt géné­ral de son tout. L’être humain est doté de la com­mu­ni­ca­tion, l’ex­pé­rience ancienne ou nou­velle nous per­met de s’améliorer.

      Réponse
  6. Renaud

    Étant assez proche de l’a­vis de Joss, j’a­jou­te­rais que après l’é­cra­se­ment du nazisme poli­tique par les Alliés, ces der­niers se sont crus per­mis de pra­ti­quer des déci­sions et des choix mâti­nés de nazisme, on en parle encore de nos jours. D’autre part, l’ « Europe » serait une conti­nua­tion capi­ta­lis­tique de l’Urss.
    Autre chose, l’An­gle­terre de la 2ème moi­tié du 17ème siècle fut le pays où naquit la démo­cra­tie dite ‘moderne’, notre modèle(?). Mais l’An­gle­terre se consti­tuait alors son immense empire colo­nial (qui allait atteindre 33 mil­lions de kms2, l’empire colo­nial fran­çais, seule­ment 11 mil­lions de kms2) ain­si, l’on peut dire que l’An­gle­terre put se payer la démo­cra­tie en fai­sant suer le burnous.
    Le monde est bien « équi­li­bré », il y a tou­jours des « sou­tiers » quelque part qui doivent tri­mer pour les démo­cra­ties des autres… John Per­kins est un de ceux qui, à la jonc­tion des 20ème et 21ème siècles décrivent dans le détail cette « pièce » tou­jours man­quante de ceux qui ne peuvent qu’o­béir et subir pour survivre.

    Réponse
  7. joss

    Le der­nier dis­cours de Farage au par­le­ment euro­péen (mémo­rable):
    https://​you​tu​.be/​L​I​g​m​f​p​H​B​iDw

    -« vous êtes très fort pour faire revo­ter les gens » (consti­tu­tion 2005)
    -« nous ado­rons l’Eu­rope, nous haïs­sons juste l’U­nion Européenne »
    -« je sais que vous allez ban­nir notre dra­peau national…nous sommes impa­tients de tra­vailler avec vous comme pays souverain…-son coupé– »
    ‑à la min 4, on leur demande de reti­rer le dra­peau britannique.

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