Retranscription (à relire) :
Transcription (début):
Idriss
Bonsoir tout le monde, cette rencontre au sommet entre Johan du Canard réfractaire et Étienne Chouard, deux as de l’éducation populaire, un sujet qui nous fascine et bien entendu, alors là en plus, vous avez une sorte d’inception en matière de conscience constitutionnelle et surtout de conscience constituante, le vrai sujet, à savoir qu’Étienne Chouard a été un des mentors de Johan. Donc là, on peut vraiment voir les fruits de l’influence intellectuelle, du travail constituant d’Étienne Chouard. Et puis en fait, si on voulait même dézoomer, Etienne Chouard et votre serviteur, nous sommes tous les deux de grands admirateurs d’Henri Guillemin. Mais je ne veux pas évidemment m’aliéner mes amis potes de Napoléon, ça c’est bien au-delà de ça. Mais il se trouve qu’Henri Guillemin est quand même un des historiens vulgarisateurs francophones les plus intéressants. Et puis son analyse de la Commune, son analyse de l’autre entre-deux-guerres, qui reste LA conférence de référence d’Henri Guillemin, que je ne saurais trop vous recommander, où il vous explique tout un tas de points absolument cruciaux sur l’origine de la Première Guerre mondiale. Eh bien, ces conférences ont formé notre éveil politique.
Or, pour lancer cette émission, je rappelle que Zbigniew Brzezinski, dans Le Grand Échiquier, dit « pour la première fois de l’histoire humaine, la majorité de la population est éveillée politiquement. Pour la première fois de l’histoire de l’humanité, la majorité de la population mondiale est éveillée politiquement. Les conséquences de cet état de fait sont très difficiles à prévoir. » On rappelle aussi cette citation, je ne sais pas si elle est apocryphe, vous me le direz en commentaire. de ce haut cadre du parti communiste chinois, je ne sais plus si c’était Zhou Enlai ou quelqu’un d’autre, ou peut-être un nationaliste chinois, je ne sais même plus, mais on lui demandait, ça devait être Deng Xiaoping, vous me direz dans les commentaires, on lui demandait quelles sont les conséquences de la révolution française, dans les années, j’imagine, 1970, on lui demandait ça, et il nous disait, c’est trop tôt pour le dire. Voilà, le décor est planté sur cette question de l’éveil politique, parce que mine de rien, oui, il y a eu des conséquences, mais on sait bien tous que la révolution française a été complètement piratée par la bourgeoisie, avec les conséquences que l’on connaît, et la création de la Banque de France, qu’Henri Guillemin parle extrêmement bien. et que, en fond, l’éveil constituant populaire n’est pas encore là. Etienne Chouard, ravi de t’avoir dans l’émission. Johan, ravi de t’avoir aussi à nouveau, puisque c’est la deuxième fois que tu viens et la première émission avait été tout à fait saluée parce qu’elle était éclectique entre le souverainisme de droite et le souverainisme de gauche. Eh bien, j’espère que le décor est bien planté. Etienne, est-ce que tu penses que les prémices de cette masterclass sur le processus constituant sont bien fondées ?
Etienne
Oui. Je suis très content qu’on en parle enfin ensemble, en prenant le temps, parce que de mon point de vue, Idriss est un des rares intellectuels du pays qui percute sur l’idée constituante, alors que chez les souverainistes, je trouve une espèce de désintérêt que je trouve complètement extravagant. Les souverainistes de droite, qui sont plutôt nationalistes, ils sont plutôt pour le gouvernement représentatif. mais ils voudraient une nation qui soit souveraine. Et les souverainistes de gauche qui cherchent une souveraineté populaire, donc qui seraient plutôt démocrates. Et tous, en fait, je lis la revue d’Onfray, là, ils sont intéressants ces gens-là, ils décrivent la souveraineté qu’ils voudraient, mais il n’y en a aucun pour parler du processus qui va rendre possible cette souveraineté. Il n’y en a aucun pour creuser les conditions d’advenue de la souveraineté qu’ils veulent. C’est dingue, je ne comprends pas. Donc, je suis très content de pouvoir en parler ici avec vous.
Idriss
C’est l’adoption d’une nouvelle idée, la contagion des idées. C’est une sigmoïde, une épidémie positive. Je veux qu’on rende la conscience constituante. épidémique, virale comme on dit, et tu sais au début ça a l’air plat comme ça, puis ça monte imperceptiblement et ensuite c’est une sigmoïde, poum, t’as un effet de seuil, et quand t’as suffisamment de gens qui sont parfaitement alphabétisés dans le processus constituant, ça devient une norme, les gens en parlent dans la rue, etc. Et je pense qu’on n’est pas loin de ça, honnêtement. D’ailleurs Johan, qu’est-ce que t’en penses ? Le processus, la conscience constituante, à ton avis, surtout quand on est trois générations différentes, X, Y, Z, donc c’est parfait, Est-ce que tu penses que les gens sont mûrs pour une prise de conscience généralisée de la conscience constituante ?
Johan
Déjà, moi, ce que je trouve intéressant et que j’ai vécu personnellement, c’est que la pensée constituante que tu as amenée, Etienne, moi, j’ai connu ça dans les années 2012, 2013, où il n’y avait pas grand monde sur YouTube et que toi, tu avais fait des conférences. Je trouve que la pensée constituante a ça de qualité, qu’elle pose des choses simplement. C’est genre, on a une société, on a un État, on a une économie, et on veut savoir comment est-ce qu’on dirige tout ça ensemble, donc il faut que ce soit nous qui décidions de ça, de chaque institution, de chaque organisation. Et que rien que cette pensée-là, au-delà même de savoir si tout le monde parle de la même chose quand il parle de processus constituant, si on a ça en tête pendant les moments de révolte, ce qui est sûr, c’est que c’est une porte d’entrée sur énormément de choses. Parce qu’à partir du moment où tu te dis, c’est à nous d’écrire les lois du pouvoir et que tu peux étendre ça à l’État et à l’économie, en fait, tu peux tout remettre en cause, tu peux tout réfléchir. Et c’est ça qui était très intéressant que j’ai vécu moi dans ces années-là. C’est vraiment une grande porte ouverte en plus de la…
Idriss
La loi de Chouard, que tout le monde ne la connaît pas, parce que pour vous c’est trivial, mais la loi de Chouard, c’est : ce n’est pas aux hommes de pouvoir, aux gens de pouvoir, hommes et femmes de pouvoir, d’écrire les règles du pouvoir. L’axiome de Chouard, le théorème de Chouard, c’est un axiome plutôt qu’un théorème, la loi de Chouard, c’est ce n’est pas aux gens de pouvoir d’écrire les règles du pouvoir.
Etienne
Je l’ai reformulée pour les Gilets jaunes. au moment des Gilets jaunes, en disant que ce n’est pas aux représentants d’écrire les règles de la représentation, c’est aux représentés. Nous sommes les seuls, nous les représentés, à être à la fois capables, aptes et légitimes à écrire les règles de notre représentation politique. Et ce que j’observe dans les ateliers depuis 20 ans, c’est que c’est passionnant pour tout le monde. À chaque fois, on a l’impression de devenir un adulte politique, de grandir, de prendre les choses sous un angle qui n’est plus celui du prisonnier, puisqu’en fait quand on réfléchit aux lois, alors que nous ne sommes pas législateurs (les constitutions nous tiennent à l’écart de toute influence dans le processus législatif), comme nous ne sommes pas législateurs, nos discussions législatives sont oiseuses en fait : quand on reprend les sujets qu’on entend à la télé, en disant est-ce que le nucléaire c’est bien, est-ce que l’Europe c’est bien, tout ça ce n’est pas nous qui décidons, en aucun cas, jamais de la vie, et donc nos discussions législatives sont vaines, une perte de temps. Et on le sent, on le sait en fait. On sait que quand on en parle, c’est une impasse en fait. C’est comme si on était dans une prison et il y a une fenêtre qui nous permet de voir dehors et puis on se dispute entre nous à l’intérieur, alors qu’on est tous prisonniers ! on ne peut rien changer et on se dispute quand même en disant « si on était dehors il faudrait qu’on prenne des décisions de droite » « pas du tout il faudrait prendre des décisions de gauche » « pas du tout » et on se dispute mais c’est c’est extravagant Alors que la porte est ouverte, elle n’est pas fermée à clé, il suffirait de la pousser, juste il faut qu’on la pousse tous ensemble, pour nous évader en absolue priorité.
Idriss
Dans l’éveil, on ne sait pas que notre prison est ouverte, que la porte est ouverte et qu’on a la clé de notre prison. Et c’est ce que disait Chomsky : la meilleure façon d’enfermer les gens, c’est de leur permettre de débattre vivacement, énergiquement, mais avec un vocabulaire très restreint et avec un niveau de sujet très restreint. Le Mercosur, l’Europe, tout ce que vous voulez tant que vous restez dans le cadre. Et toi tu arrives en faisant exploser le cadre, et Yohan aussi. Je suis très content que les choses soient fixées. On rappelle que, du temps dit des « Lumières », qu’on a un peu sacralisé, parce que toi Étienne comme moi tu n’es pas un grand fan de Voltaire, Guillemin non plus mais il était plus nuancé, mais bon, Voltaire, c’était une mentalité d’entretenu. Et au fond, on a une constitution voltairienne, c’est à dire un pays bien dirigé, comme disait Voltaire, est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui et le gouverne. Voilà. « Silence aux pauvres d’Henri Guillemin ». Excellente référence. Et puis, je vois que les post-it que tu as mis dessus, toutes les étiquettes.
Etienne
C’est magnifique. C’est un petit livre d’une densité, d’une richesse.
Idriss
On se rappelle de la citation de Voltaire que Guillemin connaissait par cœur. Un pays bien gouverné est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui et le gouverne. Donc en effet, il y a des limites à Voltaire. Mais ce que je veux dire, c’est qu’à l’époque des Lumières, la séparation des pouvoirs était déjà un truc nouveau, mais on avait réfléchi que législatif, exécutif et judiciaire. Par ordre d’importance, disons que l’exécutif est supérieur au législatif, surtout en France, où on peut dissoudre l’Assemblée, et puis le législatif est supérieur au judiciaire. Et puis au-dessus, on ne savait pas, mais vous êtes parfaitement bien placé pour le savoir et l’expliquer, il y a le médiatique, et au-dessus du médiatique, il y a le monétaire. Parce que le pouvoir monétaire, en imprimant des billets, qui ne coûtent rien, peut acheter des journaux, peut acheter des médias, peut acheter des grands groupes, et comme disait Bourdieu, si ces gens-là achètent les médias, c’est pour que la majorité pense comme eux. Et donc là-dessus, on a des gaulois réfractaires comme vous deux, on a Johan qui crée son propre média qui n’a été acheté par aucun imprimeur de billets. Donc là déjà, on voit que le pouvoir médiatique commence à connaître quelques failles. Et puis toi bien sûr, Etienne, tu parles du fait que le peuple doit régner aussi sur le pouvoir monétaire, ça va de soi. Ce n’est pas seulement sur le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, il doit aussi régner sur le pouvoir monétaire.
Alors, si vous me le permettez, est-ce que vous voulez qu’on parle de ça pour commencer ? Moi, j’ai pris mes notes, mais on n’est pas obligé de suivre l’émission dans l’ordre que j’ai fixé. Est-ce que vous voulez qu’on commence par parler de comment le peuple peut reprendre le pouvoir médiatique et monétaire par la démocratie directe et par le processus constituant ? Est-ce que ça vous va comme ouverture ?
Johan
Ça paraît bien. Pour revenir peut-être sur ce que tu as dit, moi, je ne suis pas… exactement, si on va dans les précisions, on a le temps d’aller dans les précisions.
Idriss
Tout ce que tu veux, toutes les nuances, tout ce que tu veux. La vérité dans la nuance.
Johan
On est bien d’accord. Je pense qu’il n’y a pas, comme tu disais, les faussaires qui impriment des billets ou par la création monétaire, comme Etienne en parle depuis longtemps, ce n’est pas foncièrement eux qui achètent les médias ou qui contrôlent les médias. Les banques privées possèdent pas mal de la presse régionale. Mais le gros des médias est soit détenu par l’État, soit détenu par les grands détenteurs de capitaux, en réalité c’est surtout ça. Donc ça va être les grands milliardaires, ceux qui possèdent des entreprises, ceux qui possèdent un vaste portefeuille actionnarial et en gros c’est plutôt cette classe.
Idriss
Mais qui empruntent aux créateurs de monnaie, qui remettent cette monnaie créée sur le marché.
Johan
Oui, mais c’est plus la propriété des capitaux qui fait qu’ils ont réussi à en acheter et qu’ils ont l’usufruit de ça et qui ont le contrôle concret. C’est eux qui décident de quel est le rédac chef. Quand Bolloré, il rachète, il met ce type-là. Quand tu as Drahi qui rachète, il met ce type-là. Et c’est eux qui imposent après leur ligne. Donc, je pense que là, en tout cas, moi, ma vision des choses est plus qu’il y a une classe organisée dont le facteur déterminant, c’est le fait qu’ils possèdent des capitaux, qu’ils possèdent des actions, qu’ils possèdent des entreprises. Et grâce à ça, ils arrivent à contrôler les médias, qui est l’un de leurs outils. l’un de leurs outils de domination, qui fait que concrètement, ils ont le pouvoir. Et après, on verra, je pense, à la suite de la conversation, notamment au niveau de la dette, c’est un autre pouvoir qu’ils ont, au niveau du chantage à l’emploi, c’est un autre pouvoir qu’ils ont, etc. Mais je pense que c’est bien de remettre ce truc-là de conflictualité qu’il y a en permanence, de savoir qu’il y a une classe qui contrôle les médias et que si on s’attaque à eux, ça veut dire qu’il va y avoir une lutte entre nous et eux. C’est ça aussi le truc important à comprendre dans le processus révolutionnaire.
Idriss
Ce qui nous fascine c’est comment toi, comme David contre Goliath, tu commences à créer des failles et comment ça peut se multiplier. Comme tu le sais, nous ce qui nous intéresse c’est de faire de la… en quelque sorte de l’élevage de canards. Et donc on veut reconnaître un peu le secret pour qu’il y ait demain que le canard réfractaire soit la norme plutôt que l’exception.
Johan
Nous au canard réfractaire on a été, enfin c’est difficile de dissocier une chose du contexte et de la situation dans laquelle elle est née. Notre association Canard Réfractaire, notre média, est née pendant le mouvement des Gilets jaunes à Guingamp, en 2019. Et depuis là jusqu’à maintenant, on s’est toujours tenu à essayer de de représenter médiatiquement une parole qui n’existait pas, qui était une parole populaire, qui n’était pas une parole petite bourgeoise parisienne, comme tu dirais Idriss, mais qui était avec des analyses différentes, là où on ne trouvait pas ailleurs. Et donc on a fait des choix qui sont assez forts dès le début, qui sont le choix de l’association, c’est-à-dire que personne ne possède le média, personne ne peut acheter le média, et personne ne peut véritablement corrompre le média, un truc assez fantastique en France qui s’appelle l’association. et on a décidé de fonctionner à l’intérieur de cette association de façon coopérative, c’est-à-dire qu’on prend les décisions collectivement, on a mis en place des petites institutions, on a fait des micro ateliers constituants dans notre média pour savoir quel comité organisait quelle chose, si je simplifie un petit peu les choses, c’est ça, avec des salaires, par exemple, un pour un qui fait que même moi qui ai une place de rédacteur en chef fondateur, je pourrais me la péter comme beaucoup de journalistes à Paris se la pètent pour ces raisons-là, mais en fait on a tous exactement le même salaire, que tu sois stagiaire ou autre…
Idriss
Vous la faites tourner comme une coopérative.
Johan
Oui, mais même plus plus : on est tous un peu dans le même bateau dans ce média-là et du coup, on essaye de faire en sorte que ça fonctionne le mieux possible. Et par exemple, il y a une des conséquences très intéressantes de ça, c’est que, vu qu’il n’y a pas d’autorité patronale pour décider, en fait, on est un peu obligé de décider tous ensemble. Et le fait qu’on soit un peu obligé de décider tous ensemble, des fois, c’est un peu contraignant parce que du coup, il faut discuter, il faut se disputer, machin. Mais en fait, ça nous oblige du coup à faire des choses comme des heures de discussions politiques qu’on fait tous les lundis à peu près à 14h, où on fait en sorte de discuter ensemble de tous les sujets pour que même le monteur qui, classiquement dans les médias, est mis dans une cave et balance des vidéos comme ça qui doivent monter et monter, puisse participer, arriver, avoir des analyses, qu’on puisse se mélanger, etc. faire en sorte d’avoir non pas juste un média avec une séparation des tâches et du travail avec des gens qui sont ultra spécialisés, mais quelque chose qui ressemble et qui, objectivement, est une organisation politique où tu as des militants politiques dedans. Moi, ce que je dis souvent, on parcourt parfois la France, on va à Marseille, on va à Reims, on va dans des endroits comme ça. et on se présente toujours en tant que militants. Nous sommes des militants, nous ne sommes pas des journalistes, nous sommes des militants qui utilisons le média comme un outil pour transmettre des informations, transmettre des analyses, créer une conscience, essayer d’organiser des actions, etc.
Idriss
Au moins vous l’admettez, parce que beaucoup de journalistes sont militants, si on l’admettre. Donc il y a quand même déjà au moins ce travail qui est fait.
Johan
Oui, et surtout dans une époque de crise très forte. C’est-à-dire, on va sans doute en parler, mais brièvement, on sait que la guerre va arriver, va s’intensifier. On sait que la crise économique va se renforcer. On sait que ça va être l’écologie, tout ça, qu’il va y avoir beaucoup de facteurs qui vont faire que ça va être la merde dans ces prochaines années. Donc tu vas avoir une grande conflictualité partout dans la société. Et dans ce contexte-là, en fait, tu prends position. Quoi qu’il arrive, tu prends position. Bien sûr. Et je crois qu’il faut juste admettre le fait que tout le monde prend position. Tout le monde est utile pour quelqu’un, pour une classe, pour un groupe de personnes. Et nous, ce qu’on a décidé, c’est de prendre position pour le peuple, quand d’autres ont décidé de prendre position pour ceux qui détiennent les capitaux, pour ceux qui signent leur bulletin de salaire à la fin du mois.
Idriss
Au moins, vous en prenez la responsabilité. Camus était un journaliste militant, Clémenceau était un journaliste militant. Tant qu’on en prend la responsabilité, je n’ai aucun problème avec ça. Tant qu’on respecte la Charte de Munich, quand on couvre les sujets, quand on essaie de les présenter comme factuels, Mais ce qui est horrible, c’est les journalistes qui n’assument pas leur militantisme, qui disent des choses, qui sortent des trucs, des énormités sur les plateaux, avec, comme tu le sais, cette espèce de haine des pauvres, ou ce mépris de classe absolument sidérant, et qui se présentent comme journalistes, alors qu’à ce niveau-là, ils ne peuvent plus se présenter comme ça. Donc, merci, sur le plan organisationnel, Yoann, de nous avoir donné cette espèce de blueprint, je sais pas comment on dit, de schéma, et on en reparlera. Et puis, Etienne, je te rends la parole.
Etienne
Moi je ne confondrais pas, je ne traiterais pas en même temps le sujet de la monnaie et le sujet des médias parce que je les trouve assez distincts et peut-être je vais commencer par celui des médias puisque Yoann vient d’en parler.
A mon avis, nous avons besoin, une démocratie, un régime qui respecte les libertés et qui donne un pouvoir d’opiner et de décider à la population, a besoin d’être éclairée. Donc nous avons besoin que notre opinion, à qui nous allons donner du pouvoir, soit éclairée. Et pour être correctement éclairée, nous avons besoin de ce qui s’appelle des journalistes, mais il faut en définir le sens, parce que le mot est complètement dévoyé aujourd’hui par le fait que les journalistes ont été achetés, comme on achète des voitures, par les plus riches, la totalité des journaux du pays. Peut-être à part le canard enchaîné, mais même pas sûr.
Idriss
Amélie Ismaili, la journaliste d’investigation qu’on a reçue il y a quelques jours, vient encore démontrer, elle a fait un petit montage sur Twitter, par exemple le cas de Kretinsky, qui possède tout un tas de médias en France, elle montre que Libération le présentait comme le sulfureux milliardaire, puis Kretinsky a offert un prêt de 14 millions sans intérêts et avec échéances de remboursement libres, enfin tu vois très gentil, et là, boum, du jour au lendemain, Kretinsky ça devient le sauveur… On a là, vraiment, un cas précis qui montre comment on peut acheter la presse aujourd’hui!,
Etienne
Il y en a plein. En fait, l’histoire de l’achat des journaux, c’est l’histoire de la corruption des journaux, et en fait, l’histoire de la perte pour la population d’un outil d’information essentiel. Et à mon avis, ça doit être protégé dans la Constitution, comme tu le disais. Montesquieu n’avait pas vu le coup venir parce que ça n’existait pas encore, donc il n’y avait pas encore la télé. Les médias, à mon avis, il faut qu’on les définisse. On ne parle pas que des journaux. Il y a les journaux, les radios, les télés. Mais il n’y a pas que ça. Les médias sont tous les outils qui permettent à l’opinion de se former, à l’opinion d’être éclairée. Donc il va y avoir les instituts de sondage, il va y avoir les instituts statistiques, les maisons d’édition qui fabriquent tous les bouquins. Peut-être même l’école, on pourrait la mettre dans « les médias ».
En fait, il s’agit de repérer quels sont les pouvoirs dont nous pouvons avoir à craindre. Et donc, il faut les contrôler ensuite pour n’en avoir rien à craindre. Les journalistes, en fait, sous la Révolution française, on les appelait les sentinelles du peuple. Là, c’était clair, c’était des complotistes. C’était des gens comme Marat, qui est un immense journaliste, qui avait commencé en Angleterre et puis qui s’est retrouvé en France au moment de la Révolution française. C’était le plus vieux de la bande des révolutionnaires et qui entraînait littéralement, c’était un moteur pour la Révolution française. Il a été un peu raté par Guillemin. Guillemin en parle très peu. mais j’ai une quarantaine, cinquantaine de bouquins sur Marat, donc vraiment Marat c’est un objet d’étude formidable, complètement raté par quelqu’un comme Onfray par exemple.
Idriss
Mais si tu me permets de vulgariser ton propos comme ça, déjà ce que tu es en train de nous dire, parce que c’est évident pour toi, mais on est là pour faire une masterclass en quelque sorte, déjà le premier point que tu dis c’est que pour comprendre le journalisme il faut avoir des modèles, donc il faut fixer des modèles du bon journalisme.
Etienne
Alors, je vais te donner, dans ma constitution, nous devrions tous avoir une espèce de petit chantier de constitution dans lequel on écrit ce à quoi on pense. Et moi, j’en ai écrit une en ce moment, j’en ai fait une, ça fait 20 ans, mais bon, elle commence à prendre forme. Parce qu’en fait, pendant 20 ans, j’ai fait des ateliers constituants avec des gens, et en fait, des gens très différents qui, à chaque fois, sont nouveaux, débutants. Et donc, à chaque fois, on reprend sur les sujets les plus importants, comme le RIC, la monnaie, les journalistes, mais en fait, j’étais dans cette logique-là, je ne construisais pas une constitution complète. Depuis quelques années, je me mets sur une constitution complète et ça me pousse à faire des choses que je ne faisais pas en atelier constituant avec des débutants. Par exemple, sur la définition du journaliste, je vous suggère celle-ci. Journaliste, les citoyens attendent de lui — donc je l’écris dans la constitution. Je mets dans la constitution un lexique. Je vais réfléchir avec les Québécois, et avec des groupes militants en France aussi, je réfléchis à l’aspect lexical constituant, c’est-à-dire que je pense qu’il y a plein de malentendus sur le mot représentant, sur le mot constitution, sur le mot citoyen, sur le mot journaliste, sur les mots les plus importants, sur le mot suffrage universel. Il y a des mots essentiels qui sont complètement mis à l’envers par nos représentants et que nous pouvons, que nous devrions mettre au clair dans notre constitution parce que c’est une constitution, c’est un contrat social, c’est un texte qui va être signé par tout le monde, y compris des gens qui n’ont jamais réfléchi à la question et qui doivent pouvoir comprendre ce qu’ils signent. Il est très important qu’il y ait un sommaire écrit en langage clair, pas du tout en jargon. La constitution, ce n’est pas un texte juridique, il faut faire attention à ça. Parce que les pièces de droit, probablement animés de bonnes intentions, je ne leur fais pas de procès d’intention, je ne pense pas qu’ils étaient mal intentionnés, mais les profs de droit qui se sont spécialisés sur les questions de droit constitutionnel et de droit public, en fait, nous ont piqué, finalement, sans le vouloir, nous ont piqué ce sujet alors qu’il est tellement haut dans le droit que ça n’est pas un texte technique, c’est un texte politique.
Idriss
Une constitution doit être limpide. C’est le premier point sur lequel tu insistes. Une constitution doit être limpide. Et nous, on a tendance à faire des constitutions absconses.
Johan
Ce n’est pas nous qui avons tendance à le faire, justement. Je pense que le charabia et l’interprétation permettent aussi de manœuvrer plus facilement dans des contextes où il faut casser des mouvements, où il faut changer un peu le modèle de société.
Etienne
Il faut revenir à ce que vous disiez tout à l’heure, Yohan qui parlait des journalistes. Il me semble que nous devrions écrire quelque chose comme ça, mais c’est un chantier, donc je vous suggère ça. Après ça, vous allez vous y réfléchir et peut-être trouver d’autres façons de le dire, d’autres missions. Mais dans mon esprit, un journaliste, les citoyens attendent de lui qu’il inquiète les pouvoirs. Le journaliste est par nature, par construction, un contre-pouvoir. Dans le respect des libertés fondamentales, sans calomnier, ni diffamer, sous l’autorité de la chambre de contrôle des journalistes. Chaque pouvoir, y compris les pouvoirs dont on a absolument besoin évidemment, doivent être sous un contrôle populaire. Peut-être tout à l’heure on prendra le temps de réfléchir.
Idriss
Tu seras pour le tirage hors de cette chambre pour éviter la corruption ?
Etienne
Absolument. Je vous suggère, quand vous allez faire des ateliers constituants, vous allez avoir à instituer des pouvoirs et à les contrôler. Donc vous allez dire quel est le rôle de ces pouvoirs et quel est leur contrôle. Et le contrôle, à mon avis, il y a une espèce de martingale, de façon de faire qui va aller pratiquement à tous les coups, dans tous les cas, ça va consister à prévoir une chambre de contrôle de la police, une chambre de contrôle des juges, une chambre de contrôle des parlementaires, une chambre de contrôle des ministres, une chambre de contrôle…
Idriss
– Un point clair, si tu me permets de mettre le coup de stabilo, dès qu’on pense un pouvoir, on doit penser son contrôle. et pas de façon théorique, de façon concrète, c’est-à-dire au jour le jour, comment ce contrôle s’exerce.
Etienne
Et on peut dire, quelque part dans la Constitution, au début, comme un dénominateur commun de toutes les chambres de contrôle, nous allons établir des Chambres de contrôle, vous allez voir, dans le reste de la Constitution, et vous allez voir que toutes les Chambres de contrôle vont avoir un budget important, Et on a l’argent puisque c’est nous qui allons reprendre le contrôle de la création monétaire. On ne va pas manquer d’argent pour faire marcher les services publics. Donc, on a l’argent qu’il faut pour les payer comme il faut. On va donner un budget suffisant, consistant aux chambres de contrôle. On va leur donner un pouvoir d’enquête et d’investigation pour qu’ils puissent aller surveiller les pouvoirs dont ils sont chargés du contrôle. Et puis, on va leur donner une autorité pour juger, trancher et punir les pouvoirs abusifs. Donc en fait, à chaque fois que vous allez établir un pouvoir, pareil pour les principes, le problème des droits de l’homme par exemple, si les droits de l’homme sont piétinés, c’est parce qu’il n’y a pas de chambre chargée d’appliquer des droits de l’homme.
Idriss
Il y a le texte, mais il n’y a pas de mécanisme pour…
Etienne
Il n’y a pas d’institution qui va permettre de l’appliquer. Quand il y a une cour des comptes, la cour des comptes, chez nous, en France, elle n’a pas de pouvoir contraignant. Elle peut juste faire des rapports sans force contraignante. Mais c’est extravagant.
Idriss
Elle étrille, voilà, elle étrille. Elle ne condamne pas, elle étrille, elle dit c’est mal, et puis voilà c’est tout.
Etienne
Mais sans conséquence. Donc, en fait, il faut que dans la constitution d’origine citoyenne que nous allons écrire, il faudra qu’on pense bien à assortir chaque grand principe d’une chambre, d’un organe, qui sera sûrement une chambre tirée au sort parce que c’est le meilleur moyen de la rendre incorruptible et d’impliquer les citoyens dans leurs institutions. Le tirage au sort, il faut lire, il y a dans Tocqueville, dans La démocratie en Amérique, il y a un chapitre sur plusieurs longues pages pour défendre l’idée du tirage au sort. Tocqueville explique la puissance de cette procédure qui, dit-il, qui tire les gens hors de chez eux et de leurs petits intérêts particuliers, et en leur montrant le spectacle d’autres, de leur pairs, des gens qui leur ressemblent, en train de discuter du bien commun. On fait leur éducation civique, on leur apprend à réfléchir au bien commun. Donc le tirage au sort pour Tocqueville, c’était une école de civisme… Alors Tocqueville est discutable, mais c’est magnifiquement écrit.
Idriss
J’aime bien ton éclectisme parce que tu mets les libéraux aussi, tu les invites à ta table pour discuter, Tocqueville est plutôt admiré des libéraux, et là tu dis, regardez, c’est pour le tirage au sort, c’est libéral en soi d’ailleurs. Vas‑y, je t’en prie.
Johan
Est-ce que là, tu nous proposes, Étienne, un peu la structure de la constitution sur laquelle tu travailles là. Moi, j’avais une question à te poser parce qu’une des richesses du travail que tu as fait pendant 20 ans, c’est aussi d’avoir organisé énormément d’ateliers constituants. Donc, tu as reposé peut-être des centaines de fois la question médiatique à des gens autour d’une table. Moi, je voulais savoir, est-ce que, globalement, les solutions qu’écrivent les gens quand ils sont en atelier constituant sont assez similaires ? Et est-ce que tu vois des changements en fonction de la situation ? C’est-à-dire, par exemple, quand on faisait en 2014 où il ne se passait rien, là, tu n’avais pas beaucoup, par exemple, d’idées neuves, où on passait par l’élection, ou un truc comme ça, parce qu’on n’avait pas beaucoup d’ambition et que quand on arrive avec le mouvement des Gilets jaunes, là, tout d’un coup, on se sent très fort parce que c’est un mouvement social qui nous emporte. Tout d’un coup, les perspectives changent et là, on se met à penser des choses un peu plus radicales sur le tirage au sort ou sur le contrôle des élus.
Etienne
Ce qui est étonnant, après 20 ans d’ateliers constituants, c’est le spectacle d’une relative uniformité. En fait, nous décidons, alors il y a des options, il y a des variations quand même, mais en gros, nous décidons quand même sensiblement la même chose. Et ça, ça donne confiance en le tirage au sort. C’est-à-dire qu’après avoir vécu ça, moi, pendant 20 ans, Ça peut être n’importe qui dans la rue. Pour moi, ça peut être n’importe qui dans la rue qui va écrire. Je sais que si on lui donne le temps de réfléchir, si on lui donne l’occasion de s’instruire de l’avis des autres, je sais que lui va écrire la même chose que moi, sensiblement. Et en fait, ça, c’est l’expérience de la variété des publics écrivant la même chose qui donne confiance dans le tirage au sort. Parce qu’en fait, c’est la raison qui nous conduit à écrire des pouvoirs et des contre-pouvoirs, et notamment un contre-pouvoir populaire, bien sûr, ou même un pouvoir populaire. Et en fait, tout le monde aspire à un pouvoir populaire, à part les dominants du moment, bien sûr, les dominants, eux, ils aspirent, ils sont antidémocrates en diable, mais la plupart des gens que je rencontre, et pas seulement des gens qui viennent à mes conférences et donc qui sont un peu… C’est vrai qu’on peut les suspecter d’être déjà acquis d’avance, d’être déjà d’accord. Mais même quand je m’assois dans le train, quand je vais à Bordeaux, j’ai 7 heures de train. Donc le gars qui s’assoit à côté de moi dans le compartiment, il ne sait pas encore, mais dans pas longtemps, il va être constituant. Et en fait, ça marche tout le temps. Même quelqu’un que je ne connais pas et que je n’ai jamais vu, Les gens percutent, ils comprennent très vite l’idée de réfléchir nous-mêmes aux institutions de notre représentation.
Mais ce que tu disais tout à l’heure, Johan, je voudrais souligner que j’ai pour l’instant repéré dans nos ateliers constituants deux façons d’instituer le journalisme sous contrôle citoyen, le journalisme indépendant. Donc, les journalistes, pour moi, tu as compris, c’est des des inquiéteurs de pouvoir. C’est des complotistes, c’est des gens qui cherchent des complots et quand ils en trouvent, ils les dénoncent. Quand ils les trouvent, ils les dénoncent. Je sais bien qu’aujourd’hui, le mot complotiste est pris comme une insulte, mais c’est.
Idriss
De moins en moins. Ça, c’est en train de changer aussi. Mais le simple principe d’inquiéteur de pouvoir, la mouche du coche de Socrate, là, tu as fixé les choses de façon très claire. Quand on a Julien Pain qui nous dit oui, j’ai dit que le pass ne serait jamais demandé dans les restaurants, mais c’est parce que le pouvoir l’avait dit. Là, stop, il y a un problème, t’es pas journaliste, tu dois inquiéter le pouvoir.
Etienne
Mais c’est plus sérieux. La mouche du coche, c’est quand même une emmerdeuse qui fait l’intéressante et qui, en fait, ne sert pas à grand chose. Là, c’est beaucoup plus important. Le journaliste, il va mordre les cuisses des pouvoirs pour les inquiéter, pour que les pouvoirs aient peur d’eux. Comme Assange, qui pour moi est l’icône du journalisme.
Il y a deux façons d’organiser, à ma connaissance pour l’instant, donc vous en trouverez peut-être d’autres, mais pour l’instant, j’ai repéré deux façons de rendre les journalistes indépendants, bon d’abord il faut évidemment les reprendre aux riches, donc dans l’article qui institue le RIC…
Idriss
… Ou faire des coopératives qui soient toutes aiguës, subventionnées…
Etienne
Oui, voilà : Soit on peut dire, dans la Constitution, nous nous estimons que nos journalistes doivent fonctionner sur le modèle de la coopérative ouvrière, où tout le monde intervient. Les médias appartiennent à ceux qui y travaillent et sont conduits par ceux qui y travaillent et sont inaliénables. Inaliénables, ça veut dire qu’on ne peut pas les acheter. Nous interdisons dans la Constitution que qui que ce soit, personne physique, personne morale, national ou étranger, on s’en fout, les médias, par construction, parce qu’on l’a écrit dans la Constitution, ne sont pas achetables. Ça, il faut l’écrire. Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les militants communistes et gaullistes du Conseil National de la Résistance avaient écrit qu’il faut faire gaffe, tenir les médias à l’écart des puissances de l’argent, et puis c’est finalement Mitterrand qui a tout lâché en fait, et qui a laissé Hersant…
La deuxième modalité qui est assez simple, c’est d’organiser le pouvoir et la protection des journalistes sur le modèle des juges. Alors pas exactement des juges actuels, parce que les juges actuels bien sûr peuvent être améliorés, mais les juges tels qu’on les rêve, c’est-à-dire indépendants, Nous, les citoyens, nous décidons de payer les juges parce qu’on ne veut pas que ce soit les riches qui payent les juges, évidemment, sinon les juges vont servir les riches et ne vont pas bien rendre la justice. Donc, nous décidons de payer les juges et de les payer correctement, de les former et d’interdire à tous les pouvoirs d’aller se mêler de leurs affaires. C’est mal fait, c’est très mal fait en France. Le parquet fait de nous la risée du monde. Le monde rit de ce qu’on appelle « juges » des agents qui sont soumis au pouvoir exécutif alors qu’ils devraient lui manger les cuisses, ils devraient inquiéter l’exécutif. Au lieu de ça, leur carrière est réglée par l’exécutif, qui décide même de ce qu’ils vont dire, c’est complètement aberrant.
Johan
C’est ce Dupont Moretti a fait. Il a fait un grand discours en reprenant le pouvoir. Il n’a jamais rien fait. Tout ce qu’il a fait, c’est poursuivre des procureurs et compagnie. C’est trop utile d’avoir une justice au service de l’État.
Etienne
Il n’y a vraiment que nous pour écrire une bonne justice. Il n’y a que nous. Nous sommes les seuls à pouvoir écrire les bonnes institutions de justice. Mais sur le modèle des juges tel qu’on pourrait les rêver, c’est-à-dire indépendant et sous contrôle, pour l’instant les juges sont jugés par des juges. Ce sont les juges qui jugent les juges. et qui déconnent complètement. Les abus de pouvoir des juges, et c’était déjà comme ça sous l’Ancien Régime, les abus sexuels des juges, c’était déjà monnaie courante. C’est une vieille affaire. Donc, il est important que les juges aient des comptes à rendre devant des personnes qui ne sont pas des juges, et ça va être la Chambre de contrôle des juges, ça va être une chambre de contrôle populaire.
Idriss
Je voudrais te soumettre une idée là-dessus, que je vais garder dans un coin de ma tête, parce que c’est une idée qui me travaille depuis longtemps, puisque en effet, je voudrais, alors je fais juste cette parenthèse Yohan, et je te donne impérativement la parole après, Il faut soulever un point très important, qui encore une fois est évident pour vous deux, mais que je veux bien transmettre à notre souverain à nous, qui est notre public, et qu’on ne transmet pas par académisme, mais tout simplement parce que notre public n’a pas le temps forcément de s’intéresser à ces détails. Et ces détails sont intéressants.
Vous prenez le cas de Staline. Staline prend le pouvoir en étant secrétaire. Et c’était un poste avec zéro pouvoir et il en a fait un poste à pouvoir, parce qu’en étant Secrétaire général, il contrôlait si Trotsky avait de l’argent, il contrôlait si ses ennemis avaient des moyens ou pas… En fait en étant celui… tu sais cette phrase qu’on lui attribue (à tort) : « ce qui compte ce n’est pas le vote, c’est celui qui compte les votes », ça montre bien l’idée ; quand tu contrôles l’exécution des lois, en fait, tu es plus puissant que ceux qui écrivent les lois. Tu peux passer, comme tu as dit, les droits de l’homme, les machins, si jamais il n’y a aucune courroie de transmission, il n’y a pas un code d’exécution des droits de l’homme, il n’y a pas un code du journalisme, il n’y a pas un truc très précis qui dit, par exemple, si tu as manqué à telle loi, il va t’arriver ça à telle date. Ce n’est pas on attend de faire un procès dans 10 ans… Non, non, c’est avant telle date, il te sera arrivé ça et c’est irrévocable. Tu te rends compte que du coup Koh Lanta est mieux foutu que nos systèmes de loi. La sentence est irrévocable. Voilà, tu as vraiment un code, il faut que tu aies un code qui dise si jamais tu n’as pas fait ça, la punition sera irrévocable, exécutoire.
Alors que comme tu le dis, la cour des comptes, elle passe son temps à dire ce budget, ces comptes sont nuls… tu fais ça avec une entreprise, tu es mort, c’est abus de biens sociaux. et bien là ça passe sans problème, il n’y a pas le côté irrévocable. Donc l’exécution fine de comment la Constitution coule dans la vie de tous les jours, on va en parler toute la soirée, parce que c’est ça les chambres de contrôle, c’est ça les tirages au sort. Mais dans le cas précis où… Oui vas‑y.
Etienne
Excuse-moi, et donc les journalistes on pourrait les traiter comme les juges, c’est-à-dire qu’on pourrait décider plutôt que d’en faire des SCOP, et là c’est à nous d’en parler, je ne tranche pas sur la question, mais il me semble que nous pourrions aussi, c’est une possibilité, décider que nous ne voulons pas, bien sûr, que les riches payent les journalistes, comme c’est le cas actuellement, ce qui donne une désinformation générale, ils nous mettent la tête à l’envers et ça permet de gagner les élections, ça sert à ça. Au lieu de ça, nous voulons, nous, payer les journalistes, comme nous voulons, nous, payer les juges pour qu’ils soient indépendants. On va les payer et on va faire attention à ce qu’ils soient indépendants, comme on fait attention à ce que les juges soient protégés contre les puissances économiques et contre les puissances politiques. Et on pourrait faire la même chose avec les journalistes, c’est-à-dire que les enfants, les jeunes gens qui veulent être journalistes, de droite, de gauche, ben on verra, on fait confiance au hasard et à la diversité des gens qui veulent le devenir. Il va y avoir des jeunes gens de droite qui veulent devenir journalistes.
Idriss
Si monter son média est facile, toutes les opinions, il y aura de la gauche et de la droite. Et justement, Yohan, imagine demain, Yohan, on te confie…
à compléter (travail de romain)
Bonjour,
Petite remarque sur la forme, liée probablement à la technologie d’échanges.
Les interruptions d’un interlocuteur brouillent immédiatement la phrase de celui qui parle et ça devient parfois incompréhensible. Cela vient sans doute de la technologie du logiciel de communication. Je ne sais pas si cette gestion des priorités est paramétrable, mais ça devient insupportable quand un interlocuteur ne cesse de commenter l’autre.
Dans une conversation, l’oreille normale est parfaitement capable de trier deux voix superposées et de comprendre les deux phrases, si la superposition ne dure pas trop.
Le problème n’est pas particulier à cet échange. Il est certainement identifié depuis longtemps. Il doit bien y avoir une solution…
En effet, le retour lors des superpositions de son était désagréable. Certains logiciels gèrent cela mieux que d’autres. Cela vient notamment du fait de passer par les enceintes plutôt qu’un casque. Une boucle de son se forme quand le son est trop fort (parce que le micro est réglé trop fort ou le volume de sortie). Ici, je crois que le son du micro d’Étienne était trop fort et que le volume de ses hauts parleurs et de ceux d’Idriss étaient trop fort également.