Une bonne synthèse, pour remonter aux sources et découvrir qui veut la guerre, (et qui nous y « tirera par les cheveux », même si on n’est pas d’accord du tout) :
Les Kagan sont de retour ; les guerres vont suivre,
par Robert Parry
Source : Consortium News, le 15/03/2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
Le 15 mars 2017
Exclusif : La famille “royale” néoconservatrice des Kagan compte sur les Démocrates et les prétendus progressistes pour jouer les fantassins dans la nouvelle campagne néoconservatrice qui vise à pousser les Républicains et le président Trump à engager d’autres guerres de « changement de régime ».
Par Robert Parry
La famille Kagan, fleuron de l’aristocratie néoconservatrice de l’Amérique, refait surface après s’être remise de n’avoir pas vu s’accroître son influence – ce que lui aurait offert l’élection d’Hillary Clinton – et d’avoir perdu son pouvoir officiel au début de la présidence Trump.
La famille Kagan est de retour, pontifiant dans les tribunes des plus grands journaux. Elle incite maintenant à un élargissement de l’intervention militaire étatsunienne en Syrie et elle harcèle les Républicains pour qu’ils participent avec un peu plus d’enthousiasme à la chasse aux sorcières antirusse au sujet de la contribution présumée de Moscou à l’élection de Trump.
Dans une tribune du Washington Post datée du 7 mars, Robert Kagan, cofondateur du Project for the New American Century et l’un des principaux cerveaux de la guerre d’Irak, a attaqué les Républicains dont le peu d’empressement à enquêter faisait d’eux « des complices après coup de la Russie. »
Puis Frederick Kagan, directeur du Critical Threats Project à l’American Enterprise Institut néoconservateur et sa femme, Kimberly Kagan, qui a son propre groupe de réflexion, l’Institute for the Study of War (Institut pour l’étude de la guerre), vantaient, dans une tribune du Wall Street Journal du 15 mars, les avantages d’un renforcement de l’intervention américaine en Syrie.
Pourtant, quelle que soit l’influence que gardent les Kagan à Washington, dans le monde des groupes de réflexion et des tribunes libres, ils demeurent presque totalement à l’écart des centres du pouvoir de la nouvelle ère Trump, même si, semble-t-il, ils ont vu une porte qu’on pouvait forcer.
Il y a un an, cependant, leurs perspectives avaient l’air bien plus exaltant. Ils pouvaient faire leur choix parmi un grand nombre de candidats républicains néoconservateurs à la présidence ou, comme Robert Kagan, ils pouvaient soutenir la candidate de l’establishment démocrate, Hillary Clinton, dont « l’interventionnisme progressiste » se confondait quasiment avec le néo conservatisme et n’en différait que par les explications rationnelles invoquées pour justifier toujours davantage de guerres.
Il y avait aussi l’espoir qu’Hillary Clinton présidente reconnaîtrait sa communauté de vues avec les faucons progressistes et les néoconservateurs en donnant une promotion à la femme néoconservatrice de Robert Kagan, Victoria Nuland, qui passerait du poste de secrétaire d’État adjointe aux Affaires européennes à celui de secrétaire d’État.
Alors ils auraient bénéficié d’un formidable élan pour à la fois augmenter l’intervention militaire américaine en Syrie et accroître l’escalade de la nouvelle guerre froide avec la Russie, remettant l’idée de « changement de régime » pour ces deux pays à l’ordre du jour. Ainsi, au début de l’an dernier, les opportunités semblaient infinies pour la famille Kagan qui allait pouvoir montrer sa force et engranger beaucoup d’argent.
Une affaire de famille
Comme je l’ai fait remarquer il y a deux ans dans un article intitulé “Une affaire de famille de guerre sans fin” : « Le commentateur néoconservateur Robert Kagan et sa femme, la secrétaire d’État adjointe aux Affaires européennes Victoria Nuland, sont à la tête d’une affaire de famille remarquable : elle, elle a déclenché une vraie guerre en Ukraine et elle a contribué à provoquer une seconde Guerre froide avec la Russie, et lui, il intervient pour exiger que le Congrès augmente le budget de l’armée afin que l’Amérique puisse faire face à ces nouvelles menaces contre la sécurité.
« Cet extraordinaire duo conjugal représente, pour le complexe militaro-industriel, deux forces qui s’unissent, une équipe dedans-dehors qui crée le besoin d’un budget militaire plus important, use de pressions politiques pour assurer des dotations plus élevées et regarde avec reconnaissance les marchands d’armes offrir de généreuses donations aux groupes de réflexion bellicistes de Washington.
« Non seulement la communauté des néoconservateurs dans son ensemble bénéficie de ces largesses, mais c’est le cas aussi d’autres membres du clan Kagan, y compris celui du frère de Robert, Frederick de l’American Enterprise Institute, et de sa femme Kimberly qui dirige sa propre agence, l’Institute for the Study of War. »
Cependant, les événements ne se sont pas déroulés tout à fait comme les avaient imaginés les Kagan. Les Républicains néoconservateurs ont trébuché lors des primaires et c’est Trump qui a gagné, et après qu’Hillary Clinton a renvoyé le sénateur Bernie Sanders dans les cordes et qu’elle a été nommée candidate pour les Démocrates, elle a perdu devant Trump lors de la présidentielle.
A la suite de sa surprenante victoire, Trump, en dépit de ses nombreuses lacunes, a reconnu ne pas être proche des néoconservateurs et les a laissés, pour la plupart, à la porte. Nuland a non seulement perdu son poste de secrétaire d’État adjointe mais elle a aussi démissionné du département d’État.
Trump à la Maison-Blanche, l’establishment de la politique étrangère de Washington, dominé par les néoconservateurs, avait pris un coup, mais il n’était pas au tapis. Les néoconservateurs ont reçu alors une bouée de sauvetage de la part des Démocrates et des progressistes qui détestaient Trump à un point tel qu’ils ont été ravis de reprendre le flambeau de la nouvelle Guerre froide de Victoria Nuland avec la Russie. Participant à un plan douteux pour écarter Trump du pouvoir, les Démocrates et les progressistes ont monté en épingle des accusations sans preuve selon lesquelles la Russie se serait entendue avec l’équipe de Trump afin de truquer l’élection américaine.
L’éditorialiste du New York Times, Thomas L. Friedman, a parlé pour nombre d’entre eux quand il a comparé la présumée « ingérence » de la Russie dans les élections avec le bombardement de Pearl Harbour et les attentats du 11-Septembre par al-Qaïda.
Dans l’émission Morning Joe sur MSNBC, il a exigé que les accusations de piratage contre la Russie soient traitées comme un casus belli. « C’était un événement de la même ampleur que le 11-Septembre, a‑t-il déclaré. Ils ont attaqué le cœur de notre démocratie. C’était un événement de l’ampleur de Pearl Harbour. » Aussi bien Pearl Harbour que le 11-Septembre ont mené à des guerres.
Ainsi beaucoup de progressistes, aveuglés par leur haine de Trump, ont-ils favorisé le retour des néoconservateurs.
Le harcèlement des Républicains
Robert Kagan a choisi la page des tribunes libres du Washington Post pour harceler des Républicains qui comptent, comme le représentant Devin Nunes, président du House Intelligence Committee, qui se trouvait en photo au-dessus de l’article et de son titre « Roulant pour une ingérence de la Russie ».
« Il aurait été impossible d’imaginer il y a un an, » écrit Kagan, « que des dirigeants du Parti républicain aideraient effectivement les Russes à s’ingérer dans le système politique de notre pays. Pourtant, et c’est incroyable, c’est le rôle que joue le Parti républicain. »
Kagan a alors repris la doxa des responsables de Washington qui acceptaient, sans émettre le moindre doute, les allégations des directeurs sortants des services de renseignement de la présidence Obama, à savoir que la Russie avait piraté les mails des Démocrates et les avait publiés via WikiLeaks pour gêner la campagne de Clinton.
Bien que les responsables du renseignement d’Obama n’aient fourni aucune preuve pour étayer ce qu’ils avançaient et que WikiLeaks ait nié avoir reçu ces deux liasses de mails des Russes, les officiels de Washington ont largement admis ces allégations, les considérant comme des motifs pour discréditer Trump et essayer de le destituer.
Passant sous silence le conflit politique d’intérêts de ceux qui avaient été nommés par Obama, Kagan a estimé que « vu l’importance de cette découverte particulière [l’ingérence de la Russie], les preuves doivent être déterminantes » et cela justifie « une enquête sérieuse, d’une grande ampleur et transparente. »
Kagan, cependant, doit aussi avoir compris quelle opportunité de revenir au pouvoir constituait pour les néoconservateurs ce rideau de fumée d’une nouvelle Guerre froide avec la Russie.
Il a déclaré : « La question la plus importante concerne la capacité de la Russie à manipuler les élections des États-Unis. Ce n’est pas un problème politique. C’est un problème de sécurité nationale. Si le gouvernement russe s’est effectivement ingéré dans les processus électoraux des États-Unis l’an dernier, alors il a la capacité de le faire dans toutes les autres élections à partir de maintenant. C’est une arme puissante et dangereuse, plus redoutable que des vaisseaux de guerre, des chars ou des bombardiers.
« Ni la Russie ni aucun autre adversaire éventuel n’a le pouvoir de mettre à mal le système politique étatsunien avec des armes de guerre. Mais en instillant des doutes sur la validité, l’intégrité et la fiabilité des élections des États-Unis, elle peut saper les bases de ce système. »
Une réalité différente
Le ton de la tribune de Kagan était alarmiste, mais la réalité était bien différente. Même si les Russes ont effectivement piraté les mails des Démocrates et les ont, d’une façon ou d’une autre, fait passer à WikiLeaks, affirmation non étayée et controversée d’ailleurs, ces deux séries de mails n’ont pas joué un rôle si important dans le résultat de l’élection.
Selon Hillary Clinton, le responsable de sa défaite surprise, c’est le directeur du FBI James Cormey qui a ré-ouvert brièvement l’enquête sur le serveur privé dont elle se servait quand elle était secrétaire d’État.
En outre, tout porte à croire que les mails publiés par WikiLeaks étaient authentiques et révélaient les agissements illicites des dirigeants des Démocrates, comme la manière dont le Comité national du Parti démocrate a lésé Bernie Sanders et favorisé Hillary Clinton. Dans les mails du directeur de campagne de Clinton John Podesta, on a pu lire les discours rétribués que Clinton avait prononcés devant les financiers de Wall Street et qu’elle essayait de cacher aux électeurs, sans oublier quelques exemples d’octroi de marchés aux donateurs de la Fondation Clinton.
En d’autres termes, la publication de WikiLeaks a contribué à informer les électeurs américains à propos des irrégularités du processus démocratique dans leur pays. Les mails n’étaient pas de la « désinformation » ni des « fausses nouvelles », ils contenaient de vraies informations.
On a eu cette semaine une communication d’informations semblable à celles qui s’étaient produites avant l’élection. On a fait fuiter, en effet, des informations sur les feuilles d’impôts de Trump, lesquelles sont protégées par la loi. Cependant, à part le camp Trump, presque personne n’a jugé que la publication illicite des feuilles d’impôts d’un citoyen constituait, quelque part, une menace contre la démocratie américaine.
Les Américains ont le droit de connaître ce genre de détails à propos d’un candidat à la Maison-Blanche, c’était le sentiment général. Je suis tout à fait d’accord, mais est-ce qu’il ne s’ensuit pas également que nous avions le droit de savoir que le Comité du Parti démocrate abusait de son pouvoir pour faciliter la nomination de Clinton, le droit de savoir ce que contenaient les discours prononcés devant les banquiers de Wall Street et le droit de savoir que des gouvernements étrangers cherchaient à se faire attribuer des marchés en faisant des donations à la Fondation Clinton ?
Pourtant, parce que les hauts fonctionnaires nommés par Obama dans la communauté du renseignement « estiment » que la Russie était la source des mails de WikiLeaks, cette attaque contre la démocratie des États-Unis justifie une Troisième Guerre mondiale.
Toujours plus de propos inconsidérés
Accuser cependant, sans preuve, la Russie de fragiliser la démocratie des États-Unis n’était pas suffisant pour Kagan. Il a affirmé comme un « fait », bien que, une fois de plus, il n’ait pas présenté de preuves, les éléments suivants : la Russie « s’ingère dans les élections à venir de la France et de l’Allemagne, et elle s’est déjà ingérée dans le récent référendum italien et dans de nombreuses autres élections en Europe. Elle utilise cette arme contre autant de démocraties qu’elle peut pour saper la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques. »
Les dirigeants à Washington et les médias traditionnels ont beaucoup déploré leur impuissance au sujet de l’ère « post-vérité », mais ces prétendus avatars de la vérité sont aussi coupables que quiconque, agissant comme si la répétition constante d’une allégation non étayée de faits revenait à la prouver.
Mais ce que Kagan et d’autres néoconservateurs ont à l’esprit est clair : c’est une escalade des hostilités avec la Russie et une augmentation substantielle des dépenses consacrées au matériel militaire américain et à la propagande occidentale pour « contrer » ce qui est considéré comme une « propagande russe ».
Kagan l’admet, il a déjà beaucoup de Démocrates et de progressistes de premier plan de son côté. Donc, il cherche à forcer les Républicains à se joindre à cette campagne hystérique de dénigrement contre la Russie, quand il écrit :
« Mais ce sont les Républicains qui les couvrent. Le chef actuel du parti, le président, remet en cause les découvertes, les motivations et l’intégrité de la communauté du renseignement. Les dirigeants républicains au Congrès se sont opposés à la création d’un comité spécial d’enquête, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du Congrès. Ils ont insisté pour que les enquêtes soient menées par les deux comités de renseignement.
« Pourtant, le président républicain du comité à la Chambre a indiqué que cette enquête n’était pas bien urgente et il a même mis en cause la gravité et la validité des accusations. Le président républicain du comité au Sénat a abordé cette tâche à contrecœur.
« En conséquence, on a l’impression que les enquêtes avancent avec une lenteur délibérée, produisant peu d’informations et en fournissant encore moins au public. Il est difficile de ne pas conclure que c’est précisément l’intention de la direction du Parti républicain, à la fois à la Maison-Blanche et au Congrès. …
« Lorsque les Républicains s’opposent à des enquêtes approfondies, transparentes et immédiates, ils deviennent complices de la Russie après coup. »
Mentir avec les néoconservateurs
Beaucoup de démocrates et de progressistes peuvent trouver encourageant qu’un néoconservateur de premier plan, qui a contribué à ouvrir la voie de la guerre en Irak, soit désormais de leur côté pour dénigrer les Républicains coupables de ne pas se joindre avec enthousiasme à la dernière chasse aux sorcières russe. Mais ils pourraient également réfléchir un instant et se demander comment ils ont pu laisser leur haine de Trump les conduire à s’allier avec les néoconservateurs.
Mercredi, dans The Wall Street Journal, Frederick, le frère de Robert Kagan, et sa femme, Kimberly, sont allés plus loin en présentant le vieux rêve des néocons d’une invasion américaine à grande échelle en Syrie, projet qui a été mis en attente en 2004 à cause des échecs militaires des États-Unis en Irak.
Cependant, les néoconservateurs sont avides, depuis longtemps, d’un « changement de régime » en Syrie et n’ont pas été satisfaits par ce qu’a fait Obama en armant les rebelles antigouvernementaux et par l’implication limitée de forces spéciales dans le nord de la Syrie afin de contribuer à la reconquête de la « capitale » de l’EI, Raqqa.
Dans leur tribune du Wall Street Journal, Frederick et Kimberly Kagan appellent à l’ouverture d’un nouveau front dans le sud-est de la Syrie.
« Les forces armées américaines seront nécessaires. Mais les États-Unis peuvent recruter de nouveaux partenaires sunnites en combattant avec eux dans leur pays. Au départ, le but doit être de se battre contre l’EI parce qu’il contrôle, en Syrie, les dernières zones où les États-Unis peuvent raisonnablement espérer trouver des alliés sunnites qui ne soient pas sous l’influence d’al-Qaïda. Mais après la défaite de l’EI, il faudra lever une armée arabe sunnite capable de vaincre al-Qaïda et de contribuer à négocier un règlement de la guerre.
« Les États-Unis devront faire pression auprès du régime d’Assad, de l’Iran et de la Russie pour mettre fin au conflit dans des conditions que les arabes sunnites accepteront. Ce sera plus facile si on dispose d’une base sûre, indépendante et influente à l’intérieur de la Syrie. Le président Trump devrait s’affranchir des raisonnements erronés et de la planification inadaptée hérités de son prédécesseur. Il peut transformer cette lutte, mais seulement en transformant l’approche qu’en a l’Amérique »
Un nouveau plan pour la Syrie
En d’autres termes, les néoconservateurs sont de retour avec leur habileté à jouer avec les mots et leurs manœuvres stratégiques pour amener les forces armées étatsuniennes à accomplir un projet de « changement de régime » en Syrie.
Ils pensaient avoir quasiment atteint ce but en faisant porter au gouvernement syrien la responsabilité de la mystérieuse attaque au gaz sarin qui a eu lieu dans la banlieue de Damas le 21 août 2013 et en piégeant ainsi Obama qui se serait trouvé forcé de lancer une attaque aérienne d’envergure contre l’armée syrienne.
Mais le président Vladimir Poutine est intervenu et il a réussi à ce que le président syrien Bachar el-Assad livre toutes ses armes chimiques, même si ce dernier continuait à nier avoir joué le moindre rôle dans l’attaque au sarin.
L’intercession de Poutine, en mettant en pièces le rêve des néoconservateurs d’un « changement de régime » en Syrie, l’a propulsé en haut de la liste de leurs ennemis. Des néoconservateurs importants, comme Carl Gershman, président du National Endowment for Democracy, n’ont pas tardé alors à prendre l’Ukraine pour cible, ce qui, pour Gershman, constituait « la plus belle récompense » et une première étape qui devait aboutir à la destitution de Poutine à Moscou.
C’est à la secrétaire adjointe Victoria « Toria » Nuland qu’est revenu de superviser le « changement de régime » en Ukraine. L’un des coups de fil qu’elle a donné sur une ligne non sécurisée fin janvier ou début février 2014 a été intercepté, et on l’y entend parler avec l’ambassadeur en Ukraine, Geoffrey Pyatt, d’« arranger » ou d’« accoucher » un changement dans le gouvernement élu du président Viktor Ianoukovitch.
Quelques semaines plus tard, les combattants néonazis et ultranationalistes étaient en première ligne de l’attaque violente contre les bâtiments gouvernementaux et ont forcé Ianoukovitvh et d’autres responsables à s’enfuir pour sauver leur vie tandis que le gouvernement étatsunien se dépêchait de saluer le gouvernement issu du coup d’État comme « légitime ».
Mais le putsch ukrainien a conduit à la sécession de la Crimée et à une sanglante guerre civile dans l’est de l’Ukraine contre la minorité ethnique russe, des événements que le département d’État et les médias occidentaux ont qualifié d’« agression russe » ou d’« invasion russe ».
Ainsi, depuis les dernières années de l’administration Obama, tout était en place pour que les néoconservateurs et la famille Kagan mènent à bien la dernière étape de leur plan stratégique qui consistait à acculer la Russie et à instituer un « changement de régime » en Syrie.
Tout ce qu’il fallait, c’était qu’Hillary Clinton soit élue présidente. Pourtant, étonnamment, ces plans si bien conçus ont échoué. Bien qu’il ne soit pas, d’une manière générale, apte à la présidence, Trump a battu Clinton, amère déception pour les néoconservateurs et leurs alliés progressistes interventionnistes.
Pourtant, la prétendue #Resistance à la présidence de Trump et l’utilisation sans précédent par le président Obama de ses agences de renseignement pour dépeindre Trump comme un « candidat vendu aux Russes » a donné un nouvel espoir aux néoconservateurs pour la mise en œuvre de leur ordre du jour.
Il ne leur a fallu que quelques mois pour se réorganiser et se regrouper, mais ils ont maintenant l’espoir d’exercer sur Trump, à propos de la Russie, une pression si forte qu’il n’aura plus d’autre choix que de se laisser convaincre par leurs plans bellicistes.
Comme c’est souvent le cas, la famille Kagan a défini la stratégie : forcer les républicains à se joindre à la campagne de dénigrement de la Russie et à persuader un Trump radouci de lancer une invasion à grande échelle de la Syrie. Et dans cette entreprise, les Kagan utilisent Démocrates et progressistes comme fantassins.
Robert Parry.
Le journaliste d’investigation Robert Parry a dévoilé une grande partie des scandales Iran-Contra pour l’Associated Press et Newsweek dans les années 1980.
Source : Consortium News, le 15/03/2017
Traduit par les lecteurs du site www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
http://www.les-crises.fr/les-kagan-sont-de-retour-les-guerres-vont-suivre-par-robert-parry/
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10155235702292317
ÉPURATION ANTIPALESTINIENNE :
Une lettre du Comité En Marche de la Porte d’Orléans
À l’intention de la Commission d’Investiture de la République En Marche, et de Monsieur J.P. Delevoye.
Mesdames, Messieurs, bonjour,
il vous a fallu cinq minutes pour obéir hier aux injonctions des colons israéliens et de l’extrême-droite israélienne, que vous ont transmises leurs représentants en France, le CRIF, la LICRA et leurs infiltrés au sein de la République En Marche, et pour retirer son investiture de candidat à la députation sous l’étiquette de la République En Marche à Monsieur Christian Gelin en l’accusant d’avoir proféré des paroles antisémites (« Israël doit cesser la colonisation de la Palestine ») et d’avoir lancé des appels à l’antisémitisme (appel au B.D.S., moyen international non-violent pour obliger Israël à respecter le Droit international).
En ignorant donc son engagement comme nous sommes des millions en France à être engagés contre la colonisation de la Palestine, contre l’apartheid et pour la reconnaissance par la France d’un Etat palestinien uni et viable. A être donc antisionistes. Un engagement inclus dans le combat plus vaste pour le respect des Droits humains , contre toutes formes de racisme dont l’antisémitisme.
En regard de cette rapidité à satisfaire les exigences des colons israéliens et du gouvernement raciste actuellement en place en Israël, vous hésitez à répondre aux simples questions que je vous ai posées hier et que je vous repose :
* La colonisation de la Palestine par Israël est-elle, oui ou non, à l’instar de la colonisation de l’Algérie par la France, un crime contre l’humanité ?
* L’apartheid instauré en Israël et en Palestine par Israël à l’égard des Palestiniens et autres »Arabes », est-il, oui ou non, une pratique inhumaine contraire au Droit international ?
* Demander la fin de la colonisation de la Palestine et la reconnaissance de l’Etat de Palestine est-il un crime d’antisémitisme, oui ou non ?
* Choisir de participer au moyen international du Boycott, Désinvestissement, Sanctions, pour peser de façon non-violente sur le gouvernement actuel d’extrême-droite d’Israël, est-il, oui ou non, un acte criminel d’antisémitisme ?
* L’antisionisme (lutte contre la colonisation et l’apartheid) est-il, oui ou non, de l’antisémitisme ?
Si je suis, à vos yeux, à votre jugement, un antisémite parce que je suis un antisioniste, alors il me faut arrêter de suite toute participation à la campagne pour faire gagner les députés de la République En Marche.
Nous attendons donc votre réponse avant de donner suite à notre engagement pour les législatives.
Respectueusement,
André Querré.
Comité En Marche Porte d’Orléans 14ème.
Source : Dominique Vidal, ancien rédacteur en chef du Diplo :
https://www.facebook.com/dominique.vidal.9/posts/1155142714597438
[À propos de la guerre qui vient] La parabole des coqs, expliquée par le rabbin Ron Chaya :
httpv://www.youtube.com/watch?v=xp-XfFbFzNc
Tout se passe comme si l’Amérique et la France étaient devenues des colonies de l’extrême droite israélienne 🙁
SERMENT DE L’AIPAC : sur l’incroyable domination du Congrès américain (le parlement US) par le lobby sioniste AIPAC, voyez cette représentante qui évoque le serment d’allégeance à Israël (carrément) que doivent signer les élus américains :
httpv://www.youtube.com/watch?v=xAgkB3VlGaU
AIPAC
https://fr.wikipedia.org/wiki/American_Israel_Public_Affairs_Committee
Etats-Unis, le lobby pro-israélien : voyage autour d’un tabou
Une passionnante enquête de « Là-bas si j’y suis » en octobre 2011 :
https://la-bas.org/la-bas-magazine/les-archives-radiophoniques/2011–2012/octobre-512/etats-unis-le-lobby-pro-israelien-voyage-autour-d-un-tabou
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Etats-Unis, le lobby pro-israélien : voyage autour d’un tabou
19 octobre 2011 – télécharger le son MP3 : http://media.la-bas.org/mp3/111019/111019.mp3
[livre important] John Mearsheimer et Stephen Walt : Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine (La découverte, 2007) :
http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_lobby_pro_isra__lien_et_la_politique___trang__re_am__ricaine-9782707157010.html
Décodex : Le Monde refuse de publier notre droit de réponse
Posté par la rédaction de ReOpen911, le 4 mai 2017 :
« Le 1er février 2017, le journal Le Monde a lancé le Décodex, « un outil pour vous aider à vérifier les informations qui circulent sur Internet et dénicher les rumeurs, exagérations ou déformations ». Nous avons regardé ce que les Décodeurs, l’équipe en charge du projet, indiquaient à propos de notre site qui aide à vérifier les informations qui circulent sur le 11 septembre. On peut y lire que nous serions un « site conspirationniste qui remet en cause la « version officielle » du 11 septembre 2001 ». Nous y sommes référencés parmi les sites classés en rouge car nous diffuserions « régulièrement de fausses informations ou des articles trompeurs. Restez vigilant et cherchez d’autres sources plus fiables. Si possible, remontez à l’origine de l’information ».
La charte de Munich stipule pourtant que les journalistes doivent s’interdire de porter des accusations sans fondement.
Nous avons alors demandé à Samuel Laurent, le responsable des Décodeurs, de nous indiquer des sources fiables sur le 11 septembre, mais il n’a pas répondu (rappelons que l’année dernière, nous avons dénoncé plusieurs mensonges qu’il avait proférés contre notre association). Nous aurions également souhaité lui demander si un site qui remet en cause la version officielle du 11 septembre 2001 est nécessairement « conspirationniste ». Si c’est le cas, cela voudrait dire que pour les Décodeurs, il ne faut pas la remettre en cause, et donc que les explications données par l’administration Bush sont les bonnes et qu’il n’y a aucune raison d’en douter. Si ce n’est pas le cas, cela signifie qu’il est tout à fait possible de les contester, mais que nous ne le faisons pas de la bonne manière. Samuel Laurent aurait pu alors nous indiquer une meilleure manière de la remettre en cause, et mieux, il aurait pu appliquer ses conseils de vérification de l’information à la version officielle afin de nous montrer l’exemple. Il n’y a probablement pas pensé.
Le terme version officielle est mis entre guillemets, probablement pour signifier qu’elle est nommée ainsi par ceux qui la contestent (mais effectivement pas par ceux qui la défendent). Le Monde ne met pourtant pas de guillemets quand il s’agit de mentionner la contestation d’autres versions officielles. Voici quelques exemples d’articles qu’ils ont publiés ces dernières années :
- La version officielle du décès d’Alphonse Dianou contestée
– La version officielle de l’opération « Victor » contestée par les indépendantistes
– La version officielle de Pékin sur la mort de sept Ouïgours remise en cause
– Affaire de la « cagnotte » : une note secrète dément la version officielle de Bercy
– Etudiants disparus au Mexique : une enquête met à mal la version officielle
– Disparus du Mexique : Human Rights Watch et Amnesty mettent en doute la version officielle
– Mort de Maskhadov : le parquet dément la version officielle
– La famille de l’Américain décapité conteste la version officielle de l’avènement du drame
– « Guerre éclair dans le Golfe » La version officielle de l’opération « Daguet »
– Disparition de 43 étudiants au Mexique : la version officielle à nouveau contestée
– Prise d’otages de Neuilly : le Syndicat de la magistrature met en doute la version officielle de la mort d’Erick Schmitt
– Washington doute de la version officielle russe de l’affaire Gluck
– Une ONG chinoise remet en cause la version officielle sur la révolte tibétaine de 2008
– Une vidéo inédite contredit la version officielle russe du drame de Beslan
– « Bloody Sunday » : un soldat contredit la version officielle des faits
– Timor-Oriental : le gouverneur met en doute la version officielle du massacre du 12 novembre
Y compris sur Ben Laden :
– Dans un livre, un Navy Seal contredit la version officielle de la mort de Ben Laden
Plusieurs critiques ont été adressées au Décodex, que l’on peut lire par exemple ici ou ici. Le site Reflets.info a également dénoncé les amalgames des Décodeurs :
Les Décodeurs ont pris connaissance de ces remarques et ont apporté quelques modifications à leur outil, mais leur jugement sur notre travail n’a pas évolué. Pour justifier leur décision de nous classer parmi les sites « diffusant régulièrement de fausses information », ils donnent deux liens. Un article publié il y a 8 ans par Rue89 qui ne démontre rien, et un autre publié en 2014 sur L’Express, qui ne démontre rien de plus. Pour ce second article, nous avions été contacté par Adrien Sénécat, un des responsables de l’association lui avait répondu et avait cherché à savoir si le journaliste avait des préjugés sur notre travail. Même si nous ne mettons pas tous les journalistes dans le même panier, nous savions que L’Express avait toujours défendu la thèse officielle, et avait cherché à discréditer les sceptiques. Nous connaissons aussi les obsessions de ce journal, nous avions donc quelques raisons de ne pas accorder toute notre confiance à ce journaliste.
Notre méfiance était justifiée puisqu’il n’a retenu, de la vingtaine de minutes qu’il a passé à discuter avec nous, que la question que nous lui posions sur ses éventuels préjugés à notre égard, qu’il a qualifiée de paranoïa. Signalons que le même journaliste nous a mentionné un an après dans un autre article, il travaillait alors pour le site Buzzfeed, dans lequel notre association n’a cette fois pas été décrit de façon péjorative.
Les Décodeurs donnent pourtant des « conseils pour faire la distinction entre le doute légitime et le conspirationnisme ». Ils indiquent « quelques signes qui permettent de déceler les théories conspirationnistes et quelques conseils pour les déconstruire » :
On pourra faire remarquer aux Décodeurs que la rhétorique qui n’accepte pas les remises en cause se trouve principalement chez ceux qui sont persuadés que le complot du 11 septembre a été ourdi par Ben Laden et al-Qaïda. Rappelons que nous attendons toujours les preuves promises par l’administration Bush après ces attentats. Au regard de cette absence de preuve, de l’existence de nombreuses omissions et données contradictoires dont nous informons le public, il nous semble légitime de faire part de notre scepticisme vis-à-vis de la thèse gouvernementale. Néanmoins, nous ne défendons aucune thèse alternative. Le qualificatif de « site conspirationniste » est donc parfaitement mensonger et va à l’encontre de toute éthique journalistique. Toujours est-il qu’il n’a pas été possible d’obtenir plus d’explications de la part des Décodeurs.
Notre avocat (que l’on remercie à nouveau) a donc préparé une demande de publication de droit de réponse et le leur a fait parvenir, afin que les lecteurs du Monde puissent entendre un autre son de cloche :
Depuis notre création, nous ne poursuivons qu’un seul objectif : porter à la connaissance du public les informations majeures relatives aux attentats du 11 septembre 2001 et soutenir ainsi les familles de victimes dans leur combat pour qu’une enquête approfondie soit réalisée et pour que les responsabilités, éventuellement pénales, dans ce drame puissent être mise à jour. »
Les Décodeurs ont refusé de publier ce droit de réponse (contrairement à la rédaction du journal Le Point qui avait accepté celui qui nous lui avions envoyé il y a quelques années). Nous aurions pu les poursuivre en justice mais nous préférons consacrer nos ressources à des projets plus utiles. Vous pouvez d’ailleurs nous aider en faisant un don sur cette page. »
– La rédaction de ReOpen911 –
http://www.reopen911.info/11-septembre/decodex-le-monde-refuse-de-publier-notre-droit-de-reponse/
Le « RussiaGate », un coup d’État en douce
par Robert Parry – Le 13 mai 2017 – Source Consortium News
L’hystérie qui entoure le RussiaGate a pris de l’ampleur après que le président Trump a renvoyé le directeur du FBI, Comey, mais la grande question est de savoir si un « coup d’État en douce » est en train de se dérouler ou pas aux États-Unis, rapporte Robert Parry.
Où est Stanley Kubrick quand on a besoin de lui ? S’il n’était pas mort en 1999, il serait un parfait réalisateur pour transformer l’hystérie contemporaine à propos de la Russie en un théâtre de l’absurde reprenant son classique de la guerre froide,Dr Strangelove – Dr Folamour –, une satire très moqueuse sur la folie du nucléaire et la non moins folle idéologie qui la sous tend.
Pour alimenter mon point de vue, le Washington Post a publié jeudi une longue histoire intitulée « Attention, un russe dans la Maison Blanche », article portant sur un photographe russe autorisé à entrer dans le bureau ovale pour photographier la réunion entre le président Trump et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov.
Le Post a cité les plaintes d’anciens responsables du renseignement américains qui ont présenté la présence du photographe russe comme « une éventuelle violation du système de sécurité » en raison du « danger qu’un dispositif d’écoute ou tout autre équipement de surveillance ait pu être amené dans le bureau ovale, caché dans les appareils photos ou un autre appareil électronique ».
Pour accentuer plus encore la tension, le Washington Post a cité un commentaire Twitter du dernier directeur adjoint du président Obama, David S. Cohen, déclarant« Non, ce n’était pas » une bonne décision d’admettre le photographe russe qui travaille également pour l’agence de presse russe Tass, celle qui a publié la fameuse photo.
On imagine très bien Boris et Natacha [affublés, comme par hasard, de prénoms russes, NdT], les méchants espions du dessin animé Bullwinkle, déguisés en photographes et glissant des micros entre les coussins des canapés.
Ou on entend très bien comment les Russes menacent de nouveau « de souiller tous nos fluides corporels précieux », comme le Dr. Folamour, le général Jack D. Ripper, nous en prévenait dans le film de 1964.
Revoir cette brillante tragi-comédie pourrait être une bonne idée pour nous rappeler comment les Américains peuvent devenir fous quand ils sont inondés de propagande anti russe, comme c’est de nouveau le cas maintenant.
Abattre Trump
Je me suis rendu compte que beaucoup de démocrates, de libéraux et de progressistes détestent tellement Donald Trump qu’ils pensent que tous les prétextes sont bons pour le faire tomber, même si cela profite aux néoconservateurs et autres va-t-en-guerre. Beaucoup de ceux qui détestent Trump considèrent le RussiaGate comme le moyen le plus susceptible d’arriver à destituer Trump, donc cette fin souhaitable justifie, pour eux, tous les moyens.
Certaines personnes m’ont même dit qu’elles pensaient vraiment qu’il incombait aux médias de masse, aux forces de l’ordre, aux renseignements, et aux membres du Congrès de s’engager dans un « coup en douce » contre Trump, également connu sous le nom de « coup constitutionnel » ou « coup par l’État profond », tout ceci pour le« bien du pays ».
L’argument est qu’il incombe parfois à ces institutions de « corriger » une erreur commise par les électeurs américains, dans notre cas, l’élection d’un individu largement non qualifié en tant que président du pays. Certains militants anti Trump considèrent qu’il est de la responsabilité des journalistes « responsables », des fonctionnaires du gouvernement et d’autres personnes de jouer ce rôle de« gardien », de ne pas simplement « résister » à Trump [ou juste le surveiller, NdT], mais de carrément le destituer.
Il y a des contre-arguments évidents à ce point de vue, en particulier qu’il transforme la démocratie américaine en une caricature d’elle-même. Il impose également aux journalistes de violer la responsabilité éthique qui leur demande de faire des rapports objectifs, de ne pas prendre parti dans les disputes politiques.
Mais le New York Times et le Washington Post, en particulier, ont clairement indiqué qu’ils considèrent Trump comme un danger visible et immédiat pour le système américain et ont donc mis de coté toute obligation de neutralité.
Le Times justifie son hostilité ouverte envers le président par l’alibi qu’il est de son devoir de protéger « la vérité »; le Washington Post a adopté un slogan visant Trump,« La démocratie se meurt dans l’obscurité ». En d’autres termes, les deux journaux politiques états-uniens les plus influents poussent effectivement à un « coup en douce » sous le prétexte de défendre la « démocratie » et la « vérité ».
Mais le problème évident avec ce « coup en douce » est que le processus démocratique états-unien, aussi imparfait qu’il l’a été et l’est encore, a maintenu l’unité de ce pays diversifié depuis 1788, à l’exception notable de la guerre civile.
Si les Américains pensent que les élites de Washington cherchent à faire tomber un président élu – même un clown comme Donald Trump – cela pourrait déchirer le tissu de l’unité nationale, qui subit déjà une tension extraordinaire due au clivage politique.
Cela signifie que ce « coup en douce » doit prendre l’apparence d’une enquête sérieuse sur quelque chose de grave pour justifier la destitution du président, celle ci pouvant être accompli par le Congrès, sa démission forcée ou l’application du vingt cinquième amendement qui permet au vice-président et à la majorité du Cabinet ministériel de juger un président comme étant incapable d’assumer ses fonctions (bien que cela puisse exiger les deux tiers des voix des deux chambres du Congrès si le président combat la manœuvre).
Un gros « scandale »
C’est là que le RussiaGate entre en scène. L’allégation vaseuse selon laquelle Trump et/ou ses conseillers étaient en une sorte de collusion avec les responsables du renseignement russe pour biaiser les élections présidentielles de 2016, fournirait probablement une accusation suffisamment extrême pour justifier la destitution d’un président.
Et, compte tenu de la détermination de nombreux personnages clés de l’establishment pour se débarrasser de Trump, il n’est pas surprenant que personne ne se soucie du fait qu’aucune preuve réelle et certifiée n’ait été révélée publiquement pour étayer les allégations du RussiaGate.
Il n’existe même pas de preuves publiques données par les agences gouvernementales américaines selon lesquelles la Russie s’est « mêlée » des élections de 2016 ou – même si la Russie a transmis les courriels du parti Démocrate à WikiLeaks – il n’y a aucune preuve que la magouille résulterait d’une collusion avec Trump ou son équipe de campagne.
Le FBI enquête sur ces soupçons depuis au moins neuf mois, s’assurant même un mandat contre Carter Page dans le cadre de la loi sur la Surveillance des renseignements étrangers, un Américain que Trump a brièvement employé comme conseiller en matière de politique étrangère, lorsqu’il était critiqué pour n’avoir aucun conseiller dans ce domaine.
L’une des infractions présumées de Page est d’avoir prononcé un discours, dans le cadre d’une conférence académique à Moscou en juillet 2016, qui était légèrement critique à l’égard de la manière dont les États-Unis traitaient des pays de l’ex-Union soviétique. Il a également vécu en Russie et a rencontré un diplomate russe qui – sans que Page ne le sache – avait été identifié par le gouvernement américain comme un agent des renseignements russes.
Il semble que ce soit suffisant, en ces jours de nouveau McCarthysme, pour qu’un américain fasse l’objet d’une puissante enquête de contre renseignement.
Le FBI et le ministère de la Justice auraient également inclus dans le cadre de l’enquête du RussiaGate, la stupide plaisanterie faite par Trump pendant sa campagne, demandant aux Russes d’aider à trouver les dizaines de milliers de courriels qu’Hillary Clinton a effacés du serveur qu’elle utilisait en tant que secrétaire d’État.
Le 27 juillet 2016, Trump a déclaré en plaisantant : « Je vais vous dire, Russie : si vous écoutez, j’espère que vous pourrez trouver les 30 000 courriels manquants. »
Le commentaire correspond bien au sens de l’humour noir, provocateur et souvent de mauvais goût de Trump, mais a été saisi au passage par les démocrates comme s’il s’agissait d’une suggestion sérieuse – comme si quelqu’un utiliserait une conférence de presse pour exhorter sérieusement à quelque chose comme ça. Mais il semble que le FBI en soit au point de saisir tout grain qui puisse alimenter son moulin.
Le Guardian a rapporté cette semaine que « les responsables du Department Of Justice [DoJ] ont refusé de publier les documents [au sujet du commentaire de Trump] au motif que cette divulgation pourrait ‘interférer avec l’enquête’ ». Dans une déposition à la cour fédérale de Washington DC, le DoJ déclare qu’«en raison de l’existence d’une enquête active et en cours, le FBI prévoit qu’il … gardera tous les enregistrements sous clé ».
« La déclaration suggère que le commentaire provocateur de Trump de juillet dernier est considéré par le FBI comme pertinent pour sa propre enquête en cours. »
Les accusations du New York Times
Vendredi, dans la foulée du renvoi du directeur du FBI, James Comey, par Trump et de la remarque faite par le Président disant que le RussiaGate est « un vrai canular », le New York Times a réédité ce qu’il appelle « la connexion Trump-Russie »dans un éditorial de première page pour essayer de mettre quelques flammes derrière l’écran de fumée.
Bien que le Times reconnaisse qu’il y a « beaucoup d’inconnues » dans le RussiaGate et qu’il semble ne pas avoir trouvé la moindre preuve de collusion, ce journal considère néanmoins qu’un grand nombre de conseillers de Trump et de membres de sa famille sont des traîtres parce qu’ils ont eu quelques relations avec des responsables russes, des entreprises russes ou des partenaires russes.
A propos de Carter Page, le Times écrit : « Les responsables américains pensent que M. Page, conseiller en politique étrangère, a eu des contacts avec des responsables du renseignement russe durant la campagne. Il a également prononcé un discours pro-russe à Moscou en juillet 2016. M. Page était auparavant employé par le bureau Merrill Lynch de Moscou, où il a travaillé avec Gazprom, une énorme entreprise publique. »
Vous voudrez peut-être laisser tomber certains de ces mots, en particulier la partie sur Page « tenant un discours pro-russe à Moscou », qui a été cité comme l’une des principales raisons pour lesquelles Page et ses communications ont été ciblées en vertu d’un mandat FISA.
J’ai pris la peine de lire le discours de Page et l’appeler « pro-russe » est une exagération énorme. Il s’agissait d’un exposé largement académique qui critiquait le traitement par l’Occident, après la guerre froide, des nations formant l’ancienne Union soviétique, et qui disait que la course effrénée vers un système libéral a entraîné des conséquences négatives, comme la propagation de la corruption.
Et même si le discours était « pro-Russie », The New York Times ne respecte-t-il pas la notion profonde de liberté d’expression américaine ? Apparemment non. Si vos mots soigneusement choisis peuvent être déformés en quelque chose de « pro-Russie », le Times semble penser qu’il est normal que l’Agence nationale de sécurité [la NSA] espionne vos téléphones et lise vos courriels.
Le cas ukrainien
Une autre cible du Times est le conseiller politique vétéran, Paul Manafort, accusé de travailler comme « consultant pour un parti politique pro-russe en Ukraine et pour l’ancien président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, qui était soutenu par le Kremlin ».
Ce que le Times oublie, c’est que ce parti politique ukrainien, qui avait un fort soutien des Ukrainiens d’ethnie russe, et pas seulement de la Russie, a participé à un processus démocratique et que Ianoukovitch a remporté une élection reconnue par les observateurs internationaux comme libre et équitable.
Ianoukovitch a ensuite été évincé en février 2014 par un violent putsch qui a été soutenu par la secrétaire d’État états-unienne, Victoria Nuland, et l’ambassadeur Geoffrey Pyatt. Le putsch, qui a été exécuté par des nationalistes de droite et même des néonazis, a provoqué la guerre civile ukrainienne et la sécession de la Crimée, des événements clés dans l’escalade de la nouvelle guerre froide d’aujourd’hui, entre l’OTAN et la Russie.
Même si je ne suis pas fan des mercenaires politiques américains vendant leurs services pour des élections étrangères, il n’y avait rien d’illégal ou même d’inhabituel à ce que Manafort conseille un parti politique ukrainien. Ce qui, sans doute, était beaucoup plus offensant, était le soutien des États-Unis à ce coup d’État anticonstitutionnel qui a renversé Ianoukovitch, même après qu’il avait accepté un plan européen pour les élections anticipées qui permettait de le renvoyer de la présidence de façon pacifique.
Mais le Times, le Post et pratiquement tous les médias traditionnels occidentaux ont soutenu les putschistes ukrainiens et ont applaudi au renversement de Ianoukovitch. Cette attitude est devenue un tel préjugé collectif que le Times a même banni l’idée qu’il y aurait eu un coup d’État.
Pourtant, le plus grand problème politique auquel sont confrontés les États-Unis est que les néoconservateurs et leurs partenaires juniors, les libéraux interventionnistes, contrôlent maintenant presque tous les leviers de la politique étrangère américaine. Cela signifie qu’ils peuvent essentiellement dicter comment les événements mondiaux seront perçus par la plupart des Américains.
Les néocons et les faucons libéraux veulent également poursuivre leurs guerres ouvertes au Moyen-Orient en organisant l’engagement d’autres forces militaires américaines en Afghanistan, en Irak et en Syrie – et peut-être même ouvrir une nouvelle confrontation avec l’Iran.
Dès le début du deuxième mandat d’Obama, il est apparu clairement aux néocons que la Russie devenait le principal obstacle à leurs plans parce que le président Barack Obama travaillait en étroite collaboration avec le président Vladimir Poutine sur une variété de projets qui ont sapé les espoirs de guerre totale des néocons.
En particulier, Poutine a aidé Obama à obtenir un accord pour que la Syrie abandonne ses stocks d’armes chimiques en 2013 et faire en sorte que l’Iran accepte des contraintes sévères à son programme nucléaire en 2014. Dans les deux cas, les néocons et leurs acolytes libéraux voulaient la guerre.
Immédiatement après l’accord sur les armes chimiques de Syrie, en septembre 2013, les néoconservateurs américains ont commencé à se concentrer sur l’Ukraine, que le président de la Fondation nationale pour la démocratie, Carl Gershman, considère comme « le grand prix » et un premier pas vers l’éviction de Poutine.
Gershman, de la NED [National Endowment for Democracy] a intensifié ses opérations en Ukraine, tandis que la secrétaire adjointe Nuland, la femme de l’archi néocon Robert Kagan, a commencé à faire pression pour un changement de régime à Kiev (avec d’autres néocons, y compris le sénateur John McCain).
Le coup d’État de l’Ukraine en 2014 a enfoncé un coin géopolitique entre Obama et Poutine, puisque le président russe ne pouvait pas ne rien faire alors qu’un régime fortement anti-russe prenait violemment le pouvoir en Ukraine, pays qui est le chemin habituel utilisé pour les invasions de la Russie et qui, en plus, abrite la flotte russe de la mer Noire à Sébastopol en Crimée.
Plutôt que de défendre la précieuse coopération fournie par Poutine, Obama est entré dans le flot politique et s’est joint au Russia-bashing tandis que les néocons levaient leurs armes et mettaient Poutine dans le viseur.
Un obstacle inattendu
Puis, pour les néo-conservateurs, 2016 fut l’année de l’attente enthousiaste d’une présidence d’Hillary Clinton afin de donner plus d’élan à cette coûteuse nouvelle guerre froide. Mais Trump, qui avait plaidé pour une nouvelle détente avec la Russie, a réussi à remporter la victoire au Collège électoral.
Trump aurait peut être pu dissoudre une partie de l’hostilité à son égard, mais sa personnalité narcissique l’a empêché de tendre un rameau d’olivier aux dizaines de millions d’Américains qui se sont opposés à lui. Il a en outre démontré son incompétence politique en gaspillant ses premiers jours à la présidence à faire des déclarations ridicules au sujet de la taille de la foule à son inauguration et à contester le fait qu’il avait perdu le vote populaire.
Le large dégoût public provoqué par son comportement a contribué à pousser de nombreux Américains à « résister » à sa présidence, à toutes les occasions et à tout prix.
Cependant, en plus des risques pour la stabilité américaine d’un « coup en douce »perpétré par l’establishment, il y a le danger supplémentaire de provoquer des tensions si élevées avec la Russie, une puissance nucléaire, que cette poussée prenne forme d’elle-même, avec sans doute beaucoup, beaucoup de morts en conséquence.
C’est pourquoi l’Amérique pourrait maintenant avoir besoin d’une satire grinçante de cette russophobie contemporaine ou au moins une réédition du classique de la guerre froide, « Dr. Folamour », sous-titré « Comment j’ai appris à cesser de m’inquiéter et à aimer la bombe ».
Robert Parry
Traduit par Wayan pour le Saker Francophone
Source : Le Saker francophone, http://lesakerfrancophone.fr/le-russiagate-un-coup-detat-en-douce
Slobodan Despot : « USA | Antigone libérée »
http://log.antipresse.net/post/usa-antigone-liberee
[Le chaos et la violence criminelle au Venezuela sont sciemment provoqués par la droite, c’est un nouveau coup d’État – Et nos médias français (tous vendus aux riches) appuient tous les jours ce coup d’État antisocial en présentant Maduro comme un tyran]
Guerre sournoise en Équateur, guerre totale au Venezuela
Par Maurice Lemoine | 27 avril 2017
Source : http://www.medelu.org/Guerre-sournoise-en-Equateur
Equateur, 2 avril 2017 : au second tour de l’élection présidentielle, le candidat de la « révolution citoyenne » Lenín Moreno (Alliance Pays ; AP) affronte l’ex-ministre de l’économie (1999) et banquier multimillionnaire Guillermo Lasso (Créons des Opportunités ; CREO) qu’il a devancé au premier tour (39,36 % des voix contre 28,11 %). Rafael Correa qui, depuis 2007, a rendu sa stabilité au pays grâce à d’incontestables avancées sociales, ne se représentait pas [1].
Il n’est pas encore 17 heures et les bureaux de vote ne sont pas fermés quand Rafael Cuesta, ancien député social-chrétien (PSC, droite) devenu « vice-président de l’information » de la chaîne de télévision Canal Uno, annonce à l’écran, avec une évidente satisfaction : « Nous avons un président de la République et c’est Guillermo Lasso. » A 18 h 30, sur la base du même sondage « sortie des urnes » effectué par l’Institut Cedatos, étroitement lié à la Banque de Guayaquil (dont le principal actionnaire s’appelle… Guillermo Lasso), le journaliste vedette Alfredo Pinoargote salue joyeusement sur Ecuavisa celui que, depuis six mois, il a invité moult fois dans son programme « Contact direct » :« Félicitations, président ! » Autre grande chaîne commerciale, Teleamazonas déroule la même partition.
Sondages et médias étant à l’évidence plus importants que les électeurs, les urnes et les résultats officiels, encore inconnus à ce moment, Lasso gratifie les siens d’un discours de chef d’Etat et tous, dans une grande allégresse, fêtent « le retour de la liberté ». De quoi feindre tomber des nues lorsque, à 20 heures, le Conseil national électoral (CNE) annonce la victoire du socialiste Moreno avec 51,16 % des voix. Lasso, qui avait déjà hurlé à la fraude lors du premier tour, sans en apporter aucune preuve, entonne le même leitmotiv : outre Cedatos, deux « comptages rapides » – ceux des instituts Market et Informe Confidencial – l’ont placé en tête, dans une fourchette allant de 51,5 % à 53 % des suffrages. Informe Confidencial démentira bien avoir effectué un tel sondage, mais il en faudrait plus pour émouvoir la droite équatorienne et ses alliés.
Dès le lendemain, le quotidien Expreso publie une page entière dédiée au « président Lasso ». Les influents El Universo et El Comercio (pour ne citer qu’eux) semant également le doute sur la validité du résultat, les manifestations et tentatives de prise des locaux du CNE par quelques centaines de personnes se multiplient. Sans jamais atteindre le niveau « protestations de masse » espéré par leurs initiateurs, elles vont se poursuivre, Lasso exigeant, sans aucune justification juridique, un recomptage de 100 % des bulletins et déclarant le 13 avril : « Pour se battre contre une dictature, il ne faut pas seulement des votes, il faut être dans la rue ! » Pourtant, les autorités ont déjà accédé partiellement à sa demande et le réexamen de 296 340 votes contestés dans cinq provinces n’a en rien modifié les résultats. Manifestement conscients de l’inanité de leurs réclamations, les représentants de CREO ne se sont même pas déplacés pour assister au recomptage effectué dans la province de Pichincha : « Notre présence n’aurait fait que valider cet abus contre la démocratie »,se sont-ils contentés de déclarer.
Lorsque, le 14 avril, « par souci de transparence et pour la tranquillité du pays » (dit autrement : pour en finir avec le « show » monté par l’opposition), le CNE annonce qu’il va effectuer le 18 avril un recomptage portant sur 1 275 450 voix, correspondant à 3 865 procès-verbaux contestés « dans les règles », en présence de délégués de toutes les organisations politiques nationales et locales, Lasso et les dirigeants de CREO annoncent… qu’ils refusent d’y assister. Quelques jours auparavant, l’ex-député « ultra » du parti Société patriotique (SP) [2] Fernando Balda avait fait un appel du pied aux militaires : « Que coûte au haut commandement de donner une conférence de presse et de demander un recomptage total des votes ? » Avant de s’indigner, n’ayant trouvé aucun putschiste en puissance : « Ils ne le font pas ! »
Au jour dit, après que le recomptage, retransmis intégralement et en direct à la télévision, ait confirmé les chiffres initialement annoncés, Lasso déclarera : « Jamais je ne reconnaîtrai la victoire du candidat déclaré président élu par le CNE (… ) Lenín Moreno sera le successeur d’un dictateur et gouvernera sans légitimité [3]. » Pour qui douterait de la stratégie mise en œuvre, les journalistes Andrés Carrión et Martín Pallares interrogés le 4 avril dans le programme « Châtiment divin » l’avaient précisée : « Ce qui peut être fait, c’est miner la légitimité de ceux qui ont été, entre parenthèses, élus. Ces gens doivent savoir que, s’ils arrivent au pouvoir, ce sera un pouvoir vicié et affaibli. Qu’ils auront des problèmes pour l’exercer. » En résumé : Lenín Moreno n’occupe pas encore sa fonction que déjà se dessine la guerre sournoise destinée à polariser la société et à le délégitimer afin de le déstabiliser plus facilement dès que les circonstances s’y prêteront.
Qui s’en souvient ? C’est ainsi qu’a commencé la très grave crise dans laquelle se débat actuellement le Venezuela. En avril 2013, Nicolás Maduro, « dauphin » du disparu Hugo Chávez, ayant battu Henrique Capriles (Table de l’unité démocratique ; MUD) avec 50,75 % des suffrages, ce résultat serré entraîna lui aussi des accusations non avérées de fraude, de très violentes mobilisations de rues (onze morts) et, ayant instillé le venin de la frustration chez les opposants, prépara la déstabilisation du pays qui, de sabotage économique en poussées de violence, atteint son climax aujourd’hui.
Les renversements de Manuel Zelaya au Honduras (2009), de Fernando Lugo au Paraguay (2012), puis de Dilma Rousseff au Brésil (2016) par des coups d’Etat dits « institutionnels », auxquels se sont ajoutés la mort de Chávez (mars 2013), ont amené les adeptes de « la fin de cycle » – un supposé recul définitif de la « vague de gauche » – à croire l’affaire bien engagée. Alors que, après douze ans de « kirchnérisme » (trois mandats successifs de Nestor puis Cristina Kirchner), l’entrepreneur multimillionnaire Mauricio Macri venait de remporter l’élection présidentielle, l’ambassadeur des Etats-Unis Noah Mamet se félicitait en mars 2016 : la décision de Barack Obama de visiter l’Argentine était « une reconnaissance à la détermination de Macri de la réinsérer dans l’économie globale [4] ». Le 7 septembre suivant, le vice-président américain Joe Biden qualifiait le renversement – rebaptisé« impeachment » – de Dilma Rousseff « d’un des meilleurs changements politiques qu’a connu la région ces derniers temps », avant, comme il se doit, d’appeler à ce qu’un référendum révocatoire soit tenu rapidement au Venezuela [5]>.
Quelques mois après la réélection de Daniel Ortega au Nicaragua, la victoire de Moreno en Equateur constitue un coup d’arrêt à cette restauration conservatrice ardemment souhaitée. D’autant que, dans les pays qu’elle affecte, les lendemains ne chantent pas particulièrement…
Au Brésil, dans le cadre des gigantesque affaires de corruption impliquant la compagnie pétrolière semi-publique Petrobras et le géant national du BTP Odebrecht [6], qui compromettent l’ensemble de la classe politique, le Tribunal suprême fédéral (TSF) a annoncé le 11 avril l’ouverture d’une enquête concernant cent huit personnalités, dont vingt-neuf sénateurs et quarante-deux députés (parmi lesquels les présidents des deux chambres du Congrès), huit ministres du présidentde facto Michel Temer – lequel fait lui-même face à de graves accusations. On notera que si le Parti des travailleurs (PT) a sa part de responsabilité dans ce scandale systémique, celui-ci ne peut être invoqué pour expliquer la « destitution » de Dilma Rousseff – un motif puéril d’« irrégularité budgétaire » ayant servi pour justifier ce coup d’Etat, dont les objectifs réels et les conséquences apparaissent chaque jour plus clairement. En faisant voter la proposition d’amendement constitutionnel (PEC 55) qui gèle les dépenses publiques de l’Etat pour vingt ans, en s’attaquant aux retraites des travailleurs et en éliminant une partie de l’allocation chômage, en fermant le ministère du développement agraire, en menant une offensive brutale contre les droits conquis depuis une décennie, le pouvoir illégitime, après avoir jeté plus d’un million de personnes dans les rues les 8 et 15 mars, devra affronter une grève générale le 28 avril prochain.
Dans une Argentine affectée par les licenciements massifs et les augmentations faramineuses des tarifs des services publics, les enseignants en grève se sont faits sauvagement matraquer le 9 avril alors que cinq mobilisations massives avaient déjà eu lieu entre le 8 et le 24 mars et qu’une première grève générale contre la politique de rigueur avait paralysé le pays le 6 avril. Pour tenter de juguler cette contestation montante, le parti du chef de l’Etat, Cambiemos (Changeons), a déposé le 14 avril devant la Chambre des députés un projet de loi destiné à durcir les sanctions contre les protestataires. En termes juridiques, la réforme proposée introduit dans le code pénal le concept de « manifestation publique », permettant à la police d’arrêter sans contraintes les manifestants et aux juges de leur appliquer des peines plus sévères.
Dans ce contexte, la fureur des oligarchies se retourne contre le pays, symbole de la résistance, « qu’il faut absolument faire tomber » : le Venezuela. Depuis l’élection du président Maduro, le pays subit une guerre totale et multiforme. Début 2014, l’opération « La Salida » (la sortie), à travers ses opérations de guérilla urbaine, provoqua la mort de 43 personnes de toutes tendances politiques et fit plus de 800 blessés, mais le pouvoir résista, arrêtant et jugeant Leopoldo López, l’un des instigateurs du chaos.
Certes, l’importante diminution des prix du pétrole, la principale ressource du pays, a raréfié la rentrée des devises, rendant plus difficiles les importations de biens de consommation. Certes, la gestion du gouvernement ne brille pas toujours par son efficacité. Mais en aucun cas ces deux facteurs ne peuvent expliquer à eux seuls la très dure crise alimentaire et les incessantes pénuries qui, épuisant et désorientant de larges secteurs de la population, y compris « chavistes », ont permis la victoire de la MUD aux élections législatives de décembre 2015. N’en déplaise aux médias complices, incompétents, moutonniers, opportunistes ou fort peu courageux – la pression générale étant devenue telle que les « notables de l’info », fussent-ils « de gauche », ne veulent pas risquer leur réputation ou leur confort en semblant apparaître comme « les derniers défenseurs du Venezuela » – c’est bel et bien, similaire à celle des années 1970 au Chili, d’une déstabilisation économique qu’il s’agit.
S’apparentant à des aveux, la loi d’amnistie votée le 29 mars 2016 par la nouvelle majorité – et déclarée inconstitutionnelle par le Tribunal suprême de justice (TSJ) le 11 avril suivant – ne mentionnait-elle pas, parmi les délits et crimes (auto)-amnistiés de l’opposition, « la spéculation sur des aliments ou des boissons, des biens qualifiés comme de première nécessité » et « l’accaparement d’aliments ou de boissons, de biens qualifiés comme de première nécessité » ? Le 12 novembre 2016, dans le cadre d’un dialogue dont les secteurs radicaux de la MUD ne veulent pas et qu’ils ont depuis fait capoter, c’est l’envoyé du pape en personne, Mgr Claudio María Celli, qui lit l’accord pour un calendrier de discussion dans lequel « le gouvernement et la MUD conviennent de combattre ensemble toute forme de sabotage, de boycott ou d’agression contre l’économie ». Vous avez dit « paranoïa » ?
D’emblée, début 2016, cette nouvelle majorité législative a annoncé son unique objectif : « sortir » Maduro du pouvoir en six mois. Que ce soit légalement ou non. Avec un choix délibéré de la seconde solution. Dix-huit mois plus tard, tout un chacun peut constater qu’elle a échoué. Dans cette guerre qu’elle n’a pas méritée et dont elle ne veut pas, la « révolution bolivarienne » a encore assez de punch pour opposer une belle résistance. Quitte à tomber parfois dans le piège qui lui est tendu : face à une droite qui viole effrontément les règles du jeu démocratique, franchir à son tour la ligne jaune, dans son désir (et la nécessité) de rendre coup pour coup. Par exemple…
Dans leur obsession de renverser le chef de l’Etat, les dirigeants de la MUD ont, durant de longs mois, négligé la possibilité du référendum révocatoire, permis par la Constitution. Lorsque, ayant été mis en échec, ils s’y sont enfin résolus, ils avaient dépassé le délai permettant, en cas de victoire du « oui », l’organisation d’une élection : le vice-président « chaviste » remplacerait Maduro pour la fin du mandat si celui-ci était destitué. En outre, leur collecte de signatures a été entachée d’innombrables irrégularités. Raison juridiquement motivée – mais aussi prétexte évident, le nombre de paraphes requis étant en tout état de cause largement atteint – dont s’est emparé le pouvoir pour bloquer le processus. On peut le lui reprocher (on ne s’en prive pas). On peut aussi considérer que, compte tenu de la violence déstabilisatrice qui lui est imposée, il se trouve dans la situation d’un athlète de haut niveau à qui son adversaire brise les tibias à coups de barres de fer avant de lui intimer : « Maintenant, allons courir un cent mètres ensemble et voyons qui va l’emporter ! » S’il dispose d’arguments juridiques incontestables pour le faire, on comprendra que la victime puisse écarter ce type de « compétition ». Dont, d’ailleurs, l’opposition ne veut plus !
Dans le même ordre d’idée, la décision du TSJ, le 29 mars, d’assumer les fonctions de l’Assemblée nationale, non indéfiniment, comme il a été faussement affirmé, mais« tant que la majorité de droite continuerait à ignorer ses verdicts » – entre autres sur l’élection contestée de trois députés de l’Etat d’Amazonas qu’elle a néanmoins incorporés – ou refuserait de reconnaître les institutions et le chef de l’Etat était, quoi qu’on en dise, justifiée. Mais, intervenant au plus chaud d’une situation explosive, elle pouvait, habilement présentée par ses détracteurs, donner lieu à une accusation d’« auto-coup d’Etat ». Ce qui n’a pas manqué de se produire. La procureure générale de la République Luisa Ortega critiquant la décision et les plus hautes instances du pouvoir se rendant compte du danger de cette interprétation face à la « communauté internationale », le TSJ est revenu sur sa décision, mais le mal était fait. La planète médias jouant son rôle, l’accusation demeure, bien qu’étant, surtout après ce recul, totalement injustifiée.
De même, la Cour des comptes (Controlaría general de la República) dispose d’accusations crédibles – détournement de fonds publics – pour mettre en cause l’ex-candidat à la présidence Henrique Capriles, gouverneur de l’Etat de Miranda. Toutefois, les faits remontent à… 2013. Que n’a‑t-il été jugé plus tôt ? Le verdict rendu le 7 avril dernier et le déclarant inéligible pour quinze ans paraît, compte tenu du contexte, tomber à un moment particulièrement inopportun. C’est faire à l’opposition et à ses puissants alliés extérieurs le cadeau d’un « martyr » que ceux-ci ne manquent pas d’exploiter.
Dès le 9 mars 2015, Barack Obama avait désigné par décret le Venezuela comme« une menace extraordinaire pour la sécurité nationale et la politique extérieure des Etats-Unis », ouvrant le terrain juridique à une possible intervention (dont la nature reste à déterminer). Pour ce faire « l’Empire » dirigé aujourd’hui par l’irrationnel Donald Trump bénéficie de l’aide de son nouveau « cipaye » Luis Almagro, secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), objectivement redevenue le ministère des Colonies de Washington dénoncé en son temps par Fidel Castro. Une offensive féroce, obsessionnelle, tente d’isoler Caracas en la suspendant des activités de l’organisation. Néanmoins, en juin 2016, une première tentative de faire activer à son encontre la charte démocratique a échoué. Au grand dam d’Almagro, son initiateur, une majorité des nations, allergiques aux « interventions extérieures », se prononça pour une continuation du dialogue alors mené entre le gouvernement et la MUD, sous les auspices du Vatican et de l’Union des nations sud-américaines (Unasur), par les ex-présidents médiateurs José Luis Rodríguez Zapatero (Espagne), Leonel Fernández (République dominicaine) et Martín Torrijos (Panamá).
Silencieux sur le coup d’Etat au Brésil, méprisant tous les usages diplomatiques lorsqu’il traite publiquement Maduro de « traître, menteur, voleur et petit dictateur »,Almagro n’a pas hésité à se faire décorer de l’ordre Rómulo Betancourt, le 13 avril 2017, à Miami, par le président de l’Organisation des Vénézuéliens persécutés politiques en exil (Veppex), l’ex-lieutenant José Colina. Ce dernier est poursuivi dans son pays pour avoir perpétué deux attentats à la bombe en février 2003, à Caracas, contre l’ambassade d’Espagne et le consulat colombien, crimes évidemment attribués dans un premier temps aux Cercles bolivariens de Chávez. En cavale, Colina a obtenu l’asile politique aux Etats-Unis après avoir été défendu par l’avocat Matthew Archambeault, celui-là même qui, en avril 2011, fit absoudre définitivement par la « justice américaine » le terroriste cubano-vénézuélien Luis Posada Carriles – auteur intellectuel de la pose de deux bombes dans un vol de la Cubana de Aviación (73 morts le 6 octobre 1976) –, lui permettant de vivre depuis en toute impunité à Miami.
Dans ce contexte où, de l’intérieur et de l’extérieur, les deux interagissant, il s’agit de prendre la « révolution bolivarienne » en tenaille, la bataille fait donc rage à l’OEA. Bien que son Conseil permanent ait tenu une nouvelle réunion d’urgence le 28 mars à Washington, celle-ci n’a pas débouché sur les résultats escomptés – la suspension de Caracas et des élections générales anticipées – par le « roitelet » de l’organisation. Non seulement aucune résolution sanctionnant les supposés égarements du gouvernement vénézuélien n’a été adoptée, mais plusieurs Etats membres, dont Haïti, El Salvador et la République dominicaine, pourtant soumis à de très fortes pressions des Etats-Unis, ont fustigé l’attitude d’Almagro, la jugeant partiale et interventionniste. « Le moment est grave et dépasse de loin la question du Venezuela, déclara alors avec une grande dignité Harvel Jean-Baptiste, ambassadeur d’un pays, Haïti, qui n’appartient pas à l’« arc progressiste », mais auquel Washington menace de retirer son aide financière s’il continue à appuyer Caracas. Les agissements du secrétaire général fragilisent notre organisation. Si nous laissons le secrétaire général, comme il le fait, s’immiscer sans réserve dans les affaires internes d’un pays, au détriment du principe du respect de la souveraineté des Etats, bientôt Haïti et d’autres pays de la région, seront eux aussi victimes de cette même dérive de l’organisation [7]. »
Un coup de force le 3 avril suivant – la Bolivie et Haïti, respectivement président et vice-président en exercice du Conseil ayant été écartés et remplacés, au mépris de toutes les règles, par le Honduras – a néanmoins permis à dix-sept des vingt-et-un pays présents d’adopter « par consensus » une résolution dénonçant « la rupture de l’ordre constitutionnel au Venezuela » tout en exigeant « des actions concrètes » de son gouvernement. Tandis que la République dominicaine, les Bahamas, le Belize et El Salvador s’abstenaient, la Bolivie, le Nicaragua et le Venezuela avaient, le jugeant illégal, abandonné ce « tribunal d’inquisition », comme le qualifia Maduro.
Echec à nouveau, au-delà des déclarations triomphales, puisque, en tout état de cause, il est nécessaire de rassembler les deux tiers de l’Assemblée générale (vingt-quatre pays) pour en exclure le Venezuela. Raison pour laquelle la campagne infernale se poursuit, dont le surréalisme échappe à nombre d’observateurs, sans doute un peu distraits : en tête de liste des onze pays de l’« Axe du bien » [8] qui, le 17 avril, au nom de la démocratie, ont appelé le gouvernement vénézuélien à« garantir le droit aux manifestations pacifiques », figurent la Colombie – plus de 130 dirigeants et militants de mouvements populaires assassinés d’octobre 2012 à la fin 2016 (23 depuis janvier 2017) – et le Mexique – 28 500 « disparitions forcées » depuis 2006 (dont les 43 étudiants d’Ayotzinapa), 11 journalistes exécutés et 23 de leurs confrères « disparus » en 2016.
Forte du soutien de ces paladins de la liberté, la MUD, qui a définitivement écarté le chemin du dialogue, multiplie depuis début avril les manifestations au cours desquelles, en marge des opposants pacifiques, des groupes de choc ultra violents multiplient agressions aux forces de l’ordre et actes de vandalisme. C’est que, pour la MUD, le temps presse. Les prix du pétrole repartant à la hausse, fût-elle modérée, le gouvernement fournissant en urgence des produits de première nécessité à plus de six millions de familles à travers treize mille Comités locaux d’approvisionnement et de production (CLAP), réactivant l’agriculture et en appelant à la participation de certains groupes du secteur privé au redressement économique, la situation tend quelque peu à (et surtout « risque de ») s’améliorer.
Comme en 2002 lors du coup d’Etat contre Chávez ou en 2014 au cours des« guarimbas », il faut à l’extrême droite des cadavres pour émouvoir et mobiliser la communauté internationale. Le 18 avril, la veille de « la mère de toutes les manifestations », organisée par l’opposition – à laquelle répondra d’ailleurs une « marche des marches » des chavistes dans le centre de Caracas –, Mark Toner, porte-parole du Département d’Etat américain, dénonça une « répression criminelle »et la « violation des droits humains » du pouvoir bolivarien. Car déjà, comme en 2014, le décompte macabre des victimes donne lieu à une manipulation de première catégorie.
Dès le 14 avril, huit morts étaient à déplorer – par définition attribués « à la répression ». Il s’avéra rapidement que l’un d’entre eux, Brayan Principal, a été tué par un groupe d’individus cagoulés qui a criblé de balles une lotissement « chaviste », la Ciudad Socialista Alí Primera, construite par le gouvernement de Maduro à Barquisimeto. Qu’un autre, le jeune Miguel Ángel Colmenares, à Caracas, ne manifestait pas, mais est tombé dans une embuscade de sujets qui l’ont dépouillé de son argent avant de l’assassiner. Qu’un autre encore, Oliver Villa Camargo, a été exécuté d’une balle dans la tête alors qu’il venait de tenter, en auto, de franchir une barricade. Que Ricarda de Lourdes González, 87 ans, n’est pas morte asphyxiée par les gaz lacrymogènes, mais, comme l’a précisé sa fille, parce que les « guarimberos »(manifestants) « ne nous ont pas laissé sortir quand – alors qu’elle était victime d’un accident cérébro-vasculaire – on a voulu l’emmener à la clinique Las Mercedes [9] ». Il s’agit là, non d’une liste exhaustive, mais de quelques cas.
Evoquant la mort d’un étudiant de 17 ans, Carlos Moreno, tué d’une balle dans la tête, à Caracas, le 19 avril, « par des motards qui ont tiré et lancé des gaz lacrymogènes »,le « dévoyé spécial » de l’ex-quotidien français d’information Le Monde, Paulo Paranagua, précise (21 avril) : « Paola Ramirez Gomez, 23 ans, est morte en province, à San Cristobal, dans des circonstances similaires ». Que ses lecteurs le sachent : Paranagua ment. Initialement attribué à des « collectifs chavistes », accusés de tous les maux, il a été prouvé après enquête que le meurtre de cette jeune femme a été commis depuis le deuxième étage d’un immeuble, par les tirs d’un individu nommé Iván Aleisis Pernía, militant d’opposition arrêté et incarcéré depuis. Il est vrai que Paranagua n’en est pas à une imposture près : n’a‑t-il pas reproduit, sans aucune prise de distance ni commentaire (15 avril), cette déclaration ahurissante de Julio Borges, l’un des principaux dirigeants de l’opposition : « Les groupes paramilitaires du Venezuela menacent la paix en Colombie. » Le premier réflexe est d’en rire. Le second est de ressortir de la poubelle, où on l’avait jeté, et de retourner contre lui, le prétentieux « Décodex » du Monde [10] : « Ce média diffuse régulièrement des fausses informations ou des émissions trompeuses. Restez vigilants ou cherchez d’autres sources plus fiables. Si possible, remontez à l’origine de l’information. »
Dans ce climat de violence exacerbée, on observe des excès de tous les côtés. Un mandat d’arrêt a ainsi été lancé contre quinze gardes nationaux présumés responsables du décès de Gruseny Antonio Canelón, à Cabudare, le 12 avril. De l’autre côté des barricades, des membres des forces de l’ordre tombent également, tel le sergent de la Garde nationale Neumar José Sanclemente Barrios, assassiné par arme à feu le 19 avril à San Antonio de los Altos. Huit membres des forces de l’ordre avaient d’ailleurs déjà été tués par balles en 2014, sans trop émouvoir les « observateurs » pour qui, semblerait-il, l’assassin d’un policier, sur les Champs-Elysées, à Paris, est un « terroriste » quand l’assassin d’un policier au Venezuela est « un manifestant pacifique »…
Dans des circonstances particulièrement confuses, et après l’appel à manifestations de dirigeants anti-chavistes, la mise à sac d’une dizaine de commerces du secteur populaire d’El Valle (Caracas) par de supposées bandes d’« affamés », la nuit du 19 avril, s’est soldée par la mort de onze personnes (trois par armes à feu, huit électrocutées par un système de protection en tentant de dévaliser une boulangerie). Dans leur furie destructrice, les mêmes hordes, qu’on suppose manipulées, n’ont pas hésité à attaquer un hôpital de soins pédiatriques – au prétexte sans doute qu’il s’appelle « Hugo Chávez » –, obligeant en catastrophe à en évacuer 54 mères, enfants et nouveaux-nés. Dans un tel chaos, la manipulation de l’information devient un jeu d’enfant : « Les manifestations ont fait 20 morts en trois semaines », peut-on lire ou entendre à peu près partout au même moment [11]. De quoi atteindre l’objectif recherché en faisant du Venezuela un « Etat failli ». Et, au passage, en utilisant la désinformation générale affectant ce pays, pour stigmatiser par la bande un homme politique – tel, lors du premier tour de la campagne présidentielle française, le candidat de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon. A cet égard, le 6⁄9 de France Inter, consacré au Venezuela le matin même du scrutin aura constitué un modèle de perfidie subliminale – sans doute sévèrement critiqué s’il existait en France un Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
Le 22 avril, à l’appel de l’opposition, des milliers de Vénézuéliens ont participé à une marche silencieuse en mémoire des victimes des manifestations du mois d’avril. Devant le siège de la Conférence épiscopale, tandis que le député Henry Ramos Allup déclarait qu’il s’agissait d’un hommage « à tous les morts, y compris aux victimes potentielles et éventuelles qu’il y aura sûrement les jours prochains », son « collègue » Freddy Guevara précisait que les manifestations à venir avaient pour objectif de « dévoiler le véritable visage du dictateur » en générant« l’ingouvernabilité [12] ». Des messages qui ont le mérite de la clarté. Sauf, manifestement, pour les médias.
Maurice Lemoine
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NOTES
[1] http://www.medelu.org/Coup-dur-pour-la-fin-de-cycle-en
[2] Parti de l’ex-président Lucio Guttiérez, renversé par un soulèvement populaire le 20 avril 2005. Candidat du parti, Patricio Zuquilanda a obtenu 0,77 % des voix lors du premier tour de la présidentielle, le 19 février. Gutiérrez n’a pas été élu lors des législatives auxquelles il se présentait.
[3] Ecuadorinmediato, Quito, 19 avril 2017.
[4] BBC Mundo, Londres, 23 mars 2016.
[5] El País, Madrid, 7 septembre 2016.
[6] Petrobras (propriété d’actionnaires privés ou institutionnels à 51 %) a attribué des marchés surfacturés à des entreprises de BTP, permettant ainsi le versement de pots-de-vin destinés à financer les partis politiques ou des politiciens corrompus. Odebrecht aurait arrosé de bakchichs des fonctionnaires et hommes politiques de douze pays d’Amérique latine pour y rafler des chantiers.
[7] Haïti Libre, Port-au-Prince, 29 mars 2017.
[8] Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Mexique, Paraguay, Pérou et Uruguay.
[9] El Universal, Caracas, 11 avril 2017.
[10] Outil censé, sur la Toile, aider les internautes à trier les vraies des fausses informations en stigmatisant les sites « mal pensants ».
[11] Le Monde, France Info, CNews, LCI, La Dépêche, Presse Océan, La Libre Belgique, etc., du 21 au 23 avril 2017.
[12] Alba Ciudad, Caracas, 22 avril 2017.
Source : Mémoire des luttes
http://www.medelu.org/Guerre-sournoise-en-Equateur