Olivier Berruyer : « Le 23 mars, Donald Tusk déclarait que pour “l’Union européenne […] il est hautement probable que la Russie soit responsable de l’attaque de Salisbury et qu’il n’existe pas d’autre explication plausible“.
En voici les conséquences. Tout ceci reste incroyable quand on songe au fait qu’aucune preuve sérieuse n’a pour l’heure été divulguée – nous vous renvoyons vers notre dossier dédié.
Il est désolant de voir qu’il n’y a apparemment pas de journalistes pugnaces sur un tel dossier, à la fois grave et d’une grande complexité (et qui, d’ailleurs, ne concerne en rien la France). »
[…] Lire la suite, sur les-crises.fr :
https://www.les-crises.fr/affaire-skripal-les-pays-de-lue-les-usa-et-le-canada-expulsent-des-diplomates-russes/
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10156141960212317
Russians did it :
Les théoriciens de ces manigances sont des génies absolus. Toute personne sensée, qui prend avec prudence les informations que les « médias » ont bien voulue laisser filtrer sur cette affaire, est sitôt taxé de pro-poutine.
Essayez dans votre entourage, ça fonctionne à merveille !
Viktor Dedaj : « [PRESSE] « Affaire Skripal : des sanctions occidentales pour « faire passer un message au Kremlin » » (Le Monde)
Chers Russes,
Sachez que nous accusons sans preuve, que nous délirons chaque fois que le mot « russe » est prononcé dans une phrase, que nous avons besoin de détourner l’attention du public et que nous sommes très mécontents d’avoir en face de nous des dirigeants et des diplomates qui ne sont pas des psychopathes comme nous.
N’hésitez pas à revenir vers nous et poser des questions s’il y a quelque chose dans notre message qui vous échappe.
Cordialement,
les Etats Occidentaux Voyous
(alias « la communauté internationale »).
https://www.facebook.com/viktor.dedaj/posts/10214103926524854
[L’UE c’est la guerre, suite]
« Défense » de l’UE : vers un « Schengen militaire »
La Commission européenne va présenter mercredi un plan d’actions pour créer un « Schengen militaire » afin de faciliter les transports de troupes et de matériel au sein de l’UE.
Le plan d’actions prévoit notamment d’identifier les besoins pour les transports militaires et de recenser les infrastructures utilisables.
« Ces propositions ont une dimension pratique, mais leur finalité est évidente au moment où les tensions s’exacerbent avec la Russie », a expliqué un diplomate européen. « On ne peut plus dire qu’un conflit en Europe est impossible », estiment en privé de nombreux responsables européens.
« Nous avons besoin d’un espace Schengen militaire. Les Russes ont une totale liberté de mouvement au sein de leur territoire. Nous devons pouvoir nous déplacer aussi rapidement, sinon plus vite, pour masser des forces contre un potentiel ennemi afin d’être dissuasifs », a soutenu récemment le général américain Ben Hodges, ancien commandant des forces américaines en Europe.
Alors que les 26 pays membres de l’Espace Schengen ont supprimé les contrôles à leurs frontières intérieures, « nous avons besoin de la même liberté de mouvement au sein de l’UE qu’un routier acheminant un chargement de pommes de Pologne en France », a‑t-il expliqué.
Un mini-Schengen balte
Les États baltes (Estonie, Lituanie et Lettonie) ont déjà constitué entre eux un mini-Schengen militaire, souligne Elisabeth Braw, analyste de l’Atlantic Council, un centre de réflexion spécialisé dans les relations internationales.
Or, l’Union européenne est loin du compte. « En cas de conflit, nous n’aurions aujourd’hui pas le temps de localiser les itinéraires praticables ni d’accomplir les procédures bureaucratiques pour déplacer un blindé des Pays-Bas jusqu’en Estonie », a déploré en privé un haut responsable européen.
Bureaucratie tatillonne, législations contraignantes pour le transit d’explosifs et de matières dangereuses, absence d’infrastructures routières ou ferroviaires adaptées aux besoins militaires, les obstacles sont nombreux au sein de l’Union pour permettre des mouvements de troupes rapides.
« Il faut s’assurer que les infrastructures nécessaires existent, que les tunnels sont praticables, que les routes ont une largeur suffisante, que les ponts peuvent supporter le poids des matériels transportés », a expliqué un diplomate.
« L’Union européenne peut aider en faisant réaliser les infrastructures là où elles sont nécessaires », notamment dans les pays d’Europe de l’Est, a souligné un responsable militaire.
L’UE a prévu des co-financements pour une dizaine de corridors transnationaux. Mais la décision de les réaliser, de même que leur utilisation à des fins militaires, relèvent de la souveraineté des Etats membres. « L’attitude de la Russie impose de se concentrer à nouveau sur la défense du territoire. Mais nous pouvons avoir tous les équipements possibles, si nous ne pouvons pas les acheminer là où il faut pour qu’ils soient efficaces, alors c’est absolument inutile », souligne Elisabeth Braw. (afp/nxp)
https://www.24heures.ch/monde/defense-ue-schengen-militaire/story/17226542
Rien que le mot corridor est suspect , à la manière des passages secrets chez les châtelains du passé , en vue d’acheminer on ne sait trop quoi ! La défense a bon dos !
sur un cahier bien propre vous répéterez 100 000 fois :
« Quelle connerie la guerre »
[L’OTAN c’est la guerre] Nous sommes dans l’ère des nains, par George Kennan [1998]
Affaires étrangères : et maintenant, un mot de « X » (1998)
Sa voix est maintenant un peu fragile, mais son esprit, même à l’âge de 94 ans, est toujours aussi aiguisé qu’auparavant. Alors, lorsque j’ai joint George Kennan au téléphone pour avoir sa réaction à la ratification de l’extension de l’OTAN, ce ne fut pas une surprise de constater que l’homme qui était l’architecte du succès de la doctrine du « containment » de l’Union Soviétique, et l’un des plus grands hommes d’État du XXe siècle avait une réponse de prête.
Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide, disait M. Kennan à partir de sa maison, à Princeton. « Je pense que les Russes vont progressivement réagir de façon adverse, et que cela aura un effet sur leurs politiques. Je pense que c’est une erreur tragique. Il n’y a absolument aucune raison de faire cela. Personne n’était menacé. Cette extension ferait se retourner dans leur tombe les pères fondateurs de ce pays. Nous nous sommes engagés à protéger un grand nombre de pays, alors même que nous n’avons ni les ressources ni l’intention de le faire de façon sérieuse. [L’extension de l’OTAN] était simplement une action conduite avec insouciance par le Sénat qui n’a aucun intérêt réel pour les Affaires étrangères.
« Ce qui m’ennuie, c’est le manque d’information et la superficialité de l’ensemble du débat qui a eu lieu au Sénat » ajouta M. Kennan, qui était présent lors de la création de l’OTAN, et dont l’article anonyme, en 1947 dans le journal of Foreign Affairs (Journal des Affaires étrangères), signé « X », a défini la politique de containment de l’Amérique pendant la guerre froide pour les 40 ans qui suivirent.
« J’étais particulièrement ennuyé par les références à la Russie comme un pays mourant d’envie d’attaquer l’Europe de l’Ouest. Les gens ne comprennent-ils pas ? Nos différends étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant, nous tournons le dos à ces mêmes gens qui ont organisé la plus grande révolution de l’Histoire pour mettre fin à ce régime soviétique, et cela sans effusion de sang ! »
« Et la démocratie russe est aussi avancée, si ce n’est plus, que celle de n’importe lequel de ces pays que nous venons de nous engager à défendre contre la Russie. » dit M. Kennan, qui rejoignit le Département d’État en 1926, et fut ambassadeur américain à Moscou en 1952. « Cela montre un manque de compréhension de l’histoire de la Russie et de l’Union Soviétique. Bien sûr que cela va entraîner une réaction hostile de la part de la Russie, et alors, ils [ceux qui auront choisi d’étendre l’OTAN] diront qu’ils vous avaient bien dit que les Russes étaient comme cela. Mais c’est tout simplement malhonnête. »
On peut seulement se demander ce que les historiens du futur diront.
Si nous avons de la chance, ils diront que l’extension de l’OTAN à la Pologne, à la République tchèque n’eurent aucune importance, car le vide qu’elle était censée remplacer avait déjà été comblé, ce que l’équipe de Bill Clinton n’avait pas vu. Ils diront que les forces de la mondialisation intégrant l’Europe, couplées aux nouveaux accords de contrôle des armements, eurent un effet si important que la Russie, malgré l’extension de l’OTAN continua son processus de démocratisation et d’occidentalisation, et fût peu à peu entraînée dans une Europe vaguement unifiée.
Si nous n’avons pas de chance, ce qu’ils diront, prédit M. Kennan, c’est que l’extension de l’OTAN a créé une situation dans laquelle l’OTAN avait alors soit à s’étendre jusqu’aux frontières mêmes de la Russie, déclenchant une nouvelle guerre froide, soit à s’arrêter après l’inclusion de ces trois nouveaux pays, et créer une nouvelle ligne de division en Europe.
Mais il y a quelque chose que les historiens du futur ne manqueront sûrement pas de remarquer, et c’est l’absence complète d’imagination qui aura caractérisé la politique étrangère des États-Unis à la fin des années 1990. Ils noteront que les événements clés de ce siècle eurent lieu entre 1989 et 1992 – l’effondrement de l’Empire soviétique, qui avait les capacités, les intentions impériales, et l’idéologie pour réellement menacer le monde libre. Que grâce à la résolution de l’Occident, et au courage des démocrates russes, l’Empire soviétique s’effondra sans un coup de feu, engendrant une Russie démocratique, libéra les anciennes républiques soviétiques, et mena à un accord de contrôle des armements sans précédent avec les États-Unis.
Et quelle fut la réponse des États-Unis ? Ce fut d’étendre l’OTAN, l’alliance créée pendant la guerre froide contre l’URSS, et de la rapprocher des frontières de la Russie.
Oui, racontez à vos enfants et vos petits-enfants que vous viviez à l’âge de Bill Clinton et William Cohen, à l’âge de Madeleine Albright et Sandy Berger, à l’âge de Trent Lott et Joe Lieberman, et que vous aussi étiez présent lors de la création du nouvel ordre de l’après-guerre froide, lorsque ces géants de la politique étrangère mirent leur cerveau en commun pour produire… une souris.
Nous sommes dans l’ère des nains. La seule bonne nouvelle est que nous y sommes arrivés en un seul morceau car avant cela, il y eut un autre âge, l’ère des Grands Hommes d’État, qui avaient à la fois de l’imagination et du courage.
Et alors qu’il me disait au revoir au téléphone, M. Kennan ajouta juste une chose : « Ce fut toute ma vie, et cela me peine de la voir fichue en l’air à la fin. »
Source : Thomas Friedman, Foreign Affairs, 2 mai 1998
Traduction : http://www.les-crises.fr
https://www.les-crises.fr/l‑ere-des-nain-kennan/
Source : les-crises.fr Olivier Berruyer
Google admet collaborer au programme étasunien illégal d’assassinats par drones
https://www.legrandsoir.info/google-admet-collaborer-au-programme-etasunien-illegal-d-assassinats-par-drones.html
Source : Le Grand Soir
[Très important]
L’OTAN, une alliance pour la guerre, au service des États-Unis
par Daniele Ganser :
httpv://www.youtube.com/watch?v=uE_ZFAyWcco
[Contre l’hystérie russophobe, qui tous tire par les cheveux vers la guerre]
Affaire Skripal et accusation britannique : Libre opinion du général Delawarde
Source : http://www.asafrance.fr (Association de soutien à l’Armée française)
20 mars 2018
En matière criminelle, tout enquêteur sérieux explore toutes les pistes possibles et ne se limite pas à une seule. La recherche du mobile du crime, surtout lorsque celui ci est prémédité, conduit bien souvent à la découverte de l’assassin ou de son commanditaire.
L’affaire SKRIPAL, dont les répercussions politiques internationales sont très importantes, semble poser aux enquêteurs, aux politiques, aux médias et aux opinions publiques un certain nombre de questions auxquelles les réponses apportées jusqu’à présent ne sont pas totalement satisfaisantes.
1 – Quels sont les faits et les premiers résultats divulgués par les enquêteurs et interprétés par les politiques et les médias à l’attention du grand public ?
2 – La Russie est-elle coupable ?
3 – Si elle ne l’était pas, qui donc pourrait avoir un mobile puissant et les moyens de réaliser une telle action, probablement préméditée.
La réponse à ces trois questions en appelle évidemment d’autres sur l’analyse des réactions internationales et sur leurs conséquences possibles.
*
• Les faits et les réactions politiques et médiatiques.
Le 4 mars 2018 Sergueï Skripal, 66 ans, un ancien colonel des services de renseignement militaires russes, ainsi que sa fille, ont été retrouvés inconscients aux abords d’un centre commercial de Salisbury, au Royaume-Uni. Recruté comme agent double par les services britanniques en 1995 et condamné en Russie à 13 ans de prison pour trahison en 2004, M. Skripal a obtenu l’asile au Royaume-Uni en 2010 après un échange d’agents de renseignement entre la Russie et les États-Unis. Selon les enquêteurs britanniques, il s’agirait d’un empoisonnement au gaz Novitchok. L’utilisation du nom précis de ce produit mystérieux et supposé mortel semble pour le moins maladroit.
L’existence d’un tel produit a été rendu publique par le témoignage dans les années 1990 d’un seul dissident russe, Vil Mirzayanov (83 ans aujourd’hui), chimiste militaire. Ce dissident a publié aux USA un livre « State Secrets » en 2007 dans lequel il aurait donné quelques formules chimiques à l’appui de ses révélations. Si ce fait est avéré le Novitchok serait donc sorti, dès 2007 de l’exclusivité russe et aurait pu être fabriqué par n’importe qui. Les révélations de Mirzayanov n’ont jamais été confirmées par aucune source indépendante, ni par aucun autre dissident.
Mieux, l’Organisation onusienne pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC) conclut dans un rapport de 2013 d’un comité scientifique comprenant des représentants US, UK, France, Russie et Allemagne qu’ « elle n’a pas d’information suffisante pour se prononcer sur l’existence et les propriétés du Novitchok »
En 2016, le docteur Robin Black, chef du seul laboratoire de détection britannique d’arme chimique de Porton écrit dans une publication scientifique (Royal Society of Chemistry): « les indices de l’existence éventuelle d’un tel produit sont quasi-inexistants et sa composition reste inconnue. » (Robin Black. (2016) Development, Historical Use and Properties of Chemical Warfare Agents.)
Les enquêteurs britanniques ont donc réalisé l’exploit d’identifier un produit dont la composition est inconnue de leur propre laboratoire d’analyse spécialisée dans le domaine !
Avec le soutien instantané et quasi unanime des médias, les politiques britanniques n’ont pas tardé à désigner la Russie comme responsable de cette « attaque contre le Royaume Uni » et ont expulsé 23 diplomates russes. Ils ont toutefois rechigné à fournir un échantillon du produit identifié à l’OIAC (Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques), organisme onusien reconnu indépendant, et refusé bien sûr, de le fournir à la Russie, qui proposait son aide aux enquêteurs britanniques. Pourquoi donc ces cachotteries ?
En première impression, cette affaire ne paraît pas bien nette. L’hystérie politico-médiatique immédiate fait étrangement penser à l’ « orchestration » de l’affaire des armes de destruction massive de Saddam Hussein de 2003, mais pas que….. Une hystérie semblable avait régné pendant 6 semaines lors de l’affaire de Timisoara (Roumanie) en 1989, lors de l’affaire des couveuses dont les méchants soldats de Saddam arrachaient les nourrissons en 1990, lors de l’affaire des gaz de la Goutha en 2013. Toutes ces affaires ont été reconnues, a posteriori, comme des mensonges destinés à fournir des prétextes (faux évidemment) pour s’ingérer militairement dans les affaires d’un état et en faire tomber le gouvernement.
• La Russie est-elle coupable ?
Le président Poutine est tout sauf un imbécile. C’est du moins ce qu’en disent tous ceux, politiques ou journalistes occidentaux, qui l’ont rencontré.
Ce président est aujourd’hui fortement occupé par une série de défis ou de crises à résoudre de portée mondiale : la crise ukrainienne, la crise syrienne, la crise nord coréenne, la crise de l’accord nucléaire iranien, l’élection présidentielle russe à laquelle Poutine s’est porté candidat, la coupe du monde de football organisée par son pays en Juin prochain…..etc….etc…
Est-il seulement envisageable que cet homme très occupé décide, à 16 jours de l’élection présidentielle russe et alors qu’il est déjà sous très forte pression occidentale sur l’affaire de la Goutha (Syrie), d’éliminer un ex-espion qu’il a lui-même libéré en 2010 et qui ne représente plus aucune menace pour la Russie depuis bien longtemps ? Surtout en connaissant à l’avance l’hystérie politico-médiatique occidentale qui s’exercerait à l’encontre de son pays….. et pourquoi choisir ce moment ?
Ma réponse est non : cette hypothèse n’a pas une once de crédibilité et décrédibilise même complètement ceux qui la privilégient et qui nous prennent pour des imbéciles. (Politiques et médias)
Est-il envisageable qu’un service officiel russe ait échappé au contrôle de Poutine pour régler le compte de cet ex-agent sans en référer à Poutine, à ce moment précis, juste avant la présidentielle russe et de manière aussi voyante ?
Ma réponse est non : Le chef de service aurait été suicidaire compte tenu des conséquences politico-médiatiques prévisibles …..
Est-il seulement envisageable que de « méchants hommes de main russes du FSB » aient laissé leur « proie » agoniser sur un banc, près d’un centre commercial en pleine ville de Salisbury au vu et au su des passants ?
Ma réponse est une nouvelle fois non : s’ils avaient voulu éliminer Skripal, les services spéciaux russes l’auraient fait proprement, au moment opportun et l’on n’aurait jamais retrouvé le corps. Alors que Skripal était libéré depuis 8 ans, ils n’auraient pas choisi de le faire à 16 jours de l’élection présidentielle russe de 2018.
La piste russe ne tient pas la route : pas de mobile, mauvais choix de date, très mauvaise exécution du « travail »… sous estimation trop flagrante de l’intelligence de Poutine.
En revanche, il n’est pas exclu que ce meurtre ait été commandité auprès d’une mafia quelconque comme il en existe beaucoup dans tous les pays européens. L’habileté suprême du commanditaire aurait alors été de choisir une mafia ukrainienne ou russe évidemment….. (Celles ci sévissent dans tous les pays occidentaux).
• Tentative de manipulation
Si la piste russe officielle est éliminée, et compte tenu de l’hystérie russophobe politico-médiatique qui a suivi, il faut en conclure que nous avons fait l’objet d’une tentative de manipulation visant à susciter une réaction de l’opinion publique russophobe, visant aussi à accroître le niveau de tension entre l’Union Européenne et la Russie et visant, peut être même, à préparer l’opinion à des sanctions plus sérieuses pouvant progressivement dégénérer vers un affrontement armé.
*
Quel commanditaire étatique pourrait, aujourd’hui, avoir des raisons d’en vouloir à la Russie et la capacité d’agir tant sur le terrain, que sur les sphères politiques et médiatiques britanniques pour obtenir les résultats que nous observons aujourd’hui ? Trois états au monde pourraient remplir ces conditions.
• Le premier est incontestablement Israël :
Sur le théâtre syrien, la solide alliance qui lie actuellement la Russie à la Syrie de Bachar El Assad, à l’Iran et au Hezbollah est de plus en plus mal perçue en Israël. Il suffit de lire la presse israélienne pour s’en convaincre. C’est en raison de cette alliance dont la Russie est le maillon fort que le plan israélo-US de démembrement de la Syrie, prélude au remodelage du Moyen-Orient n’a pas encore pu aboutir après 7 ans de guerre.
Les multiples visites de Netanyahu à Poutine pour le convaincre de lâcher l’Iran et la Syrie n’ont jamais réussi à faire fléchir ce dernier. Il conviendrait donc d’agir et d’accroître la pression sur lui pour le contraindre à lâcher du lest.
Israël dispose, par le biais d’une diaspora riche et puissante et de nombreux sayanims, d’une influence considérable et d’une capacité d’action dans le monde entier mais plus particulièrement aux États-Unis, au Royaume Uni et en France, pays dans lesquels il contrôle les médias les plus influents, la politique étrangère et même, à un certain degré, les chefs d’état. Israël a facilité l’élection de certains chefs d’état par le biais de financement de campagnes électorales par la diaspora et/ou par l’appui des médias que celle-ci contrôle. Son service de renseignement, le Mossad, ne recule devant rien d’autant qu’il se sait aujourd’hui soutenu dans le pays où il opère, tant au niveau politique que médiatique.
Si l’on considère l’ampleur du contentieux qui oppose aujourd’hui la Russie à Israël, pays tourné vers l’action et disposant d’une grande capacité d’exécuter ou de commanditer tout type d’opération secrète sur tout territoire, on ne peut pas exclure une piste israélienne.
• Les États Unis ont, eux aussi, d’excellentes raisons d’en vouloir à la Russie et les capacités d’agir.
Il est clair que la Russie de Poutine porte de plus en plus ombrage à la domination US sans partage du monde, souhaitée par les néoconservateurs qui ont manifestement repris la main sur la politique étrangère US. Sur la plupart des points chauds du globe, la diplomatie russe très active et brillante de Lavrov met en difficulté, voire l’emporte sur la diplomatie US d’autant qu’elle est soutenue par des forces armées de plus en plus actives et efficaces. La réussite des blocs BRICS-OCS sous la houlette de la Chine et de la Russie devient si inquiétante que ces deux pays ont été placés en tête de liste des menaces dans la dernière « Stratégie de Défense US 2018 ».
Par ailleurs, l’alliance entre la Russie et l’Iran et les bonnes relations entre la Russie et la Turquie font perdre progressivement aux USA le contrôle du Moyen Orient, ce qui met en péril la défense du 51e état de l’union : Israël. Il n’est plus un secret pour personne que la politique étrangère US et la CIA sont aujourd’hui sous contrôle quasi exclusif de l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee) ou de ses affidés.
Les Etats-Unis veulent aussi, et peut être surtout, éviter, voire interdire, tout rapprochement entre son principal vassal, l’UE, et la Russie. Ils veulent, en particulier, interdire, avant qu’il ne soit trop tard, la réalisation du gazoduc north stream 2 qui faciliterait l’acheminement d’un gaz russe moins cher pour l’UE mais qui nuirait à leurs propres intérêts gaziers.
Bref, mettre un maximum de pression sur une Russie trop forte et, selon les néoconservateurs US, menaçante, est dans l’intérêt immédiat des États-Unis. Créer une crise majeure entre l’UE et la Russie est aussi d’un intérêt majeur pour les USA. Un « montage » anti-russe avec la complicité active du Royaume-Uni (politiques et médias) est un jeu d’enfant d’autant que ces deux larrons ont quelques précédents à leur actif….. (armes de destruction massives en Irak). S’ils étaient malins, ils auraient pu rajouter au scénario de l’enquête criminelle, quelques enregistrements de conversations téléphoniques, en langue russe, entre les assassins présumés. Leurs accusations anti-russes en auraient été renforcées…..
Les États-Unis peuvent donc incontestablement être mis sur la liste des suspects
• La « perfide Albion », surnom fort bien porté par le Royaume-Uni, compte tenu du nombre de coups tordus qu’elle a pu monter dans l’histoire, ne manque pas, elle aussi, de mobiles pour avoir conçu et exécuté un tel montage sur son territoire.
Les services de Theresa May pourraient avoir agi comme poisson pilote des USA ou plus directement d’Israël. L’ambassade de l’état hébreu à Londres a, en effet, des connections et une influence extrêmement fortes sur la politique et les médias britanniques. Il faut rappeler que le Royaume Uni dispose de la 3e communauté la plus importante de la diaspora après les USA et la France. Allié fidèle des États-Unis, le Royaume-Uni n’a jamais su leur refuser un service.
Par ailleurs, Theresa May plutôt mal élue, sait fort bien qu’instiller la peur de la Russie est traditionnellement favorable aux conservateurs. Elle a aujourd’hui grand besoin d’un rassemblement de son opinion publique face à « un ennemi commun » fût-il imaginaire. Cette affaire Skripal vient à point nommé pour renforcer la cohésion nationale.
La piste « Royaume Uni » agissant pour son compte où pour le compte d’un état tiers n’est donc pas totalement à exclure.
*
Quelles conséquences faut-il attendre de cette farce politico-médiatique ?
Pour la Russie, il est probable que le score de Poutine à l’élection présidentielle soit meilleur qu’il ne l’aurait été sans cette affaire. Quand un pays se sent menacé, les électeurs se rassemblent autour d’un homme fort et expérimenté, et Poutine est incontestablement cet homme pour les Russes.
Bien sûr, de nouvelles sanctions seront peut être prononcées, creusant un peu plus le fossé qui nous sépare de la Russie, à la grande satisfaction des USA. La russophobie chronique d’une partie de notre « élite » politique néoconservatrice va pouvoir, avec l’aide des médias mainstream, se répandre un peu plus dans la partie non négligeable de l’opinion publique qui ne cherche pas à approfondir et que l’on gave, à longueur de journée, avec des reportages et informations bidons.
La Russie, déjà sous sanction, s’organisera toujours un peu plus, à l’écart de l’Union Européenne avec les pays, toujours plus nombreux, qui lui font confiance.
L’Union Européenne se tirera, une fois de plus, une balle dans le pied, en perdant tout ou partie de ses positions dans un pays aux grandes potentialités, à la plus grande satisfaction de nos amis américains qui continueront, sans vergogne, à nous imposer l’extraterritorialité de leur législation.
En conclusion, je me garderai bien de désigner le coupable que nul ne connaîtra jamais.
Je me contente très simplement de constater que la piste d’une Russie commanditaire d’une tentative de meurtre aussi mal exécutée et à un moment aussi mal choisi n’est pas crédible et qu’une bonne partie de l’opinion publique européenne le sait déjà.
Si le ridicule tuait, nous aurions perdu Madame May, monsieur Boris Johnson et surtout monsieur Williamson, le ministre UK de la défense qui, lui, malgré ou à cause de sa jeunesse, a toutes les qualités d’un « fou-furieux ». Il reste à espérer que les autorités françaises ne les suivront pas trop longtemps et avec trop d’entrain sur la voie des « fake accusations ».
Je constate aussi que de bonnes raisons existent, pour certains Etats, d’avoir réalisé un tel montage, d’autant qu’ils n’en seraient pas à leur coup d’essai (USA, Royaume Uni)….
Quelques commentateurs de ce texte crieront bien sûr à la « théorie du complot », mais ayant vécu, de l’intérieur du « système », des mensonges d’état relayés par des médias bien subventionnés, je reste tout à fait serein face à ce genre d’attaques dont je connais parfaitement les auteurs.
À chacun, bien sûr, de se faire sa propre opinion sur l’affaire Skripal. La mienne est faite.
Général Dominique DELAWARDE
Diffusé par le site de l’ASAF : http://www.asafrance.fr
Source : https://worldpeacethreatened.com/2018/03/23/affaire-skripal-et-accusation-britannique-libre-opinion-du-general-delawarde/
Olivier Berruyer sur RT France :
« L’OTAN est en perdition stratégique » : Berruyer décrypte le projet de Schengen militaire de l’UE
httpv://youtu.be/yf114pWNxs8
Bruno Guigue : L’affaire Skripal, nouvelle usine à gaz de la propagande occidentale
Il faut avouer que la passion de la propagande occidentale pour les gaz toxiques a quelque chose de fascinant. Des attaques chimiques imaginaires du gouvernement syrien au double empoisonnement de Salisbury, la thématique accusatoire brille par sa répétition, et la mauvaise foi otanienne s’illustre par sa constance. Dans “l’affaire Skripal”, on veut donc nous faire croire que Moscou a tenté d’assassiner un ex-espion russe et sa fille sur le sol britannique. Des preuves ? Pas le moindre commencement. Rien ne prouve que le gaz “Novitchok” ait été utilisé pour commettre cette tentative d’homicide. La meilleure façon de le savoir serait de transmettre un échantillon à l’Office international des armes chimiques (OIAC), mais Londres s’est bien gardé de le faire.
De même, les Russes ont immédiatement dit qu’ils étaient prêts à participer à une enquête internationale, mais les Britanniques n’en veulent pas. Pourquoi ? Inutile de se le demander. Faute de preuves matérielles, le dossier de l’accusation a l’épaisseur d’un papier à cigarettes. Une semaine à peine après les faits, au terme d’une pseudo-enquête, le gouvernement britannique a déclaré que la Russie était coupable. Une telle précipitation ferait rougir de honte n’importe quel service d’investigation judiciaire normalement constitué. Et elle est d’autant plus suspecte que la charge anti-russe a été orchestrée en Occident avec un acharnement qui fleure la préméditation. Il fallait traîner la Russie dans la boue. On l’a fait, avec une grossièreté sans précédent.
Ancien colonel des services de renseignement militaires russes, Serguei Skripal a été trouvé inconscient sur un banc, ainsi que sa fille, aux abords d’un centre commercial de Salisbury. Curieux procédé pour des services secrets ! L’amateurisme du “modus operandi” devrait au moins faire douter de leur implication. Et puis, qui est Skripal, au juste ? Recruté comme agent double par les services britanniques en 1995, il est condamné à 13 ans de prison pour trahison en 2004 par la Russie. Au terme d’un échange d’agents de renseignement russo-américain, il obtient l’asile au Royaume-Uni en 2010. Pour quelle raison Moscou aurait supprimé ce paisible retraité ? Exilé depuis huit ans, rien ne dit qu’il ait conservé des secrets compromettants, ni qu’il ait représenté le moindre danger pour la Russie.
Ajoutée à l’inexistence de preuves matérielles, cette absence désespérante de mobile ridiculise l’accusation occidentale. Mais rien n’y fait. Pour les Occidentaux, hurler à l’assassin vaut démonstration de culpabilité. Le problème, c’est que cette arrogance dissimule difficilement l’essentiel : Theresa May et ses collègues mentent comme des arracheurs de dents. Qui peut croire que le pouvoir russe a fait exécuter un de ses ex-agents sur le sol d’un pays-clé de l’OTAN, alors que règne un climat de tension sans précédent avec cette organisation ? Qui peut croire que cette décision, déjà invraisemblable quant à ses motifs et grossière quant à son “modus operandi”, a été prise quinze jours avant l’élection présidentielle russe ? Qui peut penser, enfin, que Moscou s’est tiré une balle dans le pied sur la scène internationale à la veille d’un succès majeur – et prévisible – de politique intérieure ?
Véritable château de cartes, cette accusation ne tient pas une seconde. Pour en comprendre les motifs, il faut appliquer la preuve par les effets. On quitte alors le domaine des procès fumeux pour rejoindre le terrain des réalités. Malgré l’encerclement militaire dont elle fait l’objet, la Russie a conservé son sang-froid, et certains pays européens sont prêts à reprendre le dialogue avec Moscou. La provocation de Salisbury vise précisément à doucher ces velléités, à couper la Russie de l’Europe en accusant Moscou de tous les maux. La Russie mène le bal au Moyen-Orient au grand dam d’Israël et des USA. Elle n’a rien cédé sur la Crimée, définitivement retournée dans le giron de la Mère-Patrie. Les néocons qui ont investi le pouvoir à Washington entendent lui faire payer ce double affront. En diabolisant Moscou par Londres interposé, ils soudent leurs vassaux face à l’ennemi moscovite, clairement désigné dans la “Nouvelle stratégie de sécurité des Etats-Unis” de Donald Trump.
C’est pourquoi le réquisitoire britannique a été repris en chœur par des dirigeants occidentaux empressés de s’acquitter d’une solidarité pavlovienne avec le camp du Bien. Hormis l’Autriche et une poignée de petits Etats-membres, l’Union européenne s’est mise au garde-à-vous, le petit doigt sur la couture du pantalon. Cette Europe vassalisée par les USA, mais qui se prétend ”menacée” par la Russie, a surtout montré, une fois de plus, qu’elle est un nain politique. Obéissant à l’injonction anti-russe, elle s’est rangée comme un seul homme derrière le leadership anglo-saxon. A croire que rien de positif ne sortira jamais de ce grand corps mou, où une France jadis écoutée a commis la faute, sous la direction des “Young Leaders” qui la dirigent au profit d’intérêts qui ne sont pas les siens, de se fondre dans la masse.
Pour les Occidentaux, l’heure est donc à l’affrontement symbolique – pour l’instant – avec une Russie dont Vladimir Poutine a restauré la fierté. L’affaire Skripal est la nouvelle usine à gaz occidentale. Comme les couveuses de Koweit-City, la fiole chimique de Colin Powell ou les pseudo-gazages de l’armée syrienne, le coup monté de Salisbury est aussi un coup de clairon. Ses auteurs entendent perpétuer la confrontation politique et la surenchère militaire avec Moscou. Ils veulent justifier le durcissement de sanctions économiques destinées à entraver le redémarrage de la Russie et la montée d’un monde multipolaire. En faisant tourner les rotatives de la propagande, ils comptent diviser le monde en deux blocs, comme si le monde était encore celui de la guerre froide et n’avait pas entamé – de manière inexorable – son déport vers l’Est. Ce n’est pas un hasard si ce coup fourré intervient au moment où Trump défie Moscou dans l’Est syrien, déclenche une guerre commerciale avec la Chine et nomme ce fou furieux de John R. Bolton comme conseiller à la sécurité nationale.
Bruno Guigue
Source : Le Grand Soir,
https://www.legrandsoir.info/l‑affaire-skripal-nouvelle-usine-a-gaz-de-la-propagande-occidentale.html
Deux échecs embarrassants en une seule journée – La défense antimissile ne veut pas fonctionner
http://lesakerfrancophone.fr/deux-echecs-embarrassants-en-une-seule-journee-la-defense-antimissile-ne-veut-pas-fonctionner
Source : Le Saker Francophone
Aucun dédouanement ! Pas de titre , pas de disserte ! Je râle si je veux
🙂
L’affaire Skripal vue par Nafeez Ahmed
Le gouvernement britannique est en train de fabriquer son affaire d’agent neurotoxique en vue d’une « action » contre la Russie. Par Nafeez Ahmed
Source : Insurge Intelligence, Nafeez Ahmed, 13/03/2018
Des militaires enquêtent sur l’empoisonnement au Novichok à Salisbury.
Lundi, la Première ministre Theresa May a annoncé que l’ancien espion russe Sergey Skripal et sa fille Yulia ont été empoisonnés avec « un agent neurotoxique de qualité militaire d’un type développé par la Russie » connu sous le nom de « Novichok ».
L’agent chimique a été identifié par le Laboratoire des sciences et technologies de la défense à Porton Down. May a fait référence au fait que le gouvernement britannique « sait que la Russie a déjà produit cet agent et serait encore capable de le faire » comme une bonne raison de conclure que la culpabilité de la Russie dans l’attaque « est hautement probable ».
Pour ces raisons, elle a affirmé que seuls deux scénarios sont possibles :
« Soit c’était un agissement direct de l’État russe contre notre pays. Ou bien le gouvernement russe a perdu le contrôle de cet agent neurotoxique potentiellement catastrophique et l’a laissé atterrir entre les mains d’autres personnes ».
La ligne du gouvernement britannique a été reprise sans aucune critique par l’ensemble de la presse mondiale, avec peu d’attention à sa plausibilité.
Mais il y a un problème : loin d’offrir des preuves précises pour une piste menant aux laboratoires d’armes chimiques de Vladimir Poutine, l’utilisation du Novichok dans l’attaque au gaz neurotoxique sur le sol britannique indique un ensemble plus large de suspects potentiels, dont la Russie est en fait le moins probable.
La Russie a effectivement détruit ses capacités d’agents neurotoxiques selon l’OIAC [Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, en anglais Organisation for the Prohibition of Chemical Weapons (OPCW), NdT]
Pourtant, un effort concerté est entrepris pour renverser les faits.
Un signe évident en est la déclaration de l’Ambassadeur Peter Wilson, Représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l’OIAC, dans laquelle il affirme que la Russie a « omis pendant de nombreuses années » de divulguer pleinement son programme d’armes chimiques.
Wilson répétait comme un perroquet une allégation faite un an plus tôt par le Département d’État américain selon laquelle la Russie n’avait pas fait une déclaration complète de son stock d’armes chimiques : « Les États-Unis ne peuvent pas certifier que la Russie a rempli ses obligations conformément à la Convention. »
Pourtant, ces allégations sont contredites par l’OIAC elle-même, qui a déclaré en septembre 2017 que l’agence mondiale indépendante avait rigoureusement vérifié la destruction complète du programme d’armes chimiques de la Russie, y compris, bien sûr, ses capacités de production d’agents neurotoxiques.
Le directeur général de l’OIAC, Ahmet Üzümcü, a félicité la Russie en faisant l’annonce suivante :
« L’achèvement de la destruction vérifiée du programme d’armes chimiques de la Russie est une étape importante dans la réalisation des objectifs de la Convention sur les armes chimiques. Je félicite la Russie et je félicite tous les experts qui y ont participé pour leur professionnalisme et leur dévouement. J’exprime également ma gratitude aux États parties qui ont aidé la Fédération de Russie dans son programme de destruction et remercie le personnel de l’OIAC qui a vérifié la destruction. »
Le communiqué de presse de l’OIAC a confirmé que :
« Le reste de l’arsenal d’armes chimiques de la Russie a été détruit au centre de destruction des armes chimiques de Kizner dans la République d’Oudmourtie. Kizner était le dernier centre actif sur sept installations de destruction d’armes chimiques en Russie. Les six autres centres (Kambarka, Gorny, Maradykovsky, Leonidovka, Pochep et Shchuchye) ont terminé leurs travaux et ont été fermées entre 2005 et 2015. »
Les rapports de l’OIAC sur la Russie confirment que l’agence n’a trouvé aucune preuve de l’existence d’un programme Novichok actif.
Il convient de noter que le Docteur Robin M. Black, anciennement du Laboratoire des sciences et technologies de la défense de Porton Down – qui aurait confirmé l’utilisation de Novichok dans l’assassinat de Salisbury – siège au Conseil consultatif scientifique de l’OIAC. Pourtant, un examen scientifique par le Dr Black a également soulevé des doutes au sujet du Novichok, notant que ses propriétés et ses structures n’avaient pas été confirmées de façon indépendante.
Voici ce que le Dr Black de Porton Down a écrit à propos des agents Novichok dans une étude scientifique publiée en 2016 par la Royal Society of Chemistry :
Ces dernières années, on a beaucoup spéculé sur le fait qu’une quatrième génération d’agents neurotoxiques, les “Novichok” (nouveaux venus), a été mise au point en Russie à partir des années 1970 dans le cadre du programme “Foliant “, dans le but de trouver des agents qui compromettraient les contre-mesures défensives. Les informations sur ces composés ont été rares dans le domaine public, la plupart provenant d’un chimiste militaire russe dissident, Vil Mirzayanov. Aucune confirmation indépendante des structures ou des propriétés de ces composés n’a été publiée.
Sur la base de ce type d’analyse, le conseil scientifique de l’OIAC, qui comprenait le Dr Black de Porton Down en tant que représentant du Royaume-Uni, a conclu que :
« … on ne dispose pas d’informations suffisantes pour se prononcer sur l’existence ou les propriétés des ‘Novichok.’ »
Donc, en bref, l’OIAC n’est pas d’accord avec la vague affirmation des États-Unis et du Royaume-Uni selon laquelle la Russie n’a pas déclaré tous ses stocks et installations d’armes chimiques, et n’est pas d’accord avec l’affirmation selon laquelle des stocks ou des centres de production Novichok existent en Russie. Mais il semble que Son Excellence Peter Wilson non plus.
Dans une déclaration à l’OIAC en novembre 2017, l’ambassadeur Wilson a félicité l’OIAC pour avoir vérifié la destruction complète du programme d’armes chimiques de la Russie et a félicité son directeur, Ahmet Üzümcü. Wilson a énuméré les nombreuses réalisations de ce dernier, y compris :
« … l’achèvement de la destruction vérifiée du programme d’armes chimiques déclaré de la Russie. »
Oui, Wilson a précisé qu’il ne parlait que du programme « déclaré » de la Russie, mais il n’a pas dénoncé l’OIAC pour ne pas avoir traité un programme Novichok non déclaré. Donc, dans quelle mesure sa récente insinuation selon laquelle la position de l’OIAC est erronée est-elle crédible ?
Sans doute, pas très. Parce que l’affirmation, qui a pour origine le département d’État, selon laquelle la Russie n’a pas déclaré toutes ses armes chimiques, repose sur l’affirmation que sa capacité Novichok existe toujours. Mais le Dr Black de Porton Down et le Conseil consultatif scientifique de l’OIAC ont remis fondamentalement en question « l’existence » du Novichok.
Le manque de crédibilité de la remise en question anglo-américaine de la destruction par la Russie de ses armes chimiques a été invoqué dans un rapport détaillé du respecté Clingandael Institute of International Relations. Le rapport, cofinancé par l’Union européenne, critiquait les États-Unis pour avoir adopté une approche politisée inutile sur la question des armes chimiques en relation avec la Russie, tout en retardant hypocritement ses propres obligations de conformité, le tout d’une manière qui contournait les mécanismes de l’OIAC. Cela vaut la peine de reproduire l’intégralité du texte :
« … sur le plan politique, il y a eu quelques inconvénients. Il est particulièrement intéressant de noter que les États-Unis ont tendance à exprimer leurs inquiétudes quant au respect des obligations, alors que cet État est lui-même critiqué pour ses retards dans le désarmement. En 2005, les États-Unis se sont déclarés préoccupés par les programmes actifs de recherche et de développement (R&D) sur les armes chimiques offensives, ainsi que par les déclarations inexactes concernant les transferts passés d’armes chimiques et les installations d’armes chimiques non déclarées en Russie, en Chine, en Iran, en Libye et au Soudan. Les États-Unis ont décidé de répondre à ces préoccupations par des voies bilatérales, plutôt que d’engager directement les mécanismes formels de l’OIAC. Entre-temps, les États-Unis eux-mêmes ont été critiqués pour avoir exporté des armes classées comme “agents toxicologiques” (notamment des gaz lacrymogènes) vers de nombreux pays du Moyen-Orient (entre 2009 et 2013). Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unis ont également intensifié leur R&D sur les agents chimiques non létaux, ainsi que de nouveaux moyens de distribution et de dispersion. La CAC [Convention sur les armes chimiques, NdT] (article II, paragraphe 2) couvre les composés chimiques ayant des effets incapacitants ou irritants…. Avec le retard pris dans la destruction des stocks américains d’armes chimiques, cela a porté atteinte à la position des États-Unis au sein de la CAC, sapant son rôle de “leader”. Comme ces problèmes de conformité ne sont toujours pas résolus, cela a également, ipso facto, affecté l’autorité de la CAC, et donc de l’OIAC ». [emphase ajoutée]
En d’autres termes, les États-Unis n’ont pas fait part de leurs préoccupations concernant les Novichoks non déclarés de la Russie par le biais des mécanismes appropriés via l’OIAC, mais seulement bilatéralement. Pourquoi ?
Une explication possible est qu’en ne travaillant pas sur la question avec l’OIAC, les États-Unis ont effectivement contourné le processus de vérification international par lequel la question des Novichok, si elle était réelle, pourrait faire l’objet d’une enquête et d’une évaluation appropriées. Cela a opportunément permis aux États-Unis et à la Grande-Bretagne de prétendre, sans aucune preuve, que la Russie ne respecte pas la Convention sur les armes chimiques en insistant sur le fait que ses approvisionnements et capacités Novichok ne sont pas déclarés. Pourtant, c’est précisément le refus des États-Unis de divulguer la question et de la faire traiter par l’OIAC, qui signifie que l’affaire peut être considérée comme non résolue à jamais.
Le coeur du problème est le suivant : à ce stade, ni les États-Unis ni la Grande-Bretagne n’ont fourni de preuves concrètes sur les raisons pour lesquelles le processus de vérification de l’OIAC concernant le démantèlement par la Russie de sa capacité de production d’armes chimiques ne devrait pas être cru. Ils n’ont fourni aucune preuve que la Russie conserve des stocks Novichok.
L’OIAC est, bien entendu, la même agence sur laquelle l’Occident s’appuie pour déterminer la culpabilité des attaques majeures aux armes chimiques en Syrie. Pourquoi, alors, les conclusions de l’OIAC sur la Syrie seraient-elles considérées comme parole d’évangile, alors que ses conclusions sur la Russie sont rejetées ?
Non seulement la presse a complètement ignoré ces bizarreries dans la position du gouvernement britannique, mais elle a curieusement ignoré que les affirmations de Theresa May contredisent les déclarations publiques de Mirzayanov.
L’Agence France Presse, par exemple, a déclaré dans un paragraphe introductif à une interview de Mirzayanov, « Le chimiste russe qui a révélé l’existence des agents neurotoxiques ‘Novichok’ dit que seuls les Russes peuvent être derrière l’utilisation de l’arme en Grande-Bretagne contre un ancien espion et sa fille ». Et pourtant, l’article de l’AFP a continué à rapporter :
« La seule autre possibilité », dit-il, « serait que quelqu’un ait utilisé les formules de son livre pour fabriquer une telle arme. »
Le livre de Mirzayanov, publié en 2008, contient les formules qu’il prétend utilisables pour créer des Novichok. En 1995, il a expliqué que « les composants chimiques ou précurseurs du Novichok sont des organo-phosphates ordinaires qui peuvent être fabriqués dans les entreprises chimiques commerciales qui fabriquent des produits tels que les engrais et les pesticides ».
Si ses affirmations sont un tant soit peu exactes, cela signifie que les Novichok peuvent être fabriqués par quiconque lit le livre de Mirzayanov avec accès à un laboratoire digne de ce nom. Ce qui signifie que l’affirmation de Theresa May selon laquelle les Novichok ne mènent qu’en Russie n’est guère plus qu’une tromperie.
D’autres États ont des capacités Novichok, mais le gouvernement britannique ne veut pas enquêter à leur sujet.
Le verdict faisant autorité de l’OIAC sur les capacités de la Russie en matière d’armes chimiques aujourd’hui détruites devrait suffire à donner à quiconque le temps de réfléchir avant de se précipiter vers le jugement concernant la responsabilité de la Russie dans l’attaque au Novichok.
Au lieu de cela, le gouvernement britannique semble n’avoir aucun intérêt à enquêter sur le fait qu’il existe d’autres organismes d’État ayant d’importantes capacités en matière d’agents neurotoxiques. Comme son allié, les États-Unis.
Sous Boris Eltsine, qui a remporté les élections russes grâce à l’ingérence secrète de l’Occident, le gouvernement russe avait déclaré qu’il ne stockait pas de Novichok. C’est pourquoi Eltsine n’a pas signalé l’existence du Novichok en vertu des conventions sur les armes chimiques de l’époque – parce que la position officielle de la Russie était que les stocks n’existaient plus.
Il s’avère que les Américains eux-mêmes ont été associés au démantèlement des capacités Novichok restantes de la Russie.
En août 1999, comme l’a rapporté la BBC, des experts américains de la défense sont arrivés en Ouzbékistan pour « démanteler et décontaminer l’une des plus grandes installations d’essais d’armes chimiques de l’ex-Union soviétique ». L’installation était considérée comme « un site de recherche majeur pour une nouvelle génération d’armes chimiques secrètes et hautement létales, connues sous le nom de Novichok », et a donné aux États-Unis l’occasion d’en apprendre davantage sur cet agent neurotoxique et de le reproduire à des fins d’essai et de défense.
Mais il n’y a pas que les États-Unis. Selon Craig Murray – ancien ambassadeur des États-Unis en Ouzbékistan et, avant cela, diplomate de longue date au Foreign Office du Royaume-Uni, qui a travaillé en Afrique, en Europe de l’Est et en Asie centrale – le gouvernement britannique lui-même dispose de capacités avancées en Novichok :
« Le groupe ‘novochok’ d’agents neurotoxiques – un terme très vague pour désigner simplement une série de nouveaux agents neurotoxiques que l’Union soviétique développait il y a cinquante ans – aura presque certainement été analysé et reproduit à Porton Down. C’est seulement pour cela que Porton Down existe. Il fabriquait des produits chimiques et biologiques comme armes, et aujourd’hui encore, il les fabrique en petites quantités afin de faire des recherches sur les défenses et les antidotes. Après la chute de l’Union soviétique, les chimistes russes ont mis à disposition un grand nombre d’informations sur ces agents neurotoxiques. Et un pays qui a toujours fabriqué des agents neurotoxiques persistants très similaires est Israël. »
Mais le gouvernement britannique ne veut pas enquêter sur Porton Down, pas même pour exclure la possibilité qu’il ait « perdu le contrôle » de certains de ses stocks de Novichok.
Porton Down : fier d’expérimenter les gaz neurotoxiques sur le public britannique des années 1950 à 1989.
Le gouvernement s’inquiète peut-être de ce qu’il pourrait découvrir s’il pose trop de questions sur Porton Down lui-même.
L’installation a une histoire quelque peu mouvementée en ce qui concerne l’utilisation abusive des programmes d’armes chimiques et biologiques qui a été largement oubliée. Cette histoire montre que le gouvernement britannique n’est pas du tout opposé à l’utilisation d’armes chimiques et biologiques sur sa propre population, juste pour voir ce qui se passe.
Il y a deux ans, The Independent a rendu compte d’une nouvelle recherche historique qui a révélé que pendant la Guerre froide, le gouvernement britannique « a utilisé le grand public à son insu comme cobayes de guerre biologique et chimique à une échelle beaucoup plus grande qu’on ne le pensait auparavant ».
Plus de 750 opérations secrètes avaient été menées sur « des centaines de milliers de Britanniques ordinaires », impliquant « des attaques de guerre biologique et chimique lancées à partir d’avions, de navires et de véhicules routiers ».
« Des avions militaires britanniques ont lâché des milliers de kilos d’un produit chimique au potentiel toxique largement inconnu sur les populations civiles britanniques dans et autour de Salisbury dans le Wiltshire, Cardington dans le Bedfordshire, et Norwich dans le Norfolk… Des quantités substantielles ont également été disséminées dans certaines parties de la Manche et de la mer du Nord. On ne sait pas dans quelle mesure les villes côtières d’Angleterre et de France ont été touchées…. les usagers du métro londonien ont également été utilisés comme cobayes à une échelle beaucoup plus grande qu’on ne le pensait auparavant. Les nouvelles recherches ont permis de découvrir qu’un essai de guerre biologique sur le terrain, jusqu’alors inconnu, a été effectué dans le réseau du métro de la capitale en mai 1964. L’opération secrète – menée par des scientifiques du centre de recherche sur la guerre chimique et biologique du gouvernement à Porton Down, Wiltshire – impliquait la libération de grandes quantités de bactéries appelées Bacillus globigii… »
La nouvelle étude montre également que bon nombre des scientifiques britanniques impliqués « avaient de sérieuses appréhensions au sujet des essais sur le terrain… certains ont longtemps estimé qu’il n’était pas politiquement souhaitable de mener des essais à grande échelle en Grande-Bretagne avec des agents bactériens vivants ». De telles réserves n’ont pas empêché le gouvernement d’autoriser ces expériences dangereuses.
Porton Down a également effectué de nombreux tests d’agents neurotoxiques sur des soldats britanniques durant cette période.
Moins connu, cependant, est le fait que des membres des forces armées britanniques « ont été soumis à des expériences avec le Sarin, le gaz neurotoxique mortel, aussi tard qu’en 1983 au centre de recherche de défense du gouvernement à Porton Dow », selon des documents du ministère de la Défense obtenus par The Telegraph. L’opération Antler, comme on appelait l’enquête policière sur les expériences, a révélé que les essais sur les agents neurotoxiques s’étaient déroulés aussi tard qu’en 1989.
Il y a donc de bonnes raisons de ne pas se laisser entraîner servilement dans le sillage de l’empressement du gouvernement britannique à porter un jugement sur la Russie.
Une unité de renseignement britannique secrète organise activement des opérations de propagande sous forme de « coups montés » pour incriminer les « adversaires ».
Mais c’est particulièrement le cas étant donné ce que nous savons maintenant de l’intention et des capacités de désinformation des services de renseignement britanniques lorsqu’ils traitent avec des « adversaires ».
Les documents de l’Agence de sécurité nationale divulgués par le lanceur d’alerte Edward Snowden ont révélé qu’une unité de renseignements britannique secrète, le Joint Threat Research and Intelligence Group (JTRIG), utilise une série de « sales tours » contre des « nations, pirates, groupes terroristes, criminels présumés et trafiquants d’armes qui incluent la libération de virus informatiques, l’espionnage de journalistes et de diplomates, le brouillage de téléphones et d’ordinateurs, et l’utilisation du sexe pour attirer des cibles dans des guet-apens », selon une enquête de NBC News.
Bien qu’une grande partie de ces opérations soit axée sur l’Internet, elles ont également pour objectif« d’avoir un impact dans le monde réel » et « d’utiliser des techniques en ligne pour déclencher quelque chose dans le monde réel ou en ligne ». Le modus operandi est de « détruire, dénier, dégrader [et] perturber » les ennemis en les « discréditant » et en introduisant des informations erronées destinées à donner l’impression que des actions ont été commises par eux.
Les campagnes de propagande peuvent utiliser la tromperie, la messagerie de masse et la « propagation d’histoires » via Twitter, Flickr, Facebook et YouTube. Une section du document explique que de telles opérations d’influence peuvent impliquer des efforts directs pour manipuler le comportement des gens afin de les amener à des situations compromettantes :
« ‘Piège à miel’ ; une bonne option. Très réussi quand ça marche.
– Demandez à quelqu’un d’aller quelque part sur Internet, ou dans un lieu physique où il sera accueilli par un ‘visage amical’.
– Le JTRIG a la capacité de “façonner” l’environnement à l’occasion. »
De telles capacités et opérations de tromperie au cœur de l’État britannique soulèvent des questions tout à fait raisonnables quant à savoir si les services de renseignement britanniques cherchent délibérément à accuser la Russie pour des raisons géopolitiques – ou peut-être même à détourner l’attention d’alliés qui pourraient être des suspects légitimes.
Selon l’ancien diplomate britannique Craig Murray, par exemple, il est plus raisonnable de jeter le voile de suspicion sur Israël pour bon nombre des mêmes raisons que celles invoquées par le gouvernement britannique.
« Israël possède les agents neurotoxiques. Israël a le Mossad qui est extrêmement doué pour les assassinats à l’étranger. Theresa May a invoqué la propension de la Russie à assassiner à l’étranger comme une raison spécifique de croire que la Russie l’a fait. Le Mossad a une propension encore plus grande à assassiner à l’étranger. Et alors que j’ai du mal à voir un motif russe pour nuire si gravement à sa propre réputation internationale, Israël a une motivation claire pour nuire aussi gravement à la réputation russe. L’action russe en Syrie a fondamentalement sapé la position israélienne en Syrie et au Liban, et Israël a toutes les raisons de porter atteinte à la position internationale de la Russie par une attaque visant à rejeter la faute sur la Russie. »
Murray souligne en outre qu’il est peu probable que les Russes « aient attendu huit ans pour le faire, ils auraient pu attendre après leur Coupe du Monde ». De même, il est peu logique d’assassiner soudainement un « espion échangé » qui avait déjà purgé sa peine et vivait en toute liberté depuis des années au Royaume-Uni.
Murray n’est pas un Russophile aveugle, et son analyse critique ne peut donc pas être rejetée pour des raisons de partisanerie. Il se décrit lui-même comme « quelqu’un qui croit que des agents de l’État russe ont assassiné Litvinenko, et que les services de sécurité russes ont effectué au moins certains des attentats à la bombe dans des appartements qui ont servi de prétexte à l’assaut brutal contre la Tchétchénie. Je crois que l’occupation russe de la Crimée et de certaines parties de la Géorgie est illégale ».
Mais il avertit que, vu le manque de preuves crédibles sur cette affaire, il « s’inquiète des efforts frénétiques des entreprises de la sécurité, de l’espionnage et de l’armement pour attiser la russophobie et réchauffer la nouvelle guerre froide ».
En effet, INSURGE vient de rendre compte d’une vaste étude de l’armée américaine publiée l’année dernière, qui non seulement affirmait sans équivoque que l’expansionnisme de l’OTAN est le principal moteur de la belligérance russe, mais que l’intérêt principal de l’OTAN a toujours été de faire reculer l’influence régionale de la Russie afin que l’Occident puisse dominer les ressources naturelles et les routes des oléoducs d’Asie centrale.
Le document préconisait qu’en 2018, les États-Unis envisagent de mener une campagne « d’information » secrète et concertée pour saper Poutine.
Est-ce que c’est ce que nous voyons à l’heure actuelle alors que Theresa May se précipite pour sanctionner Poutine ?
Cela nous ramène à ce qui suit. L’histoire réelle du Novichok montre que, parmi les pays dont il est question ici, la Russie est le seul État à avoir été certifié par l’OIAC comme ayant détruit son programme d’armes chimiques, y compris ses capacités en matière d’agents neurotoxiques. L’OIAC n’a trouvé aucune preuve indiquant que la Russie conserve une capacité Novichok active. Il n’en va pas de même pour les États-Unis, la Grande-Bretagne et Israël.
Il n’y a aucune raison légitime pour les autorités britanniques d’exclure que l’un ou l’autre de ces États puisse avoir au moins « perdu le contrôle » de ses stocks d’agents neurotoxiques. Le fait que le gouvernement ait plutôt choisi de fermer toutes les pistes d’enquête autres que l’affirmation fausse que la « seule possibilité » est que toutes les pistes mènent à la Russie, démontre que nous sommes presque certainement au milieu d’une opération de propagande étatique concertée.
Il se peut que la Russie ait effectivement mené l’attaque au Novichok. Mais à l’heure actuelle, l’État britannique n’a aucune base réelle pour présumer cela. Ce qui implique que l’État a déjà décidé qu’il veut fabriquer un plan pour intensifier les hostilités avec la Russie, quelles que soient les preuves. Et cela n’augure rien de bon.
Nafeez Ahmed
Nafeez Ahmed est le rédacteur en chef fondateur d’INSURGE Intelligence. Nafeez est un journaliste d’investigation depuis 16 ans, anciennement du Guardian où il a fait des articles sur la géopolitique des crises sociales, économiques et environnementales. Nafeez écrit sur le’changement de système global’ pour Motherboard de VICE, et sur la géopolitique régionale pour Middle East Eye. Il publie des articles dans The Independent on Sunday, The Independent, The Scotsman, Sydney Morning Herald, The Age, Foreign Policy, The Atlantic, Quartz, New York Observer, The New Statesman, Prospect, Le Monde diplomatique, entre autres publications. Il a remporté à deux reprises le Project Censored Award pour ses reportages d’investigation ; deux fois dans la liste des 1 000 personnes les plus influentes du Evening Standard ; et a remporté le prix Naples, le prix littéraire italien le plus prestigieux créé par le Président de la République. Nafeez est également un universitaire interdisciplinaire, largement publié et cité, qui applique l’analyse de systèmes complexes à la violence écologique et politique.
Source : Insurge Intelligence, Nafeez Ahmed, 13/03/2018
Traduit par les lecteurs du site http://www.les-crises.fr. Traduction librement reproductible en intégralité, en citant la source.
HYSTÉRIE COLLECTIVE
par Éric Denécé
https://www.facebook.com/notes/eric-den%C3%A9c%C3%A9/editorial-n-48-hyst%C3%A9rie-collective-eric-den%C3%A9c%C3%A9/10156198227934054/
La crise diplomatique entre l’Occident et la Russie ne cesse de prendre de l’ampleur,avec l’expulsion de près de 150 diplomates et « espions » russes de plus d’une vingtaine de pays d’Europe et d’Amérique du Nord[1]. Les raisons d’une telle réaction sont, officiellement, une « riposte » à la tentative d’attentat contre la personne d’un ex-espion russe – Sergueï Skripal[2] – et de sa fille, à Salisbury, au Royaume-Uni, le 4 mars dernier. Or, il convient de noter que cette incroyable campagne antirusse ne repose sur presque rien et que les réactions qu’elle suscite apparaissent totalement disproportionnées.
Un assassinat… sans mort et sans preuve
Jusqu’à présent, force est de constater qu’aucune preuve irréfutable de la culpabilité de la Russie dans cette tentative d’assassinat n’a été fournie au public. Pour le moment, toutes les accusations demeurent verbales. Considérons rapidement les faits[3] :
- indéniablement, une tentative d’assassinat a bien eu lieu contre Skripal et sa fille ;
- un policier britannique aurait été également contaminé[4] ;
- mais il n’y pas eu dans cette affaire mort d’homme[5] ;
- l’utilisation du Novichok n’est pas formellement prouvée ;
- La manière dont la substance neurotoxique a été diffusée n’est pas clairement établie : la police britannique a tour à tour parlé d’un cadeau empoisonné apporté par Ioulia Skripal, puis d’un gaz diffusé via le système de ventilation de la voiture de son père, pour enfin constater qu’il y avait une forte concentration de traces du produit sur la porte d’entrée – à l’extérieur – du domicile de la victime.
Cela fait beaucoup d’incertitudes qui ne permettent pas, en l’état actuel des choses, d’accuser Moscou de cette tentative d’assassinat d’une manière catégorique[6], d’autant que d’autres zones d’ombre existent :
- si le neurotoxique utilisé se révélait bien être du Novichok, cela ne serait pas la preuve irréfutable de son emploi par les services russes ou de l’implication de Moscou. En effet, la fin de la Guerre froide pourrait très bien avoir permis à des organisations ou des puissances étrangères de se procurer ce produit auprès du complexe militaro-industriel de l’URSS, alors en pleine décomposition. Il convient donc de rester prudent. Le président tchèque Milos Zeman a ainsi demandé à ses services de renseignement de vérifier si le Novichok pouvait avoir été fabriqué ou stocké dans son pays[7] ;
- quand bien même Skripal aurait été ciblé par des Russes, encore faudrait-il déterminer s’il s’agit de la mafia, des services, de dissidents des services et si l’ordre a été donné par Poutine lui même, ce que n’ont pas manqué d’affirmer péremptoirement les autorités britanniques[8].
Surtout, il est difficile de voir l’intérêt qu’il y avait pour Moscou d’éliminer un individu comme Skripal. Rappelons qu’il n’était que l’un des nombreux ex-espions russes réfugiés à Londres et l’un des moins dangereux. Cet ancien officier du génie parachutiste a poursuivi sa carrière dans les relations internationales à partir des années 1990 : il a été attaché militaire à Malte puis à Madrid avant de revenir à Moscou en 1996 pour raisons de santé (diabète). A noter que si, dans le système russe, les attachés militaires sont administrativement rattachés au GRU, les titulaires de ces postes ne sont pas nécessairement issus de ce service. Très peu d’entre eux sont au courant des noms des agents clandestins opérant dans leur pays de résidence. D’ailleurs la relative « légèreté » de la condamnation de Skripal – 13 ans de prison – pour avoir espionné au profit du Secret Intelligence Service britannique, montre bien qu’il n’a pu donner des informations stratégiques à ses officiers-traitants, sans quoi il eut écopé de la perpétuité et n’aurait sans doute pas été échangé en 2010 contre d’autres membres du SVR arrêtés aux États-Unis.
De plus, Skripal vivait depuis sept ans en Angleterre sous son identité réelle, de manière transparente et n’y menait pas d’activités antirusses[9]. Il ne représentait donc aucun un danger pour Moscou. On perçoit donc mal l’intérêt pour le Kremlin de l’éliminer même si certains font le lien avec le discours de Poutine mi-février devant les membres des services. Dans son allocution, le président russe a en effet déclaré qu’il ne pardonnerait jamais les trahisons. Dès lors, certains commentateurs en ont tiré la conclusion pour le moins hasardeuse qu’il s’agissait d’un appel au crime. Cela n’a guère de sens. En effet, il n’est pas dans la tradition des services de quelque pays que ce soit d’éliminer quelqu’un que l’on a échangé. Au demeurant, ces « observateurs » omettent de rapporter que, dans ce même discours, le président russe a appelé à rétablir le dialogue avec les services américains[10].
Ainsi, pour le moment, les Britanniques n’ont fourni ni aux médias ni à l’opinion de preuve concrète de leurs accusations à l’égard de la Russie… qu’attendent-ils donc pour le faire ! S’ils en ont la preuve irréfutable, que ne la produisent-ils publiquement ? Sans doute considèrent-ils qu’une accusation tonitruante et un battage médiatique intense suffisent à convaincre le monde de la culpabilité de Poutine. Mais pour l’instant, les Britanniques n’ont fait qu’accuser gratuitement Moscou, le sommant de prouver son innocence, ce qui sur le plan juridique est une scandaleuse inversion de la charge de la preuve et semble n’avoir choqué personne ! Londres a également refusé la coopération des Russes pour cette enquête, ce qui ne manque pas de poser la question de leur intérêt à ne pas ouvrir le dossier à d’autres acteurs[11].
Enfin, si les preuves étaient produites[12] et qu’il soit démontré que cette action ait bien été ordonnée par le Kremlin et exécutée par ses services, rappelons que Skripal est un traître à son pays. Dans la mesure où il pourrait avoir livré au SIS les noms d’officiers et d’agents russes, il n’est pas illégitime que des proches de ceux qui ont été victimes de sa trahison cherchent à se venger.
Ce ne sont pas les Américains qui diront le contraire, eux qui n’ont de cesse de poursuivre Edward Snowden et Julian Assange pour avoir révélé des informations portant atteinte à leur sécurité nationale. Certes, les deux hommes n’ont pas fait l’objet de tentative d’assassinat, mais les menaces proférées à leur encontre et les pressions exercées sur ceux qui les hébergent sont sans équivoque ; Washington n’a jamais caché son intention de leur faire payer leur trahison (Snowden) et leur complicité (Assange[13]).
Deux poids, deux mesures
En l’état actuel des choses, nous sommes conduits à mettre en doute les affirmations des autorités britanniques, reprises par les Américains, car nous n’oublions pas que les plus hauts représentants de ces deux Etats ont, dans un passé récent, effrontément menti au monde.
En 2003, les Américains ont envahi l’Irak, sur la base de renseignements faux (armes de destruction massive) ou en partie fabriqués par Donald Rumsfeld et son Office of Special Plans (OSP) co-dirigé par Paul Wolfowitz et Douglas Feith. Dans le cadre de ce conflit, le Premier ministre britannique Tony Blair, assisté de son Spin Doctor Alastair Campbell, faute d’arguments fournis par ses services – car il n’en existait pas –, a sans vergogne utilisé des éléments sans aucune valeur scientifique issus du mémoire de master d’un étudiant qui prétendait que Saddam disposait de missiles équipés d’armes de destruction massive pouvant être tirés en moins de 40 minutes. À l’époque, le directeur du SIS, Richard Dearlove, pourtant parfaitement conscient du mensonge de ses dirigeants se tînt coi. Pire encore, il appuya les Américains dans leur stratégie afin que ne se produise pas de découplage entre les deux rives de l’Atlantique, ce que les sujets de sa majesté redoutent par dessus tout. Ainsi, le SIS s’est rendu pleinement complice de cette supercherie[14] et sa crédibilité a été largement entamée. Il n’est donc plus possible de prendre pour argent comptant ce que déclarent Londres et ses services.
Par ailleurs, les accusations et les rétorsions dont la Russie fait l’objet pour avoir violé – à travers cet acte, comme via ses nombreuses cyberattaques supposées – les règles du droit international, laissent songeur. En effet, il convient de rappeler, qu’en la matière, les Américains et leurs alliés ont fait bien pire.
- En 2003, les Etats-Unis ont envahi illégalement l’Irak, bafouant à la fois le droit international et le vote des Nations Unies, fabriquant les preuves dont ils avaient besoin pour justifier leur agression. Ils ont renversé le régime de Saddam – ce que personne ne regrette -, créant un chaos dont les conséquences se font toujours sentir aujourd’hui et qui a permis l’éclosion de Daech.
- Rappelons également que les Américains et certains de leurs alliés opèrent aujourd’hui illégalement sur le territoire d’un État souverain, toujours reconnu par l’ONU : la Syrie. Dans ce pays – dont le régime a été « noirci » à l’envi par les médias occidentaux -, les seules forces étrangères présentes légalement sur le terrain sont celles auxquelles a fait officiellement appel le gouvernement de Damas : Russie, Iran, Hezbollah. Les autres sont des intrus, que cela nous plaise ou non, car il n’y a pas deux droits internationaux.
- Dans le cadre de son action en Syrie, Washington a armé, consciemment et inconsciemment, divers groupes djihadistes qui ont perpétré de nombreux attentats et massacres contre la population de ce pays, ce que les médias pro-occidentaux passent sous silence.
- Rappelons aussi que depuis le 24 août 2016 – date du déclenchement de l’opération Bouclier de l’Euphrate -, la Turquie est également entrée illégalement en Syrie pour y mener une guerre contre les Kurdes, qui sont pourtant chez eux, provoquant de nombreuses victimes civiles, sans que l’Occident ni la communauté internationale ne s’insurge de cette violation flagrante du droit international et de l’intégrité territoriale de ce pays.
- De même, l’Arabie saoudite, grand allié régional des États-Unis, et les Émirats arabes unis, ont déclenché une guerre sanglante contre les Houthis au Yémen. Certes, le gouvernement « légal » mais minoritaire d’Aden a lancé un appel à l’aide internationale pour vaincre ces rebelles. Toutefois, cela ne justifie en rien les massacres et destructions (ciblage délibéré des populations civiles et d’infrastructures économiques vitales) qui caractérisent cette opération, laquelle a lieu avec le soutien moral et logistique des Américains, des Britanniques et des Français. Elle a engendré une catastrophe humanitaire sans précédent que les médias Mainstream évoquent à peine.
- Enfin, nous ne saurions oublier les nombreuses victimes innocentes des frappes de drones américains effectuées dans le cadre contre la Guerre contre le terrorisme (GWOT), ni les « erreurs » de ciblage dont les Américains semblent coutumiers (ambassade chinoise à Belgrade en 1999, hôpital de Médecins du Monde en Afghanistan en 2015, etc.)
Aucune de ces actions n’a donné lieu à une condamnation de la communauté internationale, pourtant ouvertement méprisée par les auteurs de ces actes, ni à l’expulsion de diplomates américains, britanniques, turcs ou saoudiens par la Russie ou les autres Etats qui se disent indépendants et respectueux du droit international… dont la France ! Washington et ses auxiliaires ont imposé au monde leur version très personnelle du droit international, et leurs nombreux affidés s’y sont pliés sans broncher.
Une autre illustration de cette triste réalité a été donnée lorsque, dans le cadre de la GWOT, les États-Unis ont multiplié les enlèvements extra-judiciaires à l’étranger (Renditions) et ont autorisé leurs services à employer la torture, allant jusqu’à légaliser et formaliser son usage avec l’aide de nombreux juristes. Face à une telle dérive, indigne d’une démocratie et d’une civilisation se disant « évoluée », quelles sont les voix qui se sont élevées ? Combien ont rompu les relations diplomatiques avec Washington ou renvoyé ses diplomates ? Nous cherchons toujours. Et il en est allé de même lorsqu’il fut révélé que les Américains avaient mis la planète sur écoute, espionnant jusqu’à leurs serviles alliés européens. Seules quelques timides protestations furent émises, murmures à peine audibles et bien vite oubliés.
Ainsi, l’ampleur de la campagne antirusse semble bien relever d’une stratégie délibérée et non d’une réaction indignée à d’hypothétiques violations de règles internationales de l’espionnage. Cela explique les réactions totalement disproportionnées qu’a engendré cette affaire. Au passage, il est pitoyable de constater le comportement de moutons de Panurge des pays européens – dont encore une fois la France[15] -, au nom d’une soi-disant solidarité européenne, suite à des preuves que leur aurait fournies le gouvernement britannique, mais dont personne hors des cercles gouvernementaux n’a vu la couleur. Il est vrai qu’on ne demande pas aux médias de recouper l’information mais de la relayer, ni aux opinions de réfléchir, mais de croire ! Nous assistons en conséquence à une véritable diabolisation de la Russie, certains Britanniques allant jusqu’à procéder à un amalgame pitoyable entre la présidence Poutine et le troisième Reich !
Punir la Russie… d’exister !
Au-delà de la tentative d’assassinat contre Skripal, la riposte occidentale s’inscrit plus largement dans une volonté de réagir aux « nombreuses agressions dont la Russie est responsable ». Citons pêle-mêle l’annexion de la Crimée, le soutien aux séparatistes du Donbass, les cyberattaques contre l’OTAN, les tentatives de perturbation des élections américaines, le soutien au régime de Bachar, etc.
Pour les Occidentaux, c’est proprement insupportable, car bien sûr, eux ne se sont jamais livrés à de telles actions. La CIA n’a jamais cherché à influer sur l’issue d’élections (cf. la succession d’Eltsine) ou à installer des régimes favorables à ses intérêts dans le monde. Les États-Unis n’ont pas soutenu la pseudo révolution ukrainienne de Maïdan qui a renversé le régime – indéniablement pourri – du président Ianoukovitch, pourtant légalement élu en présence d’observateurs de l’OSCE qui avaient jugé le scrutin « transparent et honnête » ! De plus, il est bien connu que les Américains ne se livrent pas à l’espionnage, pas même contre leurs alliés européens et n’écoutent jamais leurs dirigeants politiques. Enfin, Washington n’essaie pas non plus de déstabiliser les régimes iranien ou vénézuélien. Non, les Occidentaux sont irréprochables !
Certes, depuis deux décennies, les services russes – et surtout chinois – ont redéployé leurs réseaux de renseignement d’autant plus facilement que les services de sécurité occidentaux ont, à partir de 2002, délaissé le contre-espionnage pour se focaliser sur la lutte contre le terrorisme islamique. Mais lorsque l’on accuse Moscou d’espionnage – ce qui est une réalité –, il convient de ne pas oublier que si Skripal et d’autres ex-officiers de renseignement russes sont aujourd’hui réfugiés au Royaume-Uni et aux États-Unis, c’est bien la preuve que les pays occidentaux espionnent aussi allègrement leur rival russe… ce dont personne ne semble s’offusquer[16].
Cette tentative d’assassinat du transfuge russe est une aubaine pour les États-Unis. En effet, depuis près de deux ans, les membres de l’Establishment américain – républicains et démocrates mêlés – tentent par tous les moyens de faire tomber le président Trump, lequel n’est pas issu de leur monde et ne partage pas leurs intérêts de classe. À cet effet, ils ne cessent de brandir l’argument des liens coupables que lui et les membres de son entourage entretiendraient avec le Kremlin. Tout cela sans preuve. Mais ces attaques à répétition contre l’hôte de la Maison-Blanche permettent au passage de dissimuler les malversations dont s’est rendue coupable Hillary Clinton afin de ravir l’investiture démocrate à Bernie Sanders lors des dernières élections présidentielles, les magouilles judiciaires et financières des Clinton et d’Obama sur lesquelles la justice d’outre-Atlantique enquêtera peut-être un jour, et les dysfonctionnements graves de la « démocratie » américaine qui vit sous la menace permanente du Shut Down en raison de ses querelles politiques internes[17]. Relancer la Guerre froide, sous une forme ou sous une autre, est donc la seule solution qu’ont imaginé les édiles d’outre-Atlantique pour résoudre leurs graves problèmes internes et refaire l’unité d’un pays dont les classes dirigeantes s’entre-déchirent.
Paradoxalement, ce procès en sorcellerie de la Russie ne semble guère du goût de Donald Trump. À l’occasion de cette crise, le président américain s’est montré bien moins catégorique que la majorité des élus américains. Les félicitations qu’il a adressées à Vladimir Poutine à l’occasion de sa réélection ont ainsi été critiquées par les grands médias américains qui l’ont accusé de réticence à critiquer frontalement son homologue russe.
La légitime réaction de Moscou
Ces provocations constantes à l’égard de Moscou[18], malgré l’étonnante mesure dont Poutine a fait preuve, ont conduit les Russes à réagir, faisant malgré eux le jeu des Américains et les aidant dans leur stratégie machiavélique.
Rappelons qu’à l’issue de la Guerre froide, un certain nombre d’accords furent signés entre les Occidentaux et le nouveau régime russe (traité de limitation des armements, engagement de non extension de l’OTAN, etc.). Aucun n’a été respecté et Washington n’a cessé de chercher à affaiblir Moscou. Néanmoins, la Russie a apporté son soutien aux opérations antiterroristes américaines en Afghanistan (2002) en mettant à leur disposition certaines de ses bases aériennes et en coopérant en matière de renseignement. Les États-Unis ne leur en furent jamais reconnaissants.
Puis à l’occasion des soi-disant « révolutions arabes » (2011), les Occidentaux ont systématiquement outrepassé les résolutions de l’ONU auxquelles les Russes s’étaient associés, notamment en Libye (résolution 1973), pour provoquer des changements de régimes… plus ou moins heureux et durables.
Devant ces tromperies et humiliations à répétition, la Russie ne pouvait indéfiniment rester sans réagir. Dans un premier temps (2014), Moscou a décidé de ne pas abandonner les populations russophones du Donbass et a tiré parti du chaos créé par la « révolution » ukrainienne – pilotée par des groupes d’extrême-droite soutenus par l’Occident – afin de « récupérer » la Crimée par des moyens tout aussi irréguliers que ceux qui ont conduit au renversement de Ianoukovitch. Depuis, les Russes continuent d’apporter leur soutien aux habitants d’Ukraine orientale, que Kiev cherche à remettre au pas par les armes.
Dans un second temps, Vladimir Poutine a décidé d’intervenir en Syrie à la demande légale du gouvernement de Damas (2015). L’entrée en action des forces russes a significativement contribué à sauver le régime de Bachar El-Assad ainsi que les minorités chrétiennes, druzes, alaouites et les sunnites qui le soutiennent et qui vivent depuis 2011 sous la menace constante d’une barbarie islamique infiniment pire qu’un régime autoritaire.
Finalement, ce retour de la Russie au premier rang de la géopolitique mondiale paraît davantage être le résultat des provocations répétées de l’Occident – en réalité des États-Unis – à leur égard, que d’une volonté planifiée de réaffirmer urbi et orbi, une puissance déchue. Mais aussitôt que ce retour s’est produit, les apprentis sorciers qui ont tout fait pour le provoquer ont jubilé car la menace inconsistante qu’ils évoquaient prenait enfin forme, leur donnant raison… mais selon quel stratagème machiavélique !
Il demeure pourtant ahurissant de considérer que Moscou menace les Occidentaux. Rappelons que le budget de défense russe est neuf fois inférieur à celui des États-Unis et qu’il est également deux fois inférieur à ceux de la France, du Royaume Uni et de l’Allemagne cumulés. Il ne représente qu’1/13e de celui de l’OTAN… On aimerait comprendre qui menace qui ? D’autant que suite à sa réélection, le 18 mars dernier, Vladimir Poutine a confirmé son intention de réduire les crédits militaires en 2018 et 2019 afin d’empêcher toute nouvelle course aux armements.[19]
Tout semble donc orchestré afin de faire resurgir une menace russe, tant pour des raisons de politique intérieure que pour pousser les Occidentaux à faire bloc avec Washington. Ainsi, l’affaire Skripal tombe à point nommé pour lancer une nouvelle manœuvre de diabolisation de la Russie.
Moscou a initialement protesté, considérant que la décision des pays européens d’expulser des diplomates russes était un geste provocateur au nom d’une prétendue solidarité avec Londres et que cela témoignait d’une volonté claire de confrontation. Puis le 29 mars, la Russie a riposté en expulsant soixante diplomates américains et en annonçant la fermeture du consulat des États-Unis à Saint-Petersbourg. Des sanctions ont également été prises contre les pays européens[20], à titre de réciprocité.
*
Même si l’histoire ne se reproduit jamais à l’identique, la situation actuelle n’est pas sans faire penser à celle de 1918 et aux très lourdes sanctions imposées à l’Allemagne, lesquelles furent en partie à l’origine du sentiment de revanche germanique à l’origine de l’accession d’Hitler au pouvoir et de la Seconde Guerre mondiale.
Va-t-on pour autant vers une Seconde Guerre froide ? Il est encore trop tôt pour le dire. Car, aussi paradoxal que cela puisse paraître, pour le moment, les deux « camps » paraissent tirer bénéfice de la situation. Souhaitons seulement que cette « stratégie de la tension » ne monte pas aux extrêmes. Car le problème avec les apprentis sorciers que produit régulièrement l’Amérique, c’est que l’on ne sait jamais comment cela va finir. L’histoire a montré que leurs stratégies hasardeuses produisaient rarement des effets heureux. Les Irakiens peuvent en témoigner.
Le plus grave dans cette affaire est que l’Europe s’est délibérément placée encore un peu plus dans l’orbite des États-Unis. Ce faisant, elle ne mesure pas à quel point elle est en train de perdre tout respect et crédibilité à l’international. En effet, l’Occident, sous domination américaine, se veut toujours donneur de leçons de morale et de droit… qu’il ne respecte pas. Tant de mensonges, de mauvaise foi, de violations des lois internationales et des engagements pris ont quasiment réduit à néant le magistère moral qu’il exerçait jadis. Pour bien des pays des quatre autres continents, l’Europe n’est plus autonome et l’Occident n’incarne plus l’exemple à suivre. Ce dernier est devenu un perturbateur comme les autres, voire pire peut être. Et beaucoup s’en défient désormais, à juste titre.
Éric Denécé
Notes
________________
[1] Les États-Unis, le Canada, l’Australie, la Norvège, l’Ukraine et seize pays européens – dont la France – ainsi que l’OTAN , ont annoncé qu’ils allaient renvoyer des diplomates russes. Même au plus fort de la Guerre froide, une telle vague d’expulsions n’a jamais eu lieu.
[2] Il a été recruté comme agent double par les services britanniques en 1995.
[3] Pour de plus amples précisions, nous renvoyons à l’excellente analyse d’Alain Rodier, « Royaume Uni : l’enquête sur la mort du transfuge russe se complique », Note d’Actualité n°509, mars 2018 (https://www.cf2r.org/actualite/royaume-uni-lenquete-mort-transfuge-russe-se-complique/)
[4] Notons toutefois qu’il est rapidement sorti de l’hôpital, ce dont la presse n’a quasiment pas fait état.
[5] L’état de Ioulia Skripal, « s’améliore rapidement », a indiqué l’hôpital où elle est soignée avec son père.
[6] Nous n’écartons évidemment pas la possibilité que le gouvernement britannique puisse disposer d’informations obtenues via des interceptions ou une source humaine implantée au cœur du système russe qu’il cherche à protéger. Toutefois, cette absence de production des preuves affaiblit considérablement l’acte d’accusation public.
[7] Reuters, 26 mars 201 (https://www.reuters.com/article/us-britain-russia-czech-president/czech-president-asks-spy-service-to-see-if-novichok-was-produced-locally-idUSKBN1H22FN).
[8] Certains spécialistes de la Russie y voient une opération orchestrée par une frange conservatrice et panslaviste de l’appareil de sécurité russe.
[9] Si Skripal n’a pas continué à travailler pour le SIS, certains estiment qu’il aurait en revanche coopéré avec plusieurs sociétés de renseignement privées d’outre-Manche, dans le collimateur du Kremlin pour avoir travaillé sur le dossier des soi-disant liens russes de Donald Trump.
[10] http://www.lepoint.fr/monde/poutine-retablir-le-dialogue-entre-services-secrets-russes-et-americains-16–02-2017–2105320_24.php
[11] Le Royaume-Uni avait également refusé la coopération des autorités russes lors de l’enquête sur le meurtre de Litvinenko (2006), affaire similaire dans laquelle la soi-disant culpabilité des services russes n’a jamais été prouvée.
[12] Et l’on ne peut écarter l’hypothèse qu’elles soient « fabriquées »
[13] Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, est réfugié depuis 2012 dans l’ambassade d’Equateur à Londres. Le 27 mars dernier, il a été traité de “misérable petit ver” par Boris Johnson, le ministre britannique des Affaires étrangères, qui lui a demandé de se livrer à la justice (https://www.reuters.com/article/us-britain-assange/uk-minister-miserable-little-worm-assange-should-turn-himself-in-idUSKBN1H31PF)
[14] Voir à ce sujet Gordon Corera, MI 6 : Life and Death in the British Secret Service, Weidenfeld & Nicholson, Londres, 2012, pp. 357 à 397.
[15] Rappelons que notre pays est de plus en plus dépendant pour ses opérations extérieures (Barkhane notamment) du soutien logistique américain et qu’une partie de nos troupes et de nos équipements est acheminée au Sahel par des compagnies aériennes ukrainiennes. On connaît la détestation de la Russie qui caractérise ce pays. Il y a fort à parier que les termes de la « négociation » ont dû être très clairs.
[16] 53 officiers traitants et 386 agents de services étrangers ont été démasqués en Russie en 2016.
[17] Outre-Atlantique, les discussions autour du budget sont le principal champ d’affrontement entre les partis. Ainsi, faute d’un accord durable, depuis quelques années, le budget de l’Etat fédéral est déterminé de trois mois en trois mois et donne lieu à des débats constants et à des menaces de blocage (Shut Down).
[18] Imaginons quelle aurait été la réaction de Washington si le Mexique ou la Jamaïque avaient rejoint le Pacte de Varsovie ou si Moscou avait soutenu une « révolution démocratique » au Canada…
[19] Cette baisse des dépenses militaires russes avait déjà été annoncée par le président russe en août 2017. Et en 2016, sous le coup des sanctions économiques et de la baisse du prix du pétrole, Moscou avait déjà taillé dans ses dépenses militaires à hauteur de 2,7 milliards de dollars.
[20] Moscou a également annoncé l’expulsion de 23 diplomates britanniques et ordonné la fermeture du British Council et du consulat britannique de Saint-Pétersbourg
« Elle est ressuscitée ! »– Le dernier acte de « Novitchok »
http://lesakerfrancophone.fr/elle-est-ressuscitee-le-dernier-acte-de-novitchok
Source : Le Saker francophone
Questions de la Russie adressées au Royaume-Uni concernant l’affaire Skripal montée de toutes pièces par le Royaume-Uni contre la Russie
Source : Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, 31-03-2018
Samedi 31 mars, l’Ambassade russe à Londres a envoyé au Ministère britannique des Affaires étrangères une note contenant une liste des questions adressées au Royaume-Uni concernant l’affaire Skripal montée de toutes pièces contre la Russie :
1. Pourquoi a‑t-on privé la Russie du droit à l’accès consulaire aux deux citoyens russes, victimes d’une attaque sur le territoire britannique ?
2. Quels antidotes et sous quelle forme concrète ont été administrés aux victimes ? Pourquoi les médecins britanniques possédaient-ils ces antidotes sur les lieux de l’incident ?
3. Pour quelle raison la France a été impliquée dans la coopération technique dans le cadre de l’enquête sur l’incident touchant aux citoyens russes ?
4. Est-ce que le Royaume-Uni a informé l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques de l’implication de la France dans l’enquête sur l’incident de Salisbury ?
5. Qu’est-ce que la France a à voir avec l’incident touchant à deux citoyens russes sur le territoire britannique ?
6. Quelles normes du code de procédure britannique permettent d’impliquer un État étranger dans une enquête intérieure ?
7. Quelles preuves ont été transmises à la France pour l’analyse et l’organisation de sa propre enquête ?
8. Les experts français ont-ils assisté au prélèvement des échantillons biologiques de Sergueï et Ioulia Skripal ?
9. Les experts français ont-ils analysé les échantillons biologiques de Sergueï et Ioulia Skripal et dans quels laboratoires ?
10. Est-ce que le Royaume-Uni possède déjà des documents relatifs à l’enquête menée par la France ?
11. A‑t-on transmis les résultats de l’enquête française au Secrétariat technique de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques ?
12. Sur la base de quels indices (marqueurs) a été établie “l’origine russe” de la substance utilisée à Salisbury ?
13. Le Royaume-Uni a‑t-il des échantillons de contrôle de la substance toxique de combat que les responsables britanniques appellent “Novitchok” ?
14. A‑t-on élaboré au Royaume-Uni des échantillons de la substance toxique de combat du type “Novitchok” (selon les termes britanniques) ou ses équivalents ?
Source : Ministère des affaires étrangères de la Fédération de Russie, 31-03-2018
https://www.les-crises.fr/questions-de-la-russie-adressees-au-royaume-uni-et-a-la-france-concernant-l-affaire-skripal/