Les Kagan sont de retour ; les guerres vont suivre, par Robert Parry

14/05/2017 | 10 commentaires

Une bonne syn­thèse, pour remon­ter aux sources et décou­vrir qui veut la guerre, (et qui nous y « tire­ra par les che­veux », même si on n’est pas d’ac­cord du tout) :

Les Kagan sont de retour ; les guerres vont suivre, 

par Robert Parry

Source : Consor­tium News, le 15/03/2017

Tra­duit par les lec­teurs du site www​.les​-crises​.fr. Tra­duc­tion libre­ment repro­duc­tible en inté­gra­li­té, en citant la source.

Le 15 mars 2017

Exclu­sif : La famille “royale” néo­con­ser­va­trice des Kagan compte sur les Démo­crates et les pré­ten­dus pro­gres­sistes pour jouer les fan­tas­sins dans la nou­velle cam­pagne néo­con­ser­va­trice qui vise à pous­ser les Répu­bli­cains et le pré­sident Trump à enga­ger d’autres guerres de « chan­ge­ment de régime ».

Par Robert Parry

La famille Kagan, fleu­ron de l’aristocratie néo­con­ser­va­trice de l’Amérique, refait sur­face après s’être remise de n’avoir pas vu s’accroître son influence – ce que lui aurait offert l’élection d’Hillary Clin­ton – et d’avoir per­du son pou­voir offi­ciel au début de la pré­si­dence Trump.

L’ancienne Secré­taire d’État adjointe aux Affaires euro­péennes, Vic­to­ria Nuland, qui a mili­té pour le coup d’État en Ukraine et qui a contri­bué à choi­sir les diri­geants de l’après coup d’État. (Elle est l’épouse du théo­ri­cien néo­con­ser­va­teur Robert Kagan.)

La famille Kagan est de retour, pon­ti­fiant dans les tri­bunes des plus grands jour­naux. Elle incite main­te­nant à un élar­gis­se­ment de l’intervention mili­taire état­su­nienne en Syrie et elle har­cèle les Répu­bli­cains pour qu’ils par­ti­cipent avec un peu plus d’enthousiasme à la chasse aux sor­cières anti­russe au sujet de la contri­bu­tion pré­su­mée de Mos­cou à l’élection de Trump.

Dans une tri­bune du Washing­ton Post datée du 7 mars, Robert Kagan, cofon­da­teur du Pro­ject for the New Ame­ri­can Cen­tu­ry et l’un des prin­ci­paux cer­veaux de la guerre d’Irak, a atta­qué les Répu­bli­cains dont le peu d’empressement à enquê­ter fai­sait d’eux « des com­plices après coup de la Russie. »

Puis Fre­de­rick Kagan, direc­teur du Cri­ti­cal Threats Pro­ject à l’American Enter­prise Ins­ti­tut néo­con­ser­va­teur et sa femme, Kim­ber­ly Kagan, qui a son propre groupe de réflexion, l’Institute for the Stu­dy of War (Ins­ti­tut pour l’étude de la guerre), van­taient, dans une tri­bune du Wall Street Jour­nal du 15 mars, les avan­tages d’un ren­for­ce­ment de l’intervention amé­ri­caine en Syrie.

Pour­tant, quelle que soit l’influence que gardent les Kagan à Washing­ton, dans le monde des groupes de réflexion et des tri­bunes libres, ils demeurent presque tota­le­ment à l’écart des centres du pou­voir de la nou­velle ère Trump, même si, semble-t-il, ils ont vu une porte qu’on pou­vait forcer.

Il y a un an, cepen­dant, leurs pers­pec­tives avaient l’air bien plus exal­tant. Ils pou­vaient faire leur choix par­mi un grand nombre de can­di­dats répu­bli­cains néo­con­ser­va­teurs à la pré­si­dence ou, comme Robert Kagan, ils pou­vaient sou­te­nir la can­di­date de l’establishment démo­crate, Hil­la­ry Clin­ton, dont « l’interventionnisme pro­gres­siste » se confon­dait qua­si­ment avec le néo conser­va­tisme et n’en dif­fé­rait que par les expli­ca­tions ration­nelles invo­quées pour jus­ti­fier tou­jours davan­tage de guerres.

Il y avait aus­si l’espoir qu’Hillary Clin­ton pré­si­dente recon­naî­trait sa com­mu­nau­té de vues avec les fau­cons pro­gres­sistes et les néo­con­ser­va­teurs en don­nant une pro­mo­tion à la femme néo­con­ser­va­trice de Robert Kagan, Vic­to­ria Nuland, qui pas­se­rait du poste de secré­taire d’État adjointe aux Affaires euro­péennes à celui de secré­taire d’État.

Alors ils auraient béné­fi­cié d’un for­mi­dable élan pour à la fois aug­men­ter l’intervention mili­taire amé­ri­caine en Syrie et accroître l’escalade de la nou­velle guerre froide avec la Rus­sie, remet­tant l’idée de « chan­ge­ment de régime » pour ces deux pays à l’ordre du jour. Ain­si, au début de l’an der­nier, les oppor­tu­ni­tés sem­blaient infi­nies pour la famille Kagan qui allait pou­voir mon­trer sa force et engran­ger beau­coup d’argent.

Une affaire de famille

Comme je l’ai fait remar­quer il y a deux ans dans un article inti­tu­lé “Une affaire de famille de guerre sans fin” : « Le com­men­ta­teur néo­con­ser­va­teur Robert Kagan et sa femme, la secré­taire d’État adjointe aux Affaires euro­péennes Vic­to­ria Nuland, sont à la tête d’une affaire de famille remar­quable : elle, elle a déclen­ché une vraie guerre en Ukraine et elle a contri­bué à pro­vo­quer une seconde Guerre froide avec la Rus­sie, et lui, il inter­vient pour exi­ger que le Congrès aug­mente le bud­get de l’armée afin que l’Amérique puisse faire face à ces nou­velles menaces contre la sécurité.

L’intellectuel néo­con­ser­va­teur bien connu Robert Kagan. (Pho­to cre­dit : Mariusz Kubik, http://​www​.mariusz​ku​bik​.pl)

« Cet extra­or­di­naire duo conju­gal repré­sente, pour le com­plexe mili­ta­ro-indus­triel, deux forces qui s’unissent, une équipe dedans-dehors qui crée le besoin d’un bud­get mili­taire plus impor­tant, use de pres­sions poli­tiques pour assu­rer des dota­tions plus éle­vées et regarde avec recon­nais­sance les mar­chands d’armes offrir de géné­reuses dona­tions aux groupes de réflexion bel­li­cistes de Washington.

« Non seule­ment la com­mu­nau­té des néo­con­ser­va­teurs dans son ensemble béné­fi­cie de ces lar­gesses, mais c’est le cas aus­si d’autres membres du clan Kagan, y com­pris celui du frère de Robert, Fre­de­rick de l’American Enter­prise Ins­ti­tute, et de sa femme Kim­ber­ly qui dirige sa propre agence, l’Institute for the Stu­dy of War. »

Cepen­dant, les évé­ne­ments ne se sont pas dérou­lés tout à fait comme les avaient ima­gi­nés les Kagan. Les Répu­bli­cains néo­con­ser­va­teurs ont tré­bu­ché lors des pri­maires et c’est Trump qui a gagné, et après qu’Hillary Clin­ton a ren­voyé le séna­teur Ber­nie San­ders dans les cordes et qu’elle a été nom­mée can­di­date pour les Démo­crates, elle a per­du devant Trump lors de la présidentielle.

A la suite de sa sur­pre­nante vic­toire, Trump, en dépit de ses nom­breuses lacunes, a recon­nu ne pas être proche des néo­con­ser­va­teurs et les a lais­sés, pour la plu­part, à la porte. Nuland a non seule­ment per­du son poste de secré­taire d’État adjointe mais elle a aus­si démis­sion­né du dépar­te­ment d’État.

Trump à la Mai­son-Blanche, l’establishment de la poli­tique étran­gère de Washing­ton, domi­né par les néo­con­ser­va­teurs, avait pris un coup, mais il n’était pas au tapis. Les néo­con­ser­va­teurs ont reçu alors une bouée de sau­ve­tage de la part des Démo­crates et des pro­gres­sistes qui détes­taient Trump à un point tel qu’ils ont été ravis de reprendre le flam­beau de la nou­velle Guerre froide de Vic­to­ria Nuland avec la Rus­sie. Par­ti­ci­pant à un plan dou­teux pour écar­ter Trump du pou­voir, les Démo­crates et les pro­gres­sistes ont mon­té en épingle des accu­sa­tions sans preuve selon les­quelles la Rus­sie se serait enten­due avec l’équipe de Trump afin de tru­quer l’élection américaine.

L’éditorialiste du New York Times, Tho­mas L. Fried­man, a par­lé pour nombre d’entre eux quand il a com­pa­ré la pré­su­mée « ingé­rence » de la Rus­sie dans les élec­tions avec le bom­bar­de­ment de Pearl Har­bour et les atten­tats du 11-Sep­tembre par al-Qaïda.

Dans l’émission Mor­ning Joe sur MSNBC, il a exi­gé que les accu­sa­tions de pira­tage contre la Rus­sie soient trai­tées comme un casus bel­li. « C’était un évé­ne­ment de la même ampleur que le 11-Sep­tembre, a‑t-il décla­ré. Ils ont atta­qué le cœur de notre démo­cra­tie. C’était un évé­ne­ment de l’ampleur de Pearl Har­bour. » Aus­si bien Pearl Har­bour que le 11-Sep­tembre ont mené à des guerres.

Ain­si beau­coup de pro­gres­sistes, aveu­glés par leur haine de Trump, ont-ils favo­ri­sé le retour des néoconservateurs.

Le har­cè­le­ment des Républicains

Robert Kagan a choi­si la page des tri­bunes libres du Washing­ton Post pour har­ce­ler des Répu­bli­cains qui comptent, comme le repré­sen­tant Devin Nunes, pré­sident du House Intel­li­gence Com­mit­tee, qui se trou­vait en pho­to au-des­sus de l’article et de son titre « Rou­lant pour une ingé­rence de la Russie ».

Le géné­ral David Petraeus devant le Capi­tole avec Kim­ber­ly Kagan, fon­da­trice et pré­si­dente de l’Institute for the Stu­dy of War. (Pho­to cre­dit : ISW’s 2011 Annual Report)

« Il aurait été impos­sible d’imaginer il y a un an, » écrit Kagan, « que des diri­geants du Par­ti répu­bli­cain aide­raient effec­ti­ve­ment les Russes à s’ingérer dans le sys­tème poli­tique de notre pays. Pour­tant, et c’est incroyable, c’est le rôle que joue le Par­ti républicain. »

Kagan a alors repris la doxa des res­pon­sables de Washing­ton qui accep­taient, sans émettre le moindre doute, les allé­ga­tions des direc­teurs sor­tants des ser­vices de ren­sei­gne­ment de la pré­si­dence Oba­ma, à savoir que la Rus­sie avait pira­té les mails des Démo­crates et les avait publiés via Wiki­Leaks pour gêner la cam­pagne de Clinton.

Bien que les res­pon­sables du ren­sei­gne­ment d’Obama n’aient four­ni aucune preuve pour étayer ce qu’ils avan­çaient et que Wiki­Leaks ait nié avoir reçu ces deux liasses de mails des Russes, les offi­ciels de Washing­ton ont lar­ge­ment admis ces allé­ga­tions, les consi­dé­rant comme des motifs pour dis­cré­di­ter Trump et essayer de le destituer.

Pas­sant sous silence le conflit poli­tique d’intérêts de ceux qui avaient été nom­més par Oba­ma, Kagan a esti­mé que « vu l’importance de cette décou­verte par­ti­cu­lière [l’ingérence de la Rus­sie], les preuves doivent être déter­mi­nantes » et cela jus­ti­fie « une enquête sérieuse, d’une grande ampleur et transparente. »

Kagan, cepen­dant, doit aus­si avoir com­pris quelle oppor­tu­ni­té de reve­nir au pou­voir consti­tuait pour les néo­con­ser­va­teurs ce rideau de fumée d’une nou­velle Guerre froide avec la Russie.

Il a décla­ré : « La ques­tion la plus impor­tante concerne la capa­ci­té de la Rus­sie à mani­pu­ler les élec­tions des États-Unis. Ce n’est pas un pro­blème poli­tique. C’est un pro­blème de sécu­ri­té natio­nale. Si le gou­ver­ne­ment russe s’est effec­ti­ve­ment ingé­ré dans les pro­ces­sus élec­to­raux des États-Unis l’an der­nier, alors il a la capa­ci­té de le faire dans toutes les autres élec­tions à par­tir de main­te­nant. C’est une arme puis­sante et dan­ge­reuse, plus redou­table que des vais­seaux de guerre, des chars ou des bombardiers.

« Ni la Rus­sie ni aucun autre adver­saire éven­tuel n’a le pou­voir de mettre à mal le sys­tème poli­tique état­su­nien avec des armes de guerre. Mais en ins­til­lant des doutes sur la vali­di­té, l’intégrité et la fia­bi­li­té des élec­tions des États-Unis, elle peut saper les bases de ce système. »

Une réa­li­té différente

Le ton de la tri­bune de Kagan était alar­miste, mais la réa­li­té était bien dif­fé­rente. Même si les Russes ont effec­ti­ve­ment pira­té les mails des Démo­crates et les ont, d’une façon ou d’une autre, fait pas­ser à Wiki­Leaks, affir­ma­tion non étayée et contro­ver­sée d’ailleurs, ces deux séries de mails n’ont pas joué un rôle si impor­tant dans le résul­tat de l’élection.

L’ancienne secré­taire d’État Hil­la­ry Clin­ton et le séna­teur Ber­nie San­ders. (NBC photo)

Selon Hil­la­ry Clin­ton, le res­pon­sable de sa défaite sur­prise, c’est le direc­teur du FBI James Cor­mey qui a ré-ouvert briè­ve­ment l’enquête sur le ser­veur pri­vé dont elle se ser­vait quand elle était secré­taire d’État.

En outre, tout porte à croire que les mails publiés par Wiki­Leaks étaient authen­tiques et révé­laient les agis­se­ments illi­cites des diri­geants des Démo­crates, comme la manière dont le Comi­té natio­nal du Par­ti démo­crate a lésé Ber­nie San­ders et favo­ri­sé Hil­la­ry Clin­ton. Dans les mails du direc­teur de cam­pagne de Clin­ton John Podes­ta, on a pu lire les dis­cours rétri­bués que Clin­ton avait pro­non­cés devant les finan­ciers de Wall Street et qu’elle essayait de cacher aux élec­teurs, sans oublier quelques exemples d’octroi de mar­chés aux dona­teurs de la Fon­da­tion Clinton.

En d’autres termes, la publi­ca­tion de Wiki­Leaks a contri­bué à infor­mer les élec­teurs amé­ri­cains à pro­pos des irré­gu­la­ri­tés du pro­ces­sus démo­cra­tique dans leur pays. Les mails n’étaient pas de la « dés­in­for­ma­tion » ni des « fausses nou­velles », ils conte­naient de vraies informations.

On a eu cette semaine une com­mu­ni­ca­tion d’informations sem­blable à celles qui s’étaient pro­duites avant l’élection. On a fait fui­ter, en effet, des infor­ma­tions sur les feuilles d’impôts de Trump, les­quelles sont pro­té­gées par la loi. Cepen­dant, à part le camp Trump, presque per­sonne n’a jugé que la publi­ca­tion illi­cite des feuilles d’impôts d’un citoyen consti­tuait, quelque part, une menace contre la démo­cra­tie américaine.

Les Amé­ri­cains ont le droit de connaître ce genre de détails à pro­pos d’un can­di­dat à la Mai­son-Blanche, c’était le sen­ti­ment géné­ral. Je suis tout à fait d’accord, mais est-ce qu’il ne s’ensuit pas éga­le­ment que nous avions le droit de savoir que le Comi­té du Par­ti démo­crate abu­sait de son pou­voir pour faci­li­ter la nomi­na­tion de Clin­ton, le droit de savoir ce que conte­naient les dis­cours pro­non­cés devant les ban­quiers de Wall Street et le droit de savoir que des gou­ver­ne­ments étran­gers cher­chaient à se faire attri­buer des mar­chés en fai­sant des dona­tions à la Fon­da­tion Clinton ?

Pour­tant, parce que les hauts fonc­tion­naires nom­més par Oba­ma dans la com­mu­nau­té du ren­sei­gne­ment « estiment » que la Rus­sie était la source des mails de Wiki­Leaks, cette attaque contre la démo­cra­tie des États-Unis jus­ti­fie une Troi­sième Guerre mondiale.

Tou­jours plus de pro­pos inconsidérés

Accu­ser cepen­dant, sans preuve, la Rus­sie de fra­gi­li­ser la démo­cra­tie des États-Unis n’était pas suf­fi­sant pour Kagan. Il a affir­mé comme un « fait », bien que, une fois de plus, il n’ait pas pré­sen­té de preuves, les élé­ments sui­vants : la Rus­sie « s’ingère dans les élec­tions à venir de la France et de l’Allemagne, et elle s’est déjà ingé­rée dans le récent réfé­ren­dum ita­lien et dans de nom­breuses autres élec­tions en Europe. Elle uti­lise cette arme contre autant de démo­cra­ties qu’elle peut pour saper la confiance des citoyens dans les ins­ti­tu­tions démocratiques. »

Le Secré­taire d’État des États-Unis, John Ker­ry, accom­pa­gné de la secré­taire d’État adjointe aux Affaires euro­péennes et eur­asiennes Vic­to­ria « Toria » Nuland, s’adresse au pré­sident russe Vla­di­mir Pou­tine lors d’une réunion au Krem­lin à Mos­cou, en Rus­sie, le 14 juillet 2016. [Pho­to du Dépar­te­ment d’État]

Les diri­geants à Washing­ton et les médias tra­di­tion­nels ont beau­coup déplo­ré leur impuis­sance au sujet de l’ère « post-véri­té », mais ces pré­ten­dus ava­tars de la véri­té sont aus­si cou­pables que qui­conque, agis­sant comme si la répé­ti­tion constante d’une allé­ga­tion non étayée de faits reve­nait à la prouver.

Mais ce que Kagan et d’autres néo­con­ser­va­teurs ont à l’esprit est clair : c’est une esca­lade des hos­ti­li­tés avec la Rus­sie et une aug­men­ta­tion sub­stan­tielle des dépenses consa­crées au maté­riel mili­taire amé­ri­cain et à la pro­pa­gande occi­den­tale pour « contrer » ce qui est consi­dé­ré comme une « pro­pa­gande russe ».

Kagan l’admet, il a déjà beau­coup de Démo­crates et de pro­gres­sistes de pre­mier plan de son côté. Donc, il cherche à for­cer les Répu­bli­cains à se joindre à cette cam­pagne hys­té­rique de déni­gre­ment contre la Rus­sie, quand il écrit :

« Mais ce sont les Répu­bli­cains qui les couvrent. Le chef actuel du par­ti, le pré­sident, remet en cause les décou­vertes, les moti­va­tions et l’intégrité de la com­mu­nau­té du ren­sei­gne­ment. Les diri­geants répu­bli­cains au Congrès se sont oppo­sés à la créa­tion d’un comi­té spé­cial d’enquête, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du Congrès. Ils ont insis­té pour que les enquêtes soient menées par les deux comi­tés de renseignement.

« Pour­tant, le pré­sident répu­bli­cain du comi­té à la Chambre a indi­qué que cette enquête n’était pas bien urgente et il a même mis en cause la gra­vi­té et la vali­di­té des accu­sa­tions. Le pré­sident répu­bli­cain du comi­té au Sénat a abor­dé cette tâche à contrecœur.

« En consé­quence, on a l’impression que les enquêtes avancent avec une len­teur déli­bé­rée, pro­dui­sant peu d’informations et en four­nis­sant encore moins au public. Il est dif­fi­cile de ne pas conclure que c’est pré­ci­sé­ment l’intention de la direc­tion du Par­ti répu­bli­cain, à la fois à la Mai­son-Blanche et au Congrès. …

« Lorsque les Répu­bli­cains s’opposent à des enquêtes appro­fon­dies, trans­pa­rentes et immé­diates, ils deviennent com­plices de la Rus­sie après coup. »

Men­tir avec les néoconservateurs

Beau­coup de démo­crates et de pro­gres­sistes peuvent trou­ver encou­ra­geant qu’un néo­con­ser­va­teur de pre­mier plan, qui a contri­bué à ouvrir la voie de la guerre en Irak, soit désor­mais de leur côté pour déni­grer les Répu­bli­cains cou­pables de ne pas se joindre avec enthou­siasme à la der­nière chasse aux sor­cières russe. Mais ils pour­raient éga­le­ment réflé­chir un ins­tant et se deman­der com­ment ils ont pu lais­ser leur haine de Trump les conduire à s’allier avec les néoconservateurs.

Le pré­sident russe Vla­di­mir Pou­tine, après son dis­cours à l’Assemblée géné­rale des Nations Unies, le 28 sep­tembre 2015. (Pho­to de l’ONU)

Mer­cre­di, dans The Wall Street Jour­nal, Fre­de­rick, le frère de Robert Kagan, et sa femme, Kim­ber­ly, sont allés plus loin en pré­sen­tant le vieux rêve des néo­cons d’une inva­sion amé­ri­caine à grande échelle en Syrie, pro­jet qui a été mis en attente en 2004 à cause des échecs mili­taires des États-Unis en Irak.

Cepen­dant, les néo­con­ser­va­teurs sont avides, depuis long­temps, d’un « chan­ge­ment de régime » en Syrie et n’ont pas été satis­faits par ce qu’a fait Oba­ma en armant les rebelles anti­gou­ver­ne­men­taux et par l’implication limi­tée de forces spé­ciales dans le nord de la Syrie afin de contri­buer à la recon­quête de la « capi­tale » de l’EI, Raqqa.

Dans leur tri­bune du Wall Street Jour­nal, Fre­de­rick et Kim­ber­ly Kagan appellent à l’ouverture d’un nou­veau front dans le sud-est de la Syrie.

« Les forces armées amé­ri­caines seront néces­saires. Mais les États-Unis peuvent recru­ter de nou­veaux par­te­naires sun­nites en com­bat­tant avec eux dans leur pays. Au départ, le but doit être de se battre contre l’EI parce qu’il contrôle, en Syrie, les der­nières zones où les États-Unis peuvent rai­son­na­ble­ment espé­rer trou­ver des alliés sun­nites qui ne soient pas sous l’influence d’al-Qaïda. Mais après la défaite de l’EI, il fau­dra lever une armée arabe sun­nite capable de vaincre al-Qaï­da et de contri­buer à négo­cier un règle­ment de la guerre.

« Les États-Unis devront faire pres­sion auprès du régime d’Assad, de l’Iran et de la Rus­sie pour mettre fin au conflit dans des condi­tions que les arabes sun­nites accep­te­ront. Ce sera plus facile si on dis­pose d’une base sûre, indé­pen­dante et influente à l’intérieur de la Syrie. Le pré­sident Trump devrait s’affranchir des rai­son­ne­ments erro­nés et de la pla­ni­fi­ca­tion inadap­tée héri­tés de son pré­dé­ces­seur. Il peut trans­for­mer cette lutte, mais seule­ment en trans­for­mant l’approche qu’en a l’Amérique »

Un nou­veau plan pour la Syrie

En d’autres termes, les néo­con­ser­va­teurs sont de retour avec leur habi­le­té à jouer avec les mots et leurs manœuvres stra­té­giques pour ame­ner les forces armées état­su­niennes à accom­plir un pro­jet de « chan­ge­ment de régime » en Syrie.

Ils pen­saient avoir qua­si­ment atteint ce but en fai­sant por­ter au gou­ver­ne­ment syrien la res­pon­sa­bi­li­té de la mys­té­rieuse attaque au gaz sarin qui a eu lieu dans la ban­lieue de Damas le 21 août 2013 et en pié­geant ain­si Oba­ma qui se serait trou­vé for­cé de lan­cer une attaque aérienne d’envergure contre l’armée syrienne.

Mais le pré­sident Vla­di­mir Pou­tine est inter­ve­nu et il a réus­si à ce que le pré­sident syrien Bachar el-Assad livre toutes ses armes chi­miques, même si ce der­nier conti­nuait à nier avoir joué le moindre rôle dans l’attaque au sarin.

L’intercession de Pou­tine, en met­tant en pièces le rêve des néo­con­ser­va­teurs d’un « chan­ge­ment de régime » en Syrie, l’a pro­pul­sé en haut de la liste de leurs enne­mis. Des néo­con­ser­va­teurs impor­tants, comme Carl Gersh­man, pré­sident du Natio­nal Endow­ment for Demo­cra­cy, n’ont pas tar­dé alors à prendre l’Ukraine pour cible, ce qui, pour Gersh­man, consti­tuait « la plus belle récom­pense » et une pre­mière étape qui devait abou­tir à la des­ti­tu­tion de Pou­tine à Moscou.

C’est à la secré­taire adjointe Vic­to­ria « Toria » Nuland qu’est reve­nu de super­vi­ser le « chan­ge­ment de régime » en Ukraine. L’un des coups de fil qu’elle a don­né sur une ligne non sécu­ri­sée fin jan­vier ou début février 2014 a été inter­cep­té, et on l’y entend par­ler avec l’ambassadeur en Ukraine, Geof­frey Pyatt, d’« arran­ger » ou d’« accou­cher » un chan­ge­ment dans le gou­ver­ne­ment élu du pré­sident Vik­tor Ianoukovitch.

Quelques semaines plus tard, les com­bat­tants néo­na­zis et ultra­na­tio­na­listes étaient en pre­mière ligne de l’attaque vio­lente contre les bâti­ments gou­ver­ne­men­taux et ont for­cé Ianou­ko­vitvh et d’autres res­pon­sables à s’enfuir pour sau­ver leur vie tan­dis que le gou­ver­ne­ment état­su­nien se dépê­chait de saluer le gou­ver­ne­ment issu du coup d’État comme « légitime ».

Mais le putsch ukrai­nien a conduit à la séces­sion de la Cri­mée et à une san­glante guerre civile dans l’est de l’Ukraine contre la mino­ri­té eth­nique russe, des évé­ne­ments que le dépar­te­ment d’État et les médias occi­den­taux ont qua­li­fié d’« agres­sion russe » ou d’« inva­sion russe ».

Ain­si, depuis les der­nières années de l’administration Oba­ma, tout était en place pour que les néo­con­ser­va­teurs et la famille Kagan mènent à bien la der­nière étape de leur plan stra­té­gique qui consis­tait à accu­ler la Rus­sie et à ins­ti­tuer un « chan­ge­ment de régime » en Syrie.

Tout ce qu’il fal­lait, c’était qu’Hillary Clin­ton soit élue pré­si­dente. Pour­tant, éton­nam­ment, ces plans si bien conçus ont échoué. Bien qu’il ne soit pas, d’une manière géné­rale, apte à la pré­si­dence, Trump a bat­tu Clin­ton, amère décep­tion pour les néo­con­ser­va­teurs et leurs alliés pro­gres­sistes interventionnistes.

Pour­tant, la pré­ten­due #Resis­tance à la pré­si­dence de Trump et l’utilisation sans pré­cé­dent par le pré­sident Oba­ma de ses agences de ren­sei­gne­ment pour dépeindre Trump comme un « can­di­dat ven­du aux Russes » a don­né un nou­vel espoir aux néo­con­ser­va­teurs pour la mise en œuvre de leur ordre du jour.

Il ne leur a fal­lu que quelques mois pour se réor­ga­ni­ser et se regrou­per, mais ils ont main­te­nant l’espoir d’exercer sur Trump, à pro­pos de la Rus­sie, une pres­sion si forte qu’il n’aura plus d’autre choix que de se lais­ser convaincre par leurs plans bellicistes.

Comme c’est sou­vent le cas, la famille Kagan a défi­ni la stra­té­gie : for­cer les répu­bli­cains à se joindre à la cam­pagne de déni­gre­ment de la Rus­sie et à per­sua­der un Trump radou­ci de lan­cer une inva­sion à grande échelle de la Syrie. Et dans cette entre­prise, les Kagan uti­lisent Démo­crates et pro­gres­sistes comme fantassins.

Robert Par­ry.

Le jour­na­liste d’investigation Robert Par­ry a dévoi­lé une grande par­tie des scan­dales Iran-Contra pour l’Associated Press et News­week dans les années 1980.

Source : Consor­tium News, le 15/03/2017

Tra­duit par les lec­teurs du site www​.les​-crises​.fr. Tra­duc­tion libre­ment repro­duc­tible en inté­gra­li­té, en citant la source.

http://​www​.les​-crises​.fr/​l​e​s​-​k​a​g​a​n​-​s​o​n​t​-​d​e​-​r​e​t​o​u​r​-​l​e​s​-​g​u​e​r​r​e​s​-​v​o​n​t​-​s​u​i​v​r​e​-​p​a​r​-​r​o​b​e​r​t​-​p​a​r​ry/


Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​5​2​3​5​7​0​2​2​9​2​317

Pour m'aider et m'encourager à continuer, il est désormais possible de faire un don.
Un grand merci aux donatrices et donateurs : par ce geste, vous permettez à de beaux projets de voir le jour, pour notre cause commune.
Étienne

Catégorie(s) de l'article :

10 Commentaires

  1. etienne

    ÉPURATION ANTIPALESTINIENNE :

    Une lettre du Comi­té En Marche de la Porte d’Orléans

    À l’intention de la Com­mis­sion d’Investiture de la Répu­blique En Marche, et de Mon­sieur J.P. Delevoye.

    Mes­dames, Mes­sieurs, bonjour,

    il vous a fal­lu cinq minutes pour obéir hier aux injonc­tions des colons israé­liens et de l’extrême-droite israé­lienne, que vous ont trans­mises leurs repré­sen­tants en France, le CRIF, la LICRA et leurs infil­trés au sein de la Répu­blique En Marche, et pour reti­rer son inves­ti­ture de can­di­dat à la dépu­ta­tion sous l’étiquette de la Répu­blique En Marche à Mon­sieur Chris­tian Gelin en l’accusant d’avoir pro­fé­ré des paroles anti­sé­mites (« Israël doit ces­ser la colo­ni­sa­tion de la Pales­tine ») et d’avoir lan­cé des appels à l’antisémitisme (appel au B.D.S., moyen inter­na­tio­nal non-violent pour obli­ger Israël à res­pec­ter le Droit international).

    En igno­rant donc son enga­ge­ment comme nous sommes des mil­lions en France à être enga­gés contre la colo­ni­sa­tion de la Pales­tine, contre l’apartheid et pour la recon­nais­sance par la France d’un Etat pales­ti­nien uni et viable. A être donc anti­sio­nistes. Un enga­ge­ment inclus dans le com­bat plus vaste pour le res­pect des Droits humains , contre toutes formes de racisme dont l’antisémitisme.

    En regard de cette rapi­di­té à satis­faire les exi­gences des colons israé­liens et du gou­ver­ne­ment raciste actuel­le­ment en place en Israël, vous hési­tez à répondre aux simples ques­tions que je vous ai posées hier et que je vous repose :

    * La colo­ni­sa­tion de la Pales­tine par Israël est-elle, oui ou non, à l’instar de la colo­ni­sa­tion de l’Algérie par la France, un crime contre l’humanité ?

    * L’apartheid ins­tau­ré en Israël et en Pales­tine par Israël à l’égard des Pales­ti­niens et autres »Arabes », est-il, oui ou non, une pra­tique inhu­maine contraire au Droit international ?

    * Deman­der la fin de la colo­ni­sa­tion de la Pales­tine et la recon­nais­sance de l’Etat de Pales­tine est-il un crime d’antisémitisme, oui ou non ?

    * Choi­sir de par­ti­ci­per au moyen inter­na­tio­nal du Boy­cott, Dés­in­ves­tis­se­ment, Sanc­tions, pour peser de façon non-vio­lente sur le gou­ver­ne­ment actuel d’extrême-droite d’Israël, est-il, oui ou non, un acte cri­mi­nel d’antisémitisme ?

    * L’antisionisme (lutte contre la colo­ni­sa­tion et l’apartheid) est-il, oui ou non, de l’antisémitisme ?

    Si je suis, à vos yeux, à votre juge­ment, un anti­sé­mite parce que je suis un anti­sio­niste, alors il me faut arrê­ter de suite toute par­ti­ci­pa­tion à la cam­pagne pour faire gagner les dépu­tés de la Répu­blique En Marche.

    Nous atten­dons donc votre réponse avant de don­ner suite à notre enga­ge­ment pour les législatives.

    Res­pec­tueu­se­ment,

    André Quer­ré.
    Comi­té En Marche Porte d’Orléans 14ème.

    Source : Domi­nique Vidal, ancien rédac­teur en chef du Diplo :
    https://​www​.face​book​.com/​d​o​m​i​n​i​q​u​e​.​v​i​d​a​l​.​9​/​p​o​s​t​s​/​1​1​5​5​1​4​2​7​1​4​5​9​7​438

    Réponse
  2. etienne

    [À pro­pos de la guerre qui vient] La para­bole des coqs, expli­quée par le rab­bin Ron Chaya :
    httpv://www.youtube.com/watch?v=xp-XfFbFzNc

    Tout se passe comme si l’A­mé­rique et la France étaient deve­nues des colo­nies de l’ex­trême droite israé­lienne 🙁

    Réponse
  3. etienne

    SERMENT DE L’AIPAC : sur l’in­croyable domi­na­tion du Congrès amé­ri­cain (le par­le­ment US) par le lob­by sio­niste AIPAC, voyez cette repré­sen­tante qui évoque le ser­ment d’al­lé­geance à Israël (car­ré­ment) que doivent signer les élus américains :

    httpv://www.youtube.com/watch?v=xAgkB3VlGaU

    Réponse
  4. etienne

    Etats-Unis, le lobby pro-israélien : voyage autour d’un tabou

    Une pas­sion­nante enquête de « Là-bas si j’y suis » en octobre 2011 :

    https://la-bas.org/la-bas-magazine/les-archives-radiophoniques/2011–2012/octobre-512/etats-unis-le-lobby-pro-israelien-voyage-autour-d-un-tabou

    _____

    Etats-Unis, le lob­by pro-israé­lien : voyage autour d’un tabou
    19 octobre 2011 – télé­char­ger le son MP3 : http://​media​.la​-bas​.org/​m​p​3​/​1​1​1​0​1​9​/​1​1​1​0​1​9​.​mp3

    Réponse
  5. etienne
  6. etienne

    Décodex : Le Monde refuse de publier notre droit de réponse

    Posté par la rédaction de ReOpen911, le 4 mai 2017 :

    « Le 1er février 2017, le jour­nal Le Monde a lan­cé le Déco­dex, « un outil pour vous aider à véri­fier les infor­ma­tions qui cir­culent sur Inter­net et déni­cher les rumeurs, exa­gé­ra­tions ou défor­ma­tions ». Nous avons regar­dé ce que les Déco­deurs, l’é­quipe en charge du pro­jet, indi­quaient à pro­pos de notre site qui aide à véri­fier les infor­ma­tions qui cir­culent sur le 11 sep­tembre. On peut y lire que nous serions un « site conspi­ra­tion­niste qui remet en cause la « ver­sion offi­cielle » du 11 sep­tembre 2001 ». Nous y sommes réfé­ren­cés par­mi les sites clas­sés en rouge car nous dif­fu­se­rions « régu­liè­re­ment de fausses infor­ma­tions ou des articles trom­peurs. Res­tez vigi­lant et cher­chez d’autres sources plus fiables. Si pos­sible, remon­tez à l’origine de l’information ».

    La charte de Munich sti­pule pour­tant que les jour­na­listes doivent s’in­ter­dire de por­ter des accu­sa­tions sans fondement. 

    Nous avons alors deman­dé à Samuel Laurent, le res­pon­sable des Déco­deurs, de nous indi­quer des sources fiables sur le 11 sep­tembre, mais il n’a pas répon­du (rap­pe­lons que l’an­née der­nière, nous avons dénon­cé plu­sieurs men­songes qu’il avait pro­fé­rés contre notre asso­cia­tion). Nous aurions éga­le­ment sou­hai­té lui deman­der si un site qui remet en cause la ver­sion offi­cielle du 11 sep­tembre 2001 est néces­sai­re­ment « conspi­ra­tion­niste ». Si c’est le cas, cela vou­drait dire que pour les Déco­deurs, il ne faut pas la remettre en cause, et donc que les expli­ca­tions don­nées par l’ad­mi­nis­tra­tion Bush sont les bonnes et qu’il n’y a aucune rai­son d’en dou­ter. Si ce n’est pas le cas, cela signi­fie qu’il est tout à fait pos­sible de les contes­ter, mais que nous ne le fai­sons pas de la bonne manière. Samuel Laurent aurait pu alors nous indi­quer une meilleure manière de la remettre en cause, et mieux, il aurait pu appli­quer ses conseils de véri­fi­ca­tion de l’in­for­ma­tion à la ver­sion offi­cielle afin de nous mon­trer l’exemple. Il n’y a pro­ba­ble­ment pas pensé.

    Le terme ver­sion offi­cielle est mis entre guille­mets, pro­ba­ble­ment pour signi­fier qu’elle est nom­mée ain­si par ceux qui la contestent (mais effec­ti­ve­ment pas par ceux qui la défendent). Le Monde ne met pour­tant pas de guille­mets quand il s’a­git de men­tion­ner la contes­ta­tion d’autres ver­sions offi­cielles. Voi­ci quelques exemples d’ar­ticles qu’ils ont publiés ces der­nières années :

    - La ver­sion offi­cielle du décès d’Al­phonse Dia­nou contestée
    – La ver­sion offi­cielle de l’o­pé­ra­tion « Vic­tor » contes­tée par les indépendantistes
    – La ver­sion offi­cielle de Pékin sur la mort de sept Ouï­gours remise en cause
    – Affaire de la « cagnotte » : une note secrète dément la ver­sion offi­cielle de Bercy
    – Etu­diants dis­pa­rus au Mexique : une enquête met à mal la ver­sion officielle
    – Dis­pa­rus du Mexique : Human Rights Watch et Amnes­ty mettent en doute la ver­sion officielle
    – Mort de Mas­kha­dov : le par­quet dément la ver­sion officielle
    – La famille de l’A­mé­ri­cain déca­pi­té conteste la ver­sion offi­cielle de l’a­vè­ne­ment du drame
    – « Guerre éclair dans le Golfe » La ver­sion offi­cielle de l’o­pé­ra­tion « Daguet »
    – Dis­pa­ri­tion de 43 étu­diants au Mexique : la ver­sion offi­cielle à nou­veau contestée
    – Prise d’o­tages de Neuilly : le Syn­di­cat de la magis­tra­ture met en doute la ver­sion offi­cielle de la mort d’E­rick Schmitt
    – Washing­ton doute de la ver­sion offi­cielle russe de l’af­faire Gluck
    – Une ONG chi­noise remet en cause la ver­sion offi­cielle sur la révolte tibé­taine de 2008
    – Une vidéo inédite contre­dit la ver­sion offi­cielle russe du drame de Beslan
    – « Bloo­dy Sun­day » : un sol­dat contre­dit la ver­sion offi­cielle des faits
    – Timor-Orien­tal : le gou­ver­neur met en doute la ver­sion offi­cielle du mas­sacre du 12 novembre

    Y com­pris sur Ben Laden :
    – Dans un livre, un Navy Seal contre­dit la ver­sion offi­cielle de la mort de Ben Laden

    Plu­sieurs cri­tiques ont été adres­sées au Déco­dex, que l’on peut lire par exemple ici ou ici. Le site Reflets​.info a éga­le­ment dénon­cé les amal­games des Décodeurs : 

    [image de l'extrait de Reflets.info]

    Les Déco­deurs ont pris connais­sance de ces remarques et ont appor­té quelques modi­fi­ca­tions à leur outil, mais leur juge­ment sur notre tra­vail n’a pas évo­lué. Pour jus­ti­fier leur déci­sion de nous clas­ser par­mi les sites « dif­fu­sant régu­liè­re­ment de fausses infor­ma­tion », ils donnent deux liens. Un article publié il y a 8 ans par Rue89 qui ne démontre rien, et un autre publié en 2014 sur L’Ex­press, qui ne démontre rien de plus. Pour ce second article, nous avions été contac­té par Adrien Séné­cat, un des res­pon­sables de l’as­so­cia­tion lui avait répon­du et avait cher­ché à savoir si le jour­na­liste avait des pré­ju­gés sur notre tra­vail. Même si nous ne met­tons pas tous les jour­na­listes dans le même panier, nous savions que L’Ex­press avait tou­jours défen­du la thèse offi­cielle, et avait cher­ché à dis­cré­di­ter les scep­tiques. Nous connais­sons aus­si les obses­sions de ce jour­nal, nous avions donc quelques rai­sons de ne pas accor­der toute notre confiance à ce journaliste.

    Notre méfiance était jus­ti­fiée puis­qu’il n’a rete­nu, de la ving­taine de minutes qu’il a pas­sé à dis­cu­ter avec nous, que la ques­tion que nous lui posions sur ses éven­tuels pré­ju­gés à notre égard, qu’il a qua­li­fiée de para­noïa. Signa­lons que le même jour­na­liste nous a men­tion­né un an après dans un autre article, il tra­vaillait alors pour le site Buzz­feed, dans lequel notre asso­cia­tion n’a cette fois pas été décrit de façon péjorative.

    Les Déco­deurs donnent pour­tant des « conseils pour faire la dis­tinc­tion entre le doute légi­time et le conspi­ra­tion­nisme ». Ils indiquent « quelques signes qui per­mettent de déce­ler les théo­ries conspi­ra­tion­nistes et quelques conseils pour les déconstruire » :

    1. Un groupe obs­cur qui tire les ficelles.
    2. Le détail pré­sen­té comme une preuve absolue.
    3. Les coïn­ci­dences qui deviennent des preuves.
    4. L’absence de source fiable devient un argu­ment supplémentaire.
    5. La rhé­to­rique conspi­ra­tion­niste n’accepte pas les remises en cause.
    6. Par­fois, on ne peut pas tout expli­quer dans la fou­lée d’un événement.
    7. Atten­tion à ne pas voir des conspi­ra­tion­nistes partout.

    On pour­ra faire remar­quer aux Déco­deurs que la rhé­to­rique qui n’ac­cepte pas les remises en cause se trouve prin­ci­pa­le­ment chez ceux qui sont per­sua­dés que le com­plot du 11 sep­tembre a été our­di par Ben Laden et al-Qaï­da. Rap­pe­lons que nous atten­dons tou­jours les preuves pro­mises par l’ad­mi­nis­tra­tion Bush après ces atten­tats. Au regard de cette absence de preuve, de l’existence de nom­breuses omis­sions et don­nées contra­dic­toires dont nous infor­mons le public, il nous semble légi­time de faire part de notre scep­ti­cisme vis-à-vis de la thèse gou­ver­ne­men­tale. Néan­moins, nous ne défen­dons aucune thèse alter­na­tive. Le qua­li­fi­ca­tif de « site conspi­ra­tion­niste » est donc par­fai­te­ment men­son­ger et va à l’en­contre de toute éthique jour­na­lis­tique. Tou­jours est-il qu’il n’a pas été pos­sible d’ob­te­nir plus d’ex­pli­ca­tions de la part des Déco­deurs.

    Notre avo­cat (que l’on remer­cie à nou­veau) a donc pré­pa­ré une demande de publi­ca­tion de droit de réponse et le leur a fait par­ve­nir, afin que les lec­teurs du Monde puissent entendre un autre son de cloche :

    « L’association ReOpen911 ne sou­tient aucune thèse conspi­ra­tion­niste et ne délivre aucune fausse infor­ma­tion à son lec­to­rat, à qui elle sou­haite, au contraire, per­mettre de béné­fi­cier de la plus ample infor­ma­tion sur les évé­ne­ments du 11 sep­tembre 2001. Notre métho­do­lo­gie d’enquête est rigou­reuse et fon­dée sur des tra­vaux d’experts (uni­ver­si­taires, jour­na­listes d’investigation…) véri­fiés et sourcés.

    Depuis notre créa­tion, nous ne pour­sui­vons qu’un seul objec­tif : por­ter à la connais­sance du public les infor­ma­tions majeures rela­tives aux atten­tats du 11 sep­tembre 2001 et sou­te­nir ain­si les familles de vic­times dans leur com­bat pour qu’une enquête appro­fon­die soit réa­li­sée et pour que les res­pon­sa­bi­li­tés, éven­tuel­le­ment pénales, dans ce drame puissent être mise à jour. »

     
    Les Déco­deurs ont refu­sé de publier ce droit de réponse (contrai­re­ment à la rédac­tion du jour­nal Le Point qui avait accep­té celui qui nous lui avions envoyé il y a quelques années). Nous aurions pu les pour­suivre en jus­tice mais nous pré­fé­rons consa­crer nos res­sources à des pro­jets plus utiles. Vous pou­vez d’ailleurs nous aider en fai­sant un don sur cette page. »

    – La rédac­tion de ReOpen911 –

    http://​www​.reo​pen911​.info/​1​1​-​s​e​p​t​e​m​b​r​e​/​d​e​c​o​d​e​x​-​l​e​-​m​o​n​d​e​-​r​e​f​u​s​e​-​d​e​-​p​u​b​l​i​e​r​-​n​o​t​r​e​-​d​r​o​i​t​-​d​e​-​r​e​p​o​n​se/

    Réponse
  7. etienne

    Le « RussiaGate », un coup d’État en douce

    par Robert Par­ry – Le 13 mai 2017 – Source Consor­tium News

    L’hystérie qui entoure le Rus­sia­Gate a pris de l’ampleur après que le pré­sident Trump a ren­voyé le direc­teur du FBI, Comey, mais la grande ques­tion est de savoir si un « coup d’État en douce » est en train de se dérou­ler ou pas aux États-Unis, rap­porte Robert Parry.

    Où est Stan­ley Kubrick quand on a besoin de lui ? S’il n’était pas mort en 1999, il serait un par­fait réa­li­sa­teur pour trans­for­mer l’hystérie contem­po­raine à pro­pos de la Rus­sie en un théâtre de l’absurde repre­nant son clas­sique de la guerre froide,Dr Stran­ge­love – Dr Fola­mour –, une satire très moqueuse sur la folie du nucléaire et la non moins folle idéo­lo­gie qui la sous tend.

    Pour ali­men­ter mon point de vue, le Washing­ton Post a publié jeu­di une longue his­toire inti­tu­lée « Atten­tion, un russe dans la Mai­son Blanche », article por­tant sur un pho­to­graphe russe auto­ri­sé à entrer dans le bureau ovale pour pho­to­gra­phier la réunion entre le pré­sident Trump et le ministre russe des Affaires étran­gères, Ser­gueï Lavrov.

    Le Post a cité les plaintes d’anciens res­pon­sables du ren­sei­gne­ment amé­ri­cains qui ont pré­sen­té la pré­sence du pho­to­graphe russe comme « une éven­tuelle vio­la­tion du sys­tème de sécu­ri­té » en rai­son du « dan­ger qu’un dis­po­si­tif d’écoute ou tout autre équi­pe­ment de sur­veillance ait pu être ame­né dans le bureau ovale, caché dans les appa­reils pho­tos ou un autre appa­reil électronique ».

    Pour accen­tuer plus encore la ten­sion, le Washing­ton Post a cité un com­men­taire Twit­ter du der­nier direc­teur adjoint du pré­sident Oba­ma, David S. Cohen, décla­rant« Non, ce n’était pas » une bonne déci­sion d’admettre le pho­to­graphe russe qui tra­vaille éga­le­ment pour l’agence de presse russe Tass, celle qui a publié la fameuse photo.

    On ima­gine très bien Boris et Nata­cha [affu­blés, comme par hasard, de pré­noms russes, NdT], les méchants espions du des­sin ani­mé Bull­winkle, dégui­sés en pho­to­graphes et glis­sant des micros entre les cous­sins des canapés.

    Ou on entend très bien com­ment les Russes menacent de nou­veau « de souiller tous nos fluides cor­po­rels pré­cieux », comme le Dr. Fola­mour, le géné­ral Jack D. Rip­per, nous en pré­ve­nait dans le film de 1964.

    Revoir cette brillante tra­gi-comé­die pour­rait être une bonne idée pour nous rap­pe­ler com­ment les Amé­ri­cains peuvent deve­nir fous quand ils sont inon­dés de pro­pa­gande anti russe, comme c’est de nou­veau le cas maintenant.

    Abattre Trump

    Je me suis ren­du compte que beau­coup de démo­crates, de libé­raux et de pro­gres­sistes détestent tel­le­ment Donald Trump qu’ils pensent que tous les pré­textes sont bons pour le faire tom­ber, même si cela pro­fite aux néo­con­ser­va­teurs et autres va-t-en-guerre. Beau­coup de ceux qui détestent Trump consi­dèrent le Rus­sia­Gate comme le moyen le plus sus­cep­tible d’arriver à des­ti­tuer Trump, donc cette fin sou­hai­table jus­ti­fie, pour eux, tous les moyens.

    Cer­taines per­sonnes m’ont même dit qu’elles pen­saient vrai­ment qu’il incom­bait aux médias de masse, aux forces de l’ordre, aux ren­sei­gne­ments, et aux membres du Congrès de s’engager dans un « coup en douce » contre Trump, éga­le­ment connu sous le nom de « coup consti­tu­tion­nel » ou « coup par l’État pro­fond », tout ceci pour le« bien du pays ».

    L’argument est qu’il incombe par­fois à ces ins­ti­tu­tions de « cor­ri­ger » une erreur com­mise par les élec­teurs amé­ri­cains, dans notre cas, l’élection d’un indi­vi­du lar­ge­ment non qua­li­fié en tant que pré­sident du pays. Cer­tains mili­tants anti Trump consi­dèrent qu’il est de la res­pon­sa­bi­li­té des jour­na­listes « res­pon­sables », des fonc­tion­naires du gou­ver­ne­ment et d’autres per­sonnes de jouer ce rôle de« gar­dien », de ne pas sim­ple­ment « résis­ter » à Trump [ou juste le sur­veiller, NdT], mais de car­ré­ment le destituer.

    Il y a des contre-argu­ments évi­dents à ce point de vue, en par­ti­cu­lier qu’il trans­forme la démo­cra­tie amé­ri­caine en une cari­ca­ture d’elle-même. Il impose éga­le­ment aux jour­na­listes de vio­ler la res­pon­sa­bi­li­té éthique qui leur demande de faire des rap­ports objec­tifs, de ne pas prendre par­ti dans les dis­putes politiques.

    Mais le New York Times et le Washing­ton Post, en par­ti­cu­lier, ont clai­re­ment indi­qué qu’ils consi­dèrent Trump comme un dan­ger visible et immé­diat pour le sys­tème amé­ri­cain et ont donc mis de coté toute obli­ga­tion de neutralité.

    Le Times jus­ti­fie son hos­ti­li­té ouverte envers le pré­sident par l’alibi qu’il est de son devoir de pro­té­ger « la véri­té »; le Washing­ton Post a adop­té un slo­gan visant Trump,« La démo­cra­tie se meurt dans l’obscurité ». En d’autres termes, les deux jour­naux poli­tiques états-uniens les plus influents poussent effec­ti­ve­ment à un « coup en douce » sous le pré­texte de défendre la « démo­cra­tie » et la « véri­té ».

    Mais le pro­blème évident avec ce « coup en douce » est que le pro­ces­sus démo­cra­tique états-unien, aus­si impar­fait qu’il l’a été et l’est encore, a main­te­nu l’unité de ce pays diver­si­fié depuis 1788, à l’exception notable de la guerre civile.

    Si les Amé­ri­cains pensent que les élites de Washing­ton cherchent à faire tom­ber un pré­sident élu – même un clown comme Donald Trump – cela pour­rait déchi­rer le tis­su de l’unité natio­nale, qui subit déjà une ten­sion extra­or­di­naire due au cli­vage politique.

    Cela signi­fie que ce « coup en douce » doit prendre l’apparence d’une enquête sérieuse sur quelque chose de grave pour jus­ti­fier la des­ti­tu­tion du pré­sident, celle ci pou­vant être accom­pli par le Congrès, sa démis­sion for­cée ou l’application du vingt cin­quième amen­de­ment qui per­met au vice-pré­sident et à la majo­ri­té du Cabi­net minis­té­riel de juger un pré­sident comme étant inca­pable d’assumer ses fonc­tions (bien que cela puisse exi­ger les deux tiers des voix des deux chambres du Congrès si le pré­sident com­bat la manœuvre).

    Un gros « scan­dale »

    C’est là que le Rus­sia­Gate entre en scène. L’allégation vaseuse selon laquelle Trump et/ou ses conseillers étaient en une sorte de col­lu­sion avec les res­pon­sables du ren­sei­gne­ment russe pour biai­ser les élec­tions pré­si­den­tielles de 2016, four­ni­rait pro­ba­ble­ment une accu­sa­tion suf­fi­sam­ment extrême pour jus­ti­fier la des­ti­tu­tion d’un président.

    Et, compte tenu de la déter­mi­na­tion de nom­breux per­son­nages clés de l’establishment pour se débar­ras­ser de Trump, il n’est pas sur­pre­nant que per­sonne ne se sou­cie du fait qu’aucune preuve réelle et cer­ti­fiée n’ait été révé­lée publi­que­ment pour étayer les allé­ga­tions du RussiaGate.

    Il n’existe même pas de preuves publiques don­nées par les agences gou­ver­ne­men­tales amé­ri­caines selon les­quelles la Rus­sie s’est « mêlée » des élec­tions de 2016 ou – même si la Rus­sie a trans­mis les cour­riels du par­ti Démo­crate à Wiki­Leaks  – il n’y a aucune preuve que la magouille résul­te­rait d’une col­lu­sion avec Trump ou son équipe de campagne.

    Le FBI enquête sur ces soup­çons depuis au moins neuf mois, s’assurant même un man­dat contre Car­ter Page dans le cadre de  la loi sur la Sur­veillance des ren­sei­gne­ments étran­gers, un Amé­ri­cain que Trump a briè­ve­ment employé comme conseiller en matière de poli­tique étran­gère, lorsqu’il était cri­ti­qué pour n’avoir aucun conseiller dans ce domaine.

    L’une des infrac­tions pré­su­mées de Page est d’avoir pro­non­cé un dis­cours, dans le cadre d’une confé­rence aca­dé­mique à Mos­cou en juillet 2016, qui était légè­re­ment cri­tique à l’égard de la manière dont les États-Unis trai­taient des pays de l’ex-Union sovié­tique. Il a éga­le­ment vécu en Rus­sie et a ren­con­tré un diplo­mate russe qui – sans que Page ne le sache – avait été iden­ti­fié par le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain comme un agent des ren­sei­gne­ments russes.

    Il semble que ce soit suf­fi­sant, en ces jours de nou­veau McCar­thysme, pour qu’un amé­ri­cain fasse l’objet d’une puis­sante enquête de contre renseignement.

    Le FBI et le minis­tère de la Jus­tice auraient éga­le­ment inclus dans le cadre de l’enquête du Rus­sia­Gate, la stu­pide plai­san­te­rie faite par Trump pen­dant sa cam­pagne, deman­dant aux Russes d’aider à trou­ver les dizaines de mil­liers de cour­riels qu’Hillary Clin­ton a effa­cés du ser­veur qu’elle uti­li­sait en tant que secré­taire d’État.

    Le 27 juillet 2016, Trump a décla­ré en plai­san­tant : « Je vais vous dire, Rus­sie : si vous écou­tez, j’espère que vous pour­rez trou­ver les 30 000 cour­riels manquants. »

    Le com­men­taire cor­res­pond bien au sens de l’humour noir, pro­vo­ca­teur et sou­vent de mau­vais goût de Trump, mais a été sai­si au pas­sage par les démo­crates comme s’il s’agissait d’une sug­ges­tion sérieuse – comme si quelqu’un uti­li­se­rait une confé­rence de presse pour exhor­ter sérieu­se­ment à quelque chose comme ça. Mais il semble que le FBI en soit au point de sai­sir tout grain qui puisse ali­men­ter son moulin.

    Le Guar­dian a rap­por­té cette semaine que « les res­pon­sables du Depart­ment Of Jus­tice [DoJ] ont refu­sé de publier les docu­ments [au sujet du com­men­taire de Trump] au motif que cette divul­ga­tion pour­rait ‘inter­fé­rer avec l’enquête’ ». Dans une dépo­si­tion à la cour fédé­rale de Washing­ton DC, le DoJ déclare qu’«en rai­son de l’existence d’une enquête active et en cours, le FBI pré­voit qu’il … gar­de­ra tous les enre­gis­tre­ments sous clé ».

    « La décla­ra­tion sug­gère que le com­men­taire pro­vo­ca­teur de Trump de juillet der­nier est consi­dé­ré par le FBI comme per­ti­nent pour sa propre enquête en cours. »

    Les accu­sa­tions du New York Times

    Ven­dre­di, dans la fou­lée du ren­voi du direc­teur du FBI, James Comey,  par Trump et de la remarque faite par le Pré­sident disant que le Rus­sia­Gate est « un vrai canu­lar », le New York Times a réédi­té ce qu’il appelle « la connexion Trump-Rus­sie »dans un édi­to­rial de pre­mière page pour essayer de mettre quelques flammes der­rière l’écran de fumée.

    Bien que le Times recon­naisse qu’il y a « beau­coup d’inconnues » dans le Rus­sia­Gate et qu’il semble ne pas avoir trou­vé la moindre preuve de col­lu­sion, ce jour­nal consi­dère néan­moins qu’un grand nombre de conseillers de Trump et de membres de sa famille sont des traîtres parce qu’ils ont eu quelques rela­tions avec des res­pon­sables russes, des entre­prises russes ou des par­te­naires russes.

    A pro­pos de Car­ter Page, le Times écrit : « Les res­pon­sables amé­ri­cains pensent que M. Page, conseiller en poli­tique étran­gère, a eu des contacts avec des res­pon­sables du ren­sei­gne­ment russe durant la cam­pagne. Il a éga­le­ment pro­non­cé un dis­cours pro-russe à Mos­cou en juillet 2016. M. Page était aupa­ra­vant employé par le bureau Mer­rill Lynch de Mos­cou, où il a tra­vaillé avec Gaz­prom, une énorme entre­prise publique. »

    Vous vou­drez peut-être lais­ser tom­ber cer­tains de ces mots, en par­ti­cu­lier la par­tie sur Page « tenant un dis­cours pro-russe à Mos­cou », qui a été cité comme l’une des prin­ci­pales rai­sons pour les­quelles Page et ses com­mu­ni­ca­tions ont été ciblées en ver­tu d’un man­dat FISA.

    J’ai pris la peine de lire le dis­cours de Page et l’appeler « pro-russe » est une exa­gé­ra­tion énorme. Il s’agissait d’un expo­sé lar­ge­ment aca­dé­mique qui cri­ti­quait le trai­te­ment par l’Occident, après la guerre froide, des nations for­mant l’ancienne Union sovié­tique, et qui disait que la course effré­née vers un sys­tème libé­ral a entraî­né des consé­quences néga­tives, comme la pro­pa­ga­tion de la corruption.

    Et même si le dis­cours était « pro-Rus­sie », The New York Times ne res­pecte-t-il pas la notion pro­fonde de liber­té d’expression amé­ri­caine ? Appa­rem­ment non. Si vos mots soi­gneu­se­ment choi­sis peuvent être défor­més en quelque chose de « pro-Rus­sie », le Times semble pen­ser qu’il est nor­mal que l’Agence natio­nale de sécu­ri­té [la NSA] espionne vos télé­phones et lise vos courriels.

    Le cas ukrainien

    Une autre cible du Times est le conseiller poli­tique vété­ran, Paul Mana­fort, accu­sé de tra­vailler comme « consul­tant pour un par­ti poli­tique pro-russe en Ukraine et pour l’ancien pré­sident ukrai­nien, Vik­tor Ianou­ko­vitch, qui était sou­te­nu par le Kremlin ».

    Ce que le Times oublie, c’est que ce par­ti poli­tique ukrai­nien, qui avait un fort sou­tien des Ukrai­niens d’ethnie russe, et pas seule­ment de la Rus­sie, a par­ti­ci­pé à un pro­ces­sus démo­cra­tique et que Ianou­ko­vitch a rem­por­té une élec­tion recon­nue par les obser­va­teurs inter­na­tio­naux comme libre et équitable.

    Ianou­ko­vitch a ensuite été évin­cé en février 2014 par un violent putsch qui a été sou­te­nu par la secré­taire d’État états-unienne, Vic­to­ria Nuland, et l’ambassadeur Geof­frey Pyatt. Le putsch, qui a été exé­cu­té par des natio­na­listes de droite et même des néo­na­zis, a pro­vo­qué la guerre civile ukrai­nienne et la séces­sion de la Cri­mée, des évé­ne­ments clés dans l’escalade de la nou­velle guerre froide d’aujourd’hui, entre l’OTAN et la Russie.

    Même si je ne suis pas fan des mer­ce­naires poli­tiques amé­ri­cains ven­dant leurs ser­vices pour des élec­tions étran­gères, il n’y avait rien d’illégal ou même d’inhabituel à ce que Mana­fort conseille un par­ti poli­tique ukrai­nien. Ce qui, sans doute, était beau­coup plus offen­sant, était le sou­tien des États-Unis à ce coup d’État anti­cons­ti­tu­tion­nel qui a ren­ver­sé Ianou­ko­vitch, même après qu’il avait accep­té un plan euro­péen pour les élec­tions anti­ci­pées qui per­met­tait de le ren­voyer de la pré­si­dence de façon pacifique.

    Mais le Times, le Post et pra­ti­que­ment tous les médias tra­di­tion­nels occi­den­taux ont sou­te­nu les put­schistes ukrai­niens et ont applau­di au ren­ver­se­ment de Ianou­ko­vitch. Cette atti­tude est deve­nue un tel pré­ju­gé col­lec­tif que le Times a même ban­ni l’idée qu’il y aurait eu un coup d’État.

    Pour­tant, le plus grand pro­blème poli­tique auquel sont confron­tés les États-Unis est que les néo­con­ser­va­teurs et leurs par­te­naires juniors, les libé­raux inter­ven­tion­nistes, contrôlent main­te­nant presque tous les leviers de la poli­tique étran­gère amé­ri­caine. Cela signi­fie qu’ils peuvent essen­tiel­le­ment dic­ter com­ment les évé­ne­ments mon­diaux seront per­çus par la plu­part des Américains.

    Les néo­cons et les fau­cons libé­raux veulent éga­le­ment pour­suivre leurs guerres ouvertes au Moyen-Orient en orga­ni­sant l’engagement d’autres forces mili­taires amé­ri­caines en Afgha­nis­tan, en Irak et en Syrie – et peut-être même ouvrir une nou­velle confron­ta­tion avec l’Iran.

    Dès le début du deuxième man­dat d’Obama, il est appa­ru clai­re­ment aux néo­cons que la Rus­sie deve­nait le prin­ci­pal obs­tacle à leurs plans parce que le pré­sident Barack Oba­ma tra­vaillait en étroite col­la­bo­ra­tion avec le pré­sident Vla­di­mir Pou­tine sur une varié­té de pro­jets qui ont sapé les espoirs de guerre totale des néocons.

    En par­ti­cu­lier, Pou­tine a aidé Oba­ma à obte­nir un accord pour que la Syrie aban­donne ses stocks d’armes chi­miques en 2013 et faire en sorte que l’Iran accepte des contraintes sévères à son pro­gramme nucléaire en 2014. Dans les deux cas, les néo­cons et leurs aco­lytes libé­raux vou­laient la guerre.

    Immé­dia­te­ment après l’accord sur les armes chi­miques de Syrie, en sep­tembre 2013, les néo­con­ser­va­teurs amé­ri­cains ont com­men­cé à se concen­trer sur l’Ukraine, que le pré­sident de la Fon­da­tion natio­nale pour la démo­cra­tie, Carl Gersh­man, consi­dère comme « le grand prix » et un pre­mier pas vers l’éviction de Poutine.

    Gersh­man, de la NED [Natio­nal Endow­ment for Demo­cra­cy] a inten­si­fié ses opé­ra­tions en Ukraine, tan­dis que la secré­taire adjointe Nuland, la femme de l’archi néo­con Robert Kagan, a com­men­cé à faire pres­sion pour un chan­ge­ment de régime à Kiev (avec d’autres néo­cons, y com­pris le séna­teur John McCain).

    Le coup d’État de l’Ukraine en 2014 a enfon­cé un coin géo­po­li­tique entre Oba­ma et Pou­tine, puisque le pré­sident russe ne pou­vait pas ne rien faire alors qu’un régime for­te­ment anti-russe pre­nait vio­lem­ment le pou­voir en Ukraine, pays qui est le che­min habi­tuel uti­li­sé pour les inva­sions de la Rus­sie et qui, en plus, abrite la flotte russe de la mer Noire à Sébas­to­pol en Crimée.

    Plu­tôt que de défendre la pré­cieuse coopé­ra­tion four­nie par Pou­tine, Oba­ma est entré dans le flot poli­tique et s’est joint au Rus­sia-bashing tan­dis que les néo­cons levaient leurs armes et met­taient Pou­tine dans le viseur.

    Un obs­tacle inattendu

    Puis, pour les néo-conser­va­teurs,  2016 fut l’année de l’attente enthou­siaste d’une pré­si­dence d’Hillary Clin­ton afin de don­ner plus d’élan à cette coû­teuse nou­velle guerre froide. Mais Trump, qui avait plai­dé pour une nou­velle détente avec la Rus­sie, a réus­si à rem­por­ter la vic­toire au Col­lège électoral.

    Trump aurait peut être pu dis­soudre une par­tie de l’hostilité à son égard, mais sa per­son­na­li­té nar­cis­sique l’a empê­ché de tendre un rameau d’olivier aux dizaines de mil­lions d’Américains qui se sont oppo­sés à lui. Il a en outre démon­tré son incom­pé­tence poli­tique en gas­pillant ses pre­miers jours à la pré­si­dence à faire des décla­ra­tions ridi­cules au sujet de la taille de la foule à son inau­gu­ra­tion et à contes­ter le fait qu’il avait per­du le vote populaire.

    Le large dégoût public pro­vo­qué par son com­por­te­ment a contri­bué à pous­ser de nom­breux Amé­ri­cains à « résis­ter » à sa pré­si­dence, à toutes les occa­sions et à tout prix.

    Cepen­dant, en plus des risques pour la sta­bi­li­té amé­ri­caine d’un « coup en douce »per­pé­tré par l’establishment, il y a le dan­ger sup­plé­men­taire de pro­vo­quer des ten­sions si éle­vées avec la Rus­sie, une puis­sance nucléaire, que cette pous­sée prenne forme d’elle-même, avec sans doute beau­coup, beau­coup de morts en conséquence.

    C’est pour­quoi l’Amérique pour­rait main­te­nant avoir besoin d’une satire grin­çante de cette rus­so­pho­bie contem­po­raine ou au moins une réédi­tion du clas­sique de la guerre froide, « Dr. Fola­mour », sous-titré « Com­ment j’ai appris à ces­ser de m’inquiéter et à aimer la bombe ».

    Robert Par­ry

    Tra­duit par Wayan pour le Saker Francophone
    Source : Le Saker fran­co­phone, http://​lesa​ker​fran​co​phone​.fr/​l​e​-​r​u​s​s​i​a​g​a​t​e​-​u​n​-​c​o​u​p​-​d​e​t​a​t​-​e​n​-​d​o​uce

    Réponse
  8. etienne

    [Le chaos et la vio­lence cri­mi­nelle au Vene­zue­la sont sciem­ment pro­vo­qués par la droite, c’est un nou­veau coup d’É­tat – Et nos médias fran­çais (tous ven­dus aux riches) appuient tous les jours ce coup d’É­tat anti­so­cial en pré­sen­tant Madu­ro comme un tyran]

    Guerre sournoise en Équateur, guerre totale au Venezuela

    Par Maurice Lemoine  |  27 avril 2017

    Source : http://​www​.mede​lu​.org/​G​u​e​r​r​e​-​s​o​u​r​n​o​i​s​e​-​e​n​-​E​q​u​a​t​eur

    Equa­teur, 2 avril 2017 : au second tour de l’élection pré­si­den­tielle, le can­di­dat de la « révo­lu­tion citoyenne » Lenín More­no (Alliance Pays ; AP) affronte l’ex-ministre de l’économie (1999) et ban­quier mul­ti­mil­lion­naire Guiller­mo Las­so (Créons des Oppor­tu­ni­tés ; CREO) qu’il a devan­cé au pre­mier tour (39,36 % des voix contre 28,11 %). Rafael Cor­rea qui, depuis 2007, a ren­du sa sta­bi­li­té au pays grâce à d’incontestables avan­cées sociales, ne se repré­sen­tait pas [1].

    Il n’est pas encore 17 heures et les bureaux de vote ne sont pas fer­més quand Rafael Cues­ta, ancien dépu­té social-chré­tien (PSC, droite) deve­nu « vice-pré­sident de l’information » de la chaîne de télé­vi­sion Canal Uno, annonce à l’écran, avec une évi­dente satis­fac­tion : « Nous avons un pré­sident de la Répu­blique et c’est Guiller­mo Las­so. » A 18 h 30, sur la base du même son­dage « sor­tie des urnes » effec­tué par l’Institut Ceda­tos, étroi­te­ment lié à la Banque de Guaya­quil (dont le prin­ci­pal action­naire s’appelle… Guiller­mo Las­so), le jour­na­liste vedette Alfre­do Pinoar­gote salue joyeu­se­ment sur Ecua­vi­sa celui que, depuis six mois, il a invi­té moult fois dans son pro­gramme « Contact direct » :« Féli­ci­ta­tions, pré­sident ! » Autre grande chaîne com­mer­ciale, Telea­ma­zo­nas déroule la même partition.

    Son­dages et médias étant à l’évidence plus impor­tants que les élec­teurs, les urnes et les résul­tats offi­ciels, encore incon­nus à ce moment, Las­so gra­ti­fie les siens d’un dis­cours de chef d’Etat et tous, dans une grande allé­gresse, fêtent « le retour de la liber­té ». De quoi feindre tom­ber des nues lorsque, à 20 heures, le Conseil natio­nal élec­to­ral (CNE) annonce la vic­toire du socia­liste More­no avec 51,16 % des voix. Las­so, qui avait déjà hur­lé à la fraude lors du pre­mier tour, sans en appor­ter aucune preuve, entonne le même leit­mo­tiv : outre Ceda­tos, deux « comp­tages rapides » – ceux des ins­ti­tuts Mar­ket et Informe Confi­den­cial – l’ont pla­cé en tête, dans une four­chette allant de 51,5 % à 53 % des suf­frages. Informe Confi­den­cial démen­ti­ra bien avoir effec­tué un tel son­dage, mais il en fau­drait plus pour émou­voir la droite équa­to­rienne et ses alliés.

    Dès le len­de­main, le quo­ti­dien Expre­so publie une page entière dédiée au « pré­sident Las­so ». Les influents El Uni­ver­so et El Comer­cio (pour ne citer qu’eux) semant éga­le­ment le doute sur la vali­di­té du résul­tat, les mani­fes­ta­tions et ten­ta­tives de prise des locaux du CNE par quelques cen­taines de per­sonnes se mul­ti­plient. Sans jamais atteindre le niveau « pro­tes­ta­tions de masse » espé­ré par leurs ini­tia­teurs, elles vont se pour­suivre, Las­so exi­geant, sans aucune jus­ti­fi­ca­tion juri­dique, un recomp­tage de 100 % des bul­le­tins et décla­rant le 13 avril : « Pour se battre contre une dic­ta­ture, il ne faut pas seule­ment des votes, il faut être dans la rue ! » Pour­tant, les auto­ri­tés ont déjà accé­dé par­tiel­le­ment à sa demande et le réexa­men de 296 340 votes contes­tés dans cinq pro­vinces n’a en rien modi­fié les résul­tats. Mani­fes­te­ment conscients de l’inanité de leurs récla­ma­tions, les repré­sen­tants de CREO ne se sont même pas dépla­cés pour assis­ter au recomp­tage effec­tué dans la pro­vince de Pichin­cha : « Notre pré­sence n’aurait fait que vali­der cet abus contre la démo­cra­tie »,se sont-ils conten­tés de déclarer.

    Lorsque, le 14 avril, « par sou­ci de trans­pa­rence et pour la tran­quilli­té du pays » (dit autre­ment : pour en finir avec le « show » mon­té par l’opposition), le CNE annonce qu’il va effec­tuer le 18 avril un recomp­tage por­tant sur 1 275 450 voix, cor­res­pon­dant à 3 865 pro­cès-ver­baux contes­tés « dans les règles », en pré­sence de délé­gués de toutes les orga­ni­sa­tions poli­tiques natio­nales et locales, Las­so et les diri­geants de CREO annoncent… qu’ils refusent d’y assis­ter. Quelques jours aupa­ra­vant, l’ex-député « ultra » du par­ti Socié­té patrio­tique (SP) [2] Fer­nan­do Bal­da avait fait un appel du pied aux mili­taires : « Que coûte au haut com­man­de­ment de don­ner une confé­rence de presse et de deman­der un recomp­tage total des votes ? » Avant de s’indigner, n’ayant trou­vé aucun put­schiste en puis­sance : « Ils ne le font pas ! »

    Au jour dit, après que le recomp­tage, retrans­mis inté­gra­le­ment et en direct à la télé­vi­sion, ait confir­mé les chiffres ini­tia­le­ment annon­cés, Las­so décla­re­ra : « Jamais je ne recon­naî­trai la vic­toire du can­di­dat décla­ré pré­sident élu par le CNE (… ) Lenín More­no sera le suc­ces­seur d’un dic­ta­teur et gou­ver­ne­ra sans légi­ti­mi­té [3]. » Pour qui dou­te­rait de la stra­té­gie mise en œuvre, les jour­na­listes Andrés Car­rión et Martín Pal­lares inter­ro­gés le 4 avril dans le pro­gramme « Châ­ti­ment divin » l’avaient pré­ci­sée : « Ce qui peut être fait, c’est miner la légi­ti­mi­té de ceux qui ont été, entre paren­thèses, élus. Ces gens doivent savoir que, s’ils arrivent au pou­voir, ce sera un pou­voir vicié et affai­bli. Qu’ils auront des pro­blèmes pour l’exercer. » En résu­mé : Lenín More­no n’occupe pas encore sa fonc­tion que déjà se des­sine la guerre sour­noise des­ti­née à pola­ri­ser la socié­té et à le délé­gi­ti­mer afin de le désta­bi­li­ser plus faci­le­ment dès que les cir­cons­tances s’y prêteront.

    Qui s’en sou­vient ? C’est ain­si qu’a com­men­cé la très grave crise dans laquelle se débat actuel­le­ment le Vene­zue­la. En avril 2013, Nicolás Madu­ro, « dau­phin » du dis­pa­ru Hugo Chá­vez, ayant bat­tu Hen­rique Capriles (Table de l’unité démo­cra­tique ; MUD) avec 50,75 % des suf­frages, ce résul­tat ser­ré entraî­na lui aus­si des accu­sa­tions non avé­rées de fraude, de très vio­lentes mobi­li­sa­tions de rues (onze morts) et, ayant ins­til­lé le venin de la frus­tra­tion chez les oppo­sants, pré­pa­ra la désta­bi­li­sa­tion du pays qui, de sabo­tage éco­no­mique en pous­sées de vio­lence, atteint son cli­max aujourd’hui.

    Les ren­ver­se­ments de Manuel Zelaya au Hon­du­ras (2009), de Fer­nan­do Lugo au Para­guay (2012), puis de Dil­ma Rous­seff au Bré­sil (2016) par des coups d’Etat dits « ins­ti­tu­tion­nels », aux­quels se sont ajou­tés la mort de Chá­vez (mars 2013), ont ame­né les adeptes de « la fin de cycle » – un sup­po­sé recul défi­ni­tif de la « vague de gauche » – à croire l’affaire bien enga­gée. Alors que, après douze ans de « kirch­né­risme » (trois man­dats suc­ces­sifs de Nes­tor puis Cris­ti­na Kirch­ner), l’entrepreneur mul­ti­mil­lion­naire Mau­ri­cio Macri venait de rem­por­ter l’élection pré­si­den­tielle, l’ambassadeur des Etats-Unis Noah Mamet se féli­ci­tait en mars 2016 : la déci­sion de Barack Oba­ma de visi­ter l’Argentine était « une recon­nais­sance à la déter­mi­na­tion de Macri de la réin­sé­rer dans l’économie glo­bale [4] ». Le 7 sep­tembre sui­vant, le vice-pré­sident amé­ri­cain Joe Biden qua­li­fiait le ren­ver­se­ment – rebap­ti­sé« impeach­ment » – de Dil­ma Rous­seff « d’un des meilleurs chan­ge­ments poli­tiques qu’a connu la région ces der­niers temps », avant, comme il se doit, d’appeler à ce qu’un réfé­ren­dum révo­ca­toire soit tenu rapi­de­ment au Vene­zue­la [5]>.

    Quelques mois après la réélec­tion de Daniel Orte­ga au Nica­ra­gua, la vic­toire de More­no en Equa­teur consti­tue un coup d’arrêt à cette res­tau­ra­tion conser­va­trice ardem­ment sou­hai­tée. D’autant que, dans les pays qu’elle affecte, les len­de­mains ne chantent pas particulièrement…

    Au Bré­sil, dans le cadre des gigan­tesque affaires de cor­rup­tion impli­quant la com­pa­gnie pétro­lière semi-publique Petro­bras et le géant natio­nal du BTP Ode­brecht [6], qui com­pro­mettent l’ensemble de la classe poli­tique, le Tri­bu­nal suprême fédé­ral (TSF) a annon­cé le 11 avril l’ouverture d’une enquête concer­nant cent huit per­son­na­li­tés, dont vingt-neuf séna­teurs et qua­rante-deux dépu­tés (par­mi les­quels les pré­si­dents des deux chambres du Congrès), huit ministres du pré­sidentde fac­to Michel Temer – lequel fait lui-même face à de graves accu­sa­tions. On note­ra que si le Par­ti des tra­vailleurs (PT) a sa part de res­pon­sa­bi­li­té dans ce scan­dale sys­té­mique, celui-ci ne peut être invo­qué pour expli­quer la « des­ti­tu­tion » de Dil­ma Rous­seff – un motif pué­ril d’« irré­gu­la­ri­té bud­gé­taire » ayant ser­vi pour jus­ti­fier ce coup d’Etat, dont les objec­tifs réels et les consé­quences appa­raissent chaque jour plus clai­re­ment. En fai­sant voter la pro­po­si­tion d’amendement consti­tu­tion­nel (PEC 55) qui gèle les dépenses publiques de l’Etat pour vingt ans, en s’attaquant aux retraites des tra­vailleurs et en éli­mi­nant une par­tie de l’allocation chô­mage, en fer­mant le minis­tère du déve­lop­pe­ment agraire, en menant une offen­sive bru­tale contre les droits conquis depuis une décen­nie, le pou­voir illé­gi­time, après avoir jeté plus d’un mil­lion de per­sonnes dans les rues les 8 et 15 mars, devra affron­ter une grève géné­rale le 28 avril prochain.

    Dans une Argen­tine affec­tée par les licen­cie­ments mas­sifs et les aug­men­ta­tions fara­mi­neuses des tarifs des ser­vices publics, les ensei­gnants en grève se sont faits sau­va­ge­ment matra­quer le 9 avril alors que cinq mobi­li­sa­tions mas­sives avaient déjà eu lieu entre le 8 et le 24 mars et qu’une pre­mière grève géné­rale contre la poli­tique de rigueur avait para­ly­sé le pays le 6 avril. Pour ten­ter de jugu­ler cette contes­ta­tion mon­tante, le par­ti du chef de l’Etat, Cam­bie­mos (Chan­geons), a dépo­sé le 14 avril devant la Chambre des dépu­tés un pro­jet de loi des­ti­né à dur­cir les sanc­tions contre les pro­tes­ta­taires. En termes juri­diques, la réforme pro­po­sée intro­duit dans le code pénal le concept de « mani­fes­ta­tion publique », per­met­tant à la police d’arrêter sans contraintes les mani­fes­tants et aux juges de leur appli­quer des peines plus sévères.

    Dans ce contexte, la fureur des oli­gar­chies se retourne contre le pays, sym­bole de la résis­tance, « qu’il faut abso­lu­ment faire tom­ber  » : le Vene­zue­la. Depuis l’élection du pré­sident Madu­ro, le pays subit une guerre totale et mul­ti­forme. Début 2014, l’opération « La Sali­da » (la sor­tie), à tra­vers ses opé­ra­tions de gué­rilla urbaine, pro­vo­qua la mort de 43 per­sonnes de toutes ten­dances poli­tiques et fit plus de 800 bles­sés, mais le pou­voir résis­ta, arrê­tant et jugeant Leo­pol­do López, l’un des ins­ti­ga­teurs du chaos.

    Certes, l’importante dimi­nu­tion des prix du pétrole, la prin­ci­pale res­source du pays, a raré­fié la ren­trée des devises, ren­dant plus dif­fi­ciles les impor­ta­tions de biens de consom­ma­tion. Certes, la ges­tion du gou­ver­ne­ment ne brille pas tou­jours par son effi­ca­ci­té. Mais en aucun cas ces deux fac­teurs ne peuvent expli­quer à eux seuls la très dure crise ali­men­taire et les inces­santes pénu­ries qui, épui­sant et déso­rien­tant de larges sec­teurs de la popu­la­tion, y com­pris « cha­vistes », ont per­mis la vic­toire de la MUD aux élec­tions légis­la­tives de décembre 2015. N’en déplaise aux médias com­plices, incom­pé­tents, mou­ton­niers, oppor­tu­nistes ou fort peu cou­ra­geux – la pres­sion géné­rale étant deve­nue telle que les « notables de l’info », fussent-ils « de gauche », ne veulent pas ris­quer leur répu­ta­tion ou leur confort en sem­blant appa­raître comme « les der­niers défen­seurs du Vene­zue­la » – c’est bel et bien, simi­laire à celle des années 1970 au Chi­li, d’une désta­bi­li­sa­tion éco­no­mique qu’il s’agit.

    S’apparentant à des aveux, la loi d’amnistie votée le 29 mars 2016 par la nou­velle majo­ri­té – et décla­rée incons­ti­tu­tion­nelle par le Tri­bu­nal suprême de jus­tice (TSJ) le 11 avril sui­vant – ne men­tion­nait-elle pas, par­mi les délits et crimes (auto)-amnistiés de l’opposition, « la spé­cu­la­tion sur des ali­ments ou des bois­sons, des biens qua­li­fiés comme de pre­mière néces­si­té » et « l’accaparement d’aliments ou de bois­sons, de biens qua­li­fiés comme de pre­mière néces­si­té » ? Le 12 novembre 2016, dans le cadre d’un dia­logue dont les sec­teurs radi­caux de la MUD ne veulent pas et qu’ils ont depuis fait capo­ter, c’est l’envoyé du pape en per­sonne, Mgr Clau­dio María Cel­li, qui lit l’accord pour un calen­drier de dis­cus­sion dans lequel « le gou­ver­ne­ment et la MUD conviennent de com­battre ensemble toute forme de sabo­tage, de boy­cott ou d’agression contre l’économie ». Vous avez dit « paranoïa » ?

    D’emblée, début 2016, cette nou­velle majo­ri­té légis­la­tive a annon­cé son unique objec­tif : « sor­tir » Madu­ro du pou­voir en six mois. Que ce soit léga­le­ment ou non. Avec un choix déli­bé­ré de la seconde solu­tion. Dix-huit mois plus tard, tout un cha­cun peut consta­ter qu’elle a échoué. Dans cette guerre qu’elle n’a pas méri­tée et dont elle ne veut pas, la « révo­lu­tion boli­va­rienne » a encore assez de punch pour oppo­ser une belle résis­tance. Quitte à tom­ber par­fois dans le piège qui lui est ten­du : face à une droite qui viole effron­té­ment les règles du jeu démo­cra­tique, fran­chir à son tour la ligne jaune, dans son désir (et la néces­si­té) de rendre coup pour coup. Par exemple…

    Dans leur obses­sion de ren­ver­ser le chef de l’Etat, les diri­geants de la MUD ont, durant de longs mois, négli­gé la pos­si­bi­li­té du réfé­ren­dum révo­ca­toire, per­mis par la Consti­tu­tion. Lorsque, ayant été mis en échec, ils s’y sont enfin réso­lus, ils avaient dépas­sé le délai per­met­tant, en cas de vic­toire du « oui », l’organisation d’une élec­tion : le vice-pré­sident « cha­viste » rem­pla­ce­rait Madu­ro pour la fin du man­dat si celui-ci était des­ti­tué. En outre, leur col­lecte de signa­tures a été enta­chée d’innombrables irré­gu­la­ri­tés. Rai­son juri­di­que­ment moti­vée – mais aus­si pré­texte évident, le nombre de paraphes requis étant en tout état de cause lar­ge­ment atteint – dont s’est empa­ré le pou­voir pour blo­quer le pro­ces­sus. On peut le lui repro­cher (on ne s’en prive pas). On peut aus­si consi­dé­rer que, compte tenu de la vio­lence désta­bi­li­sa­trice qui lui est impo­sée, il se trouve dans la situa­tion d’un ath­lète de haut niveau à qui son adver­saire brise les tibias à coups de barres de fer avant de lui inti­mer : « Main­te­nant, allons cou­rir un cent mètres ensemble et voyons qui va l’emporter ! » S’il dis­pose d’arguments juri­diques incon­tes­tables pour le faire, on com­pren­dra que la vic­time puisse écar­ter ce type de « com­pé­ti­tion ». Dont, d’ailleurs, l’opposition ne veut plus !

    Dans le même ordre d’idée, la déci­sion du TSJ, le 29 mars, d’assumer les fonc­tions de l’Assemblée natio­nale, non indé­fi­ni­ment, comme il a été faus­se­ment affir­mé, mais« tant que la majo­ri­té de droite conti­nue­rait à igno­rer ses ver­dicts » – entre autres sur l’élection contes­tée de trois dépu­tés de l’Etat d’Amazonas qu’elle a néan­moins incor­po­rés – ou refu­se­rait de recon­naître les ins­ti­tu­tions et le chef de l’Etat était, quoi qu’on en dise, jus­ti­fiée. Mais, inter­ve­nant au plus chaud d’une situa­tion explo­sive, elle pou­vait, habi­le­ment pré­sen­tée par ses détrac­teurs, don­ner lieu à une accu­sa­tion d’« auto-coup d’Etat ». Ce qui n’a pas man­qué de se pro­duire. La pro­cu­reure géné­rale de la Répu­blique Lui­sa Orte­ga cri­ti­quant la déci­sion et les plus hautes ins­tances du pou­voir se ren­dant compte du dan­ger de cette inter­pré­ta­tion face à la « com­mu­nau­té inter­na­tio­nale », le TSJ est reve­nu sur sa déci­sion, mais le mal était fait. La pla­nète médias jouant son rôle, l’accusation demeure, bien qu’étant, sur­tout après ce recul, tota­le­ment injustifiée.

    De même, la Cour des comptes (Contro­laría gene­ral de la Repú­bli­ca) dis­pose d’accusations cré­dibles – détour­ne­ment de fonds publics – pour mettre en cause l’ex-candidat à la pré­si­dence Hen­rique Capriles, gou­ver­neur de l’Etat de Miran­da. Tou­te­fois, les faits remontent à… 2013. Que n’a‑t-il été jugé plus tôt ? Le ver­dict ren­du le 7 avril der­nier et le décla­rant inéli­gible pour quinze ans paraît, compte tenu du contexte, tom­ber à un moment par­ti­cu­liè­re­ment inop­por­tun. C’est faire à l’opposition et à ses puis­sants alliés exté­rieurs le cadeau d’un « mar­tyr » que ceux-ci ne manquent pas d’exploiter.

    Dès le 9 mars 2015, Barack Oba­ma avait dési­gné par décret le Vene­zue­la comme« une menace extra­or­di­naire pour la sécu­ri­té natio­nale et la poli­tique exté­rieure des Etats-Unis », ouvrant le ter­rain juri­dique à une pos­sible inter­ven­tion (dont la nature reste à déter­mi­ner). Pour ce faire « l’Empire » diri­gé aujourd’hui par l’irrationnel Donald Trump béné­fi­cie de l’aide de son nou­veau « cipaye » Luis Alma­gro, secré­taire géné­ral de l’Organisation des Etats amé­ri­cains (OEA), objec­ti­ve­ment rede­ve­nue le minis­tère des Colo­nies de Washing­ton dénon­cé en son temps par Fidel Cas­tro. Une offen­sive féroce, obses­sion­nelle, tente d’isoler Cara­cas en la sus­pen­dant des acti­vi­tés de l’organisation. Néan­moins, en juin 2016, une pre­mière ten­ta­tive de faire acti­ver à son encontre la charte démo­cra­tique a échoué. Au grand dam d’Almagro, son ini­tia­teur, une majo­ri­té des nations, aller­giques aux « inter­ven­tions exté­rieures », se pro­non­ça pour une conti­nua­tion du dia­logue alors mené entre le gou­ver­ne­ment et la MUD, sous les aus­pices du Vati­can et de l’Union des nations sud-amé­ri­caines (Una­sur), par les ex-pré­si­dents média­teurs José Luis Rodrí­guez Zapa­te­ro (Espagne), Leo­nel Fernán­dez (Répu­blique domi­ni­caine) et Martín Tor­ri­jos (Panamá).

    Silen­cieux sur le coup d’Etat au Bré­sil, mépri­sant tous les usages diplo­ma­tiques lorsqu’il traite publi­que­ment Madu­ro de « traître, men­teur, voleur et petit dic­ta­teur »,Alma­gro n’a pas hési­té à se faire déco­rer de l’ordre Rómu­lo Betan­court, le 13 avril 2017, à Mia­mi, par le pré­sident de l’Organisation des Véné­zué­liens per­sé­cu­tés poli­tiques en exil (Vep­pex), l’ex-lieutenant José Coli­na. Ce der­nier est pour­sui­vi dans son pays pour avoir per­pé­tué deux atten­tats à la bombe en février 2003, à Cara­cas, contre l’ambassade d’Espagne et le consu­lat colom­bien, crimes évi­dem­ment attri­bués dans un pre­mier temps aux Cercles boli­va­riens de Chá­vez. En cavale, Coli­na a obte­nu l’asile poli­tique aux Etats-Unis après avoir été défen­du par l’avocat Mat­thew Archam­beault, celui-là même qui, en avril 2011, fit absoudre défi­ni­ti­ve­ment par la « jus­tice amé­ri­caine » le ter­ro­riste cuba­no-véné­zué­lien Luis Posa­da Car­riles – auteur intel­lec­tuel de la pose de deux bombes dans un vol de la Cuba­na de Avia­ción (73 morts le 6 octobre 1976) –, lui per­met­tant de vivre depuis en toute impu­ni­té à Miami.

    Dans ce contexte où, de l’intérieur et de l’extérieur, les deux inter­agis­sant, il s’agit de prendre la « révo­lu­tion boli­va­rienne » en tenaille, la bataille fait donc rage à l’OEA. Bien que son Conseil per­ma­nent ait tenu une nou­velle réunion d’urgence le 28 mars à Washing­ton, celle-ci n’a pas débou­ché sur les résul­tats escomp­tés – la sus­pen­sion de Cara­cas et des élec­tions géné­rales anti­ci­pées – par le « roi­te­let » de l’organisation. Non seule­ment aucune réso­lu­tion sanc­tion­nant les sup­po­sés éga­re­ments du gou­ver­ne­ment véné­zué­lien n’a été adop­tée, mais plu­sieurs Etats membres, dont Haï­ti, El Sal­va­dor et la Répu­blique domi­ni­caine, pour­tant sou­mis à de très fortes pres­sions des Etats-Unis, ont fus­ti­gé l’attitude d’Almagro, la jugeant par­tiale et inter­ven­tion­niste. « Le moment est grave et dépasse de loin la ques­tion du Vene­zue­la, décla­ra alors avec une grande digni­té Har­vel Jean-Bap­tiste, ambas­sa­deur d’un pays, Haï­ti, qui n’appartient pas à l’« arc pro­gres­siste », mais auquel Washing­ton menace de reti­rer son aide finan­cière s’il conti­nue à appuyer Cara­cas. Les agis­se­ments du secré­taire géné­ral fra­gi­lisent notre orga­ni­sa­tion. Si nous lais­sons le secré­taire géné­ral, comme il le fait, s’immiscer sans réserve dans les affaires internes d’un pays, au détri­ment du prin­cipe du res­pect de la sou­ve­rai­ne­té des Etats, bien­tôt Haï­ti et d’autres pays de la région, seront eux aus­si vic­times de cette même dérive de l’organisation [7]. »

    Un coup de force le 3 avril sui­vant – la Boli­vie et Haï­ti, res­pec­ti­ve­ment pré­sident et vice-pré­sident en exer­cice du Conseil ayant été écar­tés et rem­pla­cés, au mépris de toutes les règles, par le Hon­du­ras – a néan­moins per­mis à dix-sept des vingt-et-un pays pré­sents d’adopter « par consen­sus » une réso­lu­tion dénon­çant « la rup­ture de l’ordre consti­tu­tion­nel au Vene­zue­la » tout en exi­geant « des actions concrètes » de son gou­ver­ne­ment. Tan­dis que la Répu­blique domi­ni­caine, les Baha­mas, le Belize et El Sal­va­dor s’abstenaient, la Boli­vie, le Nica­ra­gua et le Vene­zue­la avaient, le jugeant illé­gal, aban­don­né ce « tri­bu­nal d’inquisition », comme le qua­li­fia Maduro.

    Echec à nou­veau, au-delà des décla­ra­tions triom­phales, puisque, en tout état de cause, il est néces­saire de ras­sem­bler les deux tiers de l’Assemblée géné­rale (vingt-quatre pays) pour en exclure le Vene­zue­la. Rai­son pour laquelle la cam­pagne infer­nale se pour­suit, dont le sur­réa­lisme échappe à nombre d’observateurs, sans doute un peu dis­traits : en tête de liste des onze pays de l’« Axe du bien » [8] qui, le 17 avril, au nom de la démo­cra­tie, ont appe­lé le gou­ver­ne­ment véné­zué­lien à« garan­tir le droit aux mani­fes­ta­tions paci­fiques », figurent la Colom­bie – plus de 130 diri­geants et mili­tants de mou­ve­ments popu­laires assas­si­nés d’octobre 2012 à la fin 2016 (23 depuis jan­vier 2017) – et le Mexique – 28 500 « dis­pa­ri­tions for­cées » depuis 2006 (dont les 43 étu­diants d’Ayotzinapa), 11 jour­na­listes exé­cu­tés et 23 de leurs confrères « dis­pa­rus » en 2016.

    Forte du sou­tien de ces pala­dins de la liber­té, la MUD, qui a défi­ni­ti­ve­ment écar­té le che­min du dia­logue, mul­ti­plie depuis début avril les mani­fes­ta­tions au cours des­quelles, en marge des oppo­sants paci­fiques, des groupes de choc ultra vio­lents mul­ti­plient agres­sions aux forces de l’ordre et actes de van­da­lisme. C’est que, pour la MUD, le temps presse. Les prix du pétrole repar­tant à la hausse, fût-elle modé­rée, le gou­ver­ne­ment four­nis­sant en urgence des pro­duits de pre­mière néces­si­té à plus de six mil­lions de familles à tra­vers treize mille Comi­tés locaux d’approvisionnement et de pro­duc­tion (CLAP), réac­ti­vant l’agriculture et en appe­lant à la par­ti­ci­pa­tion de cer­tains groupes du sec­teur pri­vé au redres­se­ment éco­no­mique, la situa­tion tend quelque peu à (et sur­tout « risque de ») s’améliorer.

    Comme en 2002 lors du coup d’Etat contre Chá­vez ou en 2014 au cours des« gua­rim­bas », il faut à l’extrême droite des cadavres pour émou­voir et mobi­li­ser la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale. Le 18 avril, la veille de « la mère de toutes les mani­fes­ta­tions », orga­ni­sée par l’opposition – à laquelle répon­dra d’ailleurs une « marche des marches » des cha­vistes dans le centre de Cara­cas –, Mark Toner, porte-parole du Dépar­te­ment d’Etat amé­ri­cain, dénon­ça une « répres­sion cri­mi­nelle »et la « vio­la­tion des droits humains » du pou­voir boli­va­rien. Car déjà, comme en 2014, le décompte macabre des vic­times donne lieu à une mani­pu­la­tion de pre­mière catégorie.

    Dès le 14 avril, huit morts étaient à déplo­rer – par défi­ni­tion attri­bués « à la répres­sion ». Il s’avéra rapi­de­ment que l’un d’entre eux, Brayan Prin­ci­pal, a été tué par un groupe d’individus cagou­lés qui a cri­blé de balles une lotis­se­ment « cha­viste », la Ciu­dad Socia­lis­ta Alí Pri­me­ra, construite par le gou­ver­ne­ment de Madu­ro à Bar­qui­si­me­to. Qu’un autre, le jeune Miguel Ángel Col­me­nares, à Cara­cas, ne mani­fes­tait pas, mais est tom­bé dans une embus­cade de sujets qui l’ont dépouillé de son argent avant de l’assassiner. Qu’un autre encore, Oli­ver Vil­la Camar­go, a été exé­cu­té d’une balle dans la tête alors qu’il venait de ten­ter, en auto, de fran­chir une bar­ri­cade. Que Ricar­da de Lourdes Gonzá­lez, 87 ans, n’est pas morte asphyxiée par les gaz lacry­mo­gènes, mais, comme l’a pré­ci­sé sa fille, parce que les « gua­rim­be­ros »(mani­fes­tants) « ne nous ont pas lais­sé sor­tir quand – alors qu’elle était vic­time d’un acci­dent céré­bro-vas­cu­laire – on a vou­lu l’emmener à la cli­nique Las Mer­cedes [9] ». Il s’agit là, non d’une liste exhaus­tive, mais de quelques cas.

    Evo­quant la mort d’un étu­diant de 17 ans, Car­los More­no, tué d’une balle dans la tête, à Cara­cas, le 19 avril, « par des motards qui ont tiré et lan­cé des gaz lacry­mo­gènes »,le « dévoyé spé­cial » de l’ex-quotidien fran­çais d’information Le Monde, Pau­lo Para­na­gua, pré­cise (21 avril) : « Pao­la Rami­rez Gomez, 23 ans, est morte en pro­vince, à San Cris­to­bal, dans des cir­cons­tances simi­laires ». Que ses lec­teurs le sachent : Para­na­gua ment. Ini­tia­le­ment attri­bué à des « col­lec­tifs cha­vistes », accu­sés de tous les maux, il a été prou­vé après enquête que le meurtre de cette jeune femme a été com­mis depuis le deuxième étage d’un immeuble, par les tirs d’un indi­vi­du nom­mé Iván Alei­sis Pernía, mili­tant d’opposition arrê­té et incar­cé­ré depuis. Il est vrai que Para­na­gua n’en est pas à une impos­ture près : n’a‑t-il pas repro­duit, sans aucune prise de dis­tance ni com­men­taire (15 avril), cette décla­ra­tion ahu­ris­sante de Julio Borges, l’un des prin­ci­paux diri­geants de l’opposition : « Les groupes para­mi­li­taires du Vene­zue­la menacent la paix en Colom­bie. » Le pre­mier réflexe est d’en rire. Le second est de res­sor­tir de la pou­belle, où on l’avait jeté, et de retour­ner contre lui, le pré­ten­tieux « Déco­dex » du Monde [10] : « Ce média dif­fuse régu­liè­re­ment des fausses infor­ma­tions ou des émis­sions trom­peuses. Res­tez vigi­lants ou cher­chez d’autres sources plus fiables. Si pos­sible, remon­tez à l’origine de l’information. »

    Dans ce cli­mat de vio­lence exa­cer­bée, on observe des excès de tous les côtés. Un man­dat d’arrêt a ain­si été lan­cé contre quinze gardes natio­naux pré­su­més res­pon­sables du décès de Gru­se­ny Anto­nio Canelón, à Cabu­dare, le 12 avril. De l’autre côté des bar­ri­cades, des membres des forces de l’ordre tombent éga­le­ment, tel le ser­gent de la Garde natio­nale Neu­mar José San­cle­mente Bar­rios, assas­si­né par arme à feu le 19 avril à San Anto­nio de los Altos. Huit membres des forces de l’ordre avaient d’ailleurs déjà été tués par balles en 2014, sans trop émou­voir les « obser­va­teurs » pour qui, sem­ble­rait-il, l’assassin d’un poli­cier, sur les Champs-Ely­sées, à Paris, est un « ter­ro­riste » quand l’assassin d’un poli­cier au Vene­zue­la est « un mani­fes­tant pacifique »…

    Dans des cir­cons­tances par­ti­cu­liè­re­ment confuses, et après l’appel à mani­fes­ta­tions de diri­geants anti-cha­vistes, la mise à sac d’une dizaine de com­merces du sec­teur popu­laire d’El Valle (Cara­cas) par de sup­po­sées bandes d’« affa­més  », la nuit du 19 avril, s’est sol­dée par la mort de onze per­sonnes (trois par armes à feu, huit élec­tro­cu­tées par un sys­tème de pro­tec­tion en ten­tant de déva­li­ser une bou­lan­ge­rie). Dans leur furie des­truc­trice, les mêmes hordes, qu’on sup­pose mani­pu­lées, n’ont pas hési­té à atta­quer un hôpi­tal de soins pédia­triques – au pré­texte sans doute qu’il s’appelle « Hugo Chá­vez » –, obli­geant en catas­trophe à en éva­cuer 54 mères, enfants et nou­veaux-nés. Dans un tel chaos, la mani­pu­la­tion de l’information devient un jeu d’enfant : « Les mani­fes­ta­tions ont fait 20 morts en trois semaines  », peut-on lire ou entendre à peu près par­tout au même moment [11]. De quoi atteindre l’objectif recher­ché en fai­sant du Vene­zue­la un « Etat failli ». Et, au pas­sage, en uti­li­sant la dés­in­for­ma­tion géné­rale affec­tant ce pays, pour stig­ma­ti­ser par la bande un homme poli­tique – tel, lors du pre­mier tour de la cam­pagne pré­si­den­tielle fran­çaise, le can­di­dat de la France insou­mise Jean-Luc Mélen­chon. A cet égard, le 69 de France Inter, consa­cré au Vene­zue­la le matin même du scru­tin aura consti­tué un modèle de per­fi­die sub­li­mi­nale – sans doute sévè­re­ment cri­ti­qué s’il exis­tait en France un Conseil supé­rieur de l’audiovisuel (CSA).

    Le 22 avril, à l’appel de l’opposition, des mil­liers de Véné­zué­liens ont par­ti­ci­pé à une marche silen­cieuse en mémoire des vic­times des mani­fes­ta­tions du mois d’avril. Devant le siège de la Confé­rence épis­co­pale, tan­dis que le dépu­té Hen­ry Ramos Allup décla­rait qu’il s’agissait d’un hom­mage « à tous les morts, y com­pris aux vic­times poten­tielles et éven­tuelles qu’il y aura sûre­ment les jours pro­chains », son « col­lègue » Fred­dy Gue­va­ra pré­ci­sait que les mani­fes­ta­tions à venir avaient pour objec­tif de « dévoi­ler le véri­table visage du dic­ta­teur » en géné­rant« l’ingouvernabilité [12 ». Des mes­sages qui ont le mérite de la clar­té. Sauf, mani­fes­te­ment, pour les médias.

    Mau­rice Lemoine

     

    tag Mots-clés : 


    NOTES

    [1] http://​www​.mede​lu​.org/​C​o​u​p​-​d​u​r​-​p​o​u​r​-​l​a​-​f​i​n​-​d​e​-​c​y​c​l​e​-en

    [2] Par­ti de l’ex-président Lucio Gut­tié­rez, ren­ver­sé par un sou­lè­ve­ment popu­laire le 20 avril 2005. Can­di­dat du par­ti, Patri­cio Zuqui­lan­da a obte­nu 0,77 % des voix lors du pre­mier tour de la pré­si­den­tielle, le 19 février. Gutiér­rez n’a pas été élu lors des légis­la­tives aux­quelles il se présentait.

    [3]  Ecua­do­rin­me­dia­to, Qui­to, 19 avril 2017.

    [4]  BBC Mun­do, Londres, 23 mars 2016.

    [5]  El País, Madrid, 7 sep­tembre 2016.

    [6] Petro­bras (pro­prié­té d’actionnaires pri­vés ou ins­ti­tu­tion­nels à 51 %) a attri­bué des mar­chés sur­fac­tu­rés à des entre­prises de BTP, per­met­tant ain­si le ver­se­ment de pots-de-vin des­ti­nés à finan­cer les par­tis poli­tiques ou des poli­ti­ciens cor­rom­pus. Ode­brecht aurait arro­sé de bak­chichs des fonc­tion­naires et hommes poli­tiques de douze pays d’Amérique latine pour y rafler des chantiers.

    [7]  Haï­ti Libre, Port-au-Prince, 29 mars 2017.

    [8] Argen­tine, Bré­sil, Chi­li, Colom­bie, Cos­ta Rica, Gua­te­ma­la, Hon­du­ras, Mexique, Para­guay, Pérou et Uruguay.

    [9]  El Uni­ver­sal, Cara­cas, 11 avril 2017.

    [10] Outil cen­sé, sur la Toile, aider les inter­nautes à trier les vraies des fausses infor­ma­tions en stig­ma­ti­sant les sites « mal pensants ».

    [11]  Le Monde, France Info, CNews, LCI, La Dépêche, Presse Océan, La Libre Bel­gique, etc., du 21 au 23 avril 2017.

    [12]  Alba Ciu­dad, Cara­cas, 22 avril 2017.

     

    Source : Mémoire des luttes
    http://​www​.mede​lu​.org/​G​u​e​r​r​e​-​s​o​u​r​n​o​i​s​e​-​e​n​-​E​q​u​a​t​eur

    Réponse

Laisser un commentaire

Derniers articles

[Dérive du pouvoir scolaire] Le préparateur – Alain, 25 août 1906

[Dérive du pouvoir scolaire] Le préparateur – Alain, 25 août 1906

[LE PRÉPARATEUR] Un nouvel examen vient d'être institué, à la suite duquel on pourra recevoir un certificat d'aptitude aux fonctions de magistrat. Il en sera de cet examen comme de tous les autres, il donnera de bons résultats au commencement, et de mauvais ensuite....