https://youtu.be/9RlzyDMSBk4&feature=youtu.be
Cet échange m’a paru vraiment très court… 🙂
Hâte de recommencer, pour approfondir quelques sujets importants :
. Qui est légitime pour créer la monnaie, avec quels risques et avec quels effets ?
. À qui sert le libre-échange ?
. Quel est le bon rôle pour l’État en matière économique et financière ? Faut-il réguler les activités privées ou les déréguler ?
. Le « libéralisme » est-il bon pour tout le monde ? ou bien libéral pour quelques uns et esclavagiste pour le plus grand nombre ?
. Quand le chômage martyrise la société, faut-il mener des politiques de l’offre ou des politiques de la demande ?
. Faut-il abandonner aux experts (les prétendus « économistes ») la prise des décisions ?
Etc.
je me tente au questionnaire :
. Qui est légitime pour créer la monnaie, avec quels risques et avec quels effets ?
Le propriétaire de la monnaie. Si les citoyens sont bien souverains, ils sont de facto propriétaires de la monnaie qui a cours légal dans la cité. Les banques commerciales ont le droit d’utiliser cette monnaie, mais n’ont aucun droit à nous (citoyens ou entreprise) créditer la création de notre monnaie.
. À qui sert le libre-échange ?
Au plus fort économiquement, cad celui qui produit au moindre coût.
Qui dit « libre-échange » suppose concurrence non faussée et interdiction des aides d’états, ce qu’on impose aux pays européens que l’on veut asservir et que l’on n’impose pas aux autres.
C’est la liberté du loup dans la bergerie.
. Quel est le bon rôle pour l’État en matière économique et financière ? Faut-il réguler les activités privées ou les déréguler ?
Garantir des échanges dans le respect mutuel.
. Le « libéralisme » est-il bon pour tout le monde ? ou bien libéral pour quelques uns et esclavagiste pour le plus grand nombre ?
Ce ne devrait pas être la liberté du riche de s’enrichir et la liberté du pauvre de s’appauvrir.
La liberté des uns est limitée par l’égale liberté des autres. Etre ni opprimé, ni oppresseur. La loi doit satisfaire le plus grand nombre.
. Quand le chômage martyrise la société, faut-il mener des politiques de l’offre ou des politiques de la demande ?
Politique de la demande évidemment. Mais pour réaliser cela, il nous faut la souveraineté, cad contrôle aux frontières des biens et capitaux, interdire la spéculation, nationaliser les monopoles de fait dont la création monétaire, avoir une certaine autonomie énergétique, alimentaire et en matières premières.
. Faut-il abandonner aux experts (les prétendus « économistes ») la prise des décisions ?
Non, les experts sont là pour alimenter la délibération, mais en aucun cas ils ne peuvent avoir le monopole de la décision.
des GJ se réunissent sur un rond point virtuel 😉
LIVE GJ ROND POINT 2.0 04/06/2019 AVEC FRANÇOIS BOULO
https://youtu.be/WkMHLGyLQY0
J’adresse mes vifs remerciements à TVL et toutes mes félicitations à Charles Gave et à Etienne Chouard. Oui, puisque vous pouvez les produire (grâce à un savoir à tout moment empreint d’esprit critique) et puisque vous vous y régalez, offrez-nous encore et encore de tels entretiens qui, incontestablement, contribuent à « faire monter le niveau » : je suis profondément touché par l’affirmation (en fin d’entretien et soutenue par Charles et par Etienne) que seule une éducation faisant naître des Individus peut assurer la pérennité d’une société humaine – et sa guérison quand cette dernière va mal !
Un échange très enrichissant, attendu depuis longtemps ! Charles Gave est intéressant car il comprend bien les enjeux du débat. Et il a de la répartie. Probablement parce qu’en fin de compte, les arguments développés de part et d’autre sur le libéralisme sont les mêmes depuis deux siècles, et qu’il connaît bien les deux faces du débat.
Mes commentaires :
8:35 « Les actes non législatifs ».
Malgré leur caractère non démocratiques, les élections troublent tout de même régulièrement les projets de l’oligarchie, qui voit ses plans ralentis pas la montée de partis contestataires. J’ai dans un premier temps cru que finalement, ils en arriveraient à supprimer les élections. Mais cela ne me paraît pas facile à faire : c’est brutal, difficile à justifier et amènerait certainement des protestations. Il est bien plus judicieux d’agir en douce et de progressivement déposséder les instances élues de leur prérogatives, pour les confier à des instances non élues. Comme personne ne s’intéresse ni de comprend les mécanismes institutionnels, il n’y a pas de protestation, et le pouvoir peut avancer progressivement. La concentration des pouvoirs par la commission entre dans ce mouvement, de même que le renforcement des prérogatives du conseil constitutionnel, etc. Cela me paraît très difficile à contrer.
14:25 « Le libéralisme, c’est l’égalité de tous devant la loi ».
C’est une définition intéressante. Elle fait le lien entre liberté et égalité : les fondateurs du libéralisme voulaient promouvoir les deux valeurs. On croit souvent que les deux sont antagonistes, mais pas forcément : la société qui maximiserait la liberté pour le plus grand nombre serait aussi la société la plus égalitaire. Les socialistes du XIXe siècle voulaient en somme poursuivre l’idéal des libéraux du XVIIIe. Parce que bien sûr, si tout le monde est libre, le plus fort l’emporte et réduit donc la liberté du plus faible, il faut donc une régulation « sociale » pour optimiser liberté et égalité. Aussi les antilibéraux estiment qu’il faut une instance supérieure pour limiter la liberté des individus les plus forts. Mais alors, le régime tombe aisément dans le pouvoir arbitraire qui restreint à son tour la liberté, sans promouvoir l’égalité, en un mouvement de bascule.
Aussi, comme il l’explique plus loin, la liberté n’est pas la valeur opposée à l’égalité, mais à la sécurité (voir plus bas).
15:21 « On entend souvent dire qu’on est dans une société néolibérale – C’est n’importe quoi ».
Ici Charles Gave critique l’idée qu’on serait dans une société « néolibérale », ce qui n’est pas possible : à partir du moment où les médias sont contrôlé par neuf milliardaires, il n’y a plus de débat d’idée, la vérité est imposée.
Je pense que le terme « néolibéralisme » est l’un de ces « antimots » fait pour cacher le contraire de ce qu’ils désignent. La société « néolibérale » n’est pas une société qui approfondirait les idéaux de liberté. C’est au contraire la société libérale qui a emprunté des méthodes des régimes totalitaires en observant ce qui avait permis historiquement leur succès. Ce que Charles Gave appelle « le capitalisme de connivence ». Mais par exemple Alain Supiot justement lui aussi estime que nous vivons dans une société mixant les régimes capitaliste et communiste. En fait, on devrait dire que nous sommes en régime « néototalitaire », mais c’est évidemment un nom beaucoup moins engageant.
16:30 « Tout le monde n’aime pas la liberté ».
Je suis d’accord avec lui. Il y a dans la société une division entre ceux qui aiment la liberté et l’égalité et ceux qui aiment l’ordre et la sécurité. J’en connais beaucoup. C’est à mon avis une question de tempérament (ou pour Emmanuel Todd de structures familiales). Plus qu’une question de place dans la société car on rencontre les deux types dans tous les groupes sociaux. C’est un point a prendre en compte car dans les milieux intéressés à la démocratie, les libértaires-égalitaires sont évidemment surreprésentés, mais il faudra tenir compte que beaucoup de gens n’ont tout simplement pas les mêmes valeurs que nous.
18:45 « C’est en Angleterre qu’est monté dès la fin du XVIIIe qu’est monté le mouvement anti-esclavagiste. ».
Il peut sembler paradoxal qu’un auteur libéral comme Locke soit en même temps esclavagiste, et d’autre part dans cette même société anglaise lockéenne soit né le mouvement anti-esclavagiste. Mais, comme Charles Gave, je ne doute pas non plus que la pensée libérale à participé à l’abolition de l’esclavage.
C’est en fait qu’il ne faut pas sous-estimer la puissance de l’écrit. Un individu peut être en contradiction dans ses actes avec le discours qu’il avance (l’exemple bateau est Rousseau qui a abandonné ses enfants alors qu’il a écrit un traité sur l’éducation). C’est notamment parce que chez le penseur, les intérêts personnels ou les préjugés sont en conflits avec les valeurs prônées intellectuellement et sont plus forts que ces dernières. Mais ce conflit d’intérêts ne joue pas chez ses lecteurs. Parmi les lecteurs de Locke, il y a en a forcément qui ont dû voir que les valeurs libérales mises en avant étaient en contradictions avec une société où était permis l’esclavage. A partir du moment où des écrits se répandent dans une société, il y aura toujours des gens pour en tirer toutes les conséquences, même si cela va à l’encontre de la volonté de l’initiateur. Descartes écrit explicitement qu’il ne voudrait pas que ses méthodes de raisonnement soient utilisées pour mettre en doute les vérités révélées de la religion chrétienne. Pourtant, une génération plus tard, c’est ce que feront ses successeurs. Le même phénomène s’est produit avec de nombreux philosophes, qui ont introduit dans le fruit des vers qu’ils n’auraient pas imaginés.
19:45 « Tout au long du XIXe siècle, le niveau de vie n’a cessé de monter »
Ici, Charles Gave est vraiment sur du velours lorsqu’il veut défendre le libéralisme du XIXe siècle. Parce qu’il n’est pas possible de nier qu’au XIXe siècle, le système capitalisme a permis une croissance des richesses qu’on avait jamais vu auparavant : le PIB par habitant a doublé entre 1800 et 1900 : https://ourworldindata.org/grapher/gdp-per-capita-in-the-uk-since-1270?time=1270..2016
Même si bien sûr la croissance a été bien plus nette au XXe siècle, on ne peut pas défendre que ce fut une période d’appauvrissement, et personne ne le fait.
Il ajoute que la croissance du niveau de vie a profité à tout le monde, ce qui est exact aussi. La société du XIXe siècle était très inégalitaire, avec 80 % des richesses détenues par 10 % de la population. Mais cette proportion est restée remarquablement stable tout au long du siècle :
https://publications.banque-france.fr/inegalites-de-patrimoine-en-france-quelles-evolutions-de-1800–2014
En somme la société libérale « classique » que défend Gave est une société très inégalitaire mais productrice de richesses, et où tout le monde profite de la croissance : c’est ce qu’on a appelé depuis lors le « ruissellement ».
Même les adversaires du capitalisme le reconnaissent, il n’y a pas moyen de gagner sur ce terrain. Aussi, la critique socialiste courante se concentre sur le fait de dire que le capitalisme est destructeur de la société. Si le système capitalisme du XIXe siècle était producteur de richesse, ce fut au prix d’une grande violence. Le mode de vie traditionnel, les liens communautaires et corporatifs des populations, avec la sécurité qu’ils assuraient étaient détruits pour transformer les travailleurs en individualiste égoïstes, calculateurs et malléables.
Cette critique est vraie, mais à mon avis le problème principal n’est pas là. Car même si la révolution capitaliste s’est faite dans la violence, les sociétés actuelles ont acquis un nouveau mode de vie auxquelles elles sont habituées. Et personne ne voudrait retourner à la société préindustrielle s’il faut pour cela perdre les avantages matériels acquis depuis 200 ans.
C’est un peu la même chose dans le débat sur les bienfaits supposés de la colonisation de l’Afrique. Certes, l’adaptation de l’Afrique à la civilisation européenne s’est faite dans la violence. Mais maintenant que la situation est telle qu’elle est devenue, aucun habitant de Yaoundé ne voudrait revenir à un mode de vie communautaire traditionnel. Seul un breton comme Dieudonné peut prôner un retour mythifié à la vie dans la forêt équatoriale.
Non, ce qui à mon avis compromet la défense du système libéral du XIXe siècle de nos jours c’est que nous ne sommes plus dans un monde illimité. Le monde en 1800 était bien moins limité que de nos jours. Si, comme Charles Gave le dit, les débouchés professionnels étaient insuffisant dans les campagnes européennes, les jeunes pouvaient toujours aller en ville. Et si à leur tour les salaires dans les villes industrielles étaient insuffisants, ils pouvaient émigrer aux États-Unis ou en Australie, où les possibilités de faire du profit restaient faciles. Si les riches pouvaient s’enrichir, les pauvres le pouvaient aussi. Dans la théorie libérale telle que la développe par exemple Adam Smith, la question de la limitation des ressources n’apparaît pas car elle n’est pas un problème à l’époque. Mais des auteurs comme Malthus qui prévoient déjà cette limitation développent une vision nettement plus pessimiste des conséquences du libéralisme. De nos jours, les ressources naturelles sont limitées et la population mondiale est sept fois plus nombreuse qu’au début du XIXe siècle. Si à l’époque riches et pauvres pouvaient voir accroître leur bien-être en agissant chacun pour leur profit individuel, aujourd’hui, les uns ne peuvent plus s’enrichir qu’aux dépens des autres, l’« enveloppe globale » étant fermée. Il n’est plus permis à qui le souhaite d’aller s’installer librement aux États-Unis ou en Australie. Le laisser-faire ne suffit plus à assurer une maximisation du bien-être, et des instances régulatrices sont de plus en plus nécessaires pour assurer une vie décente à long terme d’une population bien plus nombreuse sur une planète toujours plus restreinte.
41:20 « Si vous mettez des gars qui changent à chaque fois, vous laissez le pouvoir à la classe administrative » « En Suisse, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, le fonctionnaire est inéligible »
J’avais bien perçu qu’un des problème de la France est la monopolisation du pouvoir politique par les hauts fonctionnaires, et les allers-retours entre l’administration et les postes électifs. Mais je ne savais pas que certains pays avaient pris le problème à bras le corps de la sorte, en interdisant à un fonctionnaire qui a fait de la politique de revenir dans l’administration. Peut-être l’idée à suivre est-elle dans la simplicité de cette solution radicale ? Il faudrait un peu s’informer sur les pratiques de ces pays.
49:30 « La France, pour 10.000 habitants, à 70 % de fonctionnaire de plus que l’Allemagne […] C’est le secteur privé qui les paye […] Il a un coût sur le dos qui est 70 % supérieur au coût Allemand […] A ce moment-là, il faut que les entrepreneurs français soient protégés […] Il faudrait que les fonctionnaires soient moins chers […] On peut avoir 70 % de fonctionnaires de plus, ou un taux de change fixe, mais on ne peut pas avoir les deux à la fois sans tuer l’industrie française »
53:02 « Vous avez dans le PIB une partie qui est mesurable, qui est faite sur la liberté individuelle, c’est le PIB du secteur privé. En France, il est les deux tiers de ce qu’il est en Allemagne par tête de pipe. Si vous avez deux fois plus de fonctionnaires, quelqu’un les paye ces fonctionnaires »
Alors ici, c’est la partie du discours qui m’a rendu le plus perplexe. C’est décousu, ça part dans tous les sens, le raisonnement semble faux, mais comme généralement il ne dit pas de sottises, je me dis qu’il doit y avoir un fond de vérité.
Il semble faire un lien entre le nombre de fonctionnaires et la monnaie unique, en expliquant que le différentiel de ce nombre rendrait impossible la monnaie unique, ce qui est tout de même étrange. En réécoutant l’ensemble du passage, je pense que le sens est le suivant :
Quand il parle de fonctionnaires, l’important pour lui n’est pas le statut, à savoir qu’il sont soumis hiérarchiquement à l’État. Mais c’est le fait que leur salaire est fixé par l’État. En France, l’État détermine la rémunération par exemple des médecins (puisque c’est l’exemple qu’il prend). Il est à ce titre en position de monopole dans le domaine des service de santé, et fixe les tarifs arbitrairement. Ces tarifs ne sont pas soumis au libre jeu du marché. On est donc en situation de prix administrés. Les Prix ne reflètent donc pas la Valeur du produit créé, alors que ce serait la cas en libre concurrence « à l’équilibre ». Par exemple, pour reprendre l’exemple de Gave, considérons deux médecins dont la même consultation est à 24 euros en France et 24 euros en Allemagne. Chacun améliore au cours du temps son matériel, ce qui accroît la valeur de sa prestation. Si en Allemagne les tarifs sont libres, l’un augmentera sa consultation à 48 euros. Si les tarifs sont fixés par l’État en France, la consultation de l’autre restera à 24 euros, alors que la valeur aura augmenté. En conséquence de quoi, un euro en Allemagne ne représentera plus la même valeur qu’un euro en France. Et la parité du cours ne pourra pas être maintenue. Dès lors qu’il existe de nombreux secteurs où les prix sont administrés par l’État, il n’est pas possible de maintenir une monnaie unique entre différents pays. La solution des dirigeants européens est alors de supprimer toutes les régulations des prix par les États pour soumettre tous les domaines au libre jeu de la concurrence.
C’est à mon avis le sens sous-jacent des propos de Charles Gave, mais il faudrait pouvoir clarifier sa pensée.
59:40 « Quand j’étais jeune, j’ai travaillé pour une petite banque en Suisse : ils étaient responsables sur l’ensemble de leurs biens … »
Ici, Charles Gave défend l’idée que les banques soient privées mais que les propriétaires soient responsables sur l’ensemble de leurs biens. En bon défenseur du libéralisme classique, son idée se rapproche probablement du Free Banking. L’avantage est qu’en cas de défaillance d’une banque, le coût retombe sur les actionnaires, il n’y a pas d’accroissement de la dette publique. L’inconvénient en l’absence de prêteur en dernier ressort est que si la banque défaille, les déposants n’ont aucune possibilité de récupérer leurs avoirs. Or, comme l’information est toujours largement incomplète, ces déposants ne peuvent pas savoir si leur banque est « saine » et comparer entre elles les différentes banques. Comme ils savent que les dépôts ne sont pas garanti par l’État, dès qu’il y a des signes de risque de faillite bancaire, ils retirent leur argent : ce système favorise les paniques, et a d’ailleurs fini par être abandonné en Grande-Bretagne au XIXe siècle.
Petite réponse sur un point :
« L’inconvénient en l’absence de prêteur en dernier ressort est que si la banque défaille, les déposants n’ont aucune possibilité de récupérer leurs avoirs »
Non, un mécanisme de sauvegarde des déposants peut exister.
Dire que les actionnaires doivent être responsables sur l’ensemble de leurs biens ne veut pas dire que les remboursements des déposants serait limité aux bien des actionnaires, on peut très bien avoir des mécanismes de solidarité.
C’est en opposition à ce qui existe actuellement ou ce qui est fait est d’utiliser l’argent des déposants ou du contribuable pour sauver les actionnaires.
C’est exact. J’avais bien conscience en écrivant que je faisais un raccourci. Mais c’est en présumant que dans le système souhaité par Charles Gave, l’Etat ne garantit pas non plus l’argent des déposants, ce qui serait l’attitude la plus « libérale classique ». Mais c’est vrai que c’est un point sur lequel il faudrait lui demander sa position (quoique il doit sans doute y avoir répondu dans l’un ou l’autre de ses nombreux entretiens).
Vu d’ici, le capitaine d’un bâtiment complexe, semble plutôt placé pour dessiner la carte indispensable à la décision de l’armateur ; donc pour influencer son choix de trajectoire. Qui, alors, pour évaluer la pertinence de cette carte, pour en détecter les biais éventuels ? La complexité de nos réalités fabriquées ne nous ramène-t-elle pas toujours à un certain problème, celui de ne jamais rien pouvoir vérifier d’expérience, faisant de nous des gobes-mouche en dépit de nos efforts pour nous en défendre ? Et d’où découlerait notre vulnérabilité aux bobards, laquelle fait tout le prix des média mainstream, qui invitent chacun à nourrir chez eux ses petites mythologies et se construire un imaginaire à sa mesure. Ici règne un imaginaire de l’insurrection, du soupçon et de l’éducation populaire. L’imaginaire probablement le plus favorable au plan C ; mais un imaginaire parmi d’autres. Beaucoup d’autres.
S’il m’était permis de revenir au salon de coiffure du coin de ma rue (rue où, chacun pour ses raisons, on est tous bas de plafond), je voudrais signaler que nous autres (éventuels citoyens constituants au même titre que n’importe qui) ne comprenons pas la monnaie ni l’égalité à votre façon compliquée. Pour nous, l’égalité devant la loi, c’est le droit de faire telle chose à condition d’avoir le pognon pour (créer son propre salon, par ex) ; droit que la banque accorde ou refuse, réalisant l’égalité à son gré, à condition qu’on joue le jeu, qu’on se montre non pas vertueux mais rentable, quitte, si besoin, à produire de la cochonnerie rebaptisée richesse. Voyez où nous en sommes. Pourriez-vous nous dessiller un peu les yeux par des explications plus accessibles à notre intelligence ?
Quant à la responsabilité sur les biens propres, reste qu’un PDG qui prend des risques, en prend aussi pour d’autres qui n’ont rien décidé. Le partage du risque, oui ! Celui de la décision périlleuse…Si le risque c’est la vie, ontologiquement, qu’il me soit permis d’adresser aux nantis de l’incarnation, dotés d’une corporalité triomphante qui ne leur a jamais fait défaut et les a, subséquemment, encouragés à la témérité d’en réclamer davantage, d’en repousser les limites grâce au parapente par ex, la requête de bien vouloir, en cas de risque mal calculé, s’écraser ailleurs que sur mon nez. La vie, messieurs, c’est chacun la sienne, si vous voulez bien. Et si le bonheur m’était donné d’offrir la mienne à l’un de vous (ce qui ne ferait pas grand chose, j’en conviens), que le plaisir sans prix de l’initiative, me revienne du moins.