Mettre fin à la complicité des médecins qui permettent la torture de Julian Assange

18/02/2020 | 1 commentaire

Mettre fin à la torture et à la négligence médicale de Julian Assange (The Lancet)

Doc­tors for Assange : Le 22 novembre 2019, nous, un groupe de plus de 60 méde­cins, avons écrit au ministre de l’intérieur bri­tan­nique pour lui faire part de nos graves inquié­tudes concer­nant la san­té phy­sique et men­tale de Julian Assange.

Dans notre lettre, nous avons docu­men­té un pas­sé de refus d’accès aux soins de san­té et de tor­ture psy­cho­lo­gique pro­lon­gée. Elle deman­dait qu’Assange soit trans­fé­ré de la pri­son de Bel­marsh à un CHU pour y être éxa­mi­né et rece­voir des soins. Face aux preuves de tor­ture, non trai­tée et conti­nue, nous avons éga­le­ment sou­le­vé la ques­tion de l’aptitude d’Assange à par­ti­ci­per à la pro­cé­dure d’extradition américaine.

N’ayant reçu aucune réponse sub­stan­tielle du gou­ver­ne­ment bri­tan­nique, ni à notre pre­mière lettre ni à notre lettre de sui­vi, nous avons écrit au gou­ver­ne­ment aus­tra­lien, lui deman­dant d’intervenir pour pro­té­ger la san­té de son citoyen.

À ce jour, aucune réponse n’a mal­heu­reu­se­ment été reçue. Entre-temps, de nom­breux autres méde­cins du monde entier se sont joints à notre appel. Notre groupe compte actuel­le­ment 117 méde­cins, repré­sen­tant 18 pays.

Le cas d’Assange, le fon­da­teur de Wiki­leaks, pré­sente de mul­tiples facettes. Il concerne le droit, la liber­té d’expression, la liber­té de la presse, le jour­na­lisme, l’édition et la poli­tique. Mais il est aus­si clai­re­ment lié à la méde­cine et à la san­té publique. L’affaire met en lumière plu­sieurs aspects pré­oc­cu­pants qui méritent une atten­tion par­ti­cu­lière et une action concer­tée de la part de la pro­fes­sion médicale.

Nous avons été ame­nés à agir suite aux témoi­gnages poi­gnants de l’ancien diplo­mate bri­tan­nique Craig Mur­ray et du jour­na­liste d’investigation John Pil­ger, qui ont décrit la dété­rio­ra­tion de l’état d’Assange lors d’une audience de ges­tion du dos­sier le 21 octobre 2019.

Assange était appa­ru à l’audience pâle, en sous-poids, âgé et boi­teux, et il avait visi­ble­ment eu du mal à se rap­pe­ler les infor­ma­tions de base, à se concen­trer et à arti­cu­ler ses mots. À la fin de l’audience, il a « dit à la juge de dis­trict Vanes­sa Barait­ser qu’il n’avait pas com­pris ce qui s’était pas­sé au tribunal ».

Nous avons rédi­gé une lettre au ministre de l’intérieur du Royaume-Uni, qui a rapi­de­ment recueilli plus de 60 signa­tures de méde­cins d’Australie, d’Autriche, d’Allemagne, d’Italie, de Nor­vège, de Pologne, du Sri Lan­ka, de Suède, du Royaume-Uni et des États-Unis, pour conclure : « Nous sommes d’avis que M. Assange a besoin de toute urgence d’une éva­lua­tion médi­cale experte de son état de san­té phy­sique et psy­cho­lo­gique. Tout trai­te­ment médi­cal indi­qué doit être admi­nis­tré dans un hôpi­tal uni­ver­si­taire (soins ter­tiaires) cor­rec­te­ment équi­pé et doté d’un per­son­nel spé­cia­li­sé. Si cette éva­lua­tion et ce trai­te­ment urgents n’avaient pas lieu, nous crai­gnons vrai­ment, au vu des élé­ments actuel­le­ment dis­po­nibles, que M. Assange ne meure en pri­son. La situa­tion médi­cale est donc urgente. Il n’y a pas de temps à perdre ».

Le 31 mai 2019, le rap­por­teur spé­cial des Nations unies sur la tor­ture, Nils Mel­zer, a ren­du compte de sa visite à Assange, à Bel­marsh, le 9 mai 2019, accom­pa­gné de deux experts médi­caux : « M. Assange a pré­sen­té tous les symp­tômes typiques d’une expo­si­tion pro­lon­gée à la tor­ture psy­cho­lo­gique, y com­pris un stress extrême, une anxié­té chro­nique et un trau­ma­tisme psy­cho­lo­gique intense ».

Le 1er novembre 2019, Mel­zer a aver­ti que « l’exposition conti­nue de M. Assange à l’arbitraire et aux abus pour­rait bien­tôt lui coû­ter la vie ».

Des exemples de com­mu­ni­ca­tions man­da­tées par le rap­por­teur spé­cial des Nations unies sur la tor­ture à l’intention des gou­ver­ne­ments sont four­nis en annexe.

Ces aver­tis­se­ments et la pré­sen­ta­tion de M. Assange lors de l’audition d’octobre n’auraient peut-être pas dû sur­prendre. Après tout, avant sa déten­tion dans la pri­son de Bel­marsh dans des condi­tions équi­va­lant à l’isolement, Assange avait pas­sé près de 7 ans confi­né dans quelques pièces de l’ambassade équa­to­rienne à Londres. Là, il a été pri­vé d’air frais, de lumière du soleil, de la pos­si­bi­li­té de se dépla­cer et de faire de l’exercice libre­ment, et de l’accès à des soins médi­caux appro­priés. En effet, le groupe de tra­vail des Nations unies sur la déten­tion arbi­traire avait qua­li­fié cet enfer­me­ment de « déten­tion arbitraire ».

Le gou­ver­ne­ment bri­tan­nique a refu­sé d’accorder à Assange un pas­sage sûr vers un hôpi­tal, mal­gré les demandes des méde­cins qui avaient pu lui rendre visite à l’ambassade.

Un cli­mat de peur régnait éga­le­ment autour de la four­ni­ture de soins de san­té à l’ambassade. Un méde­cin qui a ren­du visite à Assange à l’ambassade a docu­men­té ce qu’un col­lègue d’Assange a rap­por­té : « Il a été très dif­fi­cile de trou­ver des méde­cins qui étaient prêts à exa­mi­ner M. Assange à l’ambassade. Les rai­sons invo­quées étaient l’incertitude quant à savoir si l’assurance médi­cale cou­vri­rait l’ambassade équa­to­rienne (une juri­dic­tion étran­gère), si l’association avec M. Assange pou­vait nuire à leur gagne-pain ou atti­rer une atten­tion non dési­rée sur eux et leur famille, et le malaise au fait d’être asso­cié à Assange en entrant dans l’ambassade. Un méde­cin a expri­mé son inquié­tude à l’une des per­sonnes inter­ro­gées après que la police ait pris des notes sur son nom et sur le fait qu’il ren­dait visite à M. Assange. Un méde­cin a écrit qu’il avait accep­té de pro­duire un rap­port médi­cal à la seule condi­tion que son nom ne soit pas ren­du public, par crainte de répercussions ».

Il est inquié­tant de consta­ter que ce cli­mat d’insécurité et d’intimidation, qui com­pro­met encore plus les soins médi­caux offerts à Assange, était inten­tion­nel. Assange a fait l’objet d’une opé­ra­tion de sur­veillance secrète 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 à l’intérieur de l’ambassade, comme l’a mon­tré l’apparition d’enregistrements vidéo et audio secrets.

Il a été sur­veillé en pri­vé et avec des visi­teurs, notam­ment des membres de sa famille, des amis, des jour­na­listes, des avo­cats et des méde­cins. Non seule­ment ses droits à la vie pri­vée, à la vie per­son­nelle, au pri­vi­lège juri­dique et à la liber­té d’expression ont été vio­lés, mais son droit à la confi­den­tia­li­té entre méde­cin et patient l’a éga­le­ment été.

Nous condam­nons la tor­ture d’Assange. Nous condam­nons le déni de son droit fon­da­men­tal à des soins de san­té appro­priés. Nous condam­nons le cli­mat de peur qui entoure la four­ni­ture de soins de san­té à Assange. Nous condam­nons les vio­la­tions de son droit au secret médi­cal. La poli­tique ne peut être auto­ri­sée à inter­fé­rer avec le droit à la san­té et l’exercice de la méde­cine. Selon l’expérience du rap­por­teur spé­cial des Nations unies sur la tor­ture, l’ampleur de l’ingérence de l’État est sans pré­cé­dent : « En 20 ans de tra­vail avec les vic­times de la guerre, de la vio­lence et de la per­sé­cu­tion poli­tique, je n’ai jamais vu un groupe d’États démo­cra­tiques se ras­sem­bler pour iso­ler, dia­bo­li­ser et abu­ser déli­bé­ré­ment un seul indi­vi­du pen­dant si long­temps et avec si peu de consi­dé­ra­tion pour la digni­té humaine et l’État de droit ».

Nous invi­tons nos col­lègues méde­cins à se joindre à nous en tant que signa­taires de nos lettres afin d’ajouter des voix sup­plé­men­taire à nos appels. Depuis que les méde­cins ont com­men­cé à éva­luer Assange à l’ambassade équa­to­rienne en 2015, les avis d’experts et les recom­man­da­tions urgentes des méde­cins ont été sys­té­ma­ti­que­ment igno­rés. Alors même que les auto­ri­tés dési­gnées du monde entier en matière de déten­tion arbi­traire, de tor­ture et de droits de l’homme ont ajou­té leurs appels aux aver­tis­se­ments des méde­cins, les gou­ver­ne­ments ont n’ont fait aucun cas de l’autorité médi­cale, l’éthique médi­cale et le droit à la san­té. Cette poli­ti­sa­tion des prin­cipes médi­caux fon­da­men­taux nous pré­oc­cupe beau­coup, car elle a des impli­ca­tions qui vont au-delà du cas d’Assange. L’abus par négli­gence médi­cale à moti­va­tion poli­tique crée un dan­ge­reux pré­cé­dent, par lequel la pro­fes­sion médi­cale peut être mani­pu­lée comme un outil poli­tique, ce qui, en fin de compte, mine l’impartialité de notre pro­fes­sion, son enga­ge­ment envers la san­té pour tous et son obli­ga­tion de ne pas nuire.

Si Assange devait mou­rir dans une pri­son bri­tan­nique, comme l’a aver­ti le rap­por­teur spé­cial des Nations unies sur la tor­ture, il aurait été effec­ti­ve­ment tor­tu­ré à mort. La plu­part de ces tor­tures auront eu lieu dans le ser­vice médi­cal de la pri­son, sous la sur­veillance de méde­cins. La pro­fes­sion médi­cale ne peut pas se per­mettre de res­ter silen­cieuse, du mau­vais côté de la tor­ture et du mau­vais côté de l’histoire, pen­dant qu’une telle mas­ca­rade se déroule.

Dans le but de défendre l’éthique médi­cale, l’autorité médi­cale et le droit humain à la san­té, et de prendre posi­tion contre la tor­ture, nous pou­vons ensemble contes­ter les abus décrits dans nos lettres et les faire connaître.

Nos appels sont simples : nous deman­dons aux gou­ver­ne­ments de mettre fin à la tor­ture d’Assange et de lui garan­tir l’accès aux meilleurs soins de san­té dis­po­nibles avant qu’il ne soit trop tard. Notre demande aux autres est la sui­vante : rejoignez-nous.

Nous sommes membres de Doc­tors for Assange (Méde­cins pour Assange). Nous décla­rons qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts. Les signa­taires de cette lettre sont énu­mé­rés en annexe.

Tra­duc­tion « ils ne s’en cachent même pas » par VD pour le Grand Soir avec pro­ba­ble­ment toutes les fautes et coquilles habituelles

Pour consul­ter les notes et réfé­rences de cet article, voir le texte ori­gi­nal.

Source : Le Grand Soir, 
https://​www​.legrand​soir​.info/​m​e​t​t​r​e​-​f​i​n​-​a​-​l​a​-​t​o​r​t​u​r​e​-​e​t​-​a​-​l​a​-​n​e​g​l​i​g​e​n​c​e​-​m​e​d​i​c​a​l​e​-​d​e​-​j​u​l​i​a​n​-​a​s​s​a​n​g​e​-​t​h​e​-​l​a​n​c​e​t​.​h​tml

Je rap­pelle que plu­sieurs bus partent de Paris à Londres dimanche pro­chain, à 20 h, pour pas­ser la jour­née de lun­di 24 février à Londres pour mani­fes­ter notre sou­tien à Julian Assange, jour­na­liste mar­tyr, tor­tu­ré à mort avec la com­pli­ci­té de tous les gou­ver­ne­ments du monde. 

Si vous le pou­vez, VENEZ AVEC NOUS ! Julian n’a plus que nous, les simples citoyens, pour le défendre.

Étienne.

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