Nouvel entretien avec La Mutinerie : à propos des élections (toujours gagnées par les pires ennemis du bien commun), de l’opposition contrôlée (divisée), des prétendus « antifas », et bien sûr des ateliers constituants

14/08/2017 | 17 commentaires

Mani­fes­te­ment cre­vé et pas­sa­ble­ment décou­ra­gé, pardon.

Si un gen­til ou une gen­tille pou­vait m’ai­der à com­po­ser un plan minu­té de cet entre­tien, ce serait bien 🙂

Mer­ci à tous, pour tout ce que vous arri­vez à faire mal­gré les difficultés.

Étienne.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​5​5​4​1​6​5​3​0​4​7​317


[Edit (16 août) : Cathe­rine a rédi­gé le plan très détaillé de tout cet entre­tien… Quel bou­lot, non mais quel bou­lot !!! Cette bonne fée a publié tout ça sur l’i­né­pui­sable wiki des GVs :

http://​wiki​.gen​tils​vi​rus​.org/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​L​a​_​M​u​t​i​n​e​r​i​e​-​_​e​n​t​r​e​t​i​e​n​_​a​v​e​c​_​E​t​i​e​n​n​e​_​C​h​o​u​a​r​d​-​2​017

Mer­ci Cathe­rine, MERCI !!! 🙂

Étienne.


1 Résumé détaillé minuté : La Mutinerie – entretien avec Etienne Chouard – 2017

1.1 Une vraie constitution

1.1.1 (0′10″) Avoir une vraie constitution = pouvoir prendre des décisions dans le sens du bien commun, de l’intérêt général et non dans l’intérêt des privilégiés contrôlant le pouvoir

Si on a une vraie consti­tu­tion, cela va abso­lu­ment tout changer :

-> Cela donne le pou­voir de prendre des déci­sions dans le bien com­mun, dans le sens du bien com­mun, dans l’in­té­rêt général.
-> Cela change tout au niveau local, dépar­te­men­tal, régio­nal, natio­nal, conti­nen­tal, mondial.
-> Cela chan­ge­rait même la conjonc­ture géné­rale, la pros­pé­ri­té en décou­le­rait comme la dis­pa­ri­tion com­plète du chômage.
-> Les déci­sions publiques ne ser­vi­raient plus l’in­té­rêt des pri­vi­lé­giés qui ont pris le contrôle du pouvoir.
-> Les déci­sions prises ne seraient plus dans l’in­té­rêt des lob­bies, puis­sants, riches, mul­ti­na­tio­nales (Mon­san­to et mar­chands de canons y compris).

1.1.2 (1′30″) Méthode de la mafia historique et des gouvernements : terreur et pénurie

-> La mafia gou­verne par la ter­reur, en ter­ro­ri­sant ses vic­times tout en se pré­sen­tant comme le protecteur.
-> Le chô­mage est une construc­tion poli­tique, un outil ter­ro­riste, un outil mafieux.
Le chô­mage est une arme des riches contre les pauvres, un outil qui sert de tenaille pour faire peur.
-> Les gou­ver­ne­ments qui sont au ser­vice des plus riches depuis la Révo­lu­tion fran­çaise ter­ro­risent la popu­la­tion et orga­nisent la pénurie.
Il est très impor­tant que les peuples aient besoin de tra­vailler mais pas pour le bien com­mun, pour les négriers qui ont pris le contrôle du gouvernement.

1.1.3 (2′48″) Avoir une vraie constitution rendraient impossibles toutes les formes de fascisme

-> Ipso fac­to les riches ne peuvent plus prendre le pou­voir politique.
-> Fin du capitalisme.
-> impos­si­bi­li­té de toutes les formes de fascisme.
Avec un peuple consti­tuant, il n’y a plus de place pour un tyran.
Avec un peuple consti­tuant dès qu’un tyran mani­gance pour arri­ver au pou­voir, il a contre lui des citoyens.

1.1.4 (3′20″) Électeur = consent à tout abandonner à des maîtres / citoyen = défend la démocratie

-> Un élec­teur ne défend rien ; il consent à tout aban­don­ner à des maîtres ; il choi­sit entre cra­pule A, cra­pule B et cra­pule C ; il est sou­vent éteint, pares­seux, com­plexé et se croit incompétent.
-> Un citoyen défend la démo­cra­tie ; il est actif, courageux.

Tout le monde se méfie des poli­tiques, plus de 80% de la popu­la­tion n’ont pas confiance dans les acteurs politiques.
Ceux qui votent valident le système.

1.2 Méchants abstentionnistes !

1.2.1 (4′22″) La position abstentionniste a une cohérence mais ne nous sort pas du piège politique. La seule issue : devenir constituant

La posi­tion abs­ten­tion­niste est très défen­dable et ne mérite pas d’être condamnée.
Les acteurs poli­tiques pro­fes­sion­nels nous volent lit­té­ra­le­ment la réflexion et l’ac­tion poli­tique.
Voter ou ne pas voter ne nous sort pas du piège politique.
Pas d’autre issue que de deve­nir consti­tuant :
-> se his­ser au-des­sus des pou­voirs actuels, intel­lec­tuel­le­ment, avant de pou­voir le faire pratiquement.
-> être capable de conce­voir que nous sommes souverains.
Les ate­liers consti­tuants servent à cette réflexion, l’en­traî­ne­ment doit être quotidien :
-> Chaque jour faire une réflexion pratique.

1.3 L’autonomie en question

1.3.1 (6′15″) Face au « diviser pour mieux régner » les alternatives d’autonomie de vie ne suffisent pas pour résister au fascisme

Les peuples qui vou­laient colo­ni­ser un autre peuple ont très sou­vent semé le chaos pour pou­voir l’ex­ploi­ter, nous devons nous pré­pa­rer au chaos qui vient.
Construire un monde qui nous manque est une superbe idée mais cela ne suf­fit pas à faire un pro­jet poli­tique alternatif.
Faire tour­ner des éoliennes, deve­nir fru­gal, auto­nome, devoir s’ar­mer et se bar­ri­ca­der pour faire face au chaos pen­dant que tout le reste de l’hu­ma­ni­té crève ne peut être une alter­na­tive réelle pour résister.

1.3.2 (8′30″) Développer une aptitude constituante et être citoyen actif responsable de la limite des pouvoirs permettent la résistance au fascisme

-> Pour résis­ter à un tyran et au fas­cisme, main­te­nir l’ac­ti­vi­té éco­no­mique nor­male, les citoyens consti­tuants entraî­nés à ins­ti­tuer eux-mêmes les contrôles des pou­voirs seront plus robustes.
-> Pour résis­ter au chaos, il fau­drait avoir déve­lop­pé une apti­tude consti­tuante non réduite à l’as­pect juri­dique du terme.
-> Être un citoyen consti­tuant c’est pen­ser les pou­voirs dont a besoin la com­mu­nau­té et les limi­ta­tions non théo­riques mais pra­tiques de ces pou­voirs par l’ac­ti­vi­té concrète des citoyens.

1.4 En marche ?

1.4.1 (9′33″) La fabrique des opinions : les instituts de sondage

-> Macron est le début d’une dévas­ta­tion sociale his­to­rique, inédite, un retour au XIXe siècle.
-> Les ins­ti­tuts de son­dage sont tous sous appropriation.
-> L’ins­ti­tut de son­dage est un des outils majeurs de la fabrique du consen­te­ment, de la fabrique des opi­nions, une machine faite pour nous tromper.
-> Les son­dages disent que les fran­çais sont prêts à don­ner à Macron une majo­ri­té à l’As­sem­blée Nationale.

1.4.2 (10′43″) Le droit du travail : retournement de la hiérarchie des normes par la loi Macron et perte de la protection

Nous étions pro­té­gés par un droit du tra­vail donc par une loi qui se situait au-des­sus de la volon­té du patron. Entre les normes pro­duites entre le patron et le sala­rié et la loi, la loi était au-des­sus. Il y avait une hié­rar­chie des normes pro­tec­trice pour le salarié.
La pre­mière loi Macron – la loi El Khom­ri (loi tra­vail) – a déjà inver­sé la hié­rar­chie des normes.
la loi Macron inver­sant la hié­rar­chie des normes a détruit la pro­tec­tion que nous avions, le droit du tra­vail étant changé.
L’ur­gence est de défaire cette loi El Khom­ri ; or Macron veut la renforcer.

1.4.3 (11′43″) L’urgence c’est de devenir citoyen constituant et ne plus être tenu à l’écart

L’ur­gence n’est pas de créer des com­mu­nau­tés, l’ur­gence c’est de deve­nir consti­tuant, un citoyen vigi­lant ! On peut cumu­ler les deux.
  • Deve­nir consti­tuant ne demande pas un effort consi­dé­rable ; ce qui est com­pli­qué c’est de s’y mettre :
-> S’im­po­ser une minute par jour à réflé­chir concrè­te­ment à la Constitution.
-> Prendre n’im­porte quel article de la Consti­tu­tion française :
- réflé­chir et com­prendre ce qui est dit dans cet article,
- com­prendre com­ment le peuple est tenu à l’é­cart dans cet article,
- essayer de refor­mu­ler pour ne plus être mis à l’écart.

1.5 Du Chouard dans tous les programmes

1.5.1 (14′07″) Les professionnels de la politique vont dévoyer nos idées d’émancipation ; les conflits d’intérêt sont la cause de notre impuissance politique

Si nos idées d’é­man­ci­pa­tion citoyenne, de non pro­fes­sion­nels de la poli­tique, sont reprises par les poli­ti­ciens, ceux-ci vont dévoyer nos idées, les vider de leur sens.
Exemple : déci­der que l’as­sem­blée Consti­tuante ne devra pas être tirée au sort com­plè­te­ment mais juste en partie.
Ce serait gar­der dans la Consti­tuante les conflits d’in­té­rêt qui sont la cause de l’im­puis­sance poli­tique populaire.

1.5.2 (15′10″) Rousseau : C’est une forme de folie que de croire que celui qui est en situation de dominer va suivre un intérêt autre que le sien

-> Les maîtres vont suivre leur intérêt.
-> Si on accepte qu’il y ait des maîtres, ne pas s’at­tendre à ce qu’ils suivent un autre inté­rêt que le leur, ils ne ser­vi­ront pas l’in­té­rêt général.
-> La Consti­tu­tion non écrite par le peuple a fait que les riches ont pris le contrôle du pou­voir poli­tique ; cela donne une plou­to­cra­tie ; les déci­sions sont prises dans l’in­té­rêt des riches.

1.5.3 (15′58″) Ce que l’on va perdre avec Macron

-> Perte de la sécu­ri­té sociale.
-> Perte du droit du tra­vail protecteur.
-> Perte du sta­tut de la fonc­tion publique.
-> Perte pro­ba­ble­ment de la plu­part des ser­vices publics par la privatisation.

Notre pays est riche, il y a de l’i­ner­tie et donc du temps s’é­cou­le­ra avant d’être miné, asser­vi, malheureux.
Si les gens attendent d’être au fond du trou pour réagir !!!
On le mérite : on a voté Macron, on l’aura !

1.5.4 (16′40″) La fabrique du personnage Macron par les journaux

-> Les jour­naux appar­tiennent à 9 mil­liar­daires, on l’accepte !
-> Macron fait la poli­tique des milliardaires.
-> Les jour­naux ne parlent que de Macron, font des articles à la gloire de Macron.

Les jour­naux font la fabrique du per­son­nage Macron et cela n’a rien à voir avec l’in­té­rêt général !

1.6 Youtube/Censure/Décodex

1.6.1 (17′12″) Espoir d’une production d’un substitut libre au sein d’Internet mais surtout compter sur la robustesse d’une idée simple qui se propage même hors Internet

Il y a l’es­poir d’une pro­duc­tion d’un sub­sti­tut libre à You­tube, pla­te­forme Inter­net, etc. par les hackers, les pro­gram­meurs mais les mil­liar­daires vont cor­rompre et pol­luer Internet.
Je compte sur la robus­tesse d’une idée simple qui devrait pou­voir se répandre sans Internet.
Si l’i­dée est simple elle se pro­page sans avoir besoin d’un média aus­si puis­sant qu’Internet.

-> Ce n’est pas aux hommes du pou­voir d’écrire les règles du pouvoir.
-> Ce n’est pas aux par­le­men­taires d’é­crire la Constitution.
-> Si on veut une Consti­tu­tion il faut qu’on l’é­crive nous-mêmes.

Il faut s’en­traî­ner, se pré­pa­rer, qu’on soit plus nom­breux à s’oc­cu­per du bien commun.
Le jour où cela va péter nous serons prêts.

1.7 1984

1.7.1 (19′32″) Quand Big Brother crée, organise l’opposition pour garder le pouvoir, détourne le besoin de la population de tempêter vers une opposition fabriquée par le pouvoir

-> J’ai presque l’im­pres­sion que Mélen­chon et Le Pen servent à cris­tal­li­ser deux par­tis du peuple vou­lant s’émanciper.
Ce sont deux puis­sants enne­mis du sys­tème, ils ne font pas cause com­mune contre l’op­pres­sion, ils ne gagne­ront jamais les élections.
-> Comme décrit par Orwell dans « 1984″ Big Bro­ther pour gar­der le pou­voir orga­nise lui-même son oppo­si­tion contrô­lée et dont il n’a rien à craindre.
- Big Bro­ther orga­nise la guerre per­ma­nente qui mobi­lise tota­le­ment le peuple et lui fait faire corps der­rière Big Brother.
- Gold­stein est le monstre fabri­qué par Big Bro­ther pour cana­li­ser les res­sen­ti­ments éven­tuels de la population.
- Les gens par mimé­tisme gré­gaire haïssent Gold­stein qui passe quo­ti­dien­ne­ment sur tous les écrans lors des « deux minutes de la haine » bien qu’il dise la vérité :
« Méfiez-vous de Big Bro­ther, Big Bro­ther vous ment, Big Bro­ther vous vole ! ».
- Big Bro­ther se sert de ce dénon­cia­teur de scan­dales comme l’in­car­na­tion de ce qu’il faut haïr.
- Quand on hait Gold­stein, on ne hait plus Big Brother.
- Big Bro­ther détourne le besoin de la popu­la­tion de tem­pê­ter vers une oppo­si­tion qu’il a fabri­quée pour cela.
- Gold­stein est une marion­nette au ser­vice de Big Brother.

1.7.2 (25′10″) Les oppositions devraient fraterniser contre les oppresseurs qui sont au pouvoir

Les mil­lions de gens qui choi­sissent Le Pen devraient fra­ter­ni­ser avec les mil­lions de gens qui défendent Mélenchon.
On a tous le même pro­blème avec cette oli­gar­chie ploutocratique.
Cette posi­tion que je défends me fait trai­ter de phi­lo-fas­ciste parce que je dédia­bo­lise Gold­stein et que je demande de regar­der Big Bro­ther et non Goldstein.
Ceux qui sont au pou­voir sont les oppresseurs !

1.7.3 (26′32″) Une pensée du philosophe Alain : « Une assemblée ne pense pas ». Le mouvement de foule peut entraîner une déresponsabilisation

-> Une pen­sée d’A­lain, le phi­lo­sophe Émile Char­tier : « Une assem­blée ne pense pas ».
-> Ce sont les hommes qui pensent.
-> Les mou­ve­ments de foule peuvent entraî­ner une sorte de déresponsabilisation
-> Dans les ins­ti­tu­tions il fau­drait pré­voir des méca­nismes qui pro­tègent des mou­ve­ments de foule pour gar­der la pos­si­bi­li­té de résis­ter à l’as­sem­blée – peut-être par le vote secret.

1.7.4 (27′24″) Se mobiliser, ne pas se disperser, ne pas se diviser, être déterminé et courageux comme la classe ouvrière de la fin du XIXe-début du XXe siècle

-> À la fin du XIXe siècle, début du XXe, la classe ouvrière était très nom­breuse, plus que moti­vée, déter­mi­née à venir à bout du capi­ta­lisme, avec une culture poli­tique incroya­ble­ment supé­rieure à aujourd’hui.
-> Ils étaient for­més, déter­mi­nés, cou­ra­geux, endur­cis à la dou­leur, se sont fait mas­sa­crés lors de la pre­mière guerre mondiale.
-> Et nous ?
-> Qu’a­vons-nous comme troupe ?
-> Rien du tout, des gens qui regardent la télévision !
-> Pas de moti­va­tion, de la dis­per­sion et on se tire les uns les autres dans les pattes…

1.8 Fasciste ! (28′16″)

Les anti­fas pré­tendent que je suis un fas­ciste et m’empêchent d’a­voir des réunions avec mes copains de gauche.
Ce n’est pas tant les anti­fas peu nom­breux que les copains de gauche qui suivent et qui disent : « C’est scan­da­leux d’in­vi­ter Chouard dans les réunions ».
-> On n’y arri­ve­ra jamais, sélec­tion natu­relle, mort aux cons.
-> (28′53″) Les riches vont gagner, ils sont plus malins, plus forts, plus méchants, s’oc­cupent mieux de leurs intérêts !

1.9 Du positif ?

1.9.1 (29′06″) Se mettre à constituer, s’entraîner, partout, tout le temps

-> Tous les mois dans mon vil­lage je par­ti­cipe à un ate­lier consti­tuant chez une copine et on se régale, on pro­gresse, plein de nou­veaux viennent tout le temps.
-> Il fau­drait qu’il y en ait par­tout, tout le temps, dans chaque mai­son, dans chaque pâté de maisons.
-> Il fau­drait que les gens par­ti­ci­pant aux ate­liers consti­tuants s’en­traînent tous les jours pour avoir quelque chose à dire lors du pro­chain atelier.

1.9.2 (30′40″) Trouver une idée sexy pour réveiller les gens

-> Ils sont des mil­lions à regar­der TF1 et nous, on est 100 000.
-> On a besoin de trou­ver une façon de dire l’i­dée qui soit sexy pour des gens qui sont éteints, des gens qui ne pensent qu’à eux, qu’au foot, qu’à la télé­vi­sion. Fau­drait arri­ver à les réveiller.
-> Un jeu, peut-être ?
-> Un jeu où on gagne de l’argent ?
-> Le cer­veau col­lec­tif va peut-être finir par trou­ver cette idée là, mais cela nous manque.

1.9.3 (31′11″) Arriver à démontrer que évidemment pratiquer les ateliers constituants cela va tout changer : se hisser au-dessus de l’électeur, penser le politique en adulte, ne plus s’humilier en étant représenté

-> Les gens croient qu’ils ne sont pas capables, que faire des ate­liers consti­tuants ne chan­ge­ra rien. Et tant qu’ils pensent cela c’est logique de ne pas le faire.
-> Arri­ver à démon­trer que, évi­dem­ment, cela va tout chan­ger, en adap­tant les ate­liers consti­tuants à eux.
-> Je parle aux gens dans le train de Consti­tu­tion et ils com­prennent très vite. On devrait tous faire cela.
-> Lors des ate­liers consti­tuants, ne pas foca­li­ser sur le résul­tat. Une bonne image est celle des lignes de ‘a » lors de l’ap­pren­tis­sage de l’é­cri­ture. Quand nous avons appris à écrire nous avons fait des lignes de « a », plein de « a » jus­qu’à l’é­crire bien, ensuite on a jeté les lignes de « a », ce qui comp­tait n’é­tait pas les « a » mais que nous étions deve­nus capables d’é­crire des « a ».
-> Ce qui compte ce ne sont pas les articles qu’on écrit mais que nous sommes en train de nous his­ser au-des­sus de l’é­lec­teur, au-des­sus des élus. Nous deve­nons souverains !
« Je veux des élus mais sous mon contrôle, je veux des tirés au sort sous mon contrôle »
-> Cette acti­vi­té qui consiste à s’en­traî­ner, à se his­ser poli­ti­que­ment au-des­sus, à pen­ser la poli­tique en adulte, c’est elle qui nous trans­forme, c’est le fait de nous habi­tuer à pen­ser comme cela.
Il me semble que c’est cela qui nous trans­forme quand j’écris :
« Chaque dépu­té rend des comptes à ses élec­teurs tous les six mois »,
le fait d’é­crire, cela maté­ria­lise ma muta­tion, cela me trans­forme, je me trans­forme comme une che­nille se trans­forme en papillon.
D’é­lec­teur, je deviens citoyen.
C’est parce que je l’é­cris que je deviens constituant.
Je m’au­to­rise ce que les élus ne veulent pas que je fasse. Les élus me tiennent à l’é­cart. Ils m’in­ter­disent de faire cela, ils m’infantilisent :
ce n’est pas aux élec­teurs d’é­crire la Consti­tu­tion pour eux.
Je n’ac­cepte plus d’être rava­lé au rang dégra­dant d’é­lec­teur, cela m’hu­mi­lie d’être repré­sen­té.
C’est Rous­seau qui disait cela : « Vous m’hu­mi­liez en me repré­sen­tant ».
La sou­ve­rai­ne­té ne se repré­sente pas.

1.10 Les retraités (36′38″)

-> Incroyable : les retrai­tés votent Macron.
Ils sont sans défense
-> En Grèce, treize fois on leur a bais­sé leur retraite. Ils s’en­foncent dans la misère noire ; ils sont vieux, fati­gués, ne peuvent résister.
-> Il y a beau­coup à gagner en divi­sant les retraites par 2, 3 ou 4. Il y a des mil­liards à gagner là-dessus.
-> Les retrai­tés vont som­brer, souf­frir à cause de Macron qui va don­ner ces mil­liards à ses copains.
Que les retrai­tés crèvent ! Voi­là la men­ta­li­té libé­rale.

1.11 Union Européenne

1.11.1 (38′04″) L’Union Européenne est un piège fasciste qui nous conduit à la généralisation du malheur grec, portugais, chypriote

-> Regar­dez la Grèce, le Por­tu­gal, Chypre (petit pays désar­mé) pour voir ce qui nous attend. Les libé­raux sont forts avec les faibles.
À Chypre, ils piquent sur leurs comptes en banque, toutes leurs éco­no­mies sont per­dues. C’est du vol dans l’im­pu­ni­té totale. Les repré­sen­tants le font, scan­da­li­sés mais sans pou­voir faire autrement.
-> L’U­nion Euro­péenne est un piège fas­ciste qui nous conduit à la géné­ra­li­sa­tion du mal­heur grec, por­tu­gais et nous votons pour cela.

1.11.2 (39’08) L’Europe est irréformable, elle n’est pas faite pour réformer mais pour opprimer, c’est un piège de domination, antisocial, nous empêchant de fraterniser

-> Plein de gens à gauche disent : « Je ne veux pas sor­tir de l’U­nion Euro­péenne, je veux une autre Europe ».
L’Eu­rope est irré­for­mable, elle n’est pas faite pour réfor­mer mais pour oppri­mer et en disant que vous y res­tez vous vous enfermez.
-> Les gens qui veulent res­ter dans l’U­nion Euro­péenne n’ont pas lu les trai­tés ! Ils ne les connaissent pas !
Il faut plu­sieurs fois l’u­na­ni­mi­té des 28 pays pour chan­ger une virgule !
Il suf­fit d’un seul pays libé­ral tel le Luxem­bourg, para­dis fis­cal qui ne vit que du fait qu’il est un para­dis fis­cal dans ce sys­tème, pour s’opposer.
L’Al­le­magne aus­si ne veut rien chan­ger. L’Al­le­magne se com­porte comme un pré­da­teur, volant les pays du sud en leur ven­dant ses machines-outils, et une fois que les pays du sud se sont endet­tés ces pays doivent vendre tous leurs biens publics pour rem­bour­ser cette dette – ain­si pour la Grèce.
-> Ces gens-là nous enferment dans le piège fas­ciste de l’U­nion Euro­péenne, un piège de domi­na­tion, anti­so­cial qui nous empêche de fra­ter­ni­ser.

1.11.3 (40′41″) L’urgence absolue est de sortir de L’Union Européenne ; rester dans l’Union Européenne c’est de l’inconséquence, de la sottise, de l’ignorance

-> L’ur­gence abso­lue est de sor­tir de l’U­nion Euro­péenne, ce n’est pas suf­fi­sant, il res­te­ra à régler le pro­blème démo­cra­tique au niveau national.
-> Les grecs, après avoir tout ven­du, ont per­du 25% de leur PIB, même une guerre mon­diale ne fait pas cela ; c’est une régres­sion d’un siècle.
Res­ter dans l’U­nion Euro­péenne cela ne sert que les mil­liar­daires et les grands bour­geois. L’U­nion Euro­péenne nous dés­in­dus­tria­lise, nous sommes en train de nous « tiermondialiser ».
-> Dire qu’on est de gauche, qu’on veut une autre Europe et qu’il faut res­ter dans l’U­nion Euro­péenne c’est de l’in­con­sé­quence, de la sot­tise, de l’ignorance.
Les gens qui devraient résis­ter au lieu de s’u­nir se déchirent en criant au fas­cisme alors que le fas­cisme est là et qu’il domine.
Toute les grandes struc­tures qui ont sou­te­nu Hit­ler et Mus­so­li­ni sont au pou­voir, là, aujourd’­hui. Les sup­por­ters de Hit­ler, Mus­so­li­ni, Fran­co, Pino­chet étaient sou­te­nus par le grand capi­tal qui triomphe aujourd’­hui avec l’U­nion Euro­péenne. On y est dans le fascisme !

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Étienne

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17 Commentaires

  1. Pascal

    Si vous avez tou­jours besoin d un plan minute pour cet entre­tien, je le ferais volontiers

    Réponse
  2. etienne

    VENEZUELA
    La « guerre économique » pour les Nuls (et les journalistes)


    http://​www​.mede​lu​.org/​L​a​-​g​u​e​r​r​e​-​e​c​o​n​o​m​i​q​u​e​-​p​o​u​r​-​l​e​s​-​N​uls

    Sous la forme d’un feuille­ton en quatre par­ties que vous pour­rez retrou­ver chaque jour à par­tir du 11 août 2017, Mémoire des luttes publie une enquête exclu­sive de Mau­rice Lemoine consa­crée à la ques­tion de la « guerre éco­no­mique » au Venezuela.

    Alors que la vague de vio­lence déclen­chée par une oppo­si­tion déci­dée à le ren­ver­ser a pro­vo­qué la mort de plus de cent dix per­sonnes depuis début avril, le pré­sident « cha­viste » Nicolás Madu­ro a réus­si son pari : faire élire une Assem­blée natio­nale consti­tuante le 30 juillet. Mal­gré une situa­tion extrê­me­ment ten­due et les menaces pro­fé­rées contre les élec­teurs par les groupes de choc d’extrême droite, plus de 8 mil­lions de citoyens (41,5 % de l’électorat) se sont dépla­cés et ont choi­si leurs représentants.

    Lar­ge­ment trai­tée par des médias tota­le­ment acquis à l’opposition, la grave crise que tra­verse le Vene­zue­la com­porte une dimen­sion sys­té­ma­ti­que­ment pas­sée sous silence : comme dans le Chi­li de Sal­va­dor Allende, une sour­noise mais féroce « guerre éco­no­mique » désta­bi­lise le pays.

    PARTIE 1

    Le 18 jan­vier 2013, alors que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (en anglais FAO) vient de publier son rap­port annuel [1], son ambas­sa­deur Mar­ce­lo Resende de Sou­za visite au Vene­zue­la un mar­ché de Valen­cia (Etat de Cara­bo­bo), accom­pa­gné du vice-pré­sident de l’époque Nicolás Madu­ro. « Nous pos­sé­dons toutes les don­nées sur la faim dans le monde,déclare-t-il. Huit cents mil­lions de per­sonnes ont faim ; 49 mil­lions en Amé­rique latine et dans la Caraïbe, mais aucune au Vene­zue­la parce qu’ici la sécu­ri­té ali­men­taire est assurée. »

    Étran­ge­ment, quatre mois à peine se sont écou­lés que, la mala­die ayant empor­té Hugo Chá­vez et son ex-vice-pré­sident venant d’être élu chef de l’Etat, le quo­ti­dien (et porte-parole offi­cieux des mul­ti­na­tio­nales espa­gnoles) El País entonne une toute autre chan­son : « Le désap­pro­vi­sion­ne­ment accule Madu­ro » [2]. Certes, la pénu­rie concerne prin­ci­pa­le­ment, à ce moment, le papier hygié­nique (qui, pen­dant de longues semaines, va four­nir un pas­sion­nant sujet de dis­ser­ta­tion aux pisse-copies du monde entier), mais, men­tionne El País, elle s’ajoute à « une absence cyclique (…)de la farine, du pou­let, des déodo­rants, de l’huile de maïs, du sucre et du fro­mage (…)dans les supermarchés ».

    Ain­si débute média­ti­que­ment ce qui va deve­nir « la pire crise éco­no­mique » connue par ce pays, « poten­tiel­le­ment l’un des plus riches au monde », du fait de sa« dépen­dance à l’or noir », de « la baisse du prix du baril de pétrole » et de « la gabe­gie du gou­ver­ne­ment ». Alors que les porte-paroles de l’opposition incri­minent en vrac l’excessive inter­ven­tion de l’Etat, la régu­la­tion « auto­ri­taire » des prix, l’impossibilité qui en découle pour l’entreprise pri­vée de cou­vrir ses coûts de pro­duc­tion, le manque de devises octroyées par le pou­voir pour impor­ter matières pre­mières et pro­duits finis, les pénu­ries deviennent chro­niques, les rayons des super­mar­chés déses­pé­ré­ment vides, les files d’attente inter­mi­nables, le « mar­ché noir » omni­pré­sent. « Au Vene­zue­la, la baisse du pétrole fait flam­ber les prix des pré­ser­va­tifs » pour­ra bien­tôt titrer Le Figa­ro (17 février 2015). Même les médi­ca­ments deviennent introu­vables, atti­sant l’angoisse et les souf­frances de la population.

    Une telle situa­tion a de quoi émou­voir les huma­nistes du monde entier. « S’il y a une crise huma­ni­taire impor­tante, c’est-à-dire un effon­dre­ment de l’économie, au point qu’ils [les Véné­zué­liens] aient déses­pé­ré­ment besoin d’aliments, d’eau et de choses comme ça, alors nous pour­rions réagir », annonce sur CNN, le 28 octobre 2015, le chef du Com­man­de­ment sud de l’armée des Etats-Unis (Sou­thern Com­mand), le géné­ral John Kel­ly, en réponse aux appels « déses­pé­rés » de la « socié­té civile » véné­zué­lienne. Dès 2014, alors que la Table d’unité démo­cra­tique (MUD) appe­lait au ren­ver­se­ment du chef de l’Etat en lan­çant l’opération « La Sali­da » (« la sor­tie »), l’une de ses diri­geantes, María Cori­na Macha­do, avait tra­cé la voie : « Cer­tains disent que nous devons attendre les élec­tions dans quelques années. Est-ce que ceux qui n’arrivent pas à ali­men­ter leurs enfants peuvent attendre ? (…) Le Vene­zue­la ne peut plus attendre ! » La vio­lente séquence sub­ver­sive échoua, mais se sol­da par 43 morts et plus de 800 bles­sés. Et les Véné­zué­liens conti­nuèrent à éprou­ver des dif­fi­cul­tés chaque jour plus insup­por­tables pour s’approvisionner.

    Le 6 décembre 2015, lors des élec­tions légis­la­tives, les tra­cas, les pri­va­tions et le mécon­ten­te­ment ayant éro­dé le moral des citoyens de tous bords, le cha­visme perd 1 900 000 voix et devient mino­ri­taire à l’Assemblée. Inver­sant les termes de l’équation, la grande inter­na­tio­nale néo­li­bé­rale célèbre ce triomphe de la « démo­cra­tie » sur le « chaos ». Sou­mis à une infor­ma­tion triée et ras­sem­blée pour confor­ter cet a prio­ri, bien peu, en par­ti­cu­lier à l’étranger, ont conscience de ce que cette vic­toire a repo­sé fon­da­men­ta­le­ment sur un tor­pillage de la « révo­lu­tion boli­va­rienne » par une désta­bi­li­sa­tion éco­no­mique simi­laire à celle employée dans les années 1970 au Chi­li contre Sal­va­dor Allende. Dénon­cée en son temps par les pro­gres­sistes (plus orga­ni­sés, lucides et cou­ra­geux à l’époque qu’aujourd’hui), cette der­nière fut offi­ciel­le­ment confir­mée, trente-cinq années plus tard, par la déclas­si­fi­ca­tion de vingt mille docu­ments des archives secrètes du gou­ver­ne­ment des Etats-Unis. S’agissant de la « crise véné­zué­lienne », on peut donc espé­rer voir ces­ser la décon­nexion entre dis­cours média­tique et réa­li­té dans envi­ron… trois décen­nies. Ce qui, mal­heu­reu­se­ment, arri­ve­ra un peu tard pour la com­pré­hen­sion des évé­ne­ments et la défense urgente, sur la terre de Boli­var, d’une démo­cra­tie par­ti­cu­liè­re­ment mena­cée. Mais per­met­tra sans doute à ceux qui, actuel­le­ment, ferment volon­tai­re­ment ou détournent lâche­ment les yeux, de vendre du papier en publiant et com­men­tant avec une indi­gna­tion de bon aloi ces « stu­pé­fiantes révélations ».

    Rien de nou­veau sous le soleil, pour­tant. En matière de « désta­bi­li­sa­tion éco­no­mique » débou­chant sur un coup d’Etat, le Chi­li de l’Unité popu­laire (4 sep­tembre 1970 – 11 sep­tembre 1973) demeure évi­dem­ment une réfé­rence incon­tes­tée. Rien de plus clair que l’ordre don­né par Richard Nixon à la Cen­tral Intel­li­gence Agen­cy (CIA) : « Make the eco­no­my scream ! » (« faites crier l’économie »). Ain­si que la mul­ti­pli­ca­tion des mesures de rétor­sion mises en œuvre contre San­tia­go : blo­cage des biens et avoirs chi­liens aux Etats-Unis, dis­pa­ri­tion des machines et pièces de rechange pour les mines, manœuvres à l’international pour empê­cher la conso­li­da­tion de la dette chi­lienne, pres­sions sur le cours du cuivre, sai­sie-arrêt des expor­ta­tions de ce métal vers l’Europe… En 1972, du fait des mesures sociales et de l’augmentation du pou­voir d’achat, la consom­ma­tion popu­laire aug­mente consi­dé­ra­ble­ment. Sus­pen­dant la mise en vente de leurs stocks, rete­nant leurs mar­chan­dises, les entre­prises pri­vées pro­voquent déli­bé­ré­ment des pro­blèmes de ravi­taille­ment. Des files d’attente inter­mi­nables se forment à l’entrée des maga­sins. La majo­ri­té des biens de pre­mière néces­si­té – dont l’inévitable papier hygié­nique ! – ne se trouvent plus qu’au mar­ché noir. Quo­ti­dien chi­lien « de réfé­rence », El Mer­cu­rio se délecte : « Le socia­lisme c’est la pénu­rie ». Cas­se­roles vides à la main, des mil­liers d’opposants se ras­semblent dans les rues. Le 25 juillet 1973, gras­se­ment « arro­sée » de 2 mil­lions de dol­lars par la CIA, la puis­sante fédé­ra­tion des camion­neurs déclare une grève illi­mi­tée et immo­bi­lise sa flotte de poids lourds pour empê­cher les ali­ments de par­ve­nir à la popu­la­tion. Dans très peu de temps, il ne res­te­ra au géné­ral Augus­to Pino­chet qu’à inter­ve­nir pour mettre un terme à la débâcle de l’« éco­no­mie socialiste ».

    Les dif­fi­cul­tés du peuple consti­tuant un ferment constant de révoltes, des tech­niques rele­vant de la même phi­lo­so­phie avaient déjà été uti­li­sées contre Cuba. Pre­nant acte du fait qu’on ne pou­vait comp­ter sur un sou­lè­ve­ment popu­laire pour ren­ver­ser Fidel Cas­tro, le sous-secré­taire d’Etat amé­ri­cain aux affaires inter­na­tio­nales Les­ter D. Malo­ry conseilla dans son rap­port du 6 avril 1960 : «  Le seul moyen pré­vi­sible de réduire le sou­tien interne passe par le désen­chan­te­ment et le décou­ra­ge­ment basés sur l’insatisfaction et les dif­fi­cul­tés éco­no­miques (…) Tout moyen pour affai­blir la vie éco­no­mique de Cuba doit être uti­li­sé rapi­de­ment (…) dans le but de pro­vo­quer la faim, le déses­poir et le ren­ver­se­ment du gou­ver­ne­ment. » Le 3 février 1962, dans le but d’étrangler l’île, John Fitz­ge­rald Ken­ne­dy annon­ce­ra la mise en place de l’embargo – tou­jours en vigueur actuel­le­ment. Sans résul­tat dans ce cas, à l’exception des souf­frances inutiles infli­gées au peuple cubain.

    Vingt ans après Cuba avec Ful­gen­cio Batis­ta, le Nica­ra­gua san­di­niste s’est débar­ras­sé en 1979 de son dic­ta­teur Anas­ta­sio Somo­za. Alors que les pre­mières élec­tions libres doivent avoir lieu le 4 novembre 1984 et que les troupes contre-révo­lu­tion­naires – la « contra » –, finan­cées, entraî­nées et appro­vi­sion­nées par les Etats-Unis, har­cèlent le pays depuis le Hon­du­ras et le Cos­ta Rica voi­sins, des agents des forces spé­ciales amé­ri­caines minent les eaux de plu­sieurs ports nica­ra­guayens en début d’année. De nom­breux navires ayant été endom­ma­gés, les primes d’assurance aug­mentent, les bateaux mar­chands étran­gers évitent la des­ti­na­tion, affec­tant très for­te­ment l’économie par la réduc­tion dras­tique des impor­ta­tions et des expor­ta­tions. Objec­tif atteint ! « La pénu­rie au cœur des élec­tions », titre et déve­loppe Libé­ra­tion, le 2 novembre 1984 : « Au mar­ché noir, on peut pra­ti­que­ment tout ache­ter, à condi­tion d’y mettre le prix : 65 cor­do­bas les deux piles de radio (pro­duit rare), 160 le tube de den­ti­frice. L’occupation prin­ci­pale de quelques cen­taines de “hiboux” consiste à se pro­cu­rer des dol­lars au mar­ché noir (envi­ron dix fois le taux offi­ciel) puis à par­tir s’approvisionner au Cos­ta Rica ou au Gua­te­ma­la. Les pro­duits sont ensuite reven­dus jusqu’à vingt fois le prix offi­ciel, dans les baraques [du mar­ché]de “l’Oriental” de Mana­gua. (…) L’étatisation éco­no­mique se ren­force de jour en jour.(…) Les par­tis d’opposition affirment que les pro­blèmes de ravi­taille­ment ont consti­tué le thème le plus mobi­li­sa­teur [c’est nous qui sou­li­gnons]. »

    Les Nica­ra­guayens n’étant pas tom­bés dans le piège et le san­di­niste Daniel Orte­ga ayant mal­gré tout été élu pré­sident de la Répu­blique avec 67 % des voix, Washing­ton dou­ble­ra la mise en impo­sant au Nica­ra­gua un embar­go com­mer­cial total en 1985. Cette agres­sion mili­taire et éco­no­mique entraî­nant une très forte dégra­da­tion de la situa­tion, le pays s’endettera, s’enlisera dans une ges­tion de sur­vie et devra mettre genoux à terre, « vain­cu par la faim et la guerre », lors de l’élection pré­si­den­tielle du 25 février 1990.

    Au Vene­zue­la, si Hugo Chá­vez a évo­qué le concept de « guerre éco­no­mique » dès 2010, le pre­mier à la théo­ri­ser, en 2013, a été Luis Salas. La source d’inspiration ini­tiale de ce cher­cheur du Centre stra­té­gique lati­no-amé­ri­cain de géo­po­li­tique (Celag), très éphé­mère ministre de l’économie en 2016, a de quoi sur­prendre : loin des exemples lati­no-amé­ri­cains pré­cé­dem­ment cités, il explique avoir fon­dé les pré­mices de sa réflexion sur l’ouvrage Les pro­blèmes poli­tiques du plein emploi [3] que l’auteur polo­nais Michal Kale­cki (1899 – 1970) écri­vit en se basant sur son expé­rience vécue… en France, sous le Front popu­laire. « Il y dit que, d’un point de vue mar­xiste conven­tion­nel, on ne peut pas com­prendre ce qui s’est pas­sé. Car, para­doxa­le­ment, pen­dant ses trois années, à tra­vers les hausses sala­riales et l’augmentation de la consom­ma­tion ain­si que la crois­sance enre­gis­trée, le gou­ver­ne­ment de Léon Blum avait per­mis un enri­chis­se­ment des entre­pre­neurs et des commerçants. »

    Or, et même en sup­po­sant que ceux-ci ont tout inté­rêt à ce qu’un gou­ver­ne­ment, à tra­vers le plein emploi, aug­mente le pou­voir d’achat de la popu­la­tion, ce type de poli­tique pose au capi­tal un pro­blème fon­da­men­tal. « Pour les patrons, le plein emploi rend la main d’œuvre plus chère et les tra­vailleurs moins dociles, moins sus­cep­tibles d’accepter n’importe quoi. Entre autres incon­vé­nients, le capi­tal ne peut plus jouer sur la menace de licen­cie­ment. Par ailleurs, le gou­ver­ne­ment Blum avait com­men­cé à assu­mer de nom­breuses tâches qui, nor­ma­le­ment, appar­te­naient aux patrons, comme la dis­tri­bu­tion des ali­ments. Leur pou­voir repo­sait là-des­sus… » Poli­tique à court terme, le pro­blème devient éco­no­mique à long terme. « Leur pou­voir, en tant que classe, pou­vait être dépla­cé. » La presse de droite se déchaî­na alors contre les« salo­pards en cas­quette » qui allaient pro­fi­ter des congés payés ; finan­ciers et indus­triels spé­cu­lèrent et trans­fé­rèrent leurs capi­taux vers l’étranger. La suite appar­tient à l’Histoire de France. Mais pré­sente de fait quelques simi­li­tudes avec ce qui se passe au Vene­zue­la où, s’estimant mena­cé, le « monde de l’entreprise » par­ti­cipe acti­ve­ment au sabo­tage de l’économie.

    « En 2013, quand Madu­ro est arri­vé au pou­voir, rap­pelle Salas, la loi du tra­vail, la der­nière qu’a signée Chá­vez [le 30 avril 2012], venait d’être approu­vée. Et cette loi, bien qu’elle n’altère pas la rela­tion capital/travail, crée un nou­veau rap­port qui com­plique la domi­na­tion sur les tra­vailleurs. Elle octroie la sta­bi­li­té sala­riale, réduit la durée du tra­vail à qua­rante heures heb­do­ma­daires, sanc­tionne les licen­cie­ments injus­ti­fiés, rend les vacances obli­ga­toires, crée des avan­tages nou­veaux, etc. Dès lors, patro­nat et négo­ciants ont affi­né leurs tech­niques pour se débar­ras­ser de Maduro. »

    « Affi­ner » est bien le mot, car ils n’en étaient pas à leur coup d’essai. En 2001, après la signa­ture de 49 décrets-lois emblé­ma­tiques – loi sur les hydro­car­bures, loi sur la terre et le déve­lop­pe­ment agraire, loi de la pêche, etc. –, puis, sur­tout, fin 2002, après l’échec du fugace coup d’Etat amé­ri­ca­no-mili­ta­ro-média­ti­co-patro­nal d’avril, Chá­vez lui-même a dû affron­ter ce type de désta­bi­li­sa­tion. Du 2 décembre 2002 au 9 février 2003, alors que ses hauts cadres diri­geants para­ly­saient la com­pa­gnie pétro­lière PDVSA et que le pays som­brait, vic­time non d’une « grève géné­rale » mais d’un « lock out » patro­nal, les ali­ments et autres biens de pre­mière néces­si­té dis­pa­rurent dans les « bar­rios ». C’est l’époque où, dans l’Etat de Zulia, on put voir des pro­duc­teurs de lait jeter dans les rivières des mil­lions de litres de leur pro­duc­tion pour géné­rer la pénurie.

    Par­ti­cu­liè­re­ment affec­tée et ouver­te­ment pous­sée à se révol­ter comme elle le fit (spon­ta­né­ment) lors du « cara­ca­zo » en 1989 [4], la popu­la­tion modeste, base sociale du cha­visme, conser­va son sang-froid et ne tom­ba pas dans la pro­vo­ca­tion. Au terme d’une bataille de soixante-trois jours, le « coman­dante » reprit le contrôle, mais, la para­ly­sie de l’activité éco­no­mique avait coû­té 20 mil­liards de dol­lars au pays et une remon­tée spec­ta­cu­laire de la pau­vre­té – pas­sée de 60 % en 1997 à 39 % fin 2001, elle attei­gnit 48 % en 2002 puis 55,1 % en 2003. Près de 590 000 tra­vailleurs, essen­tiel­le­ment des femmes, se retrou­vèrent sans tra­vail de 2001 à 2003 ; les morts par dénu­tri­tion aug­men­tèrent de 31 %.

    La reprise du contrôle de PDVSA et l’affectation des reve­nus pétro­liers au finan­ce­ment des poli­tiques sociales per­met­tront de ren­ver­ser la situa­tion (21,2 % de pau­vre­té en 2012) jusqu’à l’actuelle phase de déstabilisation.

    Ain­si, donc, à en croire la vul­gate en vogue, depuis que la crise finan­cière inter­na­tio­nale a orien­té le cours du pétrole à la baisse en 2008, la rente ne suf­fit plus à cou­vrir la fac­ture des impor­ta­tions. Eton­nant, non ? Ayant pul­vé­ri­sé les som­mets à la mi-2008 (150 dol­lars le baril), l’or noir est certes redes­cen­du à 38 dol­lars en 2015 avant d’osciller entre 21 et 24 dol­lars en 2016, mais il se ven­dait à… 7 dol­lars le baril en 1998, lors de l’arrivée au pou­voir de Chá­vez. Et per­sonne ne se sou­vient avoir vu à l’époque de longues files d’attente devant les com­merces – depuis les échoppes jusqu’aux supermarchés.

    D’aucuns pour­raient objec­ter que, plon­gés alors en masse dans la pau­vre­té, les Véné­zué­liens consom­maient beau­coup moins à l’époque qu’à l’heure actuelle (ce qui est vrai !) ; bien peu le font car ce serait évi­dem­ment un hom­mage ren­du impli­ci­te­ment par le vice à la ver­tu. Mais en tout état de cause, avec un pétrole remon­té en 2017 aux alen­tours de 40 dol­lars, la théo­rie de la popu­la­tion « au bord de la famine » à cause du « pays en faillite » résiste mal à la réflexion (pour peu, bien sûr, qu’il y ait une réflexion).

    Com­men­çons par le com­men­ce­ment – d’après les porte-parole offi­ciels et offi­cieux du patro­nat, le gou­ver­ne­ment n’octroie pas aux entre­prises les dol­lars néces­saires à l’importation et à la pro­duc­tion – et ten­tons d’analyser la situation…

    Quatre-vingt-quinze pour cent des devises du pays pro­viennent de l’exportation du pétrole. Cette situa­tion struc­tu­relle date de 1920, année où a été approu­vée la pre­mière loi sur les hydro­car­bures et où s’est éta­bli le méca­nisme à tra­vers lequel l’Etat capte une par­tie, plus ou moins impor­tante selon les périodes, de la rente pétro­lière. Depuis le début de ce XXe siècle, la bour­geoi­sie s’est ingé­niée à se réap­pro­prier cette rente en échan­geant ses boli­vars contre des dol­lars et à l’utiliser essen­tiel­le­ment pour impor­ter – ce qui ne pré­sente aucun risque et ne requiert aucun inves­tis­se­ment. Il en résulte que, pour en reve­nir à la période actuelle, les 10 % des expor­ta­tions non pétro­lières du Vene­zue­la sont consti­tués de pro­duits miné­raux (26 %), chi­miques (45 %), de plas­tiques et de caou­tchouc (3 %), de métaux (10 %), tous pro­duits par… des entre­prises publiques. La contri­bu­tion du sec­teur pri­vé, en moyenne, ne dépasse pas 1 % du total des expor­ta­tions [5].

    Ce n’est donc pas le pétrole en soi qui consti­tue un pro­blème, mais le fait que si les devises se trouvent ini­tia­le­ment et en qua­si-tota­li­té entre les mains de l’Etat c’est parce que le sec­teur pri­vé, moteur auto­pro­cla­mé d’une éco­no­mie « dyna­mique » et « effi­cace », se limite (dans le meilleur des cas) à four­nir par l’importation le mar­ché inté­rieur, en pre­nant une confor­table marge au pas­sage, et ne par­ti­cipe qua­si­ment pas à l’accroissement de la richesse natio­nale. Plu­tôt que d’investir, il n’a pour pré­oc­cu­pa­tion que de récu­pé­rer le magot et de l’utiliser à son profit.

    Une fois ce cadre glo­bal éta­bli, on cher­che­ra l’erreur : depuis qu’en 2003 a été ins­tau­ré un contrôle des changes pour évi­ter la fuite des capi­taux, les entre­prises pri­vées ont reçu de l’Etat 338,341 mil­liards de dol­lars pour l’importation de biens et de ser­vices. En 2004, alors qu’elles ont dis­po­sé à cette fin de 15,75 mil­liards de dol­lars, on n’a consta­té aucune pénu­rie. En 2013, alors que la somme attri­buée a qua­si­ment dou­blé pour atteindre 30,859 mil­liards de dol­lars, les prin­ci­paux biens essen­tiels ont dis­pa­ru [6]. Doit-on par­ler de magie ? Peut-être. Mais, dans ce cas, de magie noire.

    Si la crise éco­no­mique mon­diale et la baisse des prix du pétrole ont évi­dem­ment un rôle dans la dégra­da­tion de la situa­tion, elles n’en sont aucu­ne­ment la cause prin­ci­pale. La convic­tion des néo­li­bé­raux natio­naux et inter­na­tio­naux qu’il fal­lait pro­fi­ter de la mort de Chá­vez pour « ache­ver » la « révo­lu­tion boli­va­rienne » a incon­tes­ta­ble­ment mar­qué le point d’inflexion vers l’organisation du désastre. Dès lors, d’après Pas­cua­li­na Cur­cio, pro­fes­seure de sciences éco­no­miques à l’Université Simón Boli­var, s’articulent quatre phé­no­mènes : une pénu­rie pro­gram­mée et sélec­tive des biens de pre­mière néces­si­té ; une infla­tion arti­fi­ciel­le­ment pro­vo­quée ; un embar­go com­mer­cial camou­flé ; un blo­cus finan­cier inter­na­tio­nal. Aux­quels on ajou­te­ra, depuis avril 2017, la vio­lence insur­rec­tion­nelle sou­te­nue par les Etats-Unis, leurs alliés régio­naux (Argen­tine, Bré­sil, Mexique) ain­si que l’Union euro­péenne, sanc­ti­fiée par les com­mis­saires poli­tiques des médias. Ce que d’aucuns appellent « une guerre de qua­trième génération ».

    En 2004, tan­dis qu’étaient impor­tés pour 2,1 mil­liards de dol­lars d’aliments, cha­cun pou­vait se nour­rir dans des condi­tions nor­males. En 2014, avec 7,7 mil­liards, une aug­men­ta­tion de 91 % – sachant que, depuis 2004, le gou­ver­ne­ment octroie les dol­lars à un taux pré­fé­ren­tiel pour l’achat des biens essen­tiels –, on ne trouve plus ni beurre, ni huile, ni farine de maïs pré­cuite, ni riz, ni lait en poudre, ni pâtes ali­men­taires, ni lait pas­teu­ri­sé, ni viande de bœuf, ni fro­mages, ni mayon­naise, ni sucre, ni café sur les rayons des com­merces et des grandes sur­faces. En revanche, les gon­doles croulent sous les bois­sons gazeuses, les galettes, les bis­cuits, les frian­dises, les gour­man­dises et autres sucre­ries, les conserves exo­tiques, les sur­ge­lés sophis­ti­qués. De quoi s’interroger sur la curieuse « crise huma­ni­taire » dont le monde entier a enten­du parler.

    Le 20 mai 2016, Agustín Otxo­to­re­na, un entre­pre­neur basque pas spé­cia­le­ment « cha­viste » rési­dant à Cara­cas, fati­gué de répondre à ses amis et proches qui, depuis l’Espagne, s’alarmaient pour sa san­té dans un pays affec­té par une famine simi­laire à celles qui frappent la Soma­lie ou l’Ethiopie, en fut réduit à publier sur sa page Face­book une série de pho­to­gra­phies par­ti­cu­liè­re­ment édi­fiantes prises dans les éta­blis­se­ments com­mer­ciaux des sec­teurs des classes moyenne et supé­rieure de l’est et du sud-est de Cara­cas (les fiefs de l’opposition). « Si tu as de l’argent,per­si­flait-il, il y a du whis­ky 18 ans d’âge, du rhum véné­zué­lien exquis, du cham­pagne fran­çais, de la vod­ka russe ou sué­doise, des bon­bons belges, des viandes savou­reuses, des lan­goustes, des vête­ments de marque, des res­tau­rants exclu­sifs, des dis­co­thèques spec­ta­cu­laires, des plages avec des yachts, des clubs de golf et hip­piques, des ter­rains de ten­nis et de foot­ball, et tout un pays à l’intérieur d’un autre pays, où il n’y a pas de pauvres, où les femmes et les enfants sont blonds, vont dans des col­lèges exclu­sifs, des uni­ver­si­tés exclu­sives, et se diver­tissent dans l’Ile de la Tor­tue ou dans l’archipel de Los Roques, là où les uniques Noirs ou pauvres sont les ser­veurs, le per­son­nel des ser­vices ou de la sécu­ri­té », avant de conclure l’une de ses der­nières livrai­sons d’un rageur (et en majus­cules) : « JE SUIS FATIGUÉ DES MENSONGES ! [7] »

    D’où la ques­tion que tout un cha­cun (à condi­tion de ne pas être jour­na­liste) se pose for­cé­ment : pour­quoi y a‑t-il pénu­rie de cer­tains pro­duits et pas d’autres, pour­quoi des ali­ments sont-ils si dif­fi­ciles à obte­nir et d’autres non ? Pour­quoi les fruits et les légumes, par exemple, n’ont-ils pas disparu ?

    Suite de notre enquête demain

    Pho­to­gra­phie : Mau­rice Lemoine

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    NOTES

    [1] « Pano­ra­ma de la Segu­ri­dad Ali­men­ta­ria y Nutri­cio­nal en Amé­ri­ca Lati­na y el Caribe 2012 », FAO, Rome, 2012.

    [2] Alfre­do Meza, « El desa­bas­te­ci­mien­to acor­ra­la a Madu­ro », El País, Madrid, 16 mai 2013.

    [3] Essai ini­tia­le­ment publié en 1943 dans le Poli­ti­cal Quar­ter­ly, fon­dé à Londres en 1930 par Leo­nard Woolf (époux de Vir­gi­nia Woolf).

    [4] Révolte popu­laire bru­ta­le­ment répri­mée par le gou­ver­ne­ment du social-démo­crate Car­los Andrés Pérez – 3 000 morts – en février 1989, à la suite d’un ajus­te­ment struc­tu­rel impo­sé par le Fonds moné­taire inter­na­tio­nal (FMI).

    [5] Pas­cua­li­na Cur­cio, « Mitos sobre la eco­no­mia vene­zo­la­na », 15 y ulti­mo, Cara­cas, 17 juin 2017.

    [6] Pas­cua­li­na Cur­cio, La Mano visible del Mer­ca­do. Guer­ra econó­mi­ca en Vene­zue­la, Edi­to­rial Noso­tros Mis­mos, Cara­cas 2016. De nom­breux chiffres men­tion­nés dans cet article pro­viennent de cette étude. Voir éga­le­ment sur le Web : « Vene­zue­la : tout com­prendre sur l’inflation et les pénu­ries », Vene­zue­la Infos, 29 mai 2017.

    [7] Voir : https://​you​tu​.be/​p​4​4​7​j​w​E​7​lac

    Source : Mémoire des luttes, http://​www​.mede​lu​.org/​L​a​-​g​u​e​r​r​e​-​e​c​o​n​o​m​i​q​u​e​-​p​o​u​r​-​l​e​s​-​N​uls

    Réponse
  3. etienne

    Formidable Maurice Lemoine, pour nous désintoxiquer des bobards médiatiques va-t-en-guerre sur le Venezuela :

    Réponse
  4. etienne

    Explication sur ce qu’il se passe réellement au Venezuela :

    httpv://www.youtube.com/watch?v=xUWrn11qF7s&feature=youtu.be

    Réponse
  5. binnemaya

    Bon­jour à Tous,
    Cela fait long­temps que j’ai rien pos­té, mais ce texte sur le Zapa­tisme me dit que l’u­to­pie dans ce pays dur, violent etc me per­met d’espérer :

    Presque quinze ans d’autogouvernement zapatiste
    Au Chiapas, la révolution s’obstine

    Au début des années 1990, le sou­lè­ve­ment zapa­tiste incar­nait une option stra­té­gique : chan­ger le monde sans prendre le pou­voir. L’arrivée au gou­ver­ne­ment de forces de gauche en Amé­rique latine, quelques années plus tard, sem­bla lui don­ner tort. Mais, du Vene­zue­la au Bré­sil, les dif­fi­cul­tés des régimes pro­gres­sistes sou­lèvent une ques­tion : où en est, de son côté, le Chiapas ?
    par Fran­çois Cusset 


    Détail d’une fresque murale réa­li­sée au cara­col More­lia par des membres de l’EZLN et des artistes en rési­dence au centre cultu­rel Ede­lo de San Cris­to­bal de las Casas, Chia­pas, 2009.
    http://​www​.katieya​ma​sa​ki​.com

    « Ils ont peur que nous décou­vrions que nous pou­vons nous gou­ver­ner nous-mêmes », lance la maes­tra Eloi­sa. Elle le disait déjà en août 2013 aux cen­taines de sym­pa­thi­sants venus de Mexi­co ou de l’étranger pour apprendre de l’expérience zapa­tiste, le temps d’une active semaine en immer­sion. Bap­ti­sée iro­ni­que­ment « Escue­li­ta » (petite école), cette ini­tia­tive visait à inver­ser le syn­drome de l’évangélisateur, à « retour­ner la tor­tilla », comme y invi­tait jadis l’anthropologue André Aubry : s’instruire au contact des cen­taines de pay­sans mayas qui pra­tiquent, jour après jour, l’autogouvernement. Inau­gu­rant par ces mots l’Escuelita de 2013, Eloi­sa rap­pe­lait alors l’essentiel, qui laisse cer­tains obser­va­teurs incré­dules : modeste et non pro­sé­lyte, l’expérience zapa­tiste n’en rompt pas moins depuis vingt-trois ans avec les prin­cipes sécu­laires, et aujourd’hui en crise, de la repré­sen­ta­tion poli­tique, de la délé­ga­tion de pou­voir et de la sépa­ra­tion entre gou­ver­nants et gou­ver­nés, qui sont au fon­de­ment de l’État et de la démo­cra­tie modernes.

    Elle a lieu à une échelle non négli­geable. Cette région de forêts et de mon­tagnes de 28 000 kilo­mètres car­rés (envi­ron la taille de la Bel­gique) couvre plus d’un tiers de l’État du Chia­pas. Si aucun chiffre sûr n’est dis­po­nible, on estime que 100 000 à 250 000 per­sonnes selon les comp­tages (1) — 15 à 35 % de la popu­la­tion — y forment les bases de sou­tien du zapa­tisme, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui s’en réclament et qui y par­ti­cipent. Tel est le fait majeur, que feraient presque oublier la vision folk­lo­rique des fameux passe-mon­tagnes ou les ruses élo­quentes de l’ex-sous-commandant Mar­cos (qui s’est rebap­ti­sé Galea­no, en hom­mage à un com­pañe­ro assas­si­né) : à cette échelle et sur cette durée, l’aventure zapa­tiste est la plus impor­tante expé­rience d’autogouvernement col­lec­tif de l’histoire moderne. Plus longue que les soviets ouvriers et pay­sans nés à la faveur de la révo­lu­tion russe de 1917 (avant le trans­fert de leur pou­voir vers l’exécutif bol­che­vique) ; plus que les clubs et les conseils de la Com­mune de Paris, écra­sés en mai 1871 après deux mois d’effervescence ; plus que les conseils mis en place en Hon­grie et en Ukraine après les insur­rec­tions de 1919 ; plus que la démo­cra­tie directe des pay­sans d’Aragon et de Cata­logne entre 1936 et 1939 ; et plus que les auto­no­mies poli­tiques ponc­tuelles, ou moins com­plètes, expé­ri­men­tées dans des quar­tiers urbains, à Copen­hague après 1971 ou à Athènes aujourd’hui.

    Alors que ces expé­riences ont toutes été répri­mées ou récu­pé­rées, et pen­dant que les gou­ver­ne­ments de gauche du reste de l’Amérique latine déce­vaient une par­tie des mou­ve­ments popu­laires qui les avaient por­tés au pou­voir (au Bré­sil, au Vene­zue­la, en Boli­vie, en Équa­teur…), le zapa­tisme a tenu bon. Il a peu à peu rom­pu avec l’État, soli­di­fié ses bases et écha­fau­dé une auto­no­mie poli­tique inédite, por­tée aujourd’hui par la pre­mière géné­ra­tion née après l’insurrection de 1994. Moyen­nant l’abandon pro­gres­sif, et prag­ma­tique, de la croyance dans l’État et de l’avant-gardisme léni­niste du début : « Quand on est arri­vés, on était car­rés, comme des pro­fes­sion­nels de la poli­tique, et les com­mu­nau­té indiennes, qui sont rondes, nous ont limé les angles », répète drô­le­ment Galea­no. L’enjeu : chan­ger la nature du pou­voir poli­tique, faute de le prendre à plus vaste échelle. Le résul­tat est là : « Le mou­ve­ment est plus fort, plus déter­mi­né encore aujourd’hui. Les enfants de 1994 sont désor­mais les cadres du zapa­tisme, sans récu­pé­ra­tion ni tra­hi­son », recon­naît le socio­logue Artu­ro Anguia­no, qui, loin d’être un com­pa­gnon de route natu­rel du Chia­pas, fut le cofon­da­teur du par­ti révo­lu­tion­naire des tra­vailleurs-euses (PRT), d’obédience trots­kiste. En témoigne, aujourd’hui, la vie ordi­naire des com­mu­nau­tés zapatistes.

    « Le capi­ta­lisme ne va pas s’arrêter. Ce qui s’annonce est une grande tem­pête. Ici, on s’y pré­pare en fai­sant sans lui », résume dans un sou­rire un homme d’une ving­taine d’années qui appar­tient depuis trois ans au conseil de bon gou­ver­ne­ment (Jun­ta de Buen Gobier­no) de More­lia, la moins peu­plée des cinq zones zapa­tistes, et qui s’apprête à lais­ser sa place après avoir for­mé ses suc­ces­seurs. Situé au cœur de la zone, à 1 200 mètres d’altitude, le cara­col de More­lia est ados­sé à une col­line luxu­riante. Ce terme signi­fie « escar­got » en espa­gnol, pour dire la len­teur néces­saire de la poli­tique et dési­gner les quelques bâti­ments de réunion qui font office de chef-lieu pour chaque zone. Ici, il sur­plombe un pay­sage de prés et de cultures : sept cents hec­tares de terres récu­pé­rées, pour sept mille habi­tants dis­per­sés sur un ter­ri­toire très éten­du. Entre le ter­rain de bas­ket-ball et l’auditorium som­maire en briques peintes, quelques dizaines de femmes et d’hommes, à cette heure, quittent le cara­col sac au dos, après trois jours de réunions. Ils traînent leur pas engour­di par de longues heures d’assemblée et arborent un air concer­né, mélange, sur leurs visages tan­nés, de la séré­ni­té amène des Indiens Tzot­ziles — la tri­bu majo­ri­taire ici — et du reste de pré­oc­cu­pa­tion de ceux qui viennent de pas­ser trois jours à dis­cu­ter, au titre des charges (car­gas) que cha­cun assume béné­vo­le­ment, de la répar­ti­tion des récoltes à la construc­tion des écoles.

    À l’école, histoire coloniale et critique du capitalisme

    À côté du petit cyber­ca­fé en par­paings, le jeune membre du conseil conti­nue : « Nous ne cher­chons pas à étendre le zapa­tisme, qui est très par­ti­cu­lier. Mais l’idée qui le sous-tend, l’autonomie en géné­ral, oui. » Ils sont trois, main­te­nant, à nous décrire le fonc­tion­ne­ment de la zone de More­lia. Il y a un col­lec­tif par sec­teur de pro­duc­tion, de la radio à l’artisanat tex­tile ou à l’apiculture. Dotée de cent qua­rante têtes de bétail et de dix hec­tares de champs de maïs (mil­pas), la zone atteint l’autosuffisance ali­men­taire grâce à ses pota­gers, ses rares pou­laillers, ses cinq hec­tares de café et ses bou­lan­ge­ries coopératives.

    Les sur­plus sont ven­dus aux non-zapa­tistes de la zone, les « par­ti­distes » qui vivent des sub­sides du Par­ti révo­lu­tion­naire ins­ti­tu­tion­nel (PRI), la for­ma­tion au pou­voir, lequel sub­ven­tionne cer­tains vil­lages pour les vas­sa­li­ser. Indi­rec­te­ment, ce sont donc les deniers du gou­ver­ne­ment qui per­mettent aux zapa­tistes d’acheter, en nom col­lec­tif, ce qu’ils ne pro­duisent pas : machines ou maté­riel de bureau, plus les rares véhi­cules qui conduisent les gens aux réunions depuis les quatre coins de la zone. Les pro­jets indi­vi­duels, tel le mon­tage d’une can­tine-épi­ce­rie, sont finan­cés par les banques auto­nomes zapa­tistes (Ban­paz ou Bana­maz), qui prêtent à un taux de 2 %. Dans toute la zone, on mange à sa faim, de façon fru­gale et tra­di­tion­nelle, sans aide ni de l’État ni des orga­ni­sa­tions non gou­ver­ne­men­tales (ONG) : riz, tor­tillas, fri­joles (hari­cots noirs), café, quelques fruits et, plus rare­ment, volaille, œufs, canne à sucre. Peu d’ordinateurs et de livres dans les mai­sons, des voi­tures très rares et un habille­ment sobre : les condi­tions maté­rielles sont mini­males, mais rien d’essentiel ne manque. Cette sobrié­té reste aux anti­podes de la (trom­peuse) corne d’abondance euro-amé­ri­caine des centres com­mer­ciaux et des prêts à la consommation.

    Les res­pon­sables volon­taires du cara­col de More­lia nous décrivent les trois mis­sions sociales assu­mées par la col­lec­ti­vi­té : l’éducation, la san­té et la jus­tice, qu’assurent à tour de rôle, plu­tôt que des pro­fes­seurs, des méde­cins ou des juges, des « pro­mo­teurs » béné­voles (leurs voi­sins s’occupent de leurs terres et de leurs foyers pen­dant leurs mis­sions). Si les quelque six cents écoles zapa­tistes des cinq zones pro­posent toutes trois cycles d’études, le reste est dis­cu­té col­lec­ti­ve­ment et adap­té aux besoins, qu’il s’agisse du rythme de cha­cun ou des pro­grammes et du calen­drier. Mais on retrouve par­tout des cours d’espagnol et de langue indienne, d’histoire colo­niale et d’éducation poli­tique (cri­tique du capi­ta­lisme, étude des luttes sociales dans d’autres pays), de mathé­ma­tiques et de sciences natu­relles (« vie en milieu ambiant »). Du ménage aux fresques murales, le tra­vail col­lec­tif est quo­ti­dien. Et, dès la fin du second cycle, vers l’âge de 15 ans, les jeunes, tous alpha­bé­ti­sés, peuvent pro­po­ser d’occuper une charge, après un vote de l’assemblée et une for­ma­tion de trois mois.

    S’y ajoute, à la sor­tie de San Cristó­bal, la seule uni­ver­si­té zapa­tiste, fon­dée par Ray­mun­do Sán­chez Bar­ra­za : le Centre indi­gène de for­ma­tion inté­grale (Cide­ci). Fer­ron­ne­ries d’escalier ou rideaux peints, tout y est l’œuvre des étu­diants, deux cents jeunes accueillis chaque année pour apprendre les savoirs auto­nomes : fabri­ca­tion de chaus­sures, théo­lo­gie ou usage des machines à écrire — plus sûres que le trai­te­ment de texte, compte tenu des cou­pures d’électricité —, ain­si qu’un sémi­naire poli­tique le jeu­di. Ins­pi­ré des prin­cipes antiu­ti­li­ta­ristes du péda­gogue alter­na­tif Ivan Illich (« apprendre sans école ») autant que des pre­mières pro­phé­ties indiennes, le Cide­ci accueille aus­si les grands col­loques zapa­tistes. Le der­nier, en décembre 2016, por­tait sur les sciences exactes « pour ou contre » l’autonomie (ConCien­cias).

    Le sys­tème sani­taire est fiable : des « mai­sons de san­té » assurent des soins de base de qua­li­té, de l’échographie à l’examen oph­tal­mo­lo­gique ; chaque cara­col compte une cli­nique où opèrent, pour l’heure, des méde­cins soli­daires exté­rieurs ; et des ONG four­nissent les médi­ca­ments allo­pa­thiques. Le recours aux herbes médi­ci­nales et aux thé­ra­pies tra­di­tion­nelles est par­tout encou­ra­gé, et l’accent est mis sur la pré­ven­tion. Quant à la jus­tice zapa­tiste, assu­rée par des volon­taires et des com­mis­sions ad hoc, elle traite certes de cas sou­vent bénins — désac­cords sur des terres ou rares conflits internes dans les vil­lages —, mais elle vise tou­jours à répa­rer plu­tôt qu’à punir : dis­cus­sion avec l’inculpé, tra­vaux col­lec­tifs au lieu de l’enfermement (il existe une seule pri­son dans l’ensemble des cinq zones), ni cau­tion ni cor­rup­tion. Là encore, les non-zapa­tistes pré­fèrent ce sys­tème plus juste, qui, en vingt ans, a fait chu­ter la délin­quance et les vio­lences domes­tiques — la pro­hi­bi­tion de l’alcool, que les femmes ont impo­sée dans le cadre de leur « loi sèche », pre­mière des lois zapa­tistes qu’elles ont fait voter, y a beau­coup contribué.

    La nou­veau­té est ce recours en hausse des par­ti­distes aux ser­vices publics zapa­tistes, qui per­met par­fois de les recru­ter et qui les change, sur­tout, du clien­té­lisme, de la bureau­cra­tie et de la dépen­dance aux oboles du par­ti. La dépen­dance : c’est ce qu’ont tenu à défaire, pas à pas, les zapa­tistes, y com­pris vis-à-vis des ONG. Mais l’autonomie, « pro­ces­sus sans fin », selon eux, reste par­tielle, et sou­vent bri­co­lée : on pré­lève l’électricité sans la payer à même les câbles de l’opérateur natio­nal, et on reste tri­bu­taire des dons et des achats col­lec­tifs dans cer­tains domaines, qu’il s’agisse de se pro­cu­rer de l’huile de cui­sine ou des télé­phones portables.

    Une organisation à la fois horizontale et verticale

    Cette expé­rience inso­lite, loin des radi­ca­lismes de papier, assume ses tâton­ne­ments et ses arbi­trages déli­cats. Son prin­cipe d’apprentissage : cami­nar pre­gun­tan­do, « che­mi­ner en ques­tion­nant ». Quant à man­dar obe­cien­do , « diri­ger en obéis­sant », devise par­tout affi­chée, elle sug­gère que, à l’horizontalisme pur des fan­tasmes anar­chistes, il convient tou­jours de mêler une dose même mar­gi­nale d’organisation — et d’efficacité — ver­ti­cale. Les com­mu­nau­tés sont consul­tées lon­gue­ment, moyen­nant des allers et retours avec les conseils de zone, mais à l’initiative de ces der­niers, qui for­mulent et sou­mettent les pro­po­si­tions, et qui orga­nisent si néces­saire un vote à la majo­ri­té. Les charges béné­voles sont rota­tives et révo­cables, gage d’une poli­tique dépro­fes­sion­na­li­sée, mais les plus com­pé­tents les occupent (et y sont élus) plus sou­vent que les autres. Et tous de recon­naître que, au fil des consul­ta­tions minu­tieuses, « par­fois le peuple est endor­mi », comme le disait un autre maes­tro de l’Escuelita. Plu­tôt qu’un sys­tème entiè­re­ment hori­zon­tal, il existe une ten­sion, qui se veut féconde, entre le gou­ver­ne­ment de tous et des méca­nismes dia­go­naux, sinon ver­ti­caux. Une concep­tion pro­ces­suelle et évo­lu­tive dans laquelle on invente et teste constam­ment, qu’il s’agisse des règles de vote ou de la durée et des cri­tères d’attribution des charges (les femmes, sou­vent moins à l’aise dans l’engagement public, peuvent par exemple occu­per une charge à deux ou trois).

    À l’origine était l’Armée zapa­tiste de libé­ra­tion natio­nale (EZLN), qui a sur­gi de la forêt Lacan­done un matin de jan­vier 1994. Cette struc­ture mili­taire ver­ti­cale est dotée d’une ins­tance de com­man­de­ment, le Comi­té clan­des­tin révo­lu­tion­naire indi­gène (CCRI). L’EZLN veille à la péren­ni­té de l’expérience, mais elle a déci­dé de se reti­rer de son fonc­tion­ne­ment poli­tique en 2003, au moment de la rup­ture avec l’État mexi­cain et de la mise en place du sys­tème d’autogouvernement. Celui-ci fonc­tionne à trois éche­lons, après un redé­cou­page géo­gra­phique qui a défait les divi­sions admi­nis­tra­tives anté­rieures : au niveau de la com­mu­nau­té de chaque vil­lage, où exercent des agents et des com­mis­sions (pour la sécu­ri­té, la pro­duc­tion, etc.) ; au niveau des com­munes (muni­ci­pios) qui regroupent les vil­lages ; et au-des­sus, au niveau des cinq grandes zones, qui ont pour centres les cinq cara­coles (More­lia, La Gar­ru­cha, Rober­to Bar­rios, Oven­tic et La Realidad).


    Détail d’une fresque murale réa­li­sée au cara­col More­lia par des membres de l’EZLN et des artistes en rési­dence au centre cultu­rel Ede­lo de San Cris­to­bal de las Casas, Chia­pas, 2009.

    Ce qui fait l’originalité du zapa­tisme limite aus­si la pos­si­bi­li­té pour des mou­ve­ments sociaux d’autres régions du monde d’en trans­po­ser tels quels les inven­tions et les méca­nismes : la conver­gence his­to­rique, en son sein, d’ingrédients hété­ro­gènes, voire incom­pa­tibles, deve­nus ici indis­so­ciables. Il y a un cœur indi­gène, d’abord, qui ren­voie aux peuples méso-amé­ri­cains de cette région (sur­tout les Tzot­ziles, les Tzel­tales, les Tojo­la­bales et les Choles) et à leur tra­di­tion cos­mo-éco­lo­gique ances­trale, mais aus­si à une longue his­toire de résis­tance anti­co­lo­niale. Si l’indianité zapa­tiste n’est jamais essen­tia­li­sée, et garde ouvert son poten­tiel uni­ver­sa­li­sant, c’est qu’elle est moins un eth­ni­cisme que la mémoire entre­te­nue de cinq siècles de luttes contre la « sai­gnée du Nou­veau Monde (2) », y com­pris le colo­nia­lisme interne des nou­velles élites métisses du Mexique indé­pen­dant, qui s’arrogèrent la repré­sen­ta­tion des Indiens et rava­gèrent leurs terres et leurs modes de vie. Il y a le rôle déci­sif de l’Église, ensuite : aus­si bien le catho­li­cisme syn­cré­tique typique du Mexique que la ver­sion locale de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion, cette « Église des pauvres » inau­gu­rée au Pérou dans les années 1960 — mémoire colo­niale ici aus­si, puisque, dès le xvie siècle, les seuls défen­seurs des indi­gènes du Mexique contre les conquis­ta­dores furent des reli­gieux, à l’instar du domi­ni­cain Bar­to­lo­mé de Las Casas ou de l’évêque Vas­co de Qui­ro­ga, avec son pro­jet d’une « répu­blique des Indiens ».

    Il y a un élé­ment mar­xiste-léni­niste déclen­cheur, bien sûr, venu des gué­rillas des années 1960–1970, mais mué après 1994 en une lutte anti­sys­té­mique plus ouverte contre le néo­li­bé­ra­lisme, son pillage des res­sources natu­relles et sa mar­chan­di­sa­tion des formes de vie. Et il y a des com­po­santes moins atten­dues, de type liber­taire et sur­tout anti­pa­triar­cal, le prin­cipe zapa­tiste de l’égalité sexuelle radi­cale renouant avec une filia­tion pré­co­lo­niale. Sans oublier les échanges avec un vaste réseau inter­na­tio­nal de sou­tiens, conviés sur place aux ren­contres annuelles : des dizaines de musi­ciens ou de groupes de rap et de ska aux refrains zapa­tistes (de Rage Against the Machine à Manu Chao, de Nana Pan­cha à Mexi­co à Pepe Hase­ga­wa au Japon), et des mil­liers d’activistes et d’intellectuels qui ont tous par­ti­ci­pé à cette construc­tion — les écri­vains José Sara­ma­go, Gabriel García Már­quez, John Ber­ger ou Umber­to Eco, les uni­ver­si­taires Alain Tou­raine ou Noam Chom­sky, ou encore, pour en res­ter aux noms célèbres, l’écologiste José Bové, le cinéaste Oli­ver Stone ou Danielle Mit­ter­rand. Innom­brables sym­pa­thi­sants du zapa­tisme, ou « zapa­ti­sans », fameux ou anonymes.

    Et il y a l’histoire natio­nale mexi­caine, avec sa fier­té et ses sin­gu­la­ri­tés. Car c’est ne rien com­prendre au zapa­tisme que d’en faire un pro­jet de séces­sion, d’indépendance (contre-)nationale. À chaque réunion du Congrès natio­nal indi­gène (CNI), créé en 1996, l’hymne natio­nal résonne avant les chants zapa­tistes, et le dra­peau tri­co­lore du pays flotte à côté du dra­peau noir et rouge. « Nous ne pen­sons pas à for­mer un État dans l’État, mais un endroit où être libres en son sein », répètent les com­man­dants de l’EZLN au fil de leurs marches à tra­vers le pays. Ce patrio­tisme de com­bat est l’héritage poli­tique de deux siècles de luttes, depuis l’indépendance de 1810. C’est l’héritage, d’abord, du chef agra­rien épo­nyme, Emi­lia­no Zapa­ta, géné­ral de l’Armée libé­ra­trice du Sud qui, avant d’être écra­sé en 1919, oppo­sa à la tra­di­tion lati­fun­daire son plan d’Ayala pour la redis­tri­bu­tion des terres et la démo­cra­tie locale, et mit en place quelques années durant la « pre­mière répu­blique sociale des temps modernes (3) », selon le mot du révo­lu­tion­naire Vic­tor Serge, qui a fini sa vie au Mexique.

    Au-delà, il y a la sur­po­li­ti­sa­tion d’un pays doté d’un réseau asso­cia­tif et mili­tant d’une rare den­si­té, où le com­bat pour le sta­tut com­mu­nal de la terre (l’ejido) dure depuis plus d’un siècle. Car s’entremêlent, au Mexique, à la fois des cor­po­ra­tismes offi­ciels (sur­tout celui du par­ti-État, le PRI), maniant mobi­li­sa­tion per­ma­nente et rhé­to­rique de la jus­tice sociale, et maints sou­lè­ve­ments authen­tiques, que leur répres­sion san­glante ancre dans la mémoire col­lec­tive : résis­tances urbaines de la fin du XXe siècle, comme le Mou­ve­ment urbain popu­laire ou les assem­blées de quar­tier des années 1970–1980, étu­diants maoïstes éta­blis dans les cam­pagnes, auto­ges­tions muni­ci­pales plus ou moins en rup­ture. Reste que ce « cock­tail » zapa­tiste est d’abord une com­bi­nai­son de l’égalité et de la dif­fé­rence, d’un héri­tage com­mu­niste par le bas et d’une pro­mo­tion inlas­sable de la diver­si­té eth­nique, cultu­relle, sexuelle — deux axes encore lar­ge­ment diver­gents au sein des mou­ve­ments de gauche d’Europe et d’Amérique du Nord, où le « mou­ve­men­tisme », plus ou moins iden­ti­taire, des mino­ri­tés et le vieil uni­ta­risme social, plus ou moins uni­ver­sa­liste, conti­nuent à se méfier l’un de l’autre.

    Quand Marcos appelait son âne « Internet »

    Mais l’unité zapa­tiste tient autant à ce mixte hété­ro­clite qu’à la tona­li­té d’ensemble, au style de lutte, à la démarche de vie qui viennent l’envelopper. Leurs traits carac­té­ris­tiques, que résume le concept car­di­nal de digni­té, sur­gissent des expli­ca­tions que for­mulent les Indiens aus­si bien que de textes plus fan­tasques, de registres variés (pam­phlets, dis­cours, contes de fées, chan­sons, poé­sie), qui ont ren­du célèbre l’ex-sous-commandant Mar­cos : modes­tie, solen­ni­té, fier­té résis­tante, déter­mi­na­tion mar­tiale, dou­ceur des gestes, rap­port au temps fait de patience et de pla­ci­di­té, uto­pie et fra­gi­li­té assu­mées, lyrisme cos­mique issu des héri­tages indi­gènes, et tou­jours l’humour et l’autodérision — qui hier inci­taient Mar­cos à appe­ler son âne « Inter­net », pour envoyer en 1995 ses mes­sages au gou­ver­ne­ment par ce biais ances­tral, ou l’EZLN à nom­mer « force aérienne de l’armée zapa­tiste » les dizaines d’avions en papier pleins de mes­sages dis­sua­sifs jetés sur les bar­rages mili­taires. En somme, c’est aus­si bien Karl Marx que les frères du même nom ; moins Che Gue­va­ra que l’anthropologue enga­gé Pierre Clastres ; moins Lénine qu’Illich ; moins le dogme que le prag­ma­tisme de com­bat ; et moins la dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat que la tra­di­tion locale du « réa­lisme mer­veilleux » (ce mélange de réa­lisme social et d’esthétique magique pro­mu par l’écrivain cubain Ale­jo Car­pen­tier) mise au ser­vice de l’autonomie poli­tique. Mar­cos, avant de deve­nir Galea­no, répé­tait que les meilleurs textes occi­den­taux de théo­rie poli­tique étaient pour lui Don Qui­chotte, Mac­beth et les romans de Lewis Carroll.

    Der­rière la for­mule zapa­tiste « en bas à gauche » (aba­jo a la izquier­da), l’unité est celle d’une cohé­rence éthique et exis­ten­tielle. Si le zapa­tisme a été vu comme « la pre­mière uto­pie démo­cra­tique uni­ver­selle qui vienne du Sud (4) », c’est en rai­son de cette réin­ven­tion de l’agir poli­tique, des façons de sen­tir et de lut­ter. Mais c’est aus­si parce que sa vic­toire au long cours est celle d’une lutte de plu­sieurs décen­nies, pous­sée vers l’autonomie par ses enne­mis et par la pres­sion de la réa­li­té. Long arra­che­ment for­cé, et non décré­té, à la tutelle éta­tique : l’autonomie négo­ciée ayant échoué, l’autonomie à construire s’est imposée.

    For­mée clan­des­ti­ne­ment en 1983, l’EZLN occupe les grandes villes du sud du Chia­pas le 1er jan­vier 1994. S’ensuivent douze jours de com­bat, puis vingt-trois ans d’une « anti­gué­rilla », selon le mot du socio­logue Yvon Le Bot (5). Après le ces­sez-le-feu, un dia­logue de paix est héber­gé par Mgr Samuel Ruiz García dans la cathé­drale de San Cristó­bal. Il est inter­rom­pu par l’offensive mili­taire de février 1995, qui pré­cède une longue guerre d’usure menée par les para­mi­li­taires à la solde du gou­ver­ne­ment. Le Chia­pas devient alors l’épicentre des mou­ve­ments sociaux, ins­pi­rant l’essor d’un « zapa­tisme civil » d’Oaxaca à Mexi­co, accueillant la Conven­tion natio­nale démo­cra­tique de 1994 et plu­sieurs ren­contres inter­na­tio­nales, gal­va­ni­sant les gauches du pays (qui rem­portent la mai­rie de la capi­tale en 1997). Mais les assas­si­nats poli­tiques sont nom­breux, et la para­mi­li­ta­ri­sa­tion s’intensifie — avec en point d’orgue le mas­sacre de qua­rante-cinq Indiens, sur­tout des femmes et des enfants, dans le cam­pe­ment d’Acteal, fin 1997.

    L’alliance avec la gauche offi­cielle, notam­ment le Par­ti de la révo­lu­tion démo­cra­tique (PRD) de M. Andrés Manuel López Obra­dor, finit par échouer, avant « la dis­tan­cia­tion et le divorce (6) » de 1999. Sur­tout, les accords signés en février 1996 à San Andrés sur les « droits et cultures indi­gènes » (pour l’autogestion com­mu­nau­taire et le déve­lop­pe­ment auto­nome) res­te­ront lettre morte, récu­sés par le pré­sident Ernes­to Zedillo et jamais ins­crits dans la Consti­tu­tion. L’espoir renaît en 2000 avec l’élection de M. Vicente Fox, pre­mier pré­sident non-PRI. La marche immense de la Cou­leur de la Terre, en 2001, ne suf­fi­ra pas à obte­nir gain de cause, mal­gré l’intervention devant le Congrès de la com­man­dante Ester. Aus­si les zapa­tistes décident-ils de rompre avec le cycle de la négo­cia­tion et le mal gobier­no (« mau­vais gou­ver­ne­ment »). En août 2003, ils lancent à Oven­tic la construc­tion de l’autonomie poli­tique en créant les caracoles.

    « L’autre cam­pagne » moqueuse et acerbe menée par Mar­cos en 2006, avant des élec­tions volées au PRD par une fraude du PRI, isole encore davan­tage les zapa­tistes, tout à la construc­tion labo­rieuse de leur auto­no­mie. Le creux de 2009–2012 ali­mente même les rumeurs d’une désaf­fec­tion mas­sive et de la mort de Mar­cos. Les zapa­tistes y mettent fin le 21 décembre 2012, jour du chan­ge­ment de cycle du calen­drier maya, en occu­pant en silence, à qua­rante mille, les villes qu’ils avaient enva­hies en 1994. Ce silence « est le bruit de leur monde qui s’effondre, le son du nôtre qui resur­git », déclare le com­mu­ni­qué de l’EZLN. Il inau­gure une nou­velle étape de la lutte, avec la consti­tu­tion du réseau infor­mel de la Sex­ta, ouvert à toutes les luttes sociales du monde, et l’arrivée du sous-com­man­dant Moi­sés, qui suc­cède à Marcos/Galeano, à la tête de l’EZLN. L’histoire du zapa­tisme au Chia­pas tient ain­si en trois mots, qui résument les moda­li­tés de son rap­port avec l’État : contre (pen­dant douze jours de guerre), avec (neuf ans de ten­ta­tives d’accord) et sans (depuis 2003).

    C’est au terme d’un tel iti­né­raire, et à l’aube d’une nou­velle phase, que sur­vient la déci­sion prise fin 2016 par le CNI, en accord avec les com­mu­nau­tés, de for­mer un Conseil indien de gou­ver­ne­ment. Sa repré­sen­tante (ce sera une femme), qui doit être nom­mée en 2017, sera aus­si can­di­date à l’élection pré­si­den­tielle de 2018. Mal com­prise, et encore sus­pen­due à l’approbation de l’Institut élec­to­ral fédé­ral, la déci­sion du CNI a stu­pé­fié les uns et aga­cé les autres — depuis les tenants d’une séces­sion inté­grale, qui y ont vu une com­pro­mis­sion avec le jeu élec­to­ral, jusqu’à la gauche natio­nale posi­tion­née en vue de l’élection, sur­tout le Mou­ve­ment de régé­né­ra­tion natio­nale (More­na) de M. López Obra­dor, qu’ont exas­pé­ré les pre­miers son­dages attri­buant 20 % des inten­tions de vote à la can­di­date incon­nue. Comme un coup de plus por­té par le zapa­tisme à la gauche de gou­ver­ne­ment du pre­mier pays his­pa­no­phone du monde, qu’il a déjà désta­bi­li­sée à maintes reprises au cours du der­nier quart de siècle.

    Pour­tant, le sens de cette déci­sion est tout autre : « Ce n’est pas pour le pou­voir », répète le CNI, mais pour affir­mer la force des cin­quante-six eth­nies autoch­tones du Mexique (seize mil­lions d’habitants, envi­ron 15 % de la popu­la­tion) et, plus lar­ge­ment, de « toutes les mino­ri­tés ». L’initiative vise à faire connaître leur oppres­sion et leurs résis­tances, à encou­ra­ger par­tout les formes d’organisation auto­nome. Elle veut dif­fu­ser le virus de l’opposition au capi­ta­lisme et aller sur le ter­rain de l’adversaire pour révé­ler à tous les « indi­gènes » du monde son état de décom­po­si­tion ter­mi­nale ain­si que la pos­si­bi­li­té désor­mais attes­tée de faire sans lui.

    Le contexte est la clé, dans un pays où le tra­fic de drogue (50 mil­liards de dol­lars) a fait entre 70 000 et 120 000 morts et dis­pa­rus, où par­tis et ins­ti­tu­tions res­tent lar­ge­ment cor­rom­pus. Le mépris affi­ché par le nou­veau pré­sident des États-Unis, M. Donald Trump, devrait sur­tout, comme l’espère le phi­lo­sophe mexi­cain Enrique Dus­sel, inci­ter « à recom­men­cer à neuf, avec un pro­jet d’autonomie et une déco­lo­ni­sa­tion des esprits qui rompent avec l’eurocentrisme de nos élites (7) ». La déci­sion de for­mer un Conseil indien de gou­ver­ne­ment et de pré­sen­ter une can­di­date est jus­ti­fiée, dans le com­mu­ni­qué du 29 octobre 2016 (8), par une longue liste de luttes indi­gènes à tra­vers le pays (contre l’État, les mul­ti­na­tio­nales ou les car­tels de la drogue), luttes avec les­quelles le CNI se déclare soli­daire, appe­lant à une coor­di­na­tion des com­bats pour rompre leur iso­le­ment. L’essentiel est là, dans ce rap­port volon­taire au dehors, aux résis­tances non zapa­tistes, avec les­quelles le dia­logue est conti­nu, mais la coopé­ra­tion inter­mit­tente, depuis 1994.

    Les multinationales plus présentes que jamais

    Aux Occi­den­taux venus leur rendre visite, aux membres de la IVe Inter­na­tio­nale, à des mou­ve­ments des quatre coins du monde que leur construc­tion de l’autonomie rap­proche de l’expérience zapa­tiste — les Kurdes de la « 29e révolte », les Sud-Afri­cains d’Abahlali baseM­jon­do­lo (AbM) dans les town­ships du Cap ou l’internationale pay­sanne Via Campe-sina —, les zapa­tistes posent cette ques­tion : « ¿ Y tu, qué ? » (« Et vous, com­ment faites-vous ? »). Ques­tion qu’ils posent donc, cette fois, aux résis­tances indi­gènes locales qui se lèvent dans tous les États du Mexique, du Michoacán au Sono­ra, contre les conglo­mé­rats miniers, les expro­pria­tions tou­ris­tiques, les pillages des « nar­cos » ou les enlè­ve­ments d’étudiants. Mais aus­si, tou­jours, aux mou­ve­ments sociaux natio­naux qu’ils accom­pagnent, telles les grèves ensei­gnantes de l’été 2016 ou les mani­fes­ta­tions contre la hausse du prix de l’essence (gaso­li­na­zo) début 2017.

    Si cette can­di­da­ture a pour but de remettre le zapa­tisme en scène et d’étendre le réseau des soli­da­ri­tés actives, c’est aus­si que demeurent tant d’obstacles, tant d’ennemis encore en embus­cade — ne serait-ce que l’armée fédé­rale, qui tient encore plu­sieurs dizaines de postes autour des cinq zones. Les para­mi­li­taires conti­nuent à semer la ter­reur, fût-ce plus ponc­tuel­le­ment, avec des affron­te­ments vio­lents à La Rea­li­dad en mai 2014 puis à La Gar­ru­cha à l’été 2015. Les pro­jets des mul­ti­na­tio­nales sont plus nom­breux que jamais au Chia­pas : État le plus pauvre du Mexique, mais son pre­mier four­nis­seur de pétrole, de café ou d’énergie hydro­élec­trique, celui-ci a déjà cédé près de 20 % de sa super­fi­cie en conces­sions minières ou en pro­jets tou­ris­tiques. Et dans les zones zapa­tistes elles-mêmes, où se côtoient « bases de sou­tien » et non-zapa­tistes, les sub­ven­tions d’État, les pots-de-vin des par­tis, les « caciques » (grands fer­miers métis) empo­chant des for­tunes des groupes miniers aux­quels ils cèdent leurs terres repré­sentent autant de menaces quo­ti­diennes, directes ou psy­cho­lo­giques, pour des com­mu­nau­tés à l’équilibre poli­tique et éco­no­mique pré­caire — qui s’efforcent de ne pas répondre aux pro­vo­ca­tions pour ne pas jus­ti­fier une opé­ra­tion militaire.

    Devant la bar­rière du cara­col de More­lia, un groupe de par­ti­distes est assis en cercle, buvant bruyam­ment dès le matin bière et tequi­la pour nar­guer les zapa­tistes venus aux assem­blées et leur faire regret­ter la « loi sèche ». Contre la fier­té d’avoir construit l’autonomie poli­tique, d’avoir fait renaître une culture et inven­té un dis­cours de com­bat, d’avoir démon­tré au monde qu’ils n’étaient pas les marion­nettes du ven­tri­loque Mar­cos, res­tent au quo­ti­dien taqui­ne­ries et bri­mades, ten­sions et menaces, qui conti­nuent de peser sur la « fra­gile arma­da (9) ». Mais, pour l’heure, elle tient bon.

    Fran­çois Cusset

    (1) Sur le pro­blème du cal­cul et des sources, cf. Ber­nard Duterme, « Zapa­tisme : la rébel­lion qui dure », Alter­na­tives Sud, vol. 21, no 2, Centre tri­con­ti­nen­tal – Syl­lepse, Lou­vain-la-Neuve – Paris, février 2014.

    (2) Eduar­do Galea­no, Les Veines ouvertes de l’Amérique latine, Plon, coll. « Terre humaine », Paris, 1981 (1re éd. : 1971).

    (3) Cité dans Guillaume Goutte, Tout pour tous ! L’expérience zapa­tiste, une alter­na­tive concrète au capi­ta­lisme, Liber­ta­lia, Paris, 2014.

    (4) L’expression est du socio­logue mexi­cain Pablo Gonzá­lez Casa­no­va (La Jor­na­da, Mexi­co, 5 mars 1997).

    (5) Yvon Le Bot, Le Rêve zapa­tiste, Seuil, Paris, 1997.

    (6) Hélène Combes, Faire par­ti. Tra­jec­toires de gauche au Mexique, Kar­tha­la, coll. « Recherches inter­na­tio­nales », Paris, 2011.

    (7) La Jor­na­da, 16 jan­vier 2017.

    (8) « Que tremble la Terre jusque dans ses entrailles », Enlace Zapa­tis­ta, 29 octobre 2016.

    (9) Titre d’un film réa­li­sé sur place par Jacques Keba­dian et Joa­ni Hoc­quen­ghem, 2002.

    Source : Le Monde diplo­ma­tique, http://​www​.monde​-diplo​ma​tique​.fr/​2​0​1​7​/​0​6​/​C​U​S​S​E​T​/​5​7​569

    Réponse
  6. CD

    Bon­jour Étienne,

    Connais­sez vous le fabu­leux tra­vail des hack­ti­vistes de demo​cra​cy​.earth ? Il s’a­git d’un col­lec­tif qui déve­loppe une appli de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive citoyenne en open source très pro­met­teuse qui a pré­sen­té son propre par­ti aux légis­la­tives en Argentine.

    https://​you​tu​.be/​U​a​j​b​Q​T​H​n​TfM

    https://​you​tu​.be/​N​X​f​Y​N​d​a​p​q3Q

    https://​you​tu​.be/​y​G​m​G​W​Z​C​E​4h0

    http://​demo​cra​cy​.earth/

    Réponse
  7. Ronald

    Bon­jour Etienne,

    Tu sembles pes­si­miste en consi­dé­rant que l’opposition au sys­tème est une oppo­si­tion fac­tice, contrô­lée, et qu’il n’y a rein à attendre des poli­ti­ciens, que s’ils intègrent nos idées, c’est pour les dévoyer. Mais tu ne vois pas que c’est un pas­sage obli­gé, que c’est un point posi­tif. Si les pou­voirs en place intègrent dans leur fonc­tion­ne­ment des idées nova­trices c’est parce qu’ils y sont contraints sous la pres­sion de l’esprit ambiant. Sinon, ils ne le feraient pas, ils les main­tien­draient sous le bois­seau. Mais en les inté­grant dans un but de les neu­tra­li­ser, en même temps ils les pro­pagent à un plus grand nombre. C’est le prin­cipe des « Ruses de l’Histoire »
    Je vais prendre un exemple : Dans les sta­tuts de « La Répu­blique en Marche » entrés en vigueur ce 1er août, il est indi­qué que le « Conseil » serait com­po­sé de 25 % d’adhérents tirés au sort :
    « Il [le conseil] est repré­sen­ta­tif de la dyna­mique citoyenne du mou­ve­ment et regroupe un nombre impor­tant de repré­sen­tants de la socié­té civile : 25% de ses membres seront des adhé­rents sans man­dat élec­tif, tirés au sort, avec une repré­sen­ta­tion garan­tie des ani­ma­teurs locaux. Le Conseil regroupe éga­le­ment l’ensemble des par­le­men­taires et des élus locaux. La com­po­si­tion du Conseil per­met une repré­sen­ta­tion de toutes les sen­si­bi­li­tés. Le Conseil déter­mine les prin­ci­pales orien­ta­tions poli­tiques du mou­ve­ment. Il désigne le ou les délé­gués géné­raux. Il contrôle l’action du bureau exé­cu­tif et du ou des délé­gués géné­raux. Il élit en son sein vingt membres qui sié­ge­ront au bureau exé­cu­tif. Il sta­tue sur les moda­li­tés de dési­gna­tion et d’investiture du can­di­dat du mou­ve­ment à l’élection à la pré­si­dence de la République. »

    Qu’en dire ? Bien enten­du que c’est une cra­pu­le­rie. Que le but est de « récu­pé­rer » une idée démo­cra­tique en la neu­tra­li­sant et en sédui­sant les gogos. Que ces 25 % ne chan­ge­ront rien à la déci­sion, et que dans son ensemble les sta­tuts du par­tis sont les plus des­po­tiques qui soient.
    Mais qu’est-ce qui a fait que ce pro­cé­dé a été inté­gré ? Ce n’est pas une idée per­son­nelle de Macron, où d’un de ses subor­don­nés dans l’équipe diri­geante du par­ti. C’est la pres­sion de l’idée qui cir­cule dans la socié­té. C’est donc un signe posi­tif. Un tel pro­cé­dé n’aurait jamais été mis en place il y a dix ans. Et LREM est à ma connais­sance le pre­mier par­ti majeur à inté­grer le tirage au sort comme mode de sélec­tion dans son ins­tance natio­nale. Le Congrès natio­nal du PS, le Conseil Natio­nal de LR, le Comi­té Cen­tral du FN sont élus.
    Au pas­sage, je viens de me rendre compte en cher­chant que les sta­tuts de la France Insou­mise ne semblent pas exis­ter sur le net (d’autres per­sonnes ont déjà été inter­pel­lées avant moi : http://​fischer02003​.over​-blog​.com/​2​0​1​6​/​1​0​/​d​u​-​p​a​r​t​i​-​d​e​-​g​a​u​c​h​e​-​a​-​l​a​-​f​r​a​n​c​e​-​i​n​s​o​u​m​i​s​e​.​h​tml ). Ils ont pour­tant bien été dépo­sés. Alors que par­mi les quatre, seul LREM donne accès à ses sta­tuts à par­tir de la page d’accueil de son site web. La trans­pa­rence n’est pas tou­jours où l’on croit. Il semble cepen­dant y a voir eu au moins une part de tirage au sort lors des élec­tions pour la dési­gna­tion du comi­té élec­to­ral de la FI : https://​lafran​cein​sou​mise​.fr/​c​a​m​p​a​g​n​e​s​/​c​a​m​p​a​g​n​e​-​l​e​g​i​s​l​a​t​i​v​e​s​-​2​0​1​7​/​c​o​m​p​o​s​i​t​i​o​n​-​c​o​m​i​t​e​-​e​l​e​c​t​o​r​al/ .

    LREM intro­duit donc l’idée contre son gré que des ins­tances diri­geantes peuvent être sélec­tion­nées par tirage au sort aus­si bien que par élec­tion. Cela ne peut faire que don­ner encore plus de force l’idée. Si le par­ti qui dirige la France pra­tique le tirage au sort, alors a for­tio­ri, rien n’empêche qu’il soit pra­ti­qué dans une sec­tion locale d’un syn­di­cat, dans une asso­cia­tion de quar­tier ou pour sélec­tion­ner le Grand-Maître d’une loge maçon­nique (je me demande où je vais cher­cher tout ça …). Et puis, les tirés au sort au Conseil se diront peut-être « pour­quoi 25 % ? ». Etc … C’est tout de même un « pro­grès » par rap­port à une situa­tion où per­sonne n’a enten­du par­ler de tirage au sort. On en peut pas s’attendre à ce que l’idée passe d’emblée d’un grou­pus­cule de quelques mil­liers de per­sonnes à la Consti­tuante d’un pays de 65 mil­lions de per­sonnes, appa­rue on ne sait trop com­ment. Il y aura évi­dem­ment des étapes inter­mé­diaires. Par­mi ces étapes, il y a la confron­ta­tion aux par­tis poli­tiques majeurs, qui ne vont bien sûr pas l’accepter pour ce qu’elle est, mais ten­ter de la cir­cons­crire pour en tirer pro­fit. Nous dans le feu de l’action, on n’y prête pas atten­tion, ou on voit que l’escroquerie. Mais je suis per­sua­dé que dans l’avenir, la « Chouette de Minerve » qui rever­ra rétros­pec­ti­ve­ment l’histoire des ins­ti­tu­tions poli­tiques fran­çaise de notre époque consi­dé­re­ra l’introduction du tirage au sort de ce Conseil comme une étape significative.

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    • etienne

      Mer­ci Ronald, tu me requinques, encore une fois 🙂

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  8. frederic

    Etienne, la mode est aux « spots » qui durent quelques secondes. Si on veut tou­cher un maxi­mum de gens il faut faire des « spots » de quelques secondes avec une idée très forte qui les incite à pro­lon­ger la réflexion. Pro­gres­si­ve­ment les gens vont s’éveiller.

    J’ai le temps de vous écou­ter, je tra­vaille à mon compte de chez moi, ceux qui font les ate­liers consti­tuant ont le temps. Les lobo­to­mi­sés ne l’ont pas, ils sont abru­tis par leur tra­vail, les trans­ports en com­mun. Ils se sentent iso­lés, n’osent pas expri­mer des idées ori­gi­nales. Il faut les entrai­ner pro­gres­si­ve­ment, on ne peut pas faire pas­ser tous ces gens d’une dépo­li­ti­sa­tion totale, à une réflexion pro­fonde sur la constitution.…

    Réponse
  9. Thierry Saladin

    « Mani­fes­te­ment cre­vé et pas­sa­ble­ment décou­ra­gé, pardon. »
    Bon­jour Etienne,
    Pour­quoi pardon ?
    Le ton et les mots que vous employez dans cette vidéo, notam­ment dans les dix der­nières minutes, témoignent au contraire d’une grande luci­di­té quant à la nature de l’obs­tacle qui se dresse devant nous avant que de pou­voir espé­rer le franchir.
    Cou­rage, nous gagne­rons parce que nous sommes les moins nom­breux, pour l’ins­tant. Un peu comme les gaul­listes de la pre­mière heure, les pêcheurs de l’Île de Sein.
    Et je pense vrai­ment ce que je vous dis.

    Bien à vous.

    Thier­ry Sala­din (Un consti­tuant qui était à Tou­louse le 20 mai der­nier : un par­mi d’autres)

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  10. etienne

    Best of de François Ruffin à l’Assemblée nationale :

    Réponse
  11. etienne

    Cathe­rine a rédi­gé le plan détaillé de cet entretien… 
    Quel bou­lot, non mais quel bou­lot !!! Cette bonne fée a publié tout ça sur l’i­né­pui­sable wiki des GVs :

    http://​wiki​.gen​tils​vi​rus​.org/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​L​a​_​M​u​t​i​n​e​r​i​e​-​_​e​n​t​r​e​t​i​e​n​_​a​v​e​c​_​E​t​i​e​n​n​e​_​C​h​o​u​a​r​d​-​2​017

    Mer­ci Cathe­rine, MERCI !!! 🙂

    Réponse
  12. Benoit

    httpv://www.youtube.com/watch?v=fcce7e-cC‑Q
    Roger Waters de Pink Floyd : « Nous vivons dans 1984 » d’Orwell
    « Je pense que tous les enfants devraient lire Hux­ley et Orwell »

    httpv://www.youtube.com/watch?v=ZeZariVnzbw
    1984 ⇨ George Orwell livre audio en français 

    Réponse
  13. Esclarmonde

    Bon­soir Etienne, « tu es fati­gué des men­songes » Ok, mais main­te­nant les yeux se des­sillent sur les « pseu­do-anti­fa » ou « oppo­si­tion contrô­lée » des mili­tants des « vrais » com­mencent a les dénon­cer : http://www.mouvementautonome.com/2017/10/les-agents-de-propagande-des-guerres-et-des-massacres.html.tôt ou tard ils devrons rendre des comptes quoi­qu’il y a une gué­guerre entre eux tant le « confu­sion­nisme » règne un « mili­tant » « grec » connu se prends de bec avec ces anciens » col­lègues » en mac­car­thysme, et du coup, ils pré­fèrent s’en­tendre et se « tiennent par la bar­bi­chette ». Comme dans la mafia tant qu’ils se tuent entre eux on est tran­quille. (par­don pour la vio­lence des mots)
    Des infor­ma­tions sortent petit a petit et c’est l’U­nion Euro­péenne et l’é­tat fran­çais qui finance ces « pseudo-antifa » :
    https://​s04​.just​paste​.it/​p​d​f​/​p​s​l​2​-​j​u​s​t​p​a​s​t​e​-​i​t​-​5​5​4​2​1​6​.​pdf
    On remarque que ces pré­ten­dus « anti­fa » sont des petits bour­geois, jour­na­listes sou­vent, ou intel­lec­tuels gau­chistes n’ayant aucun lien avec la réa­li­té du ter­rain. Genre les fils Ber­na­nos ayant brû­lé deux flics dans une voi­ture. Ils sont en jugement :
    http://​www​.lex​press​.fr/​a​c​t​u​a​l​i​t​e​/​s​o​c​i​e​t​e​/​v​o​i​t​u​r​e​-​d​e​-​p​o​l​i​c​e​-​i​n​c​e​n​d​i​e​e​-​l​e​s​-​f​r​e​r​e​s​-​b​e​r​n​a​n​o​s​-​u​l​t​r​a​s​-​d​e​-​b​o​n​n​e​-​f​a​m​i​l​l​e​_​1​8​8​7​0​7​2​.​h​tml . D’autres sont démas­qués par de plus malins qu’eux : https://​lau​ren​to​ber​tone​.word​press​.com/​2​0​1​7​/​0​1​/​2​3​/​c​y​r​i​l​-​c​a​s​t​e​l​l​i​t​i​-​a​l​i​a​s​-​k​a​p​s​y​-​k​a​t​r​i​k​-​f​a​u​x​-​j​o​u​r​n​a​l​i​s​t​e​-​a​u​x​-​i​n​r​o​c​k​s​-​v​e​r​i​t​a​b​l​e​-​a​n​t​i​fa/
    Il y en a bien d’autres comme ça d’ou leur gout pour l’a­no­ny­mat et les pseu­dos aux Usa, aus­si ça existe des « jour­na­listes », « uni­ver­si­taires », phi­lo­sophes » mili­tants de « gauche « au ser­vice de l’im­pé­ria­lisme, et la guerre article par­lant du cas fran­çais « Ornel­la-Anne Marie  » : https://​win​te​roak​.org​.uk/​t​a​g​/​r​o​b​-​l​o​s​-​r​i​c​o​s​/#3.
    Alors conti­nue dans ta voie elle est juste donc elle dérange ..
    Bien à toi Etienne..

    Réponse
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