Manifestement crevé et passablement découragé, pardon.
Si un gentil ou une gentille pouvait m’aider à composer un plan minuté de cet entretien, ce serait bien 🙂
Merci à tous, pour tout ce que vous arrivez à faire malgré les difficultés.
Étienne.
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10155541653047317
[Edit (16 août) : Catherine a rédigé le plan très détaillé de tout cet entretien… Quel boulot, non mais quel boulot !!! Cette bonne fée a publié tout ça sur l’inépuisable wiki des GVs :
Merci Catherine, MERCI !!! 🙂
Étienne.
1 Résumé détaillé minuté : La Mutinerie – entretien avec Etienne Chouard – 2017
1.1 Une vraie constitution
1.1.1 (0′10″) Avoir une vraie constitution = pouvoir prendre des décisions dans le sens du bien commun, de l’intérêt général et non dans l’intérêt des privilégiés contrôlant le pouvoir
Si on a une vraie constitution, cela va absolument tout changer :
- -> Cela donne le pouvoir de prendre des décisions dans le bien commun, dans le sens du bien commun, dans l’intérêt général.
- -> Cela change tout au niveau local, départemental, régional, national, continental, mondial.
- -> Cela changerait même la conjoncture générale, la prospérité en découlerait comme la disparition complète du chômage.
- -> Les décisions publiques ne serviraient plus l’intérêt des privilégiés qui ont pris le contrôle du pouvoir.
- -> Les décisions prises ne seraient plus dans l’intérêt des lobbies, puissants, riches, multinationales (Monsanto et marchands de canons y compris).
1.1.2 (1′30″) Méthode de la mafia historique et des gouvernements : terreur et pénurie
- -> La mafia gouverne par la terreur, en terrorisant ses victimes tout en se présentant comme le protecteur.
- -> Le chômage est une construction politique, un outil terroriste, un outil mafieux.
- Le chômage est une arme des riches contre les pauvres, un outil qui sert de tenaille pour faire peur.
- -> Les gouvernements qui sont au service des plus riches depuis la Révolution française terrorisent la population et organisent la pénurie.
- Il est très important que les peuples aient besoin de travailler mais pas pour le bien commun, pour les négriers qui ont pris le contrôle du gouvernement.
1.1.3 (2′48″) Avoir une vraie constitution rendraient impossibles toutes les formes de fascisme
- -> Ipso facto les riches ne peuvent plus prendre le pouvoir politique.
- -> Fin du capitalisme.
- -> impossibilité de toutes les formes de fascisme.
- Avec un peuple constituant, il n’y a plus de place pour un tyran.
- Avec un peuple constituant dès qu’un tyran manigance pour arriver au pouvoir, il a contre lui des citoyens.
1.1.4 (3′20″) Électeur = consent à tout abandonner à des maîtres / citoyen = défend la démocratie
- -> Un électeur ne défend rien ; il consent à tout abandonner à des maîtres ; il choisit entre crapule A, crapule B et crapule C ; il est souvent éteint, paresseux, complexé et se croit incompétent.
- -> Un citoyen défend la démocratie ; il est actif, courageux.
Tout le monde se méfie des politiques, plus de 80% de la population n’ont pas confiance dans les acteurs politiques.
Ceux qui votent valident le système.
1.2 Méchants abstentionnistes !
1.2.1 (4′22″) La position abstentionniste a une cohérence mais ne nous sort pas du piège politique. La seule issue : devenir constituant
- La position abstentionniste est très défendable et ne mérite pas d’être condamnée.
- Les acteurs politiques professionnels nous volent littéralement la réflexion et l’action politique.
- Voter ou ne pas voter ne nous sort pas du piège politique.
- Pas d’autre issue que de devenir constituant :
- -> se hisser au-dessus des pouvoirs actuels, intellectuellement, avant de pouvoir le faire pratiquement.
- -> être capable de concevoir que nous sommes souverains.
- Les ateliers constituants servent à cette réflexion, l’entraînement doit être quotidien :
- -> Chaque jour faire une réflexion pratique.
1.3 L’autonomie en question
1.3.1 (6′15″) Face au « diviser pour mieux régner » les alternatives d’autonomie de vie ne suffisent pas pour résister au fascisme
- Les peuples qui voulaient coloniser un autre peuple ont très souvent semé le chaos pour pouvoir l’exploiter, nous devons nous préparer au chaos qui vient.
- Construire un monde qui nous manque est une superbe idée mais cela ne suffit pas à faire un projet politique alternatif.
- Faire tourner des éoliennes, devenir frugal, autonome, devoir s’armer et se barricader pour faire face au chaos pendant que tout le reste de l’humanité crève ne peut être une alternative réelle pour résister.
1.3.2 (8′30″) Développer une aptitude constituante et être citoyen actif responsable de la limite des pouvoirs permettent la résistance au fascisme
- -> Pour résister à un tyran et au fascisme, maintenir l’activité économique normale, les citoyens constituants entraînés à instituer eux-mêmes les contrôles des pouvoirs seront plus robustes.
- -> Pour résister au chaos, il faudrait avoir développé une aptitude constituante non réduite à l’aspect juridique du terme.
- -> Être un citoyen constituant c’est penser les pouvoirs dont a besoin la communauté et les limitations non théoriques mais pratiques de ces pouvoirs par l’activité concrète des citoyens.
1.4 En marche ?
1.4.1 (9′33″) La fabrique des opinions : les instituts de sondage
- -> Macron est le début d’une dévastation sociale historique, inédite, un retour au XIXe siècle.
- -> Les instituts de sondage sont tous sous appropriation.
- -> L’institut de sondage est un des outils majeurs de la fabrique du consentement, de la fabrique des opinions, une machine faite pour nous tromper.
- -> Les sondages disent que les français sont prêts à donner à Macron une majorité à l’Assemblée Nationale.
1.4.2 (10′43″) Le droit du travail : retournement de la hiérarchie des normes par la loi Macron et perte de la protection
- Nous étions protégés par un droit du travail donc par une loi qui se situait au-dessus de la volonté du patron. Entre les normes produites entre le patron et le salarié et la loi, la loi était au-dessus. Il y avait une hiérarchie des normes protectrice pour le salarié.
- La première loi Macron – la loi El Khomri (loi travail) – a déjà inversé la hiérarchie des normes.
- la loi Macron inversant la hiérarchie des normes a détruit la protection que nous avions, le droit du travail étant changé.
- L’urgence est de défaire cette loi El Khomri ; or Macron veut la renforcer.
1.4.3 (11′43″) L’urgence c’est de devenir citoyen constituant et ne plus être tenu à l’écart
- L’urgence n’est pas de créer des communautés, l’urgence c’est de devenir constituant, un citoyen vigilant ! On peut cumuler les deux.
- Devenir constituant ne demande pas un effort considérable ; ce qui est compliqué c’est de s’y mettre :
- -> S’imposer une minute par jour à réfléchir concrètement à la Constitution.
- -> Prendre n’importe quel article de la Constitution française :
- - réfléchir et comprendre ce qui est dit dans cet article,
- - comprendre comment le peuple est tenu à l’écart dans cet article,
- - essayer de reformuler pour ne plus être mis à l’écart.
1.5 Du Chouard dans tous les programmes
1.5.1 (14′07″) Les professionnels de la politique vont dévoyer nos idées d’émancipation ; les conflits d’intérêt sont la cause de notre impuissance politique
- Si nos idées d’émancipation citoyenne, de non professionnels de la politique, sont reprises par les politiciens, ceux-ci vont dévoyer nos idées, les vider de leur sens.
- Exemple : décider que l’assemblée Constituante ne devra pas être tirée au sort complètement mais juste en partie.
- Ce serait garder dans la Constituante les conflits d’intérêt qui sont la cause de l’impuissance politique populaire.
1.5.2 (15′10″) Rousseau : C’est une forme de folie que de croire que celui qui est en situation de dominer va suivre un intérêt autre que le sien
- -> Les maîtres vont suivre leur intérêt.
- -> Si on accepte qu’il y ait des maîtres, ne pas s’attendre à ce qu’ils suivent un autre intérêt que le leur, ils ne serviront pas l’intérêt général.
- -> La Constitution non écrite par le peuple a fait que les riches ont pris le contrôle du pouvoir politique ; cela donne une ploutocratie ; les décisions sont prises dans l’intérêt des riches.
1.5.3 (15′58″) Ce que l’on va perdre avec Macron
- -> Perte de la sécurité sociale.
- -> Perte du droit du travail protecteur.
- -> Perte du statut de la fonction publique.
- -> Perte probablement de la plupart des services publics par la privatisation.
Notre pays est riche, il y a de l’inertie et donc du temps s’écoulera avant d’être miné, asservi, malheureux.
Si les gens attendent d’être au fond du trou pour réagir !!!
On le mérite : on a voté Macron, on l’aura !
1.5.4 (16′40″) La fabrique du personnage Macron par les journaux
- -> Les journaux appartiennent à 9 milliardaires, on l’accepte !
- -> Macron fait la politique des milliardaires.
- -> Les journaux ne parlent que de Macron, font des articles à la gloire de Macron.
Les journaux font la fabrique du personnage Macron et cela n’a rien à voir avec l’intérêt général !
1.6 Youtube/Censure/Décodex
1.6.1 (17′12″) Espoir d’une production d’un substitut libre au sein d’Internet mais surtout compter sur la robustesse d’une idée simple qui se propage même hors Internet
- Il y a l’espoir d’une production d’un substitut libre à Youtube, plateforme Internet, etc. par les hackers, les programmeurs mais les milliardaires vont corrompre et polluer Internet.
- Je compte sur la robustesse d’une idée simple qui devrait pouvoir se répandre sans Internet.
- Si l’idée est simple elle se propage sans avoir besoin d’un média aussi puissant qu’Internet.
-> Ce n’est pas aux hommes du pouvoir d’écrire les règles du pouvoir.
-> Ce n’est pas aux parlementaires d’écrire la Constitution.
-> Si on veut une Constitution il faut qu’on l’écrive nous-mêmes.
- Il faut s’entraîner, se préparer, qu’on soit plus nombreux à s’occuper du bien commun.
- Le jour où cela va péter nous serons prêts.
1.7 1984
1.7.1 (19′32″) Quand Big Brother crée, organise l’opposition pour garder le pouvoir, détourne le besoin de la population de tempêter vers une opposition fabriquée par le pouvoir
- -> J’ai presque l’impression que Mélenchon et Le Pen servent à cristalliser deux partis du peuple voulant s’émanciper.
- Ce sont deux puissants ennemis du système, ils ne font pas cause commune contre l’oppression, ils ne gagneront jamais les élections.
- -> Comme décrit par Orwell dans « 1984″ Big Brother pour garder le pouvoir organise lui-même son opposition contrôlée et dont il n’a rien à craindre.
- - Big Brother organise la guerre permanente qui mobilise totalement le peuple et lui fait faire corps derrière Big Brother.
- - Goldstein est le monstre fabriqué par Big Brother pour canaliser les ressentiments éventuels de la population.
- - Les gens par mimétisme grégaire haïssent Goldstein qui passe quotidiennement sur tous les écrans lors des « deux minutes de la haine » bien qu’il dise la vérité :
- « Méfiez-vous de Big Brother, Big Brother vous ment, Big Brother vous vole ! ».
- - Big Brother se sert de ce dénonciateur de scandales comme l’incarnation de ce qu’il faut haïr.
- - Quand on hait Goldstein, on ne hait plus Big Brother.
- - Big Brother détourne le besoin de la population de tempêter vers une opposition qu’il a fabriquée pour cela.
- - Goldstein est une marionnette au service de Big Brother.
1.7.2 (25′10″) Les oppositions devraient fraterniser contre les oppresseurs qui sont au pouvoir
Les millions de gens qui choisissent Le Pen devraient fraterniser avec les millions de gens qui défendent Mélenchon.
On a tous le même problème avec cette oligarchie ploutocratique.
Cette position que je défends me fait traiter de philo-fasciste parce que je dédiabolise Goldstein et que je demande de regarder Big Brother et non Goldstein.
Ceux qui sont au pouvoir sont les oppresseurs !
1.7.3 (26′32″) Une pensée du philosophe Alain : « Une assemblée ne pense pas ». Le mouvement de foule peut entraîner une déresponsabilisation
- -> Une pensée d’Alain, le philosophe Émile Chartier : « Une assemblée ne pense pas ».
- -> Ce sont les hommes qui pensent.
- -> Les mouvements de foule peuvent entraîner une sorte de déresponsabilisation
- -> Dans les institutions il faudrait prévoir des mécanismes qui protègent des mouvements de foule pour garder la possibilité de résister à l’assemblée – peut-être par le vote secret.
1.7.4 (27′24″) Se mobiliser, ne pas se disperser, ne pas se diviser, être déterminé et courageux comme la classe ouvrière de la fin du XIXe-début du XXe siècle
- -> À la fin du XIXe siècle, début du XXe, la classe ouvrière était très nombreuse, plus que motivée, déterminée à venir à bout du capitalisme, avec une culture politique incroyablement supérieure à aujourd’hui.
- -> Ils étaient formés, déterminés, courageux, endurcis à la douleur, se sont fait massacrés lors de la première guerre mondiale.
- -> Et nous ?
- -> Qu’avons-nous comme troupe ?
- -> Rien du tout, des gens qui regardent la télévision !
- -> Pas de motivation, de la dispersion et on se tire les uns les autres dans les pattes…
1.8 Fasciste ! (28′16″)
Les antifas prétendent que je suis un fasciste et m’empêchent d’avoir des réunions avec mes copains de gauche.
Ce n’est pas tant les antifas peu nombreux que les copains de gauche qui suivent et qui disent : « C’est scandaleux d’inviter Chouard dans les réunions ».
-> On n’y arrivera jamais, sélection naturelle, mort aux cons.
-> (28′53″) Les riches vont gagner, ils sont plus malins, plus forts, plus méchants, s’occupent mieux de leurs intérêts !
1.9 Du positif ?
1.9.1 (29′06″) Se mettre à constituer, s’entraîner, partout, tout le temps
- -> Tous les mois dans mon village je participe à un atelier constituant chez une copine et on se régale, on progresse, plein de nouveaux viennent tout le temps.
- -> Il faudrait qu’il y en ait partout, tout le temps, dans chaque maison, dans chaque pâté de maisons.
- -> Il faudrait que les gens participant aux ateliers constituants s’entraînent tous les jours pour avoir quelque chose à dire lors du prochain atelier.
1.9.2 (30′40″) Trouver une idée sexy pour réveiller les gens
- -> Ils sont des millions à regarder TF1 et nous, on est 100 000.
- -> On a besoin de trouver une façon de dire l’idée qui soit sexy pour des gens qui sont éteints, des gens qui ne pensent qu’à eux, qu’au foot, qu’à la télévision. Faudrait arriver à les réveiller.
- -> Un jeu, peut-être ?
- -> Un jeu où on gagne de l’argent ?
- -> Le cerveau collectif va peut-être finir par trouver cette idée là, mais cela nous manque.
1.9.3 (31′11″) Arriver à démontrer que évidemment pratiquer les ateliers constituants cela va tout changer : se hisser au-dessus de l’électeur, penser le politique en adulte, ne plus s’humilier en étant représenté
- -> Les gens croient qu’ils ne sont pas capables, que faire des ateliers constituants ne changera rien. Et tant qu’ils pensent cela c’est logique de ne pas le faire.
- -> Arriver à démontrer que, évidemment, cela va tout changer, en adaptant les ateliers constituants à eux.
- -> Je parle aux gens dans le train de Constitution et ils comprennent très vite. On devrait tous faire cela.
- -> Lors des ateliers constituants, ne pas focaliser sur le résultat. Une bonne image est celle des lignes de ‘a » lors de l’apprentissage de l’écriture. Quand nous avons appris à écrire nous avons fait des lignes de « a », plein de « a » jusqu’à l’écrire bien, ensuite on a jeté les lignes de « a », ce qui comptait n’était pas les « a » mais que nous étions devenus capables d’écrire des « a ».
- -> Ce qui compte ce ne sont pas les articles qu’on écrit mais que nous sommes en train de nous hisser au-dessus de l’électeur, au-dessus des élus. Nous devenons souverains !
- « Je veux des élus mais sous mon contrôle, je veux des tirés au sort sous mon contrôle »
- -> Cette activité qui consiste à s’entraîner, à se hisser politiquement au-dessus, à penser la politique en adulte, c’est elle qui nous transforme, c’est le fait de nous habituer à penser comme cela.
- Il me semble que c’est cela qui nous transforme quand j’écris :
- « Chaque député rend des comptes à ses électeurs tous les six mois »,
- le fait d’écrire, cela matérialise ma mutation, cela me transforme, je me transforme comme une chenille se transforme en papillon.
- D’électeur, je deviens citoyen.
- C’est parce que je l’écris que je deviens constituant.
- Je m’autorise ce que les élus ne veulent pas que je fasse. Les élus me tiennent à l’écart. Ils m’interdisent de faire cela, ils m’infantilisent :
- ce n’est pas aux électeurs d’écrire la Constitution pour eux.
- Je n’accepte plus d’être ravalé au rang dégradant d’électeur, cela m’humilie d’être représenté.
- C’est Rousseau qui disait cela : « Vous m’humiliez en me représentant ».
- La souveraineté ne se représente pas.
1.10 Les retraités (36′38″)
- -> Incroyable : les retraités votent Macron.
- Ils sont sans défense
- -> En Grèce, treize fois on leur a baissé leur retraite. Ils s’enfoncent dans la misère noire ; ils sont vieux, fatigués, ne peuvent résister.
- -> Il y a beaucoup à gagner en divisant les retraites par 2, 3 ou 4. Il y a des milliards à gagner là-dessus.
- -> Les retraités vont sombrer, souffrir à cause de Macron qui va donner ces milliards à ses copains.
- Que les retraités crèvent ! Voilà la mentalité libérale.
1.11 Union Européenne
1.11.1 (38′04″) L’Union Européenne est un piège fasciste qui nous conduit à la généralisation du malheur grec, portugais, chypriote
- -> Regardez la Grèce, le Portugal, Chypre (petit pays désarmé) pour voir ce qui nous attend. Les libéraux sont forts avec les faibles.
- À Chypre, ils piquent sur leurs comptes en banque, toutes leurs économies sont perdues. C’est du vol dans l’impunité totale. Les représentants le font, scandalisés mais sans pouvoir faire autrement.
- -> L’Union Européenne est un piège fasciste qui nous conduit à la généralisation du malheur grec, portugais et nous votons pour cela.
- -> Plein de gens à gauche disent : « Je ne veux pas sortir de l’Union Européenne, je veux une autre Europe ».
- L’Europe est irréformable, elle n’est pas faite pour réformer mais pour opprimer et en disant que vous y restez vous vous enfermez.
- -> Les gens qui veulent rester dans l’Union Européenne n’ont pas lu les traités ! Ils ne les connaissent pas !
- Il faut plusieurs fois l’unanimité des 28 pays pour changer une virgule !
- Il suffit d’un seul pays libéral tel le Luxembourg, paradis fiscal qui ne vit que du fait qu’il est un paradis fiscal dans ce système, pour s’opposer.
- L’Allemagne aussi ne veut rien changer. L’Allemagne se comporte comme un prédateur, volant les pays du sud en leur vendant ses machines-outils, et une fois que les pays du sud se sont endettés ces pays doivent vendre tous leurs biens publics pour rembourser cette dette – ainsi pour la Grèce.
- -> Ces gens-là nous enferment dans le piège fasciste de l’Union Européenne, un piège de domination, antisocial qui nous empêche de fraterniser.
1.11.3 (40′41″) L’urgence absolue est de sortir de L’Union Européenne ; rester dans l’Union Européenne c’est de l’inconséquence, de la sottise, de l’ignorance
- -> L’urgence absolue est de sortir de l’Union Européenne, ce n’est pas suffisant, il restera à régler le problème démocratique au niveau national.
- -> Les grecs, après avoir tout vendu, ont perdu 25% de leur PIB, même une guerre mondiale ne fait pas cela ; c’est une régression d’un siècle.
- Rester dans l’Union Européenne cela ne sert que les milliardaires et les grands bourgeois. L’Union Européenne nous désindustrialise, nous sommes en train de nous « tiermondialiser ».
- -> Dire qu’on est de gauche, qu’on veut une autre Europe et qu’il faut rester dans l’Union Européenne c’est de l’inconséquence, de la sottise, de l’ignorance.
- Les gens qui devraient résister au lieu de s’unir se déchirent en criant au fascisme alors que le fascisme est là et qu’il domine.
- Toute les grandes structures qui ont soutenu Hitler et Mussolini sont au pouvoir, là, aujourd’hui. Les supporters de Hitler, Mussolini, Franco, Pinochet étaient soutenus par le grand capital qui triomphe aujourd’hui avec l’Union Européenne. On y est dans le fascisme !
Si vous avez toujours besoin d un plan minute pour cet entretien, je le ferais volontiers
Merci 🙂
VENEZUELA
La « guerre économique » pour les Nuls (et les journalistes)
http://www.medelu.org/La-guerre-economique-pour-les-Nuls
Sous la forme d’un feuilleton en quatre parties que vous pourrez retrouver chaque jour à partir du 11 août 2017, Mémoire des luttes publie une enquête exclusive de Maurice Lemoine consacrée à la question de la « guerre économique » au Venezuela.
Alors que la vague de violence déclenchée par une opposition décidée à le renverser a provoqué la mort de plus de cent dix personnes depuis début avril, le président « chaviste » Nicolás Maduro a réussi son pari : faire élire une Assemblée nationale constituante le 30 juillet. Malgré une situation extrêmement tendue et les menaces proférées contre les électeurs par les groupes de choc d’extrême droite, plus de 8 millions de citoyens (41,5 % de l’électorat) se sont déplacés et ont choisi leurs représentants.
Largement traitée par des médias totalement acquis à l’opposition, la grave crise que traverse le Venezuela comporte une dimension systématiquement passée sous silence : comme dans le Chili de Salvador Allende, une sournoise mais féroce « guerre économique » déstabilise le pays.
PARTIE 1
Le 18 janvier 2013, alors que l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (en anglais FAO) vient de publier son rapport annuel [1], son ambassadeur Marcelo Resende de Souza visite au Venezuela un marché de Valencia (Etat de Carabobo), accompagné du vice-président de l’époque Nicolás Maduro. « Nous possédons toutes les données sur la faim dans le monde,déclare-t-il. Huit cents millions de personnes ont faim ; 49 millions en Amérique latine et dans la Caraïbe, mais aucune au Venezuela parce qu’ici la sécurité alimentaire est assurée. »
Étrangement, quatre mois à peine se sont écoulés que, la maladie ayant emporté Hugo Chávez et son ex-vice-président venant d’être élu chef de l’Etat, le quotidien (et porte-parole officieux des multinationales espagnoles) El País entonne une toute autre chanson : « Le désapprovisionnement accule Maduro » [2]. Certes, la pénurie concerne principalement, à ce moment, le papier hygiénique (qui, pendant de longues semaines, va fournir un passionnant sujet de dissertation aux pisse-copies du monde entier), mais, mentionne El País, elle s’ajoute à « une absence cyclique (…)de la farine, du poulet, des déodorants, de l’huile de maïs, du sucre et du fromage (…)dans les supermarchés ».
Ainsi débute médiatiquement ce qui va devenir « la pire crise économique » connue par ce pays, « potentiellement l’un des plus riches au monde », du fait de sa« dépendance à l’or noir », de « la baisse du prix du baril de pétrole » et de « la gabegie du gouvernement ». Alors que les porte-paroles de l’opposition incriminent en vrac l’excessive intervention de l’Etat, la régulation « autoritaire » des prix, l’impossibilité qui en découle pour l’entreprise privée de couvrir ses coûts de production, le manque de devises octroyées par le pouvoir pour importer matières premières et produits finis, les pénuries deviennent chroniques, les rayons des supermarchés désespérément vides, les files d’attente interminables, le « marché noir » omniprésent. « Au Venezuela, la baisse du pétrole fait flamber les prix des préservatifs » pourra bientôt titrer Le Figaro (17 février 2015). Même les médicaments deviennent introuvables, attisant l’angoisse et les souffrances de la population.
Une telle situation a de quoi émouvoir les humanistes du monde entier. « S’il y a une crise humanitaire importante, c’est-à-dire un effondrement de l’économie, au point qu’ils [les Vénézuéliens] aient désespérément besoin d’aliments, d’eau et de choses comme ça, alors nous pourrions réagir », annonce sur CNN, le 28 octobre 2015, le chef du Commandement sud de l’armée des Etats-Unis (Southern Command), le général John Kelly, en réponse aux appels « désespérés » de la « société civile » vénézuélienne. Dès 2014, alors que la Table d’unité démocratique (MUD) appelait au renversement du chef de l’Etat en lançant l’opération « La Salida » (« la sortie »), l’une de ses dirigeantes, María Corina Machado, avait tracé la voie : « Certains disent que nous devons attendre les élections dans quelques années. Est-ce que ceux qui n’arrivent pas à alimenter leurs enfants peuvent attendre ? (…) Le Venezuela ne peut plus attendre ! » La violente séquence subversive échoua, mais se solda par 43 morts et plus de 800 blessés. Et les Vénézuéliens continuèrent à éprouver des difficultés chaque jour plus insupportables pour s’approvisionner.
Le 6 décembre 2015, lors des élections législatives, les tracas, les privations et le mécontentement ayant érodé le moral des citoyens de tous bords, le chavisme perd 1 900 000 voix et devient minoritaire à l’Assemblée. Inversant les termes de l’équation, la grande internationale néolibérale célèbre ce triomphe de la « démocratie » sur le « chaos ». Soumis à une information triée et rassemblée pour conforter cet a priori, bien peu, en particulier à l’étranger, ont conscience de ce que cette victoire a reposé fondamentalement sur un torpillage de la « révolution bolivarienne » par une déstabilisation économique similaire à celle employée dans les années 1970 au Chili contre Salvador Allende. Dénoncée en son temps par les progressistes (plus organisés, lucides et courageux à l’époque qu’aujourd’hui), cette dernière fut officiellement confirmée, trente-cinq années plus tard, par la déclassification de vingt mille documents des archives secrètes du gouvernement des Etats-Unis. S’agissant de la « crise vénézuélienne », on peut donc espérer voir cesser la déconnexion entre discours médiatique et réalité dans environ… trois décennies. Ce qui, malheureusement, arrivera un peu tard pour la compréhension des événements et la défense urgente, sur la terre de Bolivar, d’une démocratie particulièrement menacée. Mais permettra sans doute à ceux qui, actuellement, ferment volontairement ou détournent lâchement les yeux, de vendre du papier en publiant et commentant avec une indignation de bon aloi ces « stupéfiantes révélations ».
Rien de nouveau sous le soleil, pourtant. En matière de « déstabilisation économique » débouchant sur un coup d’Etat, le Chili de l’Unité populaire (4 septembre 1970 – 11 septembre 1973) demeure évidemment une référence incontestée. Rien de plus clair que l’ordre donné par Richard Nixon à la Central Intelligence Agency (CIA) : « Make the economy scream ! » (« faites crier l’économie »). Ainsi que la multiplication des mesures de rétorsion mises en œuvre contre Santiago : blocage des biens et avoirs chiliens aux Etats-Unis, disparition des machines et pièces de rechange pour les mines, manœuvres à l’international pour empêcher la consolidation de la dette chilienne, pressions sur le cours du cuivre, saisie-arrêt des exportations de ce métal vers l’Europe… En 1972, du fait des mesures sociales et de l’augmentation du pouvoir d’achat, la consommation populaire augmente considérablement. Suspendant la mise en vente de leurs stocks, retenant leurs marchandises, les entreprises privées provoquent délibérément des problèmes de ravitaillement. Des files d’attente interminables se forment à l’entrée des magasins. La majorité des biens de première nécessité – dont l’inévitable papier hygiénique ! – ne se trouvent plus qu’au marché noir. Quotidien chilien « de référence », El Mercurio se délecte : « Le socialisme c’est la pénurie ». Casseroles vides à la main, des milliers d’opposants se rassemblent dans les rues. Le 25 juillet 1973, grassement « arrosée » de 2 millions de dollars par la CIA, la puissante fédération des camionneurs déclare une grève illimitée et immobilise sa flotte de poids lourds pour empêcher les aliments de parvenir à la population. Dans très peu de temps, il ne restera au général Augusto Pinochet qu’à intervenir pour mettre un terme à la débâcle de l’« économie socialiste ».
Les difficultés du peuple constituant un ferment constant de révoltes, des techniques relevant de la même philosophie avaient déjà été utilisées contre Cuba. Prenant acte du fait qu’on ne pouvait compter sur un soulèvement populaire pour renverser Fidel Castro, le sous-secrétaire d’Etat américain aux affaires internationales Lester D. Malory conseilla dans son rapport du 6 avril 1960 : « Le seul moyen prévisible de réduire le soutien interne passe par le désenchantement et le découragement basés sur l’insatisfaction et les difficultés économiques (…) Tout moyen pour affaiblir la vie économique de Cuba doit être utilisé rapidement (…) dans le but de provoquer la faim, le désespoir et le renversement du gouvernement. » Le 3 février 1962, dans le but d’étrangler l’île, John Fitzgerald Kennedy annoncera la mise en place de l’embargo – toujours en vigueur actuellement. Sans résultat dans ce cas, à l’exception des souffrances inutiles infligées au peuple cubain.
Vingt ans après Cuba avec Fulgencio Batista, le Nicaragua sandiniste s’est débarrassé en 1979 de son dictateur Anastasio Somoza. Alors que les premières élections libres doivent avoir lieu le 4 novembre 1984 et que les troupes contre-révolutionnaires – la « contra » –, financées, entraînées et approvisionnées par les Etats-Unis, harcèlent le pays depuis le Honduras et le Costa Rica voisins, des agents des forces spéciales américaines minent les eaux de plusieurs ports nicaraguayens en début d’année. De nombreux navires ayant été endommagés, les primes d’assurance augmentent, les bateaux marchands étrangers évitent la destination, affectant très fortement l’économie par la réduction drastique des importations et des exportations. Objectif atteint ! « La pénurie au cœur des élections », titre et développe Libération, le 2 novembre 1984 : « Au marché noir, on peut pratiquement tout acheter, à condition d’y mettre le prix : 65 cordobas les deux piles de radio (produit rare), 160 le tube de dentifrice. L’occupation principale de quelques centaines de “hiboux” consiste à se procurer des dollars au marché noir (environ dix fois le taux officiel) puis à partir s’approvisionner au Costa Rica ou au Guatemala. Les produits sont ensuite revendus jusqu’à vingt fois le prix officiel, dans les baraques [du marché]de “l’Oriental” de Managua. (…) L’étatisation économique se renforce de jour en jour.(…) Les partis d’opposition affirment que les problèmes de ravitaillement ont constitué le thème le plus mobilisateur [c’est nous qui soulignons]. »
Les Nicaraguayens n’étant pas tombés dans le piège et le sandiniste Daniel Ortega ayant malgré tout été élu président de la République avec 67 % des voix, Washington doublera la mise en imposant au Nicaragua un embargo commercial total en 1985. Cette agression militaire et économique entraînant une très forte dégradation de la situation, le pays s’endettera, s’enlisera dans une gestion de survie et devra mettre genoux à terre, « vaincu par la faim et la guerre », lors de l’élection présidentielle du 25 février 1990.
Au Venezuela, si Hugo Chávez a évoqué le concept de « guerre économique » dès 2010, le premier à la théoriser, en 2013, a été Luis Salas. La source d’inspiration initiale de ce chercheur du Centre stratégique latino-américain de géopolitique (Celag), très éphémère ministre de l’économie en 2016, a de quoi surprendre : loin des exemples latino-américains précédemment cités, il explique avoir fondé les prémices de sa réflexion sur l’ouvrage Les problèmes politiques du plein emploi [3] que l’auteur polonais Michal Kalecki (1899 – 1970) écrivit en se basant sur son expérience vécue… en France, sous le Front populaire. « Il y dit que, d’un point de vue marxiste conventionnel, on ne peut pas comprendre ce qui s’est passé. Car, paradoxalement, pendant ses trois années, à travers les hausses salariales et l’augmentation de la consommation ainsi que la croissance enregistrée, le gouvernement de Léon Blum avait permis un enrichissement des entrepreneurs et des commerçants. »
Or, et même en supposant que ceux-ci ont tout intérêt à ce qu’un gouvernement, à travers le plein emploi, augmente le pouvoir d’achat de la population, ce type de politique pose au capital un problème fondamental. « Pour les patrons, le plein emploi rend la main d’œuvre plus chère et les travailleurs moins dociles, moins susceptibles d’accepter n’importe quoi. Entre autres inconvénients, le capital ne peut plus jouer sur la menace de licenciement. Par ailleurs, le gouvernement Blum avait commencé à assumer de nombreuses tâches qui, normalement, appartenaient aux patrons, comme la distribution des aliments. Leur pouvoir reposait là-dessus… » Politique à court terme, le problème devient économique à long terme. « Leur pouvoir, en tant que classe, pouvait être déplacé. » La presse de droite se déchaîna alors contre les« salopards en casquette » qui allaient profiter des congés payés ; financiers et industriels spéculèrent et transférèrent leurs capitaux vers l’étranger. La suite appartient à l’Histoire de France. Mais présente de fait quelques similitudes avec ce qui se passe au Venezuela où, s’estimant menacé, le « monde de l’entreprise » participe activement au sabotage de l’économie.
« En 2013, quand Maduro est arrivé au pouvoir, rappelle Salas, la loi du travail, la dernière qu’a signée Chávez [le 30 avril 2012], venait d’être approuvée. Et cette loi, bien qu’elle n’altère pas la relation capital/travail, crée un nouveau rapport qui complique la domination sur les travailleurs. Elle octroie la stabilité salariale, réduit la durée du travail à quarante heures hebdomadaires, sanctionne les licenciements injustifiés, rend les vacances obligatoires, crée des avantages nouveaux, etc. Dès lors, patronat et négociants ont affiné leurs techniques pour se débarrasser de Maduro. »
« Affiner » est bien le mot, car ils n’en étaient pas à leur coup d’essai. En 2001, après la signature de 49 décrets-lois emblématiques – loi sur les hydrocarbures, loi sur la terre et le développement agraire, loi de la pêche, etc. –, puis, surtout, fin 2002, après l’échec du fugace coup d’Etat américano-militaro-médiatico-patronal d’avril, Chávez lui-même a dû affronter ce type de déstabilisation. Du 2 décembre 2002 au 9 février 2003, alors que ses hauts cadres dirigeants paralysaient la compagnie pétrolière PDVSA et que le pays sombrait, victime non d’une « grève générale » mais d’un « lock out » patronal, les aliments et autres biens de première nécessité disparurent dans les « barrios ». C’est l’époque où, dans l’Etat de Zulia, on put voir des producteurs de lait jeter dans les rivières des millions de litres de leur production pour générer la pénurie.
Particulièrement affectée et ouvertement poussée à se révolter comme elle le fit (spontanément) lors du « caracazo » en 1989 [4], la population modeste, base sociale du chavisme, conserva son sang-froid et ne tomba pas dans la provocation. Au terme d’une bataille de soixante-trois jours, le « comandante » reprit le contrôle, mais, la paralysie de l’activité économique avait coûté 20 milliards de dollars au pays et une remontée spectaculaire de la pauvreté – passée de 60 % en 1997 à 39 % fin 2001, elle atteignit 48 % en 2002 puis 55,1 % en 2003. Près de 590 000 travailleurs, essentiellement des femmes, se retrouvèrent sans travail de 2001 à 2003 ; les morts par dénutrition augmentèrent de 31 %.
La reprise du contrôle de PDVSA et l’affectation des revenus pétroliers au financement des politiques sociales permettront de renverser la situation (21,2 % de pauvreté en 2012) jusqu’à l’actuelle phase de déstabilisation.
Ainsi, donc, à en croire la vulgate en vogue, depuis que la crise financière internationale a orienté le cours du pétrole à la baisse en 2008, la rente ne suffit plus à couvrir la facture des importations. Etonnant, non ? Ayant pulvérisé les sommets à la mi-2008 (150 dollars le baril), l’or noir est certes redescendu à 38 dollars en 2015 avant d’osciller entre 21 et 24 dollars en 2016, mais il se vendait à… 7 dollars le baril en 1998, lors de l’arrivée au pouvoir de Chávez. Et personne ne se souvient avoir vu à l’époque de longues files d’attente devant les commerces – depuis les échoppes jusqu’aux supermarchés.
D’aucuns pourraient objecter que, plongés alors en masse dans la pauvreté, les Vénézuéliens consommaient beaucoup moins à l’époque qu’à l’heure actuelle (ce qui est vrai !) ; bien peu le font car ce serait évidemment un hommage rendu implicitement par le vice à la vertu. Mais en tout état de cause, avec un pétrole remonté en 2017 aux alentours de 40 dollars, la théorie de la population « au bord de la famine » à cause du « pays en faillite » résiste mal à la réflexion (pour peu, bien sûr, qu’il y ait une réflexion).
Commençons par le commencement – d’après les porte-parole officiels et officieux du patronat, le gouvernement n’octroie pas aux entreprises les dollars nécessaires à l’importation et à la production – et tentons d’analyser la situation…
Quatre-vingt-quinze pour cent des devises du pays proviennent de l’exportation du pétrole. Cette situation structurelle date de 1920, année où a été approuvée la première loi sur les hydrocarbures et où s’est établi le mécanisme à travers lequel l’Etat capte une partie, plus ou moins importante selon les périodes, de la rente pétrolière. Depuis le début de ce XXe siècle, la bourgeoisie s’est ingéniée à se réapproprier cette rente en échangeant ses bolivars contre des dollars et à l’utiliser essentiellement pour importer – ce qui ne présente aucun risque et ne requiert aucun investissement. Il en résulte que, pour en revenir à la période actuelle, les 10 % des exportations non pétrolières du Venezuela sont constitués de produits minéraux (26 %), chimiques (45 %), de plastiques et de caoutchouc (3 %), de métaux (10 %), tous produits par… des entreprises publiques. La contribution du secteur privé, en moyenne, ne dépasse pas 1 % du total des exportations [5].
Ce n’est donc pas le pétrole en soi qui constitue un problème, mais le fait que si les devises se trouvent initialement et en quasi-totalité entre les mains de l’Etat c’est parce que le secteur privé, moteur autoproclamé d’une économie « dynamique » et « efficace », se limite (dans le meilleur des cas) à fournir par l’importation le marché intérieur, en prenant une confortable marge au passage, et ne participe quasiment pas à l’accroissement de la richesse nationale. Plutôt que d’investir, il n’a pour préoccupation que de récupérer le magot et de l’utiliser à son profit.
Une fois ce cadre global établi, on cherchera l’erreur : depuis qu’en 2003 a été instauré un contrôle des changes pour éviter la fuite des capitaux, les entreprises privées ont reçu de l’Etat 338,341 milliards de dollars pour l’importation de biens et de services. En 2004, alors qu’elles ont disposé à cette fin de 15,75 milliards de dollars, on n’a constaté aucune pénurie. En 2013, alors que la somme attribuée a quasiment doublé pour atteindre 30,859 milliards de dollars, les principaux biens essentiels ont disparu [6]. Doit-on parler de magie ? Peut-être. Mais, dans ce cas, de magie noire.
Si la crise économique mondiale et la baisse des prix du pétrole ont évidemment un rôle dans la dégradation de la situation, elles n’en sont aucunement la cause principale. La conviction des néolibéraux nationaux et internationaux qu’il fallait profiter de la mort de Chávez pour « achever » la « révolution bolivarienne » a incontestablement marqué le point d’inflexion vers l’organisation du désastre. Dès lors, d’après Pascualina Curcio, professeure de sciences économiques à l’Université Simón Bolivar, s’articulent quatre phénomènes : une pénurie programmée et sélective des biens de première nécessité ; une inflation artificiellement provoquée ; un embargo commercial camouflé ; un blocus financier international. Auxquels on ajoutera, depuis avril 2017, la violence insurrectionnelle soutenue par les Etats-Unis, leurs alliés régionaux (Argentine, Brésil, Mexique) ainsi que l’Union européenne, sanctifiée par les commissaires politiques des médias. Ce que d’aucuns appellent « une guerre de quatrième génération ».
En 2004, tandis qu’étaient importés pour 2,1 milliards de dollars d’aliments, chacun pouvait se nourrir dans des conditions normales. En 2014, avec 7,7 milliards, une augmentation de 91 % – sachant que, depuis 2004, le gouvernement octroie les dollars à un taux préférentiel pour l’achat des biens essentiels –, on ne trouve plus ni beurre, ni huile, ni farine de maïs précuite, ni riz, ni lait en poudre, ni pâtes alimentaires, ni lait pasteurisé, ni viande de bœuf, ni fromages, ni mayonnaise, ni sucre, ni café sur les rayons des commerces et des grandes surfaces. En revanche, les gondoles croulent sous les boissons gazeuses, les galettes, les biscuits, les friandises, les gourmandises et autres sucreries, les conserves exotiques, les surgelés sophistiqués. De quoi s’interroger sur la curieuse « crise humanitaire » dont le monde entier a entendu parler.
Le 20 mai 2016, Agustín Otxotorena, un entrepreneur basque pas spécialement « chaviste » résidant à Caracas, fatigué de répondre à ses amis et proches qui, depuis l’Espagne, s’alarmaient pour sa santé dans un pays affecté par une famine similaire à celles qui frappent la Somalie ou l’Ethiopie, en fut réduit à publier sur sa page Facebook une série de photographies particulièrement édifiantes prises dans les établissements commerciaux des secteurs des classes moyenne et supérieure de l’est et du sud-est de Caracas (les fiefs de l’opposition). « Si tu as de l’argent,persiflait-il, il y a du whisky 18 ans d’âge, du rhum vénézuélien exquis, du champagne français, de la vodka russe ou suédoise, des bonbons belges, des viandes savoureuses, des langoustes, des vêtements de marque, des restaurants exclusifs, des discothèques spectaculaires, des plages avec des yachts, des clubs de golf et hippiques, des terrains de tennis et de football, et tout un pays à l’intérieur d’un autre pays, où il n’y a pas de pauvres, où les femmes et les enfants sont blonds, vont dans des collèges exclusifs, des universités exclusives, et se divertissent dans l’Ile de la Tortue ou dans l’archipel de Los Roques, là où les uniques Noirs ou pauvres sont les serveurs, le personnel des services ou de la sécurité », avant de conclure l’une de ses dernières livraisons d’un rageur (et en majuscules) : « JE SUIS FATIGUÉ DES MENSONGES ! [7] »
D’où la question que tout un chacun (à condition de ne pas être journaliste) se pose forcément : pourquoi y a‑t-il pénurie de certains produits et pas d’autres, pourquoi des aliments sont-ils si difficiles à obtenir et d’autres non ? Pourquoi les fruits et les légumes, par exemple, n’ont-ils pas disparu ?
Suite de notre enquête demain
Photographie : Maurice Lemoine
Mots-clés :
NOTES
[1] « Panorama de la Seguridad Alimentaria y Nutricional en América Latina y el Caribe 2012 », FAO, Rome, 2012.
[2] Alfredo Meza, « El desabastecimiento acorrala a Maduro », El País, Madrid, 16 mai 2013.
[3] Essai initialement publié en 1943 dans le Political Quarterly, fondé à Londres en 1930 par Leonard Woolf (époux de Virginia Woolf).
[4] Révolte populaire brutalement réprimée par le gouvernement du social-démocrate Carlos Andrés Pérez – 3 000 morts – en février 1989, à la suite d’un ajustement structurel imposé par le Fonds monétaire international (FMI).
[5] Pascualina Curcio, « Mitos sobre la economia venezolana », 15 y ultimo, Caracas, 17 juin 2017.
[6] Pascualina Curcio, La Mano visible del Mercado. Guerra económica en Venezuela, Editorial Nosotros Mismos, Caracas 2016. De nombreux chiffres mentionnés dans cet article proviennent de cette étude. Voir également sur le Web : « Venezuela : tout comprendre sur l’inflation et les pénuries », Venezuela Infos, 29 mai 2017.
[7] Voir : https://youtu.be/p447jwE7lac
Source : Mémoire des luttes, http://www.medelu.org/La-guerre-economique-pour-les-Nuls
Formidable Maurice Lemoine, pour nous désintoxiquer des bobards médiatiques va-t-en-guerre sur le Venezuela :
Explication sur ce qu’il se passe réellement au Venezuela :
httpv://www.youtube.com/watch?v=xUWrn11qF7s&feature=youtu.be
Bonjour à Tous,
Cela fait longtemps que j’ai rien posté, mais ce texte sur le Zapatisme me dit que l’utopie dans ce pays dur, violent etc me permet d’espérer :
Presque quinze ans d’autogouvernement zapatiste
Au Chiapas, la révolution s’obstine
Au début des années 1990, le soulèvement zapatiste incarnait une option stratégique : changer le monde sans prendre le pouvoir. L’arrivée au gouvernement de forces de gauche en Amérique latine, quelques années plus tard, sembla lui donner tort. Mais, du Venezuela au Brésil, les difficultés des régimes progressistes soulèvent une question : où en est, de son côté, le Chiapas ?
par François Cusset
Détail d’une fresque murale réalisée au caracol Morelia par des membres de l’EZLN et des artistes en résidence au centre culturel Edelo de San Cristobal de las Casas, Chiapas, 2009.
http://www.katieyamasaki.com
« Ils ont peur que nous découvrions que nous pouvons nous gouverner nous-mêmes », lance la maestra Eloisa. Elle le disait déjà en août 2013 aux centaines de sympathisants venus de Mexico ou de l’étranger pour apprendre de l’expérience zapatiste, le temps d’une active semaine en immersion. Baptisée ironiquement « Escuelita » (petite école), cette initiative visait à inverser le syndrome de l’évangélisateur, à « retourner la tortilla », comme y invitait jadis l’anthropologue André Aubry : s’instruire au contact des centaines de paysans mayas qui pratiquent, jour après jour, l’autogouvernement. Inaugurant par ces mots l’Escuelita de 2013, Eloisa rappelait alors l’essentiel, qui laisse certains observateurs incrédules : modeste et non prosélyte, l’expérience zapatiste n’en rompt pas moins depuis vingt-trois ans avec les principes séculaires, et aujourd’hui en crise, de la représentation politique, de la délégation de pouvoir et de la séparation entre gouvernants et gouvernés, qui sont au fondement de l’État et de la démocratie modernes.
Elle a lieu à une échelle non négligeable. Cette région de forêts et de montagnes de 28 000 kilomètres carrés (environ la taille de la Belgique) couvre plus d’un tiers de l’État du Chiapas. Si aucun chiffre sûr n’est disponible, on estime que 100 000 à 250 000 personnes selon les comptages (1) — 15 à 35 % de la population — y forment les bases de soutien du zapatisme, c’est-à-dire les femmes et les hommes qui s’en réclament et qui y participent. Tel est le fait majeur, que feraient presque oublier la vision folklorique des fameux passe-montagnes ou les ruses éloquentes de l’ex-sous-commandant Marcos (qui s’est rebaptisé Galeano, en hommage à un compañero assassiné) : à cette échelle et sur cette durée, l’aventure zapatiste est la plus importante expérience d’autogouvernement collectif de l’histoire moderne. Plus longue que les soviets ouvriers et paysans nés à la faveur de la révolution russe de 1917 (avant le transfert de leur pouvoir vers l’exécutif bolchevique) ; plus que les clubs et les conseils de la Commune de Paris, écrasés en mai 1871 après deux mois d’effervescence ; plus que les conseils mis en place en Hongrie et en Ukraine après les insurrections de 1919 ; plus que la démocratie directe des paysans d’Aragon et de Catalogne entre 1936 et 1939 ; et plus que les autonomies politiques ponctuelles, ou moins complètes, expérimentées dans des quartiers urbains, à Copenhague après 1971 ou à Athènes aujourd’hui.
Alors que ces expériences ont toutes été réprimées ou récupérées, et pendant que les gouvernements de gauche du reste de l’Amérique latine décevaient une partie des mouvements populaires qui les avaient portés au pouvoir (au Brésil, au Venezuela, en Bolivie, en Équateur…), le zapatisme a tenu bon. Il a peu à peu rompu avec l’État, solidifié ses bases et échafaudé une autonomie politique inédite, portée aujourd’hui par la première génération née après l’insurrection de 1994. Moyennant l’abandon progressif, et pragmatique, de la croyance dans l’État et de l’avant-gardisme léniniste du début : « Quand on est arrivés, on était carrés, comme des professionnels de la politique, et les communauté indiennes, qui sont rondes, nous ont limé les angles », répète drôlement Galeano. L’enjeu : changer la nature du pouvoir politique, faute de le prendre à plus vaste échelle. Le résultat est là : « Le mouvement est plus fort, plus déterminé encore aujourd’hui. Les enfants de 1994 sont désormais les cadres du zapatisme, sans récupération ni trahison », reconnaît le sociologue Arturo Anguiano, qui, loin d’être un compagnon de route naturel du Chiapas, fut le cofondateur du parti révolutionnaire des travailleurs-euses (PRT), d’obédience trotskiste. En témoigne, aujourd’hui, la vie ordinaire des communautés zapatistes.
« Le capitalisme ne va pas s’arrêter. Ce qui s’annonce est une grande tempête. Ici, on s’y prépare en faisant sans lui », résume dans un sourire un homme d’une vingtaine d’années qui appartient depuis trois ans au conseil de bon gouvernement (Junta de Buen Gobierno) de Morelia, la moins peuplée des cinq zones zapatistes, et qui s’apprête à laisser sa place après avoir formé ses successeurs. Situé au cœur de la zone, à 1 200 mètres d’altitude, le caracol de Morelia est adossé à une colline luxuriante. Ce terme signifie « escargot » en espagnol, pour dire la lenteur nécessaire de la politique et désigner les quelques bâtiments de réunion qui font office de chef-lieu pour chaque zone. Ici, il surplombe un paysage de prés et de cultures : sept cents hectares de terres récupérées, pour sept mille habitants dispersés sur un territoire très étendu. Entre le terrain de basket-ball et l’auditorium sommaire en briques peintes, quelques dizaines de femmes et d’hommes, à cette heure, quittent le caracol sac au dos, après trois jours de réunions. Ils traînent leur pas engourdi par de longues heures d’assemblée et arborent un air concerné, mélange, sur leurs visages tannés, de la sérénité amène des Indiens Tzotziles — la tribu majoritaire ici — et du reste de préoccupation de ceux qui viennent de passer trois jours à discuter, au titre des charges (cargas) que chacun assume bénévolement, de la répartition des récoltes à la construction des écoles.
À l’école, histoire coloniale et critique du capitalisme
À côté du petit cybercafé en parpaings, le jeune membre du conseil continue : « Nous ne cherchons pas à étendre le zapatisme, qui est très particulier. Mais l’idée qui le sous-tend, l’autonomie en général, oui. » Ils sont trois, maintenant, à nous décrire le fonctionnement de la zone de Morelia. Il y a un collectif par secteur de production, de la radio à l’artisanat textile ou à l’apiculture. Dotée de cent quarante têtes de bétail et de dix hectares de champs de maïs (milpas), la zone atteint l’autosuffisance alimentaire grâce à ses potagers, ses rares poulaillers, ses cinq hectares de café et ses boulangeries coopératives.
Les surplus sont vendus aux non-zapatistes de la zone, les « partidistes » qui vivent des subsides du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), la formation au pouvoir, lequel subventionne certains villages pour les vassaliser. Indirectement, ce sont donc les deniers du gouvernement qui permettent aux zapatistes d’acheter, en nom collectif, ce qu’ils ne produisent pas : machines ou matériel de bureau, plus les rares véhicules qui conduisent les gens aux réunions depuis les quatre coins de la zone. Les projets individuels, tel le montage d’une cantine-épicerie, sont financés par les banques autonomes zapatistes (Banpaz ou Banamaz), qui prêtent à un taux de 2 %. Dans toute la zone, on mange à sa faim, de façon frugale et traditionnelle, sans aide ni de l’État ni des organisations non gouvernementales (ONG) : riz, tortillas, frijoles (haricots noirs), café, quelques fruits et, plus rarement, volaille, œufs, canne à sucre. Peu d’ordinateurs et de livres dans les maisons, des voitures très rares et un habillement sobre : les conditions matérielles sont minimales, mais rien d’essentiel ne manque. Cette sobriété reste aux antipodes de la (trompeuse) corne d’abondance euro-américaine des centres commerciaux et des prêts à la consommation.
Les responsables volontaires du caracol de Morelia nous décrivent les trois missions sociales assumées par la collectivité : l’éducation, la santé et la justice, qu’assurent à tour de rôle, plutôt que des professeurs, des médecins ou des juges, des « promoteurs » bénévoles (leurs voisins s’occupent de leurs terres et de leurs foyers pendant leurs missions). Si les quelque six cents écoles zapatistes des cinq zones proposent toutes trois cycles d’études, le reste est discuté collectivement et adapté aux besoins, qu’il s’agisse du rythme de chacun ou des programmes et du calendrier. Mais on retrouve partout des cours d’espagnol et de langue indienne, d’histoire coloniale et d’éducation politique (critique du capitalisme, étude des luttes sociales dans d’autres pays), de mathématiques et de sciences naturelles (« vie en milieu ambiant »). Du ménage aux fresques murales, le travail collectif est quotidien. Et, dès la fin du second cycle, vers l’âge de 15 ans, les jeunes, tous alphabétisés, peuvent proposer d’occuper une charge, après un vote de l’assemblée et une formation de trois mois.
S’y ajoute, à la sortie de San Cristóbal, la seule université zapatiste, fondée par Raymundo Sánchez Barraza : le Centre indigène de formation intégrale (Cideci). Ferronneries d’escalier ou rideaux peints, tout y est l’œuvre des étudiants, deux cents jeunes accueillis chaque année pour apprendre les savoirs autonomes : fabrication de chaussures, théologie ou usage des machines à écrire — plus sûres que le traitement de texte, compte tenu des coupures d’électricité —, ainsi qu’un séminaire politique le jeudi. Inspiré des principes antiutilitaristes du pédagogue alternatif Ivan Illich (« apprendre sans école ») autant que des premières prophéties indiennes, le Cideci accueille aussi les grands colloques zapatistes. Le dernier, en décembre 2016, portait sur les sciences exactes « pour ou contre » l’autonomie (ConCiencias).
Le système sanitaire est fiable : des « maisons de santé » assurent des soins de base de qualité, de l’échographie à l’examen ophtalmologique ; chaque caracol compte une clinique où opèrent, pour l’heure, des médecins solidaires extérieurs ; et des ONG fournissent les médicaments allopathiques. Le recours aux herbes médicinales et aux thérapies traditionnelles est partout encouragé, et l’accent est mis sur la prévention. Quant à la justice zapatiste, assurée par des volontaires et des commissions ad hoc, elle traite certes de cas souvent bénins — désaccords sur des terres ou rares conflits internes dans les villages —, mais elle vise toujours à réparer plutôt qu’à punir : discussion avec l’inculpé, travaux collectifs au lieu de l’enfermement (il existe une seule prison dans l’ensemble des cinq zones), ni caution ni corruption. Là encore, les non-zapatistes préfèrent ce système plus juste, qui, en vingt ans, a fait chuter la délinquance et les violences domestiques — la prohibition de l’alcool, que les femmes ont imposée dans le cadre de leur « loi sèche », première des lois zapatistes qu’elles ont fait voter, y a beaucoup contribué.
La nouveauté est ce recours en hausse des partidistes aux services publics zapatistes, qui permet parfois de les recruter et qui les change, surtout, du clientélisme, de la bureaucratie et de la dépendance aux oboles du parti. La dépendance : c’est ce qu’ont tenu à défaire, pas à pas, les zapatistes, y compris vis-à-vis des ONG. Mais l’autonomie, « processus sans fin », selon eux, reste partielle, et souvent bricolée : on prélève l’électricité sans la payer à même les câbles de l’opérateur national, et on reste tributaire des dons et des achats collectifs dans certains domaines, qu’il s’agisse de se procurer de l’huile de cuisine ou des téléphones portables.
Une organisation à la fois horizontale et verticale
Cette expérience insolite, loin des radicalismes de papier, assume ses tâtonnements et ses arbitrages délicats. Son principe d’apprentissage : caminar preguntando, « cheminer en questionnant ». Quant à mandar obeciendo , « diriger en obéissant », devise partout affichée, elle suggère que, à l’horizontalisme pur des fantasmes anarchistes, il convient toujours de mêler une dose même marginale d’organisation — et d’efficacité — verticale. Les communautés sont consultées longuement, moyennant des allers et retours avec les conseils de zone, mais à l’initiative de ces derniers, qui formulent et soumettent les propositions, et qui organisent si nécessaire un vote à la majorité. Les charges bénévoles sont rotatives et révocables, gage d’une politique déprofessionnalisée, mais les plus compétents les occupent (et y sont élus) plus souvent que les autres. Et tous de reconnaître que, au fil des consultations minutieuses, « parfois le peuple est endormi », comme le disait un autre maestro de l’Escuelita. Plutôt qu’un système entièrement horizontal, il existe une tension, qui se veut féconde, entre le gouvernement de tous et des mécanismes diagonaux, sinon verticaux. Une conception processuelle et évolutive dans laquelle on invente et teste constamment, qu’il s’agisse des règles de vote ou de la durée et des critères d’attribution des charges (les femmes, souvent moins à l’aise dans l’engagement public, peuvent par exemple occuper une charge à deux ou trois).
À l’origine était l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), qui a surgi de la forêt Lacandone un matin de janvier 1994. Cette structure militaire verticale est dotée d’une instance de commandement, le Comité clandestin révolutionnaire indigène (CCRI). L’EZLN veille à la pérennité de l’expérience, mais elle a décidé de se retirer de son fonctionnement politique en 2003, au moment de la rupture avec l’État mexicain et de la mise en place du système d’autogouvernement. Celui-ci fonctionne à trois échelons, après un redécoupage géographique qui a défait les divisions administratives antérieures : au niveau de la communauté de chaque village, où exercent des agents et des commissions (pour la sécurité, la production, etc.) ; au niveau des communes (municipios) qui regroupent les villages ; et au-dessus, au niveau des cinq grandes zones, qui ont pour centres les cinq caracoles (Morelia, La Garrucha, Roberto Barrios, Oventic et La Realidad).
Détail d’une fresque murale réalisée au caracol Morelia par des membres de l’EZLN et des artistes en résidence au centre culturel Edelo de San Cristobal de las Casas, Chiapas, 2009.
Ce qui fait l’originalité du zapatisme limite aussi la possibilité pour des mouvements sociaux d’autres régions du monde d’en transposer tels quels les inventions et les mécanismes : la convergence historique, en son sein, d’ingrédients hétérogènes, voire incompatibles, devenus ici indissociables. Il y a un cœur indigène, d’abord, qui renvoie aux peuples méso-américains de cette région (surtout les Tzotziles, les Tzeltales, les Tojolabales et les Choles) et à leur tradition cosmo-écologique ancestrale, mais aussi à une longue histoire de résistance anticoloniale. Si l’indianité zapatiste n’est jamais essentialisée, et garde ouvert son potentiel universalisant, c’est qu’elle est moins un ethnicisme que la mémoire entretenue de cinq siècles de luttes contre la « saignée du Nouveau Monde (2) », y compris le colonialisme interne des nouvelles élites métisses du Mexique indépendant, qui s’arrogèrent la représentation des Indiens et ravagèrent leurs terres et leurs modes de vie. Il y a le rôle décisif de l’Église, ensuite : aussi bien le catholicisme syncrétique typique du Mexique que la version locale de la théologie de la libération, cette « Église des pauvres » inaugurée au Pérou dans les années 1960 — mémoire coloniale ici aussi, puisque, dès le xvie siècle, les seuls défenseurs des indigènes du Mexique contre les conquistadores furent des religieux, à l’instar du dominicain Bartolomé de Las Casas ou de l’évêque Vasco de Quiroga, avec son projet d’une « république des Indiens ».
Il y a un élément marxiste-léniniste déclencheur, bien sûr, venu des guérillas des années 1960–1970, mais mué après 1994 en une lutte antisystémique plus ouverte contre le néolibéralisme, son pillage des ressources naturelles et sa marchandisation des formes de vie. Et il y a des composantes moins attendues, de type libertaire et surtout antipatriarcal, le principe zapatiste de l’égalité sexuelle radicale renouant avec une filiation précoloniale. Sans oublier les échanges avec un vaste réseau international de soutiens, conviés sur place aux rencontres annuelles : des dizaines de musiciens ou de groupes de rap et de ska aux refrains zapatistes (de Rage Against the Machine à Manu Chao, de Nana Pancha à Mexico à Pepe Hasegawa au Japon), et des milliers d’activistes et d’intellectuels qui ont tous participé à cette construction — les écrivains José Saramago, Gabriel García Márquez, John Berger ou Umberto Eco, les universitaires Alain Touraine ou Noam Chomsky, ou encore, pour en rester aux noms célèbres, l’écologiste José Bové, le cinéaste Oliver Stone ou Danielle Mitterrand. Innombrables sympathisants du zapatisme, ou « zapatisans », fameux ou anonymes.
Et il y a l’histoire nationale mexicaine, avec sa fierté et ses singularités. Car c’est ne rien comprendre au zapatisme que d’en faire un projet de sécession, d’indépendance (contre-)nationale. À chaque réunion du Congrès national indigène (CNI), créé en 1996, l’hymne national résonne avant les chants zapatistes, et le drapeau tricolore du pays flotte à côté du drapeau noir et rouge. « Nous ne pensons pas à former un État dans l’État, mais un endroit où être libres en son sein », répètent les commandants de l’EZLN au fil de leurs marches à travers le pays. Ce patriotisme de combat est l’héritage politique de deux siècles de luttes, depuis l’indépendance de 1810. C’est l’héritage, d’abord, du chef agrarien éponyme, Emiliano Zapata, général de l’Armée libératrice du Sud qui, avant d’être écrasé en 1919, opposa à la tradition latifundaire son plan d’Ayala pour la redistribution des terres et la démocratie locale, et mit en place quelques années durant la « première république sociale des temps modernes (3) », selon le mot du révolutionnaire Victor Serge, qui a fini sa vie au Mexique.
Au-delà, il y a la surpolitisation d’un pays doté d’un réseau associatif et militant d’une rare densité, où le combat pour le statut communal de la terre (l’ejido) dure depuis plus d’un siècle. Car s’entremêlent, au Mexique, à la fois des corporatismes officiels (surtout celui du parti-État, le PRI), maniant mobilisation permanente et rhétorique de la justice sociale, et maints soulèvements authentiques, que leur répression sanglante ancre dans la mémoire collective : résistances urbaines de la fin du XXe siècle, comme le Mouvement urbain populaire ou les assemblées de quartier des années 1970–1980, étudiants maoïstes établis dans les campagnes, autogestions municipales plus ou moins en rupture. Reste que ce « cocktail » zapatiste est d’abord une combinaison de l’égalité et de la différence, d’un héritage communiste par le bas et d’une promotion inlassable de la diversité ethnique, culturelle, sexuelle — deux axes encore largement divergents au sein des mouvements de gauche d’Europe et d’Amérique du Nord, où le « mouvementisme », plus ou moins identitaire, des minorités et le vieil unitarisme social, plus ou moins universaliste, continuent à se méfier l’un de l’autre.
Quand Marcos appelait son âne « Internet »
Mais l’unité zapatiste tient autant à ce mixte hétéroclite qu’à la tonalité d’ensemble, au style de lutte, à la démarche de vie qui viennent l’envelopper. Leurs traits caractéristiques, que résume le concept cardinal de dignité, surgissent des explications que formulent les Indiens aussi bien que de textes plus fantasques, de registres variés (pamphlets, discours, contes de fées, chansons, poésie), qui ont rendu célèbre l’ex-sous-commandant Marcos : modestie, solennité, fierté résistante, détermination martiale, douceur des gestes, rapport au temps fait de patience et de placidité, utopie et fragilité assumées, lyrisme cosmique issu des héritages indigènes, et toujours l’humour et l’autodérision — qui hier incitaient Marcos à appeler son âne « Internet », pour envoyer en 1995 ses messages au gouvernement par ce biais ancestral, ou l’EZLN à nommer « force aérienne de l’armée zapatiste » les dizaines d’avions en papier pleins de messages dissuasifs jetés sur les barrages militaires. En somme, c’est aussi bien Karl Marx que les frères du même nom ; moins Che Guevara que l’anthropologue engagé Pierre Clastres ; moins Lénine qu’Illich ; moins le dogme que le pragmatisme de combat ; et moins la dictature du prolétariat que la tradition locale du « réalisme merveilleux » (ce mélange de réalisme social et d’esthétique magique promu par l’écrivain cubain Alejo Carpentier) mise au service de l’autonomie politique. Marcos, avant de devenir Galeano, répétait que les meilleurs textes occidentaux de théorie politique étaient pour lui Don Quichotte, Macbeth et les romans de Lewis Carroll.
Derrière la formule zapatiste « en bas à gauche » (abajo a la izquierda), l’unité est celle d’une cohérence éthique et existentielle. Si le zapatisme a été vu comme « la première utopie démocratique universelle qui vienne du Sud (4) », c’est en raison de cette réinvention de l’agir politique, des façons de sentir et de lutter. Mais c’est aussi parce que sa victoire au long cours est celle d’une lutte de plusieurs décennies, poussée vers l’autonomie par ses ennemis et par la pression de la réalité. Long arrachement forcé, et non décrété, à la tutelle étatique : l’autonomie négociée ayant échoué, l’autonomie à construire s’est imposée.
Formée clandestinement en 1983, l’EZLN occupe les grandes villes du sud du Chiapas le 1er janvier 1994. S’ensuivent douze jours de combat, puis vingt-trois ans d’une « antiguérilla », selon le mot du sociologue Yvon Le Bot (5). Après le cessez-le-feu, un dialogue de paix est hébergé par Mgr Samuel Ruiz García dans la cathédrale de San Cristóbal. Il est interrompu par l’offensive militaire de février 1995, qui précède une longue guerre d’usure menée par les paramilitaires à la solde du gouvernement. Le Chiapas devient alors l’épicentre des mouvements sociaux, inspirant l’essor d’un « zapatisme civil » d’Oaxaca à Mexico, accueillant la Convention nationale démocratique de 1994 et plusieurs rencontres internationales, galvanisant les gauches du pays (qui remportent la mairie de la capitale en 1997). Mais les assassinats politiques sont nombreux, et la paramilitarisation s’intensifie — avec en point d’orgue le massacre de quarante-cinq Indiens, surtout des femmes et des enfants, dans le campement d’Acteal, fin 1997.
L’alliance avec la gauche officielle, notamment le Parti de la révolution démocratique (PRD) de M. Andrés Manuel López Obrador, finit par échouer, avant « la distanciation et le divorce (6) » de 1999. Surtout, les accords signés en février 1996 à San Andrés sur les « droits et cultures indigènes » (pour l’autogestion communautaire et le développement autonome) resteront lettre morte, récusés par le président Ernesto Zedillo et jamais inscrits dans la Constitution. L’espoir renaît en 2000 avec l’élection de M. Vicente Fox, premier président non-PRI. La marche immense de la Couleur de la Terre, en 2001, ne suffira pas à obtenir gain de cause, malgré l’intervention devant le Congrès de la commandante Ester. Aussi les zapatistes décident-ils de rompre avec le cycle de la négociation et le mal gobierno (« mauvais gouvernement »). En août 2003, ils lancent à Oventic la construction de l’autonomie politique en créant les caracoles.
« L’autre campagne » moqueuse et acerbe menée par Marcos en 2006, avant des élections volées au PRD par une fraude du PRI, isole encore davantage les zapatistes, tout à la construction laborieuse de leur autonomie. Le creux de 2009–2012 alimente même les rumeurs d’une désaffection massive et de la mort de Marcos. Les zapatistes y mettent fin le 21 décembre 2012, jour du changement de cycle du calendrier maya, en occupant en silence, à quarante mille, les villes qu’ils avaient envahies en 1994. Ce silence « est le bruit de leur monde qui s’effondre, le son du nôtre qui resurgit », déclare le communiqué de l’EZLN. Il inaugure une nouvelle étape de la lutte, avec la constitution du réseau informel de la Sexta, ouvert à toutes les luttes sociales du monde, et l’arrivée du sous-commandant Moisés, qui succède à Marcos/Galeano, à la tête de l’EZLN. L’histoire du zapatisme au Chiapas tient ainsi en trois mots, qui résument les modalités de son rapport avec l’État : contre (pendant douze jours de guerre), avec (neuf ans de tentatives d’accord) et sans (depuis 2003).
C’est au terme d’un tel itinéraire, et à l’aube d’une nouvelle phase, que survient la décision prise fin 2016 par le CNI, en accord avec les communautés, de former un Conseil indien de gouvernement. Sa représentante (ce sera une femme), qui doit être nommée en 2017, sera aussi candidate à l’élection présidentielle de 2018. Mal comprise, et encore suspendue à l’approbation de l’Institut électoral fédéral, la décision du CNI a stupéfié les uns et agacé les autres — depuis les tenants d’une sécession intégrale, qui y ont vu une compromission avec le jeu électoral, jusqu’à la gauche nationale positionnée en vue de l’élection, surtout le Mouvement de régénération nationale (Morena) de M. López Obrador, qu’ont exaspéré les premiers sondages attribuant 20 % des intentions de vote à la candidate inconnue. Comme un coup de plus porté par le zapatisme à la gauche de gouvernement du premier pays hispanophone du monde, qu’il a déjà déstabilisée à maintes reprises au cours du dernier quart de siècle.
Pourtant, le sens de cette décision est tout autre : « Ce n’est pas pour le pouvoir », répète le CNI, mais pour affirmer la force des cinquante-six ethnies autochtones du Mexique (seize millions d’habitants, environ 15 % de la population) et, plus largement, de « toutes les minorités ». L’initiative vise à faire connaître leur oppression et leurs résistances, à encourager partout les formes d’organisation autonome. Elle veut diffuser le virus de l’opposition au capitalisme et aller sur le terrain de l’adversaire pour révéler à tous les « indigènes » du monde son état de décomposition terminale ainsi que la possibilité désormais attestée de faire sans lui.
Le contexte est la clé, dans un pays où le trafic de drogue (50 milliards de dollars) a fait entre 70 000 et 120 000 morts et disparus, où partis et institutions restent largement corrompus. Le mépris affiché par le nouveau président des États-Unis, M. Donald Trump, devrait surtout, comme l’espère le philosophe mexicain Enrique Dussel, inciter « à recommencer à neuf, avec un projet d’autonomie et une décolonisation des esprits qui rompent avec l’eurocentrisme de nos élites (7) ». La décision de former un Conseil indien de gouvernement et de présenter une candidate est justifiée, dans le communiqué du 29 octobre 2016 (8), par une longue liste de luttes indigènes à travers le pays (contre l’État, les multinationales ou les cartels de la drogue), luttes avec lesquelles le CNI se déclare solidaire, appelant à une coordination des combats pour rompre leur isolement. L’essentiel est là, dans ce rapport volontaire au dehors, aux résistances non zapatistes, avec lesquelles le dialogue est continu, mais la coopération intermittente, depuis 1994.
Les multinationales plus présentes que jamais
Aux Occidentaux venus leur rendre visite, aux membres de la IVe Internationale, à des mouvements des quatre coins du monde que leur construction de l’autonomie rapproche de l’expérience zapatiste — les Kurdes de la « 29e révolte », les Sud-Africains d’Abahlali baseMjondolo (AbM) dans les townships du Cap ou l’internationale paysanne Via Campe-sina —, les zapatistes posent cette question : « ¿ Y tu, qué ? » (« Et vous, comment faites-vous ? »). Question qu’ils posent donc, cette fois, aux résistances indigènes locales qui se lèvent dans tous les États du Mexique, du Michoacán au Sonora, contre les conglomérats miniers, les expropriations touristiques, les pillages des « narcos » ou les enlèvements d’étudiants. Mais aussi, toujours, aux mouvements sociaux nationaux qu’ils accompagnent, telles les grèves enseignantes de l’été 2016 ou les manifestations contre la hausse du prix de l’essence (gasolinazo) début 2017.
Si cette candidature a pour but de remettre le zapatisme en scène et d’étendre le réseau des solidarités actives, c’est aussi que demeurent tant d’obstacles, tant d’ennemis encore en embuscade — ne serait-ce que l’armée fédérale, qui tient encore plusieurs dizaines de postes autour des cinq zones. Les paramilitaires continuent à semer la terreur, fût-ce plus ponctuellement, avec des affrontements violents à La Realidad en mai 2014 puis à La Garrucha à l’été 2015. Les projets des multinationales sont plus nombreux que jamais au Chiapas : État le plus pauvre du Mexique, mais son premier fournisseur de pétrole, de café ou d’énergie hydroélectrique, celui-ci a déjà cédé près de 20 % de sa superficie en concessions minières ou en projets touristiques. Et dans les zones zapatistes elles-mêmes, où se côtoient « bases de soutien » et non-zapatistes, les subventions d’État, les pots-de-vin des partis, les « caciques » (grands fermiers métis) empochant des fortunes des groupes miniers auxquels ils cèdent leurs terres représentent autant de menaces quotidiennes, directes ou psychologiques, pour des communautés à l’équilibre politique et économique précaire — qui s’efforcent de ne pas répondre aux provocations pour ne pas justifier une opération militaire.
Devant la barrière du caracol de Morelia, un groupe de partidistes est assis en cercle, buvant bruyamment dès le matin bière et tequila pour narguer les zapatistes venus aux assemblées et leur faire regretter la « loi sèche ». Contre la fierté d’avoir construit l’autonomie politique, d’avoir fait renaître une culture et inventé un discours de combat, d’avoir démontré au monde qu’ils n’étaient pas les marionnettes du ventriloque Marcos, restent au quotidien taquineries et brimades, tensions et menaces, qui continuent de peser sur la « fragile armada (9) ». Mais, pour l’heure, elle tient bon.
François Cusset
(1) Sur le problème du calcul et des sources, cf. Bernard Duterme, « Zapatisme : la rébellion qui dure », Alternatives Sud, vol. 21, no 2, Centre tricontinental – Syllepse, Louvain-la-Neuve – Paris, février 2014.
(2) Eduardo Galeano, Les Veines ouvertes de l’Amérique latine, Plon, coll. « Terre humaine », Paris, 1981 (1re éd. : 1971).
(3) Cité dans Guillaume Goutte, Tout pour tous ! L’expérience zapatiste, une alternative concrète au capitalisme, Libertalia, Paris, 2014.
(4) L’expression est du sociologue mexicain Pablo González Casanova (La Jornada, Mexico, 5 mars 1997).
(5) Yvon Le Bot, Le Rêve zapatiste, Seuil, Paris, 1997.
(6) Hélène Combes, Faire parti. Trajectoires de gauche au Mexique, Karthala, coll. « Recherches internationales », Paris, 2011.
(7) La Jornada, 16 janvier 2017.
(8) « Que tremble la Terre jusque dans ses entrailles », Enlace Zapatista, 29 octobre 2016.
(9) Titre d’un film réalisé sur place par Jacques Kebadian et Joani Hocquenghem, 2002.
Source : Le Monde diplomatique, http://www.monde-diplomatique.fr/2017/06/CUSSET/57569
Bonjour Étienne,
Connaissez vous le fabuleux travail des hacktivistes de democracy.earth ? Il s’agit d’un collectif qui développe une appli de démocratie participative citoyenne en open source très prometteuse qui a présenté son propre parti aux législatives en Argentine.
https://youtu.be/UajbQTHnTfM
https://youtu.be/NXfYNdapq3Q
https://youtu.be/yGmGWZCE4h0
http://democracy.earth/
Bonjour Etienne,
Tu sembles pessimiste en considérant que l’opposition au système est une opposition factice, contrôlée, et qu’il n’y a rein à attendre des politiciens, que s’ils intègrent nos idées, c’est pour les dévoyer. Mais tu ne vois pas que c’est un passage obligé, que c’est un point positif. Si les pouvoirs en place intègrent dans leur fonctionnement des idées novatrices c’est parce qu’ils y sont contraints sous la pression de l’esprit ambiant. Sinon, ils ne le feraient pas, ils les maintiendraient sous le boisseau. Mais en les intégrant dans un but de les neutraliser, en même temps ils les propagent à un plus grand nombre. C’est le principe des « Ruses de l’Histoire »
Je vais prendre un exemple : Dans les statuts de « La République en Marche » entrés en vigueur ce 1er août, il est indiqué que le « Conseil » serait composé de 25 % d’adhérents tirés au sort :
« Il [le conseil] est représentatif de la dynamique citoyenne du mouvement et regroupe un nombre important de représentants de la société civile : 25% de ses membres seront des adhérents sans mandat électif, tirés au sort, avec une représentation garantie des animateurs locaux. Le Conseil regroupe également l’ensemble des parlementaires et des élus locaux. La composition du Conseil permet une représentation de toutes les sensibilités. Le Conseil détermine les principales orientations politiques du mouvement. Il désigne le ou les délégués généraux. Il contrôle l’action du bureau exécutif et du ou des délégués généraux. Il élit en son sein vingt membres qui siégeront au bureau exécutif. Il statue sur les modalités de désignation et d’investiture du candidat du mouvement à l’élection à la présidence de la République. »
Qu’en dire ? Bien entendu que c’est une crapulerie. Que le but est de « récupérer » une idée démocratique en la neutralisant et en séduisant les gogos. Que ces 25 % ne changeront rien à la décision, et que dans son ensemble les statuts du partis sont les plus despotiques qui soient.
Mais qu’est-ce qui a fait que ce procédé a été intégré ? Ce n’est pas une idée personnelle de Macron, où d’un de ses subordonnés dans l’équipe dirigeante du parti. C’est la pression de l’idée qui circule dans la société. C’est donc un signe positif. Un tel procédé n’aurait jamais été mis en place il y a dix ans. Et LREM est à ma connaissance le premier parti majeur à intégrer le tirage au sort comme mode de sélection dans son instance nationale. Le Congrès national du PS, le Conseil National de LR, le Comité Central du FN sont élus.
Au passage, je viens de me rendre compte en cherchant que les statuts de la France Insoumise ne semblent pas exister sur le net (d’autres personnes ont déjà été interpellées avant moi : http://fischer02003.over-blog.com/2016/10/du-parti-de-gauche-a-la-france-insoumise.html ). Ils ont pourtant bien été déposés. Alors que parmi les quatre, seul LREM donne accès à ses statuts à partir de la page d’accueil de son site web. La transparence n’est pas toujours où l’on croit. Il semble cependant y a voir eu au moins une part de tirage au sort lors des élections pour la désignation du comité électoral de la FI : https://lafranceinsoumise.fr/campagnes/campagne-legislatives-2017/composition-comite-electoral/ .
LREM introduit donc l’idée contre son gré que des instances dirigeantes peuvent être sélectionnées par tirage au sort aussi bien que par élection. Cela ne peut faire que donner encore plus de force l’idée. Si le parti qui dirige la France pratique le tirage au sort, alors a fortiori, rien n’empêche qu’il soit pratiqué dans une section locale d’un syndicat, dans une association de quartier ou pour sélectionner le Grand-Maître d’une loge maçonnique (je me demande où je vais chercher tout ça …). Et puis, les tirés au sort au Conseil se diront peut-être « pourquoi 25 % ? ». Etc … C’est tout de même un « progrès » par rapport à une situation où personne n’a entendu parler de tirage au sort. On en peut pas s’attendre à ce que l’idée passe d’emblée d’un groupuscule de quelques milliers de personnes à la Constituante d’un pays de 65 millions de personnes, apparue on ne sait trop comment. Il y aura évidemment des étapes intermédiaires. Parmi ces étapes, il y a la confrontation aux partis politiques majeurs, qui ne vont bien sûr pas l’accepter pour ce qu’elle est, mais tenter de la circonscrire pour en tirer profit. Nous dans le feu de l’action, on n’y prête pas attention, ou on voit que l’escroquerie. Mais je suis persuadé que dans l’avenir, la « Chouette de Minerve » qui reverra rétrospectivement l’histoire des institutions politiques française de notre époque considérera l’introduction du tirage au sort de ce Conseil comme une étape significative.
Merci Ronald, tu me requinques, encore une fois 🙂
httpv://youtu.be/VwMIoir6pJM
Etienne, la mode est aux « spots » qui durent quelques secondes. Si on veut toucher un maximum de gens il faut faire des « spots » de quelques secondes avec une idée très forte qui les incite à prolonger la réflexion. Progressivement les gens vont s’éveiller.
J’ai le temps de vous écouter, je travaille à mon compte de chez moi, ceux qui font les ateliers constituant ont le temps. Les lobotomisés ne l’ont pas, ils sont abrutis par leur travail, les transports en commun. Ils se sentent isolés, n’osent pas exprimer des idées originales. Il faut les entrainer progressivement, on ne peut pas faire passer tous ces gens d’une dépolitisation totale, à une réflexion profonde sur la constitution.…
« Manifestement crevé et passablement découragé, pardon. »
Bonjour Etienne,
Pourquoi pardon ?
Le ton et les mots que vous employez dans cette vidéo, notamment dans les dix dernières minutes, témoignent au contraire d’une grande lucidité quant à la nature de l’obstacle qui se dresse devant nous avant que de pouvoir espérer le franchir.
Courage, nous gagnerons parce que nous sommes les moins nombreux, pour l’instant. Un peu comme les gaullistes de la première heure, les pêcheurs de l’Île de Sein.
Et je pense vraiment ce que je vous dis.
Bien à vous.
Thierry Saladin (Un constituant qui était à Toulouse le 20 mai dernier : un parmi d’autres)
Best of de François Ruffin à l’Assemblée nationale :
Catherine a rédigé le plan détaillé de cet entretien…
Quel boulot, non mais quel boulot !!! Cette bonne fée a publié tout ça sur l’inépuisable wiki des GVs :
http://wiki.gentilsvirus.org/index.php/La_Mutinerie-_entretien_avec_Etienne_Chouard-2017
Merci Catherine, MERCI !!! 🙂
httpv://www.youtube.com/watch?v=fcce7e-cC‑Q
Roger Waters de Pink Floyd : « Nous vivons dans 1984 » d’Orwell
« Je pense que tous les enfants devraient lire Huxley et Orwell »
httpv://www.youtube.com/watch?v=ZeZariVnzbw
1984 ⇨ George Orwell livre audio en français
Bonsoir Etienne, « tu es fatigué des mensonges » Ok, mais maintenant les yeux se dessillent sur les « pseudo-antifa » ou « opposition contrôlée » des militants des « vrais » commencent a les dénoncer : http://www.mouvementautonome.com/2017/10/les-agents-de-propagande-des-guerres-et-des-massacres.html.tôt ou tard ils devrons rendre des comptes quoiqu’il y a une guéguerre entre eux tant le « confusionnisme » règne un « militant » « grec » connu se prends de bec avec ces anciens » collègues » en maccarthysme, et du coup, ils préfèrent s’entendre et se « tiennent par la barbichette ». Comme dans la mafia tant qu’ils se tuent entre eux on est tranquille. (pardon pour la violence des mots)
Des informations sortent petit a petit et c’est l’Union Européenne et l’état français qui finance ces « pseudo-antifa » :
https://s04.justpaste.it/pdf/psl2-justpaste-it-554216.pdf
On remarque que ces prétendus « antifa » sont des petits bourgeois, journalistes souvent, ou intellectuels gauchistes n’ayant aucun lien avec la réalité du terrain. Genre les fils Bernanos ayant brûlé deux flics dans une voiture. Ils sont en jugement :
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/voiture-de-police-incendiee-les-freres-bernanos-ultras-de-bonne-famille_1887072.html . D’autres sont démasqués par de plus malins qu’eux : https://laurentobertone.wordpress.com/2017/01/23/cyril-castelliti-alias-kapsy-katrik-faux-journaliste-aux-inrocks-veritable-antifa/
Il y en a bien d’autres comme ça d’ou leur gout pour l’anonymat et les pseudos aux Usa, aussi ça existe des « journalistes », « universitaires », philosophes » militants de « gauche « au service de l’impérialisme, et la guerre article parlant du cas français « Ornella-Anne Marie » : https://winteroak.org.uk/tag/rob-los-ricos/#3.
Alors continue dans ta voie elle est juste donc elle dérange ..
Bien à toi Etienne..
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