« L’ORDRE DE LA DETTE. Enquête sur les infortunes de l’État et la prospérité du marché », un LIVRE MAJEUR, de Benjamin Lemoine

23/03/2016 | 18 commentaires

Enfin ! Le livre de Ben­ja­min Lemoine est arrivé :

« L’ordre de la dette.
Enquête sur les infor­tunes de l’État et la pros­pé­ri­té du mar­ché »


http://​www​.edi​tions​la​de​cou​verte​.fr/​c​a​t​a​l​o​g​u​e​/​i​n​d​e​x​-​L​_​o​r​d​r​e​_​d​e​_​l​a​_​d​e​t​t​e​-​9​7​8​2​7​0​7​1​8​5​5​0​1​.​h​tml

Ce livre est abso­lu­ment pas­sion­nant, et déci­sif pour com­prendre la méthode, les acteurs et la chro­no­lo­gie de la tra­hi­son fon­da­men­tale du peuple par ses « repré­sen­tants », sabor­dage moné­taire qui a com­men­cé dans les années 60 (Pom­pi­dou + Giscard).

Extrait de la pré­face (d’André Orléan) :

[..] « Et son pre­mier résul­tat a de quoi faire réflé­chir : la dette publique de la France, telle que nous la connais­sons aujourd’­hui, à savoir sous la forme de titres négo­ciables que sous­crivent les mar­chés finan­ciers inter­na­tio­naux, est le résul­tat d’une volon­té déli­bé­rée, d’un choix politique !

En effet, nous explique Ben­ja­min Lemoine, pen­dant de très nom­breuses années, de l’a­près-guerre au début des années 1980, ce qu’on appelle la « dette négo­ciable », ou encore la dette de mar­ché, ne consti­tuait qu’aux envi­rons de 20 % du finan­ce­ment de l’É­tat. La plus grande par­tie du finan­ce­ment public était obte­nue via des méca­nismes régle­men­taires qui contrai­gnaient un ensemble d’ac­teurs éco­no­miques, selon diverses pro­cé­dures qu’on trou­ve­ra décrites dans le livre, à pla­cer leurs avoirs, pour par­tie ou pour tota­li­té, dans un compte au Tré­sor. Il s’en­sui­vait un flux per­ma­nent et auto­ma­tique de res­sources, dont une grande par­tie sous forme de dépôts, qui venaient ali­men­ter le Tré­sor et lui per­met­taient de faire face à ses res­pon­sa­bi­li­tés avec sécu­ri­té et à un coût que lui-même fixait. En consé­quence, durant cette période, le recours à l’emprunt, comme d’ailleurs les avances de la Banque de France n’ont joué qu’un rôle périphérique.

Jean-Yves Habe­rer, ins­pec­teur des finances et direc­teur du Tré­sor, qui sera un acteur cru­cial du déman­tè­le­ment de ce sys­tème, par­lait, pour décrire son fonc­tion­ne­ment, de « tous ces méca­nismes auto­ma­tiques qui fai­saient que le Tré­sor, sans bou­ger le petit doigt, était irri­gué de liqui­di­tés qui lui arri­vaient de tous les cir­cuits finan­ciers ». On ne sau­rait dire les choses plus clai­re­ment. La nou­velle doc­trine du Tré­sor cherche a contra­rio à faire de l’É­tat un « emprun­teur comme un autre » ; autre­ment dit, à lui faire perdre ses pré­ro­ga­tives et à en rem­pla­cer l’hé­gé­mo­nie par celle des mar­chés finan­ciers. Aujourd’­hui ce résul­tat est par­fai­te­ment atteint, comme cha­cun sait. Mais y par­ve­nir fut le résul­tat d’une évo­lu­tion longue et pro­gres­sive que Ben­ja­min Lemoine nous décrit avec précision.

Peut-être faut-il en situer le tout début à la fin des années 1950 lorsque Jacques Rueff, au nom de la lutte contre l’in­fla­tion, se fait le cri­tique acerbe du diri­gisme qui alors pré­vaut au sein de l’ap­pa­reil d’É­tat. Mais c’est avec l’ar­ri­vée de Valé­ry Gis­card d’Es­taing au minis­tère des Finances en 1962 que les trans­for­ma­tions ins­ti­tu­tion­nelles se mettent réel­le­ment en branle et que com­mence véri­ta­ble­ment le déman­tè­le­ment de ce qu’on nomme le « cir­cuit du Trésor ».

La vic­toire totale ne sera obte­nue qu’en 1985 avec les réformes finan­cières de Pierre Béré­go­voy qui par­achèvent l’œuvre de libé­ra­li­sa­tion pour­sui­vie avec constance depuis plus de vingt années. Désor­mais, l’É­tat dépend abso­lu­ment des mar­chés finan­ciers pour ce qui est de ses res­sources finan­cières. Ce sont eux qui fixent les condi­tions du finan­ce­ment public. Non seule­ment le taux de l’in­té­rêt mais éga­le­ment quelle poli­tique macroé­co­no­mique doit être sui­vie pour recueillir leur assentiment.

Il y a cer­tai­ne­ment un para­doxe fran­çais à obser­ver avec quelle opi­niâ­tre­té la haute fonc­tion publique du Tré­sor a lut­té contre les pou­voirs de l’É­tat ban­quier – qui était sa créa­tion et qui fai­sait sa puis­sance – pour faire en sorte que triomphe ce que l’on nomme aujourd’­hui le capi­ta­lisme néolibéral.

Il est vrai qu’elle s’est trou­vée fort bien récom­pen­sée par les posi­tions de pou­voir qu’elle a acquises ce fai­sant dans le monde ban­caire et finan­cier privé.

Ce tra­vail de convic­tion néo­li­bé­rale des hauts fonc­tion­naires trouve son illus­tra­tion exem­plaire au moment de l’al­ter­nance de 1981 à laquelle Ben­ja­min Lemoine consacre, à juste titre, d’im­por­tants déve­lop­pe­ments. C’est le fameux tour­nant de 1983 qui porte en germe la poli­tique sui­vie actuel­le­ment par Fran­çois Hol­lande. Il est d’ailleurs éton­nant d’ob­ser­ver à quel point les fon­da­men­taux néo­li­bé­raux se trouvent mis en place dès cette date. Le che­min de la finan­cia­ri­sa­tion est alors grand ouvert et il sera par­cou­ru à grande vitesse durant la décen­nie sui­vante, par la droite comme par la gauche.

Cet accord trans­par­ti­san qui fonde l’adhé­sion de la France au néo­li­bé­ra­lisme n’est pas sans rap­pe­ler celui de même nature qui a pré­si­dé à la créa­tion de l’É­tat social-key­né­sien au sor­tir de la Seconde Guerre mon­diale. S’é­la­bore, à la fin des années 1970, un nou­veau récit éco­no­mique, ce qu’il faut bien nom­mer une nou­velle ortho­doxie, qui vient légi­ti­mer l’a­bais­se­ment de l’É­tat social de même que la pré­pon­dé­rance accor­dée désor­mais aux entre­pre­neurs pri­vés en matière d’emploi. » […]

 
Nous avions dévo­ré la thèse de Ben­ja­min Lemoine quand nous l’a­vions décou­verte, à l’oc­ca­sion de la grande contro­verse sur la loi de 73. La thèse était impor­tante, pas­sion­nante, mais très volu­mi­neuse (une ramette de papier A4). Ce livre la rend enfin acces­sible à tous. C’est une bonne nouvelle. 

Voi­ci le plan du livre, très évo­ca­teur (et appé­tis­sant) pour tous ceux qui se sont déjà un peu inté­res­sés à l’en­jeu poli­tique cru­cial de la créa­tion moné­taire par la puis­sance publique :

Pré­face. Le résul­tat d’une volon­té déli­bé­rée, par André Orléan 
Intro­duc­tion. Une his­toire oubliée

I / Une his­toire à (re)prendre : la mise en mar­ché de la dette

1. Quand l’État a l’avantage : de la pos­si­bi­li­té d’un finan­ce­ment hors marché
Cou­vrir autre­ment le déficit
Cir­cuit du Tré­sor et mar­quage public de l’argent
Un prince de la République
Les banques sous contrainte
L’État, au-des­sus du marché
Trans­gres­sion avec l’orthodoxie et menace inflationniste
Le rap­pel à l’ordre monétaire
L’adoption du modèle bri­tan­nique : le mar­ché en rémis­sion du « péché  monétaire »
L’arrivée de Valé­ry Gis­card d’Estaing
Un trem­ble­ment de terre : au nom de la démo­cra­tie des marchés
Un point de non-retour

2. La gauche au pou­voir se plie à l’ordre de la dette 
Stop­per la « ruine » de l’épargnant : don­ner aux inves­tis­seurs plu­tôt que les « frapper »
La relance Chirac
L’orthodoxie de Ray­mond Barre
L’inconcevable réha­bi­li­ta­tion des finances publiques « actives »
Renon­cer défi­ni­ti­ve­ment à la ten­ta­tion monétaire
« Une sai­son en enfer »
« Mer­ci de m’aider à comprendre »
« Une France qui vit au-des­sus de ses moyens »
Pierre Béré­go­voy : plus roya­liste que le roi
« Ce sys­tème-là, on va le casser »
Inter­pré­ter l’extinction d’un régime éco­no­mique : « pré­his­toire » de la moder­ni­té finan­cière ou expé­rience critique ?

3. La nour­ri­ture ter­restre dont les mar­chés ont besoin
Sur le modèle américain
Les dea­lers de proximité
Mise en scène du « sacri­fice » et gains durables des banques
Lier les mains de l’État et rendre impos­sible tout retour en arrière
Quand Fabius créée une agence « à la française »
La police des conduites administratives
Les obli­ga­tions DSK : le Tré­sor parie sur la désinflation
L’autodiscipline de l’État

II / La dette entre dans le débat public

4. Dis­ci­pli­ner les États : le rôle de l’Europe
Une « numé­ro­lo­gie arbitraire » ?
Opé­ra­tion Jup­pé : l’« affaire » France Télécom
Der­rière le cas France Télé­com, l’enjeu des retraites
Les gar­diens du temple comp­table contre l’« oppor­tu­nisme » des États
Obte­nir les meilleures sta­tis­tiques possibles
Jos­pin : le « faux rebelle »
La dis­ci­pline « brute » de la dette : pleins feux sur les pas­sifs de l’État
L’enjeu des retraites : quand on tire le fil, tout vient
L’éclosion d’un nou­vel acteur : les géné­ra­tions futures

5. Le rap­port Pébe­reau : coup média­tique et péda­go­gie économique
Bri­ser un tabou
Trouble dans les rangs des experts
La contre-offen­sive des keynésiens
« Il n’y a pas d’alternative »
Quand le ministre en fait un peu trop…
La chasse gar­dée du Trésor
6. La pré­si­den­tielle de 2007 verrouillée ? 
Une éva­lua­tion « objective »
Un « déconomètre »
Bay­rou se fond dans le script de la dette
Une ver­sion dégra­dée du débat politique ?
La mise en scène de l’héroïsme présidentiel
Le « key­né­sia­nisme » de la dépense fiscale
Fran­çois Fillon : « à la tête d’un État en faillite »

7. Et si toutes les dettes se valaient ? 
Sau­ver les banques
Tra­quer l’État der­rière la forme juridique
L’invention de la dette nette
L’« iné­luc­table » baisse des retraites
L’ordre poli­tique des agences de notation
L’implacable « accep­ta­tion sociale »
L’obturation de l’avenir
La dette finan­cière contre la dette sociale
Pro­messes de l’État et « lutte de classes »

Conclu­sion. Per­cer les boîtes noires de la dette
Poli­tique de la (re-)structuration.

 
Ce livre raconte l’his­toire dans laquelle la banque (via Pom­pi­dou) a mis le pied dans la porte poli­tique en France, pour contrô­ler la socié­té fran­çaise, comme le film INSIDE JOB raconte l’his­toire dans laquelle la banque (via Rubin) a mis le pied dans la porte poli­tique aux USA, pour contrô­ler la socié­té amé­ri­caine et donc le monde. 

Livre impor­tant, livre-preuve, à connaître et à faire connaître, à mon avis.

Il fera, dans votre biblio­thèque, un très utile com­plé­ment pour appro­fon­dir le for­mi­dable petit livre d’An­dré-Jacques Hol­becq et Phi­lippe Derud­der, « La dette publique, une affaire ren­table. À qui pro­fite le sys­tème. », livre pion­nier de l’é­du­ca­tion popu­laire sur ce sujet, dont Ben­ja­min Lemoine parle dans son livre, bien sûr.

Bonne lec­ture 🙂

Étienne.

PS : c’é­tait ce même Ben­ja­min Lemoine qui nous avait pré­pa­ré cette tonique inter­ven­tion au « Som­met du Plan B » il y a quelques semaines (ça dure 10 minutes, à par­tir de 4 h 55 min) :
https://​www​.chouard​.org/​2​0​1​5​/​1​2​/​3​0​/​f​o​r​m​i​d​a​b​l​e​-​l​e​s​-​s​u​i​s​s​e​s​-​v​o​n​t​-​v​o​t​e​r​-​p​o​u​r​-​e​n​f​i​n​-​r​e​t​i​r​e​r​-​a​u​x​-​b​a​n​q​u​e​s​-​p​r​i​v​e​e​s​-​l​e​u​r​-​p​o​u​v​o​i​r​-​d​e​-​c​r​e​a​t​i​o​n​-​m​o​n​e​t​a​i​r​e​/​#​c​o​m​m​e​n​t​-​1​4​894

PPS : rap­pel de l’a­veu du crime anti­so­cial de ter­ro­risme éco­no­mique (« à par­tir de main­te­nant, vous allez tous avoir peur, tout le temps ! »), pro­fé­ré par Pom­pi­dou lui-même, patron d’une grande banque d’af­faires (un usu­rier, donc), par­ve­nu au pou­voir poli­tique suprême (Pre­mier ministre de de Gaulle) et recru­teur d’un homme de main nom­mé Gis­card, pour admi­nis­trer à la socié­té fran­çaise le fouet « libéral » :

_____
Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​4​0​6​1​2​4​6​8​8​7​3​1​7​?​p​n​r​e​f​=​s​t​ory

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18 Commentaires

  1. Domi Dasco

    A voir ou à revoir,
    l’in­ter­view de feu Aaron Russo

    Voir aus­si son film
    Ame­ri­ca : free­dom to fascism

    Mer­ci Étienne pour tout ce que vous faites 😉

    Réponse
  2. Saint Maurice

    « Désor­mais, l’État dépend abso­lu­ment des mar­chés finan­ciers pour ce qui est de ses res­sources finan­cières. Ce sont eux qui fixent les condi­tions du finan­ce­ment public ». ..???

    Les taux direc­teurs (et donc les taux d’in­té­rêt à court terme au moins) sont déci­dés par les banques cen­trales (et/ou les états dans les pays sou­ve­rains) et ne cessent d’ailleurs de tendre vers 0 % (à quelques excep­tions spé­cu­la­tives prêts ou pour des pays non sou­ve­rains en ce qui concerne leur monnaie).
    D’ailleurs à chaque adju­di­ca­tions, le demande est supé­rieure à l’offre..
    Non ?

    Réponse
  3. Gabriel RABHI

    Même si l’ad­ju­di­ca­tion est favo­rable à l’é­tat Fran­cais, ceci est conjonc­tu­rel et est réser­vé à la classe des pays se confor­mants aux ordres du mar­ché : l’Al­le­magne, la France… mais pas la Grèce. Les réformes struc­tu­relles sont impo­sées par les mar­chés (leurs ins­ti­tu­tions, la Troi­ka), sans quoi la France pour­rait se retrou­ver dans le cas de la Grèce. Par ailleurs, en tant que valeur refuge et à cause des taux, il y a en effet une forte demande de dette sou­ve­raine. Et les banques en ont besoin, ce sont des titres sûrs, pris en pen­sion sans condi­tion pour obte­nir des liquidité.

    La menace d’une sanc­tion des mar­chés fait que toute poli­tique non favo­rable aux cri­tères des finan­ciers n’est plus pos­sible. Le rou­le­ment de la dette sert de noeud cou­lant. Le déman­tè­le­ment de toute la poli­tique sociale, à terme, en est le signe.

    Réponse
  4. binnemaya
  5. etienne

    Joseph Sti­glitz : le TAFTA est inutile et dangereux :

    Réponse
  6. etienne

    Franck Lepage :
    « Les patrons se plaignent que le code du tra­vail est trop contraignant.
    C’est amu­sant : c’est comme si les délin­quants se plai­gnaient que le code pénal est trop contraignant. »

    Réponse
  7. etienne

    Stu­peur chez France Inter : Eva et Vincent sont opti­mistes, par Daniel Schneidermann
    http://​www​.les​-crises​.fr/​s​t​u​p​e​u​r​-​c​h​e​z​-​f​r​a​n​c​e​-​i​n​t​e​r​-​e​v​a​-​e​t​-​v​i​n​c​e​n​t​-​s​o​n​t​-​o​p​t​i​m​i​s​t​e​s​-​p​a​r​-​d​a​n​i​e​l​-​s​c​h​n​e​i​d​e​r​m​a​nn/
    Source : les​-crises​.fr

    Daniel Schnei­der­mann :
    « Il faut le dire cal­me­ment, mais clai­re­ment : la puis­sance des médias ven­deurs d’effroi est une des meilleures alliées des poseurs de bombes. Chaque image, chaque seconde de ce tumulte, est une vic­toire des poseurs de bombes. »

    Réponse
  8. binnemaya

    Bon­jour Etienne, je reviens sur la solu­tion que je trouve la plus per­ti­nente et l’ex­cellent texte de B.Friot ds l’Huma :
    Le capi­ta­lisme c’est l’URSS avec Zucker­berg a la place de Sta­line vive le salaire à vie avec la copro­prié­té d’u­sage et la blo­ck­chain (comme outil non fal­si­fiable et qui per­met une rela­tion mar­chande ou non mar­chande sans intermédiaires).
    C’est là qu’est la moder­ni­té dis­rup­tive la seule pos­sible sinon on aura le tota­li­ta­risme bureau­cra­tique mar­chand dans toute sa splendeur.
    http://​www​.huma​nite​.fr/​b​e​r​n​a​r​d​-​f​r​i​o​t​-​u​n​-​c​a​p​i​t​a​l​i​s​m​e​-​r​e​n​t​i​e​r​-​q​u​i​-​n​a​s​s​u​m​e​-​p​l​u​s​-​d​e​t​r​e​-​e​m​p​l​o​y​e​u​r​-​6​0​2​372

    Réponse
  9. etienne

    Signa­le­ment du livre de Ben­ja­min Lemoine dans la revue Alter­na­tives Éco­no­miques :

    L’ordre de la dette. Enquête sur les infortunes de l’Etat et la prospérité du marché
    La Découverte, 2016, 304 p., 22 euros.

    par Chris­tian Chavagneux
    dans Alter­na­tives Eco­no­miques n° 356 – avril 2016

    http://www.alternatives-economiques.fr/l‑ordre-de-la-dette–enquete-sur-le_fr_art_1432_75776.html

    Le niveau de la dette publique fran­çaise sert sou­vent d’é­pou­van­tail à moi­neaux. Signe d’un Etat dis­pen­dieux que les inves­tis­seurs ne fini­ront pas nous faire payer cher pour les uns, rente au ser­vice des riches pour les autres, elle fait régu­liè­re­ment l’ob­jet de débats publics. Mais d’où vient-elle, s’in­ter­roge le socio­logue Ben­ja­min Lemoine ? Se deman­dant par là non pas quelles sont les périodes de forts défi­cits qui l’ont fait croître, mais com­ment et quand la France a‑t-elle déci­dé de se finan­cer en ayant recours aux mar­chés financiers ?
    Un choix politique

    Le livre com­mence par tordre le cou à l’i­dée répan­due selon laquelle une loi de 1973 aurait sup­pri­mé toute pos­si­bi­li­té de finan­ce­ment de l’E­tat par la Banque de France. L’au­teur rap­pelle que la banque cen­trale ne finan­çait déjà plus à cette date que 16 % de la dette publique fran­çaise et que ses avances au Tré­sor n’ont été défi­ni­ti­ve­ment inter­dites qu’a­vec le trai­té de Maas­tricht en 1992.

    Toute la pre­mière par­tie retrace de manière pas­sion­nante le mode de finan­ce­ment de l’E­tat depuis l’a­près-guerre. Le constat est clair : la période est mar­quée jus­qu’au début des années 1960 par une ges­tion poli­tique de la mon­naie (volume et taux d’in­té­rêt) avec un cré­dit contrô­lé et une obli­ga­tion de sous­crip­tion de la dette fran­çaise par les banques. La contrainte se relâche dès le début des années 1960 avec les pre­mières mises aux enchères des titres de la dette publique. Les réformes libé­rales de Michel Debré entre 1966 et 1968 – qui sup­pri­me­ront notam­ment la sépa­ra­tion entre banque com­mer­ciale et banque de mar­ché – accen­tuent le mouvement.

    On passe ensuite aux années 1980. La mon­tée des défi­cits engendre une quête de finan­ce­ments, dont l’un des épi­sodes don­ne­ra lieu à une humi­lia­tion du gou­ver­ne­ment fran­çais par ses créan­ciers saou­diens… Les tech­ni­ciens de la gauche au pou­voir défendent le pro­jet de faire des titres de la dette publique fran­çaise un ins­tru­ment de mar­ché sédui­sant aux yeux des inves­tis­seurs étran­gers. Il faut rendre les bons du Tré­sor com­pé­ti­tifs dans la course à l’é­pargne mon­diale enta­mée alors par tous les Etats.

    On sent bien que cette évo­lu­tion déplaît à l’au­teur. Mais le point de vue aurait méri­té le débat. A par­tir du moment où les Etats-Unis ont com­men­cé à libé­ra­li­ser le finan­ce­ment de leur dette publique, bien­tôt sui­vie par les autres grands pays, pour­quoi la France aurait-elle dû s’en pri­ver ? La réduc­tion de l’in­fla­tion, à deux chiffres à l’é­poque, que détestent les inves­tis­seurs, était alors de toute façon nécessaire.
    Catastrophisme

    La suite du livre montre com­ment la lec­ture libé­rale de la dette s’est impo­sée en France. Un catas­tro­phisme, fon­dé sur un anti-éta­tisme pri­maire, relayé de deux points de vue. D’un côté, les tech­no­crates euro­péens, obnu­bi­lés par leur objec­tif de réduire l’in­ter­ven­tion de l’E­tat dans l’é­co­no­mie ; de l’autre, le rap­port de Michel Pébe­reau de 2005, com­man­dé par le ministre des Finances, Thier­ry Bre­ton, qui a ser­vi une dra­ma­ti­sa­tion du niveau de l’en­det­te­ment public.

    Le socio­logue nous apporte ain­si un autre regard – essen­tiel – car his­to­rique et poli­tique. L’E­tat fran­çais est-il pour autant « encas­tré dans les mar­chés finan­ciers » aux­quels il devrait obéir en per­ma­nence ? Avec la forte baisse des taux d’emprunt de la France, le débat sur la dette publique a per­du de son impor­tance ces der­niers mois. Rai­son de plus de s’y plon­ger serei­ne­ment avec ce livre.

    L’ordre de la dette. Enquête sur les infor­tunes de l’E­tat et la pros­pé­ri­té du mar­ché, par Ben­ja­min Lemoine
    La Décou­verte, 2016, 304 p., 22 euros. 

    Source : http://www.alternatives-economiques.fr/l‑ordre-de-la-dette–enquete-sur-le_fr_art_1432_75776.html

    Réponse
  10. Sam

    Salut à tous. Un grosse bise à mon si cher Étienne.

    Le lien qui était indi­qué, sur la page « Loi de 1973… », vers la thèse de Ben­ja­min Lemoine, n’est plus valide, ce me semble.

    C’é­tait : http://​pas​tel​.archives​-ouvertes​.fr/​d​o​c​s​/​0​0​/​7​1​/​2​2​/​8​4​/​P​D​F​/​T​H​E​I​_​S​E​_​B​E​N​J​A​M​I​N​_​L​E​M​O​I​N​E​_​L​E​S​_​V​A​L​E​U​R​S​_​D​E​_​L​A​_​D​E​T​T​E​.​pdf

    [Tu peux bien sûr édi­ter mon mes­sage et virer cette der­nière ligne, c’est pour ton info.]

    On peut retrou­ver le .pdf ici :

    http://​www​.faso​po​.org/​s​i​t​e​s​/​d​e​f​a​u​l​t​/​f​i​l​e​s​/​j​r​/​t​h​_​l​e​m​o​i​n​e​.​pdf

    His­toire de ne pas en reperdre et reperdre encore la trace, je sug­gère que tu héberges cette modeste somme de 426 pages… 😉

    Sam

    Réponse
  11. etienne

    Un entre­tien avec Ben­ja­min Lemoine dans Libération : 

    INTERVIEW

    Benjamin Lemoine : « En voulant plaire aux marchés financiers, l’Etat fait de leurs priorités les siennes »

    Par Vit­to­rio De Filip­pis — 1er avril 2016


    Des­sin Chris­telle Enault

    Dans son der­nier ouvrage, le socio­logue montre com­ment la France a aban­don­né sciem­ment à la finance le contrôle de sa dette. Cette his­toire, aujourd’hui pré­sen­tée comme une loi éco­no­mique, se révèle émi­nem­ment politique.

    Qui pour­rait se satis­faire, nous dit-on urbi et orbi, d’une situa­tion qui conduit chaque année à pré­le­ver sur nos finances publiques un mon­tant proche de celui affec­té à l’Education natio­nale pour payer les seuls inté­rêts de la dette publique ? Seuls les lou­foques refusent de voir ce qui est don­né à voir. Dans l’Ordre de la dette (La Décou­verte), le jeune socio­logue Ben­ja­min Lemoine s’oppose à cette fatalité.

    A la manière d’un paléon­to­logue, il a grat­té le moindre docu­ment, éplu­ché le moindre dis­cours, pour aller par-delà du miroir des évi­dences. Ben­ja­min Lemoine y trouve une his­toire oubliée et montre com­ment l’Etat a aban­don­né le pri­vi­lège qui fut long­temps le sien d’avoir la main sur ses dettes. Certes, tout au long de la lec­ture de l’Ordre de la dette, ce cher­cheur appa­raît d’abord comme un socio­logue. Mais il se montre aus­si éco­no­miste, his­to­rien et même juriste. A mettre entre les mains de tous ceux qui s’intéressent à la vie publique.

    Qu’est-ce que la dette publique ?

    Pen­dant long­temps, cette dette était maté­ria­li­sée par des titres déte­nus « en phy­sique », sous forme papier. Le bon père de famille déte­nait en direct son bon et ses cou­pons d’intérêts à se faire payer régu­liè­re­ment. Aujourd’hui, la dette est déma­té­ria­li­sée. Elle est dis­tri­buée et s’échange à tra­vers le monde sur les mar­chés finan­ciers. Mais tout l’enjeu poli­tique et socio­lo­gique est que la dette peut exis­ter de dif­fé­rentes façons. Elle peut par exemple être « mise en mar­ché » ou encas­trée dans un contrôle poli­tique et administratif.

    C’est-à-dire, « mise en marché » ?

    Contrai­re­ment à l’idée qu’il est natu­rel que l’Etat se sou­mette au bon vou­loir d’éventuels prê­teurs, il a exis­té des alter­na­tives à ce recours aux mar­chés finan­ciers. Au sor­tir de la Seconde Guerre mon­diale, on met en place un sys­tème qui per­met pré­ci­sé­ment d’y échap­per. La dette de mar­ché ne repré­sente alors que 20 % du finan­ce­ment de l’Etat. Il y a, dans les plus les hautes sphères, y com­pris dans la très libé­rale direc­tion du Tré­sor, un ima­gi­naire, une idéo­lo­gie et un sens de l’intérêt public qui s’appliquent aus­si à la ques­tion de la mon­naie et de la finance. On consi­dère que, vu l’urgence de la situa­tion éco­no­mique, le finan­ce­ment public doit se faire sans risque et en toutes cir­cons­tances. Pour y par­ve­nir, on fait du Tré­sor une véri­table banque de dépôt qui draine l’épargne natio­nale en per­ma­nence vers ses caisses. Aus­si, au lieu de se sou­mettre à la loi du mar­ché pour pla­cer ses titres, l’Etat contraint les banques à déte­nir une par­tie de leurs avoirs en dette, à un taux d’intérêt fixé d’autorité par les pou­voirs publics. Tout est fait pour que l’Etat ne soit pas un emprun­teur par­mi d’autres. Pla­cé en sur­plomb, il est res­pon­sable de la mon­naie et du cré­dit, et décide des investissements.

    Ce système s’arrêtera vers la fin des années 70 ?

    Dès la fin des années 60, on consi­dère que la guerre est loin­taine et qu’il est nor­mal de reve­nir à la « loi natu­relle » du mar­ché sur ces ques­tions de finance, de mon­naie et de dette. Des hauts fonc­tion­naires avides de réforme, mais aus­si des ban­quiers vou­lant rompre avec le diri­gisme militent pour que l’Etat rede­vienne un emprun­teur comme les autres.

    Une mise en marché de la dette qui n’affecte pas que la France ?

    C’est une dyna­mique mon­diale, mais pro­duite par des forces poli­tiques et admi­nis­tra­tives. C’est là qu’entrent en scène, dans les plus hautes sphères de l’Etat, des élites qui pro­meuvent la rup­ture avec le cré­dit et les finan­ce­ments admi­nis­trés. Sur­tout, l’inflation devient la pré­oc­cu­pa­tion poli­tique numé­ro 1, et ce, alors même qu’elle est conte­nue dans les limites du rai­son­nable. C’est le début de la grande trans­for­ma­tion. On déman­tèle les règle­ments qui régissent le finan­ce­ment de l’Etat, et on réin­tro­duit des dis­po­si­tifs de mar­ché pour la dette : la loi de l’offre et de la demande fixe les règles du jeu, soit le niveau des taux d’intérêt. Et si les mar­chés font la fine bouche, l’Etat n’a d’autre choix pour atti­rer l’épargne à lui que de pro­po­ser des taux d’intérêt plus éle­vés, au risque de voir aug­men­ter la part du ser­vice de sa dette dans le total de ses dépenses et d’amputer ain­si ses marges budgétaires.

    Et pourtant des voix s’élèvent pour mettre en garde contre les risques de la mise en marché de la dette…

    Ce sont d’ailleurs cer­tains hauts fonc­tion­naires du Tré­sor eux-mêmes qui contestent ce chan­ge­ment de phi­lo­so­phie, le jugent illé­gi­time et parlent d’un « enri­chis­se­ment sans cause » pour les banques. Mais ils sont inau­dibles parce que confron­tés à un nou­veau récit de la moder­ni­té. Ce n’est plus l’Etat qui doit diri­ger les banques, mais la finance qui, de moins en moins contrainte et de plus en plus pri­vée, doit apprendre à l’Etat à se dis­ci­pli­ner, à veiller à ses dépenses, à son équi­libre bud­gé­taire, et l’aider à créer moins de mon­naie, afin de bais­ser l’inflation.

    Le coup de grâce de cette mise en marché de la dette publique est porté par la gauche lorsqu’elle arrive au pouvoir en 1981…

    Michel Debré, ministre des Finances, et son conseiller de l’époque Jean-Yves Habe­rer [il devien­dra direc­teur du Tré­sor en 1978, ndlr] avaient déjà entre 1966 et 1968 remis en cause le finan­ce­ment « hors mar­ché » de l’Etat. Mais c’est Pierre Béré­go­voy, ministre socia­liste de l’Economie et des Finances qui, en 1985, ouvri­ra tota­le­ment les mar­chés de capi­taux. Avec l’élection de Fran­çois Mit­ter­rand en 1981, la France entre­prend une poli­tique bud­gé­taire de relance de la consom­ma­tion, de type key­né­sienne. Alors que les défi­cits se creusent, les hauts fonc­tion­naires du Tré­sor, conver­tis à l’orthodoxie moné­taire, vont jouer un rôle déci­sif. Ils vont expli­quer aux socia­listes au pou­voir ce que le gou­ver­ne­ment doit légi­ti­me­ment faire afin de trou­ver l’argent qui lui manque désor­mais : ne sur­tout pas reve­nir à des méca­nismes de finan­ce­ment admi­nis­tré, du type de l’après-guerre, encore moins recou­rir à une mon­naie publique, via la Banque cen­trale – ce que pro­posent pour­tant aux pou­voirs publics des chefs d’entreprise ou des éco­no­mistes qui trans­mettent d’abondantes notes -, mais aller plus loin dans la mise en mar­ché de la dette publique.

    L’Etat a construit sa propre prison ?

    En tout cas, il ne s’est pas oppo­sé aux mar­chés finan­ciers. Au contraire. Il a construit leur ter­rain de jeu et leur légi­ti­mi­té. Quand, au milieu des années 80, il ne reste plus que la dette de mar­ché pour assu­rer la sur­vie des ser­vices publics, les Etats se doivent d’adopter des poli­tiques éco­no­miques et moné­taires conformes aux exi­gences des inves­tis­seurs. Les hauts fonc­tion­naires qui agissent ain­si le font « au nom de l’intérêt géné­ral ». Il s’agit d’obtenir les meilleurs taux pour réduire la charge d’intérêt assu­mée par le contri­buable. Quand les taux sont bas, voire néga­tifs, on ne voit pas cela comme une contrainte ou une pri­son, mais comme une faci­li­té. Il n’en reste pas moins qu’une rela­tion de dépen­dance s’est ins­tal­lée. Et on sait que les mar­chés sont imprévisibles…

    En quoi l’Etat s’aligne-t-il sur les attentes des marchés financiers ?

    Pour séduire, il faut se trans­for­mer. En vou­lant plaire aux mar­chés finan­ciers, l’Etat fait de leurs prio­ri­tés les siennes. En ven­dant son pro­duit de dette, il est confron­té aux inquié­tudes du mar­ché qui sont, par exemple : quel par­ti poli­tique sera au gou­ver­ne­ment ? Les syn­di­cats sont-ils trop puis­sants ? Le coût du tra­vail est-il trop éle­vé ? Bien enten­du, ces inves­tis­seurs veulent aus­si que l’inflation soit sous contrôle, et que la Banque cen­trale soit indé­pen­dante du poli­tique, afin que les ren­tiers, qui détiennent la dette, ne soient pas eutha­na­siés et rem­bour­sés en mon­naie de singe, comme on dit. Les inves­tis­seurs ont d’ailleurs des sen­ti­nelles qui sur­veillent les poli­tiques publiques : les agences de notation.

    Les chiffres de la dette sont par­tout dans le débat public. Ne tra­duisent-ils pas la véri­té sur l’urgence de la situation ?
    Les chiffres des finances publiques ne sont pas des véri­tés mathé­ma­tiques qui par­le­raient d’elles-mêmes. Ils ont été conçus comme des outils pour l’action poli­tique. Le ratio de dette rap­por­té à la crois­sance (le seuil des 60 % par rap­port au PIB) doit, au sein de l’Union moné­taire euro­péenne, main­te­nir l’attention de l’opinion publique et des gou­ver­ne­ments sur le pro­blème de la dette. L’apport de la socio­lo­gie est de mon­trer que ces chiffres, au lieu de mesu­rer pas­si­ve­ment la réa­li­té de la dette, comme un miroir neutre, façonnent et modi­fient « ce qu’est la dette ». Par exemple, lorsque Thier­ry Bre­ton est ministre de l’Economie et des Finances de Jacques Chi­rac, de 2005 à 2007, il explique, avec le rap­port Pébe­reau, que la dette publique n’est pas de 60% mais de 120 %. Pour­quoi ? Parce qu’il fau­drait inclure l’engagement de paie­ment de l’Etat vis-à-vis des retraites des fonc­tion­naires et tra­duire cette dépense future, dès lors, dans le bilan comp­table de l’Etat.

    Quelle est la philosophie qui sous-tend ce discours ?

    Cela per­met d’introduire l’idée que ces fonc­tion­naires ont une créance sur l’Etat. Qu’ils ont capi­ta­li­sé des droits sur l’Etat. Et voi­là com­ment on tente de trans­for­mer un enga­ge­ment de dépense en contrat de dette. Et voi­là com­ment on change la manière de pen­ser la retraite : non plus comme un trans­fert inter­gé­né­ra­tion­nel, mais comme des droits accu­mu­lés par chaque indi­vi­du. On peut consi­dé­rer que c’est une façon d’accoutumer à l’idée que la retraite est un petit capi­tal qu’on accu­mule, ou pas, au détri­ment de l’idée de retraite garan­tie et solidaire.

    Que faites-vous de la formule : « Chaque nouveau né porte une dette de plusieurs milliers d’euros » ?

    La rhé­to­rique des géné­ra­tions futures est une manière de nier que nous ne sommes pas tous égaux devant la dette. La géné­ra­tion future ne recouvre pas une réa­li­té sociale et éco­no­mique homo­gène. Et, der­rière la for­mule, se cachent des dis­pa­ri­tés nom­breuses. Avec la dette, il y a des gagnants et des per­dants. S’il est dif­fi­cile de retra­cer avec pré­ci­sion, à un ins­tant « i », qui sont les pro­prié­taires de la dette fran­çaise, il est en revanche évident qu’une ligne de frac­ture sépare les ménages dont les reve­nus et patri­moines, éven­tuel­le­ment allé­gés d’impôts, per­mettent de déga­ger de l’épargne pla­cée en emprunts d’Etat. Ils sont, direc­te­ment ou indi­rec­te­ment (via les dif­fé­rents sup­ports de leur épargne et ins­ti­tu­tions qui la gèrent), les créan­ciers de l’Etat. Loin d’être les­tée d’une charge, cette par­tie des géné­ra­tions futures est enri­chie via la dette, car leur capi­tal qui y est pla­cé béné­fi­cie du reve­nu des inté­rêts. Et puis, il y a ceux qui vivent tout juste de leur salaire. Qui n’ont pas, ou très peu, les moyens d’épargner. Par contre, en payant des impôts, ils contri­buent à assu­rer le ser­vice de la dette et de ses inté­rêts à ceux qui en pro­fitent. Eux subissent l’ordre de la dette, au nom duquel on engage les plans d’économie bud­gé­taire et le déman­tè­le­ment de l’Etat social.

    Vit­to­rio De Filippis

    Source : Libération
    http://​www​.libe​ra​tion​.fr/​d​e​b​a​t​s​/​2​0​1​6​/​0​4​/​0​1​/​b​e​n​j​a​m​i​n​-​l​e​m​o​i​n​e​-​e​n​-​v​o​u​l​a​n​t​-​p​l​a​i​r​e​-​a​u​x​-​m​a​r​c​h​e​s​-​f​i​n​a​n​c​i​e​r​s​-​l​-​e​t​a​t​-​f​a​i​t​-​d​e​-​l​e​u​r​s​-​p​r​i​o​r​i​t​e​s​-​l​e​s​-​s​i​e​n​n​e​s​_​1​4​4​3​423

    Réponse
  12. Mic El

    « Ce livre raconte l’histoire dans laquelle la banque (via Pom­pi­dou) a mis le pied dans la porte poli­tique en France,… »

    -C’est un truc que je n’ai jamais com­pris, cette salade de dette cri­mi­nelle, ce n’é­tait pas vrai­ment dans l’es­prit de De Gaulle qui était quand même très avisé. 

    Alors pour­quoi a‑t-il choi­si Pom­pi­dou ? Il devait par­fai­te­ment savoir qui c’était ! 

    Où bien lui a‑t-il été impo­sé pour quelque occulte raison ?

    Réponse
    • Comte des Tuiles

      Entre les arcanes du pou­voir et les cou­lisses de l’His­toire, qui déci­dait ou qui biai­sait au juste, entre, semble-t-il, l’au­to­ri­té naturelle/historique d’un De Gaulle et ce pou­voir finan­cier sous-jacent et déjà, for­cé­ment si puis­sant ?… « Où bien lui a‑t-il été impo­sé pour quelque occulte rai­son ? », oui, je suis aus­si curieux et impa­tient que vous d’en savoir davan­tage, bien que notre obses­sion à vou­loir posi­ti­ve­ment agir exige de nous cette auto­ri­té et non plus jamais ce pou­voir inégal et excessif.

      Réponse
  13. etienne

    Une revue com­por­tant plu­sieurs articles aux titres très inté­res­sants, et notam­ment un dos­sier « capi­tal et dette publique » sous la direc­tion de Ben­ja­min Lemoine et Fré­dé­ric Lebaron :

    Savoir/Agir n° 35 : ILS PROFITENT. Dettes publiques / Finances publiques

    http://​www​.edi​tions​-cro​quant​.org/​c​o​m​p​o​n​e​n​t​/​m​i​j​o​s​h​o​p​/​p​r​o​d​u​c​t​/​3​3​2​-​s​a​v​o​i​r​-​a​g​i​r​-​n​-35

    Pré­sen­ta­tion de l’éditeur : 

    « Dans les débats poli­tiques, la dette publique appa­raît comme pas­sif du Tré­sor public, excès de dépense et charge pour les géné­ra­tions futures. Pour­tant, pour cer­taines caté­go­ries éco­no­miques et sociales, elle est un actif, un titre de créance rému­né­ra­teur. Pré­ten­dues vic­times du far­deau de la dette, les pri­vi­lé­giés héritent en réa­li­té de l’épargne pla­cée par leurs aïeux dans des emprunts d’États (les obli­ga­tions du Tré­sor), dont les taux d’intérêt sont par­fois pro­té­gés contre l’inflation.

    En ana­ly­sant la struc­ture des dettes publiques dans le monde, ain­si que les conflits qu’elles sus­citent, ce numé­ro de la revue met en lumière les rela­tions entre capi­tal finan­cier pri­vé et ges­tion des finances publiques.

    L’explosion des ratios de dette publique rap­por­tés au PIB des États à la suite de la crise pose une ques­tion nou­velle : faut-il tout mettre en œuvre pour la rem­bour­ser quitte à renon­cer aux poli­tiques sociales ? 

    Les dettes publiques sont donc affaire de lutte des classes. Elles mettent aux prises sous une forme inédite les déten­teurs de capi­tal finan­cier et les béné­fi­ciaires des dépenses publiques et des pres­ta­tions sociales. »

    _____

    Som­maire

    Édi­to­rial
    Risques poli­tiques, par Fré­dé­ric Lebaron

    Dos­sier : Capi­tal et dette publique
    Dos­sier coor­don­né par Fré­dé­ric Leba­ron et Ben­ja­min Lemoine

    Refaire de la dette une chose publique. Les struc­tures sociales et poli­tiques de l’endettement du sou­ve­rain, par Ben­ja­min Lemoine

    Les pro­prié­taires de la dette publique et la fabrique d’un monde inéga­li­taire. Des États-Unis à la zone euro, par San­dy Brian Hager

    L’ordre moné­taire et la dette sou­ve­raine en Argen­tine, par Pablo Igna­cio Chena

    Dette stra­to­sphé­rique et équi­libre éco­no­mique et social. Le para­doxe japo­nais, par Marc Humbert

    Le FMI et la dette. De la dis­ci­pline aux arran­ge­ments, par Oli­vier Vallée

    Dette publique et auto-répres­sion moné­taire des États, par Bru­no Théret

    Poli­tiques de l’anti-dette, Entre­tien avec Éric Tous­saint par Ben­ja­min Lemoine

    Grand entre­tien avec Jean-Loup Amselle

    Eth­ni­ci­sa­tion, post­co­lo­nia­lisme, pri­mi­ti­visme, avec Gérard Mau­ger et Louis Pinto

    Paroles
    «  Mise­ry needs com­pa­ny  ». Le tra­vail social d’un com­mer­çant mau­ri­ta­nien dans un quar­tier popu­laire noir de La Nou­velle-Orléans, par Nico­las Larchet

    Chro­nique de la gauche de gauche
    Front de gauche. La pri­maire de tous les dan­gers  ?, par Louis Weber

    Idées
    Le nou­vel ordre moral, par­Louis Pinto

    Chro­niques du monde
    Élec­tions argen­tines en 2015. Un cadre de situa­tion, par David Copello

    Rhé­to­rique réactionnaire
    Inci­ta­tion à la bêtise. Sur «  l’excuse socio­lo­gique  », par Gérard Mauger

    Culture
    Pré­ca­ri­té, par Gérard Mauger

    Réponse

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