Chers amis,
Louis Fouché (dont j’admire la gentillesse, l’érudition et le courage) vient de lancer une émission nommée « Une Nôtre Histoire » pour présenter des alternatives prometteuses aux narratifs déprimants du moment.
Invité à rejoindre ce cadre bienveillant et stimulant, sous la rubrique « Démocratie et institutions », je vais vous préparer une (probablement longue) série de courtes vidéos pour reprendre un à un chacun des points importants et méconnus que j’ai découverts en matière de démocratie et d’institutions depuis 2005.
Voici le (début du) plan que je compte suivre :
A – COMPRENDRE CE QUI NE VA PAS : LE PIÈGE INSTITUTIONNEL
1 – QU’EST-CE QUE LA CONSTITUTION ?
a – UN CONTRAT SOCIAL ENTRE CEUX QUI VEULENT ÊTRE REPRÉSENTÉS fixant les règles de leur représentation
1) FORCE JURIDIQUE de la constitution
a) Toutes LES PERSONNES porteuses d’un pouvoir se soumettent à la constitution :
• La police obéit à la constitution.
• L’armée obéit à la constitution.
• Les juges, les avocats, les huissiers, les gardiens de prison obéissent à la constitution.
• Le président de la République, les ministres, les préfets, les maires et les parlementaires, tous ceux qui nous servent obéissent à la constitution.
• Tous les fonctionnaires, tous les pouvoirs en place (et toutes les décisions qu’ils prennent pour nous servir) doivent respecter la constitution.b) Toutes LES RÈGLES ET DÉCISIONS doivent être conformes à la constitution (sous peine de nullité) :
• toutes les lois doivent respecter la constitution,
• tous les règlements (décrets, arrêtés, ordonnances…) doivent respecter la constitution,
• tous les actes et jugements doivent respecter la constitution,
• tous les traités doivent respecter la constitution…c) Mais ATTENTION AUX « EXPERTS » constitutionnels :
La constitution est un texte est si important qu’il ne doit absolument pas être confisqué par des techniciens : ce texte appartient par nature au peuple qui accepte de s’y soumettre, la constitution ne relève que du peuple en personne parce que les simples citoyens sont les seuls qui soient à la fois aptes et légitimes pour l’écrire et la faire respecter. Et c’est au peuple lui-même de se faire respecter comme constituant par les voleurs de pouvoirs qui s’autoproclament « experts constitutionnels ». La constitution n’est pas un texte juridique mais politique.
2) ENJEUX POLITIQUES de la constitution
- C’est dans la constitution que le pouvoir exécutif peut déclarer la guerre sans demander la permission (par référendum) à ceux qui font la faire.
- C’est dans la constitution que les élus n’ont PAS de comptes à rendre, et qu’ils peuvent donc mentir, voler, tricher, et même parfois trahir au dernier degré sans jamais être sanctionnés,
- C’est dans la constitution que les élus ne sont PAS révocables en cas de faute, politique ou autre,
- C’est dans la constitution qu’est défini le mandat des représentants : vont-ils être nos maîtres (et tout voter à notre place sans jamais nous consulter, comme aujourd’hui) ? Ou bien vont-ils être nos serviteurs (en nous préparant les lois, mais en nous laissant ensuite les voter nous-mêmes ?
- C’est dans la constitution que les mandats ne sont PAS courts, que les mandats sont renouvelables, que les mandats sont cumulables (et tout ça va produire des professionnels de la politique, des politiciens),
- C’est dans la constitution que nous ne pouvons PAS choisir librement nos candidats aux élections et que nous sommes obligés de choisir parmi les canailles imposées par les (parrains maffieux des) partis,
- C’est dans la constitution que nous est imposé le mode de scrutin humiliant uninominal majoritaire à deux tours, au lieu du jugement majoritaire ou du scrutin à points,
- C’est dans la constitution que les représentants ont le droit extravagant d’écrire eux-mêmes le code électoral : le découpage des circonscriptions (ce qu’on appelle le « charcutage électoral »), l’utilisation de machines à voter (opaques et invérifiables), la possibilité du vote par correspondance (lieu des pires fraudes massives), le décompte des voix par le gouvernement majoritaire, l’obligation d’un parrainage mafieux (non anonyme) des candidats par 500 élus, etc.,
- C’est dans la constitution que les représentants sont ÉLUS et à l’abri de tout contrôle citoyen, ce qui entraîne la formation des partis et la professionnalisation de la politique, (au lieu d’être tirés au sort et contrôlés/révocables à tout moment, ce qui garantirait la rotation des charges et l’amateurisme politique propre à la vraie démocratie),
- C’est dans la constitution que les citoyens n’ont aucun moyen de se défendre eux-mêmes contre leurs représentants,
- C’est dans la constitution qu’est programmée L’IMPUISSANCE POLITIQUE du peuple, l’infantilisation des citoyens, traités comme des incapables politiques, ne pouvant rigoureusement rien décider eux-mêmes,
- C’est dans la constitution que les représentants peuvent modifier eux-mêmes la constitution, et même (pire encore) de réviser la constitution sans référendum,
- C’est dans la constitution que les mandats impératifs (l’obligation de respecter ses promesses de campagne) sont interdits,
- C’est dans la constitution que les repris de justice ne sont PAS exclus à vie de la candidature aux élections et qu’ils peuvent s’y représenter librement,
- C’est dans la constitution que le vote blanc — qui est un vote de protestation globale pour dire « rentrez tous chez vous, je vous trouve tous nuls, je veux d’autres candidats » — n’est PAS respecté et qu’il est même carrément mélangé avec les votes nuls (quel symbole, quel mépris !),
- C’est dans la constitution que les parlementaires fixent eux-mêmes leur salaire, leurs impôts et leurs privilèges exorbitants (chômage, retraite, gratuités, exemptions, etc.), et plus largement, c’est aussi dans la constitution que les élus peuvent être eux-mêmes à l’abri des lois qu’ils imposent aux autres,
- C’est dans la constitution que les pouvoirs ne sont PAS séparés et que l’exécutif s’appelle « gouvernement » — changement de nom stratégique qui justifie ensuite, mais illégitimement, sa scandaleuse toute-puissance,
- C’est dans la constitution que l’exécutif peut écrire des lois : les « lois » émises par l’exécutif portent un nom spécial (les « règlements »), mais on se fiche de cette étiquette fallacieuse : la séparation des pouvoirs, essentielle, c’est l’interdiction pour celui qui contrôle la force publique, la police, l’armée, de produire lui-même les règles qu’il est chargé d’appliquer : le « pouvoir réglementaire » est DONC une scandaleuse confusion des pouvoirs, ultra dangereuse pour les libertés publiques. Et c’est dans la constitution que c’est programmé,
- C’est dans la constitution que l’indispensable RIC référendum d’initiative populaire n’est PAS prévu,
- C’est dans la constitution que la monnaie n’est PAS publique, et que sont donc rendu possibles à la fois :
- le chantage quotidien des usuriers (chantage à la dette, universelle) pour détruire l’État Providence,
- mais aussi la captation de l’impôt sur le revenu par les mêmes usuriers,
- et même le coup d’État bancaire actuel (où les patrons de banques, au lieu d’être emprisonnés pour faillite frauduleuse se retrouvent carrément à la tête des gouvernements !),
- C’est dans la constitution que les médias et les journalistes ne sont PAS protégés contre l’appropriation / concentration par les 1‰ (un pour mille) les plus riches, c’est la constitution qui permet que TOUS les journaux du pays France soit désormais sous le contrôle de 8 ou 9 personnes,
- C’est dans la constitution que les médias ne sont PAS affectés à la remontée de l’information depuis le peuple, et qu’ils peuvent donc servir d’outil de formatage à sens unique : l’info descend ainsi de haut en bas, toujours dans le même sens, vers le peuple, à qui on ne donne aucun droit sérieux de parler sur les ondes,
- C’est dans la constitution (européenne) que l’État ne peut PAS créer gratuitement la monnaie permanente dont il a besoin pour financer les investissements et les services publics, et c’est DONC dans la constitution (européenne) que l’État est rendu prisonnier des marchés financiers (c’est-à-dire, en fait, des quelques propriétaires des grandes banques mondiales) sous le joug des intérêts arbitraires d’une dette publique non nécessaire et ruineuse,
- C’est même dans la constitution (européenne) qu’est fixée définitivement et irrévocablement une politique monétaire antisociale qui nous impose un chômage de masse systémique — lui aussi évidemment non nécessaire et ruineux — (ainsi que les bas salaires et la docilité des salariés qui vont avec) en imposant la seule lutte contre l’inflation comme priorité absolue à une Banque centrale « indépendante » (indépendante de nos votes, surtout),
- C’est encore dans la constitution (européenne) qu’est imposé le révoltant libre-échange (et le chômage, les bas salaires, la désindustrialisation, la dépendance et l’appauvrissement général, qui vont avec),
- C’est encore dans la constitution (européenne) qu’est imposée la libre circulation des capitaux et les honteuses délocalisations / désindustrialisations qui en découlent forcément (et le chômage et les bas salaires qui vont avec),
- C’est finalement dans la constitution (européenne) que sont imposés les bas salaires, « grâce » au chômage et à la précarité systémique imposés par les institutions ci-dessus.
- Et comme par hasard (une coïncidence, sans doute), les multinationales et les banques, moins bêtes que nous, ça c’est bien clair, écrivent elles-mêmes (ou font écrire par leur armée de juristes prostitués) l’anti-constitution (européenne) !
3) L’EXEMPLE ATHÉNIEN pour stimuler notre imagination
b – GRANDS PRINCIPES d’une bonne constitution
1) VOCABULAIRE de base du citoyen constituant (pour résister à la difficulté que pose notre humaine extrême vulnérabilité aux bobards)
a) SOUVERAINETÉ POLITIQUE : décider qui va décider
b) REPRÉSENTANTS : maîtres ou serviteurs
c) CITOYEN ou ÉLECTEUR : adulte politique autonome ou enfant politique hétéronome
d) VOLONTÉ GÉNÉRALE et BIEN COMMUN
e) SUFFRAGE UNIVERSEL : ÉLIRE des maîtres ou VOTER les lois
f) DÉMOCRATIE ou GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF ou RÉPUBLIQUE
g) Obligation d’obéir aux puissances LÉGITIMES plutôt qu’au « droit du plus fort »
h) PEUPLE ou MULTITUDE
i) POPULISME ou DÉMAGOGIE
j) EXÉCUTIF ou GOUVERNEMENT
k) JOURNALISTE
l) VOTE BLANC
m) POLITIQUE ou POLITICIENS
2) PROCESSUS CONSTITUANT (NÉCESSAIREMENT POPULAIRE) / CONFLIT D’INTÉRÊTS : ce n’est pas aux hommes au pouvoir d’écrire les règles du pouvoir
3) SÉPARATION DES POUVOIRS non pas pour les protéger mais POUR LES INQUIÉTER, pour que chaque pouvoir soit contrôlé par les autres
4) CONTRÔLE DES POUVOIRS, contrôle POPULAIRE pour être efficace : nécessaire contrôle des représentants par les représentés
5) AUTRES grands principes constitutionnels
a) LIBERTÉ D’EXPRESSION (liberté de conscience, ISÉGORIA, droit d’informer, protection des journalistes, syndicalistes et lanceurs d’alerte)
b) ÉTAT DE DROIT (État lui-même soumis au droit)
c) LIBERTÉS PUBLIQUES (garanties par l’État)
d) STATUT PROTECTEUR et RESPONSABILITÉ (accountability) des décideurs publics (reddition des comptes)
[…]
(et encore plus de 200 parties à suivre…)
J’essaierai chaque fois de signaler des livres, vidéos, sites et citations utiles pour approfondir la question.
Et comme d’habitude, je me nourrirai de vos objections et remarques pour progresser.
Amitiés à tous.
Étienne.
Voici la première de mes vidéos : 01 introduction : NOTRE CAUSE COMMUNE
L’émission complète est là :
La deuxième émission d’Une Nôtre Histoire aura lieu ce soir, mercredi 9 mars 2022, à 21 h :
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Une Nôtre Histoire – Démocratie et institutions
vidéo n°1 : introduction : NOTRE CAUSE COMMUNEhttps://t.co/lLuEhE3ck8— Étienne Chouard (@Etienne_Chouard) March 9, 2022
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