Un message de Jordi Cuixart, juste avant son procès, il y a 2 ans, en février 2019, depuis une prison espagnole :
« Je suis Jordi Cuixart, président d’Òmnium Cultural, la plus grande ONG culturelle de Catalogne. Je suis en prison préventive depuis plus de quinze mois pour avoir organisé des manifestations massives et toujours pacifiques en défense du droit à l’autodétermination de la Catalogne. Je suis le prisonnier politique d’un système juridico-exécutif espagnol hérité du franquisme. Oui, en Espagne le franquisme a survécu à la transition démocratique et les organes juridiques d’exception chargés de juger les dissidences politiques ont été maintenus.
En l’occurrence s’ouvre ce 12 février devant la Cour suprême espagnole, à Madrid, un procès contre la démocratie. Je serai assis sur le banc des accusés aux côtés de six anciens membres du gouvernement catalan, de l’ancienne présidente du parlement et de l’ancien président d’une autre grande ONG. J’encours jusqu’à dix-sept ans de prison pour des actes que je n’ai pas commis. Je serai jugé pour un crime de rébellion comme a pu l’être le général Tejero suite à sa tentative armée de coup d’État au parlement espagnol en 1981.
Ce crime imaginaire que j’aurais commis nécessite un processus de violence caractérisé qui n’a jamais eu lieu. Je serai également accusé du crime de sédition, qui exige un soulèvement populaire qui empêcherait l’application des lois ou l’actuation des autorités. Là aussi, c’est une pure invention. Ce procès a pour but de juger des hauts responsables catalans et les aspirations démocratiques de plus 80% de la population en Catalogne de décider de son avenir dans les urnes. Dépassé, Madrid répond à cette volonté populaire par la répression physique et judiciaire.
Nos libertés fondamentales sont en péril et cette parodie de procès, où la sentence à une lourde peine de prison semble par ailleurs déjà écrite, sera mise sous le feu des projecteurs de la communauté internationale. Aux yeux de celle-ci, les accusés seront déclarés non coupables et l’État, coupable de son incapacité à dialoguer, verra sa crédibilité s’effondrer. Critiqué pour la politisation de son système judiciaire et son manque de transparence, ce procès est l’expression d’un État en grande souffrance démocratique.
Être en prison me permet d’accuser l’État de violer nos droits fondamentaux. Rousseau dit que « renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs », je n’y renoncerai pas ! Le respect des droits de l’homme est une base solide qui doit régir nos sociétés démocratiques. Aujourd’hui, en Espagne, ces droits sont bafoués sur l’autel de l’unité constitutionnelle. « I have a dream » qu’un jour l’État espagnol, un État étouffé par l’héritage du franquisme, se transforme en une oasis de démocratie. La crise est à la fois politique et démocratique. La réponse judiciaire qui est apportée ne fait que catalyser les tensions alors que seuls le dialogue et une issue politique permettront de les résoudre. »
Jordi Cuixart, 11/2/2019.
Source : https://www.tdg.ch/reflexions/proces-democratie-s-ouvre-madrid/story/25853737
Et puis une protestation sur la condamnation à 9 ans de prison (!) pour ces opposants politiques pacifiques :
Jordi Cuixart, condamné à 9 ans d’emprisonnement pour avoir exercé des droits fondamentaux
Barcelone, le 14 octobre 2019 – La Cour suprême espagnole a condamné Jordi Cuixart, président d’Òmnium Cultural, à purger une peine de 9 ans de prison pour le délit de sédition, délit qu’il n’a pas commis. Toutes ses actions ont été pacifiques, civiques et dans l’exercice de ses droits civils. Cette décision de justice représente une attaque directe aux droits fondamentaux de Jordi Cuixart et des autres accusés, ainsi que la pénalisation du droit de manifestation pacifique pour tous les citoyens de l’Etat espagnol.
La décision de justice constitue une attaque contre les libertés d’expression et de manifestation
Le président de l’Òmnium a été injustement mis en examen, inculpé et finalement condamné à une peine de prison pour avoir organisé une manifestation pacifique le 20 septembre 2017 et pour avoir appelé publiquement à participer au référendum d’autodétermination du 1er octobre 2017. Il a été emprisonné en date du 16 octobre de cette année-là et a donc passé pratiquement 2 ans en détention provisoire.
Toutes ces actions s’inscrivent dans le cadre de l’exercice de droits fondamentaux comme la liberté d’expression et le droit de manifestation, inclus et protégés par la Constitution espagnole, la Charte des droits fondamentaux de l’UE, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l’ONU et des ONG telles qu’Amnisty International, l’Organisation mondiale contre la torture ou la Front Line Defenders, ont dénoncé cela et ont réclamé sa mise en liberté.
Il n’y a pas eu de sédition : Jordi Cuixart a agit de manière pacifique et civique
Jordi Cuixart a exercé le droit de réunion pacifique et sa liberté d’expression, au même titre que tous les citoyens qui ont participé à la manifestation du 20 septembre 2017. Considérer une manifestation massive comme une émeute, et donc un délit de sédition, c’est une attaque au pluralisme idéologique et une criminalisation de toute mobilisation massive.
Manifestations et actions prévues pour les jours et semaines à venir
En réponse à la décision de justice, des mobilisations de citoyens sont attendues dans les principales villes de Catalogne. Ce midi, les représentants de la société civile catalane (indépendantistes et nonindépendantistes) se sont concentrés à Barcelone pour démontrer leur unité face à la décision de justice de la Cour suprême. La concentration a compté sur la participation des principaux syndicats et des organisations patronales de Catalogne. Des actions massives seront prochainement annoncées pour les jours et semaines à venir.
INFORMATIONS GÉNÉRALES
Jordi Cuixart est le président de l’Òmnium Cultural, l’ONG culturelle et de défense des droits de l’homme la plus importante de Catalogne et d’Espagne, avec plus de 170 000 membres. Le 16 octobre 2017, il a été emprisonné pour avoir organisé et participé à une manifestation le 20 septembre de cette année-là, pour protester contre la détention de 16 membres du gouvernement catalan qui étaient prétendument en train d’organiser le référendum du 1er octobre. Depuis lors, ils ont passé 2 ans en détention provisoire.
Le 1er octobre 2017, 2,3 millions de citoyens ont participé à un référendum préalablement suspendu par le Tribunal constitutionnel. En réponse à cela, le gouvernement espagnol a déployé 10 000 agents de la Police nationale et de la Guardia Civil (force de police espagnole à statut militaire) et a usé de violence à l’égard des votants, en blessant, selon les services de santé, plus de 1 000 personnes. À ce jour, les pouvoirs publics espagnols n’ont pas respecté leur obligation d’enquêter sur la violence policière, conformément à la demande de divers organismes internationaux.
Et, paradoxalement, les personnes qui se sont employées à matérialiser un référendum d’autodétermination sur le futur politique de la Catalogne, un instrument politique défendu par 80 % de la société catalane, ont été poursuivies en justice ; ce même pourcentage s’oppose à la judiciarisation du conflit. Par ailleurs, des observateurs internationaux comme International Trial Watch, la Fédération Internationale des droits de l’homme et EuroMed Rights ont relevé des irrégularités au cours de la procédure judiciaire.
Appels d’organisations internationales
Appel du GTDA de l’ONU au gouvernement espagnol
Communiqués des ONG internationales
Communiqué d’Amnesty International
Communiqué de l’Organisation mondiale contre la torture
Communiqué du Front Line Defenders
Communiqué de l’International Trial Watch
Communiqué de la Fédération internationale des droits de l’homme et d’EuroMed Rights
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[Catalogne, droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, répression judiciaire]
Jordi Cuixart, Catalan emprisonné pour résistance à l’oppression : 17 leçons de démocratie, leçons de dignité (magnifique vidéo, 5 min)https://t.co/G8hjTWQ2qZ— Étienne Chouard (@Etienne_Chouard) February 19, 2021
La démocratie s’obtient en votant des décisions et non en votant des tuteurs qui décident à notre place.
Non à la tutellecratie, oui à la democratie