[Histoire des crimes commis par les CANAILLES à qui on nous impose de faire CONFIANCE aujourd’hui] Peter C. Gøtzsche : REMÈDES MORTELS ET CRIME ORGANISÉ : comment l’industrie pharmaceutique a corrompu les services de santé (2015, 2019)

14/09/2021 | 18 commentaires

Je suis en train de lire une bombe… un gros livre (600 p) qui rap­pelle en détail (et avec des mil­liers de preuves !) les crimes révol­tants com­mis (en toute connais­sance de cause !) par les gre­dins qu’on appelle gen­ti­ment « Bad pharma » :


Site de l’é­di­teur (où vous pou­vez consul­ter un extrait) : https://​www​.pula​val​.com/​p​r​o​d​u​i​t​/​r​e​m​e​d​e​s​-​m​o​r​t​e​l​s​-​e​t​-​c​r​i​m​e​-​o​r​g​a​n​i​s​e​-​c​o​m​m​e​n​t​-​l​-​i​n​d​u​s​t​r​i​e​-​p​h​a​r​m​a​c​e​u​t​i​q​u​e​-​a​-​c​o​r​r​o​m​p​u​-​l​e​s​-​s​e​r​v​i​c​e​s​-​d​e​-​s​a​nte

Quand je pense que c’est à des ban­dits endur­cis et mul­ti­ré­ci­di­vistes comme Pfi­zer, Astra­Ze­ne­ca ou Johnson&Johnson qu’on nous impose de faire une confiance aveugle à tra­vers la vac­ci­na­tion obli­ga­toire, je trouve ça révol­tant : ces entre­prises (leurs patrons, leurs action­naires et leurs mer­ce­naires) ont déjà maintes fois tué froi­de­ment leurs cobayes et leurs clients, tout en orga­ni­sant leur totale impu­ni­té, leur scan­da­leuse irres­pon­sa­bi­li­té. Ces fri­pouilles ont cor­rom­pu à la fois la science médi­cale (le savoir publié) et les auto­ri­tés de san­té (les garants publics du savoir le plus fiable) en finan­çant la formation/information des méde­cins (les uni­ver­si­tés, les revues scien­ti­fiques, les méde­cins répu­tés, la for­ma­tion conti­nue des pra­ti­ciens, les socié­tés savantes…) et en pla­çant leurs créa­tures cor­rom­pues dans toutes les ins­ti­tu­tions de contrôle (agences, ordres, conseils scien­ti­fiques…) ! Tant et si bien que les indus­triels font aujourd’­hui qua­si­ment ce qu’ils veulent pour gagner beau­coup d’argent sans aucun contrôle sérieux.

D’a­bord, AUCUN trai­te­ment ne devrait être obli­ga­toire : le pre­mier prin­cipe de l’é­thique médi­cale uni­ver­selle, par­tout sur terre, est la néces­si­té abso­lue du CONSENTEMENT du patient (voir ici).

Et si une auto­ri­té déci­dait mal­gré tout de rendre un médi­ca­ment obli­ga­toire (il fau­drait que ce soit for­cé­ment vali­dé par réfé­ren­dum), il fau­drait abso­lu­ment, bien sûr, au minimum :

1) que le médi­ca­ment impo­sé soit rigou­reu­se­ment SANS DANGER, conçu, fabri­qué et lon­gue­ment tes­té par des indus­triels digne de confiance, selon des pro­to­coles robustes et sous le contrôle d’ex­perts indépendants,

et 2) que, en cas de drame, celui qui a for­cé les vic­times assume plei­ne­ment et per­son­nel­le­ment la RESPONSABILITÉ (finan­cière et morale) des dom­mages (autant que c’est pos­sible, car une indem­ni­té finan­cière même énorme ne com­pen­se­ra jamais une infir­mi­té à vie, ni un décès).

Or c’est rigou­reu­se­ment le contraire qui se passe !

1) Ceux qui ont conçu les « vac­cins » sont des gre­dins mul­ti­ré­ci­di­vistes (ce livre le prouve mille fois) qui ont TOUS — sciem­ment, volon­tai­re­ment et en connais­sance de cause — trom­pé le public et empoi­son­né des cen­taines de mil­liers de patients pour gagner beau­coup d’argent.

2) Tous les acteurs de l’o­bli­ga­tion vac­ci­nale se sont d’a­vance exo­né­rés de toute res­pon­sa­bi­li­té envers ceux qu’ils forcent aux injections :
. les indus­triels se sont fait voter des lois inter­di­sant défi­ni­ti­ve­ment leur mise en cause en cas de dom­mage grave (infir­mi­té ou mort),
. les méde­cins piqueurs font car­ré­ment signer aux injec­tés des décharges de res­pon­sa­bi­li­té (!),
. les jour­na­listes et leurs invi­tés influen­ceurs ne sont, de toute façon, jamais res­pon­sables des consé­quences de leurs pro­pa­gandes, pas plus ici qu’ailleurs,
. les gou­ver­ne­ments ne pré­voient qua­si­ment rien pour dédom­ma­ger les vic­times (enfin, rien qui soit à la hau­teur des risques réels)
et ils ne mettent en place qu’une phar­ma­co­vi­gi­lance lar­ge­ment fac­tice (d’a­bord elle est pas­sive (!), et ensuite, elle est acti­vée par ceux-là mêmes qui ont pra­ti­qué les injec­tions (!) et qui ont donc méca­ni­que­ment, for­cé­ment, fata­le­ment, un inté­rêt per­son­nel vital à ce que rien de dra­ma­tique ne soit décla­ré à la suite de leur geste), comme si per­sonne ne vou­lait voir vrai­ment les dan­gers réels des médicaments,
. et les poli­ti­ciens eux-mêmes ne sont jamais per­son­nel­le­ment res­pon­sables de leurs fautes quand elles sont com­mises dans l’exer­cice de leurs fonc­tions (du fait de l’ab­sence d’une vraie constitution)…

Bref, PERSONNE N’EST RESPONSABLE pour des injec­tions expé­ri­men­tales conçues et fabri­quées par des cra­pules paten­tées qu’un gou­ver­ne­ment de for­bans irres­pon­sable rend OBLIGATOIRES !

Tout ça est abso­lu­ment choquant.
L’o­bli­ga­tion vac­ci­nale est un abus de pou­voir incandescent.

Ce livre démontre une par­tie impor­tante du rai­son­ne­ment ci-des­sus : les indus­triels qui conçoivent, pro­duisent et contrôlent les pro­duits qu’on nous injecte de force NE SONT PAS DU TOUT DIGNES DE CONFIANCE.

Comme je l’ai fait pour des mil­liers de mes livres depuis 2005, j’ai scan­né ce livre, le l’ai OCRi­sé, j’ai relu et cor­ri­gé le résul­tat. J’ai donc un .doc dans lequel je peux cher­cher par mots-clefs.

Cette enquête de Peter Gøtzsche est un ser­vice public. Il fau­drait à la fois la rendre dis­po­nible gra­tui­te­ment (il est déjà indis­po­nible — ou hors de prix — chez de nom­breux ven­deurs) et aider finan­ciè­re­ment son auteur (et son édi­teur) pour qu’il conti­nue à nous infor­mer avec cette puis­sance remarquable.

Je vais ici repro­duire ses deux avant-pro­pos, son intro­duc­tion, son plan détaillé, et deux cha­pitres impor­tants (mais c’est dif­fi­cile de choi­sir, tout le livre est impor­tant) : un sur les mons­trueux crimes de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique et un autre sur ses énormes bobards .

Je vous recom­mande cha­leu­reu­se­ment ce livre important.

Je pro­pose que nous signa­lions dans les com­men­taires de ce billet les éven­tuels AUTRES livres et docu­ments allant dans le même sens (des preuves mani­festes de l’ac­ti­vi­té cri­mi­nelle des grands indus­triels du médi­ca­ment). L’en­semble ser­vi­ra à documenter/légitimer notre refus solen­nel de leur faire confiance, et encore moins d’y être forcés.

Je vous fais remar­quer que, si nous avions une consti­tu­tion digne de ce nom — c’est-à-dire avec un vrai RIC en toutes matières, et avec des médias socia­li­sés / non appro­priables), nous pour­rions inter­ve­nir nous-mêmes en poli­tique et nous défendre effi­ca­ce­ment contre tous les abus de pouvoir.

Bonne lec­ture.

Étienne.


Avant-propos par Richard Smith,
Rédacteur en chef du BMJ (British Medical Journal)

La seule men­tion du nom de Peter Gøtzsche comme ora­teur dans un congrès ou comme col­la­bo­ra­teur cité dans la table des matières d’un pério­dique suf­fit à sou­le­ver l’en­thou­siasme d’in­nom­brables per­sonnes. En effet, on peut le com­pa­rer au jeune gar­çon qui voyait bien que l’empereur était nu et qui ne se gênait pas pour le dire. Or, la plu­part d’entre nous ne voyons pas la nudi­té de l’empereur et, dans le cas contraire n’o­se­rions pas en par­ler. Voi­là pour­quoi nous avons un si grand besoin de gens comme Peter. Avec lui, pas de com­pro­mis ni de dis­si­mu­la­tion, mais un franc par­ler assor­ti de méta­phores colo­rées. L’in­sis­tance de Peter à com­pa­rer l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique au crime orga­ni­sé peut certes en déran­ger plu­sieurs, mais renon­cer à lire le pré­sent ouvrage pour ce motif, ce serait rater l’oc­ca­sion de com­prendre une réa­li­té impor­tante et de s’en indigner.

Peter conclut son livre en racon­tant que la Socié­té danoise de rhu­ma­to­lo­gie lui avait deman­dé de pro­non­cer une confé­rence sur le thème La col­la­bo­ra­tion avec l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique : est-ce si dom­ma­geable ? Le titre était à l’o­ri­gine La col­la­bo­ra­tion avec l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. Est-ce dom­ma­geable ? Mais la socié­té l’a­vait trou­vé trop fort. Peter com­men­ça sa confé­rence en énu­mé­rant des crimes des com­man­di­taires de la réunion. Roche avait gran­di grâce à ses ventes illé­gales d’hé­roïne. Abbott avait empê­ché Peter d’a­voir accès à des études non publiées qui mon­traient qu’une pilule pour mai­grir était dan­ge­reuse. UCB avait elle aus­si caché des don­nées tan­dis que Pfi­zer avait men­ti à la FDA (Food and Drug Admi­nis­tra­tion) puis avait été condam­née aux États-Unis à une amende de 2,3 mil­liards de dol­lars pour avoir fait la pro­mo­tion de l’u­ti­li­sa­tion hors indi­ca­tions de quatre médi­ca­ments. Merck, le der­nier com­man­di­taire, avait, selon Peter, pro­vo­qué le décès de mil­liers de patients en rai­son de son com­por­te­ment mal­hon­nête rela­ti­ve­ment à un médi­ca­ment contre l’ar­thrite. Une fois son intro­duc­tion com­plé­tée, Peter se lan­ça dans une condam­na­tion de l’industrie.

On peut ima­gi­ner se trou­ver à cette ren­contre dont les com­man­di­taires bafouillent de colère et dont les orga­ni­sa­teurs marinent dans l’embarras. Peter cite un col­lègue qui lui aurait dit que son approche aurait peut-être détour­né des audi­teurs dont l’o­pi­nion n’é­tait pas encore faite. Mais la plus grande par­tie de l’au­di­toire a été cap­ti­vée et a com­pris la légi­ti­mi­té des points sou­le­vés par Peter.

De très nom­breuses per­sonnes qui ont sou­te­nu avec enthou­siasme la mam­mo­gra­phie de rou­tine pour pré­ve­nir les décès par can­cer du sein, peuvent com­prendre la grogne des com­man­di­taires – parce qu’ils ont été eux aus­si cri­ti­qués par Peter qui a fait paraître un livre décri­vant ses expé­riences rela­tives à la mam­mo­gra­phie. Ce qui me semble par­ti­cu­liè­re­ment impor­tant c’est que Peter fai­sait par­tie des quelques rares cri­tiques de la mam­mo­gra­phie de rou­tine quand il a com­men­cé ses recherches et qu’en dépit des attaques très intenses dont il a été l’ob­jet, les faits ont fini par lui don­ner raison.

Il n’a­vait pas d’o­pi­nion arrê­tée sur la mam­mo­gra­phie quand les auto­ri­tés du Dane­mark lui ont deman­dé de révi­ser les faits connus mais il a rapi­de­ment conclu que les preuves dis­po­nibles étaient de piètre qua­li­té. Sa conclu­sion géné­rale était que la mam­mo­gra­phie de rou­tine pour­rait bien sau­ver des vies, cepen­dant beau­coup moins que ne le pré­ten­daient les pro­mo­teurs de cet exa­men, au prix de plu­sieurs faux posi­tifs, impo­sant à des femmes des pro­cé­dures inva­sives et inquié­tantes sans aucun avan­tage et le sur­diag­nos­tic de can­cers inof­fen­sifs. Les dis­cus­sions qui ont sui­vi à pro­pos de la mam­mo­gra­phie de rou­tine ont été amères et pleines d’hos­ti­li­té mais la pers­pec­tive de Peter est main­te­nant deve­nue ce qu’on pour­rait appe­ler la pers­pec­tive ortho­doxe quant à ce pro­blème. Son livre montre d’une manière détaillée com­ment des scien­ti­fiques ont défor­mé les faits éta­blis pour mieux sou­te­nir leurs croyances.

Je sais depuis long­temps que la science est pra­ti­quée par des êtres humains qui ne sont pas des robots, ce qui signi­fie qu’ils res­tent expo­sés aux défaillances humaines, mais j’ai été ren­ver­sé par les pro­pos du livre de Peter sur la mammographie.

Une grande par­tie du pré­sent ouvrage est éga­le­ment ren­ver­sante pour des motifs appa­ren­tés : on montre com­ment on peut cor­rompre la connais­sance pour faire avan­cer cer­tains argu­ments et com­ment l’argent, les pro­fits, les emplois et les répu­ta­tions sont les cor­rup­teurs les plus puissants.

Peter concède que cer­tains médi­ca­ments ont pro­cu­ré de grands avan­tages. Il le fait dans une phrase : « Mon livre ne concerne pas les avan­tages bien connus de médi­ca­ments comme les suc­cès ren­con­trés pour trai­ter les infec­tions, les mala­dies car­diaques, cer­tains can­cers et les défi­ciences hor­mo­nales comme le dia­bète de type I. » Cer­tains lec­teurs trou­ve­ront que c’est insuf­fi­sant, mais Peter est très expli­cite pour dire que le pré­sent ouvrage porte sur les échecs du sys­tème au com­plet de la décou­verte, de la pro­duc­tion, du mar­ke­ting et de la régle­men­ta­tion des médi­ca­ments. Ce n’est pas un livre qui porte sur leurs avantages.

Plu­sieurs lec­teurs se deman­de­ront si Peter n’exa­gère pas en sug­gé­rant que les acti­vi­tés de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique s’ap­pa­rentent à celles du crime orga­ni­sé. Les carac­té­ris­tiques du crime orga­ni­sé sont défi­nies dans la loi des États-Unis comme le fait de com­mettre d’une manière répé­tée cer­taines trans­gres­sions com­pre­nant l’ex­tor­sion, la fraude, le viol d’in­ter­dits fédé­raux sur les drogues, la cor­rup­tion, le détour­ne­ment de fonds, l’obs­truc­tion de la jus­tice, l’obs­truc­tion dans l’ap­pli­ca­tion des lois, l’in­ti­mi­da­tion des témoins et la cor­rup­tion poli­tique. Peter four­nit des preuves, la plu­part fort détaillées, pour sou­te­nir son argu­ment que les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques sont cou­pables de la plus grande par­tie de ces crimes.

Et il n’est pas le pre­mier qui com­pare l’in­dus­trie à la mafia ou à la pègre. Il cite un ancien vice-pré­sident de Pfi­zer qui a déclaré :

Il est pro­pre­ment effrayant de voir les res­sem­blances de cette indus­trie avec la pègre. La pègre gagne des quan­ti­tés d’argent qui sont obs­cènes, tout comme l’in­dus­trie. Les effets secon­daires du crime orga­ni­sé sont des mas­sacres et des assas­si­nats alors que les effets secon­daires de l’in­dus­trie sont de même nature. La pègre cor­rompt les poli­ti­ciens et d’autres, tout comme le fait l’industrie.

L’in­dus­trie est cer­tai­ne­ment à cou­teaux tirés avec le minis­tère de la Jus­tice des États-Unis en rai­son des com­pa­gnies qui ont payé des mil­liards en amendes. Peter décrit en détail les dix plus grandes socié­tés, mais il en existe beau­coup d’autres. Il est aus­si vrai que ces socié­tés ont réci­di­vé sans répit, cal­cu­lant sans doute qu’il y avait tou­jours de plan­tu­reux pro­fits à récol­ter en conti­nuant à vio­ler la loi et à payer des amendes. Les amendes peuvent être tenues pour des dépenses « d’af­faires » tout comme les coûts du chauf­fage, de l’é­clai­rage et du loyer.

Bien plus nom­breux sont les gens tués par l’in­dus­trie que ne le sont ceux qui péris­sent aux mains de la pègre. En effet, des cen­taines de mil­liers de gens sont tués chaque année par les médi­ca­ments ordon­nan­cés. D’au­cuns pour­ront pen­ser que c’est inévi­table parce que les médi­ca­ments sont uti­li­sés pour trai­ter des mala­dies qui sont elles-mêmes létales. D’autres objec­te­ront que les avan­tages des médi­ca­ments sont exa­gé­rés, sou­vent en rai­son de dis­tor­sions sérieuses des preuves cen­sées fon­der les médi­ca­ments, un « crime » qu’on peut rai­son­na­ble­ment impu­ter à l’industrie.

Le grand méde­cin William Osier a déjà dit que ce serait bon pour l’hu­ma­ni­té mais hor­rible pour les pois­sons qu’on jette à la mer tous les médi­ca­ments. Il par­lait avant que ne sur­vienne la révo­lu­tion thé­ra­peu­tique du milieu du XXe siècle ayant don­né la péni­cil­line, d’autres anti­bio­tiques et tant d’autres médi­ca­ments effi­caces, mais Peter vient tout près de tom­ber d’ac­cord avec lui en pro­po­sant qu’on serait beau­coup mieux sans la plu­part des médi­ca­ments psy­choac­tifs dont les avan­tages sont minus­cules et les torts consi­dé­rables, tan­dis que le volume de leur pres­crip­tion est colossal.

La plus grande par­tie du livre de Peter est consa­crée à la démons­tra­tion du fait que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique a sys­té­ma­ti­que­ment cor­rom­pu la connais­sance pour exa­gé­rer les avan­tages et mini­mi­ser les torts cau­sés par ses médi­ca­ments. Comme épi­dé­mio­lo­giste doté d’une extra­or­di­naire connais­sance en mathé­ma­tique et d’une pas­sion infa­ti­gable pour les détails, Peter est deve­nu un chef inter­na­tio­nal en cri­tique des études cli­niques et se trouve donc sur son ter­rain de pré­di­lec­tion. Il y retrouve plu­sieurs autres auteurs, y com­pris d’an­ciens chefs de la rédac­tion du New England Jour­nal of Medi­cine, pour décrire cette cor­rup­tion. Il montre aus­si com­ment l’in­dus­trie a cor­rom­pu des méde­cins, des uni­ver­si­taires, des pério­diques, des orga­nismes de pro­fes­sion­nels et de défense des patients, des dépar­te­ments d’u­ni­ver­si­tés, des jour­na­listes, des régu­la­teurs et des poli­ti­ciens. Ce sont là des méthodes de la pègre.

Le livre ne per­met ni aux méde­cins ni aux uni­ver­si­taires d’é­vi­ter le blâme. En fait, on pour­rait sou­te­nir que les socié­tés phar­ma­ceu­tiques font ce qu’on attend d’elles en maxi­mi­sant le ren­de­ment de leurs action­naires tan­dis que méde­cins et uni­ver­si­taires sont cen­sés avoir une autre moti­va­tion. Des lois exi­geant des socié­tés qu’elles déclarent les paie­ments faits aux méde­cins montrent que de grandes pro­por­tions de méde­cins sont rede­vables à l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, plu­sieurs rece­vant des sommes dans les six chiffres, pour conseiller les socié­tés ou pro­non­cer des confé­rences en leur nom. Il est dif­fi­cile de ne pas conclure que ces « meneurs d’o­pi­nion » sont cor­rom­pus. Ils sont les tueurs à gages de l’industrie.

Et, tout comme c’est le cas pour la pègre, mal­heur à qui­conque lance une alerte ou accepte de témoi­gner contre l’in­dus­trie. Peter raconte plu­sieurs his­toires de lan­ceurs d’a­lerte qu’on a har­ce­lés alors que le roman de John Le Car­ré décri­vant la bru­ta­li­té d’une socié­té phar­ma­ceu­tique deve­nait un grand suc­cès qu’on a por­té à l’écran.

Il n’est pas fan­tai­siste de com­pa­rer l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique à la pègre et la popu­la­tion, en dépit de son enthou­siasme pour la consom­ma­tion de pilules, entre­tient du scep­ti­cisme à l’en­contre de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. Dans une enquête d’o­pi­nion menée au Dane­mark, le public a pla­cé l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique à l’a­vant-der­nier rang de celles à qui l’on fait confiance, tan­dis qu’une enquête d’o­pi­nion amé­ri­caine pla­çait l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique au bas de l’é­chelle en com­pa­gnie de l’in­dus­trie du tabac et des pétro­lières. Le méde­cin et auteur, Ben Gol­dacre, dans son livre Bad Phar­ma sou­lève l’ob­ser­va­tion que ce que les méde­cins ont fini par tenir pour « nor­mal » dans leurs rela­tions avec l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique devien­dra com­plè­te­ment inac­cep­table pour la popu­la­tion quand elle en com­pren­dra le fin mot de la signi­fi­ca­tion. En Grande-Bre­tagne, les méde­cins pour­raient rejoindre les jour­na­listes, les par­le­men­taires et les ban­quiers dans le déshon­neur, pour n’a­voir pas su recon­naître la cor­rup­tion dans laquelle ils se vautrent. Pour le moment, la popu­la­tion fait confiance aux méde­cins et se méfie des socié­tés phar­ma­ceu­tiques, mais cette confiance pour­rait se perdre rapidement.

Le livre de Peter ne porte pas que sur des pro­blèmes. Il pro­pose des solu­tions dont cer­taines seront plus faci­le­ment appli­quées. Il semble très impro­bable que les socié­tés phar­ma­ceu­tiques soient jamais natio­na­li­sées, mais il est pro­bable que toutes les don­nées uti­li­sées pour obte­nir l’au­to­ri­sa­tion de mise sur le mar­ché deviennent dis­po­nibles. Il faut rehaus­ser l’in­dé­pen­dance des auto­ri­tés de régle­men­ta­tion. Cer­tains pays pour­raient être ten­tés d’en­cou­ra­ger plus d’é­va­lua­tion des médi­ca­ments par des orga­nismes du sec­teur public, tan­dis qu’on assiste à un désir crois­sant de rendre publiques les rela­tions finan­cières liant les socié­tés phar­ma­ceu­tiques aux méde­cins, aux orga­nismes de pro­fes­sion­nels et de patients ain­si qu’aux pério­diques médi­caux. Il est cer­tain qu’il faut amé­lio­rer la ges­tion des conflits d’in­té­rêts. Il fau­dra sans doute res­treindre encore plus la com­mer­cia­li­sa­tion, tan­dis que l’op­po­si­tion à la publi­ci­té directe aux consom­ma­teurs se renforce.

Les cri­tiques de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique sont plus nom­breux, plus res­pec­tables et plus impé­tueux, mais Peter les dépasse tous en com­pa­rant l’in­dus­trie au crime orga­ni­sé. J’es­père que per­sonne ne se lais­se­ra dis­sua­der de lire le pré­sent ouvrage à cause de l’au­dace de la com­pa­rai­son et que la fran­chise de son mes­sage va sus­ci­ter une réforme convenable.

Richard Smith, M. D. juin 2013


Avant-propos par Drummond Rennie,
Rédacteur en chef du JAMA (Journal of the American Medical Association)

INDIGNATION FONDÉE SUR LA PREUVE

Des cen­taines de rap­ports d’é­tudes scien­ti­fiques et plu­sieurs ouvrages décrivent déjà com­ment les socié­tés phar­ma­ceu­tiques per­ver­tissent la méthode scien­ti­fique et uti­lisent leur richesse colos­sale pour tra­vailler trop sou­vent à l’en­contre de l’in­té­rêt des patients qu’elles pré­tendent aider. J’ai moi-même par­ti­ci­pé à cette infa­mie. Alors qu’est-ce qu’ap­porte le pré­sent ouvrage qui soit donc neuf et digne de votre attention ?

La réponse est simple : les apti­tudes scien­ti­fiques excep­tion­nelles, la recherche, l’in­té­gri­té, la véri­té et le cou­rage de son auteur. L’ex­pé­rience de Gøtzsche est sans pareille. Il a tra­vaillé aux ventes pour des socié­tés phar­ma­ceu­tiques, soit comme visi­teur boni­men­tant les méde­cins sur divers types de médi­ca­ments, soit comme gérant de pro­duit. Il est méde­cin et cher­cheur doté d’une grande répu­ta­tion acquise à la tête du centre Cochrane du nord. De sorte que, quand il parle, il fonde ses opi­nions sur des recherches méti­cu­leuses répar­ties sur des décen­nies et publiées dans des pério­diques sou­mis à la révi­sion des manus­crits par les pairs. Il com­prend très bien les sta­tis­tiques du pré­ju­gé et les tech­niques uti­li­sées pour ana­ly­ser les rap­ports d’é­tudes cli­niques. Il a été à l’a­vant-garde de l’é­la­bo­ra­tion des révi­sions sys­té­ma­tiques et de la méta-ana­lyse des rap­ports d’é­tudes cli­niques, pour en extraire à l’aide de cri­tères stricts, l’ef­fi­ca­ci­té réelle des médi­ca­ments et des tests. Sa per­sis­tance est sou­vent irri­tante, mais elle est tou­jours mue par la preuve.

Donc, j’ai confiance en Gøtzsche. Ma confiance est fon­dée sur une preuve solide et ma propre expé­rience de plu­sieurs décen­nies à avoir dû me débattre avec ce qui résulte de l’in­fluence de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique sur mes col­lègues en recherche cli­nique, et sur la popu­la­tion. De plus, je fais confiance à Gøtzsche parce que je sais qu’il a rai­son quand il com­mente des évé­ne­ments que je connais d’une manière indépendante.

Le der­nier motif de la confiance que j’ac­corde au récit de Gøtzsche est lié à mon expé­rience de chef de la rédac­tion d’un très grand pério­dique médi­cal. Les chefs de rédac­tion sont les pre­miers à prendre connais­sance d’un rap­port écrit pro­ve­nant d’un éta­blis­se­ment de recherche. Les chefs de rédac­tion et leurs révi­seurs iden­ti­fient les pro­blèmes de pré­ju­gés dans les articles pro­po­sés à leur pério­dique et c’est aux chefs de rédac­tion qu’on ache­mine les plaintes et les allégations.

J’ai écrit, puis répé­té, des édi­to­riaux indi­gnés décri­vant les com­por­te­ments incom­pa­tibles avec l’é­thique de cher­cheurs sou­te­nus par des inté­rêts com­mer­ciaux et leurs com­man­di­taires. Au moins trois autres rédac­teurs en chef que je connais bien, les Drs Jérôme Kas­si­rer et Mar­cia Angell (New England Jour­nal of Medi­cine) et Richard Smith (Bri­tish Medi­cal Jour­nal) qui ont écrit des ouvrages dans les­quels ils ont fait état de leur conster­na­tion face à l’am­pleur du pro­blème. D’autres rédac­teurs en chef, comme Fio­na Godlee du Bri­tish Medi­cal Jour­nal, ont écrit d’une manière élo­quente au sujet de l’in­fluence cor­rup­trice de l’argent et de la manière avec laquelle il détourne le trai­te­ment des patients et aug­mente les coûts.

Je ne pré­tends pas endos­ser tous les faits décrits par Gøtzsche – ceci étant un avant-pro­pos et non une véri­fi­ca­tion – mais le tableau géné­ral qu’il trace n’est que trop fami­lier. Bien que Gøtzsche puisse paraître exa­gé­rer, mes propres expé­riences déce­vantes et celles d’autres rédac­teurs en chef et de cher­cheurs que je connais per­son­nel­le­ment me disent qu’il a raison.

Dans un cours que je don­nais à un audi­toire de juges, je remar­quais que les cher­cheurs cli­ni­ciens et les membres de la pro­fes­sion juri­dique uti­li­saient le même mot, « essai », pour dési­gner deux pro­cé­dés dif­fé­rents, l’un juri­dique et l’autre scien­ti­fique. Par­lant au nom de ma pro­fes­sion, je me devais de recon­naître que les essais juri­diques étaient réa­li­sés d’une manière qui était plus juste et mieux fon­dée sur l’é­thique que les essais scien­ti­fiques. (Gøtzsche cite cet exemple à la page 83.)

Gøtzsche fait des pro­po­si­tions et appelle une révo­lu­tion. À mon avis, rien ne chan­ge­ra tant qu’on n’au­ra pas com­plè­te­ment iso­lé l’é­va­lua­tion de la per­for­mance des études du finan­ce­ment des mêmes études. Nous fon­dons nos trai­te­ments sur les résul­tats d’é­tudes cli­niques de sorte que ces résul­tats deviennent des ques­tions de vie ou de mort. Les patients qui acceptent d’être inté­grés dans les études s’at­tendent à ce que leur sacri­fice béné­fi­cie à l’hu­ma­ni­té. Ce qu’ils ne peuvent devi­ner, c’est que leurs résul­tats soient cachés puis mani­pu­lés comme autant de secrets com­mer­ciaux. Ces résul­tats sont des biens col­lec­tifs et ils devraient être payés par l’É­tat, uti­li­sant les taxes payées par l’in­dus­trie, puis ren­dus dis­po­nibles pour tous. Dans le contexte actuel, on se trouve aux États-Unis dans la situa­tion absurde où les socié­tés phar­ma­ceu­tiques paient l’a­gence de régle­men­ta­tion, la FDA, pour faire l’é­va­lua­tion de leurs pro­jets. Faut-il se sur­prendre que l’a­gence ait été inves­tie puis pira­tée par l’in­dus­trie qu’elle est cen­sée réglementer ?

Révo­lu­tion ? Gøtzsche a rai­son. Nous nous retrou­vons dans ce marasme en rai­son d’er­reurs innom­brables du pas­sé et il en décrit plu­sieurs dans l’in­ven­taire détaillé qu’il dresse. Lequel com­prend le défaut des cher­cheurs cli­ni­ciens, de leurs ins­ti­tu­tions, des rédac­teurs en chef des pério­diques publiant leurs décou­vertes de com­prendre à quel point ils ont été pié­gés par les pra­ti­ciens du mar­ke­ting qui les payaient. Je crois qu’il fau­dra une révo­lu­tion pour se débar­ras­ser des décen­nies pen­dant les­quelles l’in­dus­trie a pro­té­gé ses intérêts.

J’es­père qu’on lira ce livre et qu’on tire­ra ses propres conclu­sions. Quelle est la mienne ? Quand Gøtzsche se scan­da­lise du com­por­te­ment de l’u­ni­ver­si­té et de l’in­dus­trie, il a rai­son d’être indi­gné. Ce qui est indis­pen­sable, c’est une indi­gna­tion encore plus forte fon­dée sur les preuves à la manière de Gøtzsche.

Drum­mond Ren­nie, M. D. juin 2013




Chapitre 1 Introduction
par Peter C. Gøtzsche

Les grandes épi­dé­mies de mala­dies infec­tieuses et para­si­taires qui ont fait tant de morts par le pas­sé sont main­te­nant sous contrôle dans la plu­part des pays. Nous avons appris com­ment pré­ve­nir et trai­ter le SIDA, le cho­lé­ra, la mala­ria, la rou­geole, la peste et la tuber­cu­lose et nous avons éra­di­qué la variole. La mor­ta­li­té cau­sée par le SIDA et la mala­ria est encore très éle­vée, mais ce n’est pas parce qu’on ne sait pas com­ment lui faire face. Il faut mettre en cause les inéga­li­tés de reve­nu et les coûts exces­sifs des médi­ca­ments capables de sau­ver la vie dans les pays à petits revenus.

Mal­heu­reu­se­ment, on se trouve main­te­nant confron­tés à des épi­dé­mies pro­vo­quées par l’homme, soit le taba­gisme et les médi­ca­ments ordon­nan­cés, deux causes extrê­me­ment mor­telles. Aux Etats-Unis et en Europe, les médi­ca­ments consti­tuent la troi­sième cause de mor­ta­li­té après la mala­die car­diaque et le cancer.

Je vais expli­quer dans ce livre pour­quoi il en est ain­si et ce qu’on peut faire pour enrayer cette tra­gé­die. Si la mor­ta­li­té pro­vo­quée par les médi­ca­ments avait été une mala­die conta­gieuse, ou bien une mala­die car­diaque ou un can­cer pro­vo­qué par la pol­lu­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, il se serait trou­vé d’i­nom­brables groupes mili­tants pour ramas­ser des fonds et sus­ci­ter des inter­ven­tions poli­tiques de grande por­tée pour la com­battre. J’ai du mal à com­prendre pour­quoi – quand il s’a­git de médi­ca­ments, les gens ne font rien.

Les indus­tries du tabac et du médi­ca­ment ont beau­coup de traits com­muns. Un dédain mora­le­ment scan­da­leux au regard de la vie humaine, cela semble leur règle. Les com­pa­gnies de tabac sont très fières d’a­voir aug­men­té leurs ventes dans les pays à faibles et moyens reve­nus. C’est sans un soup­çon d’i­ro­nie ou de honte que la direc­tion d’Im­pé­rial Tobac­co a rap­por­té aux inves­tis­seurs en 2011 que la socié­té bri­tan­nique avait rem­por­té une palme d’or selon un index de res­pon­sa­bi­li­té corporative1. Les com­pa­gnies de tabac pro­fitent « de nom­breuses occa­sions pour faire croître leurs affaires » ce que le Lan­cet a décrit comme « la vente, l’as­ser­vis­se­ment à l’ad­dic­tion et la mise à mort, très cer­tai­ne­ment le modèle d’af­faires le plus cruel et cor­rom­pu que les humains étaient capables d’inventer1 ».

Les diri­geants de l’in­dus­trie du tabac savent qu’ils col­portent la mort tout comme les diri­geants de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. Il n’est plus pos­sible de cacher le fait que le tabac est un tueur majeur alors que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique a réus­si de manière sur­pre­nante à cacher que ses médi­ca­ments sont aus­si des tueurs de pre­mier ordre. Je me pro­pose de décrire ici com­ment les socié­tés phar­ma­ceu­tiques ont caché, de manière déli­bé­rée, les torts mor­tels de leurs médi­ca­ments en recou­rant à des manœuvres frau­du­leuses tant en ce qui a trait à la recherche qu’à la mise en mar­ché et à des dénis très éner­giques quand elles se sont trou­vées confron­tées aux faits. Tout comme les diri­geants de l’in­dus­trie du tabac avaient tous affir­mé, en 1994, au cours d’une audi­tion du Congrès des États-Unis, que la nico­tine ne pro­vo­quait pas d’ad­dic­tion alors qu’ils savaient depuis des décen­nies que cela était un mensonge2. Phi­lip Mor­ris, le géant amé­ri­cain du tabac a mis sur pied une socié­té de recherche qui a docu­men­té les dan­gers de la fumée secon­daire ; même si plus de 800 rap­ports scien­ti­fiques ont été pro­duits, pas un seul n’a été publié2.

Les deux indus­tries emploient des tueurs à gages. Quand une recherche rigou­reuse a mon­tré qu’un pro­duit est dan­ge­reux, une foule d’é­tudes de piètre qua­li­té sont pro­duites pour affir­mer le contraire, ce qui confond la popu­la­tion parce que – comme en attes­te­ront les jour­na­listes -«les cher­cheurs ne sont pas d’ac­cord entre eux ». Cette indus­trie du doute est très effi­cace pour dis­traire les gens et entre­te­nir l’i­gno­rance des torts. L’in­dus­trie achète du temps pen­dant que les gens conti­nuent de périr.

C’est de la cor­rup­tion. La cor­rup­tion a plu­sieurs signi­fi­ca­tions et celle que je com­prends est défi­nie, dans mon dic­tion­naire, comme de la pour­ri­ture morale. Une autre signi­fi­ca­tion est la subor­na­tion, qui peut signi­fier le paie­ment secret, habi­tuel­le­ment en argent comp­tant, pour un ser­vice qui ne serait pas ren­du autre­ment, ou du moins, pas aus­si rapi­de­ment. Tou­te­fois, comme on le ver­ra, la cor­rup­tion dans les ser­vices de san­té a plu­sieurs visages, com­pre­nant le paie­ment pour ce qui semble être une noble acti­vi­té tout en n’é­tant rien d’autre qu’un pré­texte pour don­ner de l’argent à une par­tie impor­tante de la pro­fes­sion médicale.

Les per­son­nages du roman d’Al­dous Hux­ley, Brave New World, datant de 1932, peuvent consom­mer des pilules Soma chaque jour pour prendre le contrôle de leur vie et chas­ser les pen­sées inquié­tantes. Aux États-Unis, les com­mer­ciaux télé­vi­sés ne font pas autre chose en inci­tant le public à faire exac­te­ment pareil. Ces com­mer­ciaux décrivent des per­son­nages mal­heu­reux qui reprennent le des­sus et rede­viennent heu­reux dès qu’ils ont consom­mé une pilule3. Nous avons déjà sur­pas­sé les ima­gi­na­tions les plus déli­rantes d’Hux­ley et la consom­ma­tion de médi­ca­ments conti­nue d’aug­men­ter. Au Dane­mark, par exemple, nous consom­mons tel­le­ment de médi­ca­ments, que chaque citoyen, qu’il soit malade ou bien por­tant, peut se trou­ver sous trai­te­ment avec 1,4 dose quo­ti­dienne pour adulte, du ber­ceau jus­qu’à son décès. Bien que plu­sieurs médi­ca­ments soient capables de sau­ver la vie, on pour­rait pen­ser qu’il est dom­ma­geable de médi­ca­men­ter autant nos socié­tés et j’ap­por­te­rai des preuves démon­trant que c’est bien ce qui se produit.

Le motif prin­ci­pal expli­quant qu’on consomme autant de médi­ca­ments est que les socié­tés phar­ma­ceu­tiques ne vendent pas des médi­ca­ments mais bien des men­songes au sujet des médi­ca­ments. Des men­songes éhon­tés qui – dans tous les cas que j’ai étu­diés – ont conti­nué même après qu’on en eut fait la preuve. C’est ce qui rend les médi­ca­ments dif­fé­rents de toute autre expé­rience de la vie cou­rante. Quand on sou­haite ache­ter une voi­ture ou une mai­son, on peut juger par soi-même s’il s’a­git d’un bon ou d’un mau­vais achat. Mais quand on se fait offrir un médi­ca­ment, on ne dis­pose pas de cette lati­tude. Presque tout ce qu’on sait d’un médi­ca­ment se limite à ce que les socié­tés ont bien vou­lu dire au public et à ses méde­cins. Peut-être devrais-je défi­nir ce que j’en­tends par men­songe. Un men­songe est un énon­cé qui n’est pas vrai, mais une per­sonne qui raconte un men­songe n’est pas néces­sai­re­ment un men­teur. Les ven­deurs de médi­ca­ments racontent bien des men­songes, mais ils ont sou­vent été trom­pés par leurs supé­rieurs dans la socié­té phar­ma­ceu­tique qui leur ont déli­bé­ré­ment caché la véri­té (ce qui en fait des men­teurs au sens où je l’en­tends). Dans son magni­fique petit livre inti­tu­lé On Bull­shit, le mora­liste Har­ry Frank­furt dit qu’une des carac­té­ris­tiques saillantes de notre culture est qu’il y a un grand nombre de fou­taises, ce qu’il tient pour se situer juste en deçà du mensonge.

Mon livre ne porte pas sur les avan­tages bien connus des médi­ca­ments, comme nos triomphes dans le trai­te­ment des infec­tions, des mala­dies car­diaques, cer­tains can­cers et les insuf­fi­sances hor­mo­nales comme le dia­bète de type 1. Le livre traite de la faillite du sys­tème, pro­vo­quée par une cri­mi­na­li­té géné­ra­li­sée, la cor­rup­tion et une régle­men­ta­tion impuis­sante au sujet des médi­ca­ments, qui requiert des réformes radi­cales. Cer­tains lec­teurs trou­ve­ront mon livre par­tial et polé­mique, mais je ne vois pas l’in­té­rêt de décrire ce qui fonc­tionne bien dans un sys­tème qui échappe com­plè­te­ment à tout contrôle social. Quand un cri­mi­no­logue entre­prend une étude d’a­gres­seurs, per­sonne n’at­tend un rap­port « équi­li­bré » fai­sant grand état du fait que bien des agres­seurs sont de bons pères de famille4.

Si on ne pense pas que le sys­tème est sans contrôle, qu’on m’en­voie un cour­riel expli­quant pour­quoi les médi­ca­ments sont la troi­sième cause de décès dans la par­tie du monde qui consomme le plus de médi­ca­ments. Si une épi­dé­mie aus­si colos­sa­le­ment létale avait été cau­sée par une nou­velle bac­té­rie ou un virus, ne fût-ce même qu’une amorce d’é­pi­dé­mie, on aurait fait tout ce qui est pos­sible pour en prendre le contrôle. Ce qui est tra­gique, c’est qu’on pour­rait faci­le­ment contrô­ler l’é­pi­dé­mie médi­ca­men­teuse qui est en cours, mais les poli­ti­ciens qui détiennent pré­sen­te­ment le pou­voir de faire les chan­ge­ments ne font pra­ti­que­ment rien. Quand ils agissent, c’est habi­tuel­le­ment pour empi­rer la situa­tion, car ils font tel­le­ment l’ob­jet de pres­sions par l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique qu’ils en sont venus à en croire tous les mythes, que je vais démon­ter dans chaque cha­pitre de ce livre.

Le prin­ci­pal pro­blème de notre sys­tème de soins de san­té est que les inci­ta­tifs finan­ciers qui le pro­pulsent entravent sérieu­se­ment l’u­ti­li­sa­tion ration­nelle, éco­no­mique et sécu­ri­taire des médi­ca­ments. L’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique tire sa pros­pé­ri­té de cet état de fait et pra­tique un contrôle très ser­ré de l’in­for­ma­tion. La docu­men­ta­tion scien­ti­fique sur les médi­ca­ments est sys­té­ma­ti­que­ment déna­tu­rée par des études mal fice­lées dont l’a­na­lyse des don­nées est incor­recte, la publi­ca­tion des résul­tats et des don­nées pri­maires est sélec­tive, les résul­tats défa­vo­rables sup­pri­més et la rédac­tion assu­rée par des rédac­teurs ano­nymes. Ces der­niers rédigent les manus­crits contre hono­raires sans qu’on ne révèle leur iden­ti­té dans les publi­ca­tions, les­quelles sont attri­buées à des notables de la pro­fes­sion médi­cale, des « auteurs » qui n’ont pas, sinon peu, contri­bué au manus­crit. C’est cette incon­duite scien­ti­fique qui fait vendre les médicaments.

Par com­pa­rai­son avec les autres indus­tries, l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique est le plus grand frau­deur du gou­ver­ne­ment fédé­ral des Etats-Unis en ver­tu de la loi sur les fausses réclamations5. La popu­la­tion semble savoir ce que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique fait. Dans une enquête d’o­pi­nion deman­dant à 5 000 Danois de clas­ser 51 indus­tries selon la confiance qu’ils leur accor­daient, l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique s’est retrou­vée à l’a­vant-der­nier rang, immé­dia­te­ment devant les entre­prises de répa­ra­tion des automobiles6. Une enquête amé­ri­caine a aus­si pla­cé l’in­dus­trie au der­nier rang avec l’in­dus­trie du tabac et celle du pétrole7. Dans une autre enquête, 79 % des citoyens amé­ri­cains esti­maient que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique fai­sait du bon tra­vail en 1997, pro­por­tion qui était tom­bée à 21 % en 20058, un déclin extra­or­di­nai­re­ment rapide de la confiance populaire.

Compte tenu de cet arrière-plan, il peut sem­bler contra­dic­toire que les patients aient si grande confiance dans les médi­ca­ments que leur méde­cin leur pres­crit. Mais je suis per­sua­dé que le motif expli­quant cette confiance dans leurs médi­ca­ments est lié à leur trans­fert de la confiance qu’ils ont en leur méde­cin aux médi­ca­ments qu’il leur pres­crit. Les patients ne com­prennent pas que, bien que leurs méde­cins en connaissent beau­coup au sujet des mala­dies, de la phy­sio­lo­gie humaine et de la psy­cho­lo­gie, ils ne savent pas grand-chose sur les médi­ca­ments autre­ment que ce qui a été soi­gneu­se­ment concoc­té et tra­fi­qué par l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. De plus, ils ne savent pas que leurs méde­cins peuvent avoir inté­rêt à choi­sir cer­tains médi­ca­ments ni que bien des crimes com­mis par l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique ne pour­raient sur­ve­nir si les méde­cins ne s’en ren­daient pas complices.

Il est dif­fi­cile de chan­ger un sys­tème et il n’est pas sur­pre­nant que des gens qui ont à vivre avec un sys­tème déré­glé tentent d’en tirer le meilleur par­ti pos­sible, même quand il arrive sou­vent qu’il en résulte que des gens bien inten­tion­nés finissent par faire des choses condam­nables. Tou­te­fois, bien des cadres supé­rieurs de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique n’ont pas cette excuse puis­qu’ils ont déli­bé­ré­ment men­ti aux méde­cins, aux patients, aux régu­la­teurs et aux magistrats.

Je dédie ce livre aux nom­breuses per­sonnes hon­nêtes qui tra­vaillent dans l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique et qui sont tout autant hor­ri­fiées que moi par les crimes com­mis à répé­ti­tion par leurs supé­rieurs et par les consé­quences désas­treuses pour les patients et l’é­co­no­mie de la nation. Cer­tains m’ont déjà dit qu’ils sou­hai­te­raient que leurs patrons soient empri­son­nés puisque seule cette menace pour­rait les dis­sua­der de conti­nuer à com­mettre des crimes.

[Lire la suite dans le livre : cha­cune ses 600 pages est au vitriol ! ÉC]


Plan du livre :

Peter C. Gøtzsche : Remèdes mor­tels et crime organisé

Table des matières

Avant-pro­pos par Richard Smith (Rédac­teur en chef du BMJ, Bri­tish Medi­cal Journal)

Avant-pro­pos par Drum­mond Ren­nie (Rédac­teur en chef du JAMA, Jour­nal of the Ame­ri­can Medi­cal Association)

1  – Introduction

2  – Confes­sions d’un initié

DÉCÈS CAUSÉS PAR L’ASTHME PROVOQUÉS PAR LES AÉROSOLS CONTRE L’ASTHME

MARKETING VÉREUX ET RECHERCHE

3  – Le crime orga­ni­sé, modèle d’af­faires des grosses com­pa­gnies pharmaceutiques

LE PLUS GROS REVENDEUR DE STUPÉFIANTS, HOFFMAN-LA ROCHE

LE TEMPLE DE LA HONTE POUR LES GRANDES PHARMACEUTIQUES

Pfi­zer accepte de payer 2,3 mil­liards de dol­lars en 2009

Novar­tis accepte de payer 423 mil­lions de dol­lars en 2010

Sano­fi-Aven­tis doit payer + de 95 mil­lions de dol­lars pour régler une accu­sa­tion de fraude en 2009

GlaxoS­mi­thK­line doit payer 3 mil­liards de dol­lars en 2011

Astra­Ze­ne­ca doit payer 520 mil­lions de dol­lars en 2010 pour régler une affaire de fraude

Roche per­suade des gou­ver­ne­ments de faire des réserves de Tamiflu

John­son & John­son contrainte de payer une amende de 1,1 mil­liard de dol­lars en 2012

Merck doit payer 670 mil­lions de dol­lars pour avoir frau­dé Medi­caid en 2007

Eli Lil­ly doit payer plus de 1,4 mil­liard de dol­lars pour du mar­ke­ting illé­gal en 2009

Abbott doit payer 1,5 mil­liard de dol­lars pour avoir frau­dé Medi­caid en 2012

LES CRIMES SONT RÉPÉTITIFS

C’EST DU CRIME ORGANISÉ

4  – Très peu de patients tirent avan­tage des médi­ca­ments qu’ils consomment

5  – Les essais cli­niques, la rup­ture du contrat social avec les patients

6  – Les conflits d’in­té­rêts dans les pério­diques médicaux

7  – L’in­fluence cor­rup­trice de l’argent facile

8  – À quoi donc s’af­fairent les mil­liers de méde­cins à la solde de l’industrie ?

ÉTUDES DE FAMILIARISATION

LOUER UN MENEUR D’OPINION POUR « CONSEILLER »

LOUER UN MENEUR D’OPINION POUR « ÉDUQUER »

9  – Vendre sous pression

LES ÉTUDES CLINIQUES SONT DU MARKETING DÉGUISÉ

LA RÉDACTION PAR DES RÉDACTEURS ANONYMES (NÈGRES)

LA MACHINE DU MARKETING

VENDRE SOUS PRESSION AD NAUSEAM

LES MÉDICAMENTS TRÈS COÛTEUX

LES EXAGÉRATIONS AU REGARD DE L’HYPERTENSION

LES ORGANISMES DE PATIENTS

LE NOVOSEVEN POUR LES SOLDATS OUI SAIGNENT

10 – L’im­puis­sance de la régu­la­tion des médicaments

LES CONFLITS D’INTÉRÊTS DANS LES AGENCES DU MÉDICAMENT (orga­nismes gouvernementaux)

LA CORRUPTION DANS LES AGENCES DU MÉDICAMENT

L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DES POLITICIENS

LA RÉGULATION DES MÉDICAMENTS EST FONDÉE SUR LA CONFIANCE

L’ÉVALUATION INADÉQUATE DES NOUVEAUX MÉDICAMENTS

Deux seules études contrô­lées avec pla­ce­bo mon­trant un effet ne suf­fisent pas

Les études cli­niques dans les pays lar­ge­ment corrompus

Un effet sur un résul­tat de sub­sti­tu­tion ne suf­fit pas

L’ab­sence de don­nées adé­quates sur la sécu­ri­té n’est pas acceptable

TROP D’AVERTISSEMENTS ET TROP DE MÉDICAMENTS

Les sta­tines

Les aver­tis­se­ments sont de fausses solutions

On en sait bien peu au sujet de la polypharmacie

11 – L’ac­cès public aux don­nées des agences du médicament

NOTRE PERCÉE À L’AGENCE EUROPÉENNE DU MÉDICAMENT (EMA) EN 2010

L’ACCÈS AUX DONNÉES DANS LES AUTRES AGENCES DU MÉDICAMENT

DES PILULES AMAIGRISSANTES MORTELLES

12 – Le Neu­ron­tin, un médi­ca­ment pour l’é­pi­lep­sie utile pour trai­ter n’im­porte quoi

13 – Merck, où les patients meurent en premier

14 – L’é­tude frau­du­leuse du cele­coxib et autres mensonges

LE MARKETING FAIT DU TORT

15 – Sub­sti­tuer des médi­ca­ments coû­teux aux remèdes moins chers chez les mêmes patients

NOVO NORDISK FAIT PASSER LES PATIENTS À L’INSULINE QUI COÛTE CHER

ASTRAZENECA FAIT PASSER DES PATIENTS À LA COÛTEUSE OMÉPRAZOLE

16 – Le glu­cose san­guin était cor­rect, mais les patients sont morts

NOVO NORDISK TENTE D’INTIMIDER UN PÉRIODIQUE SCIENTIFIQUE

17 – La psy­chia­trie, para­dis de l’in­dus­trie pharmaceutique

SOMMES-NOUS TOUS FOUS OU QUOI ?

LES PSYCHIATRES COMME COLPORTEURS DE MÉDICAMENTS

LE CANULAR DU DÉSÉQUILIBRE CHIMIQUE

LE DÉPISTAGE DES MALADIES PSYCHIATRIQUES

LES PILULES DU MALHEUR

PROZAC, UN ABOMINABLE MÉDICAMENT D’ELI LILLY TRANSFORMÉ EN VEDETTE

L’EXERCICE EST UNE BONNE INTERVENTION

D’AUTRES MENSONGES AU SUJET DES PILULES DU BONHEUR

18 – Inci­ter les enfants au sui­cide avec des pilules du bonheur

ÉTUDE 329 DE GLAXO

LE CAMOUFLAGE DES SUICIDES ET DES TENTATIVES DE SUICIDE DANS LES ÉTUDES CLINIQUES

LE RAJEUNISSEMENT DU CITALOPRAM PAR LUNDBECK

LES MÉDICAMENTS ANTIPSYCHOTIQUES

LE  ZYPREXA, UN AUTRE MÉDICAMENT HORRIBLE D’ELI LILLY TRANSFORMÉ EN GRAND SUCCÈS

POUR EN FINIR AVEC LES MÉDICAMENTS PSYCHOTROPES

19 – Inti­mi­da­tion, menaces et vio­lence pour pro­té­ger les ventes

Tha­li­do­mide

Autres cas

20 – Démo­lir les mythes de l’industrie

Mythe 1 :  Les médi­ca­ments sont dis­pen­dieux en rai­son des coûts éle­vés de leur décou­verte et de leur mise au point

Mythe 2 :  Si l’on n’u­ti­lise pas les médi­ca­ments coû­teux, l’in­no­va­tion va se tarir

Mythe 3 :  Les éco­no­mies sont plus éle­vées que les coûts des médi­ca­ments dispendieux

Mythe 4 :  Les per­cées pro­viennent de la recherche finan­cée par l’industrie

Mythe 5 :  Les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques se font concur­rence dans un mar­ché libre

Mythe 6 :  Les par­te­na­riats public-indus­trie sont avan­ta­geux pour les patients

Mythe 7 :  Les études de médi­ca­ments ont pour but d’a­mé­lio­rer le trai­te­ment des patients

Mythe 8 :  Nous avons besoin de plu­sieurs médi­ca­ments d’un même type parce la réponse des patients est variable

Mythe 9 :  Ne pas uti­li­ser les médi­ca­ments géné­riques parce que leur puis­sance varie

Mythe 10 : L’in­dus­trie paie la for­ma­tion médi­cale conti­nue parce que les fonds publics ne le font pas

21 – La faillite géné­rale du sys­tème com­mande une révolution

NOS MÉDICAMENTS NOUS TUENT

DE QUEL MÉDICAMENT A‑T-ON VRAIMENT BESOIN ET À QUEL PRIX ?

LE MODÈLE À BUTS LUCRATIFS EST LE MAUVAIS MODÈLE

LES ÉTUDES CLINIQUES

LES AGENCES DE RÉGULATION DES MÉDICAMENTS

Les résul­tats de sub­sti­tu­tion ne devraient jamais être acceptés

Des popu­la­tions de patients, des com­pa­ra­teurs et des résul­tats pertinents

La sécu­ri­té

Toutes les don­nées cli­niques doivent être acces­sibles au public

Les conflits d’intérêts

L’é­ti­que­tage des médicaments

LES FORMULAIRES DE MÉDICAMENTS ET LES COMITÉS DE CONSIGNES DE PRATIQUE

LE MARKETING DES MÉDICAMENTS

LES MÉDECINS ET LEURS ORGANISMES

Les sub­ven­tions non édu­ca­tives avec restrictions

LES PATIENTS ET LEURS ORGANISMES

LES PÉRIODIQUES MÉDICAUX

LES JOURNALISTES

22 – Un der­nier éclat de rire aux dépens de Big Pharma

L’ARGENT N’EMPESTE PAS

L’INVENTION DES MALADIES

Notes (plus de 1 300 preuves sourcées)

À pro­pos de l’auteur


Chapitre 3 Le crime organisé, modèle d’affaires des grosses compagnies pharmaceutiques

Les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques ne parlent jamais des bien­faits ni des dan­gers de leurs médi­ca­ments, mais plu­tôt de leur effi­ca­ci­té et de leur inno­cui­té. Les mots créent ce qu’ils décrivent, et la séman­tique pri­vi­lé­giée est sédui­sante. Cela porte à croire que ce ne peut être que béné­fique de prendre des médi­ca­ments, parce qu’ils sont à la fois effi­caces et sans dan­ger. Les patients et les méde­cins font aus­si habi­tuel­le­ment confiance à l’ef­fi­ca­ci­té et à l’in­no­cui­té des médi­ca­ments pour une autre rai­son, en pen­sant qu’ils ont été soi­gneu­se­ment exa­mi­nés par les agences de régle­men­ta­tion des médi­ca­ments, à l’aide des cri­tères les plus exi­geants, avant d’êtres auto­ri­sés à la mise en marché.

Cela se passe en fait à l’in­verse. Si on les com­pare à l’eau et à la nour­ri­ture, qui sont non seule­ment inof­fen­sives mais consti­tuent des biens dont on a besoin pour sur­vivre, les médi­ca­ments ne sont habi­tuel­le­ment ni effi­caces ni sécu­ri­taires. Para­celse a décla­ré il y a 500 ans que tous les médi­ca­ments sont des poi­sons et que seule la dose dif­fé­ren­cie un poi­son d’un remède. Les médi­ca­ments font tou­jours des dégâts. Si ce n’é­tait pas le cas, ils seraient inertes et donc inca­pables d’ap­por­ter un bien­fait quel­conque. Il est donc essen­tiel de déter­mi­ner la dose qui cause plus de bien que de mal à la plu­part des patients pour tous les médi­ca­ments. Même lors­qu’on y par­vient, la plu­part des patients ne tire­ront aucun avan­tage des médi­ca­ments qu’ils prennent (voir le cha­pitre 4).

Bien qu’il soit assez évident que les médi­ca­ments peuvent tuer, c’est une réa­li­té sou­vent esca­mo­tée, aus­si bien par les patients que les méde­cins. Les gens font tel­le­ment confiance à leurs médi­ca­ments que le méde­cin cana­dien Sir William Osier (1849−1919) a écrit que « le désir de prendre un médi­ca­ment est peut-être ce qui dis­tingue le plus les hommes des ani­maux1 ». La toxine botu­li­nique, une neu­ro­toxine sécré­tée par la bac­té­rie Clos­tri­dium botu­li­num, consti­tue un exemple par­ti­cu­liè­re­ment éton­nant. C’est l’un des plus vio­lents poi­sons du monde natu­rel, une dose aus­si petite que 50 ng a tué la moi­tié des singes d’une étude de toxi­ci­té (ce qui signi­fie qu’on peut tuer 10 mil­lions de singes avec 1 gramme de cette sub­stance). Je me demande bien qui avait besoin de cette infor­ma­tion au point de tuer nos proches parents du règne ani­mal pour l’ob­te­nir. A quoi sert cet incroyable médi­ca­ment meur­trier ? À trai­ter les rides entre les sour­cils ! Celles-ci appa­raissent avec l’âge, mais il faut faire atten­tion de ne pas être trop vieux ni d’a­voir trop de trem­ble­ments au moment d’in­jec­ter la toxine, car elle peut être absor­bée par les muqueuses des yeux, ce qui aurait pour effet de cau­ser la mort. L’en­cart conte­nu dans l’emballage aver­tit d’ailleurs que des décès sont sur­ve­nus. Est-ce que cela vaut vrai­ment la peine de cou­rir le risque de mou­rir, aus­si petit soit-il, seule­ment parce qu’on a des rides ? D’autres ques­tions sont sou­le­vées : « Le médi­ca­ment peut-il être uti­li­sé à des fins sui­ci­daires ou meur­trières ? Pour­quoi a‑t-il été approu­vé ? »

Le fait que les médi­ca­ments soient dan­ge­reux et devraient être uti­li­sés avec pré­cau­tion signi­fie que les normes d’é­thique des ceux qui s’oc­cupent de la recherche et de la com­mer­cia­li­sa­tion phar­ma­ceu­tiques devraient être très éle­vées. Je me suis entre­te­nu avec plu­sieurs acteurs de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique pour décou­vrir ce que les com­pa­gnies pensent d’elles-mêmes, et les réponses varient de très posi­tives, en pro­ve­nance de ceux qui étaient fiers des études cli­niques qu’ils avaient effec­tuées, à très néga­tives. Il est peut-être plus inté­res­sant d’ob­ser­ver l’im­pres­sion que les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques veulent pro­je­ter sur le public, et de com­pa­rer cela avec ce qu’elles font réel­le­ment. La Phar­ma­ceu­ti­cal Research and Manu­fac­tu­re­ra of Ame­ri­ca (PhR­MA) pré­tend que ses membres sont « enga­gés à obéir aux normes d’é­thique les plus rigou­reuses, ain­si qu’à toutes les exi­gences légales2 ». Son propre Code sur les inter­ac­tions avec les pro­fes­sion­nels de la san­té (Code on Inter­ac­tions with Heal­th­care Pro­fes­sio­nals) déclare3 :

Notre mis­sion d’ai­der les patients repose essen­tiel­le­ment sur des rela­tions éthiques avec les pro­fes­sion­nels de la san­té Une part impor­tante du suc­cès de cette mis­sion consiste à s’as­su­rer que les pro­fes­sion­nels de la san­té puissent comp­ter sur les infor­ma­tions les plus récentes et les plus valides dis­po­nibles à pro­pos des médi­ca­ments d’ordonnance.

Allons‑y d’une autre cita­tion. On trouve le texte sui­vant sous la rubrique OBJECTIF ENGAGEMENT HONNÊTETÉ : « Notre objec­tif est d’être le pro­duc­teur de biens de consom­ma­tion le plus popu­laire, res­pec­té et socia­le­ment res­pon­sable au monde4. » Comme on le ver­ra sous peu, les actions de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique ont très peu à voir avec l’hon­nê­te­té, le res­pect, et la res­pon­sa­bi­li­té sociale. Com­ment peuvent-ils donc écrire tout cela à pro­pos d’eux-mêmes ? En fait, ce n’est pas eux qui ont dit cela. Ils auraient pu, mais la cita­tion pro­vient d’une publi­ci­té de Phi­lip Mor­ris dans un jour­nal où l’on peut admi­rer le por­trait d’une jeune femme sou­riante dont la beau­té ne tar­de­ra certes pas à se faner si elle fume.

Je dis cela pour illus­trer le fait que même l’in­dus­trie la plus meur­trière de la pla­nète ne peut résis­ter à la ten­ta­tion de répandre des bobards tout en aug­men­tant la consom­ma­tion totale de tabac grâce à une com­mer­cia­li­sa­tion ciblée direc­te­ment sur les ado­les­cents des pays en déve­lop­pe­ment qui n’ont pas encore com­men­cé à fumer. Cette com­mer­cia­li­sa­tion fait plus que com­pen­ser le déclin du taba­gisme dans les pays déve­lop­pés. En quoi est-ce socia­le­ment res­pon­sable de tuer déli­bé­ré­ment tous les ans des mil­lions de gens qui n’a­vaient pas besoin du pro­duit au départ ? Ceux qui ont essayé de fumer une ciga­rette savent de quoi je parle. À 15 ans, j’ai réus­si à fumer la moi­tié d’une ciga­rette avant de deve­nir tel­le­ment étour­di que j’ai vomi, pour ensuite quit­ter l’é­cole et aller direc­te­ment au lit, aus­si pâle que mes draps. Ma mère s’est deman­dée quelle ter­rible mala­die m’a­vait frap­pé aus­si dure­ment, et elle me confia plus tard avoir trou­vé la moi­tié d’une ciga­rette dans ma poche de chemise.

L’é­cart entre ce que pro­clame l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique sur « les normes d’é­thique les plus rigou­reuses », « le res­pect de toutes les exi­gences légales et « les infor­ma­tions les plus valides sur les médi­ca­ments d’or­don­nance » et la réa­li­té de la conduite des grandes phar­ma­ceu­tiques est aus­si très impor­tant. L’i­mage que les prin­ci­paux diri­geants ont d’eux-mêmes – ou encore l’im­pres­sion qu’ils tentent de don­ner à pro­pos de leurs acti­vi­tés – n’est même pas par­ta­gée par leurs propres employés. Un son­dage interne de 2001 effec­tué auprès des employés de Pfi­zer, dont la consul­ta­tion n’est pas acces­sible au public, mon­trait que 30 % envi­ron n’é­taient pas d’ac­cord avec l’é­non­cé « « La haute direc­tion fait preuve d’un com­por­te­ment éthique et hon­nête5. »

En 2012, la com­pa­gnie Pfi­zer a accep­té de payer 60 mil­lions de dol­lars aux États-Unis pour régler à l’a­miable une enquête fédé­rale sur une affaire de pots-de-vin à l’é­tran­ger. Pfi­zer était accu­sée d’a­voir cor­rom­pu non seule­ment des méde­cins, mais aus­si des admi­nis­tra­teurs et des légis­la­teurs dans plu­sieurs pays d’Eu­rope et d’A­sie6. Les enquê­teurs ont affir­mé que des divi­sions de Pfi­zer avaient ten­té de cacher les pots-de-vin en décri­vant les paie­ments comme des dépenses légi­times dans la comp­ta­bi­li­té ; de la for­ma­tion, des frais de trans­port ou de diver­tis­se­ment, par exemple. D’a­près les docu­ments du pro­cès, la com­pa­gnie a effec­tué des vire­ments men­suels pour ce qu’elle a décrit comme « des ser­vices de consul­tant » à un méde­cin en Croa­tie qui a contri­bué à déci­der quels médi­ca­ments le gou­ver­ne­ment auto­ri­se­rait pour la vente et le rem­bour­se­ment. Pfi­zer n’a pas nié ni admis les allé­ga­tions, ce qui est rou­ti­nier lorsque les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques règlent à l’a­miable des accu­sa­tions de fraude.

LE PLUS GROS REVENDEUR DE STUPÉFIANTS, HOFFMAN-LA ROCHE

Les 10 plus grandes com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques7 sont toutes signa­taires du code US PhR­MA, à l’ex­cep­tion de Hoff­man-La Roche, de Suisse3, qui était le plus impor­tant frau­deur cor­po­ra­tif au monde dans les années 1990 selon un clas­se­ment de 1999 réper­to­riant toutes les indus­tries, y com­pris les banques et l’in­dus­trie pétro­lière8. Des hauts diri­geants de Roche (logo d’Hoff­mann-La Roche) menaient un car­tel qui, d’a­près la divi­sion anti­trust du minis­tère de la Jus­tice des États-Unis, était le com­plot cri­mi­nel anti­trust le plus enva­his­sant et le plus néfaste jamais décou­vert9. Des membres de la haute direc­tion de cer­taines des plus grandes com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques du monde, d’Eu­rope et d’A­sie sur­tout, se ren­con­traient secrè­te­ment dans des suites de grands hôtels et lors de confé­rences. Tra­vaillant de concert dans une coa­li­tion effron­té­ment appe­lée Vita­mins Inc., ils se sont par­ta­gé les mar­chés mon­diaux en orches­trant soi­gneu­se­ment des aug­men­ta­tions de prix, escro­quant du coup cer­taines des plus grandes com­pa­gnies d’a­li­men­ta­tion au monde. À elle seule, Roche a eu des reve­nus de 3,3 mil­liards de dol­lars aux États-Unis pour la durée du com­plot et, pen­dant ce temps, les conspi­ra­teurs ont gra­duel­le­ment aug­men­té le prix des vita­mines brutes de façon sub­tile pour ne pas atti­rer l’at­ten­tion ; ils ont aus­si tru­qué le pro­ces­sus des appels d’offres9.

Le minis­tère de la jus­tice a accu­sé Kuno Som­mer, ancien direc­teur du mar­ke­ting mon­dial de la divi­sion vita­mines et pro­duits de chi­mie fine de Hoff­man-La Roche, d’a­voir par­ti­ci­pé au car­tel des vita­mines et d’a­voir men­ti aux enquê­teurs du minis­tère en 1997 pour ten­ter de cacher le com­plot10. Som­mer a plai­dé cou­pable et éco­pé d’une peine de quatre mois de pri­son. Sui­vant l’ef­fon­dre­ment du com­plot, ceux qui étaient impli­qués ont accep­té de payer presque 1 mil­liard de dol­lars pour régler les accu­sa­tions anti­trust fédé­rales, et presque tous les gros fabri­cants de vita­mines du monde étaient à un che­veu d’ac­cep­ter de payer une somme addi­tion­nelle de 1 mil­liard de dol­lars. Roche accep­ta de payer 500 mil­lions de dol­lars, l’é­qui­valent d’un an envi­ron du reve­nu de ses ventes de vita­mines aux États-Unis, et deux direc­teurs ont reçu des sen­tences de pri­son de quelques mois. Du côté de l’Eu­rope, la Com­mis­sion euro­péenne impo­sa des amendes à quelques-unes des plus grandes com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques du monde, incluant Roche, pour la somme record de 523 mil­lions de livres ster­ling en 200111. Il est sur­pre­nant que le car­tel ait exis­té aus­si long­temps étant don­né qu’un ini­tié de Roche avait déjà son­né l’a­larme en 1973, ce dont avait pris acte la Com­mis­sion euro­péenne (voir le cha­pitre 19).

Entre les deux guerres mon­diales, Roche a four­ni de la mor­phine au monde inter­lope. D’autres com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques du Royaume-Uni, d’Al­le­magne, du Japon, de la Suisse, et des États-Unis ont aus­si par­ti­ci­pé au com­merce de l’o­pium, de la mor­phine, et de l’hé­roïne12–14. Le PDG de Roche aux États-Unis, Elmer Bobst, a eu beau­coup de mal à per­sua­der ses supé­rieurs de Baie de mettre un terme à leurs pra­tiques d’af­faires contraires à l’é­thique13. Roche a conti­nué à envoyer des stu­pé­fiants aux États-Unis à l’in­su de Bobst, mais ce der­nier mit la main sur un télé­gramme énig­ma­tique au cours d’une visite au siège social, qui ne lais­sait aucun doute sur le fait que cela pro­ve­nait de cri­mi­nels amé­ri­cains. Il était ques­tion d’une car­gai­son de bicar­bo­nate de soude, qu’on uti­lise pour faire des gâteaux !

Roche accep­ta d’in­ter­rompre le tra­fic quand Bobst a rap­por­té que le gou­ver­ne­ment des États-Unis avait mena­cé d’in­ter­dire à la socié­té de faire des affaires aux États-Unis si elle ne ces­sait pas ces acti­vi­tés. Tou­te­fois, Roche ne tar­da pas à s’y remettre, encore une fois sans en avi­ser Bobst. Dans son livre13, Bobst men­tionne que l’homme der­rière tout cela n’é­tait pas fon­da­men­ta­le­ment un homme immo­ral, mais com­plè­te­ment amo­ral en affaires. Bobst ne com­pre­nait pas com­ment il était pos­sible d’a­voir deux normes d’é­thique, une pour la vie pri­vée et l’autre pour les affaires. Il a aus­si décrit com­ment Roche esqui­vait les impôts suisses grâce à une com­pa­gnie éta­blie dans un para­dis fis­cal, le Lichtenstein.

Vendre des médi­ca­ments dont les gens n’ont pas besoin consti­tue une pra­tique très lucra­tive, sur­tout quand les médi­ca­ments affectent des fonc­tions céré­brales. Roche a pous­sé le Valium (dia­zé­pam) jus­qu’à ce qu’il devienne le médi­ca­ment le plus ven­du au monde, quoique plu­sieurs indi­ca­tions pour son uti­li­sa­tion eussent été très dou­teuses, et que son prix de gros était vingt-cinq fois plus éle­vé que le prix de l’or12. Au début des années 1970, Roche a été mise à l’a­mende par des offi­ciels anti­trust en Europe pour s’être adon­née à un com­por­te­ment anti­con­cur­ren­tiel dans la vente du Valium et d’un autre tran­quilli­sant par­mi les meilleurs ven­deurs, le Librium (chlor­dia­zé­poxide)9.

Il aura fal­lu 27 ans après que le pre­mier rap­port à pro­pos de la dépen­dance ait été publié avant que les auto­ri­tés char­gées de régle­men­ter les médi­ca­ments recon­naissent caté­go­ri­que­ment que les tran­quilli­sants créent une forte dépen­dance15, au même titre que l’hé­roïne et d’autres stu­pé­fiants. Quand on tente de com­prendre ce que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique fait à la popu­la­tion, je crois que le fait que cer­taines des drogues qui affectent le cer­veau soient légales et d’autres illé­gales n’a aucune per­ti­nence dans une pers­pec­tive rele­vant de l’é­thique. En outre, la dis­tinc­tion n’a aucune impor­tance si l’on consi­dère que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique ne se pré­oc­cupe pas vrai­ment de savoir si ses gestes sont légaux ou pas, comme l’illustre leur uti­li­sa­tion enva­his­sante du mar­ke­ting illé­gal. De plus, ce qui est légal ou pas peut varier en fonc­tion des pays, des modes et des croyances de l’é­poque. Par exemple, les stu­pé­fiants n’ont pas tou­jours été illé­gaux, et bien qu’il soit illé­gal de vendre du hachich dans la plu­part des pays, il est légal d’en fumer aux Pays-Bas. Il est ven­du dans des soi-disant cafés, un drôle de nom qui m’a déjà induit en erreur. Les petits-déjeu­ners ser­vis dans les hôtels sont trop dis­pen­dieux quand on pense aux quelques ali­ments que la plu­part d’entre nous man­geons le matin. J’ai alors déci­dé d’al­ler dans un café un beau matin à Amster­dam. Le pro­prié­taire a bien rigo­lé quand je lui ai deman­dé un café, étant don­né qu’il n’en avait pas. Peu de temps après, trois ravis­santes filles du Moyen-Orient sont entrées dans le café et m’ont affir­mé que le Liba­nais Noir était le meilleur et que c’é­tait d’ailleurs cela qu’elles s’ap­prê­taient à fumer.

Un autre exemple d’in­co­hé­rence légale en ce qui a trait aux sub­stances qui affectent le cer­veau : il est illé­gal de pro­duire son propre bran­dy mais légal d’en ache­ter au magasin.

Peu importe le sta­tut légal des sub­stances psy­choac­tives, il y a des médi­ca­ments à vendre dans les deux cas. Après avoir exa­mi­né l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique en détail, John Brai­th­waite a publié ses obser­va­tions dans un livre inti­tu­lé Cor­po­rate Crime in the Phar­ma­ceu­ti­cal Indus­try. Dans son ouvrage, on peut lire ceci12 :

Les gens qui ont une dépen­dance à des drogues illi­cites comme l’hé­roïne sont per­çus comme fai­sant par­tie des parias les plus cra­pu­leux de la civi­li­sa­tion moderne. Par com­pa­rai­son, on a ten­dance à consi­dé­rer les col­por­teurs de médi­ca­ments licites comme autant de four­nis­seurs d’un bien social, moti­vés par l’altruisme.

LE TEMPLE DE LA HONTE POUR LES GRANDES PHARMACEUTIQUES

Le BMJ paraît une fois par semaine, et la plu­part des numé­ros décrivent un ou des scan­dales reliés à l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique dans la sec­tion Nou­velles, ou ailleurs. Le New York Times publie aus­si plu­sieurs articles à pro­pos des incar­tades de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, et la plu­part des docu­ments que j’ai amas­sés au cours des années pro­viennent de ces deux sources très res­pec­tées. Ces der­nières années, plu­sieurs articles et livres ont décrit des cas de fautes pro­fes­sion­nelles graves com­mises par les grandes socié­tés phar­ma­ceu­tiques sur le plan de la recherche, ain­si que des exemples de mar­ke­ting frau­du­leux2,5,6,16, 22, mais bien que la preuve soit acca­blante, la réac­tion typique de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique quand une com­pa­gnie se fait prendre, c’est de dire qu’il s’a­git de quelques pommes pour­ries comme on en trouve dans toutes les entreprises.

La ques­tion qui nous inté­resse, c’est de savoir si l’on trouve une pomme pour­rie iso­lée ici et là, ce qui pour­rait être excu­sable, ou si c’est le panier entier qui est pour­ri, c’est-à-dire si la plu­part des com­pa­gnies ont l’ha­bi­tude d’en­freindre la loi.

Pour le savoir, j’ai effec­tué dix recherches sur Google en 2012, en com­bi­nant les noms des dix plus impor­tantes com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques7 avec le mot « fraude ». J’ai rele­vé entre 0,5 et 27 mil­lions de men­tions pour cha­cune des com­pa­gnies. J’ai choi­si l’af­faire la plus mar­quante décrite par­mi les dix men­tions de la pre­mière page sou­mise par Google et j’ai étof­fé l’in­for­ma­tion à l’aide de sources additionnelles.

Les dix cas étaient tous récents (2007−2012) et tous impli­quaient les États-Unis23,24. Les infrac­tions cri­mi­nelles les plus fré­quentes concer­naient le mar­ke­ting illé­gal qui recom­man­dait des médi­ca­ments pour des uti­li­sa­tions hors indi­ca­tions, des décla­ra­tions men­son­gères à pro­pos des résul­tats expé­ri­men­taux, des dis­si­mu­la­tions d’in­for­ma­tions à pro­pos des dan­gers des médi­ca­ments, et de la fraude aux dépens de Medi­caid et de Medi­care. Je décris les cas en ordre décrois­sant, selon la taille de la compagnie.

Pfi­zer accepte de payer 2,3 mil­liards de dol­lars en 2009

À l’é­poque, c’é­tait le plus impo­sant règle­ment dans une affaire de fraude des soins de san­té de toute l’his­toire du minis­tère de la Jus­tice des États-Unis35. Une filiale de la com­pa­gnie a plai­dé cou­pable à des accu­sa­tions de mau­vais éti­que­tage de médi­ca­ments « dans le but de frau­der ou de trom­per » et la com­pa­gnie a été jugée cou­pable d’a­voir fait la pro­mo­tion illé­gale de quatre médi­ca­ments : Bex­tra (valde-coxib, un médi­ca­ment contre l’ar­thrite, reti­ré du mar­ché en 2005) ; Geo­don (zipra­si­done, un anti­psy­cho­tique) ; Zyvox (line­zo­lid, un anti­bio­tique) et Lyri­ca (pre­ga­ba­line, pour trai­ter l’épilepsie).

Une somme de 1 mil­liard de dol­lars a été pré­le­vée pour régler à l’a­miable les allé­ga­tions sti­pu­lant que Pfi­zer avait offert des pots-de-vin et des séjours luxueux à des four­nis­seurs de ser­vices de san­té pour les inci­ter à pres­crire les quatre médi­ca­ments, et six lan­ceurs d’a­lerte reçurent 102 mil­lions de dol­lars. Pfi­zer signa un enga­ge­ment d’in­té­gri­té cor­po­ra­tive avec le minis­tère de la San­té et des Ser­vices sociaux des États-Unis, ce qui implique l’o­bli­ga­tion de bien se com­por­ter pen­dant les cinq pro­chaines années. Pfi­zer avait rati­fié trois ententes du même type aupa­ra­vant26, et au moment même où Pfi­zer pro­met­tait aux pro­cu­reurs fédé­raux de ne plus jamais faire de mar­ke­ting illé­gal en signant l’en­tente, elle fai­sait par ailleurs exac­te­ment cela27.

L’an­ti­bio­tique de Pfi­zer, Zyvox, coûte huit fois plus cher que la van­co­my­cine, un médi­ca­ment supé­rieur selon les dires mêmes de Pfi­zer dans son propre manuel de réfé­rence, mais Pfi­zer a men­ti aux méde­cins, en leur disant que Zyvox était meilleur. Même après que la FDA ait dit à Pfi­zer d’ar­rê­ter ses pré­ten­tions non fon­dées car elles consti­tuaient des risques sérieux étant don­né que la van­co­my­cine est utile pour des condi­tions qui mettent en dan­ger la vie du malade, Pfi­zer a conti­nué à dire aux hôpi­taux et aux méde­cins que Zyvox sau­ve­rait plus de vies que la van­co­my­cine27.

Novar­tis accepte de payer 423 mil­lions de dol­lars en 2010

Le paie­ment concer­nait la res­pon­sa­bi­li­té civile et cri­mi­nelle qui décou­lait du mar­ke­ting illé­gal du Tri­lep­tal (oxcar­baze-pine, un médi­ca­ment pour trai­ter l’é­pi­lep­sie et approu­vé pour trai­ter les crises par­tielles, mais pas pour aucune dou­leur, aucun pro­blème psy­chia­trique ni aucune autre uti­li­sa­tion)28. La com­pa­gnie a fait le mar­ke­ting illi­cite du Tri­lep­tal et de cinq autres médi­ca­ments, et entraî­né la sou­mis­sion de requêtes frau­du­leuses de rem­bour­se­ment auprès des pro­grammes de san­té gou­ver­ne­men­taux. L’en­tente résol­vait les allé­ga­tions sti­pu­lant que la com­pa­gnie avait payé des pots-de-vin à des pro­fes­sion­nels de la san­té dans le but de les inci­ter à pres­crire du Tri­lep­tal et cinq autres médi­ca­ments : le Dio­van (val­sar­tan, pour l’hy­per­ten­sion) ; le Zel­norm (tega­se­rod, un médi­ca­ment pour le syn­drome du côlon irri­table et la consti­pa­tion, reti­ré du mar­ché par la FDA en 2007 en rai­son de sa toxi­ci­té car­dio-vas­cu­laire) ; le San­do­sta­tin (octreo­tide, un médi­ca­ment qui imite une hor­mone natu­relle) ; l’Ex­forge (amlo­di­pine + val­sar­tan, pour l’hy­per­ten­sion) et le Tek­tur­na (alis­ki­ren, pour l’hypertension).

Les lan­ceurs d’a­lerte, tous d’an­ciens employés de Novar­tis, ont reçu des paie­ments de plus de 25 mil­lions de dol­lars et Novar­tis a rati­fié un enga­ge­ment d’in­té­gri­té corporative.

Sano­fi-Aven­tis doit payer plus de 95 mil­lions de dol­lars pour régler une accu­sa­tion de fraude en 2009

Selon l’ar­ran­ge­ment à l’a­miable, Aven­tis avait sur­fac­tu­ré des orga­nismes de san­té locaux et fédé­raux pour des médi­ca­ments des­ti­nés à des patients néces­si­teux29,30. Le minis­tère de la Jus­tice assu­ra qu’il ferait en sorte de garan­tir que les pro­grammes des­ti­nés aux groupes les plus vul­né­rables dans la popu­la­tion ne paie­raient pas plus cher pour des médi­ca­ments que ce que la loi per­met. Aven­tis recon­nut avoir com­mu­ni­qué des infor­ma­tions inexactes sur le prix des médi­ca­ments pour des patients du pro­gramme de rabais du prix des médi­ca­ments des­ti­nés aux patients pauvres par Medi­caid. La com­pa­gnie a fait exprès pour faus­ser les prix, en sous-payant les rabais à Medi­caid tout en sur­fac­tu­rant cer­tains orga­nismes de san­té publique pour ces médi­ca­ments. La fraude a eu lieu entre 1995 et 2000 et concer­nait des pul­vé­ri­sa­tions nasales à base de sté­roïdes conte­nant de la triamcinolone.

GlaxoS­mi­thK­line doit payer 3 mil­liards de dol­lars en 2011

Il s’a­git du plus impor­tant règle­ment de toute l’his­toire du minis­tère de la Jus­tice des États-Unis dans une affaire de fraude des soins de san­té31–33. GlaxoS­mi­thK­line a recon­nu être cou­pable d’a­voir fait le mar­ke­ting d’un cer­tain nombre de médi­ca­ments de manière illé­gale pour des uti­li­sa­tions hors indi­ca­tions, incluant le Well­bu­trin (bupro­pion, un anti­dé­pres­seur) ; le Paxil (paroxe­tine, un anti­dé­pres­seur) ; l’Ad­vair (flu­ti­ca­sone + sal­me­te­rol, un médi­ca­ment pour l’asthme) ; l’A­van­dia (rosi­gli­ta­zone, un médi­ca­ment pour trai­ter le dia­bète) et le Lamic­tal (lamo­tri­gine, un médi­ca­ment pour l’épilepsie).

Un an aupa­ra­vant, le minis­tère de la Jus­tice avait accu­sé un ancien vice-pré­sident et un des prin­ci­paux avo­cats de Glaxo d’a­voir fait de fausses décla­ra­tions et d’a­voir entra­vé une enquête fédé­rale sur le mar­ke­ting illé­gal du Well­bu­trin pour la perte de poids34. L’ac­cu­sa­tion incri­mi­nait le vice-pré­sident d’a­voir men­ti à la FDA en niant que les méde­cins qui fai­saient des pré­sen­ta­tions lors d’é­vé­ne­ments cor­po­ra­tifs avaient fait la pro­mo­tion du Well­bu­trin pour des uti­li­sa­tions qui n’a­vaient pas été approu­vées par l’or­ga­nisme, et d’a­voir caché des docu­ments incriminants.

La com­pa­gnie a ver­sé des pots-de-vin à des méde­cins, négli­gé d’in­clure cer­taines don­nées sur la sécu­ri­té de la rosi­gli­ta­zone dans des rap­ports sou­mis à la FDA, et même sug­gé­ré que l’A­van­dia com­por­tait des bien­faits pour le sys­tème car­dio­vas­cu­laire dans les pro­grammes qu’elle com­man­dite, mal­gré la pré­sence d’a­ver­tis­se­ments à pro­pos des risques car­dio­vas­cu­laires sur l’é­ti­quette approu­vée par la FDA. Avan­dia a été reti­ré du mar­ché euro­péen en 2010 en rai­son d’une aug­men­ta­tion des décès cardiovasculaires.

Cer­taines allé­ga­tions de fraude envers le pro­gramme Medi­caid fai­sant état de fausses infor­ma­tions à pro­pos des prix étaient aus­si cou­vertes par l’en­tente. Les lan­ceurs d’a­lerte étaient quatre employés de GlaxoS­mi­thK­line, y com­pris un ancien direc­teur du déve­lop­pe­ment mar­ke­ting senior et un vice-pré­sident régio­nal. La com­pa­gnie conclut un enga­ge­ment d’in­té­gri­té corporative.

Astra­Ze­ne­ca doit payer 520 mil­lions de dol­lars en 2010 pour régler une affaire de fraude

Les accu­sa­tions sti­pu­laient qu’As­tra­Ze­ne­ca avait pro­cé­dé au mar­ke­ting illé­gal d’un de ses médi­ca­ments les plus popu­laires, l’an­ti­psy­cho­tique Sero­quel (qué­tia­pine), aux enfants, aux per­sonnes âgées, aux anciens com­bat­tants, et aux déte­nus, pour des uti­li­sa­tions non approu­vées par la FDA, com­pre­nant l’a­gres­si­vi­té, la mala­die d’Alz­hei­mer, la maî­trise de la colère, l’an­xié­té, le trouble défi­ci­taire de l’at­ten­tion avec hyper­ac­ti­vi­té (TDAH), la démence, la dépres­sion, les troubles de l’hu­meur, le syn­drome post-trau­ma­tique et l’in­som­nie35. De plus, la com­pa­gnie a ciblé son mar­ke­ting illé­gal sur des méde­cins qui ne traitent habi­tuel­le­ment pas de patients psy­cho­tiques, en ver­sant des pots-de-vin à cer­tains d’entre eux. D’autres méde­cins ont été envoyés dans des com­plexes tou­ris­tiques somp­tueux pour les encou­ra­ger à faire la pro­mo­tion du médi­ca­ment et à le pres­crire pour des uti­li­sa­tions hors indi­ca­tions. Le lan­ceur d’a­lerte devait rece­voir au-delà de 45 mil­lions de dollars.
L’a­mende était minime, étant don­né que les ventes du médi­ca­ment avaient atteint 4,9 mil­liards en 200936. Astra­Ze­ne­ca a nié toute action fau­tive, bien que ses méfaits aient été évi­dents. Voi­ci la décla­ra­tion du pro­cu­reur géné­ral des Etats-Unis à ce pro­pos35 :

Il n’est pas ques­tion de crimes sans vic­times – les gestes illé­gaux des com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques et les affir­ma­tions men­son­gères à l’en­contre de Medi­care et de Medi­caid peuvent mettre en dan­ger la san­té du public, cor­rompre les déci­sions médi­cales des four­nis­seurs de ser­vices de san­té, et sou­ti­rer des mil­liards de dol­lars direc­te­ment des poches des contribuables.

Roche per­suade des gou­ver­ne­ments de faire des réserves de Tamiflu

Roche a per­pé­tré ce qui est à mes yeux le plus grand vol de l’his­toire37–47, bien que per­sonne n’ait encore traî­né la com­pa­gnie devant un tri­bu­nal. Pour se pré­pa­rer à l’é­pi­dé­mie modé­rée d’in­fluen­za de 2009, les gou­ver­ne­ments des États-Unis et de l’Eu­rope ont dépen­sé des mil­liards d’eu­ros et de dol­lars pour ache­ter du Tami­flu (osel­ta­mi­vir).

Roche a omis de publier la plu­part des don­nées pro­ve­nant des études cli­niques et refu­sé de les par­ta­ger avec des cher­cheurs indé­pen­dants de la Col­la­bo­ra­tion Cochrane. En se basant sur des essais non publiés, Roche pré­ten­dait que le Tami­flu rédui­sait les admis­sions à l’hô­pi­tal de 61%, les com­pli­ca­tions secon­daires de 67%, et les infec­tions des voies res­pi­ra­toires infé­rieures néces­si­tant des anti­bio­tiques de 55 %38. Curieu­se­ment, la com­pa­gnie a convain­cu l’Euro­pean Medianes Agen­cy (EMA) d’ap­prou­ver le médi­ca­ment pour la pré­ven­tion des com­pli­ca­tions dues à l’in­fluen­za, et le résu­mé des carac­té­ris­tiques du pro­duit publié par l’or­ga­nisme décla­rait que les com­pli­ca­tions des voies res­pi­ra­toires infé­rieures avaient été réduites pas­sant de 12,7% à 8,6% (P = 0,001)38.

En contre­par­tie, la FDA a envoyé une lettre d’a­ver­tis­se­ment inti­mant à Roche de ces­ser de pré­tendre que le Tami­flu réduit la gra­vi­té et l’in­ci­dence des infec­tions secon­daires, et en obli­geant la com­pa­gnie à impri­mer une mise en garde sur les éti­quettes : « Les effets posi­tifs du Tami­flu sur des consé­quences poten­tielles de l’in­fluen­za sai­son­nière, aviaire, ou pan­dé­mique (comme les hos­pi­ta­li­sa­tions, la mor­ta­li­té, ou l’im­pact éco­no­mique) n’ont pas été démon­trés37,47. »

Quand la FDA a exa­mi­né pour la pre­mière fois le zana­mi­vir (Relen­za), un médi­ca­ment simi­laire pro­duit par GlaxoS­mi­thK­line, le comi­té consul­ta­tif a recom­man­dé que le médi­ca­ment ne soit pas approu­vé par un vote de 13 contre 439. D’une ana­lyse à l’autre, le zana­mi­vir n’é­tait pas plus effi­cace qu’un pla­ce­bo quand les patients pre­naient un autre médi­ca­ment comme du para­cé­ta­mol39. Dans les jours qui ont sui­vi cette déci­sion, Glaxo fit par­ve­nir une mis­sive enflam­mée à la FDA décla­rant que la déci­sion était « en com­plet désac­cord avec la volon­té du Congrès qui sou­haite que le déve­lop­pe­ment et l’ap­pro­ba­tion des médi­ca­ments s’ef­fec­tuent rapi­de­ment et avec assu­rance40 ». Cette menace a eu pour effet d’é­bran­ler la direc­tion de la FDA qui ren­ver­sa la déci­sion du comi­té en cri­ti­quant l’é­va­lua­teur, le bio­sta­tis­ti­cien Michael Ela­shoff, pour avoir fait un témoi­gnage néga­tif. À l’o­ri­gine, Ela­shoff était aus­si char­gé d’exa­mi­ner la demande concer­nant l’o­sel­ta­mi­vir, mais on la lui reti­ra39 et il quit­ta l’a­gence après que cette der­nière eut fait la démons­tra­tion du pro­ces­sus fai­sant qu’un médi­ca­ment inef­fi­cace soit approu­vé. Quand le zana­mi­vir a été approu­vé, la FDA a été contrainte d’ap­prou­ver aus­si l’o­sel­ta­mi­vir la même année41.

Il n’existe pas de preuve convain­cante que le Tami­flu pré­vienne les com­pli­ca­tions dues à l’in­fluen­za ou qu’il réduise la trans­mis­sion de l’in­fluen­za aux autres. Cepen­dant, Roche a enga­gé des rédac­teurs ano­nymes, et l’un d’eux a rap­pe­lé : « Les comptes reliés au Tami­flu don­naient une liste de mes­sages-clés qu’on devait insé­rer. C’é­tait super­vi­sé par le dépar­te­ment du mar­ke­ting et c’est à ce dépar­te­ment que nous ren­dions des comptes38. » Au mieux, le Tami­flu réduit la durée de l’in­fluen­za de 21 heures42, ce qui peut pro­ba­ble­ment se faire à l’aide de médi­ca­ments beau­coup moins chers comme l’as­pi­rine et le para­cé­ta­mol44. En outre, le Tami­flu com­porte des dan­gers impor­tants, mais ils ont été si bien dis­si­mu­lés que les cher­cheurs de Cochrane n’ont pas pu en par­ler dans leur révi­sion Cochrane. Les cher­cheurs de Cochrane ont quand même trou­vé que des cas d’hal­lu­ci­na­tions et d’ac­ci­dents bizarres ont été rap­por­tés assez régu­liè­re­ment dans la sur­veillance post-mar­ke­ting de Roche41, dans le même sens qu’une série de cas au Japon, et des expé­riences sur des rats qui mon­traient plu­sieurs des mêmes symp­tômes. Un article de pério­dique signé par un groupe d’au­teurs de chez Roche pré­ten­dait que les sou­ris et les rats à qui l’on avait don­né une dose très éle­vée de Tami­flu ne pré­sen­taient aucun effet secon­daire, mais selon les docu­ments sou­mis au minis­tère japo­nais de la San­té, du tra­vail, et du bien-être, par Chu­gai, la filiale Japo­naise de Roche, la même dose de Tami­flu tuait plus de la moi­tié des bêtes41 !

Si les don­nées non publiées par Roche avaient réel­le­ment démon­tré ce que la com­pa­gnie pré­tend, Roche n’au­rait pas hési­té à les publier ou à les par­ta­ger avec les cher­cheurs de Cochrane. Éton­nam­ment, cepen­dant, Roche a décla­ré que des études addi­tion­nelles « four­nis­saient peu d’in­for­ma­tion nou­velle et seraient donc peu sus­cep­tibles d’être publiées par les pério­diques les plus répu­tés38 ». Ces affir­ma­tions sont ridi­cules. Je ne peux m’empêcher ici de citer Drum­mond Ren­nie, le rédac­teur en chef du JAMA qui a décla­ré dans la publi­ci­té qu’il a faite pour le pre­mier congrès sur la révi­sion par les pairs43 :

Il semble qu’au­cune étude ne soit trop frag­men­tée, aucune hypo­thèse trop insi­gni­fiante, aucune cita­tion tirée de la docu­men­ta­tion qui soit trop sub­jec­tive ou trop égoïste, aucune concep­tion trop tor­due, aucune métho­do­lo­gie trop bâclée, aucune pré­sen­ta­tion des résul­tats qui soit trop inexacte, trop obs­cure, et trop contra­dic­toire, aucune ana­lyse qui soit trop inté­res­sée, aucun argu­ment trop par­tial, aucune conclu­sion trop vaseuse ou trop injus­ti­fiée, et aucune syn­taxe ni gram­maire trop insul­tantes pour empê­cher qu’un article finisse par être publié.

Après beau­coup d’at­ten­tion média­tique, Roche a pro­mis en 2009 de pla­cer sur son site Web la tota­li­té des rap­ports n’ayant pas encore été publiés, mais on les attend encore.

Un autre fait pour le moins étrange est l’en­voi par Roche d’un pro­to­cole d’en­tente à un des cher­cheurs de Cochrane sti­pu­lant qu’une fois signée, il ne pou­vait même pas men­tion­ner l’exis­tence même de cette entente38 ! De toute évi­dence, Roche avait non seule­ment l’in­ten­tion de conti­nuer à cacher ses don­nées, mais aus­si de faire taire les gens qui deman­daient à les voir. Le cher­cheur de Cochrane a deman­dé une cla­ri­fi­ca­tion le jour sui­vant sans jamais rece­voir de réponse.

Le Conseil de l’Eu­rope a cri­ti­qué cer­tains gou­ver­ne­ments natio­naux, l’OMS (Orga­ni­sa­tion mon­diale de la san­té) et les orga­nismes de l’UE (Union euro­péenne) pour s’être ren­dus cou­pables d’ac­tions ayant entraî­né le gas­pillage de sommes d’argent impor­tantes45. Plu­sieurs se sont deman­dé pour­quoi l’OMS choi­sis­sait, pour rédi­ger des direc­tives rela­tives aux médi­ca­ments contre la grippe, des gens payés par les com­pa­gnies qui com­mer­cia­lisent ces médi­ca­ments, et qui omet­taient ce détail dans leurs rap­ports et pour­quoi il y avait tel­le­ment de secret autour de tout cela qu’il n’é­tait même pas pos­sible, de l’ex­té­rieur, d’ob­te­nir de l’in­for­ma­tion sur ceux qui sié­geaient au comi­té de l’OMS39.

L’OMS a été le par­te­naire idéal des excès de Roche qui s’est van­tée de tra­vailler à titre de par­te­naire res­pon­sable des gou­ver­ne­ments pour les assis­ter dans leurs pla­ni­fi­ca­tions des­ti­nées à faire face à la pan­dé­mie39. Les actions de Roche démentent cette pré­ten­tion, si bien que j’ai sug­gé­ré en 2012 que les gou­ver­ne­ments euro­péens pour­suivent Roche pour récu­pé­rer les mil­liards d’eu­ros qu’ils avaient dépen­sés inuti­le­ment pour faire des réserves de Tami­flu, ce qui aurait aus­si pu faire la lumière sur les résul­tats cli­niques cachés46. De plus, j’ai pro­po­sé de boy­cot­ter les pro­duits de Roche jus­qu’à ce qu’ils publient les don­nées man­quantes sur le Tamiflu.

John­son & John­son contrainte de payer une amende de 1,1 mil­liard de dol­lars en 2012

Un jury a décou­vert que la com­pa­gnie et sa filiale Jans­sen ont mini­mi­sé et dis­si­mu­lé cer­tains risques asso­ciés à son médi­ca­ment anti­psy­cho­tique Ris­per­dal (ris­pé­ri­done)48. Le juge a décou­vert presque 240 000 infrac­tions à la loi sur les fraudes de Medi­caid en Arkan­sas. Les jurés ne tar­dèrent pas à rendre un ver­dict favo­rable à l’E­tat, qui avait décla­ré que Jans­sen avait men­ti au sujet des effets secon­daires du Ris­per­dal poten­tiel­le­ment dan­ge­reux pour la vie du malade ; comme ceux d’autres anti­psy­cho­tiques, les effets incluaient des gains de poids, du dia­bète, des acci­dents vas­cu­laires céré­braux, des convul­sions, et même des décès. La FDA a ordon­né à Jans­sen de publier un com­mu­ni­qué à l’in­ten­tion des méde­cins pour cor­ri­ger une lettre préa­lable qui disait que le médi­ca­ment n’aug­men­tait pas le risque de dia­bète. Après le ver­dict, Jans­sen a conti­nué à insis­ter sur le fait qu’elle n’en­frei­gnait pas la loi. Par­mi plu­sieurs ver­dicts ren­dus pré­cé­dem­ment contre la com­pa­gnie quelques mois aupa­ra­vant, on trouve une amende civile de 327 mil­lions de dol­lars en Caro­line du Sud et un règle­ment à l’a­miable de 158 mil­lions de dol­lars au Texas.

Le pire dans tout cela, c’est que les crimes ont aus­si un lourd impact sur les enfants49. Plus d’un quart du Ris­per­dal est consom­mé par des ado­les­cents et des enfants, mal­gré des indi­ca­tions non auto­ri­sées ; un panel d’ex­perts fédé­raux spé­cia­li­sés dans les médi­ca­ments a conclu que le médi­ca­ment était beau­coup trop uti­li­sé. Joseph Bie­der­man, un pédo­psy­chiatre de Har­vard et de renom­mée inter­na­tio­nale, s’est livré à une pro­mo­tion agres­sive du médi­ca­ment auprès des enfants, tout en extor­quant la com­pa­gnie*.

* Bie­der­man était un des papes de la psy­chia­trie de l’a­do­les­cent, ce qui lui don­nait une influence assez grande pour que cer­taines phar­ma­ceu­tiques lui versent un trai­te­ment annuel dans les 6 chiffres, ce qui était en contra­dic­tion avec les poli­tiques de Har­vard (étant pro­fes­seur à temps plein, il avait caché ces reve­nus pen­dant des années). Le pot aux roses fut décou­vert, ce qui a mené à l’a­dop­tion par le Congrès des États-Unis du Sun­shine Act, en ver­tu duquel les phar­ma­ceu­tiques doivent décla­rer à un registre natio­nal toute somme payée à un méde­cin. Ce registre natio­nal est acces­sible par Inter­net à tout citoyen, qui peut ain­si véri­fier tout ce que touche de ces for­bans son méde­cin trai­tant. L’ex­tor­sion réside dans le fait que Bider­man était assez influent pour exi­ger de John­son & John­son qu’on aug­mente l’ho­no­raire annuel que J&J lui ver­sait sous peine de deve­nir une socié­té fan­tôme en psy­chia­trie de l’en­fance. Et J&J, qui sait recon­naître de quel côté son pain est beur­ré, a payé. D’où la notion d’extorsion.

La cor­res­pon­dance interne dépo­sée en cour a révé­lé que Bie­der­man était furieux après le rejet par John­son & John­son d’une demande qu’il avait faite pour rece­voir une bourse de recherche de 280 000$. Un porte-parole de la com­pa­gnie écri­vait alors : « Je n’ai jamais vu quel­qu’un d’aus­si contra­rié. Depuis lors, notre com­pa­gnie est deve­nue inexis­tante [sic] au sein de sa zone d’influence. »

La fraude pour­rait éga­le­ment prendre encore plus d’am­pleur. En avril 2012, le gou­ver­ne­ment des États-Unis décla­rait, dans une motion dépo­sée dans le cadre d’une affaire de fraude des soins de san­té d’une valeur poten­tielle de plu­sieurs mil­liards inten­tée contre John­son & John­son, qu’A­lex Gors­ky, vice-pré­sident du mar­ke­ting pres­sen­ti pour deve­nir le pro­chain chef de la direc­tion de John­son & John­son, était très au cou­rant de la fraude pré­su­mée et y était acti­ve­ment impli­qué50. Selon les allé­ga­tions, John­son & John­son avait ver­sé des pots-de-vin pour inci­ter Omni­care, la plus grosse phar­ma­cie des centres d’hé­ber­ge­ment et de soins de longue durée des Etats-Unis, à ache­ter et à recom­man­der le Ris­per­dal et d’autres médi­ca­ments de la com­pa­gnie. La com­pa­gnie négli­gea d’in­for­mer Omni­care ou les membres de l’é­quipe des ventes de Jans­sen que la FDA avait aver­ti la com­pa­gnie qu’il serait erro­né et trom­peur de com­mer­cia­li­ser le Ris­per­dal comme médi­ca­ment sécu­ri­taire et effi­cace pour les per­sonnes âgées. En effet, le médi­ca­ment n’a­vait pas été étu­dié de façon adé­quate pour cette popu­la­tion et en outre, la FDA avait reje­té la ten­ta­tive de la com­pa­gnie d’ob­te­nir l’au­to­ri­sa­tion de vendre du Ris­per­dal pour le trai­te­ment des désordres psy­cho­tiques et com­por­te­men­taux attri­bués à la démence (de loin l’u­ti­li­sa­tion de Ris­per­dal la plus cou­rante dans les ins­tal­la­tions de soins de san­té des­ser­vies par Omni­care) en rai­son de don­nées insuf­fi­santes à pro­pos de la sécu­ri­té du pro­duit). Mal­gré le poids des enquêtes fédé­rales et celles de l’E­tat sur les allé­ga­tions rela­tives au Ris­per­dal, le conseil de la direc­tion de John­son & John­son a récom­pen­sé Gors­ky en le choi­sis­sant comme pro­chain chef de la direc­tion. Tout comme dans la pègre : plus gros est le crime, plus l’a­van­ce­ment est important.

Merck doit payer 670 mil­lions de dol­lars pour avoir frau­dé Medi­caid en 2007

Merck avait omis de payer les rabais appro­priés à Medi­caid et à d’autres pro­grammes de soins de san­té gou­ver­ne­men­taux, en plus de ver­ser des pots-de-vin à des méde­cins et à des hôpi­taux pour les encou­ra­ger à pres­crire dif­fé­rents médi­ca­ments51 . Les allé­ga­tions ont été sou­le­vées dans deux pour­suites inten­tées sépa­ré­ment par des lan­ceurs d’a­lerte, et l’un d’entre eux devait rece­voir 68 mil­lions de dol­lars. De 1997 à 2001, la force de vente de Merck a uti­li­sé approxi­ma­ti­ve­ment 15 pro­grammes dif­fé­rents pour inci­ter des méde­cins à pres­crire des médi­ca­ments. Ces pro­grammes consis­taient sur­tout en des paie­ments excé­den­taires ver­sés à des méde­cins sous le cou­vert d’ho­no­raires pour de la « for­ma­tion », de la « consul­ta­tion », ou de la « recherche de mar­ché ». Le gou­ver­ne­ment a pré­su­mé que ces hono­raires étaient des pots-de-vin illé­gaux des­ti­nés à mous­ser les ventes des médi­ca­ments de Merck. Merck consen­tit à une entente d’in­té­gri­té corporative.

Eli Lil­ly doit payer plus de 1,4 mil­liard de dol­lars pour du mar­ke­ting illé­gal en 2009

Eli Lil­ly a conclu une entente avec le minis­tère de la Jus­tice pour régler une affaire au sujet d’un vaste com­plot impli­quant le mar­ke­ting non conforme de son médi­ca­ment vedette, l’an­ti­psy­cho­tique Zyprexa (olan­za­pine), avec des ventes mon­diales de près de 40 mil­liards de dol­lars entre 1996 et 200952. En ver­tu de la déci­sion, Eli Lil­ly paie­rait 800 mil­lions de dol­lars en amendes civiles et plai­de­rait cou­pable à des accu­sa­tions cri­mi­nelles, en acquit­tant une amende addi­tion­nelle de 600 mil­lions de dol­lars. Les allé­ga­tions ont été sou­le­vées par six lan­ceurs d’a­lerte de Lil­ly qui se par­ta­ge­raient envi­ron 18 % des sommes récu­pé­rées par le fédé­ral et les États en cause. Tous les lan­ceurs d’a­lerte ont été congé­diés ou contraints de démis­sion­ner par la com­pa­gnie. D’a­près la plainte, un repré­sen­tant des ventes avait com­mu­ni­qué avec le ser­vice d’as­sis­tance télé­pho­nique de la com­pa­gnie au sujet des pra­tiques de ventes contraires à l’é­thique, mais n’a­vait reçu aucune réponse.

Lil­ly eut beau­coup de suc­cès en com­mer­cia­li­sant le Zyprexa pour de nom­breuses uti­li­sa­tions hors indi­ca­tions incluant la mala­die d’Alz­hei­mer, la dépres­sion et la démence, en par­ti­cu­lier chez les enfants et les per­sonnes âgées, bien que les dan­gers du médi­ca­ment soient sérieux et sus­cep­tibles d’in­duire des défaillances car­diaques, des pneu­mo­nies, des gains de poids consi­dé­rables et du dia­bète. Des ven­deurs de Lil­ly dis­sé­mi­nés dans l’au­di­toire posaient en per­sonnes inté­res­sées par les uti­li­sa­tions éten­dues du Zyprexa, for­mu­lant des « ques­tions conve­nues » pen­dant des confé­rences trai­tant des uti­li­sa­tions hors indi­ca­tion et pen­dant des séances audio por­tant sur le même sujet et des­ti­nées aux méde­cins. Bien qu’on ait connu le risque sub­stan­tiel de gain de poids que pose le Zyprexa, une autre tac­tique consis­tait pour la com­pa­gnie à mini­mi­ser le lien entre le Zyprexa et le gain de poids dans une vidéo lar­ge­ment dif­fu­sée et inti­tu­lée Le mythe du dia­bète, qui uti­li­sait des « études scien­ti­fiques » d’une inté­gri­té dou­teuse ain­si que le signa­le­ment désor­don­né d’ef­fets secon­daires indé­si­rables. Le règle­ment à l’a­miable com­pre­nait un enga­ge­ment d’in­té­gri­té corporative.

Abbott doit payer 1,5 mil­liard de dol­lars pour avoir frau­dé Medi­caid en 2012

Abbott régla à l’a­miable des allé­ga­tions d’a­voir frau­dé Medi­caid en se livrant à du mar­ke­ting illé­gal fai­sant la pro­mo­tion de son médi­ca­ment pour l’é­pi­lep­sie Depa­kote (val­proate) ; 84 mil­lions de dol­lars seraient payés aux lan­ceurs d’a­lerte53,54. Abbott paie­rait 800 mil­lions de dol­lars en amendes et dom­mages civils pour indem­ni­ser Medi­caid, Medi­care et les dif­fé­rents pro­grammes de soins de san­té fédé­raux pour les dom­mages entraî­nés par sa conduite. Abbott plai­da aus­si cou­pable à une infrac­tion de la Food, Drug, and Cos­me­tic Act (la Loi sur l’in­no­cui­té des ali­ments, médi­ca­ments, et cos­mé­tiques) et accep­ta de payer une amende cri­mi­nelle et des confis­ca­tions d’une valeur de 700 mil­lions de dollars.

Les États ont allé­gué qu’Ab­bott avait mous­sé les ventes et l’u­ti­li­sa­tion du Depa­kote pour des uti­li­sa­tions non approu­vées par la FDA comme étant sécu­ri­taires et effi­caces. De plus, on a accu­sé Abbott Labo­ra­to­ries d’a­voir fait des décla­ra­tions trom­peuses et men­son­gères à pro­pos de l’in­no­cui­té, de l’ef­fi­ca­ci­té, du dosage, et de l’ef­fi­cience du Depa­kote pour cer­taines uti­li­sa­tions non auto­ri­sées. En outre, la com­pa­gnie aurait com­mer­cia­li­sé de façon inap­pro­priée son pro­duit dans des centres d’hé­ber­ge­ment pour patients déments alors qu’elle avait inter­rom­pu une étude auprès de patients simi­lai­re­ment atteints, étude qui avait mon­tré une aug­men­ta­tion des effets indé­si­rables. Enfin elle aurait payé des pots-de-vin pour inci­ter les méde­cins et d’autres à pres­crire le médi­ca­ment ou à en faire la pro­mo­tion. Abbott conclut une entente d’in­té­gri­té corporative.

LES CRIMES SONT RÉPÉTITIFS

Mon enquête a mon­tré que la cri­mi­na­li­té des entre­prises est répan­due et que les crimes sont com­mis sans pitié, dans le mépris le plus total des décès et des autres consé­quences néfastes qu’elles causent. Vous consta­te­rez en pour­sui­vant la lec­ture du pré­sent ouvrage que la cri­mi­na­li­té des socié­tés tue pas mal de gens12 et qu’elle implique aus­si des détour­ne­ments gigan­tesques de sommes d’argent des contribuables.

Il a été facile de trou­ver d’autres crimes com­mis par les mêmes dix prin­ci­pales com­pa­gnies24, des crimes per­pé­trés à l’ex­té­rieur des États-Unis, et des crimes com­mis par d’autres com­pa­gnies. J’ai uti­li­sé le terme « fraude » dans mes recherches, mais j’au­rais tout aus­si bien pu uti­li­ser « cri­mi­nel », « illé­gal », « FBI », « pot-de-vin », « incon­duite », « règle­ment », « cor­rup­tion », « cou­pable », ou « crime », ce qui aurait dévoi­lé de nom­breux autres crimes, addi­tion­nels et plus récents. Je décri­rai ici un cer­tain nombre d’autres crimes et je don­ne­rai d’autres exemples plus tard.

En 2007, la FDA a érein­té Sano­fi-Aven­tis à pro­pos de son défaut d’a­gir dans des cas connus de fraude pen­dant une étude pivot de son anti­bio­tique Ketek (teli­thro­my­cine)55. La FDA avait exi­gé cette étude après avoir exa­mi­né le médi­ca­ment pour la pre­mière fois, et la com­pa­gnie recru­ta plus de 24 000 patients en 5 mois seule­ment, en embau­chant plus de 1 800 méde­cins, dont plu­sieurs qui en étaient à leur pre­mière étude cli­nique56.

Sano­fi-Aven­tis conti­nua à nier les accu­sa­tions, bien que selon les archives de la com­pa­gnie et le témoi­gnage d’un ancien employé celle-ci ait eu plei­ne­ment conscience qu’il s’a­gis­sait de don­nées frau­du­leuses et qu’elle n’ait rien fait.

Un des méde­cins cher­cheurs a été condam­né pour fraude après avoir enrô­lé des patients et fabri­qué des for­mu­laires de consen­te­ment, il reçut une peine de 57 mois de pri­son. Ce méde­cin avait recru­té plus de 400 patients, à rai­son de 400 dol­lars par patient, et aucun de ces patients n’a­vait aban­don­né l’é­tude, ni été per­du de vue pen­dant le sui­vi, ce qui est mani­fes­te­ment trop beau pour être vrai.

Après avoir ins­pec­té neuf autres sites qui recru­taient beau­coup de patients, la FDA en sou­mit trois à des enquêtes cri­mi­nelles56. Tou­te­fois, bien que la FDA ait été au cou­rant de l’in­con­duite, elle ne fit état d’au­cun pro­blème rela­tif aux don­nées lors de la réunion de son comi­té consul­ta­tif, en invo­quant l’ex­cuse d’une obli­ga­tion légale lui impo­sant de s’en abs­te­nir en rai­son de l’exis­tence d’une enquête cri­mi­nelle56. Ce n’est pas une excuse valable, étant don­né qu’il aurait pu déci­der de ne pré­sen­ter aucune don­née de cette étude, ou de retar­der la réunion jus­qu’à ce que les pro­blèmes aient été résolus.

Igno­rant tout des contro­verses, le comi­té vota pour recom­man­der l’ho­mo­lo­ga­tion à 11 contre 1. La FDA accep­ta en outre des rap­ports étran­gers de phar­ma­co­vi­gi­lance post homo­lo­ga­tion, comme preuves d’in­no­cui­té, bien que des don­nées non contrô­lées de ce genre soient sujettes à cau­tion, et quoique les enquê­teurs cri­mi­nels eurent recom­man­dé à la FDA d’exa­mi­ner la ques­tion de l’im­pli­ca­tion soup­çon­née de Sano­fi-Aven­tis dans une fraude sys­té­ma­tique. La FDA ne don­na pas suite à cette recom­man­da­tion et exer­ça plu­tôt des pres­sions sur ses cher­cheurs à l’in­terne pour qu’ils modi­fient leurs conclu­sions en faveur du médi­ca­ment, ce qui, comme on le ver­ra plus tard, semble être pra­tique cou­rante à la FDA.

Sano­fi-Aven­tis s’est van­tée que le lan­ce­ment du Ketek avait été celui de l’an­ti­bio­tique le plus réus­si de l’his­toire. Cepen­dant, sept mois seule­ment après le lan­ce­ment, on rap­por­tait un pre­mier décès dû à une insuf­fi­sance hépatique.

D’autres cas sui­virent. La FDA orga­ni­sa une réunion d’ur­gence de ses « haut diri­geants » – ce qui n’in­clut pas les res­pon­sables de la sécu­ri­té – et annon­ça que le médi­ca­ment était sans dan­ger en se réfé­rant à une étude qu’elle savait être frau­du­leuse56 ! Un mois plus tard, un des exa­mi­na­teurs du Ketek aler­ta la direc­tion géné­rale de la FDA au sujet des irré­gu­la­ri­tés, mais aucune action cor­ro­bo­ra­tive ne fut menée, et quelques mois plus tard, après 23 cas de bles­sures hépa­tiques graves et quatre décès rap­por­tés, le com­mis­saire Andrew von Eschen­bach, de la FDA, inter­dit aux cher­cheurs de par­ler du Ketek à l’ex­té­rieur de l’a­gence. La FDA ne chan­gea les éti­quettes de Ketek pour aler­ter au sujet de sa toxi­ci­té pour le foie que 16 mois après que le pre­mier cas eut été ren­du public. La défense publiée par l’a­gence pour tout cela cause un cer­tain malaise et res­semble beau­coup aux pro­pos de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique quand elle tente de défendre l’in­dé­fen­dable57.

Il est éton­nant de consta­ter que le Ketek est tou­jours dis­po­nible aux États-Unis, accom­pa­gné, tou­te­fois, d’une mise en garde ; par ailleurs, il n’est plus auto­ri­sé pour les mala­dies res­pi­ra­toires bénignes comme la sinu­site. L’in­for­ma­tion offi­cielle de la FDA sur le Ketek est tel­le­ment acca­blante que j’ai du mal à com­prendre qu’un méde­cin ose uti­li­ser ce médi­ca­ment, mais l’ex­pli­ca­tion la plus pro­bable, c’est que les méde­cins ne lisent pas les comptes-ren­dus de 26 pages sur les médi­ca­ments indi­vi­duels et ne connaissent pas les anté­cé­dents du Ketek58.

Astra­Ze­ne­ca a payé 355 mil­lions de dol­lars en 2003 après avoir plai­dé cou­pable à des accu­sa­tions d’a­voir encou­ra­gé des méde­cins à deman­der des rem­bour­se­ments illé­gaux de Medi­care pour son médi­ca­ment contre le can­cer de la pros­tate, le Zola­dex (gose­re­line), et sou­doyé des méde­cins pour qu’ils en achètent35.

Johnson&Johnson devait payer au-delà de 75 mil­lions de dol­lars aux auto­ri­tés du Royaume-Uni et des États-Unis en 2009 pour régler des incul­pa­tions de cor­rup­tion dans trois pays euro­péens et en Irak59. Les accu­sa­tions étaient liées au paie­ment allé­gué de pots-de-vin à des méde­cins en Grèce, en Pologne et en Rou­ma­nie, pour les encou­ra­ger à uti­li­ser les pro­duits de la com­pa­gnie, ain­si qu’à des admi­nis­tra­teurs du sec­teur hos­pi­ta­lier en Pologne, pour qu’ils accordent des contrats à la compagnie.

En 2005, Eli Lil­ly accep­ta de payer 36 mil­lions de dol­lars pour régler à l’a­miable des accu­sa­tions civiles et cri­mi­nelles rela­tives à du mar­ke­ting illé­gal du médi­ca­ment contre l’os­téo­po­rose Evis­ta (raloxi­fène) pour la pré­ven­tion des mala­dies car­diaques et du can­cer du sein dans des lettres envoyées aux méde­cins par son sec­teur des ventes60. La com­pa­gnie a aus­si dis­si­mu­lé des don­nées qui mon­traient une aug­men­ta­tion du risque de can­cer des ovaires. Eli Lil­ly rati­fia un enga­ge­ment d’in­té­gri­té corporative.

En 2001, TAP Phar­ma­ceu­ti­cals, une coen­tre­prise d’Abbott et Take­da, a payé 875 mil­lions de dol­lars, plai­dant cou­pable à des accu­sa­tions cri­mi­nelles de fraude pour avoir inci­té des méde­cins à fac­tu­rer au gou­ver­ne­ment des médi­ca­ments que la com­pa­gnie leur don­nait gra­tui­te­ment ou à prix réduit18,61,62.

En 2003, Abbott a payé 622 mil­lions de dol­lars pour régler une enquête sur ses pra­tiques de vente concer­nant des liquides ser­vant à nour­rir les patients gra­ve­ment malades61. Abbott don­na des tubes et des pompes per­met­tant d’in­tro­duire la nour­ri­ture liquide direc­te­ment dans le tube diges­tif du patient en échange de grosses com­mandes de liquides.

Plu­sieurs crimes ont par­fois été rap­por­tés dans les 10 pre­miers résul­tats de mes recherches sur Google à pro­pos de la même com­pa­gnie. GlaxoS­mi­thK­line, par exemple, a fer­mé une usine à Puer­to Rico en 2009 pour le motif qu’elle pro­dui­sait des médi­ca­ments défec­tueux63. La fabrique avait envoyé des lots de Paxil (paroxé­tine) qui conte­naient deux doses dif­fé­rentes et mélan­geaient deux médi­ca­ments dif­fé­rents, de l’A­ven­dia (rosi­gli­ta­zone) avec du Taga­met (cimé­ti­dine) et du Paxil, par exemple. Glaxo recon­nut être cou­pable de fraude cri­mi­nelle et reçut une amende de 750 mil­lions de dol­lars, dont 96 mil­lions étaient des­ti­nés à la don­neuse d’a­lerte, la direc­trice géné­rale du ser­vice de contrôle de la fia­bi­li­té de la com­pa­gnie, dont les inquié­tudes docu­men­tées avaient été igno­rées par la haute direc­tion qui la congé­dia64. Glaxo men­tit éga­le­ment aux enquê­teurs fédé­raux au sujet des pro­blèmes, quoique des phar­ma­ciens aient appe­lé l’u­sine direc­te­ment quand des patients se sont pré­sen­tés avec des com­pri­més de cou­leurs dif­fé­rentes dans leur médi­ca­tion. En plai­dant sa culpa­bi­li­té, Glaxo admit avoir dis­tri­bué des médi­ca­ments fre­la­tés, mais la com­pa­gnie a men­ti au public quand elle a indi­qué qu’elle avait volon­tai­re­ment rap­por­té à la FDA, en 2002, ses pré­oc­cu­pa­tions sur des ques­tions d’in­no­cui­té, et quand elle a affir­mé que « l’u­sine avait été fer­mée en 2009 en rai­son d’une dimi­nu­tion de la demande pour les médi­ca­ments fabri­qués là-bas ». Or on ne peut pas vrai­ment dire que des gros ven­deurs comme Avan­dia, Paxil et Taga­met sont en baisse de popularité.

En 2003, Glaxo a signé un enga­ge­ment d’in­té­gri­té cor­po­ra­tive et payé une amende civile de 88 mil­lions de dol­lars pour avoir sur­fac­tu­ré Medi­caid pour le Paxil et l’aé­ro­sol contre les aller­gies nasales Flo­nase (flu­ti­ca­sone)65. En 2003, la com­pa­gnie a fait face à une demande d’un mon­tant de 7,8 mil­liards de dol­lars en impôts impayés et en inté­rêts, demande la plus éle­vée de l’his­toire du fisc amé­ri­cain65. En 2004, la police finan­cière de l’I­ta­lie accu­sait plus de 4 000 méde­cins et 73 employés de Glaxo de cor­rup­tion, un com­plot de 228 mil­lions d’eu­ros qui impli­quait de l’argent comp­tant et d’autres béné­fices pour inci­ter les méde­cins à uti­li­ser les pro­duits de la com­pa­gnie, plus par­ti­cu­liè­re­ment en rela­tion avec des médi­ca­ments contre le can­cer66. Enfin, en 2006, la com­pa­gnie a réglé une dis­pute concer­nant des taxes en accep­tant de payer 3,1 mil­liards de dol­lars dans une affaire qui concer­nait des « frais de trans­port intra-entre­prise65 ».

Cer­tains crimes consistent à empê­cher les fabri­cants de géné­riques de péné­trer sur le mar­ché une fois qu’un bre­vet est échu, et GlaxoS­mi­thK­line a aus­si trem­pé dans des acti­vi­tés du genre67. En 2004, la com­pa­gnie accepte de payer 175 mil­lions de dol­lars pour régler une pour­suite qui l’ac­cu­sait d’a­voir blo­qué des formes géné­riques moins coû­teuses du Rela­fen (nabu­mé­tone, un AINS), en contra­ven­tion avec les lois anti­trust, et la com­pa­gnie s’at­ten­dait à payer 406 mil­lions de dol­lars pour cou­vrir les demandes réglées ou en attente d’un ver­dict au sujet du Rela­fen. En 2006, Glaxo paya 14 mil­lions de dol­lars pour résoudre des allé­ga­tions selon les­quelles les pro­grammes gou­ver­ne­men­taux auraient payé des prix gon­flés pour le Paxil parce que l’en­tre­prise avait frau­dé des bre­vets, enfreint des lois anti­trust, et s’é­tait adon­née à des pour­suites peu consis­tantes dans le des­sein de conser­ver un mono­pole et d’empêcher des ver­sions géné­riques d’en­trer sur le mar­ché65.

Aux États-Unis, il peut arri­ver que des géné­riques soient main­te­nus hors du mar­ché pen­dant des années, en toute léga­li­té. Une com­pa­gnie peut inten­ter une pour­suite contre un com­pé­ti­teur qui fabrique un géné­rique en accu­sant ce der­nier d’a­voir enfreint quelque autre bre­vet, et peu importe à quel point l’ac­cu­sa­tion est ridi­cule, l’ap­pro­ba­tion du géné­rique par la FDA est auto­ma­ti­que­ment retar­dée pen­dant 30 mois. Voi­ci com­ment on décrit un des élé­ments d’un plan de cours des­ti­né à des avo­cats et à des cadres supé­rieurs de l’in­dus­trie : « Com­ment uti­li­ser un sur­sis de 30 mois pour neu­tra­li­ser chaque défi d’un géné­rique68. » De cette manière, Glaxo a réus­si à ral­lon­ger l’ex­clu­si­vi­té de son anti­dé­pres­seur vedette, le Paxil, pen­dant plus de 5 ans69 !

Les avo­cas­se­ries consti­tuent aus­si un grave pro­blème en Europe. En 2008, un rap­port de la Com­mis­sion euro­péenne esti­mait que les tac­tiques légales des com­pa­gnies pour écar­ter les géné­riques du mar­ché avaient coû­té 3 mil­liards d’eu­ros à l’UE en seule­ment 8 ans70. Une bonne illus­tra­tion de l’é­tat lamen­table de notre droit des bre­vets nous est four­nie par une affaire dans laquelle une com­pa­gnie a enre­gis­tré 1300 bre­vets pour le même médi­ca­ment. Je men­tion­ne­rai aus­si des exemples récents de com­pa­gnies fabri­quant des appa­reils ou des médi­ca­ments qui ne figurent pas dans les 10 plus impor­tantes. Bris­tol-Myers Squibb accep­ta en 2007 de payer plus de 515 mil­lions de dol­lars pour régler une affaire de mar­ke­ting illé­gal et de fixa­tion frau­du­leuse des prix impli­quant des paie­ments effec­tués à des méde­cins pour les encou­ra­ger à uti­li­ser aus­si les médi­ca­ments de la com­pa­gnie hors indi­ca­tions71. En 2003, Bris­tol-Myers Squibb a payé 670 mil­lions de dol­lars pour régler des accu­sa­tions de contra­ven­tions à la loi anti­trust qui avaient contraint des patients can­cé­reux et d’autres à sur­payer pour des médi­ca­tions impor­tantes et sou­vent vitales, le tout à l’é­chelle de cen­taines de mil­lions de dol­lars72,73. La Fede­ral Trade Com­mis­sion a accu­sé la com­pa­gnie d’a­voir sys­té­ma­ti­que­ment blo­qué l’en­trée de com­pé­ti­teurs géné­riques sur le mar­ché de manière illé­gale pen­dant une décen­nie, en ayant trom­pé le bureau des bre­vets par le dépôt de sou­mis­sions frau­du­leuses, et en ayant offert un pot-de-vin de 72 mil­lions de dol­lars à un concur­rent pour le dis­sua­der de com­mer­cia­li­ser son médi­ca­ment géné­rique73.

En 2013, la Com­mis­sion euro­péenne a impo­sé une amende de 94 mil­lions d’eu­ros à Lund­beck, et des amendes tota­li­sant 52 mil­lions d’eu­ros à plu­sieurs pro­duc­teurs de cita­lo­pram géné­rique (Cipra­mil) qui, en échange d’argent comp­tant, s’é­taient enten­dus avec Lund­beck en 2002 pour retar­der l’en­trée de l’an­ti­dé­pres­seur sur le mar­ché, au mépris des règle­ments anti­trust de l’UE74. Lund­beck avait aus­si ache­té l’in­ven­taire des géné­riques dans le seul but de les détruire.

En 2006, on rap­por­ta dans une pour­suite inten­tée par un lan­ceur d’a­lerte que Med­tro­nic avait dépen­sé au moins 50 mil­lions de dol­lars en paie­ments à d’é­mi­nents chi­rur­giens du dos au cours d’une période de 4 ans75. Selon le minis­tère de la Jus­tice des Etats-Unis, Med­tro­nic paya des méde­cins entre 1000 $ et 2 000 $ par patient à qui l’on implan­tait un des appa­reils de la com­pa­gnie76. Un chi­rur­gien, qui a reçu presque 700 000 $ en frais de consul­ta­tion de la part de Med­tro­nic au cours d’une période de 9 mois, décla­ra que ses hono­raires étaient un dédom­ma­ge­ment pour le temps qu’il pas­sait loin de sa famille et de sa pra­tique75. La pour­suite a révé­lé que Med­tro­nic orga­ni­sait des confé­rences médi­cales dont l’ob­jec­tif prin­ci­pal consis­tait à « faire en sorte que le méde­cin, par quelque moyen finan­cier que ce soit », uti­lise ses appareils.

Med­tro­nic a sui­vi de près l’u­ti­li­sa­tion de ses appa­reils par les méde­cins qui assis­taient aux confé­rences, en choi­sis­sant à don­ner à cer­tains d’entre eux une « atten­tion spé­ciale ». Un ancien pré­sident de l’Ame­ri­can Aca­de­my of Ortho­pé­die Sur­geons a remar­qué que les sommes d’argent étaient astro­no­miques (le coût des com­po­santes néces­saires dans le cas d’une chi­rur­gie de fusion lom­baire oscille habi­tuel­le­ment autour de 13 000 $), et que les fabri­cants d’ap­pa­reils connais­saient l’a­cha­lan­dage de ces chi­rur­giens. Le pro­gramme de pots-de-vin com­por­tait des acti­vi­tés par­ti­cu­lières, comme celle d’in­vi­ter les méde­cins au Pla­ti­num Plus, un club d’ef­feuilleuses de Mem­phis, au Ten­nes­see, en camou­flant les dépenses comme s’il s’a­gis­sait d’une soi­rée au ballet.

En 2007, après avoir admis le paie­ment de dizaines, voire de cen­taines de mil­liers de dol­lars en « frais de consul­ta­tion » à des chi­rur­giens pour qu’ils uti­lisent leurs appa­reils, cinq manu­fac­tu­riers de dis­po­si­tifs de rem­pla­ce­ment de la hanche et du genou, Zim­mer, DePuy Ortho­pae­dics, Bio­met, Smith & Nephew et Stry­ker Ortho­pe­dics, ont accep­té un règle­ment à l’a­miable avec le gou­ver­ne­ment fédé­ral des États-Unis77.

En 2006, les labo­ra­toires Sero­no ont plai­dé cou­pable à deux accu­sa­tions de com­plot et ils ont accep­té de payer 704 mil­lions de dol­lars pour régler à l’a­miable des accu­sa­tions cri­mi­nelles pour avoir par­ti­ci­pé à un sys­tème de pots-de-vin éla­bo­ré pour encou­ra­ger les ventes de son médi­ca­ment pour trai­ter le SIDA, Sero­stim (soma­tro­pine de l’ADN recom­bi­né)78.

En 2004, Sche­ring-Plough a accep­té un règle­ment de 346 mil­lions de dol­lars pour avoir ver­sé des pots-de-vin ; Bayer a payé 257 mil­lions de dol­lars et GlaxoS­mi­thK­line 87 mil­lions de dol­lars pour régler des allé­ga­tions simi­laires79. Par­mi d’autres com­pa­gnies impli­quées, on trouve Astra­Ze­ne­ca, Dey, Pfi­zer et TAP Phar­ma­ceu­ti­cals80.

En 2007, Pur­due Phar­ma et son pré­sident, son prin­ci­pal avo­cat et son ancien direc­teur médi­cal ont dû payer un total de 635 mil­lions de dol­lars en amendes pour avoir affir­mé que l’Oxy­Con­tin (oxy­co­done, un médi­ca­ment appa­ren­té à la mor­phine) était moins toxi­co­ma­no­gène, moins sus­cep­tible d’en­traî­ner des abus et moins sus­cep­tible de cau­ser des symp­tômes de sevrage que les autres opia­cés. La com­pa­gnie a admis avoir men­ti aux méde­cins et aux patients à pro­pos des risques dans le des­sein de sti­mu­ler les ventes81. Le médi­ca­ment devint très popu­laire par­mi les toxi­co­manes, en fait un stu­pé­fiant de pre­mier choix qu’ils dési­gnaient comme « l’hé­roïne des péque­nauds82 ». Il est res­pon­sable d’une quan­ti­té énorme de décès. En Aus­tra­lie, la plu­part de ceux qui sont morts n’é­taient pas des toxi­co­manes mais des gens qui fai­saient des sur­doses acci­den­telles83. Le direc­teur du US Cen­ter on Addic­tion and Sub­stance Abuse a décla­ré84 :

Je crois que ces gens sont des col­por­teurs de drogues, tout comme les col­por­teurs de stu­pé­fiants qu’on trouve dans la rue. Il est scan­da­leux que ces gens fassent la pro­mo­tion de ce médi­ca­ment sur le mar­ché en sachant qu’en rai­son de sa puis­sance toxi­co­ma­no­gène, ses effets nui­ront à des mil­lions de per­sonnes innocentes.

On a inter­dit à trois chefs de la direc­tion de faire des affaires avec le gou­ver­ne­ment pen­dant 12 ans83. Pur­due for­ma sa force de vente pour affir­mer aux méde­cins que le risque de phar­ma­co­dé­pen­dance était infé­rieur à 1 %, ce qui n’est pas vrai, étant don­né que le risque est simi­laire à celui des autres opia­cés82.

Pur­due ver­sa 3 mil­lions de dol­lars au Mas­sa­chu­setts Gene­ral Hos­pi­tal de Bos­ton pour que son centre sur la dou­leur soit rebap­ti­sé « « MGH Pur­due Phar­ma Pain Cen­ter »18. L’en­tente impli­quait aus­si que les spé­cia­listes de la dou­leur de l’hô­pi­tal devaient uti­li­ser « un cur­ri­cu­lum conçu par Pur­due, et rédi­gé en par­tie pour encou­ra­ger les phar­ma­ciens et les méde­cins méti­cu­leux à pres­crire des anal­gé­siques comme l’Oxy­Con­tin ». La cor­rup­tion était totale.

L’Oxy­Con­tin a aus­si été le sujet d’une cam­pagne de pro­mo­tion extrê­me­ment agres­sive au Dane­mark, au point de deve­nir un sujet de conver­sa­tion même par­mi les méde­cins qui uti­li­saient rare­ment des médi­ca­ments assi­mi­lables à la mor­phine. Les ven­deurs étaient comme des mouches tsé-tsé qui bour­don­naient autour de tout ce qui bou­geait dans un sar­rau. Le médi­ca­ment est très dis­pen­dieux et ne pro­cure aucun avan­tage par rap­port aux autres pro­duits beau­coup moins chers. Or, mal­gré cela, le comi­té des médi­ca­ments de l’hô­pi­tal où je tra­vaille s’est vu contraint d’in­ter­dire le médi­ca­ment tout sim­ple­ment, de sorte que les cli­ni­ciens ne pou­vaient plus en com­man­der de la pharmacie.

Les crimes sont tellement répandus, répétitifs, et variés, qu’il est impossible de ne pas conclure qu’ils sont commis délibérément, car le crime est payant. Les compagnies considèrent les amendes comme des coûts de marketing et poursuivent leurs activités illégales comme si de rien n’était.

Il est aus­si impor­tant de sou­li­gner que plu­sieurs des crimes auraient été impos­sibles à com­mettre si des méde­cins n’a­vaient pas été dis­po­sés à col­la­bo­rer. Les méde­cins sont com­plices des crimes quand ils acceptent des pots-de-vin et s’a­donnent à d’autres types de cor­rup­tion, sou­vent reliés au mar­ke­ting illé­gal. Il est curieux de voir que des méde­cins puissent être payés par les com­pa­gnies pour faire exac­te­ment cela sans être punis. Quand les médi­ca­ments sont fabri­qués pour des uti­li­sa­tions hors indi­ca­tions, on ignore s’ils sont effi­caces ou s’ils sont trop dan­ge­reux pour être uti­li­sés, par les enfants, par exemple. C’est pour­quoi on tient cette façon de pro­cé­der comme ana­logue à l’u­ti­li­sa­tion de citoyens comme rats de labo­ra­toire85 à grande échelle, et sans dis­po­ser de leur consen­te­ment éclai­ré.

Même quand les méde­cins uti­lisent des médi­ca­ments seule­ment pour des indi­ca­tions approu­vées, les crimes ont des consé­quences sur leurs patients. Les méde­cins n’ont accès qu’à de l’in­for­ma­tion mani­pu­lée et sélec­tion­née16,22,43 et croient donc les médi­ca­ments beau­coup plus effi­caces et sécu­ri­taires qu’ils ne le sont vrai­ment. Par consé­quent, tant le mar­ke­ting légal que le mar­ke­ting illé­gal entraînent un sur­trai­te­ment éten­du de la popu­la­tion et beau­coup de dom­mages qui pour­raient être évités.

Plu­sieurs crimes impliquent la cor­rup­tion à grande échelle de méde­cins qui reçoivent de l’argent pour les encou­ra­ger à pres­crire des médi­ca­ments qui sont sou­vent 10 ou 20 fois plus dis­pen­dieux que des médi­ca­ment exis­tants qui sont tout aus­si bons, et par­fois même supé­rieurs. Le US Office of the Ins­pec­tor Gene­ral of the Depart­ment of Health and Human Ser­vices a émis un aver­tis­se­ment selon lequel les nom­breuses pra­tiques exis­tantes impli­quant des cadeaux et des paie­ments à des méde­cins pour influen­cer leurs choix d’or­don­nances auraient le poten­tiel de contre­ve­nir aux lois fédé­rales contre la cor­rup­tion69. Mal­heu­reu­se­ment, le seul orga­nisme qui semble avoir pris au sérieux la gra­vi­té de la situa­tion est l’A­me­ri­can Médi­cal Student Asso­cia­tion, qui a voté une inter­dic­tion totale à tous les étu­diants en méde­cine d’ac­cep­ter des cadeaux ou des faveurs69.

C’EST DU CRIME ORGANISÉ

En 2004–2005, le comi­té sur la san­té de la Chambre des com­munes du Royaume-Uni a exa­mi­né l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique en détails17 et a conclu que son influence était énorme et hors de contrôle86. Les par­le­men­taires ont décou­vert une indus­trie qui achète de l’in­fluence auprès des méde­cins, des œuvres de bien­fai­sance, des groupes de patients, des jour­na­listes et des poli­ti­ciens, et dont la régle­men­ta­tion est par­fois timide ou ambi­guë87. En outre, le minis­tère de la San­té n’est pas seule­ment res­pon­sable du ser­vice de san­té natio­nal, mais aus­si de repré­sen­ter les inté­rêts de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. Le rap­port du comi­té a clai­re­ment éta­bli qu’il serait bon pour tout le monde de réduire l’in­fluence de l’in­dus­trie, y com­pris pour l’in­dus­trie elle-même, qui pour­rait se concen­trer sur l’é­la­bo­ra­tion de nou­veaux médi­ca­ments plu­tôt que de cor­rompre des méde­cins, des regrou­pe­ments de patients, ou n’im­porte qui d’autre88. Le rap­port a aus­si affir­mé qu’on a besoin d’une indus­trie qui soit gui­dée par les valeurs de ses scien­ti­fiques, non pas par celles de son dépar­te­ment du mar­ke­ting. De plus, le comi­té s’est mon­tré par­ti­cu­liè­re­ment inquiet de l’aug­men­ta­tion de la médi­ca­li­sa­tion, c’est-à-dire de la croyance selon laquelle chaque pro­blème néces­site un comprimé.

Néan­moins, le gou­ver­ne­ment bri­tan­nique n’a rien fait à la suite du rap­port acca­blant du comi­té sur la san­té, pro­ba­ble­ment en rai­son du fait que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique bri­tan­nique consti­tue la troi­sième acti­vi­té la plus pro­fi­table, après le tou­risme et la finance88. Après qu’on leur a pré­sen­té des preuves écra­santes et sans équi­voque de l’in­fluence mal­saine de l’in­dus­trie sur la san­té publique, les fonc­tion­naires du gou­ver­ne­ment ont décla­ré qu’il n’exis­tait aucune preuve de l’in­fluence mal­saine de l’in­dus­trie sur la san­té publique89 !

Le minis­tère de la San­té se por­ta à la défense de l’in­dus­trie en invo­quant son sur­plus com­mer­cial de 3 mil­liards de livres, et sou­tint que les repré­sen­tants phar­ma­ceu­tiques don­naient des bonnes infor­ma­tions aux méde­cins. Il défen­dit même le nombre crois­sant de pres­crip­tions pour des anti­dé­pres­seurs bien que cela soit pra­ti­que­ment indé­fen­dable, comme je l’ex­pli­que­rai au cha­pitre 17. Les excès allé­gués de la pro­mo­tion com­mer­ciale furent balayés du revers de la main en se fon­dant sur l’ar­gu­ment que des méca­nismes appro­priés étaient en place. C’est ce que Ben Gol­dacre appelle de « fausses cor­rec­tions90 ». D’une fois à l’autre, le public se fait offrir des assu­rances men­son­gères affir­mant que le pro­blème a été corrigé.

Quand on a posé la ques­tion direc­te­ment, c’est-à-dire si le Minis­tère com­pre­nait l’exis­tence d’un conflit fon­da­men­tal entre l’in­té­rêt de l’in­dus­trie pour le pro­fit et la res­pon­sa­bi­li­té du gou­ver­ne­ment de pro­té­ger la san­té publique, la réponse a été que la « rela­tion des par­ties pre­nantes » entre le gou­ver­ne­ment et l’in­dus­trie « entraîne de nom­breux gains et plu­sieurs remèdes inno­va­teurs dont les impacts sur la san­té sont énormes ».

Les mots me manquent. En consta­tant l’at­ti­tude gou­ver­ne­men­tale de déni total, il n’est guère sur­pre­nant que le crime pros­père dans l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, en se pro­pa­geant comme les mau­vaises herbes.

La clé de voûte de la US Orga­ni­zed Crime Control Act de 1970 est la Racke­teer Influen­ced and Cor­rupt Orga­ni­za­tions Act (RICO)91. Le racke­té­risme consiste à com­mettre un cer­tain type d’of­fense à plus d’une reprise. La liste des offenses qui consti­tuent du racke­té­risme inclut l’ex­tor­sion, la fraude, les infrac­tions fédé­rales liées à la drogue, la cor­rup­tion, les détour­ne­ments de fonds, l’obs­truc­tion de la jus­tice, l’obs­truc­tion de l’ap­pli­ca­tion de la loi, la subor­na­tion de témoins, et la cor­rup­tion poli­tique. Les grosses phar­ma­ceu­tiques s’a­donnent si sou­vent à tout cela constam­ment qu’il ne peut y avoir aucun doute que son modèle d’af­faires satis­fait aux cri­tères du crime organisé.

Un ancien vice-pré­sident du mar­ke­ting inter­na­tio­nal de Pfi­zer [Peter Rost] deve­nu lan­ceur d’a­lerte après que la com­pa­gnie eut igno­ré ses plaintes à pro­pos du mar­ke­ting illé­gal a une opi­nion simi­laire92 :

Il est effrayant de consta­ter toutes les simi­li­tudes qui existent entre cette indus­trie et la pègre. Le monde inter­lope génère des mon­tants d’argent obs­cènes, tout comme cette indus­trie. Les effets secon­daires du crime orga­ni­sé sont des assas­si­nats et des décès, et les effets secon­daires sont iden­tiques pour cette indus­trie. La mafia sou­doie des poli­ti­ciens et beau­coup d’autres, et il en va de même dans cette indus­trie. La dif­fé­rence est que, tous ces gens dans l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique se consi­dèrent eux-mêmes – eh bien, disons au moins dans 99 pourcent des cas – se voient comme des citoyens res­pec­tueux de la loi, non pas comme des citoyens qui ose­raient voler une banque Cepen­dant, quand ils se réunissent en groupe et dirigent ces socié­tés, il semble qu’une chose se pro­duise avec des citoyens autre­ment exem­plaires quand ils font par­tie d’une cor­po­ra­tion. Cela res­semble presque aux atro­ci­tés per­pé­trées pen­dant une guerre ; les gens font des choses qu’ils ne pen­saient pas être capables de faire. Quand ils font par­tie d’un groupe, les gens peuvent faire des choses qu’ils ne feraient pas autre­ment, parce que le groupe peut vali­der la jus­tesse de leurs actions.

Quand un crime a entraî­né le décès de mil­liers de gens, on devrait le tenir pour un crime contre l’hu­ma­ni­té. Notre per­cep­tion du méfait ne devrait pas faire une dif­fé­rence entre les meurtres com­mis avec des armes et ceux qui sont com­mis avec des com­pri­més. Or, jus­qu’à récem­ment, il régnait une com­plai­sance remar­quable même en pré­sence de crimes mor­tels. Cela pour­rait être sur le point de chan­ger, du moins, aux États-Unis. En 2010, le minis­tère de la Jus­tice a por­té des accu­sa­tions offi­cielles contre un ancien vice-pré­sident de GlaxoS­mi­thK­line34.

Une des réac­tions typiques de l’in­dus­trie quand des scan­dales éclatent dans les médias consiste à dire que ses pra­tiques ont chan­gé radi­ca­le­ment depuis que les crimes ont été com­mis. C’est faux. En réa­li­té, le nombre de crimes aug­mente de manière ver­ti­gi­neuse. D’a­près le Public Citi­zen’s Health Research Group, trois quarts des 165 règle­ments tota­li­sant des péna­li­tés de 20 mil­liards de dol­lars sur une période de 20 ans entre 1991 et 2010 se sont pro­duits dans les cinq der­nières années de cette période93. Une mise à jour a démon­tré qu’en 21 mois seule­ment, soit jus­qu’en juillet 2012, on était arri­vé à des règle­ments tota­li­sant 10 mil­liards de dol­lars addi­tion­nels94.

Com­pa­rés à l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, les méde­cins ne font pas déli­bé­ré­ment du mal à leurs patients. Et quand ils en font, que ce soit par acci­dent, par igno­rance, ou par négli­gence, ils ne font du mal qu’à un patient à la fois. Comme les actions des direc­teurs de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique ont le poten­tiel de faire du tort à des mil­liers, voire à des mil­lions de gens, leurs normes d’é­thique devraient être beau­coup plus éle­vées que celles des méde­cins. Dès lors, l’in­for­ma­tion qu’ils donnent sur leurs médi­ca­ments devrait être aus­si conforme à la réa­li­té que pos­sible après un exa­men méti­cu­leux et hon­nête des don­nées. Rien de tout cela n’est actuel­le­ment le cas, et quand des jour­na­listes me demandent ce que je pense des normes d’é­thique de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, je fais sou­vent une blague en disant que je ne peux pas décrire ce qui n’existe pas. La seule norme de l’in­dus­trie, c’est l’argent, et votre talent est éva­lué en fonc­tion de la quan­ti­té d’argent que vous rap­por­tez à la com­pa­gnie. L’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique compte une foule de gens hon­nêtes et res­pec­tables, mais ceux qui se hissent au som­met ont été décrits comme autant de « salauds impi­toyables » par le cri­mi­no­logue John Brai­th­waite, qui en a inter­viewé plu­sieurs17. Aux États-Unis, les grandes phar­ma­ceu­tiques sur­passent toutes les autres indus­tries en termes de cri­mi­na­li­té. Elles comptent plus du triple d’in­frac­tions sérieuses ou modé­ré­ment sérieuses que les autres com­pa­gnies, et ce score se main­tient même quand on ajuste en fonc­tion de la taille de l’en­tre­prise12, 61. Les grandes com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques ont aus­si la pire feuille de route par­mi les autres com­pa­gnies en ce qui touche la cor­rup­tion et les pots-de-vin inter­na­tio­naux, ain­si qu’en termes de négli­gence cri­mi­nelle pour avoir fabri­qué des médi­ca­ments de manière dan­ge­reuse12. Sur une période de cinq ans, de 1966 à 1971, la FDA a dû rap­pe­ler 1 935 pro­duits médi­ca­men­teux, dont 806 pour adul­té­ra­tion ou conta­mi­na­tion, 752 à cause d’une acti­vi­té thé­ra­peu­tique infé­rieure ou supé­rieure, et 377 pour des erreurs d’é­ti­que­tage61.

La cor­rup­tion est rou­ti­nière et implique d’im­por­tantes sommes d’argent. Presque toutes les caté­go­ries de gens qui peuvent affec­ter les inté­rêts de l’in­dus­trie ont été cor­rom­pues : des méde­cins, des admi­nis­tra­teurs hos­pi­ta­liers, des ministres, des ins­pec­teurs, des doua­niers, des répar­ti­teurs, des offi­ciels res­pon­sables de l’ho­mo­lo­ga­tion, des ins­pec­teurs d’u­sine, des fonc­tion­naires char­gés de l’é­ta­blis­se­ment des prix, et des par­tis poli­tiques. En Amé­rique latine, le poste de ministre de la San­té est très convoi­té, étant don­né que ce ministre devient presque inva­ria­ble­ment riche d’une for­tune pro­ve­nant de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique12.

Au début du cha­pitre, j’ai posé la ques­tion qui consiste à savoir si on est en pré­sence d’une pomme pour­rie iso­lée par-ci par-là, ou encore si le panier est pour­ri en entier. Ce qu’on peut obser­ver, c’est du crime orga­ni­sé au sein d’une indus­trie cor­rom­pue jus­qu’au cœur.


Chapitre 20 Démolir les mythes de l’industrie

Les mythes de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique au sujet de ses acti­vi­tés et de ses moti­va­tions ont été si sou­vent répé­tés qu’ils sont lar­ge­ment crus par les méde­cins, les poli­ti­ciens et la popu­la­tion géné­rale. Puis­qu’ils consti­tuent un obs­tacle empê­chant la créa­tion d’un sys­tème de soins de san­té ration­nel, libre de toute cor­rup­tion, je vais démo­lir les plus per­ni­cieux avant de sug­gé­rer des réformes dans le pro­chain chapitre.

Mythe 1 : Les médicaments sont dispendieux en raison des coûts élevés de leur découverte et de leur mise au point

L’an­cien PDG de Merck, Ray­mond Gil­mar­tin, a recon­nu qu’il s’a­git là d’un mythe : « Le prix des médi­ca­ments n’est pas déter­mi­né par leurs coûts de recherche. Il est plu­tôt déter­mi­né par leur valeur en pré­ven­tion et en trai­te­ment de la mala­die1. » Gil­mar­tin a oublié de men­tion­ner que les prix des médi­ca­ments reflètent non seule­ment ce que la socié­té est prête à payer mais aus­si l’ex­cel­lence des com­pa­gnies à se pro­té­ger de la concur­rence. Les acti­vi­tés pour com­battre la concur­rence sont lar­ge­ment répan­dues2,3 et la fixa­tion des prix est habi­tuelle4,6.

Nous enten­dons sou­vent dire qu’il en coûte 800 mil­lions de dol­lars (en dol­lars de l’an 2000) pour intro­duire un nou­veau médi­ca­ment sur le mar­ché, mais c’est un men­songe. Ce coût est fon­dé sur des méthodes défec­tueuses, une théo­rie comp­table dis­cu­table et sur une foi aveugle en la vali­di­té d’in­for­ma­tions confi­den­tielles four­nies par l’in­dus­trie à ses consul­tants en éco­no­mie de deux uni­ver­si­tés à la solde de cette même indus­trie1,3,7. Le vrai coût est pro­ba­ble­ment infé­rieur à 100 mil­lions de dol­lars3.

La zido­vu­dine, le pre­mier médi­ca­ment du SIDA, a été syn­thé­ti­sée à la Fon­da­tion du can­cer du Michi­gan en 19643. Il en a coû­té très peu à Bur­roughs Well­come pour la mettre au point, mais la com­pa­gnie a quand même exi­gé 10 000 $ par an pour trai­ter un patient en 19871. Il s’a­gis­sait d’un abus mani­feste d’une situa­tion de mono­pole à l’en­contre des patients déses­pé­ré­ment malades exi­geant le médi­ca­ment quel qu’en soit le coût. En 2003, quand Abbott aug­men­ta subi­te­ment de 400 % le prix de son médi­ca­ment contre le SIDA, dont l’in­ven­tion avait été sou­te­nue par des mil­lions de dol­lars payés par les contri­buables, elle pro­vo­qua un tumulte et des cen­taines de méde­cins ont déci­dé de boy­cot­ter tous les pro­duits d’Ab­bott dans la mesure du pos­sible8.

Un exemple de même nature est celui de l’i­ma­ti­nib (Gli­vec ou Glee­vec) très effi­cace contre la leu­cé­mie lym­phoïde chro­nique. Novar­tis l’a­vait syn­thé­ti­sé, mais n’é­tait pas inté­res­sée par ce pro­duit jus­qu’à ce qu’un héma­to­lo­giste l’é­tu­dié et trouve qu’il était très effi­cace. Encore là, les coûts de la mise au point furent minimes, mais cela n’empêcha pas Novar­tis d’exi­ger 25 000 dol­lars pour le trai­te­ment d’une année, en 20023.

Le Taxol est l’un de nos médi­ca­ments les plus utiles contre le can­cer. Il a été déri­vé de l’é­corce de l’if du Paci­fique et plus tard syn­thé­ti­sé par des scien­ti­fiques finan­cés par le NIH1. Le médi­ca­ment fut don­né à Bris­tol-Myers Squibb qui, en dépit des coûts minimes de sa mise au point, exi­gea de 10 000 à 20 000 dol­lars par année de trai­te­ment en 1993. Quand son bre­vet expi­ra, la com­pa­gnie pour­sui­vit toute per­sonne qui se pro­po­sait de mettre en mar­ché une ver­sion géné­rique moins coû­teuse9. Vingt-neuf États amé­ri­cains ont pour­sui­vi Bris­tol-Meyers Squibb pour infrac­tion à la loi contre les mono­poles, mais pen­dant que les pro­cé­dures se dérou­laient et une fois que la pour­suite fut réglée à l’a­miable pour un coût de 135 mil­lions de dol­lars pour la com­pa­gnie, elle en avait tiré un reve­nu excé­dant 5 mil­liards de dollars.

Une fois que plu­sieurs com­pa­gnies qui met­taient en mar­ché des ver­sions géné­riques du cita­lo­pram les eurent reti­rées du mar­ché danois, en 2010, pour diverses rai­sons, le prix du médi­ca­ment aug­men­ta subi­te­ment par un fac­teur de 12. Les com­pa­gnies qui ont aug­men­té le prix ont refu­sé de com­men­ter10.

Un autre exemple bizarre qui a été rele­vé : toutes les com­pa­gnies ven­dant de la sim­vas­ta­tine géné­rique, uti­li­sée par près de 6 % de tous les Danois, aug­men­tèrent le prix de la dose de 40 mg par un fac­teur de 811. La dose de 40 mg était la plus cou­ram­ment uti­li­sée. Le médi­ca­ment était aus­si dis­po­nible en dose de 20 mg et se ven­dait le cin­quième du prix mais en ver­tu de la loi, les phar­ma­cies n’a­vaient pas le droit de dis­tri­buer la dose moins coû­teuse ni de dire aux patients de prendre deux com­pri­més au lieu d’un. Bien que les cinq com­pa­gnies aient aug­men­té les prix exac­te­ment au même niveau, à la seconde déci­male près, elles nièrent s’être enten­dues pour fixer les prix et les auto­ri­tés ont lan­cé une enquête12. Cette manœuvre déloyale allait coû­ter aux contri­buables danois une somme addi­tion­nelle de 63 mil­lions de dol­lars chaque année, pour un médi­ca­ment hors brevet.

Sche­ring ache­ta une hor­mone d’une autre socié­té pour l’u­ti­li­ser chez les femmes souf­frant de symp­tômes de la méno­pause et ven­dit le médi­ca­ment avec une majo­ra­tion de 7 000 %4. Par ailleurs, quand le Librium et le Valium furent bre­ve­tés, Roche les ven­dit en Colom­bie à un prix 65 fois plus éle­vé que le prix en Europe6. En 2006, la Com­mis­sion fédé­rale du com­merce des Etats-Unis lan­ça une pour­suite judi­ciaire contre Lund­beck pour le motif que la com­pa­gnie aurait pris avan­tage d’une situa­tion de mono­pole pour exploi­ter les nour­ris­sons gra­ve­ment malades13. Lund­beck avait ache­té une entre­prise amé­ri­caine qui avait aug­men­té le prix d’un vieux médi­ca­ment capable de sau­ver la vie, l’in­do­mé­ta­cine de 1300% après l’a­voir ache­té de Merck. Il n’exis­tait aucun coût de mise au point pour expli­quer ces explo­sions de prix.

Pen­dant des années, les obs­té­tri­ciens avaient uti­li­sé une hor­mone natu­relle pour la pré­ven­tion de la nais­sance pré­ma­tu­rée, la pro­ges­té­rone, arri­vée sur le mar­ché, il y a plus de 50 ans14. Les phar­ma­cies la pré­pa­raient pour les méde­cins et elle coû­tait de 10 à 20 dol­lars par injec­tion. Quand la socié­té KV Phar­ma­ceu­ti­cals obtint du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain l’ap­pro­ba­tion de l’ex­clu­si­vi­té de la vente du médi­ca­ment sous le nom de Make­na, le prix grim­pa à 1 500 dol­lars la dose, une aug­men­ta­tion de 75 à 150 fois. La com­pa­gnie pré­tex­ta de façon gro­tesque que les « mamans » méri­taient de pro­fi­ter des avan­tages d’un Make­na approu­vé par la FDA alors que les méde­cins disaient que l’ar­ran­ge­ment allait pro­ba­ble­ment sus­ci­ter plus de nais­sances pré­ma­tu­rées (et en consé­quence plus d’en­fants souf­frant de lésions céré­brales) puisque de nom­breuses femmes ne pour­raient pas payer le médi­ca­ment. Cer­tains méde­cins étaient heu­reux de pou­voir obte­nir la ver­sion moins coû­teuse auprès des phar­ma­cies qui la pré­pa­raient mais la com­pa­gnie réagit en envoyant des lettres de mise en demeure aux phar­ma­cies les pré­ve­nant qu’elles pour­raient être confron­tées à des injonc­tions de la part de la FDA si elles per­sis­taient à pré­pa­rer le médicament.

Nous sommes tous res­pon­sables de la socié­té com­pli­quée que nous avons créée, dans laquelle nous dépen­dons tous les uns des autres tout en tirant avan­tage de la spé­cia­li­sa­tion. Mais quand les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques extorquent des prix exor­bi­tants pour leurs médi­ca­ments, elles se moquent de leurs obli­ga­tions envers les patients, les contri­buables, nos socié­tés et notre patri­moine col­lec­tif à un tel point qu’elles finissent par s’ex­clure elles-mêmes de la socié­té, tout comme les cri­mi­nels le font. C’est du vol.

Des cher­cheurs ont mon­tré que le coût annuel par patient est inver­se­ment lié à la pré­va­lence de la mala­die. Des cher­cheurs ita­liens sont allés une étape plus loin et ont mis au point une for­mule simple qui s’a­juste très bien aux don­nées qu’ils pos­sé­daient pour 17 remèdes contre le can­cer :15

Cal­cul du coût annuel par patient = 2 mil­lions d’€ x (e-0,004 nombre de patients + 10 000 €)

Le coût annuel par patient d’un médi­ca­ment pour lequel il existe 900 patients en Ita­lie sera d’en­vi­ron 60 000 euros.

Dans la même veine, les médi­ca­ments pour les patients souf­frant d’in­suf­fi­sances enzy­ma­tiques rares sont épou­van­ta­ble­ment dis­pen­dieux, par exemple 600 000 $ par année pour trai­ter la mala­die de Gau­cher16, bien que toute la recherche et la mise au point ini­tiale aient été effec­tuées par des cher­cheurs finan­cés par le NIH1.

Le der­nier mot pour détruire le mythe selon lequel les prix des médi­ca­ments reflètent les coûts de la recherche et de la mise au point est : « Que peut-on dire des coûts beau­coup plus éle­vés encou­rus pour pro­mou­voir les ventes3 ? Ceux qui paient les médi­ca­ments paient aus­si pour ce mar­ke­ting extra­va­gant. Si les nou­veaux médi­ca­ments étaient vrai­ment aus­si bons que l’in­dus­trie veut nous le faire croire, il n’y aurait aucun besoin d’en faire la pro­mo­tion ni de cor­rompre les méde­cins pour qu’ils les utilisent. »

Mythe 2 : Si l’on n’utilise pas les médicaments coûteux, l’innovation va se tarir

Les poli­ti­ciens et les méde­cins adhèrent lar­ge­ment à ce mythe, bien qu’il soit com­plè­te­ment ridi­cule. Est-ce qu’ils seraient dis­po­sés à payer 20 fois plus cher leur nou­velle voi­ture pour le seul motif que, selon leur ven­deur, les voi­tures seraient de bien meilleure qua­li­té dans l’avenir ?

Selon Mar­cia Angell, ancienne rédac­trice en chef du New England Jour­nal of Medi­cine, l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique insiste pour qu’on la laisse tran­quille, sans aucun contrôle social et elle menace aus­si nos socié­tés. « Ne nous impor­tu­nez pas. Ne tou­chez pas à nos pro­fits outran­ciers. N’in­ter­ve­nez pas sur les aug­men­ta­tions insou­te­nables de prix sinon nous ne vous don­ne­rons pas vos trai­te­ments mira­cu­leux17. » Habi­tuel­le­ment, les com­pa­gnies pré­tendent : « Si nous ne dépen­sons pas notre argent en recherche, nous dis­pa­raî­trons. » Les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques, elles, disent : « Si nous n’a­vons pas votre argent pour le dépen­ser en recherche, vous dis­pa­raî­trez7. »

Les diri­geants reli­gieux ne sont pas les seuls à être malins. Ils pro­mettent que nous serons récom­pen­sés après notre mort, ce qui rend impos­sible de se plaindre. Les pro­messes de l’in­dus­trie sont aus­si fausses, en fait, tel­le­ment fausses que c’est la rela­tion cause/effet qui est inver­sée. Depuis les années 1980, les pro­fits de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique ont mon­té en flèche (voir le cha­pitre 5) mais pen­dant la même période de moins en moins de médi­ca­ments inno­va­teurs ont été intro­duits sur le mar­ché3. La revue Pres­crire remet chaque année un prix à la per­cée la plus impor­tante, la Pilule d’Or, mais elle ne par­vint pas à trou­ver un can­di­dat qui le mérite en 2012. Ni en 2011. Ni en 2010.

En 2011, les régions du Dane­mark ont sug­gé­ré de créer un orga­nisme comme le NICE (Natio­nal Ins­ti­tute for Health and Care Excel­lence) du Royaume-Uni puisque nous ne pou­vons pas nous payer tout ce qui est offert. Tou­te­fois, un ora­teur conser­va­teur en san­té du Par­le­ment ne vou­lait pas qu’on éta­blisse des prio­ri­tés pour les médi­ca­ments, argu­men­tant que cela ralen­ti­rait la mise au point de nou­veaux médi­ca­ments si on intro­dui­sait un mon­tant maxi­mum à payer pour les médi­ca­ments18. Les régions sug­gé­raient en outre que les nou­veaux médi­ca­ments soient com­pa­rés aux médi­ca­ments exis­tants, sou­vent moins coû­teux avant qu’on auto­rise leur mise en mar­ché. Cette pro­po­si­tion mit en colère le direc­teur de l’As­so­cia­tion danoise de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique, Ida Sofie Jen­sen, qui dit qu’il était « regret­table sinon effron­té que les régions du Dane­mark mani­festent, une fois encore, leurs atti­tudes hos­tiles à l’in­dus­trie. Les régions blâment l’in­dus­trie pour leur éco­no­mie médiocre19. » Le pré­sident des régions répli­qua posé­ment que l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique est l’une des plus pro­fi­tables de toutes les indus­tries et qu’il espé­rait que la danse tri­bale rituelle de l’in­dus­trie s’a­chève bien­tôt. Le fait est que les coûts des médi­ca­ments des hôpi­taux danois ont tri­plé en seule­ment 8 ans. L’an­née pré­cé­dente, le gou­ver­ne­ment danois avait mis fin au rem­bour­se­ment de cer­tains médi­ca­ments trop dis­pen­dieux et pas meilleurs que des médi­ca­ments moins coû­teux du même type. En réponse, Ida Sofie Jen­sen enta­ma une autre danse rituelle : « Les auto­ri­tés refusent de payer pour les pro­grès des médi­ca­ments. Nous crai­gnons que cela arrête la mise au point de nou­veaux médi­ca­ments20. » En revanche, un éco­no­miste de la san­té men­tion­na que ce geste pour­rait inci­ter l’in­dus­trie à cher­cher de vraies per­cées plu­tôt que se confi­ner aux médi­ca­ments d’i­mi­ta­tion. C’est l’ar­gu­ment fon­da­men­tal. L’in­no­va­tion s’est tarie parce qu’il est beau­coup plus lucra­tif pour l’in­dus­trie de mettre au point des médi­ca­ments d’i­mi­ta­tion plu­tôt que de mener de la recherche d’in­no­va­tion. Les patients pro­fi­te­ront du retrait de cet incitatif.

Par­tout dans le monde, à l’ex­cep­tion des Etats-Unis sous gou­verne répu­bli­caine, les gou­ver­ne­ments s’emploient à conte­nir les coûts des médi­ca­ments. Un article de 2011 a rap­por­té que la Répu­blique tchèque intro­dui­rait des prix maxi­mums pour les médi­ca­ments rem­bour­sés et limi­te­rait l’u­ti­li­sa­tion des médi­ca­ments très coû­teux aux hôpi­taux uni­ver­si­taires. En Alle­magne, un prix pla­fond a été intro­duit dans l’ob­jec­tif d’é­par­gner 2 mil­liards d’eu­ros chaque année. Au Royaume-Uni, le gou­ver­ne­ment a exi­gé que l’in­dus­trie réduise ses prix, visant à épar­gner 6 mil­liards de dol­lars chaque année. En Aus­tra­lie, le gou­ver­ne­ment a mis fin au rem­bour­se­ment de 162 médi­ca­ments et se pro­pose de réduire les prix de 1600 médi­ca­ments de 27 %21. La Chine, la Hon­grie, la Bul­ga­rie et la Slo­va­quie avaient aus­si des plans de réduc­tion des coûts.

Le moyen auquel la Nou­velle-Zélande a eu recours pour res­treindre ses dépenses en médi­ca­ments est impres­sion­nant et simple22. En 1993, on a déci­dé de sub­ven­tion­ner les médi­ca­ments d’une même classe (par exemple, les AINS ou les ISRS) qui avaient des effets simi­laires avec le même mon­tant, peu importe le prix du médi­ca­ment (prix de réfé­rence). En outre, les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques devaient négo­cier avec l’a­gence du médi­ca­ment, le prix et les condi­tions d’ac­cès. Cette poli­tique a eu des effets spec­ta­cu­laires. Les sta­tines étaient four­nies pour la moi­tié du coût en Aus­tra­lie, et le prix des médi­ca­ments géné­riques était moindre du quart du prix au Cana­da. Le bud­get com­mu­nau­taire des médi­ca­ments n’aug­men­ta que de 2 % par an par com­pa­rai­son à 15 % avant l’a­dop­tion de la poli­tique sans comp­ter qu’on amé­lio­rait entre-temps la pro­tec­tion de la popu­la­tion. Bien que le pays ne compte que 4,4 mil­lions d’ha­bi­tants, les éco­no­mies annuelles atteignent presque 1 mil­liard d’euros.

Mythe 3 : Les économies sont plus élevées que les coûts des médicaments dispendieux

Lors d’une ren­contre avec l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique où cet argu­ment fut pro­po­sé, le direc­teur du Conseil natio­nal danois de la san­té affir­ma qu’il était curieux que peu importe le prix éle­vé d’un nou­veau médi­ca­ment, la com­pa­gnie était tou­jours en mesure de four­nir une ana­lyse phar­ma­co-éco­no­mique mon­trant que les éco­no­mies en termes de réduc­tions des congés mala­die, des départs pré­ma­tu­rés à la retraite et ain­si de suite, excé­daient les coûts du médi­ca­ment. L’é­co­no­mique est une dis­ci­pline très fluide et l’on peut obte­nir à peu près n’im­porte quel résul­tat qu’on désire selon les pos­tu­lats que l’on intro­duit dans le modèle. Il est dif­fi­cile d’i­ma­gi­ner pire conflit d’in­té­rêts que la situa­tion dans laquelle une com­pa­gnie phar­ma­ceu­tique pro­cède à une ana­lyse phar­ma­co-éco­no­mique de son propre médi­ca­ment, ou bien demande à un éco­no­miste de la réa­li­ser moyen­nant rému­né­ra­tion. Le résul­tat n’est jamais défa­vo­rable à la compagnie.

Mythe 4 : Les percées proviennent de la recherche financée par l’industrie

Selon un argu­ment lar­ge­ment répan­du, aucun de nos médi­ca­ments n’a été inven­té par les anciens pays socia­listes de l’Est du Rideau de fer. Cela ne prouve rien. Tel­le­ment d’autres choses ne fonc­tion­naient pas dans ces pays sous la dic­ta­ture. Ce mal­en­ten­du est colos­sal. Presque toute la science fon­da­men­tale qui sou­tient le pro­grès de la méde­cine moderne se déve­loppe dans le sec­teur à but non lucra­tif, dans les uni­ver­si­tés, les ins­ti­tuts de recherche et les labo­ra­toires gou­ver­ne­men­taux23. Un rap­port du Congrès des États-Unis de l’an 2000 sou­li­gnait que « des 21 médi­ca­ments les plus impor­tants lan­cés entre 1965 et 1992,15 avaient été mis au point à par­tir de connais­sances et de tech­niques pro­ve­nant de la recherche finan­cée par le gou­ver­ne­ment fédé­ral ». D’autres études arrivent à des conclu­sions simi­laires, par exemple qu’au moins 80% de 35 médi­ca­ments majeurs étaient fon­dés sur des décou­vertes réa­li­sées par la recherche d’or­ga­nismes du sec­teur public24. L’Ins­ti­tut natio­nal du can­cer a tenu un rôle de chef de file dans la mise au point de 50 des 58 nou­veaux médi­ca­ments contre le can­cer ayant été approu­vés par la FDA entre 1955 et 20017.

Trois des décou­vertes les plus impor­tantes du XXe siècle – la péni­cil­line, l’in­su­line et le vac­cin contre la polio – pro­viennent toutes de labo­ra­toires finan­cés par les fonds publics. Le NIH réa­li­sa une étude des cinq médi­ca­ments les plus ven­dus en 1995, le Zan­tac (rani­tide pour les ulcères d’es­to­mac), le Zovi­rax (acy­clo­vir pour l’her­pès), le Capo­ten (cap­to­pril pour l’hy­per­ten­sion arté­rielle), le Vaso­tec (éna­la­pril pour l’hy­per­ten­sion arté­rielle) et le Pro­zac (fluoxé­tine pour la dépres­sion) et trou­va que 16 des 17 articles scien­ti­fiques pri­mor­diaux menant à la décou­verte et la mise au point de ces médi­ca­ments pro­ve­naient d’autres sources que l’in­dus­trie3.

Le tableau est très constant. Les pre­mières per­cées pour le SIDA sur­vinrent aus­si dans la recherche publique et le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain a dépen­sé deux fois plus en recherche que toutes les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques mises ensemble7. L’his­toire typique est que les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques inves­tissent rela­ti­ve­ment peu dans les vraies per­cées mais quand elles en des­sai­sissent la recherche publique, elles vendent le médi­ca­ment à un prix exor­bi­tant puis­qu’elles dis­posent d’un mono­pole. De plus, elles mentent d’une manière rou­ti­nière au sujet de la recherche et volent sou­vent le mérite de la décou­verte du médi­ca­ment en pré­ten­dant qu’elles l’ont décou­vert elles-mêmes7. Les très raco­leurs par­te­na­riats public-pri­vé volent en éclats quand le par­te­naire pri­vé se sauve constam­ment avec tout l’argent et tout le mérite, pla­çant le reste de la socié­té dans le rôle de l’im­bé­cile qu’on a dépouillé.

Les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques ne dépensent que 1 % de leurs reve­nus en science fon­da­men­tale pour décou­vrir de nou­velles molé­cules, quand on défalque les sub­sides des contri­buables et plus des quatre cin­quièmes de tous les fonds pour la recherche fon­da­men­tale pour décou­vrir de nou­veaux médi­ca­ments ou de nou­veaux vac­cins pro­viennent de sources publiques25.

Une rai­son impor­tante expli­quant pour­quoi la plu­part des per­cées pro­viennent de la recherche finan­cée par le public est que le capi­ta­lisme et la curio­si­té coha­bitent très mal. Cela prend du temps pour être curieux et les diri­geants des socié­tés phar­ma­ceu­tiques n’ont pas de patience. Ils veulent un retour rapide sur leurs inves­tis­se­ments, retour qui les aide­ra à accé­der à d’autres posi­tions plus lucra­tives dans d’autres com­pa­gnies. Les admi­nis­tra­teurs ont donc ten­dance à mettre fin à une orien­ta­tion de recherche quand il n’y a pas eu de pro­grès après un couple d’années.

Les psy­cho­logues ont mon­tré que l’argent est une piètre moti­va­tion par com­pa­rai­son avec le fait de don­ner aux gens des tâches inté­res­santes à réa­li­ser et les scien­ti­fiques sont radi­ca­le­ment dif­fé­rents des admi­nis­tra­teurs. Le salaire importe peu. Ce qui importe c’est la réso­lu­tion d’é­nigmes et la contri­bu­tion de choses qui importent au monde. À titre d’exemple, il fal­lut plus de 20 ans à un scien­ti­fique infa­ti­gable, Eugene Gold­was­ser, pour pro­duire et puri­fier le pre­mier petit fla­con d’é­ry­thro­poïé­tine humaine7.

Mythe 5 : Les compagnies pharmaceutiques se font concurrence dans un marché libre

Ce mythe est uti­li­sé avec suc­cès pour réduire la régle­men­ta­tion sous la croyance erro­née que les forces du mar­ché vont résoudre tous les pro­blèmes. Il ne peut exis­ter de mar­ché libre pour des pro­duits qui sont lour­de­ment sub­ven­tion­nés par l’argent des contri­buables et quand la fraude et les crimes sont très répandus.

Quand j’ai tra­vaillé dans l’in­dus­trie, j’ai été sur­pris de consta­ter com­ment on éta­blis­sait le prix d’un médi­ca­ment. Les admi­nis­tra­teurs des ventes pro­dui­saient ce qu’ils appe­laient un bud­get des ventes pour les années à venir et je me deman­dais com­ment ils par­ve­naient à faire un bud­get pour de l’argent qu’ils ne pos­sé­daient pas mais qu’ils ne pou­vaient qu’es­pé­rer obte­nir. Pour­tant, une fois accep­té, il impor­tait de vivre à la hau­teur de ce bud­get, sinon les ques­tions embar­ras­santes vien­draient et les gens seraient mal­heu­reux. Il existe une solu­tion simple pour les ventes qui stag­nent : aug­men­ter le prix du médi­ca­ment et conve­nir avec les concur­rents les plus impor­tants d’aug­men­ter leurs prix du même mon­tant et tout le monde sera content. C’est illé­gal mais très dif­fi­cile à prou­ver, donc c’est très com­mun. Même moi, j’ai obser­vé cette pra­tique, bien que je n’aie jamais été res­pon­sable d’un bud­get des ventes.

Mythe 6 : Les partenariats public-industrie sont avantageux pour les patients

Ce mythe ne meurt jamais et l’on a en vu un des exemples les plus effron­tés en 2012 quand l’As­so­cia­tion bri­tan­nique de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique (ABPI) a publié une nou­velle consigne pour pro­mou­voir la col­la­bo­ra­tion avec les méde­cins26,27. Elle par­lait des objec­tifs com­muns et exhor­tait les pro­fes­sion­nels de la san­té « à ne pas se lais­ser séduire par les mythes néga­tifs concer­nant la coopé­ra­tion avec l’in­dus­trie ». Elle fut endos­sée par plu­sieurs y com­pris l’As­so­cia­tion médi­cale bri­tan­nique, le Col­lège royal des géné­ra­listes, l’A­ca­dé­mie des col­lèges royaux et le minis­tère de la San­té et sous le logo du Lan­cet furent publiées des pré­ten­tions scan­da­leuses comme « l’in­dus­trie tient un rôle valide et impor­tant dans la for­ma­tion médi­cale » et « les repré­sen­tants de pro­duits médi­caux peuvent être des res­sources utiles aux pro­fes­sion­nels de la santé ».

Sous un titre libel­lé « Les faits », la consigne pré­sente en pre­mier lieu deux énon­cés men­son­gers : « Des occa­sions peuvent être ratées ou même reje­tées en rai­son de méprises décou­lant de pra­tiques his­to­riques qui ne sont plus accep­tables ou d’ac­tions de quelques indi­vi­dus qui ne sont pas des modèles de col­la­bo­ra­tion entre l’in­dus­trie et les pro­fes­sion­nels des soins de santé. »

Ces pra­tiques ne sont pas his­to­riques ni aty­piques. En outre, la consigne pré­tend « reflé­ter la déter­mi­na­tion de l’in­dus­trie d’as­su­rer que les rela­tions avec les pro­fes­sion­nels de la san­té sont fon­dées sur l’in­té­gri­té, l’hon­nê­te­té, la connais­sance, des com­por­te­ments intègres, la trans­pa­rence et la confiance ». On nous dit aus­si que « toutes les études sont assu­jet­ties à une sur­veillance rigou­reuse, les résul­tats des études cli­niques contrô­lées sont dis­po­nibles dans le domaine public, le code de pra­tique de l’AB­PI requiert la divul­ga­tion des détails des études cli­niques. » La réa­li­té est qu’on ne voit jamais les détails des études cli­niques, des quan­ti­tés de résul­tats sont enter­rés et scel­lés avec grande effi­ca­ci­té dans les archives des com­pa­gnies comme s’il s’a­gis­sait de déchets nucléaires et les études ne sont jamais sou­mises à une sur­veillance scru­pu­leuse puisque les comi­tés d’é­thique ne la font pas ni ne dis­posent de l’ex­per­tise pour la faire.

Les pré­ten­tions de la consigne sti­pu­lant que « lors­qu’on le fait cor­rec­te­ment, tra­vailler avec l’in­dus­trie ne nui­ra pas à l’ob­jec­ti­vi­té de la prise de déci­sion cli­nique » et que les règle­ments garan­tissent que les normes pro­fes­sion­nelles et éthiques seront main­te­nues, sont contre­dites par tout ce que l’on connaît sur ce sujet. On nous dit aus­si que : « L’in­ves­tis­se­ment de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique est la source de la plu­part des per­cées scien­ti­fiques et des inno­va­tions des médi­ca­ments et qu’il en coûte habi­tuel­le­ment 550 mil­lions de livres ster­ling pour faire tout le tra­vail néces­saire pour qu’un médi­ca­ment soit auto­ri­sé à être utilisé. »

Je n’ai jamais vu autant de fou­taise et de men­songes ras­sem­blés au même endroit en même temps. Les par­te­na­riats peuvent être occa­sion­nel­le­ment avan­ta­geux pour les deux par­ties, mais dans l’en­semble, il est immen­sé­ment nui­sible pour les patients que les milieux diri­geants endossent les méthodes de l’in­dus­trie rela­ti­ve­ment à ses médi­ca­ments. L’i­dée que la san­té publique et l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique aient un agen­da com­mun est une fic­tion de rela­tions publiques et le sys­tème de san­té du Royaume-Uni est déjà au der­nier niveau de l’é­thique. En 2012, le gou­ver­ne­ment du Royaume-Uni annon­ça qu’on atten­dait des pra­ti­ciens géné­raux qu’ils tra­vaillent avec l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique pour iden­ti­fier com­ment trai­ter leurs patients28. Selon le guide de l’AB­PI, sou­te­nu par le minis­tère de la San­té, des « aires popu­laires de tra­vail conjoint que vous pour­riez envi­sa­ger com­prennent l’i­den­ti­fi­ca­tion des patients non diag­nos­ti­qués, la révi­sion des patients non contrô­lés, l’a­mé­lio­ra­tion de l’adhé­sion des patients aux régimes thé­ra­peu­tiques et le réamé­na­ge­ment des plans de trai­te­ment. » Cela sup­pose le fait d’invi­ter les ven­deurs à par­cou­rir la liste des patients des omni­pra­ti­ciens pour iden­ti­fier ceux qu’ils estiment devoir rece­voir les médi­ca­ments de la compagnie.

Les Bri­tan­niques doivent vivre sur une autre pla­nète que la nôtre. Ils devraient lire le cha­pitre 12 de mon ouvrage à pro­pos du Neu­ro­tin pour tout ce qui pro­vient des endroits où les visi­teurs médi­caux se sont concer­tés avec les méde­cins et leurs patients pour leur sug­gé­rer ce qu’ils devaient faire. Ce qu’il nous faut faire est exac­te­ment le contraire. Iden­ti­fier les patients sur-diag­nos­ti­qués et sur-trai­tés et les débar­ras­ser de la plu­part —sinon de tous— leurs médi­ca­ments, et leur ensei­gner qu’une vie sans médi­ca­ments est pos­sible pour la plu­part d’entre nous.

Dans son livre, Bad Phar­ma, Ben Gol­dacre écrit que les gros canons, le gra­tin de l’ex­cel­lence de la méde­cine bri­tan­nique savent fort bien quels sont les pro­blèmes rela­tifs à tout cela mais ils ont déci­dé de ne pas s’en mêler. Ce fai­sant, tous comme les régu­la­teurs, ils contri­buent au secret entou­rant ce que les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques infligent à la san­té publique28. Il est dif­fi­cile d’i­ma­gi­ner pire tra­hi­son. Si j’é­tais un omni­pra­ti­cien au Royaume-Uni, je chan­ge­rais d’emploi ou je quit­te­rais le pays.

En 2012, la Fédé­ra­tion inter­na­tio­nale du dia­bète, l’or­ga­nisme-para­pluie de plus de 200 asso­cia­tions du dia­bète dans plus de 160 pays a amor­cé un par­te­na­riat avec Nest­lé qui met en mar­ché d’une manière éner­gique les frian­dises denses en éner­gie et les breu­vages sucrés29. Nest­lé a pro­vo­qué bien des décès dans les pays en déve­lop­pe­ment avec sa pro­mo­tion contraire à l’é­thique de for­mules de lait pour nour­ris­sons, les­quelles exi­geaient l’ad­di­tion d’une eau propre qui sou­vent n’é­tait pas dis­po­nible. Peut-être que nos asso­cia­tions pul­mo­naires devraient suivre la mode et deve­nir par­te­naires de l’in­dus­trie du tabac ? Pour­quoi pas ? Les poli­ti­ciens s’en réjouiraient.

Mythe 7 : Les études de médicaments ont pour but d’améliorer le traitement des patients

La docu­men­ta­tion des rela­tions publiques et les ententes de col­la­bo­ra­tion entre les asso­cia­tions de méde­cins et les asso­cia­tions de l’in­dus­trie pro­pagent ce mythe30. Tou­te­fois, peu importe ce que raconte l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique à pro­pos du tra­vail pour le bien des patients, elle n’a pas plus de res­pon­sa­bi­li­té pour sur­veiller la san­té de la popu­la­tion que n’en dis­pose l’in­dus­trie de la res­tau­ra­tion rapide pour sur­veiller la diète du public31. Et elle n’est pas vrai­ment inté­res­sée non plus. Une étude est conçue ou bien pour maxi­mi­ser les ventes ou bien elle est mise au point pour iden­ti­fier la meilleure manière de pré­ve­nir ou de trai­ter une mala­die précise.

Quand on recrute des patients pour une étude, un avan­tage de la par­ti­ci­pa­tion est presque tou­jours décrit dans le docu­ment de consen­te­ment dans lequel on sti­pule que le par­ti­ci­pant à la recherche va contri­buer à la connais­sance scien­ti­fique, laquelle va contri­buer favo­ra­ble­ment à l’a­mé­lio­ra­tion des soins des autres patients. Pour­tant, comme je l’ai expli­qué au cha­pitre 5, ce contrat social avec les patients est rom­pu. Les études sont faites pour des motifs propres au mar­ke­ting, et les résul­tats déplai­sants sont gar­dés secrets ou défor­més avant qu’on les publie, même quand leur dis­po­ni­bi­li­té aurait pu amé­lio­rer le trai­te­ment des patients.

Un autre mythe est que l’in­dus­trie n’a aucun inté­rêt à tri­cher puisque ce serait tou­jours décou­vert et que cela nui­rait aux ventes. Une des per­sonnes qui m’ont dit cela, a effec­tué des études cli­niques pour une com­pa­gnie phar­ma­ceu­tique danoise. Il était per­sua­dé d’a­voir rai­son et tirait grande fier­té de son tra­vail. Tant mieux pour lui, mais il n’é­tait pas celui qui ana­ly­sait les don­nées ni ne pre­nait les déci­sions sur la manière de les ana­ly­ser ni quand les résul­tats étaient tel­le­ment nui­sibles pour les pro­fits qu’ils ne ver­raient jamais la lumière du jour à l’ex­té­rieur de la com­pa­gnie. Comme je l’ai mon­tré dans le pré­sent ouvrage, la véri­té est que les com­pa­gnies trichent beau­coup parce qu’il est rare­ment pos­sible de les attra­per sans avoir accès aux don­nées brutes et parce que c’est payant.

Mythe 8 : Nous avons besoin de plusieurs médicaments d’un même type parce la réponse des patients est variable

J’ai enten­du cet argu­ment un nombre infi­ni de fois de la part de méde­cins qui ont écou­té le boni­ment des ven­deurs de pilules sans se deman­der si cela était vrai ou pas. Dans de rares cas, cela pour­rait être vrai, mais je n’ai pas vu de don­nées convain­cantes qui le confirment. Une des études qui pro­po­saient de mon­trer que les patients réagissent dif­fé­rem­ment était une étude croi­sée dans laquelle des patients souf­frant d’ar­thrite rhu­ma­toïde ont expé­ri­men­té quatre médi­ca­ments et dit aux cher­cheurs la période qu’ils avaient pré­fé­rée32. Cela ne prouve rien puisque l’in­ten­si­té de la dou­leur varie. Pour être cer­tain que les pré­fé­rences ne sont pas qu’un bruit de fond, il fau­drait expo­ser les mêmes patients aux mêmes médi­ca­ments plus d’une fois.

Mythe 9 : Ne pas utiliser les médicaments génériques parce que leur puissance varie

Pfi­zer a déjà pré­ten­du que ses propres tests de pro­duits géné­riques conte­nant la même sub­stance active qu’un médi­ca­ment de Pfi­zer contre l’é­tour­dis­se­ment avaient mon­tré que 10 de 17 pro­duits géné­riques ne par­ve­naient pas à satis­faire aux normes de puis­sance6. Com­pa­rons cela avec le fait que les agences du médi­ca­ment s’as­surent que les pro­duits géné­riques sont bio équi­va­lents au médi­ca­ment ori­gi­nal en exi­geant des études com­pa­ra­tives chez des volon­taires humains, dans les­quelles on mesure les concen­tra­tions de sub­stance active dans le sang des participants.

Plu­sieurs méde­cins croient ces bali­vernes reje­tées à répé­ti­tion par des scien­ti­fiques sans conflit d’in­té­rêts qui ont mené les études de biodisponibilité.

Mythe 10 : L’industrie paie la formation médicale continue parce que les fonds publics ne le font pas

Si cela était vrai, ce serait un geste d’im­mense géné­ro­si­té parce c’est très coû­teux et que cela influence la plu­part des méde­cins. Comme je l’ai expli­qué au cha­pitre 8, ce que cela signi­fie est tel­le­ment mani­feste que même les orga­nismes repré­sen­tant l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique ne le nient pas tout en recon­nais­sant que c’est leur manière de diri­ger leur com­merce. Trois des plus grosses agences de publi­ci­té des Etats-Unis admi­nis­trant des contrats publi­ci­taires phar­ma­ceu­tiques inves­tissent dans des orga­nismes de recherche contrac­tuelle et pré­parent des ensembles « édu­ca­tifs » pour l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique3.

Comme Mar­cia Angell l’a affir­mé en entre­vue, les com­pa­gnies éla­borent une gigan­tesque fic­tion en ten­tant de faire croire qu’elles ne s’en tiennent pas qu’à vendre des médi­ca­ments mais qu’elles sont aus­si enga­gées dans la for­ma­tion médi­cale17. Les inves­tis­seurs attendent d’elles qu’elles fassent d’aus­si gros pro­fits que pos­sible en ven­dant des médi­ca­ments. Mais elles sont aus­si par­ve­nues à convaincre une foule de gens qu’elles s’oc­cupent aus­si de les édu­quer. Cela n’est pas pos­sible. C’est comme si on deman­dait aux bras­seurs de bière de faire de la for­ma­tion sur l’al­coo­lisme. De plus un conflit d’in­té­rêts res­sort. Les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques pour­raient « for­mer » les méde­cins sur les médi­ca­ments aus­si long­temps qu’elles ne dis­cutent que des avan­tages mais iront-elles jus­qu’à dire : « Notre médi­ca­ment n’est pas vrai­ment très bon ; une autre com­pa­gnie en pro­duit un bien meilleur ? » Non. Cela n’ar­ri­ve­ra pas.

[…]


 

Lisez ce livre et faites-le connaître autour de vous : c’est ren­ver­sant. ÉC.

 


Peter C. Gøtzsche

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18 Commentaires

  1. Gaudefroy

    Voi­ci une liste d’ou­vrages qu’on peut trou­ver faci­le­ment en epub :

    MAFIA & CORRUPTION MÉDICALE

    Anso Jéré­my San­té, Men­songes & (Tou­jours) Pro­pa­gande (2018)
    Bazin Xavier Big Phar­ma Démas­qué (2021)
    Bégaud Ber­nard La France Malade du Médi­ca­ment (2020)
    Borch-Jacob­sen Mik­kel La Véri­té Sur les Médi­ca­ments, Com­ment l’In­dus­trie Joue Avec Notre San­té (2014)
    Bou­dot Mar­tin Toxic Bayer, la Face Cachée du Labo­ra­toire le Plus Puis­sant au Monde (2020)
    Bou­kris Sau­veur 10 000 Morts sur Ordon­nance, Com­ment les Evi­ter (2021)
    Cadu Clo­tilde Effets Indé­si­rables, Vic­times des Médi­ca­ments (2016)
    Cha­mayou Gré­goire Les Corps Vils, Expé­ri­men­ter Sur les Etres Humains XVIII-XIXe (2013)
    Cour­tois M. & P. Le Livre Noir de la Méde­cine (2016)
    Dal­bergue Ber­nard Omer­ta Dans les Labos Phar­ma­ceu­tiques (2014)
    Delé­pine Nicole La Face Cachée des Médi­ca­ments (2011)
    Le Can­cer, un Fléau qui Rap­porte (2013)
    Dupagne Domi­nique La Revanche du Rameur, Com­ment Sur­vivre aux Méde­cins & aux Hié­rar­chies (2012)
    Gotzsche Peter C. Remèdes Mor­tels & Crime Orga­ni­sé (2019)
    Izam­bert Jean-Loup Le Virus, Enquête sur l’Une des Plus Grandes Trom­pe­ries de l’His­toire (2020)
    La Rosa Emi­lio Les Ven­deurs de Mala­dies (2011)
    Len­glet Roger l’Af­faire de la Mala­die de Lyme (2016)
    Michel Jean-Domi­nique Covid-19, Ana­to­mie d’une Crise Sani­taire (2020)
    Miko­vits Judy La Peste de la Cor­rup­tion (2020)
    Mul­lins Eus­tace Cla­rence Meurtre par Injec­tion (1993)
    Per­ronne Chris­tian La Véri­té Sur la Mala­die de Lyme (2019)
    Y a‑t-il Une Erreur Qu’Ils N’ont Pas Com­mise ? (2020)
    Déci­dé­ment, Ils n’ont Tou­jours Rien Com­pris ! (2021)
    Plan­çon Aline Faux Médi­ca­ments, un Crime Silen­cieux (2020)
    Raoult Didier Votre San­té, Tous les Men­songes qu’on Vous raconte (2015)
    Car­nets de Guerre Covid-19, le Plus Grand Scan­dale Sani­taire du 21ème Siècle (2021)
    Rouas Chris­tian l’Em­prise du Mon­dia­lisme, Héré­sie & Era­di­ca­tion de Masse (2015)
    Saha­ra Nora l’Hô­pi­tal, Si les Gens Savaient (2021)
    Séve­rac Claire Com­plot Mon­dial Contre la San­té (2011)
    La Guerre Secrète Contre les Peuples (2016)
    Simon Syl­vie La Nou­velle Dic­ta­ture Médi­co-Scien­ti­fique (2006)
    Vélut Sté­phane l’Hô­pi­tal, une Nou­velle Indus­trie (2019)
    Ver­cou­tère Marc Des Pan­dé­mies Pro­vi­den­tielles Pour les Labos, Sras, Grippes AH5N1, AH1N (2018)
    Win­ck­ler Mar­tin Les Brutes en Blanc, Pour­quoi Tant de Méde­cins Mal­trai­tants (2016)

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    DOSSIER VACCINS

    Ance­let Eric Pour en Finir avec Pas­teur, Un Siècle de Mys­ti­fi­ca­tion Scien­ti­fique (1999)
    Arduin Pierre-Jean Pour­quoi Vac­ci­ner, La Fin de la Vac­ci­na­tion, Docu­men­tée & Argu­men­tée (2016)
    Bar­néoud Lise Immu­ni­sés, Un Nou­veau Regard Sur les Vac­cins (2017)
    Ber­thoud Fran­çoise La (Bonne) San­té des Enfants Non-Vac­ci­nés (2013)
    Chof­fat Fran­çois Vac­ci­na­tions, Le Droit de Choi­sir (2017)
    Col­lec­tif Qui Aime Bien, Vac­cine Peu (2009)
    De Brou­wer Louis Vac­ci­na­tion, Erreur Médi­cale du Siècle (1997)
    Dela­rue Fer­nand l’In­toxi­ca­tion Vac­ci­nale (1977)
    Gali Léo Et pour­tant la Vac­ci­na­tion Tue ! (2016)
    Geor­get Michel Vac­ci­na­tions, les Véri­tés Indé­si­rables (2009)
    l’Ap­port des Vac­ci­na­tions à la San­té Publique (2014)
    Ghe­rar­di Romain Toxic Sto­ry, 2 ou 3 Véri­tés sur les Adju­vants des Vac­cins (2016)
    Joet Fran­çoise Téta­nos, le Mirage de la Vac­ci­na­tion (2013)
    Joseph Jean-Pierre Vac­cins, Mais Alors, On Nous Aurait Men­ti ? (2002)
    Joyeux & Via­lard Face aux Virus, Bac­té­ries, Boos­tez Votre Immu­ni­té (2021)
    Per­rier Alain Vac­cins, Abus de Conscience (2011)
    Raoult & Reca­sens La Véri­té sur les Vac­cins (2018)
    Simon Syl­vie Vac­cins, Men­songes et Pro­pa­gande (2009)
    Ver­cou­tère Marc Indus­trie Vac­ci­nale, Des Pan­dé­mies Pro­vi­den­tielles Pour les Labos (2018)

    Réponse
    • Berberis

      Il y a encore celui-ci :
      « La véri­té sur les com­pa­gnies phar­ma­ceu­tiques – Com­ment elles nous trompent et com­ment les contrecarrer »
      Mar­cia Angell
      Phi­lippe Even (Tra­duc­teur)

      Réponse
  2. Étienne CHOUARD

    Dans la série « Bonnes rai­sons de ne plus jamais faire confiance à des cri­mi­nels endur­cis », je vous signale cet entre­tien pas­sion­nant, encore une fois publié par France Soir (on dirait qu’il n’y a presque plus qu’eux pour faire le bou­lot de jour­na­liste dans ce pays, pour­tant en plein effon­dre­ment des liber­tés et de l’É­tat de droit), sur les contrats léo­nins (contrats pro­fon­dé­ment dés­équi­li­brés, impo­sés par des lions à leurs vic­times) signés en notre nom (mais contre nous et en secret et hors de tout contrôle pos­sible, sans aucun recours) par la Com­mis­sion euro­péenne avec (cer­tains) des indus­triels des vac­cins.

    Je trouve cet entre­tien très impor­tant et je m’é­tonne qu’au­cun de ceux qui se disent « jour­na­listes » dans ce pays n’ac­cepte d’en­quê­ter sur ce scan­dale, ni même de seule­ment relayer cet entre­tien publié par France Soir.

    Les agres­sions dont France Soir fait l’ob­jet sont à la hau­teur des ser­vices qu’il rend à l’in­té­rêt géné­ral en résis­tant cou­ra­geu­se­ment aux abus de pouvoir.

    Étienne.


    « Un contrat aussi favorable à l’industriel, cela me paraît anormal » Olivier Frot

    Source : https://​www​.fran​ce​soir​.fr/​v​i​d​e​o​s​-​l​e​s​-​d​e​b​r​i​e​f​i​n​g​s​/​o​l​i​v​i​e​r​-​f​rot, publié le 10/09/2021


    Oli­vier Frot

    Debrie­fing avec Oli­vier Frot, diplô­mé de Saint-Cyr et doc­teur en droit. Cet entre­tien porte sur l’analyse des contrats des vac­cins pas­sés par l’Union euro­péenne avec les fabricants.

    Fort de son expé­rience dans la haute admi­nis­tra­tion, expert en mar­chés publics, après une car­rière mili­taire comme offi­cier dans l’Armée de Terre où il pas­sait des mar­chés natio­naux pour l’armée fran­çaise et des mar­chés inter­na­tio­naux dans le cadre de l’OTAN, Oli­vier Frot est éga­le­ment auteur de plu­sieurs ouvrages sur les mar­chés publics.

    Après avoir fait le constat d’une ava­lanche de men­songes et d’informations tron­quées, il décide de ne pas se fier aux études rap­por­tées sur les contrats et d’aller à la source. Sur un site offi­ciel de la Com­mis­sion euro­péenne, il trouve les dif­fé­rents contrats pas­sés par la com­mis­sion et décide de les examiner.

     
    Dénon­çant des contrats « caviar­dés », il explique que sur sept contrats, seuls deux sont en clair : le Pfi­zer-BioN­tech et le Moder­na. Pour tous les autres, il manque des élé­ments très impor­tants comme les quan­ti­tés, les prix, la pro­prié­té intel­lec­tuelle, la res­pon­sa­bi­li­té. Ce qui est occul­té est mas­qué par des bandes noires afin qu’on ne puisse pas lire.

    Puis il se livre à une ana­lyse détaillée dans laquelle il pointe toutes les ano­ma­lies, notam­ment des contrats pas­sés de gré à gré avec les indus­triels choi­sis selon des cri­tères que l’on ne connaît pas.

    Reve­nant sur le carac­tère expé­ri­men­tal du vac­cin qui est en phase 3, il rap­pelle une com­mu­ni­ca­tion du 15 octobre 2020 qui recom­mande aux États membres de mettre en place des études indé­pen­dantes pour éva­luer l’efficacité et l’innocuité de ces vac­cins pour la période 2020–2022, une obli­ga­tion qu’il juge per­ti­nente et qu’il sou­hai­te­rait voir appli­quée dans les faits.

    Après avoir consta­té l’opacité qui règne autour de ces ques­tions, il regrette que l’on ait noyé les citoyens dans des infor­ma­tions inutiles qui sont des affir­ma­tions péremp­toires ou des leçons de morale per­ma­nentes alors qu’il n’y a rien de concret et de sour­cé. Il sou­hai­te­rait éga­le­ment avoir des expli­ca­tions détaillées sur des contrats tota­le­ment à l’avantage des indus­triels qui n’ont aucun risque juri­dique puisque la res­pon­sa­bi­li­té des effets dom­ma­geables est trans­fé­rée aux Etats membres et s’interroge sur l’existence éven­tuelle de conflits d’intérêts.

    Oli­vier Frot ques­tionne l’intérêt qu’il y a eu de pas­ser par la Com­mis­sion euro­péenne en lais­sant de côté les États membres pour agir dans la stra­té­gie de san­té et sou­hai­te­rait un rap­port d’audit d’une auto­ri­té indé­pen­dante pour l’évaluation de ces contrats et de la bonne per­for­mance. Enfin, devant des situa­tions qu’il juge anor­males, le juriste estime que le droit est le der­nier rem­part de la démo­cra­tie pour les citoyens.

    Retrou­vez sa conclu­sion dans son debrie­fing pro­po­sé en par­te­na­riat avec Bon​Sens​.org.

    Auteur(s): Fran­ce­Soir

    Source : https://​www​.fran​ce​soir​.fr/​v​i​d​e​o​s​-​l​e​s​-​d​e​b​r​i​e​f​i​n​g​s​/​o​l​i​v​i​e​r​-​f​rot

    Réponse
  3. Yvan BACHAUD

    Ami ETIENNE, tu écris :

    1) Ceux qui ont conçu les « vac­cins » sont des gre­dins mul­ti­ré­ci­di­vistes (ce livre le prouve mille fois) qui ont TOUS — sciem­ment, volon­tai­re­ment et en connais­sance de cause — trom­pé le public et empoi­son­né des cen­taines de mil­liers de patients pour gagner beau­coup d’argent.
    ________________________________________________________________________________________________
    Pour­rais tu nous expli­quer pour­quoi ni les auteurs du livre, ni aucun des lec­teurs, ni les familles des « nom­breuses » ! vic­times, NI TOI 🙂 n’ont dépo­sé plainte pour assas­si­nat contre ces gredins ?
    je te rap­pelle que puisque tu as toutes les PREUVES tu peux pro­cé­der par cita­tion directe !

    La non-dénon­cia­tion de crime est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’a­mende (article 434–1). Il est de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’a­mende si le crime porte atteinte aux inté­rêts fon­da­men­taux de la nation ou s’il consti­tue un acte de terrorisme.
    c’est le cas méfie toi…

    Réponse
  4. joss

    La cita­tion du moment :
    Mal­colm X
    « Si vous n’êtes pas vigi­lants, les médias arri­ve­ront à vous faire détes­ter les gens oppri­més et aimer ceux qui les oppriment. »

    Réponse
  5. Gaudefroy

    A lire abso­lu­ment et à partager :
    « Le mythe de la conta­gion, Pour­quoi les virus (y com­pris le coro­na­vi­rus) ne sont pas les cause des mala­dies » (2020)
    par Sal­ly Fal­lon Morell & Tho­mas S. Cowan, MD
    https://​evei​lin​foorg​.files​.word​press​.com/​2​0​2​1​/​0​3​/​l​e​m​y​t​h​e​d​e​l​a​c​o​n​t​a​g​i​o​n​.​pdf

    Edit (Étienne) :
    Fiche wiki­pé­dia des deux auteurs :
    https://​fr​.wiki​pe​dia​.org/​w​i​k​i​/​S​a​l​l​y​_​F​a​l​l​o​n​_​M​o​r​ell
    https://​fr​.wiki​pe​dia​.org/​w​i​k​i​/​T​h​o​m​a​s​_​C​o​wan

    Réponse
  6. Étienne CHOUARD

    À pro­pos de la pour­ri­ture extrême des indus­triels de la chi­mie médi­ca­men­teuse ET des pré­ten­dues « auto­ri­tés de contrôle de san­té », je signale ce cas à la FDA (article du nejm en 2007) :

    La FDA et le cas Ketek

    https://​www​.nejm​.org/​d​o​i​/​1​0​.​1​0​5​6​/​N​E​J​M​p​0​7​8​032

    David B. Ross, MD, Ph.D.

    Il y a trois ans, la Food and Drug Admi­nis­tra­tion (FDA) a approu­vé le médi­ca­ment Ketek (téli­thro­my­cine), le saluant comme le pre­mier d’une nou­velle classe d’a­gents anti­mi­cro­biens qui contournent la résis­tance aux anti­bio­tiques. Depuis lors, Ketek a été lié à des dizaines de cas de lésions hépa­tiques graves, a fait l’ob­jet d’une série d’a­ver­tis­se­ments de sécu­ri­té de plus en plus urgents et a déclen­ché deux enquêtes du Congrès sur l’ac­cep­ta­tion par la FDA de don­nées de sécu­ri­té frau­du­leuses et de méthodes d’es­sai inap­pro­priées lors de l’exa­men du médi­ca­ment. Pour appro­ba­tion. En tant qu’an­cien méde­cin de la FDA qui a par­ti­ci­pé à l’exa­men de Ketek, je pense qu’il y a des leçons à tirer d’un exa­men des évé­ne­ments entou­rant l’ap­pro­ba­tion de ce produit.

    Ketek est un anti­bio­tique kéto­lide fabri­qué par Sano­fi-Aven­tis et pro­po­sé pour une uti­li­sa­tion dans les infec­tions des voies res­pi­ra­toires com­mu­nau­taires. Il a été exa­mi­né par la FDA à trois reprises (voir chro­no­lo­gie ). Au cours du pre­mier cycle, les exa­mi­na­teurs ont iden­ti­fié des pro­blèmes de sécu­ri­té impor­tants, notam­ment de mul­tiples inter­ac­tions médi­ca­men­teuses poten­tielles, des effets uniques sur l’a­cui­té visuelle et une asso­cia­tion appa­rente avec l’hé­pa­tite hépa­to­cel­lu­laire, avec des carac­té­ris­tiques patho­lo­giques res­sem­blant à celles cau­sées par des médi­ca­ments qui ont été reti­rés du mar­ché en rai­son de leur hépa­to­toxi­ci­té. Un comi­té consul­ta­tif fédé­ral a deman­dé à Sano­fi-Aven­tis d’ob­te­nir des don­nées de sécu­ri­té sup­plé­men­taires en menant une étude impli­quant des patients sus­cep­tibles de rece­voir Ketek si le médi­ca­ment était approuvé.

    Dans le deuxième exa­men, la FDA a exa­mi­né les résul­tats d’une telle étude. Connu sous le nom d’é­tude 3014, il s’a­gis­sait d’un essai contrô­lé, ran­do­mi­sé et sans aveugle com­pa­rant les taux d’in­ci­dence d’é­vé­ne­ments indé­si­rables hépa­tiques, car­diaques et visuels chez les patients rece­vant Ketek et ceux rece­vant amoxi­cil­line-cla­vu­la­nate. Sano­fi-Aven­tis a recru­té plus de 1 800 méde­cins pour mener l’é­tude, dont beau­coup étaient novices dans le domaine de l’in­ves­ti­ga­tion cli­nique, et leur a ver­sé jus­qu’à 400 $ par patient recru­té, prin­ci­pa­le­ment pour cou­vrir les coûts de recru­te­ment et de col­lecte des don­nées de recherche ; plus de 24 000 sujets ont été ins­crits. L’é­tude a été ache­vée en 5 mois et pré­ten­dait mon­trer que Ketek était aus­si sûr que l’autre traitement.

    Une ins­pec­tion de rou­tine de la FDA des pra­tiques du méde­cin qui a ins­crit le plus de patients – plus de 400 – a révé­lé une fraude, y com­pris une fabri­ca­tion com­plète de l’ins­crip­tion des patients. L’ins­pec­teur a infor­mé les enquê­teurs cri­mi­nels de la FDA et le méde­cin purge actuel­le­ment une peine de 57 mois dans une pri­son fédé­rale pour ses actions. Les ins­pec­tions de neuf autres sites recru­tant un grand nombre de patients ont révé­lé de graves vio­la­tions de la conduite de l’es­sai, sou­le­vant de sérieuses inquié­tudes quant à l’in­té­gri­té glo­bale de l’é­tude. Au final, 4 des 10 sites ins­pec­tés ont fait l’ob­jet d’une enquête pénale.

    Mal­gré ces décou­vertes, les res­pon­sables de la FDA ont pré­sen­té l’é­tude 3014 au comi­té consul­ta­tif en jan­vier 2003 sans men­tion­ner les pro­blèmes d’in­té­gri­té des don­nées. 1 Les ges­tion­naires ont décla­ré qu’ils étaient léga­le­ment inter­dits de divul­guer les pro­blèmes au comi­té en rai­son d’une enquête cri­mi­nelle ouverte, mais ils n’ont pas du tout expli­qué pour­quoi les don­nées ont été pré­sen­tées, compte tenu de la preuve du manque d’in­té­gri­té de l’é­tude. Igno­rant les pro­blèmes d’in­té­gri­té, le comi­té a voté 11 contre 1 pour recom­man­der l’ap­pro­ba­tion de Ketek.

    Les pro­blèmes non divul­gués de l’é­tude 3014 ont conduit à un troi­sième exa­men, au cours duquel les res­pon­sables de la FDA ont pro­po­sé d’u­ti­li­ser des rap­ports post-com­mer­cia­li­sa­tion étran­gers sur Ketek comme preuve de la sécu­ri­té du pro­duit, mal­gré le manque de fia­bi­li­té de ces don­nées. 2 Bien que les pro­mo­teurs de médi­ca­ments soient tenus de sou­mettre de tels rap­ports dans le cadre d’une demande, il est extrê­me­ment inha­bi­tuel d’u­ti­li­ser ces don­nées pour trai­ter des pro­blèmes de sécu­ri­té cri­tiques avant l’ap­pro­ba­tion au lieu d’une étude contrô­lée. Les don­nées post-com­mer­cia­li­sa­tion sou­mises par Sano­fi-Aven­tis ont été exa­mi­nées par la FDA sans aucune véri­fi­ca­tion de leur exac­ti­tude ou de leur exhaus­ti­vi­té, même si 3 mois avant le troi­sième exa­men, les enquê­teurs judi­ciaires de la FDA ont recom­man­dé d’exa­mi­ner si Sano­fi-Aven­tis avait été impli­qué dans une fraude sys­té­ma­tique en lien avec Ketek. . La FDA n’a jamais mené l’en­quête recom­man­dée ni exa­mi­né les dos­siers liés à l’é­tude 3014 mon­trant que Sano­fi-Aven­tis était au cou­rant d’une fraude poten­tielle dans l’é­tude lors­qu’elle a sou­mis les résul­tats à la FDA. L’ab­sence d’exa­men ou de réponse aux pré­oc­cu­pa­tions concer­nant l’in­té­gri­té repré­sen­tait un écart mar­qué par rap­port aux poli­tiques de la FDA.

    Dans ce contexte de pré­oc­cu­pa­tions concer­nant à la fois la sécu­ri­té et la fraude, des ques­tions cri­tiques se sont éga­le­ment posées concer­nant l’ef­fi­ca­ci­té de Ketek, qui n’a­vait été exa­mi­née que dans des essais de non-infé­rio­ri­té. De tels essais ne sont pas conçus pour démon­trer direc­te­ment la supé­rio­ri­té d’une nou­velle inter­ven­tion par rap­port à un contrôle actif ou à un pla­ce­bo, mais impliquent plu­tôt la sélec­tion d’une marge maxi­male par laquelle la nou­velle inter­ven­tion peut être moins effi­cace que les inter­ven­tions plus anciennes mais tou­jours consi­dé­rée comme meilleure qu’un pla­ce­bo. 3 Tout au long des années 1990, les essais de non-infé­rio­ri­té ont été une pro­cé­dure stan­dard dans le déve­lop­pe­ment d’a­gents anti­mi­cro­biens pour le trai­te­ment ambu­la­toire des infec­tions des voies res­pi­ra­toires auto-réso­lu­tives. Mais en 2004, les ate­liers de la FDA et les réunions du comi­té consul­ta­tif sur ce sujet avaient conclu que l’u­ti­li­sa­tion d’es­sais de non-infé­rio­ri­té dans ce contexte n’é­tait pas jus­ti­fiable, car il n’y a aucune preuve d’un effet thé­ra­peu­tique sub­stan­tiel des médi­ca­ments anti­mi­cro­biens dans les infec­tions des voies res­pi­ra­toires auto­ré­sol­vantes telles que sinu­site bac­té­rienne aiguë et exa­cer­ba­tion aiguë de bron­chite chro­nique – les mala­dies pour les­quelles les cli­ni­ciens pres­crivent le plus sou­vent des anti­mi­cro­biens, pour les­quelles le mar­ché est le plus impor­tant et pour les­quelles un trai­te­ment par Ketek a été proposé.

    Néan­moins, la FDA a entiè­re­ment approu­vé Ketek sur la base d’es­sais de non-infé­rio­ri­té. La rai­son invo­quée pour l’ac­cep­ta­tion conti­nue par l’a­gence de tels essais dans l’é­tude des anti­bio­tiques pour les infec­tions des voies res­pi­ra­toires à réso­lu­tion spon­ta­née était la néces­si­té de s’en tenir aux accords préa­lables avec les spon­sors de l’in­dus­trie concer­nant des concep­tions d’es­sai adé­quates – les essais Ketek, après tout, avaient été conçus et lar­ge­ment menées avant que l’a­dé­qua­tion des essais de non-infé­rio­ri­té ne soit remise en cause. Une fois qu’il avait été éta­bli que de tels essais ne pou­vaient pas démon­trer l’ef­fi­ca­ci­té, cepen­dant, on aurait pu rai­son­na­ble­ment affir­mer que le bien-être des patients poten­tiels devrait l’emporter sur toute pro­messe faite aux fabricants.

    L’exa­men de Ketek a donc été mar­qué par des écarts pro­non­cés par rap­port aux pra­tiques d’exa­men accep­tées. En plus de l’u­ti­li­sa­tion de don­nées frau­du­leuses, de la sub­sti­tu­tion de rap­ports de sécu­ri­té post-com­mer­cia­li­sa­tion non contrô­lés aux don­nées d’es­sais cli­niques contrô­lés et de l’ac­cep­ta­tion d’es­sais qui ne pou­vaient pas mon­trer d’ef­fi­ca­ci­té, des pres­sions internes mani­festes ont éga­le­ment été exer­cées sur les exa­mi­na­teurs de la FDA pour modi­fier leurs conclusions.

    Lorsque la FDA a approu­vé Ketek le 1er avril 2004, les res­pon­sables de l’ap­pro­ba­tion ont décla­ré dans un mémo­ran­dum qu’il était « dif­fi­cile » de se fier à l’é­tude 3014 pour l’ap­pro­ba­tion 4 mais n’ont révé­lé ni le fait qu’ils étaient au cou­rant depuis plus d’un an de graves pro­blèmes qui com­pro­mettent l’é­tude, ni la conclu­sion des enquê­teurs de la FDA selon laquelle une fraude et un échec de la sur­veillance par Sano­fi-Aven­tis ren­daient l’é­tude inuti­li­sable. Dans cette note, les don­nées post-com­mer­cia­li­sa­tion étran­gères ont été pré­sen­tées comme un sub­sti­tut accep­table à un essai adé­quat et bien contrô­lé, sans aucune dis­cus­sion sur l’ab­sence de pré­cé­dent pour cette approche ou le manque de fia­bi­li­té de ces don­nées. Les res­pon­sables n’ont pas non plus dis­cu­té des pro­blèmes liés au fait de s’ap­puyer sur des essais de non-infé­rio­ri­té pour les trai­te­ments des infec­tions auto-réso­lues, des conclu­sions des réunions pré­cé­dentes de la FDA sur cette ques­tion ou des normes appli­cables de la FDA qui avaient été violées.

    Sano­fi-Aven­tis a décla­ré dans des publi­ci­tés que Ketek avait le lan­ce­ment le plus réus­si de tous les anti­bio­tiques de l’his­toire. En février 2005, 7 mois après l’in­tro­duc­tion du médi­ca­ment sur le mar­ché amé­ri­cain, le pre­mier décès dû à une insuf­fi­sance hépa­tique asso­ciée à Ketek — chez un patient trai­té pour une infec­tion légère des voies res­pi­ra­toires — a été signa­lé à la FDA. La seule réponse for­melle a été un exa­men de sécu­ri­té interne rédi­gé des mois plus tard et consa­cré quelques para­graphes à l’événement.

    En jan­vier 2006, la direc­tion de la FDA a appris le rap­port élec­tro­nique immi­nent d’un groupe de trois cas d’in­suf­fi­sance hépa­tique aiguë asso­ciée à Ketek dans un seul centre médi­cal, l’un d’eux étant le cas mor­tel qui avait été signa­lé près d’un an plus tôt. 5 Une réunion d’ur­gence des cadres supé­rieurs de la FDA a abou­ti à une annonce publique selon laquelle la FDA consi­dé­rait Ketek comme sûr ; cette annonce citait l’é­tude 3014 dans le cadre des preuves sur les­quelles la FDA s’é­tait appuyée pour approu­ver le médi­ca­ment. Les réfé­rences à cette étude frau­du­leuse ont rapi­de­ment com­men­cé à se glis­ser dans la lit­té­ra­ture biomédicale.

    En février 2006, moi-même et d’autres exa­mi­na­teurs avons aler­té la haute direc­tion de la FDA des irré­gu­la­ri­tés dans l’af­faire Ketek. La direc­tion de la FDA n’a pris aucune mesure de fond. Dans un e‑mail interne, un cadre supé­rieur, bien que conscient de la fraude dans l’é­tude 3014, a défen­du la cita­tion de l’a­gence, décla­rant que la divi­sion d’exa­men res­pon­sable de Ketek l’a­vait uti­li­sée. (Trois jours après une audience du Congrès sur Ketek, en février 2007, la FDA a fina­le­ment reti­ré toute men­tion de l’é­tude 3014 de son site Web.)

    Face aux cita­tions à com­pa­raître du Congrès et à une publi­ci­té défa­vo­rable, les exa­mi­na­teurs de la FDA ont été aver­tis lors d’une réunion de juin 2006 par Andrew von Eschen­bach, alors com­mis­saire par inté­rim de la FDA, de ne pas dis­cu­ter de Ketek en dehors de l’a­gence. À cette époque, 23 cas de lésions hépa­tiques aiguës graves et 12 cas d’in­suf­fi­sance hépa­tique aiguë, dont 4 mor­tels, avaient été liés à Ketek. Fin 2006, Ketek était impli­qué dans 53 cas d’ef­fets hépa­to­toxiques. La FDA n’a pas rééti­que­té Ketek pour indi­quer sa pos­sible hépa­to­toxi­ci­té grave jus­qu’à 16 mois après que les pre­miers cas d’in­suf­fi­sance hépa­tique soient deve­nus publics. Le retrait d’a­gré­ment pour deux indi­ca­tions, la sinu­site bac­té­rienne aiguë et l’exa­cer­ba­tion aiguë de bron­chite chro­nique, pour les­quelles l’ef­fi­ca­ci­té de Ketek n’a­vait jamais été démon­trée, n’est inter­ve­nu que le 12 février 2007, soit un jour seule­ment avant l’au­dience du Congrès sur Ketek.

    À ce jour, l’a­gence n’a pas abor­dé les mesures prises par les cadres supé­rieurs de la FDA dans ses rela­tions avec Ketek, mais les audi­tions récem­ment convo­quées par le Congrès sug­gèrent qu’elle est prête à le faire, dans le cadre de ses efforts pour résoudre des pro­blèmes plus larges au sein de l’a­gence. Si le cas de Ketek conduit à des réformes impor­tantes, alors le médi­ca­ment a peut-être fait du bien après tout.

    Réponse
  7. Étienne CHOUARD

    Comment une nouvelle politique [de la FDA] a conduit à sept drogues mortelles

    PAR DAVID WILLMAN, Los Angeles Times, décembre 2000

    https://​www​.latimes​.com/​n​a​t​i​o​n​/​l​a​-​1​2​2​0​0​1​f​d​a​-​s​t​o​r​y​.​h​tml

    Pen­dant la majeure par­tie de son his­toire, la Food and Drug Admi­nis­tra­tion des États-Unis a approu­vé de nou­veaux médi­ca­ments sur ordon­nance à contre­cœur, ren­dant chaque jour hom­mage au cre­do du méde­cin : « D’a­bord, ne faites pas de mal ».

    Puis, au début des années 90, la demande de médi­ca­ments contre le SIDA a chan­gé le cli­mat poli­tique. Le Congrès a deman­dé à la FDA de tra­vailler en étroite col­la­bo­ra­tion avec les socié­tés phar­ma­ceu­tiques pour accé­lé­rer la mise sur le mar­ché de nou­veaux médi­ca­ments. Le pré­sident Clin­ton a exhor­té les diri­geants de la FDA à faire confiance à l’in­dus­trie en tant que « par­te­naires, pas en tant qu’adversaires ».

    La FDA a atteint ses nou­veaux objec­tifs, mais main­te­nant le coût humain devient clair.

    Sept médi­ca­ments approu­vés depuis 1993 ont été reti­rés après des rap­ports de décès et d’ef­fets secon­daires graves. Une enquête de deux ans du Los Angeles Times a révé­lé que la FDA a approu­vé cha­cun de ces médi­ca­ments sans tenir compte des signes de dan­ger ou des aver­tis­se­ments directs de ses propres spé­cia­listes. Puis, après avoir reçu des rap­ports fai­sant état de pré­ju­dices impor­tants pour les patients, l’a­gence a mis du temps à deman­der des retraits.

    Selon les rap­ports d’é­vé­ne­ments indé­si­rables dépo­sés auprès de la FDA, les sept médi­ca­ments ont été cités comme sus­pects dans 1 002 décès. Parce que les décès sont signa­lés par les méde­cins, les hôpi­taux et d’autres sur une base volon­taire, le nombre réel de décès pour­rait être bien plus éle­vé, selon les épidémiologistes.

    Un rap­port d’é­vé­ne­ment indé­si­rable ne prouve pas qu’un médi­ca­ment a cau­sé la mort ; d’autres fac­teurs, comme une mala­die pré­exis­tante, pour­raient jouer un rôle. Mais les rap­ports sont consi­dé­rés par les res­pon­sables de la san­té publique comme les aver­tis­se­ments pré­coces de dan­ger les plus fiables.

    Les per­for­mances de la FDA ont été sui­vies grâce à un exa­men de mil­liers de pages de docu­ments gou­ver­ne­men­taux, d’autres don­nées obte­nues en ver­tu de la Free­dom of Infor­ma­tion Act et d’en­tre­tiens avec plus de 60 res­pon­sables actuels et anciens de l’agence.

    Les sept médi­ca­ments n’é­taient pas néces­saires pour sau­ver des vies. L’un était pour les brû­lures d’es­to­mac. Un autre était une pilule amai­gris­sante. Un troi­sième était un anal­gé­sique. Au total, il n’a jamais été prou­vé que six des médi­ca­ments offraient des avan­tages vitaux, et le sep­tième, un anti­bio­tique, a fina­le­ment été jugé inutile car d’autres anti­bio­tiques plus sûrs étaient disponibles.

    Les sept font par­tie des cen­taines de nou­veaux médi­ca­ments approu­vés depuis 1993, une période au cours de laquelle la FDA est deve­nue plus connue pour sa rapi­di­té que sa pru­dence. En 1988, seule­ment 4 % des nou­veaux médi­ca­ments intro­duits sur le mar­ché mon­dial ont d’a­bord été approu­vés par la FDA. En 1998, les pre­mières appro­ba­tions de la FDA au monde ont grim­pé à 66 %. La moyenne au bâton des socié­tés phar­ma­ceu­tiques pour l’ap­pro­ba­tion de nou­veaux médi­ca­ments a éga­le­ment aug­men­té. À la fin des années 90, la FDA approu­vait plus de 80 % des demandes de l’in­dus­trie pour de nou­veaux pro­duits, contre envi­ron 60 % au début de la décennie.

    Et les entre­prises ont pros­pé­ré : les sept médi­ca­ments infruc­tueux ont géné­ré à eux seuls des ventes supé­rieures à 5 mil­liards de dol­lars aux États-Unis avant d’être retirés.

    Autre­fois lea­der mon­dial de la sécu­ri­té, la FDA a été la der­nière à reti­rer plu­sieurs nou­veaux médi­ca­ments à la fin des années 90 qui ont été inter­dits par les auto­ri­tés sani­taires en Europe.

    « Ce bilan est tota­le­ment inac­cep­table », a décla­ré le Dr Curt D. Fur­berg, pro­fes­seur de sciences de la san­té publique à l’U­ni­ver­si­té Wake Forest. « Ce sont les patients qui en paient le prix. Ce sont eux qui déve­loppent tous les effets secon­daires, mor­tels et non mor­tels. Quel­qu’un doit par­ler pour eux.

    L’ap­proche plus rapide et plus clé­mente de la FDA a per­mis d’ap­pro­vi­sion­ner les rayons des phar­ma­cies avec des dizaines de nou­veaux remèdes. Mais cela a éga­le­ment don­né lieu à ces faux pas fatals, selon les docu­ments et les entretiens :

    * Il y a seule­ment 10 mois, les admi­nis­tra­teurs de la FDA ont reje­té l’un des aver­tis­se­ments caté­go­riques de son méde­cin et ont approu­vé le Lotro­nex, un médi­ca­ment pour le trai­te­ment du syn­drome du côlon irri­table. Lotro­nex a été lié à cinq décès, à l’a­bla­tion du côlon d’un patient et à d’autres chi­rur­gies intes­ti­nales. Il a été reti­ré du mar­ché le 28 novembre.

    * La pilule amai­gris­sante Redux, approu­vée en avril 1996 mal­gré le vote d’un comi­té consul­ta­tif contre elle, a été reti­rée en sep­tembre 1997 après que des dom­mages aux val­vules car­diaques eurent été détec­tés chez des patients sous trai­te­ment. La FDA a ensuite reçu des rap­ports iden­ti­fiant Redux comme sus­pect dans 123 décès.

    * L’an­ti­bio­tique Raxar a été approu­vé en novembre 1997 mal­gré les preuves qu’il pour­rait avoir cau­sé plu­sieurs per­tur­ba­tions mor­telles du rythme car­diaque dans les études cli­niques. Les res­pon­sables de la FDA ont choi­si d’ex­clure toute men­tion des décès de l’é­ti­quette du médi­ca­ment. Le fabri­cant de la pilule l’a reti­rée en octobre 1999. Raxar a été cité comme sus­pect dans la mort de 13 patients.

    * Le médi­ca­ment contre l’hy­per­ten­sion Posi­cor a été approu­vé en juin 1997 mal­gré les décou­vertes des spé­cia­listes de la FDA selon les­quelles il pour­rait per­tur­ber fata­le­ment le rythme car­diaque et inter­agir avec cer­tains autres médi­ca­ments, pré­sen­tant un risque poten­tiel­le­ment grave. Posi­cor a été reti­ré un an plus tard ; les rap­ports l’ont cité comme sus­pect dans 100 décès.

    * L’a­nal­gé­sique Duract a été approu­vé en juillet 1997 après que les méde­cins de la FDA ont aver­ti à plu­sieurs reprises de la toxi­ci­té hépa­tique du médi­ca­ment. Les hauts fonc­tion­naires se sont ran­gés du côté du fabri­cant pour adou­cir l’a­ver­tis­se­ment de l’é­ti­quette concer­nant la menace pour le foie. Le médi­ca­ment a été reti­ré 11 mois plus tard. À la fin de 1998, la FDA avait reçu des rap­ports volon­taires citant Duract comme sus­pect dans 68 décès, dont 17 impli­quant une insuf­fi­sance hépatique.

    * Le médi­ca­ment contre le dia­bète Rezu­lin a été approu­vé en jan­vier 1997 sur l’op­po­si­tion détaillée d’un méde­cin et a été reti­ré en mars après que l’a­gence eut lié 91 insuf­fi­sances hépa­tiques à la pilule. Les rap­ports citent Rezu­lin comme sus­pect dans 391 décès.

    * Le médi­ca­ment contre les brû­lures d’es­to­mac noc­turnes Pro­pul­sid a été approu­vé en 1993 mal­gré les preuves qu’il pro­vo­quait des troubles du rythme car­diaque. Les res­pon­sables qui ont approu­vé le médi­ca­ment n’ont pas consul­té les car­dio­logues de l’a­gence sur les signes de dan­ger. Le médi­ca­ment a été reti­ré des phar­ma­cies en juillet après des dizaines de décès confir­més dus au rythme car­diaque. Dans l’en­semble, Pro­pul­sid a été cité comme sus­pect dans 302 décès.

    La mani­pu­la­tion du Pro­pul­sid par la FDA met les enfants en danger.

    L’a­gence n’a jamais aver­ti les méde­cins de ne pas admi­nis­trer le médi­ca­ment aux nour­ris­sons ou à d’autres enfants, même si huit jeunes ayant reçu du Pro­pul­sid dans le cadre d’é­tudes cli­niques étaient décé­dés. Les pédiatres l’ont lar­ge­ment pres­crit aux nour­ris­sons souf­frant de reflux gas­trique, un trouble diges­tif courant.

    Les parents et leurs méde­cins n’a­vaient aucun moyen de savoir que la FDA, en août 1996, avait trou­vé que Pro­pul­sid n’é­tait « pas approu­vable » pour les enfants.

    « Nous ne l’a­vons jamais su », a décla­ré Jef­frey A. Engle­brick, un sou­deur d’é­qui­pe­ment lourd à Shaw­nee, Kan., dont le fils de 3 mois, Scott, est décé­dé le 28 octobre 1997 après avoir pris Pro­pul­sid. « Pour moi, cela signi­fie qu’ils ont pris mon enfant comme cobaye pour voir si cela fonctionnerait. »

    Au moment où le médi­ca­ment a été reti­ré, la FDA avait reçu des rap­ports fai­sant état de 24 décès d’en­fants de moins de 6 ans qui avaient reçu du Pro­pul­sid. À ce moment-là, le médi­ca­ment avait géné­ré des ventes aux États-Unis de 2,5 mil­liards de dol­lars pour John­son & John­son Co.

    Des ques­tions entourent éga­le­ment les récentes appro­ba­tions d’autres com­po­sés qui res­tent sur le mar­ché, y com­pris un nou­veau médi­ca­ment contre la grippe appe­lé Relen­za. En février 1999, un comi­té consul­ta­tif de la FDA a conclu que Relen­za n’a­vait pas été prou­vé sûr et effi­cace. L’a­gence l’a néan­moins approu­vée. À la suite du décès de sept patients, la FDA a émis en jan­vier un « avis de san­té publique » aux médecins.

    Une « bous­sole perdue »

    Un total de 10 médi­ca­ments ont été reti­rés du mar­ché au cours des trois der­nières années pour des rai­sons de sécu­ri­té, y com­pris trois pilules qui ont été approu­vées avant le chan­ge­ment qui a eu lieu en 1993. Jamais aupa­ra­vant la FDA n’a super­vi­sé le retrait d’au­tant de médi­ca­ments dans un tel un bref délais. Plus de 22 mil­lions d’A­mé­ri­cains – envi­ron 10 % de la popu­la­tion adulte du pays – ont pris ces médicaments.

    Avec de nom­breux médi­ca­ments, la FDA a uti­li­sé des aver­tis­se­ments ou des recom­man­da­tions en petits carac­tères dans l’é­ti­que­tage des embal­lages pour jus­ti­fier les appro­ba­tions ou évi­ter les retraits. Dans d’autres cas, l’a­gence a caché des infor­ma­tions sur l’in­no­cui­té des éti­quettes qui, selon les méde­cins, remet­traient en ques­tion l’u­ti­li­sa­tion du produit.

    Les spé­cia­listes actuels et anciens de la FDA ont décla­ré que les déci­sions régle­men­taires des hauts fonc­tion­naires étaient en conflit avec l’o­bli­ga­tion cen­trale de l’a­gence, en ver­tu de la loi, de « pro­té­ger la san­té publique en garan­tis­sant … que les médi­ca­ments sont sûrs et efficaces.

    « Ils ont per­du leur bous­sole et ils oublient qui ils servent en fin de compte », a décla­ré le Dr Lemuel A. Moye, méde­cin de l’É­cole de san­té publique de l’U­ni­ver­si­té du Texas qui a sié­gé de 1995 à 1999 au sein d’un comi­té consul­ta­tif de la FDA. « Mal­heu­reu­se­ment, le public paie pour cela, car le public pense que la FDA sur­veille la porte, qu’il est la sentinelle. »

    Le chan­ge­ment de la FDA se fait direc­te­ment sen­tir dans la pra­tique pri­vée de la méde­cine, a décla­ré le Dr William L. Isley, spé­cia­liste du dia­bète à Kan­sas City, dans le Mis­sou­ri. Il a implo­ré l’a­gence de rééva­luer Rezu­lin il y a trois ans après qu’un patient qu’il a trai­té ait souf­fert d’une insuf­fi­sance hépa­tique en pre­nant la pilule.

    « La FDA avait l’ha­bi­tude de ser­vir un objec­tif », a décla­ré Isley. « Un méde­cin pou­vait être sûr qu’un médi­ca­ment qu’il pres­cri­vait était aus­si sûr que pos­sible. Main­te­nant, vous vous deman­dez quel type d’é­va­lua­tion a été fait et ce qui a été balayé sous le tapis.

    Les res­pon­sables de la FDA ont décla­ré qu’ils avaient essayé conscien­cieu­se­ment de peser les avan­tages par rap­port aux risques en déci­dant d’ap­prou­ver ou non de nou­veaux médi­ca­ments. Ils ont noté que de nom­breux méde­cins et patients se plaignent lors­qu’un médi­ca­ment est retiré.

    « Tous les médi­ca­ments com­portent des risques ; la plu­part d’entre eux pré­sentent des risques graves », a décla­ré le Dr Janet Wood­cock, direc­trice du centre d’exa­men des médi­ca­ments de la FDA. Elle a ajou­té que cer­tains des médi­ca­ments reti­rés étaient « très pré­cieux, même s’ils ne sau­vaient pas des vies, et leur retrait du mar­ché repré­sente une perte, même si elle est nécessaire ».

    Une fois qu’un médi­ca­ment s’est avé­ré effi­cace et sûr, a décla­ré Wood­cock, la FDA dépend des méde­cins « pour prendre en compte les risques, pour lire l’é­ti­quette.… Nous devons comp­ter sur la com­mu­nau­té des pra­ti­ciens pour être l’in­ter­mé­diaire savant. C’est pour­quoi les médi­ca­ments sont des médi­ca­ments d’ordonnance.

    Dans un article du 12 mai 1999, co-écrit avec des col­lègues de la FDA et publié par le Jour­nal of the Ame­ri­can Medi­cal Assn., Wood­cock a décla­ré : mala­dies] en cours de traitement.

    Com­pa­ré au volume de nou­veaux médi­ca­ments approu­vés, ont-ils écrit, le nombre de retraits récents « est par­ti­cu­liè­re­ment rassurant ».

    Cepen­dant, les spé­cia­listes de l’a­gence sou­lignent que les appro­ba­tions et les retraits sont contrô­lés par Wood­cock et ses admi­nis­tra­teurs. Lors­qu’ils envi­sagent un retrait, ils font face à la pers­pec­tive désa­gréable de répu­dier leur déci­sion ini­tiale d’approuver.

    Wood­cock, 52 ans, a obte­nu son diplôme de méde­cine à l’U­ni­ver­si­té Nor­th­wes­tern et est inter­niste cer­ti­fiée par le conseil d’ad­mi­nis­tra­tion. Elle a fait allu­sion dans une récente inter­view à la dif­fi­cul­té qu’elle res­sent à reje­ter un médi­ca­ment pro­po­sé qui pour­rait coû­ter 150 mil­lions de dol­lars ou plus à une entre­prise à déve­lop­per. Elle a éga­le­ment recon­nu les pres­sions com­mer­ciales dans un article de mars 1997.

    « Les défen­seurs de la pro­tec­tion des consom­ma­teurs veulent que les médi­ca­ments soient bien éla­bo­rés et éva­lués de manière appro­fon­die pour leur sécu­ri­té et leur effi­ca­ci­té avant d’être mis sur le mar­ché », a écrit Wood­cock dans le Food and Drug Law Jour­nal. « D’un autre côté, il existe des pres­sions éco­no­miques pour mettre les médi­ca­ments sur le mar­ché dès que pos­sible, et celles-ci sont très valables. »

    Mais cet été, après les hui­tième et neu­vième retraits de médi­ca­ments, Wood­cock a décla­ré que la FDA ne pou­vait pas se fier uni­que­ment aux pré­cau­tions d’é­ti­que­tage pour résoudre les pro­blèmes de sécurité.

    « Comme la pra­tique médi­cale a chan­gé… il est juste beau­coup plus dif­fi­cile pour [les méde­cins] de gérer » l’ap­pro­vi­sion­ne­ment accru en médi­ca­ments, a décla­ré Wood­cock dans une inter­view. « Ils comptent beau­coup plus sur nous pour s’as­su­rer que les médi­ca­ments sont sûrs. »

    Il y a six mois, une autre admi­nis­tra­trice de la FDA, le Dr Flo­rence Houn, a expri­mé une pré­oc­cu­pa­tion simi­laire dans des remarques adres­sées à des res­pon­sables de l’in­dus­trie : « Je pense que les leçons tirées des retraits de médi­ca­ments nous rendent méfiants. »

    Pour­tant, l’im­pé­ra­tif d’a­gir rapi­de­ment et en coopé­ra­tion demeure.

    « Nous pre­nons désor­mais des déci­sions plus rapi­de­ment et de manière plus pré­vi­sible tout en main­te­nant les mêmes normes éle­vées en matière de sécu­ri­té et d’ef­fi­ca­ci­té des pro­duits », a décla­ré la com­mis­saire de la FDA, Jane E. Hen­ney, dans un dis­cours du Natio­nal Press Club le 12 décembre.

    Moti­vé par le SIDA

    L’im­pul­sion pour le chan­ge­ment à la FDA a émer­gé en 1988, lorsque des mili­tants du SIDA ont para­ly­sé les opé­ra­tions pen­dant une jour­née au siège de l’a­gence de 18 étages à Rock­ville, Mary­land. Ils ont exi­gé l’ap­pro­ba­tion immé­diate de médi­ca­ments expé­ri­men­taux qui offraient au moins une lueur d’es­poir à ceux qui seraient autre­ment confron­tés décès.

    La FDA pre­nait sou­vent plus de deux ans pour exa­mi­ner les demandes de nou­veaux médi­ca­ments. L’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique a vu une occa­sion de des­ser­rer les freins régle­men­taires et d’ac­cé­lé­rer la mise sur le mar­ché d’une gamme de nou­veaux pro­duits. Les entre­prises et leurs lob­byistes de Capi­tol Hill ont fait pres­sion pour obte­nir l’a­van­tage : si elles n’é­taient pas entra­vées, ont-ils dit, les entre­prises pour­raient inven­ter et déve­lop­per plus de remèdes plus rapidement.

    La pres­sion poli­tique mon­ta et la FDA com­men­ça à s’in­cli­ner. En 1991, les res­pon­sables de l’a­gence ont décla­ré au Congrès qu’ils fai­saient des pro­grès signi­fi­ca­tifs dans l’ac­cé­lé­ra­tion du pro­ces­sus d’approbation.

    Les entre­prises enhar­dies ont pous­sé pour plus. Ils ont pro­po­sé que les médi­ca­ments des­ti­nés à des troubles poten­tiel­le­ment mor­tels ou « graves » fassent l’ob­jet d’un exa­men plus rapide.

    « Les socié­tés phar­ma­ceu­tiques sont reve­nues et ont fait pres­sion sur l’a­gence et la Col­line pour ce mot, « sérieux », » a rap­pe­lé Jef­frey A. Nes­bit, qui en 1991 était chef de cabi­net du com­mis­saire de la FDA, David A. Kess­ler. « Leur argu­ment était : ‘Eh bien, d’ac­cord, il y a le sida et le can­cer. Mais il existe des médi­ca­ments [en cours de déve­lop­pe­ment] pour la mala­die d’Alz­hei­mer. Et c’est une mala­die grave. Ils ont com­men­cé à nom­mer d’autres mala­dies. Ils ont com­men­cé à repous­ser cette enveloppe.

    Le manie­ment de cet adjec­tif unique et flexible – « sérieux » – a ouvert grand la porte régle­men­taire entrou­verte par la crise du sida.

    Une nou­velle com­mande prend effet

    En 1992, Kess­ler a publié des règle­ments don­nant à la FDA le pou­voir dis­cré­tion­naire d’« accé­lé­rer l’ap­pro­ba­tion de cer­tains nou­veaux médi­ca­ments » pour des affec­tions graves ou met­tant la vie en dan­ger. La même année, un Congrès contrô­lé par les démo­crates a approu­vé et le pré­sident Bush a signé la Pres­crip­tion Drug User Fee Act. Il a éta­bli des objec­tifs qui demandent à la FDA d’exa­mi­ner les médi­ca­ments dans un délai de six mois ou d’un an ; les socié­tés phar­ma­ceu­tiques paient des frais d’u­ti­li­sa­tion à la FDA, main­te­nant de 309 647 $, avec le dépôt de chaque demande de nou­veau médicament.

    L’ad­mi­nis­tra­tion Clin­ton nou­vel­le­ment élue est mon­tée à bord avec son pro­jet de « réin­ven­ter le gou­ver­ne­ment ». Diri­gé par le vice-pré­sident Al Gore, le pro­jet deman­dait à la FDA, d’i­ci jan­vier 2000, de réduire « d’un an en moyenne le temps néces­saire pour mettre de nou­veaux médi­ca­ments impor­tants au public amé­ri­cain ». Comme Clin­ton l’a dit dans un dis­cours du 16 mars 1995, l’ob­jec­tif était de « se débar­ras­ser du gou­ver­ne­ment d’hier ».

    Pour les exa­mi­na­teurs médi­caux de la FDA – les méde­cins, les phar­ma­co­logues, les chi­mistes et les bio­sta­tis­ti­ciens qui scrutent l’in­no­cui­té et l’ef­fi­ca­ci­té des médi­ca­ments émer­gents – un nou­vel ordre s’é­tait imposé.

    Les exa­mi­na­teurs tra­vaillent hors de vue du public dans des immeubles de bureaux sécu­ri­sés regrou­pés le long de la route 355 du Mary­land. Dans le bâti­ment du siège noir de jais, le décor est ins­ti­tu­tion­nel, les cou­loirs et la café­té­ria du troi­sième étage sans fenêtres. Les exa­mi­na­teurs exa­minent des camions char­gés de docu­ments scien­ti­fiques. Ils sont bien édu­qués ; cer­tains sont très moti­vés à faire de leur mieux pour une nation de patients qui, sans le savoir, comptent sur leur expertise.

    L’un de ces exa­mi­na­teurs était Michael Ela­shoff, un bio­sta­tis­ti­cien arri­vé à la FDA en 1995 après avoir obte­nu des diplômes de l’UC Ber­ke­ley et de la Har­vard School of Public Health.

    « Dès le pre­mier médi­ca­ment que j’ai exa­mi­né, j’ai vrai­ment eu le sen­ti­ment que je fai­sais quelque chose de valable. J’ai vu toute la dif­fé­rence qu’un seul cri­tique peut faire », a décla­ré Ela­shoff, fils et petit-fils de statisticiens.

    L’an­née der­nière, il a été char­gé d’exa­mi­ner Relen­za, le nou­veau médi­ca­ment contre la grippe déve­lop­pé par Glaxo Well­come. Il a recom­man­dé contre l’approbation.

    « Le médi­ca­ment n’a aucune effi­ca­ci­té prou­vée pour le trai­te­ment de la grippe dans la popu­la­tion amé­ri­caine, aucun effet prou­vé sur la réduc­tion de la trans­mis­si­bi­li­té de per­sonne à per­sonne et aucun impact prou­vé sur la pré­ven­tion de la grippe », a écrit Ela­shoff, ajou­tant que de nom­breux patients seraient expo­sés à des risques. « en ne tirant aucun avantage. »

    Un comi­té consul­ta­tif de l’a­gence a accep­té et le 24 février a voté 13 contre 4 contre l’ap­pro­ba­tion de Relenza.

    Après le vote, les hauts res­pon­sables de la FDA ont répri­man­dé Ela­shoff. Ils l’ont dépouillé de son exa­men d’un autre médi­ca­ment contre la grippe. Ils lui ont dit qu’il ne ferait plus de pré­sen­ta­tions au comi­té consul­ta­tif. Et ils ont approu­vé Relen­za comme un médi­ca­ment anti­grip­pal sûr et efficace.

    Perte de foi dans le système

    Ela­shoff et d’autres exa­mi­na­teurs de la FDA dis­cernent un mes­sage puissant.

    « Les gens sont conscients que refu­ser quelque chose va cau­ser des pro­blèmes avec [les fonc­tion­naires] plus haut pla­cés à la FDA, peut-être plus de pro­blèmes que cela n’en vaut la peine », a‑t-il décla­ré. « Avant de venir à la FDA, je sup­pose que j’ai tou­jours sup­po­sé que les choses étaient faites cor­rec­te­ment. J’ai per­du beau­coup de foi dans la prise d’un médi­ca­ment sur ordonnance.

    Ela­shoff a quit­té la FDA il y a quatre mois.

    « Soit vous jouez à des jeux, soit vous allez être mis hors limites… un paria », a décla­ré le Dr John L. Gue­ri­guian, un méde­cin de la FDA depuis 19 ans qui s’est oppo­sé à l’ap­pro­ba­tion de Rezu­lin, le médi­ca­ment mal­heu­reux contre le dia­bète. « Les res­pon­sables ne disent pas : « Devrions-nous approu­ver ce médi­ca­ment ? Ils disent : « Hé, com­ment pou­vons-nous faire approu­ver ce médicament ? » »

    Le Dr Rudolph M. Wid­mark, qui a pris sa retraite en 1997 après 11 ans en tant que méde­cin mili­taire, a décla­ré le Dr Rudolph M. Wid­mark : « Si vous faites part de vos inquié­tudes au sujet d’un médi­ca­ment, cela déclenche tout un pro­ces­sus interne qui est dif­fi­cile et dou­lou­reux. Vous devez défendre la rai­son pour laquelle vous rete­nez la drogue à vos patrons.… Vous ne pou­vez pas ima­gi­ner à quel point la pres­sion est exer­cée sur les critiques.

    La pres­sion est telle que lors­qu’un repré­sen­tant syn­di­cal a négo­cié un nou­veau contrat de tra­vail pour les éva­lua­teurs l’an­née der­nière, l’une de ses prin­ci­pales prio­ri­tés était de défendre ce qu’il a appe­lé « l’in­té­gri­té scien­ti­fique » de leur travail.

    « Les gens se sentent sub­mer­gés. Les gens subissent des pres­sions pour qu’ils acceptent ce que veut l’a­gence », a décla­ré le Dr Robert SK Young, un méde­cin de la FDA qui, en 1998, a for­mé une sec­tion syn­di­cale pour repré­sen­ter les exa­mi­na­teurs. « Vous payez pour ces per­sonnes hau­te­ment ins­truites et for­mées, et elles ne sont pas auto­ri­sées à faire leur travail. »

    Chaque nou­velle demande de médi­ca­ment est accom­pa­gnée de don­nées médi­cales volu­mi­neuses, suf­fi­santes par­fois pour rem­plir 1 000 annuaires télé­pho­niques ou plus. Les relec­teurs doivent maî­tri­ser cette matière en moins de six mois ou un an, tout en jon­glant avec d’autres tâches.

    « Le diable est dans les détails, et les détails sont quelque chose que nous n’a­vons plus le temps d’a­bor­der », a décla­ré Gurs­ton D. Tur­ner, un phar­ma­co­logue che­vron­né de la divi­sion des enquêtes scien­ti­fiques de la FDA qui a pris sa retraite cette année. « Si vous savez que votre rap­port doit être ter­mi­né à une cer­taine date, vous obte­nez quelque chose. C’est ce qu’ils [les hauts fonc­tion­naires de la FDA] comptent, c’est tout ce qu’ils comptent. Et c’est vrai­ment, pour moi, une chose inquiétante.

    La FDA a inci­té les exa­mi­na­teurs à avan­cer à une vitesse record.

    En 1994, l’ob­jec­tif de la FDA était de ter­mi­ner à temps 55 % de ses nou­veaux exa­mens de médi­ca­ments ; l’a­gence a atteint 95%. En 1995, l’ob­jec­tif était de 70 % ; la FDA a atteint 98%. En 1996, l’ob­jec­tif était de 80 %; la FDA a atteint 100 %. En 1997 et 1998, l’ob­jec­tif était de 90 % et la FDA a atteint 100 %.

    De 1993 à 1999, l’a­gence a approu­vé 232 médi­ca­ments consi­dé­rés comme de « nou­velles enti­tés molé­cu­laires », contre 163 au cours des sept années pré­cé­dentes, soit une aug­men­ta­tion de 42 %.

    Les objec­tifs de délai ont rapi­de­ment été trai­tés comme des délais au sein de la FDA – impo­sant une pres­sion inces­sante sur les exa­mi­na­teurs et leurs patrons pour qu’ils concluent rapi­de­ment leur tra­vail et approuvent les médicaments.

    « Les objec­tifs devaient être pris au sérieux. Je ne pense pas que qui­conque s’at­ten­dait à ce que l’a­gence les fasse tous », a décla­ré William B. Schultz, com­mis­saire adjoint de la FDA de 1995 à 1999.

    Schultz, qui a aidé à éla­bo­rer la loi sur les frais d’u­ti­li­sa­tion de 1992 en tant qu’a­vo­cat du Congrès, a ajou­té : « Vous pou­vez atteindre l’ob­jec­tif en approu­vant le médi­ca­ment ou en refu­sant l’ap­pro­ba­tion. Mais cer­tains sou­tiennent que ce que le Congrès vou­lait vrai­ment, ce n’é­tait pas seule­ment des déci­sions, mais des appro­ba­tions. C’est ce qui devient vrai­ment dangereux.

    En effet, le rap­port annuel 1999 du centre phar­ma­ceu­tique de la FDA qua­li­fiait les objec­tifs de l’exa­men de « délai de la loi ». Et, le Dr Wood­cock, le direc­teur du centre, a expli­qué dans un bul­le­tin d’in­for­ma­tion ulté­rieur de l’agence :

    « En échange [des frais d’u­ti­li­sa­tion], la FDA s’en­gage à atteindre cer­tains objec­tifs en matière de délais d’exa­men. [L’a­gence] a dépas­sé presque tous les objec­tifs et espère conti­nuer à les dépas­ser. Fon­da­men­ta­le­ment, le nombre de nou­veaux médi­ca­ments approu­vés a dou­blé et les délais d’exa­men ont été réduits de moitié.

    Les frais d’u­ti­li­sa­tion ont per­mis à la FDA d’embaucher plus d’exa­mi­na­teurs médi­caux. L’an der­nier, 236 méde­cins-conseils ont exa­mi­né de nou­veaux médi­ca­ments com­pa­ra­ti­ve­ment à 162 poli­ciers en poste en 1992, l’an­née pré­cé­dant l’en­trée en vigueur des frais d’utilisation.

    Mal­gré cela, Wood­cock a recon­nu dans une publi­ca­tion de la FDA cet automne que les charges de tra­vail et les objec­tifs de per­for­mance ser­rés « créent un envi­ron­ne­ment d’a­te­lier de misère qui entraîne un rou­le­ment de per­son­nel élevé ».

    Un rap­port d’é­tape de la FDA en 1998, décri­vant le tra­vail des chi­mistes de l’a­gence, a décla­ré que « trop d’exa­mens arrivent ‘au fil du temps’ par rap­port à la date butoir.… Cela sug­gère un sys­tème dans le stress.

    A décla­ré Nes­bit, l’an­cien assis­tant du com­mis­saire Kess­ler : « L’hor­loge tourne tou­jours, alors qu’a­vant, l’hor­loge ne fonc­tion­nait jamais. Et cela change le com­por­te­ment des gens.

    Des dizaines de res­pon­sables inter­ro­gés par le Times ont fait des obser­va­tions similaires.

    « La pres­sion pour res­pec­ter les délais est énorme », a décla­ré le Dr Solo­mon Sobel, 65 ans, direc­teur de la divi­sion des médi­ca­ments méta­bo­liques et endo­cri­niens de la FDA tout au long des années 1990. Et la pres­sion n’est pas seule­ment de ter­mi­ner les exa­mens, a‑t-il décla­ré. « Le mes­sage de base est d’approuver. »

    Au cours des sept der­nières années, « il y a eu un énorme chan­ge­ment », a décla­ré Kath­leen Hol­combe, ancienne membre du per­son­nel des affaires légis­la­tives de la FDA et assis­tante du Congrès, qui est main­te­nant consul­tante dans l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. « La FDA, his­to­ri­que­ment, avait une approche de » régle­men­ter, être dur, appli­quer la loi [et] ne pas lais­ser une chose mal tour­ner «  », a décla­ré Hol­combe, ajou­tant que main­te­nant, « la FDA se voit beau­coup plus dans une coopé­ra­tive rôle. »

    La per­cep­tion de confort avec les fabri­cants de médi­ca­ments est per­pé­tuée par des conflits d’in­té­rêts poten­tiels au sein des 18 comi­tés consul­ta­tifs de la FDA, les panels influents qui recom­mandent quels médi­ca­ments méritent d’être approu­vés ou devraient res­ter sur le mar­ché. La FDA per­met à cer­taines per­sonnes nom­mées de dou­bler en tant que consul­tants ou cher­cheurs pour les mêmes entre­prises dont elles éva­luent les pro­duits au nom du public. Tel a été le cas lors des éva­lua­tions par le comi­té de plu­sieurs des médi­ca­ments récem­ment reti­rés, dont Lotro­nex et Posi­cor, selon le Times.

    Peu de gens doutent du poids de 100 mil­liards de dol­lars de l’in­dus­trie phar­ma­ceu­tique. Au cours de la der­nière décen­nie, les socié­tés phar­ma­ceu­tiques ont ver­sé 44 mil­lions de dol­lars de contri­bu­tions aux prin­ci­paux par­tis poli­tiques et aux can­di­dats à la Mai­son Blanche et aux deux chambres du Congrès.

    Les exa­mi­na­teurs de la FDA ont décla­ré qu’eux-mêmes et leurs patrons crai­gnaient qu’à moins que les nou­veaux médi­ca­ments ne soient approu­vés, les entre­prises écla­te­ront et le Congrès ripos­te­ra en refu­sant de renou­ve­ler les frais d’u­ti­li­sa­tion. Cela para­ly­se­rait les opé­ra­tions de la FDA et met­trait en péril les emplois.

    L’argent des entre­prises couvre désor­mais envi­ron 50% des coûts de la FDA pour l’exa­men des médi­ca­ments pro­po­sés – et les res­pon­sables de l’a­gence disent que per­sua­der le Congrès de renou­ve­ler les frais d’u­ti­li­sa­tion en 2007 est désor­mais une prio­ri­té absolue.

    Pour­tant, même si les frais d’u­ti­li­sa­tion res­tent, la FDA n’a pas le droit de dépen­ser les reve­nus pour autre chose que l’exa­men de nou­veaux médi­ca­ments. Ain­si, alors que le bud­get des exa­mens préa­lables à l’ap­pro­ba­tion a grim­pé en flèche, l’a­gence n’a pas obte­nu d’aug­men­ta­tion simi­laire des res­sources pour éva­luer l’in­no­cui­té des médi­ca­ments après leur prescription.

    « C’est cho­quant », a décla­ré le Dr Brian L. Strom, pré­sident d’é­pi­dé­mio­lo­gie à l’U­ni­ver­si­té de Penn­syl­va­nie. « Com­ment pou­vez-vous dire : « Met­tez les médi­ca­ments sur le mar­ché plus tôt » sans savoir s’ils tuent des gens ? … C’est vrai­ment un énon­cé dra­ma­tique des prio­ri­tés publiques.

    Plus de 250 000 effets secon­daires liés aux médi­ca­ments sur ordon­nance, y com­pris des bles­sures et des décès, sont signa­lés chaque année. Et ces rap­ports « d’é­vé­ne­ment indé­si­rable » par les méde­cins et autres ne sont dépo­sés que volon­tai­re­ment. Les experts, y com­pris Strom, pensent que les rap­ports ne repré­sentent que 1% à 10% de tous ces événements.

    « Il n’y a aucune inci­ta­tion pour un méde­cin à signa­ler [une réac­tion indé­si­rable à un médi­ca­ment] », a décla­ré Strom, qui a docu­men­té le phé­no­mène. « La sous-décla­ra­tion est vaste. »

    Même lorsque des décès sont signa­lés, les dos­siers et les entre­tiens montrent que les entre­prises contestent sys­té­ma­ti­que­ment que leur pro­duit a cau­sé un décès don­né en poin­tant du doigt d’autres fac­teurs, notam­ment une mala­die pré­exis­tante ou l’u­ti­li­sa­tion d’un autre médicament.

    Certes, une chaîne d’é­vé­ne­ments affecte la sécu­ri­té d’u­ti­li­sa­tion d’un médi­ca­ment d’or­don­nance : La conduite des études cli­niques par les entre­prises ; les actions régle­men­taires de la FDA ; la déci­sion du méde­cin de pres­crire ; le rem­plis­sage par le phar­ma­cien d’une ordon­nance manus­crite ; la capa­ci­té du patient à prendre le médi­ca­ment comme indi­qué. Une défaillance à n’im­porte quel lien pour­rait s’a­vé­rer fatale.

    Et une fois qu’une pilule est approu­vée par la FDA, le fabri­cant dépense sou­vent beau­coup en pro­mo­tion pour s’emparer de la plus grande part de mar­ché pos­sible. Cela peut exa­cer­ber le risque pour la san­té publique, selon les experts.

    « Une pro­mo­tion agres­sive aug­mente l’ex­po­si­tion et ne vous donne pas le temps de trou­ver le pro­blème avant que les patients ne se blessent », a décla­ré le Dr Ray­mond L. Woos­ley, pré­sident du dépar­te­ment de phar­ma­co­lo­gie de l’U­ni­ver­si­té de Geor­ge­town et ancien membre du comi­té consul­ta­tif de la FDA.

    Lorsque des effets secon­daires graves appa­raissent, les res­pon­sables de la FDA ont pré­co­ni­sé l’u­ti­li­sa­tion de l’é­ti­que­tage des embal­lages comme moyen, selon leurs termes, de « gérer » les risques. Pour­tant, l’a­gence n’a géné­ra­le­ment aucun moyen de savoir si les pré­cau­tions d’é­ti­que­tage – denses, longues et en petits carac­tères – sont lues ou sui­vies par les méde­cins et leurs patients.

    La FDA aborde sou­vent les ques­tions de sécu­ri­té non réso­lues en deman­dant aux entre­prises de mener des études après l’ap­pro­ba­tion du pro­duit. Mais la recherche n’est sou­vent pas effec­tuée, ce qui a inci­té l’ins­pec­teur géné­ral du minis­tère de la San­té et des Ser­vices sociaux à dire en 1996 que « la FDA peut reti­rer les médi­ca­ments du mar­ché si les études post-com­mer­cia­li­sa­tion ne sont pas ache­vées avec une dili­gence raisonnable ».

    Depuis la publi­ca­tion de ce rap­port, la FDA n’a reti­ré aucun médi­ca­ment en rai­son de l’é­chec d’une entre­prise à mener à bien une étude de sécu­ri­té post-appro­ba­tion. Les res­pon­sables ont concé­dé cette semaine qu’ils ne savent tou­jours pas à quelle fré­quence les études sont effectuées.

    Une consé­quence est qu’un plus grand risque est trans­fé­ré aux méde­cins et aux patients.

    Par exemple, Wood­cock et ses prin­ci­paux col­la­bo­ra­teurs ont per­mis à Rezu­lin de res­ter sur le mar­ché amé­ri­cain près de 2 ans et demi après son retrait en Grande-Bre­tagne en décembre 1997. La FDA a recom­man­dé des tests de labo­ra­toire fré­quents sur les patients uti­li­sant le médi­ca­ment, mais n’a­vait aucune assu­rance scien­ti­fique que les tests empê­che­raient Insuf­fi­sance hépa­tique induite par la rézuline.

    « Ils ont conti­nué à aug­men­ter le nombre de tests de fonc­tion hépa­tique que vous devriez avoir », a noté le Dr Alas­tair JJ Wood, ancien membre du comi­té consul­ta­tif de la FDA et pro­fes­seur de méde­cine à l’U­ni­ver­si­té Van­der­bilt. « Cela a été clai­re­ment conçu pour pro­té­ger la FDA, pour pro­té­ger le fabri­cant et pour reje­ter la res­pon­sa­bi­li­té sur le patient et le méde­cin. Si le patient a déve­lop­pé une mala­die du foie et qu’il n’a­vait pas fait ses [tests], quel­qu’un était à blâ­mer et ce n’é­tait pas le fabri­cant et ce n’é­tait pas la FDA.

    Assu­rances de l’industrie

    Les prin­ci­paux res­pon­sables de l’in­dus­trie affirment que les Amé­ri­cains n’ont rien à craindre de la vague d’ap­pro­ba­tions de médicaments.

    « Les médi­ca­ments dan­ge­reux entrent-ils et res­tent-ils sur le mar­ché ? Abso­lu­ment pas », a décla­ré le Dr Bert A. Spil­ker, vice-pré­sident senior des affaires scien­ti­fiques et régle­men­taires pour la recherche phar­ma­ceu­tique et les fabri­cants d’A­mé­rique, dans des remarques l’an­née der­nière aux scien­ti­fiques de l’in­dus­trie et de la FDA.

    Mais lors d’en­tre­tiens au cours des deux der­nières années, les spé­cia­listes actuels et anciens de la FDA ont cité des cas répé­tés où des médi­ca­ments ont été approu­vés avec des preuves moins que convain­cantes de sécu­ri­té ou d’ef­fi­ca­ci­té. Ils ont éga­le­ment décla­ré que des infor­ma­tions impor­tantes ont été exclues des éti­quettes de cer­tains médicaments.

    Ela­shoff, par exemple, a été sur­pris par l’é­ti­que­tage d’un médi­ca­ment appe­lé Pro­graf, approu­vé en 1997 pour pré­ve­nir le rejet de reins trans­plan­tés. Le médi­ca­ment avait été approu­vé pour la pre­mière fois en 1994 pour une uti­li­sa­tion chez les patients ayant subi une greffe du foie.

    La nou­velle éti­quette note que Pro­graf s’est avé­ré effi­cace dans une étude por­tant sur 412 patients amé­ri­cains trans­plan­tés rénaux. Mais aucune men­tion n’est faite de l’é­tude euro­péenne de 448 patients de la socié­té, dans laquelle 7% des patients qui ont pris Pro­graf sont décé­dés, soit le double du taux de mor­ta­li­té de 3,5% par­mi ceux qui ont reçu un autre médi­ca­ment anti-rejet, selon des documents.

    Un audi­teur de l’u­ni­té d’in­ves­ti­ga­tion scien­ti­fique de la FDA, Antoine El-Hage, a exa­mi­né les résul­tats de l’é­tude euro­péenne et a conclu que « les don­nées sont fiables ». Ela­shoff a accep­té dans sa critique.

    Pour­tant, le seul moyen pour les méde­cins ou les patients de trou­ver ces don­nées est de recher­cher la lit­té­ra­ture médi­cale ou de recher­cher les docu­ments d’exa­men de la FDA.

    L’ex­clu­sion de l’é­tude euro­péenne du label Pro­graf, a décla­ré Ela­shoff, « n’é­tait qu’un blan­chi­ment total.… Je pense que toute per­sonne ration­nelle recon­si­dé­re­rait de prendre ce médi­ca­ment si elle savait ce qui s’est pas­sé en Europe.

    Un porte-parole du fabri­cant de Pro­graf a décla­ré que la socié­té n’a­vait aucune objec­tion à inclure les résul­tats de l’é­tude euro­péenne dans l’é­ti­que­tage. William E. Fitz­sim­mons, vice-pré­sident du déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments pour Fuji­sa­wa Heal­th­care Inc., a décla­ré que la déci­sion d’ex­clure les résul­tats appar­te­nait entiè­re­ment à la FDA.

    « Nous avons sou­mis ces don­nées », a‑t-il décla­ré. « Cela se résu­mait à ce que la FDA était à l’aise de mettre sur l’é­ti­quette.… Nous n’a­vons cer­tai­ne­ment aucun inté­rêt à essayer de cacher cette infor­ma­tion. Nous l’a­vons pré­sen­té dans les grandes réunions sur la trans­plan­ta­tion.… Nous sommes à l’aise avec le fait que ces infor­ma­tions soient dans le domaine public.

    Mais si la FDA avait inclus les résul­tats euro­péens dans l’é­ti­quette, elle aurait contes­té la base de l’a­gence pour approu­ver la nou­velle uti­li­sa­tion élar­gie de Pro­graf, selon Ela­shoff et d’autres.

    Lors­qu’on lui a deman­dé pour­quoi l’a­gence avait exclu l’in­for­ma­tion, Wood­cock a décla­ré que les résul­tats euro­péens n’é­taient « pas fiables… et pour­rait être poten­tiel­le­ment trom­peur pour les méde­cins et les patients aux États-Unis s’ils étaient inclus dans l’étiquette.

    MONDE & NATION

    David Will­man
    Twitter
    David Will­man est un ancien jour­na­liste d’in­ves­ti­ga­tion du Los Angeles Times.

    Réponse
  8. Étienne CHOUARD

    Des scientifiques de la FDA contraints d’exclure et de modifier les résultats ; les scientifiques craignent des représailles pour avoir exprimé des préoccupations en matière de sécurité), 20 juillet 2006.

    https://​scien​ce​blogs​.com/​g​r​r​l​s​c​i​e​n​t​i​s​t​/​2​0​0​6​/​0​7​/​2​0​/​f​d​a​-​s​c​i​e​n​t​i​s​t​s​-​p​r​e​s​s​u​r​e​-​t​o​-​exc

    Les scien­ti­fiques de la Food and Drug Admi­nis­tra­tion (FDA) ont révé­lé qu’ils subis­saient des pres­sions pour exclure ou modi­fier les résul­tats de la recherche. En outre, ils ont décla­ré qu’ils crai­gnaient des repré­sailles pour avoir expri­mé des pré­oc­cu­pa­tions en matière de sécu­ri­té et qu’ils pen­saient que la san­té et la sécu­ri­té publiques en souf­fri­raient sans le lea­der­ship de la FDA et du Congrès.

    (Com­mu­ni­qué de presse sous le pli)

    L’ Union of Concer­ned Scien­tists (UCS) a publié aujourd’­hui les résul­tats d’une enquête qui démontrent l’in­fluence poli­tique omni­pré­sente et dan­ge­reuse de la science à la Food and Drug Admi­nis­tra­tion (FDA). Sur les 997 scien­ti­fiques de la FDA qui ont répon­du à l’en­quête, près d’un cin­quième (18,4 %) ont décla­ré qu’on leur avait « deman­dé, pour des rai­sons non scien­ti­fiques, d’ex­clure ou de modi­fier de manière inap­pro­priée des infor­ma­tions tech­niques ou leurs conclu­sions dans un docu­ment scien­ti­fique de la FDA ». Il s’a­git de la troi­sième enquête menée par l’UCS pour exa­mi­ner les inter­fé­rences inap­pro­priées avec la science dans les agences fédé­rales. [voir éga­le­ment les résul­tats d’une enquête récente du minis­tère de la San­té et des Ser­vices sociaux sur ce même sujet ].

    « La science doit être la force motrice des déci­sions prises à la FDA. Ces résul­tats d’en­quête inquié­tants montrent clai­re­ment qu’une inter­fé­rence inap­pro­priée met les gens en dan­ger », a décla­ré le Dr Fran­ces­ca Gri­fo, scien­ti­fique prin­ci­pale et direc­trice du pro­gramme d’in­té­gri­té scien­ti­fique de l’UCS. « Les diri­geants de la FDA devraient agir main­te­nant pour amé­lio­rer la trans­pa­rence et la res­pon­sa­bi­li­té et renou­ve­ler le res­pect de la science indé­pen­dante au sein de l’agence. »

    L’en­quête UCS, co-par­rai­née par Public Employees for Envi­ron­men­tal Res­pon­si­bi­li­ty, a été envoyée à 5 918 scien­ti­fiques de la FDA. Qua­rante pour cent des per­sonnes inter­ro­gées craignent des repré­sailles pour avoir expri­mé des pré­oc­cu­pa­tions en matière de sécu­ri­té en public. Cette peur, selon les scien­ti­fiques, se com­bine avec d’autres pres­sions pour com­pro­mettre la capa­ci­té de l’a­gence à pro­té­ger la san­té et la sécu­ri­té publiques. Plus d’un tiers des per­sonnes inter­ro­gées ne pen­saient pas pou­voir expri­mer leurs pré­oc­cu­pa­tions en matière de sécu­ri­té, même à l’in­té­rieur de l’agence.

    « C’est plus qu’un simple pro­blème bureau­cra­tique au sein de l’a­gence », a décla­ré Kim Witc­zak, Woo​dy​Mat​ters​.com, qui a per­du son mari en rai­son des effets secon­daires d’un anti­dé­pres­seur dangereux.

    « Cela a de réels impacts humains qui peuvent être dévas­ta­teurs. Mon mari a payé le prix ultime du manque de res­pon­sa­bi­li­té de la FDA. »

    L’en­quête a éga­le­ment révé­lé d’autres points préoccupants :

    61 pour cent des per­sonnes inter­ro­gées connais­saient des cas où « le minis­tère de la San­té et des Ser­vices sociaux ou des per­sonnes nom­mées par la FDA se sont impli­qués de manière inap­pro­priée dans les déci­sions ou les actions de la FDA ».

    Seule­ment 47 % pensent que la « FDA four­nit régu­liè­re­ment des infor­ma­tions com­plètes et pré­cises au public ».

    81 % ont conve­nu que « le public serait mieux ser­vi si l’in­dé­pen­dance et l’au­to­ri­té des sys­tèmes de sécu­ri­té post-com­mer­cia­li­sa­tion de la FDA étaient renforcées ».

    70 % ne sont pas d’ac­cord avec l’af­fir­ma­tion selon laquelle la FDA dis­pose de res­sources suf­fi­santes pour rem­plir effi­ca­ce­ment sa mis­sion de « pro­té­ger la san­té publique* et d’ai­der à obte­nir des infor­ma­tions scien­ti­fiques pré­cises dont ils ont besoin pour uti­li­ser des médi­ca­ments et des ali­ments pour amé­lio­rer leur santé ».

    « La FDA régle­mente les pro­duits essen­tiels au bien-être de tous les Amé­ri­cains, y com­pris les ali­ments, les médi­ca­ments, les vac­cins et les dis­po­si­tifs médi­caux », a décla­ré le Dr Gri­fo. « Pour pro­té­ger plei­ne­ment la san­té et la sécu­ri­té publiques, la FDA doit dis­po­ser des meilleures don­nées scien­ti­fiques indé­pen­dantes disponibles. »

    Pour répondre aux pré­oc­cu­pa­tions sou­le­vées par les scien­ti­fiques de la FDA, l’UCS recommande :

    Res­pon­sa­bi­li­té : les diri­geants de la FDA doivent faire face aux consé­quences s’ils se rangent du côté des inté­rêts com­mer­ciaux ou poli­tiques et non du peuple américain.

    Trans­pa­rence : la recherche scien­ti­fique et les exa­mens doivent être ouverts afin que toute mani­pu­la­tion indue soit

    Pro­tec­tion : Des garan­ties doivent être mises en place pour tous les scien­ti­fiques du gou­ver­ne­ment qui s’expriment.

    « Ce que nous voyons à la FDA, bien que dra­ma­tique et effrayant, n’est que trop cou­rant dans de nom­breuses agences fédé­rales », a décla­ré le Dr Gri­fo. « Tous les scien­ti­fiques fédé­raux ont besoin de pro­tec­tions pour pou­voir s’ex­pri­mer lorsque leur science est mani­pu­lée, et toutes les agences fédé­rales ont besoin de comi­tés consul­ta­tifs indé­pen­dants plei­ne­ment opé­ra­tion­nels. La direc­tion de la FDA doit com­prendre et sou­te­nir la science indé­pen­dante et il appar­tient au Congrès de les tenir responsables. »

    Réponse
  9. Étienne CHOUARD

    L’Institut de médecine appelle à des réformes à la FDA. Lancet, 2006 ; 368:1211

    https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(06)69493–2/fulltext

    Abus de pou­voir, condi­tions de tra­vail bar­bares, absence de contrôle qua­li­té, déses­poir. Tous sont rela­tés dans The Jungle , l’ex­po­sé d’Up­ton Sin­clair sur l’in­dus­trie de l’emballage de viande de Chi­ca­go, publié il y a 100 ans. La crise de confiance qui en a résul­té dans la fabri­ca­tion de pro­duits ali­men­taires a conduit à la Food and Drug Admi­nis­tra­tion moderne. Conçue en situa­tion de crise, l’his­toire de la FDA s’est construite sur une légis­la­tion réac­tive face à une suc­ces­sion de catas­trophes. Ce n’est qu’a­près la mort d’en­fants du sul­fa­ni­la­mide que l’in­no­cui­té a été ajou­tée à ses termes de réfé­rence en 1938, avec l’ef­fi­ca­ci­té ajou­tée comme cri­tère en 1962 après la tra­gé­die de la tha­li­do­mide. Aujourd’­hui, l’a­gence se bat avec achar­ne­ment pour res­tau­rer sa cré­di­bi­li­té à la suite du scan­dale du rofe­coxib mal contrô­lé et mal com­mu­ni­qué de 2004.

    En réponse aux inquié­tudes crois­santes concer­nant le Cen­ter for Drug Eva­lua­tion and Research (CDER) de la FDA, la FDA et d’autres par­ties pre­nantes ont com­man­dé une éva­lua­tion indé­pen­dante à l’ Ins­ti­tute of Medi­cine . Le comi­té a enten­du des témoi­gnages lors de réunions publiques, a pro­cé­dé à des entre­vues, a deman­dé des points de vue à l’in­dus­trie et a reçu des avis d’un groupe d’ex­perts mul­ti­dis­ci­pli­naire inter­na­tio­nal. Les résul­tats et 25 recom­man­da­tions sont détaillés dans The Future of Drug Safe­ty : Pro­mo­ting and Pro­tec­ting the Health of the Public , publié le 26 septembre.

    Entre des lignes soi­gneu­se­ment for­mu­lées, émerge une image du CDER comme un éta­blis­se­ment inadap­té : un cadre de pro­fes­sion­nels dévoués lut­tant dans une orga­ni­sa­tion dys­fonc­tion­nelle, où des pro­ces­sus opaques idio­syn­cra­tiques et un manque de lea­der­ship obs­cur­cissent les objec­tifs et étouffent le débat scien­ti­fique. La struc­ture de ges­tion com­bi­née à un moral bas, une faible réten­tion et un rou­le­ment éle­vé du per­son­nel aggravent ces problèmes.

    Les résul­tats font écho à ceux de trois autres publi­ca­tions récentes. En jan­vier, un son­dage de l’U­nion of Concer­ned Scien­tists a mon­tré que 60% des scien­ti­fiques de la FDA étaient conscients d’une ingé­rence poli­tique et com­mer­ciale inap­pro­priée dans la prise de déci­sion, et 18% avaient subi des pres­sions pour modi­fier les rap­ports. 40 % se sont plaints d’un moral bas et seule­ment 51 % ont esti­mé que l’or­ga­ni­sa­tion était effi­cace. 63 % ont deman­dé une nou­velle légis­la­tion pour mieux ser­vir le public. En mai, le Govern­ment Accoun­ta­bi­li­ty Office des États-Unis a vive­ment cri­ti­qué l’ab­sence du CDER d’un pro­ces­sus clair de sur­veillance de la sécu­ri­té post-com­mer­cia­li­sa­tion. Le même mois, un son­dage Har­ris auprès d’a­dultes amé­ri­cains reflé­tait le mécon­ten­te­ment crois­sant, avec seule­ment 37% esti­mant que la FDA fai­sait un bon ou un excellent tra­vail, contre 56% en 2004. 80% étaient pré­oc­cu­pés par la capa­ci­té de l’a­gence à prendre des déci­sions indépendantes.

    Au cœur des recom­man­da­tions de l’Ins­ti­tute of Medi­cine se trouve un accent bien­ve­nu sur la sécu­ri­té des médi­ca­ments. Bien qu’in­di­qué comme une prio­ri­té de la FDA, une atten­tion insuf­fi­sante a été accor­dée à la sur­veillance post-com­mer­cia­li­sa­tion.

    Mettre l’ac­cent sur la sécu­ri­té néces­si­te­ra non seule­ment un chan­ge­ment de culture du CDER, mais une struc­ture entiè­re­ment nou­velle dans laquelle la sécu­ri­té sera inté­grée dans le cycle de vie d’un médi­ca­ment. Il est sug­gé­ré que les phar­ma­co­épi­dé­mio­lo­gistes se joignent à tous les comi­tés de déve­lop­pe­ment de médi­ca­ments et que les nou­veaux com­po­sés fassent l’ob­jet d’un exa­men appro­fon­di de l’in­no­cui­té après 5 ans. Plu­tôt que de dépendre des noti­fi­ca­tions d’é­vé­ne­ments indé­si­rables poten­tiels, le rap­port recom­mande la créa­tion d’une base de don­nées pour une phar­ma­co­vi­gi­lance proac­tive. L’en­ga­ge­ment envers la recherche conti­nue sur la sécu­ri­té des médi­ca­ments devrait être reflé­té dans l’é­non­cé de mis­sion de la FDA et par la nomi­na­tion d’un scien­ti­fique en chef au sein du bureau du com­mis­saire de la FDA.
    Éta­blir un tel centre d’ex­cel­lence coû­te­ra cher. 

    Le rap­port pro­pose un par­te­na­riat public-pri­vé, mais en géné­ral, les auteurs estiment que les fonds devraient pro­ve­nir de cré­dits géné­raux du Congrès.

    Cepen­dant, depuis 2003, les décais­se­ments du Congrès ont dimi­nué et la FDA s’est de plus en plus appuyée sur les frais, qui repré­sentent désor­mais 42 % du bud­get de 517 mil­lions de dol­lars US du CDER.

    Le rap­port est déce­vant dans trois domaines. 

    Des inté­rêts concur­rents ont long­temps han­té la FDA. Mal­gré 74% des répon­dants au son­dage Har­ris expri­mant leur inquié­tude quant au fait que les conseillers ne devraient pas pos­sé­der d’ac­tions de l’in­dus­trie, le rap­port consi­dère les inté­rêts concur­rents accep­tables pour jus­qu’à 40% des membres d’un comité.

    Un autre triomphe de l’op­ti­misme sur l’ex­pé­rience est le manque de détails d’un cadre juri­dique pour habi­li­ter le CDER, car des affaires judi­ciaires récentes ont trou­vé la FDA impuis­sante à appli­quer cer­taines restrictions. 

    Enfin, la ques­tion la plus évi­dente à laquelle le rap­port n’a pas répon­du est de savoir si une orga­ni­sa­tion qui régle­mente un mar­ché de 1 000 mil­liards de dol­lars, dans lequel 25 cents de chaque dol­lar de consom­ma­tion amé­ri­cain sont dépen­sés, est tout sim­ple­ment trop grande, avec trop de res­pon­sa­bi­li­tés concur­rentes pour être sérieuse et effi­cace en matière de sécu­ri­té des médicaments.

    Le rap­port de l’Ins­ti­tut est un début, mais une réforme majeure et urgente de la FDA doit main­te­nant suivre avant qu’une autre crise ne mette en dan­ger le public américain.

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