Le Saker francophone vient de traduire un nouvel entretien de David North avec Chris Hedges, que je trouve admirable, daté du 6 octobre 2017 sur le Word Socialist Web Site :
David North : – Comment interprétez-vous cette fixation sur la Russie et toute cette réinterprétation de l’élection présidentielle comme si elle avait été manipulée par Poutine ?
Chris Hedges : – C’est aussi ridicule que pour les armes de destruction massive de Saddam Hussein. C’est une accusation absolument non fondée utilisée pour instiller cette idée très effrayante : les critiques du capitalisme d’entreprise et de l’impérialisme sont des agents étrangers travaillant pour la Russie.
Je ne doute pas que les Russes investissent temps, énergie et argent pour tenter d’influer sur les événements ayant cours aux États-Unis de manière à servir leurs intérêts, comme nous l’avons fait et le faisons encore en Russie et dans bien d’autres pays du monde. Je ne dis donc pas qu’il n’y a pas eu d’influence ou tentative d’influence sur certains événements.
Mais l’idée que les Russes aient pu faire basculer les élections en faveur de Trump est absurde. Tout cela est fondé sur l’affirmation non prouvée que la Russie a fourni les courriels piratés de Podesta à WikiLeaks, et que leur publication a poussé des dizaines, voir des centaines de milliers de partisans de Clinton à voter Trump. Cela n’a aucun sens. Soit ça, soit, selon le directeur du renseignement national, que Russia Today America, où j’anime une émission, a manipulé tout le monde pour qu’ils votent pour le Green Party.
Cette obsession pour la Russie est une tactique utilisée par l’élite dirigeante, en particulier le Parti démocrate, afin d’éviter de faire face à une réalité très désagréable : leur impopularité est le résultat de leur politique de désindustrialisation et de l’assaut contre les travailleurs et les pauvres de couleur. C’est le résultat d’accords commerciaux désastreux comme l’ALENA qui ont supprimé des emplois syndiqués bien rémunérés et les ont expédiés dans des endroits comme le Mexique, où les travailleurs sans avantages sociaux reçoivent 3 $ de l’heure. C’est le résultat de l’explosion d’un système d’incarcération de masse, entamé par Bill Clinton avec sa loi sur la criminalité de 1994, qui a entrainé le triplement et le quadruplement des peines d’emprisonnement. C’est le résultat de la réduction des services gouvernementaux de base, y compris, bien sûr, ceux du service de santé, que Clinton a éviscérés ; la déréglementation, une infrastructure en décomposition, qui touche même les écoles publiques, et l’évitement fiscal de facto par les entreprises. C’est le résultat de la transformation du pays en une oligarchie. La révolte nativiste de droite et l’insurrection avortée au sein du Parti démocrate ont du sens quand on voit ce qu’ils ont fait au pays.
Les forces de police ont été transformées en entités quasi militaires qui terrorisent les communautés marginales, où les gens ont été privés de tous leurs droits et sur qui on peut tirer en toute impunité. Plus de trois personnes sont tuées par jour, c’est un fait. L’État tire sur les pauvres gens de couleur ou les emprisonne comme une forme de contrôle social. Et il est tout disposé à employer la même forme de contrôle social sur n’importe quel autre segment de la population qui deviendrait rétive.
Le Parti démocrate, en particulier, conduit toute cette chasse aux sorcières russe. Il ne peut pas reconnaître sa complicité dans la destruction de nos libertés civiles, mais rappelez-vous que l’attaque de Barack Obama contre les libertés civiles a été pire que celle de George W. Bush, et dans la destruction de notre économie et de nos institutions démocratiques.
Des politiciens comme les Clinton, Pelosi et Schumer sont des créations de Wall Street. C’est pourquoi ils ont été si virulents pour repousser les partisans de Sanders dans le Parti démocrate. Sans l’argent de Wall Street, ils n’auraient pas le pouvoir politique. Le Parti démocrate ne fonctionne pas comme un vrai parti. Il s’agit surtout de mobiliser une masse de gens et d’en faire un outil de relations publiques en agitation perpétuelle, tout cela financé par des grosses entreprises. La base du parti n’a pas vraiment son mot à dire dans sa direction ou la politique qu’il mène, comme l’ont découvert Bernie Sanders et ses partisans. Ils ne sont que des accessoires dans un théâtre politique stérile.
Les élites de ce parti, rongées par la cupidité, la myopie et un profond cynisme, ont une emprise mortelle sur le processus politique. Elles ne vont pas lâcher prise, même si tout doit imploser.
– Chris, vous avez travaillé pour le New York Times. Quand était-ce, exactement ?
– De 1990 à 2005.
– Puisque vous avez l’expérience de cette institution, quels changements y voyez-vous ? Nous savons qu’elle s’est faite un lectorat parmi la classe moyenne supérieure aisée.
– Le New York Times cible les 30 millions d’Américains formant la classe moyenne supérieure et les riches. C’est un journal national ; seul environ 11% de son lectorat réside à New York. Il est très facile de voir à qui s’adresse leTimes en consultant ses sections spéciales sur l’immobilier, la mode, les affaires ou le tourisme. Ici, des articles expliquent la difficulté d’entretenir, par exemple, une deuxième maison dans les Hamptons. Il lui arrive de faire de bonnes enquêtes, bien que peu souvent. Il couvre les affaires étrangères. Il reflète essentiellement la pensée des élites. Je lis le Times tous les jours, peut-être pour équilibrer la lecture de votre site web.
– Eh bien, j’espère que nous lire fait plus que de l’équilibrer.
– Oui, c’est le cas. Le Times a toujours été une publication élitiste, mais il a complètement embrassé l’idéologie du néo-conservatisme et du néolibéralisme dans une période de détresse financière, quand Abe Rosenthal en était le rédacteur en chef. C’est lui qui a créé les sections spéciales s’adressant à l’élite. Et il a imposé une censure de facto pour exclure les critiques du capitalisme sans entraves et de l’impérialisme, tels que Noam Chomsky ou Howard Zinn. Il a harcelé des journalistes comme Sydney Schanberg, qui a défié les promoteurs immobiliers de New York, ou Raymond Bonner, qui a enquêté sur le massacre El Mozote au Salvador.
Il déjeunait chaque semaine, avec son éditeur, William F. Buckley. Cette bascule dans les bras des forces les plus rétrogrades du capitalisme d’entreprise et des partisans de l’impérialisme américain a, pendant un certain temps, permis au journal de devenir très rentable. Puis l’essor de l’internet, la perte d’annonces publicitaires, qui représentaient environ 40% de l’ensemble des revenus des journaux, ont touché le Times comme tous les autres. L’information papier a perdu le monopole qui autrefois reliait les vendeurs aux acheteurs. Les journaux sont piégés dans un vieux système d’information sur lequel ils collent une étiquette d’« objectivité » et d’« équilibre », des formules conçues pour cacher le fait qu’ils servent les puissants et les riches et obscurcissent la vérité. Mais, comme toutes les cours byzantines, le Times continuera à s’accrocher à son Saint Graal.
Le sérieux intellectuel du journal, en particulier la Revue des livres et la Revue de la semaine, a été dégradé par Bill Keller, lui-même un néocon, qui, en tant que chroniqueur, fut une des pom-pom girls de la guerre en Irak. Il a amené des personnages comme Sam Tanenhaus. À ce moment-là, le journal a embrassé, sans aucune dissidence, l’idéologie utopique du néolibéralisme et la primauté du pouvoir des grandes entreprises comme étant la voie inévitable du progrès humain. Le Times, comme les écoles de commerce, les départements d’économie des universités et les experts promus par le milieu des grosses entreprises, ont propagé l’idée absurde que nous serions tous mieux lotis si nous prosternions tous les secteurs de la société devant les exigences du marché. Il faut une sorte de stupidité incroyable pour y croire. On a vu des étudiants de la Harvard Business School faire des études de cas sur Enron et de son brillant business model, jusqu’à ce qu’Enron s’effondre et soit exposé comme une gigantesque escroquerie. En réalité cela n’a jamais été un débat d’idées. C’était juste de la pure cupidité. Elle a été imposée par des personnes soi-disant les mieux instruites parmi nous, comme Larry Summers, qui propageait le mensonge que notre déclin est dû à des niveaux d’instruction déficients. Il est surtout dû à une élite amorale et en faillite et aux institutions financières criminelles qui les ont rendus riches.
La pensée critique, sur la page opinion, la Revue de la semaine ou la Revue des livres, qui n’avait jamais été très pointue, s’est complètement évaporée sous Keller. La globalisation y était au-delà de toute critique. Le Times, comme toutes les institutions d’élite, est devenu une chambre d’écho hermétiquement scellée ; ils ne se rendent pas compte à quel point ils sont devenu ridicules et à coté de la plaque. Thomas Friedman et David Brooks pourraient tout aussi bien écrire pour The Onion.
Je travaillais à l’étranger. Je n’étais pas très présent dans la salle de rédaction, mais le journal est un endroit confit d’angoisse. Les règles ne sont pas écrites sur les murs, mais tout le monde connaît, même si elle n’est pas clairement articulée, la devise non officielle du journal : ne pas s’aliéner de manière significative ceux sur qui nous dépendons pour l’argent et l’accès ! Vous pouvez quelquefois les critiquer. Mais si vous êtes un journaliste sérieux, comme Charlie Leduff ou Sydney Schanberg, qui veulent donner une voix à des gens qui n’en ont pas ou aborder les questions raciales, de classe, d’exploitation capitaliste ou d’empire, vous pouvez alors rapidement devenir un problème pour la direction et être expulsé. Ceux qui progressent dans ce type d’organisation et détiennent le pouvoir sont des carriéristes avérés. Leur loyauté est à la mesure de leur ambition et de la stature et la rentabilité de l’institution, ce qui explique pourquoi la hiérarchie du journal est remplie de gens médiocres. Le carriérisme est le plus grand talon d’Achille du journal. Il ne manque pas de talent. Mais il manque d’indépendance intellectuelle et de courage moral. Cela me rappelle Harvard.
– Revenons à cette histoire de piratage russe. Vous avez soulevé la capacité de générer une histoire, qui n’a absolument aucun fondement factuel, rien que des affirmations de diverses agences de renseignement, présentées comme une information ne pouvant être remise en question. Quelle est votre avis sur ce point ?
– Les réseaux d’informations télévisées, notamment CNN et MSNBC, ne font pas de journalisme, ou à peine. Leurs célèbres journalistes ne sont que des représentants de l’élite. Ils amplifient et spéculent sur les commérages de la cour, ce que sont toutes les accusations à propos de la Russie, et ils répètent ce qu’on leur dit de répéter. Ils sacrifient le journalisme et la vérité pour l’audience et le profit. Ces informations câblées constituent l’un des nombreux flux de revenus d’une structure d’entreprise. Ils sont en concurrence avec d’autres sources de revenus. Le directeur de CNN, Jeff Zucker, qui a aidé à créer la personnalité fictive de Donald Trump dansCelebrity Apprentice, a transformé la politique sur CNN en une émission de télé-réalité 24 heures sur 24. Toute nuance, ambiguïté, signification et profondeur, ainsi que tout fait vérifiable, sont sacrifiés pour un divertissement salace. Le mensonge, le racisme, la bigoterie et les théories du complot sont publiés et considérés comme de l’information sérieuse, souvent par des personnes dont le trait de caractère dominant est leur déséquilibre. C’est de l’information burlesque.
Je faisais partie de l’équipe d’enquête du New York Times pendant la période précédant la guerre en Irak. J’étais basé à Paris et couvrait al-Qaïda en Europe et au Moyen-Orient. Lewis Scooter Libby, Dick Cheney, Richard Perle et peut-être quelqu’un travaillant pour une agence de renseignement, allaient confirmer toute l’histoire que l’administration tentait de lancer. Les règles journalistiques du Times disent que vous ne pouvez pas publier un article basé sur une unique source. Mais si vous avez trois ou quatre sources prétendument indépendantes confirmant le même récit, alors vous pouvez y aller, c’est ce qu’ils ont fait. L’article n’a pas enfreint les règles enseignées à l’école de journalisme de Columbia, et malgré tout, ce qu’ils ont écrit était pur mensonge.
Tout l’exercice relevait du burlesque. La Maison Blanche allait raconter une histoire bidon à Judy Miller ou à Michael Gordon, puis ensuite déclarerait :« comme le Times le montre… ». Cela a permis de donner à ces mensonges le vernis de l’indépendance et du journalisme de renom. Ce fut un échec institutionnel massif, que le journal n’a jamais reconnu.
– La CIA invente l’histoire, puis le Times la vérifie auprès de ceux qui l’ont inventée.
– Ce n’est pas toujours inventé. Et cela n’est pas venu de la CIA. La CIA ne soutenait pas l’hystérie sur les « armes de destruction massive ».
– Ça marche aussi dans l’autre sens ?
– Bien sûr. Parce que si vous essayez d’avoir accès à un haut fonctionnaire, vous allez constamment faire des demandes, et ce sera ces fonctionnaires qui décideront quand ils veulent vous voir. Et quand ils veulent vous voir, c’est généralement parce qu’ils ont quelque chose à vous vendre.
– Le discours anti-russe des médias a été adopté par de larges portions de ce qui se présente comme la « gauche ».
– Eh bien, ne me lancez pas sur la gauche américaine. Tout d’abord, il n’y a pas de gauche américaine, pas de gauche digne de ce nom, qui comprenne les théories politiques ou révolutionnaires, qui soit imprégnée d’étude économique, qui comprend comment fonctionnent les systèmes de pouvoir, en particulier le pouvoir corporatif et impérial. La gauche est prise dans le même genre de culte de la personnalité qui afflige le reste de la société. Elle se concentre sur Trump, comme si Trump était le problème central. Trump est le résultat, le symptôme d’un système défaillant et d’une démocratie dysfonctionnelle, il n’est pas la maladie.
Si vous tentez de débattre de cela avec la plupart de ceux qui sont supposément de gauche, ils réduisent la discussion à cette vision caricaturale de la politique.
La gauche sérieuse dans ce pays a été décimée. Cela a commencé avec la suppression des mouvements radicaux sous Woodrow Wilson, puis les « Red Scares » dans les années 1920, quand ils ont pratiquement détruit notre mouvement syndical et notre presse radicale, puis toutes les purges des années 1950. Pour faire bonne mesure, ils ont purgé la classe libérale – regardez ce qu’ils ont fait à Henry Wallace – de sorte que les « libéraux » de la guerre froide assimilaient le capitalisme à la démocratie et l’impérialisme à la liberté. J’ai vécu en Suisse et en France. Il y a encore quelques restes d’une gauche militante en Europe, ce qui donne aux Européens une base sur laquelle s’appuyer. Mais ici, nous avons presque à recommencer de zéro.
Je me bats en permanence contre les Antifas et le Black Bloc. Je pense qu’ils sont une sorte de poster pour enfants pour ce que je considérerais comme une phénoménale immaturité politique. La résistance n’est pas une forme de catharsis personnelle. Nous ne combattons pas la montée du fascisme dans les années 1930. Les élites que nous devons renverser ont déjà le pouvoir. Et à moins que nous ne construisions un vaste mouvement de résistance populaire, qui exigera beaucoup de patience et d’organisation parmi les travailleurs et les travailleuses, nous allons être progressivement terrassés.
Trump n’est donc pas le problème. Mais cette phrase seule va tuer la plupart des discussions avec des gens qui se considèrent comme faisant partie de la gauche.
Le pouvoir des grandes entreprises rend très difficile de gagner sa vie si vous vous accrochez à cette critique radicale. Vous ne serez jamais titularisé. Vous n’obtiendrez probablement pas de rendez-vous académiques. Vous ne gagnerez pas de prix. Vous ne recevrez pas de subventions. Le New York Times, si même il décidait d’examiner votre livre, le remettrait à un mandarin dévoué comme George Packer pour qu’il le détruise, comme il l’a fait avec mon dernier livre. Les écoles d’élite, et j’ai enseigné en tant que professeur invité dans quelques-unes d’entre elles, Princeton et Columbia par exemple, reproduisent la structure et les objectifs des entreprises. Si vous voulez passer par un comité de doctorat, vous devez le jouer vraiment, vraiment, en toute sécurité. Vous ne devez pas contester la position favorable aux grandes entreprises qui imprègne l’institution et est imposée par des dons de celles ci et les diktats des riches anciens étudiants. La moitié des membres de la plupart de ces conseils d’administration devraient être en prison !
Au XVIIe siècle en Grande-Bretagne, la spéculation était un crime. Les spéculateurs étaient pendus. Aujourd’hui, ils dirigent l’économie et le pays. Ils ont accaparé les richesses pour détruire la vie intellectuelle, culturelle et artistique du pays et étouffer notre démocratie. Il y a un mot pour ces gens : des traîtres.
– Quel est, selon vous, l’impact de la politique identitaire aux États-Unis ?
– Eh bien, la politique identitaire montre bien l’immaturité de la gauche. Le pouvoir des grandes entreprises a adopté la politique identitaire. Nous avons vu où la politique identitaire nous a amenés avec Barack Obama, pire que nulle part. Il n’était, comme l’a dit Cornel West, qu’une mascotte noire pour Wall Street, et maintenant il donne des conférences très bien payées en récompense pour nous avoir vendus.
Mon anecdote préférée à propos de la politique identitaire : Cornel West et moi-même, ainsi que d’autres, avons dirigé une marche des sans-abris à la session de la Convention nationale démocrate, à Philadelphie. Il y avait un rassemblement cette nuit-là, des centaines de personnes, surtout des partisans de Bernie Sanders en colère. On m’avait demandé de venir y parler. Et dans l’arrière-salle, il y avait un groupe de jeunes militants qui disait : « Nous ne laisserons pas le Blanc parler en premier ». Puis l’un d’eux se leva et prononça un discours enjoignant tout le monde à voter pour Hillary Clinton. C’est en quelque sorte là où la politique d’identité vous mène. Il y a une grande différence entre les leurres qu’utilisent le capitalisme d’entreprise et l’impérialisme, comme Corey Booker et Van Jones, et de véritables militants comme Glen Ford et Ajamu Baraka. Le pouvoir des grandes entreprises sélectionne et encourage soigneusement les femmes ou les personnes de couleur qui vont servir de leurres, de masques, pour mieux cacher leur cruauté et leur exploitation des gens.
De toute évidence, il est extrêmement important que ces voix soient entendues, mais pas celles qui sont vendues à l’élite au pouvoir. Le mouvement féministe en est un parfait exemple. Le vieux féminisme, que j’admire, le genre de féminisme d’Andrea Dworkin, était d’autonomiser les femmes opprimées. Cette forme de féminisme n’a pas tenté de justifier la prostitution en tant que travail sexuel. Il savait qu’il est tout aussi injuste d’abuser d’une femme dans un atelier de misère que dans le commerce du sexe. La nouvelle forme de féminisme est un exemple du poison du néolibéralisme. Il s’agit d’avoir une femme PDG ou une femme présidente, qui, comme Hillary Clinton, servira les systèmes d’oppression. Cette forme de féminisme prétend que la prostitution n’est qu’une question de choix. Quelle femme, ayant un revenu stable et la sécurité, choisirait d’être violée pour gagner sa vie ? La politique identitaire est une non-politique.
– Je crois que vous avez parlé lors d’une conférence sur la Convergence socialiste où vous avez critiqué Obama et Sanders, et vous avez été hué.
– Ah oui ? Je ne m’en souviens même pas. J’ai été hué pour avoir critiqué Obama dans beaucoup d’endroits, y compris à Berkeley. J’ai dû supporter cela pendant longtemps en tant que supporter et auteur des discours de Ralph Nader. Les gens n’aiment pas que l’illusion qu’ils entretiennent pour leurs personnalités, leurs acteurs, leurs sauveurs politiques, soit brisée ; toutes des personnalités créées par les industries de relations publiques. Ils ne veulent pas faire le dur travail de comprendre vraiment comment le pouvoir fonctionne et de s’organiser pour le faire changer.
– Vous avez mentionné que vous lisiez le World Socialist Web Site depuis un certain temps. Vous savez que nous sommes tout à fait en dehors de ce cadre.
– Je ne suis pas marxiste. Je ne suis pas trotskiste. Mais j’aime le site. Vous faites des analyses sérieuses sur des questions importantes et d’une manière différente des autres sites. Vous vous souciez de choses qui sont importantes pour moi : l’incarcération de masse, les droits et les luttes de la classe ouvrière et les crimes de l’empire. Je suis depuis longtemps un lecteur du site.
– Une grande partie de ceux qui prétendent être de gauche, c’est-à-dire la pseudo-gauche, reflète les intérêts de la classe moyenne aisée.
– Précisément. Pendant que tout le monde est en train de plaider pour le multiculturalisme dans les institutions dirigeantes, cela signifie en réalité filtrer quelques personnes de couleur ou des femmes dans les départements universitaires ou les salles de rédaction, tout en lançant cet assaut économique contre les travailleurs pauvres et en particulier les pauvres de couleur vivant dans les poches désindustrialisées des États-Unis. Très peu de ces multiculturalistes arrivent à en prendre conscience. Je suis tout à fait pour la diversité, mais pas quand celle-ci est aux dépens de la justice économique. Cornel West a été l’un des grands champions, non seulement de la tradition prophétique noire, la plus importante tradition intellectuelle de notre histoire, mais aussi un appel au clairon pour la justice, sous toutes ses formes. Il ne peut y avoir de justice raciale sans justice économique. Et tandis que ces institutions élitistes incorporent quelques marionnettes symboliques dans leur hiérarchie, elles continuent à brutaliser la classe ouvrière et les pauvres, en particulier les pauvres de couleur.
Une grande partie de la gauche est trompée par le stratagème de la politique identitaire. C’est un activisme de boutiquier. Il permet au système des grosses entreprises, celui que nous devons détruire, de rester intact. Il lui donne même un visage amical.
– Revenons à la question de la Russie : où cela nous mène-t-il ? Cette atteinte aux droits démocratiques est-elle si sérieuse ? Nous appelons cela le nouveau maccarthysme. Est-ce, à votre avis, une analogie légitime ?
– Oui, bien sûr, c’est du maccarthysme nouveau. Mais reconnaissons à quel point nos voix sont presque inaudibles.
– Je ne suis pas d’accord avec vous là-dessus.
– Eh bien, non audible dans le sens où nous ne sommes pas entendus par la masse populaire. Quand je vais au Canada, je suis sur CBC aux heures de grande écoute. C’est la même chose en France. Cela n’arrive jamais ici. PBS etNPR ne vont jamais le faire. Ils ne vont pas non plus le faire pour tout autre critique sérieux du capitalisme ou de l’impérialisme.
S’il y a un débat sur l’attaque contre la Syrie, par exemple, le débat portera sur bombarder la Syrie ou bombarder la Syrie et envoyer des troupes, comme si c’était les deux seules options. De même avec les soins de santé. Allons-nous adopter Obamacare, une création de la Heritage Foundation, en ligue avec les industries pharmaceutique et les assurances, ou pas d’assurance santé ? Les soins de santé universels pour tous ne sont pas discutés. Nous sommes donc en marge. Mais cela ne signifie pas que nous ne sommes pas dangereux. Le néolibéralisme et la mondialisation sont des idéologies zombies. Elles n’ont plus de crédibilité. L’escroquerie a été découverte. Les oligarques mondiaux sont haïs et vilipendés. L’élite n’a aucun contre-argument face à notre critique. Ils ne peuvent donc pas se permettre de nous avoir dans leurs pattes. À mesure que l’élite du pouvoir deviendra plus effrayée, ils utiliseront des formes de contrôle plus sévères, y compris l’instrument contondant de la censure et de la violence.
– Je pense que cela peut être une grosse erreur de se concentrer sur le sentiment d’isolement ou de marginalisation. Je vais faire une prédiction. Vous aurez, probablement plus tôt que vous ne le pensez, plus de demandes d’interviews et de temps de télévision. Nous sommes dans une période de crise politique colossale. Nous allons voir de plus en plus l’émergence de la classe ouvrière comme force politique puissante.
– C’est pourquoi nous sommes une cible. Avec la banqueroute de l’idéologie dominante, la faillite de la classe libérale américaine et de la gauche américaine, ceux qui tiennent à la profondeur intellectuelle et à l’examen des systèmes de pouvoir, y compris dans l’économie, la culture et la politique, doivent être réduits au silence.
Chris Hedges
Traduit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone
Source : Le Saker francophone, http://lesakerfrancophone.fr/les-elites-nont-plus-aucune-credibilite-une-interview-du-journaliste-chris-hedges
Fil Facebook correspondant à ce billet :
« Le vieux féminisme, que j’admire, le genre de féminisme d’Andrea Dworkin… »
Ah bon ? Elle représente exactement pourtant le nouveau féminisme radical qui a pour seul moteur la misandrie, oui.
Sinon le monsieur, eh bien il est très intéressant !
“Les élites n’ont plus aucune crédibilité. »
Et pourtant , ils sont toujours « élus » .……
Changer l’argent et le pouvoir de le créer !
République tchèque : résultats des élections législatives :
Le mouvement populiste du « Trump tchèque » remporte les législatives.
1- Le mouvement populiste ANO du milliardaire Andrej Babis a remporté haut la main les élections législatives de vendredi et samedi en République tchèque en raflant 29,6% des suffrages exprimés,
2- les libéraux du Parti démocratique civique (ODS) sont crédités de 11,3%,
3- la version tchèque du Parti pirate obtient 10,8 %,
4- la formation d’extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD) obtient 10,6%,
5- le Parti social démocrate (ČSSD) du Premier ministre sortant, Bohuslav Sobotka, tombe à 7,3%, son score le plus bas depuis 1993 et la dissolution de la Tchécoslovaquie,
6- les chrétiens démocrates (KDU-ČSL), partenaire de Sobotka dans la coalition sortante, ne sont crédités que de 5,8% des voix.
http://www.rts.ch/info/monde/9018379-le-mouvement-populiste-du-trump-tcheque-remporte-les-legislatives.html
Pour l’indépendance financière et idéologique des médias, je pense qu’il faut signaler l’initiative récente de créer un média indépendant avec Le Média. Cela se veut un genre de webTV appartenant et faite par et pour son public, avec une ligne éditoriale distincte des médias mainstream.
La soirée de lancement a été faite récemment :
httpv://www.youtube.com/watch?v=OStP2B7xxR0
Je pense que c’est le genre d’initiative qui va dans le bon sens.
Alors il y a deux critiques qui ont été immédiatement soulevée :
- Les initiateurs sont sur une ligne très marquée. En gros, il s’agit d’un mélange de bobos FI et d’affiliés PS qui ont compris que leur carte ne leur ouvrirait plus beaucoup de portes. (On note dans la vidéo que François Ruffin y tire la même tête que quand il est invité sur BFM 🙂 )
- La gestion du média restera sans toute très « Top-Down » (voir par exemple https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/le-media-revolution-ou-miroir-aux-197936 )
Mais le but de la démarche n’est pas là. C’est une réflexion sur la possibilité de bâtir un média viable pouvant faire la même chose que la télévision mais en étant indépendant financièrement.
Cela me semble s’inscrire dans le cheminement pour la construction démocratique. Si on considère que dans une société démocratique :
- les médias sont financés par les usagers. En prenant le problème par tout les bouts, je n’ai pas trouvé d’autre solution ; le modèle optimal est encore à préciser (par dons comme ici, ou par abonnement comme pour Arrêt sur Image).
- on finance aussi l’expression de ceux dont on ne partage pas les idées.
Je me suis donc inscrit comme membre de l’association de donateurs du projet, et ne ne peux qu’encourager tout le monde à le faire.
Toute l’économie mondiale repose sur des bulles de dettes.
Toute l’économie mondiale est bâtie sur des bulles de dettes publiques, et aussi sur des bulles de dettes privées.
Malheureusement, une bulle de dette ne peut pas gonfler jusqu’au ciel.
Malheureusement, il arrive toujours un moment où la bulle éclate.
Préparez-vous au grand « Plop ! »
Jeudi 26 octobre 2017 :
La dette mondiale atteint des sommets.
L’ensemble des dettes représentent 324 % du PIB mondial, soit 192.000 milliards d’euros, selon l’Institute of International Finance (IIF). Un niveau inédit.
Il y a des records qu’on préférerait éviter. Et celui atteint par la dette mondiale en 2017 en fait sans doute partie. Selon une étude de l’Institute of International Finance (IIF), publiée ce mercredi, l’ensemble des dettes accumulées à travers la planète représente désormais 226.000 milliards de dollars (192.000 milliards d’euros).
Ce niveau record intervient alors que plusieurs des principales banques centrales de la planète se préparent à mettre fin à leur politique de crédit facile. La Banque centrale européenne (BCE) devrait, entre autres, annoncer jeudi un resserrement de sa politique monétaire.
En attendant des annonces des banquiers centraux, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon l’IIF, la dette mondiale représente 324 % de la production économique annuelle.
Un niveau jugé inquiétant, d’autant plus que 1.700 milliards de dollars (1.440 milliards d’euros) de dettes devront être remboursées ou refinancées dans les pays en développement d’ici la fin 2018, sans que ceux-ci soient assurés de bénéficier de conditions de crédit bon marché.
https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/030788717715-la-dette-mondiale-atteint-des-sommets-2125208.php
Vendredi 27 octobre 2017 : c’est un jour historique !
Naissance d’une nouvelle nation !
Vive la République de Catalogne !
C’est la phrase de l’année 2017 !
Vive la République de Catalogne !
Bienvenue à cette nouvelle nation, qui sera la 194ème nation représentée à l’Organisation des Nations Unies :
https://static.actu.fr/uploads/2017/09/Drapeau-catalogne-independantistes-.jpg
Je ne trouve pas cette nouvelle réjouissante.
L’empire, l’impérialisme, va s’en accomoder aisément : il demande même cela.
Fragmenter les instances, jusqu’aux souverainetés, afin de liquider les tensions, et ne surtout pas changer le système qui est générateur de ces tensions. Traiter les conséquences, et pas les causes, et là c’est plus grave parce que cela touche la souveraineté : l’Espagne ne devrait-elle pas choisir, par la voie référendaire, entre abolition de la royauté (et mise en place d’une vraie république) ou dislocation régionaliste ?
Le père du Premier ministre soutient un ami condamné pour pédophilie, les Islandais retournent aux urnes
http://www.lalibre.be/actu/international/le-pere-du-premier-ministre-soutient-un-ami-condamne-pour-pedophilie-les-islandais-retournent-aux-urnes-59f35e8ecd705114eff9273f
« Le peuple afghan en a vraiment assez de la barbarie impérialiste occidentale »
par Andre VLTCHEK
En avril dernier, des pourparlers entre l’Afghanistan, l’Inde, le Pakistan, la Russie et la Chine laissaient entrevoir une sortie de crise pour ce pays ravagé par 16 années d’occupation occidentale. Mais quelques mois plus tard, Donald Trump annonçait l’envoi de nouvelles troupes. Andre Vltchek a effectué de nombreux voyage en Afghanistan. Le journaliste nous livre ses impressions sur le conflit et ses possibles issues. Entretien réalisé par Alessandro Bianchi, rédacteur en chef de Anti Diplomatico.
Alessandro Bianchi : La position géographique de l’Afghanistan a toujours occupé un rôle central. Les pourparlers de paix d’avril entre l’Afghanistan, l’Inde, le Pakistan, la Russie et la Chine semblent avoir mis fin à la dominante et persistante présence américaine dans le pays. Quelle est votre opinion ?
AV : Ce que vous venez de mentionner est extrêmement important, mais je ne suis pas prêt à m’en réjouir encore. Cela pourrait être en tout cas en théorie, la première étape vers la fin de l’une des occupations les plus brutales et destructrices de l’histoire de l’OTAN, ou ce que les médias nationaux US aiment décrire comme « la plus longue guerre américaine ».
Mais ne l’appelons pas seulement « présence américaine ». Je sais que quelques Européens aiment se décrire en quelque sorte comme des victimes, mais ils ne le sont absolument pas. L’Europe est au cœur de tout ce cauchemar et les Etats-Unis ne sont rien d’autre que leur création : ils sont la progéniture de l’Europe. À de nombreux égards, les Etats-Unis sont l’Europe.
Le Royaume-Uni est bien derrière cette horreur que l’Afghanistan est contraint de traverser, du moins en théorie ; c’est une vengeance sadique pour toutes les anciennes défaites britanniques dans le pays. Je rappelle qu’historiquement, la Grande-Bretagne est responsable de plus de massacres à travers le monde que tout autre pays sur terre. À présent, elle façonne idéologiquement les Etats-Unis et en réalité l’impérialisme occidental tout entier. Son machiavélisme, sa machine de propagande sont sans pareil.
Ce que je peux confirmer de mon expérience directe, c’est qu’actuellement le peuple afghan en a vraiment assez de cette barbarie impérialiste occidentale. Ils sont épuisés après 16 ans d’invasion horrible. Les Afghans n’aiment pas l’Occident, ils se méfient de l’Occident… Mais la plupart d’entre eux restent silencieux, car ils sont constamment effrayés par la pression. Et n’oublions pas aussi que la collaboration avec les forces de l’occupation occidentale est aujourd’hui le « business » le plus juteux en Afghanistan. Des diplomates afghans, de nombreux politiciens, d’innombrables commandants militaires, des ONG financées par l’Occident et même des milliers d’éducateurs sont tous au service des occupants. Des milliards de dollars sont générés à partir d’une collaboration particulièrement honteuse. C’est tout un énorme business. Et la mafia des Afghans serviles, tous ces « journalistes, diplomates, gouverneurs et éducateurs », ne quittera jamais volontairement ses positions lucratives.
Le colonialisme occidental corrompt ! Il corrompt une génération après l’autre dans tous les pays conquis et occupés.
Les Afghans qui sont purs, les Afghans qui sont fiers, les patriotes au cœur magnifique (et il y a encore beaucoup de ce genre de personnes dans ce pays qui est devenu l’un de mes endroits préférés sur Terre) ces Afghans-là n’ont actuellement aucun pouvoir, aucun mot à dire.
Heureusement, même les élites se rendent compte à présent qu’il n’y a aucun moyen d’aller de l’avant sous le régime actuel et sous l’occupation.
À Kaboul et dans les provinces, le peuple commence à se tourner vers la Russie, la Chine, mais également l’Iran, et même l’Inde. En dépit de son terrible passé dans cette partie du monde, même le Pakistan ne peut plus être mis de côté. Tout est mieux que l’OTAN.
AB : Comme dans d’autres parties du monde, la présence de troupes américaines n’explique pas pleinement l’objectif à long terme des stratèges militaires. À certains égards, l’Afghanistan ressemble à une situation similaire en Asie du Sud-Est. En Corée du Sud, la présence américaine perdure depuis 1950, tout comme la déstabilisation de la péninsule coréenne. L’invasion américaine ne changera pas le fragile équilibre négocié entre les parties en avril dernier et n’affectera pas les efforts de Moscou et Pékin pour stabiliser le pays. Comment définissez-vous aujourd’hui la présence américaine en Afghanistan ?
AV : Je la définis comme inhumaine, barbare et complètement raciste. Et je ne parle pas seulement de la présence américaine, mais également de la présence européenne, en particulier celle du Royaume-Uni.
Il n’y a aucun doute sur le niveau auquel l’ancien régime socialiste d’Afghanistan a sombré sous le poids de la cruauté de l’Otan. Il suffit d’aller sur les sites du PNUD* ou alors le site WHO** et tout est là, en détail : l’Afghanistan est aujourd’hui le pays le moins développé d’Asie (selon l’index HDI – Human Development Index). Les Afghans ont la plus faible espérance de vie sur leur continent.
Les Etats-Unis affirment avoir réussi à dépenser, depuis l’invasion de 2011, entre 750 milliards et 1,2 trillion de dollars. C’est énorme, c’est une somme astronomique, encore plus grande que tout le plan Marshall après la Seconde Guerre mondiale (ajusté au dollar actuel) ! Mais cet argent a‑t-il été dépensé pour aider le peuple afghan ? Bien sûr que non ! C’est parti principalement dans la corruption des « élites » et leurs descendants, dans l’armée, dans les salaires des entrepreneurs étrangers. D’énormes bases militaires ont été construites ; certaines ont été à un moment donné démantelées, d’autres ont été aménagées ailleurs. Des aéroports ont été construits – tous militaires. Les entreprises de sécurité privées occidentales s’en donnent à cœur joie. J’ai un jour calculé que si tout l’argent avait été équitablement réparti entre tous les Afghans, le pays aurait eu un revenu bien plus important par habitant que la prospère Malaisie. Et pendant 16 années consécutives !
Ce que l’occident a fait subir à l’Afghanistan est malsain ! C’est Orwell qui rencontre Huxley, et le tout mélangé aux pires cauchemars de peintres comme George Grosz et Otto Dix.
Les anciennes lignes d’autobus construites par l’ex-Tchécoslovaquie n’existent plus ; il ne reste que des débris. Mais beaucoup résistent encore. Les immeubles d’habitation soviétiques, appelés Makroyans, sont toujours là même si les appartements ont grand besoin de rénovation. Les canalisations d’eau à la campagne ont été construites par l’Union Soviétique, de même que les canaux d’irrigation autour de Jalalabad et ailleurs. L’Inde a construit des barrages. La Chine a construit des établissements de santé publique. Qu’a construit l’Occident ? Rien d’autre que la misère totale, des conflits armés et surtout – d’innombrables baraques militaires, de grands murs de béton et des clôtures, le trafic de drogue, la prostitution intellectuelle et comme toujours, un sombre et total nihilisme !
En 2007, environ 700 civils afghans ont été tués seulement par les raids aériens occidentaux, une grande augmentation même en comparaison avec 2006.
Les sous-traitants militaires géorgiens travaillant pour l’armée d’occupation américaine m’ont récemment dit : les Etats-Unis ont une cruauté totale envers le peuple afghan. Ils détruisent même les aliments non utilisés dans leurs bases militaires au lieu de les donner aux enfants affamés.
Le peuple afghan sait parfaitement bien qui sont ses amis et qui sont ses ennemis.
AB : Le monde change, et on peut constater de plus en plus d’efforts fructueux pour remplacer le chaos tracé par les politiques américaines. La route vers une prospérité économique et une unité réinstaurée parmi le peuple afghan est toujours en progrès. Mais une fois que le pays parviendra à établir son indépendance, Washington aura du mal à dicter ses conditions. Est-ce que des pays comme la Russie, la Chine et l’Inde seront capables d’éviter une dangereuse recrudescence des violences en Afghanistan ?
AV : Beaucoup de personnes en Afghanistan rêvent en réalité d’une véritable indépendance, et la plupart se souviennent avec une grande affection, toute la bienveillance et l’internationalisme offert par le peuple soviétique. Il y a bien sûr eu la guerre, d’une grande violence. Mais à la différence des Occidentaux, les Soviétiques sont venus ici dans un premier lieu en tant que professeurs, médecins, infirmiers et ingénieurs. Ils partageaient tout ce qu’ils avaient avec les habitants. Ils vivaient parmi eux. Ils ne se sont jamais cachés derrière des clôtures. Aujourd’hui en Afghanistan, si vous dites que vous êtes russe, des dizaines de personnes vous embrasseront, vous inviteront dans leur maison. Tout est en contradiction avec la propagande occidentale, qui prétend que les Afghans n’aiment pas les Russes !
Concernant la Russie et la Chine, oui, les deux pays travaillant en partenariat pourraient apporter la prospérité économique et la justice sociale en Afghanistan. Je n’en suis pas si sûr concernant l’Inde, qui jusqu’à présent a joué sur deux tableaux. Mais la Chine et la Russie sont prêtes et sont capables d’aider.
Le problème est que l’Afghanistan reste très loin d’une quelconque indépendance. L’Occident l’a occupé pendant 16 ans, c’est assez terrible. Mais le pays a également été sacrifié pour des projets encore plus sinistres des Etats-Unis et de l’OTAN, pour bien plus longtemps que ça : l’Afghanistan a été, durant des décennies, un terrain d’entrainement pour les chefs djihadistes pro-occidentaux, en commençant par Al-Qaeda et les Mujahedeens (durant la « guerre soviétique » et la guerre contre le socialisme afghan). Aujourd’hui, les talibans ruinent le pays. Et de plus en plus, Daesh assassine aveuglement ici aussi. Récemment, les soldats de Daesh sont arrivés de Syrie et du Liban, où ils sont en train d’être vaincus par l’armée syrienne, les Russes, mais aussi par l’armée libanaise et le Hezbollah. Nous savons que Daesh a été créé par l’Occident et ses alliés du Golfe.
Ce qui est essentiel à comprendre : la Russie et la Chine sont deux pays que l’Occident veut totalement déstabiliser. Dans ces deux pays, des fondamentalistes islamistes ont combattu et ont apporté des dommages considérables. L’Occident est derrière tout cela. Il utilise et sacrifie l’Afghanistan qui est absolument idéal pour les projets impérialistes occidentaux en raison de sa situation géographique, mais aussi parce qu’il est maintenant totalement déstabilisé et dans un état de chaos. En Afghanistan, l’OTAN maintient un « conflit perpétuel ». Les chefs djihadistes peuvent facilement se positionner là-bas, et ils peuvent ensuite être « exportés », pour combattre quelque part au Nord-Ouest de la Chine ou bien dans les régions de l’Asie-Centrale en Russie.
La destruction de l’Afghanistan est en fait une guerre génocidaire bien planifiée de l’Occident contre le peuple afghan. Mais le pays est également un terrain d’entrainement pour les djihadistes qui seront éventuellement envoyés pour combattre la Russie et la Chine.
AB : Tandis que les Etats-Unis exhalent leurs derniers soupirs en tant que puissance mondiale en déclin, incapables d’imposer encore leur volonté, ils lancent des agressions inutiles comme ces 60 missiles de croisière en Syrie ou ces 4000 troupes en Afghanistan. De telles actions ne changent rien sur le terrain et ne modifient pas l’équilibre des forces en faveur de Washington. Cependant, ça a un fort impact sur ce qu’il reste de confiance aux Etats-Unis, fermant ainsi les portes aux opportunités de dialogue et aux possibles coopérations.
AV : Là, je ne suis pas du tout d’accord. Je suis presque certain que l’Occident en général, et les Etats-Unis en particulier, sont clairement conscients de ce qu’ils font. Les Etats-Unis font partie des sombres puissances coloniales tout comme ses conseillers, particulièrement le Royaume-Uni.
Les États-Unis ne vont pas simplement disparaitre sans mener un grand combat. Et ne pensez jamais que l’Europe y renoncera également. Ces deux parties du monde ont été construites sur le grand pillage de la planète. Un pillage toujours en cours. Ils ne peuvent se maintenir juste par le fruit de leur cerveau et de leur travail. Ce sont des voleurs perpétuels. Les États-Unis ne peuvent jamais être séparés de l’Europe. Les États-Unis ne sont qu’une énorme branche croissante à partir d’un effroyable tronc, de l’arbre du colonialisme européen, de l’impérialisme et du racisme.
Tout ce que font les Etats-Unis, l’Europe et l’OTAN actuellement est brillamment planifié. Ne les sous-estimez jamais ! C’est un plan brutal, sinistre et meurtrier, mais d’un point de vue strictement stratégique, c’est vraiment brillant !
Et ils ne disparaitront jamais d’eux-mêmes ! Ils devront être combattus et vaincus. Sinon, ils sont là pour rester : en Afghanistan, en Syrie, ou ailleurs.
Andre VLTCHEK
Andre Vltchek est un philosophe, romancier, réalisateur et journaliste d’investigation. Il a couvert des guerres et des conflits dans des douzaines de pays. Trois de ces derniers livres sont son hommage à « La Grand Révolution Socialiste d’Octobre », un roman révolutionnaire « Aurora » et le best-seller documentaire politique : « Exposer les mensonges de l’Empire ». Regardez ses autres livres ici. Regardez Rwanda Gambit, son documentaire révolutionnaire sur le Rwanda et la DRCongo. Après avoir vécu en Amérique latine, en Afrique et en Océanie, Vltchek réside actuellement en Asie de l’Est et au Moyen-Orient et continue de travailler autour du monde. Il peut être contacté via son site Web et son compte Twitter.
Source originale : Ante Diplomatico http://www.lantidiplomatico.it/dettnews-andre_vltchek_the_people_of_afghanistan_have_had_truly_enough_of_this_western_imperialist_barbarism/5496_21429/
Traduit de l’anglais par Investig’Action
Source : Investig’Action https://www.investigaction.net/fr/andre-vltchek-le-peuple-afghan-en-a-vraiment-assez-de-la-barbarie-imperialiste-occidentale/
* PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement
** WHO : World Health Organization
Source : Investig’Action, relayé par Le Grand Soir
https://www.legrandsoir.info/le-peuple-afghan-en-a-vraiment-assez-de-la-barbarie-imperialiste-occidentale-anti-diplomatico.html