Ce soir, mardi 4 février 2020 à 20h, de passage à Paris, je retrouve une petite bande d’amis pour parler de MONNAIE (et donc, aussi un peu, forcément, de démocratie et d’Union européenne).
Je vous propose d’être avec nous à travers ce lien (qui sera un live YouTube) :
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://m.facebook.com/story.php?story_fbid=10157876392917317&id=600922316
Bonjour Étienne Chouard,
Dans https://youtu.be/Yz4g91aQsN4#t=1m vous dites « Quand je lis ma fiche Wikipédia, j’ai peur de moi, je me dis qui est ce monstre. Si vous voulez ça devient un outils de désinformation ». Qu’est-ce qui est faux dans https://fr.wikipedia.org/wiki/Etienne_Chouard ?
Lors d’un crédit, une banque fait tout pour que l’on rembourse d’abord les intérêts avant le principal. Car les intérêts sont calculés sur le principal restant à rembourser. Jusqu’à devoir ré-emprunter et augmenter le principal à rembourser (et donc les intérêts). Ce qu’elles font avec les Etats.
Je fais ce commentaire car les gens pensent souvent que l’on rembourse le principal et puis qu’il reste les intérêts, alors que c’est plutôt l’inverse.
Il ne faut pas une monnaie « forte » ou « faible », il faut une monnaie juste. L’analogie évidente, c’est la pointure d’une paire de chaussures. Dans l’UE, l’Allemagne impose la même pointure pour tout le monde, et cela tombe bien c’est la sienne. « 45 », alors que pour la Grèce il lui faut du « 40 ». On doit tous courir un marathon avec ça,…la Grèce n’ira pas loin. Ce n’est pas dû à l’athlète, c’est dû à la pointure de la paire de chaussures.
Un euro fort favorise les importations nécessaires (ex. énergie, matière première), mais favorise également les importations non nécessaires (ex. les produits étrangers à la place des produits nationaux). Par contre, il défavorise toutes les exportations. Donc, dans ces pays, un euro fort pénalise toutes les exportations et une partie des importations. Cela revient à exporter vers ces pays des produits qu’ils auraient pu produire eux-mêmes, mais également des faillites et du chômage. Afin de rééquilibrer sa balance commerciale (import/export), cad réduire les importations et augmenter les exportations, un pays dévalue sa monnaie et introduit des droits de douane contre une concurrence déloyale. Sa monnaie devient alors une monnaie juste, ni trop forte ni trop faible et sa balance commerciale est équilibrée.
Très chouette comme toujours.
Juste trois (petites) précisions :
A 22:45, l’un des interviewers semble dire que lorsque la banque prête une somme et demande un intérêt, cet intérêt ne correspond à aucune contrepartie dans la circulation de l’économie et donc qu’il y a un bilan déséquilibré quelque part.
En réalité quand la banque fait par exemple un prêt hypothécaire de 100.000 euro et en attend d’être remboursé avec les intérêts de 120.000 euros à terme (par exemple 5 ans) et c’est 120.000 euros qu’elle écrit sur son passif. Et elle écrit 120.000 euro sur son actif : elle détient une reconnaissance de dette qu’elle peut par exemple vendre à des investisseurs pour 120.000 euros. L’emprunteur doit rembourser 120.000 euro dans 5 ans, mais il circule dans la finance un actif qui vaudra 120.000 euro dans 5 ans. Alors certes le résultat final est que la banque fait un profit, mais il n’y a pas de bilan comptable déséquilibré avec quelque part un passif qui ne correspondrait à aucun actif.
A 56:00, il est frappant que tu qualifies d’extravagant que des acteurs privés créent la monnaie alors que dans les minutes qui précèdent tu fais l’éloge de la création de la Ğ1 par Stéphane Laborde. Il faut éclaircir les choses et expliquer pourquoi la création monétaire par la banque BNP est une mauvaise chose si la création monétaire par la banque Laborde en est une bonne. D’autant que dans le public qui s’intéresse à ces questions, il y en a a peu près autant qui est favorable à une monopole d’État pour la création monétaire que de partisans de la création monétaire libre. Et que d’ailleurs le débat sur la question se poursuit depuis plusieurs siècles. Le problème n’est pas tellement entre les deux positions qui ont chacune leur avantage. En cas de système de « banque libre », le risque est assumé par les actionnaires et les usagers de la monnaie : si le centre émetteur de Ğ1, de bitcoin ou de toute autre monnaie locale privée fait faillite, ou du moins que la monnaie se dévalue, actionnaires et usagers n’auront que leurs yeux pour pleurer, l’État ne les remboursera pas et le reste de la communauté nationale n’en est pas affectée. En cas de monnaie sous monopole d’État, c’est l’ensemble des usagers donc l’ensemble de la communauté nationale qui est affectée par une perte de valeur de la monnaie.
Non, le problème avec les banques commerciales actuelles, c’est qu’elles profitent des avantages des deux systèmes : elle tirent le seul profit de la création monétaire privée, mais si elles sont menacées de banqueroute, c’est l’État, donc en fait la communauté nationale, qui la renfloue. Elles tirent un bénéfice, mais sans devoir assumer le risque correspondant. Le problème est donc qu’actuellement on ne peut se passer d’un prêteur en dernier ressort national en faveur d’institutions privées qui ne peuvent faire faillite sans faire s’écrouler l’ensemble de l’économie.
1:32:00. Concernant la Roue (monnaie locale d’Aix). Les monnaies locales complémentaires en France doivent être adossées à l’euro. C’est-à-dire que toute somme en monnaie locale doit être garantie par l’émetteur par la même somme en euros. On en conclut généralement qu’il n’y a donc pas de création monétaire. Mais ce n’est pas exact. C’est facile à montrer :
Imaginons la situation A : la mairie d’Aix veut relancer l’économie dans la ville. Elle dispose pour cela d’une cagnotte de 1.000.000 euros qu’elle met en dépôt d’un établissement qu’elle appelle « banque municipale ». Cette somme est prêtée gratuitement aux habitants qui grâce à cela ont créé à la fin de l’année par exemple dix nouveaux commerces. Le prêt de 1.000.000 euros sont restitués à la banque municipales. Bénéfice pour l’ensemble de la communauté d’Aix : 10 commerces.
Situation B : la mairie d’Aix veut relancer l’économie dans la ville par un mécanisme de monnaie locale complémentaire. Elle ne peut par la créer légalement ex nihilo. Par contre, elle dispose d’une cagnotte de 1.000.000 euros. Elle a le droit d’émettre pour 1.000.000 de Roues, mais elle doit mettre en garantie ces 1.000.000 d’euros dans une banque commerciale. Par exemple la Nef recueille de tels fonds de garantie sur un livret d’épargne : https://www.lanef.com/nef-sengage-aux-cotes-monnaies-locales-complementaires-citoyennes/
Les 1.000.000 Roues sont mises en dépôt à la « banque municipale », prêtés aux habitants. Ceux-ci créent 10 commerces, et rendent à la fin de l’année les 1.000.000 euros à la banque municipale. Celle-ci détruit les Roues et récupère les 1.000.000 euros sur le compte qu’elle a ouvert à la Nef. Cela semble revenir à la même chose que la situation A. En fait non, car pendant cette année, les 1.000.000 déposés à la Nef ont rapporté à la mairie des intérêts. Par exemple si le taux de dépôt appliqué est de 1 %, la somme supplémentaire touchée à la fin de l’année est de 10.000 euros. Bénéfice pour l’ensemble de la communauté d’Aix : 10 commerces + 10.000 euros. Il est clair qu’il y a eu quelque part « création monétaire » puisque cette monnaie a « travaillé » : il y a eu un profit supplémentaire pour la commune (qui n’existait pas dans la situation A sans les Roues), même si la Nef a fait aussi un profit dans l’histoire.
Ainsi donc, les monnaies complémentaires locales permettent dont bien une certaine création monétaire, mais les banques commerciales en conservent une certaine proportion du bénéfice.
Je viens de découvrir le site « la finance pour tous »!!! (comme un béotien…)
Voici la page : « Dépôts, crédits et création monétaire »
https://www.lafinancepourtous.com/decryptages/marches-financiers/acteurs-de-la-finance/banque/la-banque-comment-ca-marche/depots-credits-et-creation-monetaire/
…il n’y a plus de doute possible 🙂
Qui sont-ils ?
L’Institut pour l’Education Financière du Public (IEFP), plus connu sous le nom La finance pour tous, est une association d’intérêt général indépendante, soutenue par la Banque de France, l’Autorité des Marchés Financiers, la Fédération Bancaire Française, ainsi que de grands établissements financiers.
Elle est agréée par le Ministère de l’Education nationale. Sa vocation est de développer une pédagogie active sur l’ensemble des sujets portant sur les finances personnelles et le décryptage de l’économie.
Les 8 principes d’Elinor Ostrom
Elle est la première femme à recevoir le « prix Nobel d’économie », pour son analyse de la gouvernance économique, et en particulier, des biens communs.
NB. la monnaie devrait être gérée comme un bien commun (comme l’eau ou l’air). …des principes qui devraient être suivis lors de la rédaction d’une Constitution.
Elinor Ostrom tire 8 principes fondamentaux de bonne gouvernance d’un bien commun :
1. Etablir des limites claires des usagers et de la ressources (qui est usager, quelle quantité de ressource partager,…);
2. Assurer une concordance entre l’usage et les conditions locales, entre l’usage et l’approvisionnement.
3. Les organisations se coordonnent en multiples niveaux imbriqués (question d’échelle).
4. Les usagers mettent en place et modifient les règles
5. Assurer un contrôle de l’usage et de l’approvisionnement, un contrôle de la capacité de la ressource.
6. Administrer une sanction proportionnelle à la gravité des actes (usager qui viole une règle).
7. Mécanisme de résolution des conflits accessible et peu onéreux.
8. Reconnaissance des droits des usagers d’élaborer leurs propres règles et institutions par des autorités extérieure (droit d’exister).
Il est possible d’organiser un réseau bancaire plus proche des besoins des citoyens et cela même à l’intérieur de la zone euro. On aurait plus de liberté hors de la zone, mais des moyens existent déjà dans la zone pour résister (et permettre une sortie plus souple). Si nos politiciens ne font rien dans ce sens, c’est qu’ils défendent les intérêts de la finance.
En Italie, ils ont un projet de loi sur l’introduction d’une monnaie type « crédit d’impôt », ils appellent cela les CCF (certificats de compensation fiscale):
https://youtu.be/sgqpUAxi0Ec
En Allemagne, l’état allemand a frappé quelques millions de pièces de 5eur depuis 2016 :
https://www.cnews.fr/economie/2016–02-12/lallemagne-lance-une-piece-en-plastique-722697
Cerise sur le gateau, les Allemands ont un réseau dense de banques publiques et utilisent des monnaies locales. Les Allemands n’auraient pas de mal à sortir de la zone demain matin.