[Bouleversant, poignant, révoltant] « Gilets jaunes », « lycéens » ou simples « passants » : LA VIE D’APRÈS DES ÉBORGNÉS

7/04/2019 | 5 commentaires

AFP, Guillaume Dau­din, Sami Acef, Rémi Banet, Fran­çois D’As­tier, Fred Bour­geais, Jacky Fong, Cla­ra Mori­neau le Jeu­di 4 avril 2019

https://​fac​tuel​.afp​.com/​g​j​e​b​o​r​g​nes

Des vies « gâchées », de l’in­com­pré­hen­sion ou de la colère : pen­dant deux mois, l’AFP a recueilli le témoi­gnage de 14 « gilets jaunes » mais aus­si de « pas­sants » ou « lycéens » griè­ve­ment bles­sés à l’oeil au cours des mani­fes­ta­tions des der­niers mois, au coeur des accu­sa­tions de vio­lences contre les forces de l’ordre.

A l’ins­tar de Jérôme Rodrigues, l’une des têtes d’af­fiche des « gilets jaunes », les regards muti­lés de Vanes­sa, Patrick ou Alexandre ont été éri­gés en sym­bole des « vio­lences poli­cières ». 23 per­sonnes ont affir­mé avoir per­du leur oeil depuis novembre, selon les recen­se­ments faits par le jour­na­liste indé­pen­dant David Dufresne et son pro­jet « Allô place Beau­vau ? » ou par le col­lec­tif mili­tant « Désarmons-les ».

L’AFP a pu obte­nir le témoi­gnage de 14 de ces ébor­gnés, tan­dis que 9 ont décli­né ‑leurs noms sont gri­sés dans notre tableau réca­pi­tu­la­tif, au bas de cette info­gra­phie- (cli­quez sur les noms en bleu pour en savoir plus).

Ils sont 21 hommes et 2 femmes, âgés de 14 à 59 ans, bles­sés à Paris, Bor­deaux, Tou­louse, La Réunion… Sou­vent, ce sont des « gilets jaunes » reven­di­qués, par­fois des « lycéens » ou de simple « pas­sants », contes­tant tout lien avec le mouvement.
Beau­coup rendent le lan­ceur de balles de défense (LBD) res­pon­sable de leur bles­sure, mais cer­tains pointent aus­si du doigt les gre­nades GLI-F4, celles de désen­cer­cle­ment, les « DMP », voire des gre­nades lacrymogènes.

Jeu­di 4 avril, le ministre de l’In­té­rieur Chris­tophe Cas­ta­ner a indi­qué sur France 2 que « s’il y a eu des fautes, il y aura des sanc­tions », ne concé­dant que des « fautes mar­gi­nales » des forces de l’ordre, dont il a défen­du l’action.

La plu­part ont un diag­nos­tic net concer­nant l’un de leurs yeux : pour 14 d’entre eux, selon les cer­ti­fi­cats médi­caux consul­tés par l’AFP, la vue est per­due et/ou l’oeil n’est plus. Deux pro­nos­tics sont en évo­lu­tion péjo­ra­tive, vers la céci­té. Dans au moins un cas, enfin, la bles­sure est moins visible, l’oeil tou­jours pré­sent, mais seules quelques formes apparaissent.
Si cer­tains essaient de don­ner un sens à cet évé­ne­ment, comme Patrice, 49 ans, qui y voit un « pas­se­port pour un com­bat contre les armes dites non létales », ils sont nom­breux à broyer du noir, pour cer­tains pros­trés chez eux ou vivant comme des « taupes », dans le noir. « J’au­rais pré­fé­ré prendre dix ans de pri­son », se désole Alexandre. L’un a même affir­mé à l’AFP avoir fait une ten­ta­tive de suicide.

Deux options pour décou­vrir ces témoignages :
– En vidéos, sur notre chaîne YouTube.
– En info­gra­phie inter­ac­tive, ci-dessous.

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David BREIDENSTEIN :
40 ans, bles­sé à Paris le 16 mars

Je suis par­ti de Troyes en train, avec une qua­ran­taine de Troyens. On est des­cen­du à la gare de l’Est, on est mon­té jus­qu’à place de l’E­toile. C’é­tait au moins la sep­tième fois que je venais à Paris [depuis le début du mou­ve­ment, ndlr]. Je suis « gilet jaune » depuis le début.

On est remon­té vers l’E­toile, ça a com­men­cé à char­ger, du coup on est redes­cen­du avec une paire de gilets jaunes. Là ça com­men­çait à gazer un peu, ils ont tiré des gre­nades pour dis­per­ser un peu tout le monde, du coup on s’est écar­té. J’é­tais en train de mar­cher, j’ai tour­né la tête et j’ai pris le tir. On a l’impression de rece­voir un gros par­paing dans la tête, tel­le­ment la force elle est monu­men­tale. C’est énorme, ça m’a cou­ché, ça m’a fou­tu par terre. J’avais juste mon gilet jaune, mon sac à dos, ma clope et c’est tout. J’étais une cible, je mar­chais tran­quille­ment, je cou­rais pas, j’étais fatigué.

Je bosse dans une usine de forge, je fais tout ce qui est pièces d’Airbus, et tout. Je suis scieur, au débi­tage acier. On fait des pièces, il y a des réglages à faire sur les machines, il y a plein de contrôles à faire. Donc sans mon œil je ne sais pas com­ment ça va se pas­ser. Là je suis chez moi, je suis enfer­mé avec les volets fer­més tel­le­ment ça fatigue l’autre œil. Dès qu’il y a un peu de soleil, ou le reflet de la télé, ça me fait mal aux yeux, ça me fatigue. Du coup je redors par­fois une petite heure pour repo­ser un peu les yeux mais c’est très très fatigant ●

David Brei­den­stein a dépo­sé plainte

“On a l’impression de rece­voir un gros par­paing dans la tête“

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Franck DIDRON :
20 ans, bles­sé à Paris le 1er décembre

Aujourd’­hui on reven­dique beau­coup de choses dif­fé­rentes, et c’est une bonne chose, parce que des gens rejoignent le mou­ve­ment pour dif­fé­rents motifs, mais quand j’ai com­men­cé à mani­fes­ter c’é­tait pour des rai­sons de pou­voir d’a­chat. Les fins de mois pour moi c’é­tait la merde (sic), j’a­vais beau­coup trop de mal à les finir.

Quand j’ai appris que ce mou­ve­ment exis­tait j’ai fon­cé pour aller mani­fes­ter. C’é­tait la toute pre­mière fois que j’al­lais mani­fes­ter pour ce mou­ve­ment [le 1er décembre, ndlr].

J’é­tais dans un groupe de mani­fes­tants paci­fiques. On était encer­clé de CRS. Mon télé­phone a son­né, c’é­tait ma mère qui m’ap­pe­lait pour me deman­der des nou­velles parce qu’elle voyait à la télé que le cli­mat était anor­mal. Je ras­su­rais ma mère. Des gilets jaunes m’ont dit « atten­tion les CRS chargent », je regarde à droite, à gauche, et au moment où je tourne ma tête pour regar­der der­rière je reçois une balle de LBD 40.

Depuis que j’ai été bles­sé je me demande pour­quoi il m’a tiré des­sus ce CRS. Où était l’acte de vio­lence ? J’ai­me­rais bien que ce CRS se mani­feste, qu’il vienne devant moi, et que droit dans les yeux il me dise pour­quoi il m’a tiré des­sus. Parce que là il a gâché ma vie.

Le plus com­pli­qué, c’est d’ap­pré­cier les dis­tances, quand tu te sers un verre d’eau. Il faut tout réap­prendre. Moi j’é­tais pay­sa­giste, depuis trois ans dans une entre­prise. J’in­ter­ve­nais prin­ci­pa­le­ment chez des per­sonnes âgées, mais depuis j’ai beau­coup de mal à retrou­ver du bou­lot…. Je ne pense pas qu’un patron va reprendre un ouvrier comme moi avec un œil en moins. Il ne va pas pas prendre le risque de mettre un autre ouvrier en dan­ger. Pour retrou­ver du tra­vail ça va être super compliqué ●

Franck Didron a dépo­sé plainte, et a été audi­tion­né par l’IGPN selon son avocat.

“Il a gâché ma vie“

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Alexandre FREY :
37 ans, bles­sé à Paris le 8 décembre

J’ai un enfant et je me demande ce que va deve­nir la France. Elle part mal, les gens crèvent de faim. La misère, je la vois tous les jours quand je viens tra­vailler à Paris, c’est effroyable. Je vou­lais crier ma colère, me battre pour que mon fils et ceux de mes proches aient un ave­nir. C’é­tait ma deuxième mani­fes­ta­tion à Paris. Paris c’est la capi­tale, c’est sym­bo­lique, c’é­tait impor­tant d’y mani­fes­ter. Je ne suis pas lea­der, mais je n’ai pas peur de mani­fes­ter, donc j’é­tais sou­vent en pre­mière ligne, ils ont dû me prendre pour un leader.

On est par­tis pour les Champs vers 10 heures. Dès qu’on a fran­chi la Seine, j’ai com­pris que ce n’é­tait pas une mani­fes­ta­tion comme les autres. C’é­tait blo­qué de tous les côtés, comme une sou­ri­cière. Ca tirait de par­tout, ça cra­mait, c’é­tait la guerre. (…) A un moment don­né, mon ami est tou­ché à la jambe. Je le récon­forte, je le mets sur le côté. On nous met encore en joue. Là je la prends dans l’œil, elle m’ex­plose l’œil, l’or­bite, la rétine, tout. Je ne tombe pas, mais mes amis me disent ‘t’as plus d’œil, t’as plus d’œil !’.

Ce jour-là ils ont tout confon­du, ils ont eu plus peur que nous j’ai l’im­pres­sion. J’ai pas cas­sé de vitrine, pas tapé un flic, mais même si j’a­vais cas­sé une vitrine j’au­rais pas méri­té ça.

J’ai 37 ans, ma vie est gâchée. J’au­rais pré­fé­ré prendre dix ans de pri­son. On peut me don­ner toutes les indem­ni­tés du monde, on m’a pris une par­tie de moi, ce qui m’est arri­vé est mar­qué sur mon visage.

J’es­père que je pour­rai retra­vailler. Je fais de la régie, dans le milieu il faut bien pré­sen­ter. Il faut que je m’a­dapte à ma nou­velle vie : mar­cher c’est plus la même chose, conduire ou aller à la pis­cine j’y pense même plus.

J’en veux même pas aux flics (…) J’en veux juste à ces poli­ti­ciens, qui donnent des ordres effroyables.

Je suis tou­jours gilet jaune. Ces gens sur les ronds-points sont incroyables. J’ai des petites vieilles qui me donnent 10 euros en me disant « tiens, pour t’ai­der » alors qu’elles gagnent 600 € par mois ●

Alexandre Frey a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“J’au­rais pré­fé­ré prendre dix ans de prison“

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Patrick GALLIAND :
59 ans, bles­sé à Paris le 24 novembre

On s’é­tait ren­du avec quelques amis à cette mani­fes­ta­tion parce qu’on avait esti­mé que c’é­tait impor­tant d’ex­pri­mer notre mécontentement.

La mani­fes­ta­tion était bon enfant, ça chan­tait ça braillait… rien de spé­cial et puis d’un seul coup, des gaz lacry­mo­gènes nous sont arri­vés des­sus… Puis des charges de police. N’ayant pas l’in­ten­tion de ren­trer dans ce genre d’événements avec bagarres, on s’est mis avec notre groupe d’a­mis dans une rue paral­lèle pour être plus au calme. On s’est mis en retrait et puis à un moment on a enten­du ‘Ils chargent ! Ils chargent !’. Et là j’ai enten­du une très forte déto­na­tion et j’ai eu un choc à la tête, à l’œil. J’a­vais l’œil en sang.

D’a­bord c’est la stu­pé­fac­tion. On ne com­prend pas. Puis très vite c’est de la colère. Contre les poli­tiques, les poli­ciers. J’ai la chance d’a­voir été très sou­te­nu par mon employeur, mes amis et ma famille. Tout le monde ne l’a pas (…). (Dans mon tra­vail), je suis ame­né à mon­ter sur des toi­tures, sur des machines : il y a un risque que je ne voie pas un endroit où je pose le pied (…). Si je bri­cole main­te­nant, je mets sys­té­ma­ti­que­ment mes lunettes de sécu­ri­té parce que s’il arrive quoi que ce soit à mon autre œil, c’est fini, je suis aveugle.

Aller à la mani­fes­ta­tion des bles­sés était impor­tant pour témoi­gner mais y aller m’a deman­dé un effort énorme. Des gens fai­saient péter des pétards. Chaque déto­na­tion, pour moi, c’é­tait un vent de panique ●

Patrick Gal­liand a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“Une par­tie de mes plai­sirs s’en va “

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Vanes­sa LANGARD :
34 ans, bles­sée à Paris le 15 décembre

Je m’oc­cupe de ma grand-mère, je suis son auxi­liaire de vie, elle vit ici, avec moi, dans cet appar­te­ment. Il n’y a rien pour elle. Quand on vit seule, on peut pas vivre. Les retraites, c’est le 1er motif pour lequel je mani­fes­tais. L’E­tat me paie 380€, c’est ma famille qui me paie un com­plé­ment de salaire. Macron a par­lé des fai­néants, mais le 19 décembre, moi, j’a­vais un 2e tra­vail qui allait com­men­cer dans les écoles, en plus de celui de déco­ra­trice sur verre. Je ne pense pas que j’é­tais une fai­néante. Main­te­nant, ce n’est plus pos­sible. Je ne mani­fes­tais qua­si­ment jamais : quand j’a­vais 16 ans, oui, j’a­vais mani­fes­té contre Le Pen…

Après les images des week-ends pré­cé­dents, la prio­ri­té était de faire atten­tion. Contrai­re­ment aux autres manifs c’é­tait très calme, j’é­tais éton­née (…). On tombe sur une barre de CRS. On fait demi-tour, on marche. Des poli­ciers en civil arrivent, ils tirent. Je me fais impac­ter. Ma meilleure amie entend « pouh ! pouh ! ». Elle tourne la tête, un truc noir tombe par terre. « C’est pas de la lacry­mo », se dit-elle…Pour moi, plein de choses se sont effacées.

Mais des images que j’ai vues, je suis à terre, le crâne écla­té, on voit l’os. Mon amie est trau­ma­ti­sée, elle m’a cru morte. Quatre per­sonnes qui font demi-tour en se pre­nant la main pour pas se perdre, je ne pense pas qu’on était dan­ge­reux. A ce moment-là, il n’y avait ni menaces, ni cris, ni per­sonnes qui jetaient de choses.

J’ai eu deux inter­ven­tions à l’hô­pi­tal : pour l’hé­mor­ra­gie cra­nienne, puis pour me poser trois plaques de métal. C’est en sor­tant que ça a été beau­coup plus com­pli­qué. Mon œil ne peut pas être opé­ré, il ne se répa­re­ra jamais. C’est tou­ché à l’in­té­rieur : j’ai des trous au niveau du nerf optique.

L’han­di­cap de mon han­di­cap c’est qu’il ne se voit pas. J’ai des maux de tête, de la fatigue, les gens ne vont pas com­prendre que je sois KO parce que j’ai une appa­rence nor­male. J’ai l’im­pres­sion de ne plus être moi-même.

Je pre­nais soin de moi-même, j’a­do­rais me maquiller, m’ap­prê­ter, main­te­nant je ne peux plus. Ma vie désor­mais c’est un com­bat au quo­ti­dien. J’ai un an de réédu­ca­tion devant moi : mon visage et sur­tout le cer­veau. Je ne retiens plus du tout. Les connexions ne se font plus ●

Vanes­sa Lan­gard a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“J’ai l’im­pres­sion de ne plus être moi-même“

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Gwen­dal LEROY :
27 ans, bles­sé à Rennes le 19 janvier

Le mou­ve­ment des gilets jaunes c’est quelque chose d’his­to­rique : dans la rue, dans un cor­tège de mani­fes­ta­tion un same­di on voit de tout. Des chô­meurs, des sala­riés, des retrai­tés, des gens de tous corps, de tous métiers. Tout le monde est dans la rue, il n’y a pas d’his­toire de syn­di­cats, c’est vrai­ment citoyen. Oui, c’est vrai­ment quelque chose d’his­to­rique. (Quand) il y a une loi qui passe ou autre qui attaque un cer­tain métier, (comme) les rou­tiers, per­sonne ne vient en aide à chaque fois à telle ou telle classe de métier qui se fait atta­quer. Du coup, à chaque fois les lois passent. Si par exemple une loi mau­vaise passe vis-à-vis des infir­mières, il fau­drait que tout le monde aille dans la rue, et là je peux vous dire les lois ne pas­se­raient pas. Mais les gens ne sentent plus concernés.

(Ça) m’est arri­vé, je crois rue du Maré­chal Joffre. On avait vrai­ment déci­dé de par­tir, il était 18 heures et quelque, on avait deux heures de route. Et en remon­tant la rue, arri­vés au niveau des arrêts de bus, j’ai enten­du une gre­nade atter­rir à mes pieds. On entend le bruit, donc for­cé­ment (on se dit) : ‘qu’est-ce que c’est ?’, on se retourne et donc là j’ai vu un flash, une explo­sion, vio­lente. Tout de suite j’ai sen­ti quelque chose qui m’a per­cu­té le visage. Je n’es­ti­mais pas encore avoir per­du l’u­sage de (mon) oeil.

A l’hô­pi­tal, quel­qu’un s’est appro­ché de moi. Il a sou­le­vé la pau­pière de l’oeil gauche et, c’est là que j’ai com­pris que c’é­tait grave, parce qu’il a appe­lé, enfin il a hur­lé « on le prend en charge tout de suite ! ».

Je ne sais même pas si j’ai encore accep­té en fait, c’est ça le truc. Je ne sais pas si j’ai pris plei­ne­ment conscience, que cela va être défi­ni­tif et à vie.

Il y a des prises de conscience tem­po­raires. Il y a des moment où on est assis sur une chaise et là pen­dant 10–15 secondes on va être plus lucide, on va se dire « ah ouais, j’ai per­du un oeil. Et c’est à ces moments-là pré­ci­sé­ment que soit ça passe mora­le­ment, soit psy­cho­lo­gi­que­ment, (sinon) la jour­née elle est dans les chaussettes.

J’é­tais cariste. Je ne sais pas si c’est pos­sible encore de conduire un cha­riot élé­va­teur. Et puis, il y a la par­tie « com­ment trou­ver un tra­vail » : quel employeur vou­drait d’une entre guille­mets « per­sonne qui n’au­rait qu’un oeil » alors qu’il y a énor­mé­ment de per­sonnes sur le mar­ché (qui ont) deux yeux ●

Gwen­dal Leroy a dépo­sé plainte

“Je ne sais pas si j’ai pris plei­ne­ment conscience, que cela va être défi­ni­tif et à vie“

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Fio­ri­na LIGNIER :
20 ans, bles­sée à Paris le 8 décembre

Je n’a­vais jamais mani­fes­té de ma vie, je ne suis pas inves­tie en poli­tique. Au départ, je pen­sais que le pré­sident Macron allait réagir mais pas du tout, il a fait le sourd. Ce sont des pro­blèmes qui touchent tout le monde et si per­sonne ne bouge, ça ne chan­ge­ra pas. Donc j’ai vou­lu y aller moi-même pour por­ter la parole des « gilets jaunes ». Certes ça ne touche pas les jeunes mais ça nous tou­che­ra dans cinq ans. On est la 6e puis­sance éco­no­mique mon­diale et nos retrai­tés sont obli­gés de retra­vailler, c’est aber­rant ! La veille de l’Acte 4, on a donc déci­dé d’al­ler à Paris avec Jacob (son petit-ami depuis deux ans, NDLR)

Vers 14H00, des cas­seurs com­mencent à s’at­ta­quer aux bou­tiques. Nous sommes tout en haut des Champs au milieu d’une bonne cen­taine de « gilets jaunes » très calmes. Il n’y a pas de cas­seurs par­mi nous, per­sonne n’a le visage mas­qué ni l’air violent. Avec Jacob, nous ne por­tons pas de gilet jaune : les maga­sins étaient en rup­ture de stock. Des gen­darmes mobiles nous empêchent de recu­ler. Les poli­ciers chargent et à ce moment-là je reçois une gre­nade. Je res­sens une décharge dans tout le corps. J’ai un trou noir de quelques secondes. Je subis une pre­mière opé­ra­tion d’ur­gence pour resu­tu­rer l’oeil. Je suis ensuite hos­pi­ta­li­sée pen­dant 16 jours à La Sal­pê­trière où j’ai subi une deuxième opé­ra­tion pour restruc­tu­rer la face. On me dit tout de suite que j’ai per­du l’u­sage de mon œil.

On va m’en­le­ver l’œil car j’ai des dou­leurs quand il bouge. Je dors énor­mé­ment. Je ne peux pas res­ter trop debout, ma tête tourne encore beau­coup. Les douches, c’est com­pli­qué. Mon muscle pour ouvrir la pau­pière ne fonc­tionne plus, il a été sec­tion­né, mais à des moments l’œil s’ouvre et je n’ar­rive pas à le refer­mer (…) Je n’ar­rive plus à lire. C’est plus du tout la même vie, c’est tout au ralen­ti. Même le ménage j’ai du mal : je range 10 minutes et je suis essouf­flée. C’est très rare que les volets soient ouverts, je vis comme une taupe. J’ai des sen­sa­tions fantômes.

La cagnotte (de 50.000 euros, ndlr), je trouve ça énorme. Autant de soli­da­ri­té ! J’ai du mal à réa­li­ser parce que je suis étu­diante donc 50.000 euros … c’est un pactole ●

Fio­ri­na Lignier a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“Je vis comme une taupe“

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Jean-Marc MICHAUD :
41 ans, bles­sé à Bor­deaux le 8 décembre

On était là paci­fi­que­ment, pas en agres­seurs. Si j’a­vais vou­lu aller « taper » du CRS, j’y serais allé avec 50 potes, pas avec ma petite femme (…). Merde ! On a quand même a le droit de gueu­ler, on n’en veut plus de cette France poli­ti­carde qui s’en met plein les poches, qui ne pense qu’aux riches.

Mes pre­mières mani­fes­ta­tions ça ne crai­gnait pas, c’é­tait à Roche­fort, il y a 75% de retrai­tés. Comme cela fai­sait un mois que je n’a­vais pas vu ma femme, (aller mani­fes­ter) c’é­tait l’oc­ca­sion de pas­ser un petit moment ensemble et de s’a­mu­ser car c’é­tait très festif.

Vers 16h30/17H00 ça a com­men­cé à déné­gé­rer, les pre­mières lacry­mo et gre­nades. (…) Il y a une charge de « baqueux » qui nous allument. On part, on se cache der­rière un mur, je pousse ma femme et moi je me mets (les mains) en l’air (il mime le geste, ndlr) et là ils m’ont abat­tu comme un chien, à 56 mètres, 7 mètres maxi­mum (…). Je me suis réveillé le dimanche soir à l’ho­pî­tal, en chambre sté­rile, bran­ché de par­tout. (…) Puis j’ai vu ma femme entrer, en com­bi­nai­son (…). J’en ai pleuré.

Pour l’ins­tant il n’y a pas de futur, il n’y a que le pré­sent. Et je pense que toutes les vic­times sont comme ça.

Phy­si­que­ment je me sens bien, je suis com­ba­tif. Par contre, mora­le­ment j’ai des fai­blesses. La perte d’un oeil, c’est quelque chose de très dur.

J’é­tais très spor­tif, je fai­sais du kayak en mer, j’al­lais pêcher… Il y a beau­coup de choses que je ne peux plus faire. J’é­tais hor­ti­cul­teur. Der­niè­re­ment, je taillais les vignes chez un viti­cul­teur mais je ne peux plus car je n’ai plus la 3D.

Je n’ar­rive plus à prendre ma femme dans mes bras. Je n’ar­rive même pas à me regar­der dans une glace, je ne me suis pas rasé depuis. Je ne me recon­nais pas. Quand j’ar­ri­ve­rai à m’ac­cep­ter, alors j’ac­cep­te­rai les câlins de ma femme ●

L’IGPN a été saisie

“Quand j’ar­ri­ve­rai à m’ac­cep­ter, alors j’ac­cep­te­rai les câlins de ma femme“

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Patrice PHILIPPE :
49 ans, bles­sé à Paris le 8 décembre

J’é­tais à Paris le 8 décembre 2018. Paris c’est sym­bo­lique, c’est la capi­tale, je me suis dit que j’al­lais appor­ter un peu plus de jaune sur les Champs-Ely­sées. C’é­tait ma pre­mière mani­fes­ta­tion. Je suis par­ti la fleur au fusil. Une chose impor­tante : mon père est un ancien gen­darme mobile. Je ne mon­tais à Paris pas pour péter du flic.Le matin, c’é­tait bon enfant.

A 11h00, je prends un pre­mier tir de LBD dans le poi­gnet (…). Cela mon­tait cres­cen­do dans la vio­lence, des gilets jaunes com­men­çaient à des­cel­ler des pavés sur les Champs-Elysées (…).

A un moment, je veux sor­tir. Je me rends compte que c’est impos­sible (…). Ce phé­no­mène de nasse, de tout fer­mer, moi j’ap­pelle ça du tir au pigeon (…). Sur un mou­ve­ment de recul des gilets jaunes, je m’a­vance sans signe d’a­gres­sion. Je vou­lais aller dis­cu­ter avec un gen­darme pour qu’il me laisse sor­tir (…) et là une défla­gra­tion, une gre­nade qui m’as­sour­dit, qui me déso­riente, et quelques secondes plus tard le tir de LBD dans l’œil. Je titube (…). Le pre­mier gilet jaune qui me voit, quand je vois son visage hor­ri­fié, je me dis que je ne suis pas bien, je fais quelques pas et je tombe.

J’ai la « chance » de gar­der mon œil intact (dans sa forme) mais il y a eu des­truc­tion de la rétine (…) et der­rière du nerf optique. Je ne ver­rai plus de cet œil (…).

Mon métier de chauf­feur rou­tier c’é­tait une pas­sion, ça fai­sait 25 ans, j’é­tais arri­vé au sum­mum de la pro­fes­sion : je fai­sais du convoi excep­tion­nel (…). J’ai une fille de 14 ans, je ne veux pas me lais­ser glis­ser sur un ter­rain dépres­sif, je me dois d’être debout (…). Je n’ai pas envie de finir dans (une struc­ture spé­cia­li­sée) en train d’en­fi­ler des pieds de chaises.

Que peut faire un borgne ? (…) Même si le mou­ve­ment s’é­puise je serai encore là (..). Ils m’ont don­né le pas­se­port pour un com­bat bien plus impor­tant à mes yeux (sou­rire), contre les armes dites non létales ●

Patrice Phi­lippe a dépo­sé plainte, l’IG­GN a été saisie

“Que peut faire un borgne ?“

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Cédric POSE :
34 ans, bles­sé à La Pos­ses­sion le 27 novembre

J’é­tais pas mani­fes­tant, j’é­tais pour les gilets jaunes, je les sou­te­nais. Ce jour-là j’é­tais à la mai­son en train de faire la cui­sine pour des amis gilets jaunes.

Je suis sor­ti de la mai­son pour appe­ler pour venir man­ger, j’ai eu un coup dans l’oeil par les forces de l’ordre. J’é­tais pas trop loin d’eux, on m’a visé, et des amis ont confir­mé que c’é­tait des forces de l’ordre qui ont tiré sur moi.

L’oeil gauche, j’ai per­du la vue com­plè­te­ment, j’ai plus de vision et à par­tir de main­te­nant, je peux plus faire grand-chose. L’oeil droit, la vision baisse.

J’es­saie de sur­mon­ter petit à petit car comme vous voyez là, j’ai ma petite mai­son, je suis seul. Pour le moment je ne peux plus tra­vailler. Vu que je ne peux plus faire grand-chose, pour moi c’est pas facile, dans la vie en ce moment. De temps en temps, mes amis passent me voir pour prendre des nou­velles. Vu que je suis bles­sé, j’ai plus vrai­ment le temps d’être avec eux ●

Cédric Pose a dépo­sé plainte, aucune enquête n’a été ouverte

“J’ai ma petite mai­son, je suis seul, je cherche à sur­mon­ter ça“

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Ninef RADJAH :
36 ans, bles­sé à Tou­lon le 12 janvier

Ninef Rad­jah était à Tou­lon pour un ren­dez-vous qui a été annu­lé. Il a donc pas­sé l’a­près-midi « à traî­ner, dis­cu­ter avec des amis », explique-t-il, mais assure ne pas être « gilet jaune » et ne pas avoir par­ti­ci­pé à la mani­fes­ta­tion. Vers 18H00, il était sur l’a­ve­nue de la Répu­blique, une rue qui longe la rade de Tou­lon fer­mée à la cir­cu­la­tion en rai­son de la mani­fes­ta­tion, « une bou­teille à la main en train de boire, de pro­fi­ter de la vie ».

La mani­fes­ta­tion s’a­chève, quelques « gilets jaunes » res­tent sur l’a­ve­nue alors que la nuit com­mence à tom­ber. Ninef « regarde ce qui se passe et ne se sent pas concer­né par les forces de l’ordre qui sont sur place », pour­suit son avo­cat. « Les forces de l’ordre, sans rai­son, se mettent à char­ger », selon le récit qu’a fait Ninef Rad­jah à son avo­cat, Me Capo­ros­si. « Il a un moment d’hé­si­ta­tion, ne com­prend pas trop ce qui se passe », quand il se retrouve bles­sé, rap­porte encore Me Capo­ros­si. « J’ai vu des hommes en noir char­ger, j’ai lâché ma bou­teille, j’ai cou­ru après avoir sen­ti quelque chose à la tête », décrit pour sa part Ninef Rad­jah quand il est inter­ro­gé sur le moment pré­cis de sa blessure.

Aujourd’­hui, il se bat « pour ne pas tom­ber dans la dépres­sion ». « Il a mal à la tête, dort 17 heures par jour », assurent Cyn­thia Cazor­la, un témoin, et son avocat ●

Ninef Rad­jah a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“J’é­tais une bou­teille à la main en train de boire, de pro­fi­ter de la vie“

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Jérôme RODRIGUES :
39 ans, bles­sé à Paris le 26 janvier

Moi, j’é­tais sor­ti dans la rue pour essayer de faire com­prendre à ce gou­ver­ne­ment qu’il est impor­tant qu’au­jourd’­hui, le peuple fran­çais puisse vivre digne­ment du salaire qu’il gagne, du tra­vail qu’il accom­plit – moi j’ai des valeurs de tra­vail, j’ai été éle­vé de cette manière-là -, et qu’il est regret­table qu’il ne l’en­tende pas. Un mou­ve­ment comme celui des « gilets jaunes », je l’at­ten­dais depuis des années. On aurait dû faire ça en 2008 pen­dant la crise des banques qu’on nous a deman­dé de ren­flouer (…). J’ai pas atten­du que Macron dise de tra­ver­ser la rue, j’ai tra­ver­sé la France pour trou­ver du bou­lot et ça marche pas.

Je vois une équipe de jaunes qui sont amis avec moi qui venaient jus­te­ment de se faire gazer. Je leur disais « par­tez d’ici les gars, allez pas vous bles­ser, allez pas perdre un œil ». Je vois une escouade de poli­ciers qui com­mence à se mettre un petit peu en action. Je sais que je ne les gêne pas à l’instant T, mais j’ai ce mou­ve­ment de recul. Je me dis « recule-toi, les mecs ils vont se mettre au bou­lot on va pas les déran­ger ». Et là, pata­tras, je me prends une gre­nade au niveau des pieds qui m’abrutit l’espace d’une seconde, et une à deux secondes après un énorme impact au niveau de l’œil suite au tir de LBD que j’ai subi.

Aujourd’­hui, qu’est-ce qui se passe ? Deux vies déglin­guées. La mienne. Et le poli­cier qui m’a tiré des­sus, il va lui arri­ver quoi à lui ? Il a peut-être une femme et des enfants. Alors il a res­pec­té un ordre, il est dans son bon droit, certes, mais peut-être qu’il a aus­si une vie détruite derrière.

Ça me dérange d’être un sym­bole. Je me bat­tais pour rem­plir le fri­go, le RIC (réfé­ren­dum d’i­ni­tia­tive citoyenne, ndlr) et la fin des pri­vi­lèges et je m’a­per­çois qu’au­jourd’­hui je vais devoir mener un nou­veau com­bat. J’ai pris conscience que ma voix a l’air d’a­voir de l’im­por­tance. Lorsque ça a com­men­cé, je m’é­tais sen­ti inves­ti d’une mis­sion en tant que témoin-acteur. Aujourd’­hui, j’ai une nou­velle res­pon­sa­bi­li­té qui m’in­combe, c’est d’es­sayer d’emmener le mou­ve­ment plus loin ●

Jérôme Rodrigues a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“Ça me dérange d’être un symbole“

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Rit­chie ALEXIS :
34 ans, bles­sé à Saint-Paul le 19 novembre

Habi­tant de Saint-Paul, Rit­chie Alexis a été sol­li­ci­té par un ami pour venir ren­con­trer des mani­fes­tants et « leur dire de se cal­mer pour que l’i­mage du quar­tier ne soit pas ter­nie », affirme son avo­cat Me Rémy Boni­face, du bar­reau de Saint-Denis à La Réunion. Cet homme de 34 ans, « res­pec­té par tous » et « connu pour son tem­pé­ra­ment calme » a ten­té d’a­pai­ser la situa­tion lors de ten­sions entre les forces de l’ordre et des jeunes dans le quar­tier de La Grande Fon­taine, détaille l’avocat.

Selon son avo­cat, Rit­chie Alexis, après avoir « cal­mé les esprits » une pre­mière fois dans la mati­née, est ren­tré chez lui pour déjeu­ner, puis a rejoint une nou­velle fois les mani­fes­tants « vers 16 heures ». La situa­tion est ten­due : « des jeunes ont dres­sé un bar­rage sur une route et font face aux forces de l’ordre ». Me Rémy Boni­face raconte que Rit­chie s’est alors diri­gé vers les mani­fes­tants « pour leur deman­der de se cal­mer ». « Alors qu’il n’y a eu aucune som­ma­tion de la part des forces de l’ordre, mon client entend une pre­mière déto­na­tion, puis une seconde, c’est à ce moment qu’il reçoit un pro­jec­tile dans l’oeil », assure le conseil.

« Il y a beau­coup de cha­grin et d’incompréhension. Il veut connaître la véri­té. Il n’est pas en colère, il admet que même des membres des forces de l’ordre peuvent se trom­per et avoir tiré sur lui par erreur, mais il veut que les auteurs recon­naissent leur erreur », explique son avocat ●

Rit­chie Alexis n’a pas encore dépo­sé plainte, aucune enquête n’a été ouverte

“Il veut que les auteurs recon­naissent leur erreur“
Son avocat

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J‑L :
17 ans, bles­sé à Béziers le 6 décembre

J., sor­tait de son éta­blis­se­ment sco­laire, où se dérou­laient des heurts entre lycéens, « gilets jaunes » et poli­ciers, selon son père. « Mon fils n’é­tait ni mani­fes­tant, ni gilet jaune », insiste-t-il auprès de l’AFP.

Lors de cette mani­fes­ta­tion, le jeune homme a été tou­ché à l’oeil gauche « sans aucun doute pos­sible » par un tir de LBD40, affirme son père. « Il sor­tait tout sim­ple­ment de son lycée », déplore-t-il.

Opé­ré le 14 décembre, le jeune homme a subi une recons­truc­tion faciale mais a per­du l’u­sage de son oeil gauche.

Son père, qui attend désor­mais que « jus­tice soit faite », avait lan­cé à la télé­vi­sion un appel à témoins. Il sou­haite que l’o­ri­gine de la bles­sure de son fils soit recon­nue et qu’il y ait une indemnisation ●

J. a dépo­sé plainte, l’IGPN a été saisie

“Il sor­tait tout sim­ple­ment de son lycée“
Son père

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Jacky SINEDIA :
58 ans, bles­sé à Saint-Louis le 27 novembre

Agent d’en­tre­tien à Saint-Louis, Jacky Siné­dia était en che­min pour la mai­son de sa grand-mère, assure-t-il à l’AFP. Il affirme éga­le­ment qu’il ne sou­tient pas les « gilets jaunes », « ne par­ti­ci­pait pas du tout à la mani­fes­ta­tion » et « n’a rien à voir » avec le mouvement.

« Il y avait des affron­te­ments entre les forces de l’ordre et les mani­fes­tants. Il y avait beau­coup de bruit, on enten­dait les explo­sions des gre­nades lacry­mo­gènes et des gre­nades assour­dis­santes, les gens criaient et cou­raient par­tout », raconte Jacky Sinédia.

Le père de famille de 58 ans prend « peur pour sa fille et son petit-fils », réfu­giés chez sa grand-mère, et sort de chez sa belle-mère pour ten­ter de les rejoindre. « J’é­tais à peine dans la rue que j’ai reçu un pro­jec­tile en plein dans mon oeil gauche, j’ai cru que j’al­lais mou­rir et puis il y a eu un trou noir », dit-il.

Depuis les évé­ne­ments, Jacky Siné­dia est en congé mala­die. Il explique être très atteint psy­cho­lo­gi­que­ment. « Tous les soirs, j’en­tends encore les cris des gens et les bruits des explo­sions ». Il ajoute : « je veux que cette affaire aille jus­qu’au bout, je ne suis pas un ani­mal sur qui on tire et qu’on enterre dans un coin. Je n’ai rien fait de mal, je n’ai agres­sé per­sonne, je veux répa­ra­tion pour avoir l’es­prit en paix, être clair dans ma tête » ●

Jacky Siné­dia a dépo­sé plainte, aucune enquête n’a été ouverte

“J’ai cru que j’al­lais mou­rir et puis il y a eu un trou noir“

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Oli­vier FOSTIER :
49 ans, bles­sé à Char­le­ville-Mézières le 23 mars

Je vais régu­liè­re­ment dans les mani­fes­ta­tions des gilets jaunes, sur­tout par refus de la poli­tique actuelle. On est régu­liè­re­ment en fin de cor­tège. C’est même la pre­mière fois de ma vie que je vais mani­fes­ter. Macron n’est peut-être pas res­pon­sable de tout, on ne lui demande même pas de don­ner tout, mais les gens veulent du tra­vail et vivre digne­ment de ce travail.

Je mar­chais tran­quille­ment, sans gilet jaune en plus. Une gre­nade arrive devant moi. Je me retourne pour me pro­té­ger des gaz, et là je reçois quelque chose. Une gre­nade ou un tir de LBD. C’est comme si on enfon­çait un burin dans l’oeil. Je me suis mis à genoux, je ne tenais plus debout. Les pom­piers sont arri­vés immé­dia­te­ment d’au­tant qu’il y avait eu un acci­dent de voi­ture tout près.

L’oeil est per­du. L’os en des­sous est frac­tu­ré. À terme, il y aura sans doute la pose d’une pro­thèse. Le moral ça va mais je com­mence à m’in­quié­ter parce que je me réveille plu­sieurs fois dans la nuit. J’ai vu un psy­cho­logue qui m’a dit que le contre­coup allait arri­ver plus tard.

Pour le tra­vail je ne sais pas, je suis atta­ché d’ex­ploi­ta­tion dans le milieu de la pro­pre­té (dans 4 dépar­te­ments du Grand Est, ndlr). Je me déplace énor­mé­ment, est-ce que cela va aller avec la conduite d’un véhi­cule ? Je suis aus­si très sou­vent devant un ordi­na­teur, je ne pense pas que cela soit sans conséquences ●

Oli­vier Fos­tier a dépo­sé plainte

Source : AFP,
https://​fac​tuel​.afp​.com/​g​j​e​b​o​r​g​nes

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5 Commentaires

  1. etienne

    Didier Maïs­to cite

    ‏Mikhaïl Bakou­nine : « La liber­té des autres étend la mienne à l’infini. » 

    Mon com­men­taire :

    AVANT de juger les anar­chistes, il faut LES LIRE (eux plu­tôt que les men­songes sur eux) : les anar­chistes, le plus sou­vent, sont des démo­crates, huma­nistes, géné­reux et réfléchis. 

    Lisez Kro­pot­kine, lisez Tol­stoï, lisez Prou­dhon, lisez Bel­le­gar­rigue… C’est mer­veilleux, c’est lumineux !

    Étienne.

    Réponse
  2. etienne

    Un adolescent de 14 ans perd un œil à la suite d’un tir de LBD


    https://​pla​ne​tes360​.fr/​u​n​-​a​d​o​l​e​s​c​e​n​t​-​d​e​-​1​4​-​a​n​s​-​p​e​r​d​-​u​n​-​o​e​i​l​-​a​-​l​a​-​s​u​i​t​e​-​d​u​n​-​t​i​r​-​d​e​-​l​bd/

    Incroyable pho­to, incroyable preuve…
    C’est en France, en 2019, sous le régime Macron…

    . Nous n’a­vons pas de constitution

    . parce que nous démis­sion­nons du pro­ces­sus constituant.

    DONC, nous pou­vons tout chan­ger, en appre­nant nous-mêmes à consti­tuer, per­son­nel­le­ment, prag­ma­ti­que­ment, dès maintenant.

    Sug­ges­tion d’a­te­lier consti­tuant popu­laire : ins­ti­tuer le contrôle popu­laire des forces armées.

    Réponse
  3. etienne

    « Gilets jaunes » : Geneviève Legay, militante blessée à Nice, affirme avoir reçu un « coup de matraque dans la tête »

    « Ce n’est pas la bous­cu­lade qui m’a fait tom­ber », assure lun­di à France Bleu Azur Gene­viève Legay, la mili­tante bles­sée à Nice en marge des « gilets jaunes ».

    [Pho­to] Gene­viève Legay, dans la mani­fes­ta­tion des \« gilets jaunes\ » à Nice, le 23 mars 2019. Gene­viève (VALERY HACHE / AFP)

    « Ils m’ont don­né un coup de matraque dans la tête », a décla­ré le 8 avril à France Bleu Azur Gene­viève Legay, la mili­tante bles­sée à Nice en marge des « gilets jaunes ». Cette der­nière a dépo­sé plainte par le biais de ses avo­cats Me Mireille Damia­no et Me Arié Ali­mi à Paris, contre le pré­fet des Alpes-Mari­times et contre les forces de l’ordre.

    « D’un coup, je me suis réveillée à l’hô­pi­tal Pasteur »

    La mili­tante de 72 ans est reve­nue sur cette mani­fes­ta­tion du 23 mars, à Nice, durant laquelle elle a été griè­ve­ment bles­sée à la tête : « J’é­tais des­cen­due pour la liber­té de mani­fes­ter, je n’a­vais pas vu que la place Gari­bal­di était dans l’arrêté d’in­ter­dic­tion, je n’ai pas bra­vé l’in­ter­dic­tion […] On leur a dit qu’on pour­rait être leur mère, leur grand-mère, qu’on se bat­tait aus­si pour eux, les petits gen­darmes. Tout allait bien c’é­tait joyeux on chan­tait, j’a­vais un dra­peau de la paix dans les mains », poursuit-elle.

    « Il nous ont deman­dé de rejoindre le groupe du café Turin, conti­nue Gene­viève Legay. Nous, on a dit oui et puis d’un coup je me suis réveillée à l’hôpital Pas­teur aux urgences. Ils m’ont don­né un coup de matraque dans la tête. Et ça, il faut qu’on arrive à le prou­ver parce que j’ai un trou der­rière la tête. » 

    Je pense que c’est ce coup de matraque qui m’a fait tom­ber. Si je m’é­tais pris les pieds dans les plots, comme ils disent, je me serais dit : merde ! Et j’au­rais fait un vol pla­né. On est conscient quand on fait un vol pla­né. Là, je ne me sou­viens de rien.

    La mili­tante d’At­tac n’ap­pré­cie pas la décla­ra­tion d’Em­ma­nuel Macron, qui lui avait sou­hai­té le 25 mars « un prompt réta­blis­se­ment et peut-être une forme de sagesse ». « Avant de don­ner des leçons aux autres, il ferait bien de regar­der ce qu’il fait, lui qui laisse per­du­rer un mou­ve­ment et des vio­lences depuis 20 semaines. De toute façon, il est contre le peuple, il ne com­prend rien au peuple. Il n’a pas de leçons à don­ner aux autres. »

    Fati­guée et encore fra­gi­li­sée, elle ne devrait pas sor­tir de l’hôpital de Cimiez, où elle est soi­gnée, avant encore plu­sieurs semaines.

    https://​www​.fran​cet​vin​fo​.fr/​e​c​o​n​o​m​i​e​/​t​r​a​n​s​p​o​r​t​s​/​g​i​l​e​t​s​-​j​a​u​n​e​s​/​g​i​l​e​t​s​-​j​a​u​n​e​s​-​g​e​n​e​v​i​e​v​e​-​l​e​g​a​y​-​m​i​l​i​t​a​n​t​e​-​b​l​e​s​s​e​e​-​a​-​n​i​c​e​-​a​f​f​i​r​m​e​-​a​v​o​i​r​-​r​e​c​u​-​u​n​-​c​o​u​p​-​d​e​-​m​a​t​r​a​q​u​e​-​d​a​n​s​-​l​a​-​t​e​t​e​_​3​2​7​1​3​4​5​.​h​tml

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