[Démocratie directe, l’exemple suisse] La Landsgemeinde, mieux que les médias sociaux (par Wolf Linder)

8/05/2017 | 34 commentaires

Moi qui suis assez vieux tout de même, c’est la pre­mière fois de ma vie que je n’ai pas voté élu mon pro­chain maître.

Je me suis abs­te­nu, pour évi­ter de faire des bêtises, per­du dans le choix lamen­table qui m’é­tait impo­sé par les ultra-riches et leurs serviteurs.

Cette élec­tion pré­si­den­tielle fut donc un épi­sode par­ti­cu­liè­re­ment odieux de pré­ten­due « démo­cra­tie repré­sen­ta­tive » : on te met le pis­to­let (d’ex­trême droite) sur la tempe (chan­tage qui prend des années à mettre en place, grâce aux médias qu’il a fal­lu ache­ter pour ça) et un dimanche fatal, on te dit :

« tu dois voter :

- soit pour la pré­ten­due « Union euro­péenne » — c’est-à-dire la per­pé­tua­tion de la schlague de l’or­do­li­bé­ra­lisme alle­mand et l’as­ser­vis­se­ment par la dette, les concur­rences déloyales du « libre-échange », les délo­ca­li­sa­tions et la dés­in­dus­tria­li­sa­tion, les « tra­vailleurs déta­chés », le chô­mage de masse et les bas salaires, l’es­pion­nage géné­ra­li­sé et la colo­ni­sa­tion du pays par les USA, et puis fina­le­ment le pillage et la dévas­ta­tion bien­tôt comme les pauvres Grecs —,

- soit pour… « le péril fas­ciste » (sic)…

Allez, main­te­nant, vote ! »

Heu, non.

Tout compte fait, en cette occur­rence cala­mi­teuse, même le vote blanc valide l’es­cro­que­rie repré­sen­ta­tive : j’ai relu Liber­tad et je me suis abstenu.

66% des gens qui élisent Macron (!), leur pire enne­mi (et, bien enten­du, rien à foutre de l’abs­ten­tion, des blancs et des nuls)… La pré­dic­tion de Toc­que­ville (la devise des riches) s’est encore par­fai­te­ment confir­mée : « je ne crains pas le suf­frage uni­ver­sel : les gens vote­ront comme on leur dira ».

Après cet épi­sode odieux, donc, je vous pro­pose de reve­nir aux fon­da­men­taux (quel contrat social allons-nous mettre en place nous-mêmes, pré­ci­sé­ment, dès que nous serons assez nom­breux à être deve­nus vrai­ment consti­tuants ?), avec cet article de Wolf Lin­der, aima­ble­ment tra­duit par Domaine public.

Avant de vous lais­ser le lire, je vous rap­pelle que c’est à VOUS, per­son­nel­le­ment, quo­ti­dien­ne­ment, de réflé­chir à la consti­tu­tion et de vous entraî­ner à consti­tuer, pour, le jour où il sera ques­tion de chan­ger de contrat social, être prêt à refu­ser d’é­lire une assem­blée consti­tuante et prêt à exi­ger soit de par­ti­ci­per vous-même à l’é­cri­ture, soit que l’AC soit tirée au sort par­mi de simples mais vrais citoyens (donc constituants).

Pas de démo­cra­tie sans citoyens consti­tuants et vigilants.

Bon cou­rage à tous
(parce que là, on va perdre à la fois le droit du tra­vail, la sécu­ri­té sociale, la retraite, et j’en passe… dans l’im­puis­sance poli­tique la plus totale).

Étienne.

Voir aus­si Démo­cra­tie directe : avan­tages et inconvénients


La Landsgemeinde, mieux que les médias sociaux

La vraie démo­cra­tie sup­pose d’assumer son opi­nion et de la confron­ter à celle des autres

icone auteurWOLF LINDER | icone calendrier 8 mai 2017 | icone calendrier DP 2164

Photo jimynu
Pho­to jimy­nu (licence CC)

Durant de longues années, je ne comp­tais pas par­mi les fer­vents admi­ra­teurs de l’institution de la Land­sge­meinde, par­ta­geant un scep­ti­cisme très répan­du : dans de telles assem­blées, le secret du vote n’existe pas.

Cha­cun peut voir com­ment et pour qui vote son fils, son voi­sin ou son employé. Le talent ora­toire d’un Lan­dam­man peut influen­cer l’avis de l’assemblée. Le décompte d’une courte majo­ri­té est presque impos­sible lors d’un vote à main levée.

On se sou­vient encore de l’entêtement des Appen­zel­lois des Rhodes-Inté­rieures qui ont refu­sé à plu­sieurs reprises le droit de vote à leurs femmes. Il a fal­lu qu’une poi­gnée de vaillantes Appen­zel­loises portent la cause jusqu’au Tri­bu­nal fédé­ral pour obte­nir en 1990 les droits poli­tiques dont les autres Suis­sesses béné­fi­ciaient depuis long­temps. A cette époque, j’aurais voté comme les Nid­wal­diens et les Appen­zel­lois des Rhodes-Exté­rieures qui ont abo­li leur Land­sge­meinde dans les années 90.

Aujourd’hui, seuls les can­tons de Gla­ris et d’Appenzell Rhodes-Inté­rieures connaissent encore une assem­blée annuelle du corps élec­to­ral qui élit ses auto­ri­tés, se pro­nonce sur les finances et sur les ques­tions impor­tantes – telle l’interdiction de la bur­ka, refu­sée dimanche 7 mai 2017. Seraient-ils donc les der­niers à célé­brer ce folk­lore et à tenir à cette vieille tra­di­tion n’ayant plus de place à notre époque ?

Mes pre­miers doutes sont appa­rus il y a une dizaine d’années lors d’une dis­cus­sion avec Marianne Klei­ner, pre­mière conseillère d’Etat d’Appenzell Rhodes-Exté­rieures, puis conseillère natio­nale (PRD). Celle-ci s’est bat­tue sans suc­cès pour réin­tro­duire la Land­sge­meinde à Tro­gen et Hund­wil (AR), échouant mal­gré un argu­men­taire remar­quable. Et en 2006, à Gla­ris, une motion de jeunes socia­listes pro­po­sant la fusion des 25 com­munes du can­ton en trois nou­velles com­munes fut accep­tée par la Land­sge­meinde. Une année plus tard, la même assem­blée fai­sait de Gla­ris le pre­mier can­ton – et tou­jours le seul – à connaître le droit de vote à 16 ans.

Il s’agissait donc de bien autre chose que de folk­lore. Par la suite, deux tra­vaux de recherche menés sous ma direc­tion à l’Institut de science poli­tique de l’Université de Berne ont par­ache­vé mon revi­re­ment d’opinion.

Le pre­mier, la thèse de doc­to­rat de Hans­pe­ter Schaub, com­pare la qua­li­té de la démo­cra­tie telle que pra­ti­quée dans la Land­sge­meinde d’une part, et par le vote dans les urnes d’autre part, dans six can­tons ; le second tra­vail inter­roge un mil­lier de citoyens gla­ron­nais sur leur expé­rience de la Land­sge­meinde, afin de savoir de quelle manière les débats à l’assemblée ont contri­bué à for­mer leur propre opi­nion. De plus, il s’agissait de véri­fier l’intensité du sou­tien à la démo­cra­tie d’assemblée.

Les deux tra­vaux montrent une image nou­velle et fas­ci­nante de cette ins­ti­tu­tion. Le vote dans les urnes voit l’initiative et le réfé­ren­dum contre les déci­sions du par­le­ment se sub­sti­tuer à l’assemblée des citoyens. Un tel sys­tème per­met une plus grande indé­pen­dance de la jus­tice et accroît la capa­ci­té d’action du gou­ver­ne­ment. Par contre, la démo­cra­tie « radi­cale » de la Land­sge­meinde élar­git les pos­si­bi­li­tés de choix du peuple et per­met aux citoyennes et aux citoyens de véri­ta­ble­ment déci­der sur un plus grand nombre de dos­siers. La Land­sge­meinde per­met éga­le­ment de mieux cla­ri­fier la res­pon­sa­bi­li­té du gou­ver­ne­ment. Mais le plus sur­pre­nant est la qua­li­té démo­cra­tique des débats tenus dans l’enceinte de la Land­sge­meinde, révé­lé par les deux études.

Certes, un quart seule­ment du corps élec­to­ral par­ti­cipe à l’assemblée. Mais les Gla­ron­nais sont fiers de leur ins­ti­tu­tion et per­çoivent les déci­sions prises comme par­ti­cu­liè­re­ment cré­dibles. Et à rai­son, car l’assemblée est le théâtre de réels et vifs débats sur les ques­tions de poli­tique can­to­nale. L’étude détaillée de deux objets sou­mis à vota­tion a mon­tré qu’une bonne par­tie des par­ti­ci­pants ont for­mé leur avis au cours de l’assemblée. Les nou­veaux argu­ments lan­cés dans le débat ont influen­cé la for­ma­tion de l’opinion. Les per­sonnes inter­ro­gées accordent une forte cré­di­bi­li­té aux pro­po­si­tions for­mu­lées par les per­sonnes direc­te­ment concer­nées par le pro­blème dis­cu­té et par des citoyens sans man­dat élec­tif. Si leur point de vue est bien argu­men­té, il peut empor­ter l’adhésion.

Une étude plus ancienne, por­tant sur la révi­sion du plan géné­ral d’affectation des sols dans 60 com­munes du can­ton de Zurich, arrive à des conclu­sions simi­laires : les pro­po­si­tions véri­ta­ble­ment nou­velles émergent lors de l’assemblée com­mu­nale cen­sée adop­ter le nou­veau plan, soit à la fin du pro­ces­sus de révi­sion, et non lors des étapes pré­cé­dentes qui passent par la consul­ta­tion des par­tis ain­si que des asso­cia­tions et des groupes d’intérêts concernés.

Ces avan­tages devraient contri­buer à expli­quer pour­quoi cer­taines com­munes suisses alé­ma­niques ont abo­li les conseils com­mu­naux intro­duits dans les années 1970. Dans les villes, le vote à l’urne devrait res­ter, pour des rai­sons pra­tiques, la seule solu­tion pos­sible. Mais les com­munes pour qui l’assemblée fonc­tionne bien n’ont pas de rai­son de se « moder­ni­ser » en lui sub­sti­tuant un conseil élu. En outre, nous devrions évi­ter de mon­ter les sys­tèmes l’un contre l’autre. Selon Schaub, les deux ont leurs avan­tages et leurs incon­vé­nients et s’avèrent en de nom­breux points com­pa­rables en termes de qua­li­té du sys­tème démo­cra­tique local. L’absence de secret lors du vote en assem­blée géné­rale pose encore un réel pro­blème – que le recours au smart­phone per­met­trait de résoudre.

Mais quelles sont, alors, les rai­sons de la grande qua­li­té des débats dans une démo­cra­tie d’assemblée, non seule­ment dans les Land­sge­meinde mais éga­le­ment dans les cen­taines d’assemblées com­mu­nales à tra­vers le pays ? Tout d’abord, se lever pour sou­mettre une pro­po­si­tion à une assem­blée requiert du cou­rage : son auteur sait qu’elle ne va pas plaire à tout le monde. Ce cou­rage ne va pas de soi ;  j’ai par­ti­ci­pé à des assem­blées où j’en ai moi-même man­qué, ce que j’ai regret­té ulté­rieu­re­ment. Ce cou­rage se retrouve dans la plu­part des assem­blées où les pro­po­si­tions de ces valeu­reux inter­ve­nants sont pro­ba­ble­ment appré­ciées tout comme dans le « ring » glaronnais.

En outre, la liber­té d’expression dans le cadre d’une assem­blée publique ne consti­tue pas seule­ment un droit mais impose un devoir envers soi-même. On doit répondre de ce qu’on dit. Voi­là la grande dif­fé­rence avec l’anonymat de ces médias sociaux où règnent scan­dales et fausses infor­ma­tions et où se mobi­lise une com­mu­nau­té vir­tuelle d’individus par­ta­geant des opi­nions ana­logues – mais dont per­sonne ne répond ni de ses propres affir­ma­tions ni des « infor­ma­tions » qu’il par­tage géné­reu­se­ment. Enfin les pro­po­si­tions pré­sen­tées en assem­blée se doivent d’être jus­ti­fiées dans les faits. Elles abou­tissent à une dis­cus­sion du pour et du contre, indis­pen­sable pour une déci­sion démo­cra­tique où ne s’impose aucune cer­ti­tude, ni du bien, ni du juste.

Wolf Lin­der

Une pre­mière ver­sion de cet article a paru en alle­mand dans l’hebdomadaire Die Welt­woche.

Source : Domaine public, https://​www​.domai​ne​pu​blic​.ch/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​3​1​490 

 

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34 Commentaires

  1. majax

    Quelques clés ici :
    httpv://www.youtube.com/watch?v=MSjbxYEe-yU

    EXTRAIT :
    « Et si le vrai pro­blème de nos démo­cra­ties était les élec­teurs ? Après tout, selon Bryan Caplan, les citoyens sont pires qu’i­gno­rants. Ils sont irra­tion­nels. Et loin d’être sur­pre­nant, ceci pour­rait être une consé­quence du sys­tème démo­cra­tie. Selon Caplan, les citoyens sont ration­nel­le­ment irrationnels. »

    Réponse
    • Jordanix

      Car les ins­ti­tu­tions les rendent ignorants.
      Mais avec des ins­ti­tu­tions qui pous­se­raient à la ver­tu et à faire de la poli­tique tous les jours.. ce genre de cita­tion ne serait plus valable.

      Réponse
  2. etienne

    Télévision : oeil de demain (1er janvier 1947)

    Réponse
  3. etienne

    Le révé­la­teur grec : L’ordolibéralisme alle­mand, cage de fer pour le Vieux Continent

    « Je me sens proche de l’ordolibéralisme alle­mand d’après-guerre », a décla­ré le pré­sident du Conseil euro­péen, M. Donald Tusk, à pro­pos du dos­sier grec.

    Née outre-Rhin il y a huit décen­nies, cette forme conti­nen­tale de néo­li­bé­ra­lisme étend son influence.

    Si quelqu’un vou­lait encore une preuve du dan­ger que font peser les réfé­ren­dums sur le fonc­tion­ne­ment des démo­cra­ties modernes, la voi­là », ful­mi­nait le site de l’hebdomadaire Der Spie­gel le 6 juillet 2015, après l’annonce des résul­tats de la consul­ta­tion grecque. La sidé­ra­tion pro­vo­quée en Alle­magne par ce « non » reten­tis­sant s’explique par la col­li­sion fron­tale entre deux concep­tions de l’économie et, plus lar­ge­ment, des affaires publiques.

    La pre­mière approche, qu’incarnaient début juillet les diri­geants grecs, reflète un mode de gou­ver­ne­ment pro­pre­ment poli­tique. Le suf­frage popu­laire prime sur la règle comp­table, et un pou­voir élu peut choi­sir de chan­ger les règles. La seconde, à l’inverse, subor­donne l’action gou­ver­ne­men­tale à la stricte obser­vance d’un ordre. Les poli­tiques peuvent agir comme ils l’entendent pour­vu qu’ils ne sortent pas du cadre, lequel se trouve de fac­to sous­trait à la déli­bé­ra­tion démo­cra­tique. Le ministre alle­mand des finances Wolf­gang Schäuble per­son­ni­fie cet état d’esprit. « Pour lui, les règles ont un carac­tère divin », a obser­vé son ancien homo­logue grec Yanis Varou­fa­kis (lire « “Leur seul objec­tif était de nous humilier” »).

    Cette idéo­lo­gie alle­mande mal connue porte un nom : l’ordolibéralisme. Comme les adeptes anglo-saxons du « lais­ser-faire », les ordo­li­bé­raux refusent que l’Etat fausse le jeu du mar­ché. Mais, contrai­re­ment à eux, ils estiment que la libre concur­rence ne se déve­loppe pas spon­ta­né­ment. L’Etat doit l’organiser ; il doit édi­fier le cadre juri­dique, tech­nique, social, moral, cultu­rel du mar­ché. Et faire res­pec­ter les règles. Telle est l’« ordo­po­li­tique » (Ord­nung­spo­li­tik). L’histoire de cet inter­ven­tion­nisme libé­ral prend sa source dans le bouillon­ne­ment de l’entre-deux-guerres, il y a huit décen­nies. « Je suis né à Fri­bourg, confiait M. Schäuble en sep­tembre 2012. Là-bas, il y a quelque chose qui s’appelle l’école de Fri­bourg. Cela a un rap­port avec l’ordolibéralisme. Et aus­si avec Wal­ter Eucken (1). »

    Fri­bourg-en-Bris­gau, une cité pros­père, non loin de la cathé­drale de Stras­bourg et des coffres-forts suisses, au pied du mas­sif de la Forêt-Noire. Dans ce fief catho­lique et conser­va­teur, la crise éco­no­mique ouverte en 1929 pro­duit ses effets comme ailleurs : aux élec­tions de mars 1933, le par­ti nazi arrive en tête avec près de 36 % des voix. Alors que la répu­blique de Wei­mar ago­nise, trois uni­ver­si­taires réflé­chissent à l’avenir. Eco­no­miste, Wal­ter Eucken (1891−1950) aspire à refon­der phi­lo­so­phi­que­ment sa dis­ci­pline. Franz Böhm (1895−1977) et Hans Gross­mann-Doerth (1894−1944) se frottent en juristes à l’épineux pro­blème des mono­poles et des ententes (2). Leur ren­contre pro­duit une étrange alchimie.

    Ensemble, ils éla­borent un pro­gramme de recherche arti­cu­lé autour de la notion d’ordre (Ord­nung), com­prise à la fois comme consti­tu­tion éco­no­mique et comme règle du jeu. Pour neu­tra­li­ser les car­tels et évi­ter que la guerre éco­no­mique ne dégé­nère, il faut, disent-ils, un Etat fort. « L’Etat doit consciem­ment construire les struc­tures, le cadre ins­ti­tu­tion­nel, l’ordre dans les­quels l’économie fonc­tionne, écrit Eucken. Mais il ne doit pas diri­ger le pro­ces­sus éco­no­mique lui-même (3). »

    Contrai­re­ment aux libé­raux clas­siques, les ordo­li­bé­raux ne consi­dèrent pas le mar­ché ou la pro­prié­té pri­vée comme des pro­duits de la nature, mais comme des construc­tions humaines, et donc fra­giles. L’Etat doit réta­blir la concur­rence si elle ne fonc­tionne pas. Il doit aus­si créer un envi­ron­ne­ment favo­rable : for­ma­tion des tra­vailleurs, infra­struc­tures, inci­ta­tion à l’épargne, lois sur la pro­prié­té, les contrats, les bre­vets, etc. Entre le cadre et les pro­ces­sus s’intercale la mon­naie. Dans son tes­ta­ment intel­lec­tuel (Fon­de­ments de la poli­tique éco­no­mique, 1952), Eucken insiste sur le « pri­mat de la poli­tique moné­taire » et sur la néces­si­té de la sous­traire aux pres­sions poli­tiques et popu­laires. Non seule­ment une bonne « consti­tu­tion moné­taire » doit évi­ter l’inflation, mais, « comme l’ordre concur­ren­tiel, elle doit fonc­tion­ner de manière aus­si auto­ma­tique que pos­sible ». Faute de quoi « l’ignorance, la fai­blesse envers les groupes d’intérêt et l’opinion publique » (4) feraient dévier les res­pon­sables moné­taires de leur objec­tif sacré : la stabilité.

    A Fri­bourg, le petit cercle des ordo­li­bé­raux s’élargit. Leur noto­rié­té dépasse bien­tôt l’enceinte de la cité. Leurs tra­vaux ins­pirent notam­ment deux éco­no­mistes, Wil­helm Röpke (1899−1966) et Alexan­der Rüs­tow (1885−1963), qui y injectent des réfé­rences his­to­riques et socio­lo­giques, ain­si qu’une forte dose de conser­va­tisme. Ces oppo­sants au régime nazi situent l’épicentre de la crise non pas dans la sphère éco­no­mique elle-même, mais dans la dés­in­té­gra­tion de l’ordre social pro­vo­quée par le lais­ser-faire. La moder­ni­té aurait engen­dré un pro­lé­ta­riat déshu­ma­ni­sé, un Etat social obèse, une fer­veur col­lec­ti­viste. Face à la « révolte des masses », Röpke appelle de ses vœux une « révolte des élites » (5). Pour rendre aux tra­vailleurs leur digni­té per­due, il fau­drait les réin­té­grer dans diverses com­mu­nau­tés pré­dé­mo­cra­tiques pen­sées comme natu­relles — famille, com­mune, Eglise, etc. — et éra­di­quer l’égalitarisme.

    En sacri­fiant au culte du Moloch libé­ral, écrit Rüs­tow, « on a nié le prin­cipe de l’échelonnement en géné­ral et l’on a mis à sa place l’idéal, faux et erro­né, de l’égalité et l’idéal, par­tiel et insuf­fi­sant, de la fra­ter­ni­té ; car, dans la petite comme dans la grande famille, plus impor­tant que le rap­port de frère à frère est le rap­port de parents à enfants, assu­rant la suite des géné­ra­tions qui main­tient le cou­rant de la tra­di­tion cultu­relle (6) ». De culture chré­tienne comme leurs amis de Fri­bourg, Röpke et Rüs­tow chargent la notion d’ordre du sens que lui don­nait saint Augus­tin : une règle dis­ci­pli­naire ordon­na­trice de la vie commune.

    L’essor de l’ordolibéralisme s’inscrit dans un vaste mou­ve­ment inter­na­tio­nal de renou­veau de la pen­sée libé­rale, qui se déploie dans les années 1930 sous l’appellation de « néo­li­bé­ra­lisme ». Dans cette mou­vance, les « ordos » s’opposent aux nos­tal­giques du lais­ser-faire — Lud­wig von Mises et son élève Frie­drich Hayek —, les­quels, peste Rüs­tow, « ne trouvent rien d’essentiel à cri­ti­quer ou à chan­ger au libé­ra­lisme traditionnel ».

    A la fin des années 1930, les éclai­reurs de l’ordopolitique res­tent mar­gi­naux. Ils ne dis­posent guère de relais dans l’Allemagne nazie, même si plu­sieurs d’entre eux par­ti­cipent à des cercles de réflexion éco­no­mique du régime — c’est notam­ment le cas de Lud­wig Erhard (1897−1977) et d’Alfred Mül­ler-Armack (1901−1978), deux per­ma­nents d’organismes patro­naux pro­mis à un brillant ave­nir, qui se ren­contrent pour la pre­mière fois en 1941 « dans le cadre d’une col­la­bo­ra­tion enga­gée au nom de l’industrie légère avec l’Etat nazi (7) ». A peine né, note l’économiste Fran­çois Bil­ger, l’ordolibéralisme « fut en quelque sorte “exi­lé” ou réduit à une vie de “cata­combes”. Deux des prin­ci­paux libé­raux alle­mands, Röpke et Rüs­tow, durent s’exiler à l’avènement du régime natio­nal-socia­liste ; quant aux autres, ils ne purent conti­nuer à ensei­gner ou pour­suivre quelque autre acti­vi­té qu’en renon­çant à dire toute leur pen­sée (8) ».

    La chute du nazisme sonne pour eux l’heure de la conquête. En Alle­magne de l’Ouest, à la dif­fé­rence de ce qui se pro­duit en France, en Ita­lie ou au Royaume-Uni, la recons­truc­tion s’effectue sur des bases libé­rales plu­tôt que sociales-démo­crates. Puis­sance occu­pante la plus influente, les Etats-Unis empêchent les natio­na­li­sa­tions aux­quelles aspi­rait la majo­ri­té (9). Ils faci­litent en revanche la tran­si­tion vers une éco­no­mie ouverte, récep­tacle idéal pour leurs expor­ta­tions, et accor­de­ront à leur nou­vel allié une divi­sion par deux de sa dette exté­rieure (10).

    Ces condi­tions favo­risent l’édification, à par­tir de 1948–1949, d’un sys­tème qui opère la fusion de l’ordolibéralisme et de la doc­trine chré­tienne en une « éco­no­mie sociale de mar­ché ». L’expression est heu­reuse, mais l’adjectif trom­peur : « Son carac­tère social, pré­cise en 1948 Mül­ler-Armack, inven­teur de la for­mule, réside dans le fait qu’elle est en situa­tion de pro­po­ser une masse diver­si­fiée de biens de consom­ma­tion à des prix que le consom­ma­teur peut contri­buer à déter­mi­ner par la demande (11). » Une série de mesures com­pensent les inéga­li­tés qu’engendre le modèle concur­ren­tiel : main­tien du sys­tème d’assurances sociales héri­té de Bis­marck, impôt sur le reve­nu, loge­ments sociaux, aide aux petites entre­prises… Bref, le « social » dont il est ici ques­tion rap­pelle qu’une éco­no­mie de mar­ché ne fonc­tionne que si l’Etat pro­duit la socié­té qui lui cor­res­pond. L’Allemagne d’après-guerre sera un labo­ra­toire néo­li­bé­ral à ciel ouvert.

    L’expérimentateur en chef se nomme Lud­wig Erhard, direc­teur de l’administration éco­no­mique de la zone occu­pée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni (Bizone), puis ministre de l’économie de Kon­rad Ade­nauer de 1949 à 1963, et fina­le­ment chan­ce­lier de 1963 à 1966. Sous la hou­lette de cet éco­no­miste conver­ti aux thèses ordo­li­bé­rales pen­dant la guerre sont intro­duites la plu­part des réformes de struc­ture asso­ciées au « miracle éco­no­mique », en par­ti­cu­lier la libé­ra­tion des prix et la créa­tion du deutsche Mark, le 20 juin 1948, qui res­tent gra­vées dans la mémoire col­lec­tive comme une refondation.

    Ini­tia­teur de l’ouverture au libre-échange inter­na­tio­nal et des pri­va­ti­sa­tions, Erhard aimait résu­mer son action par une méta­phore : « De même que l’arbitre ne prend pas part au jeu, l’Etat se trouve exclu de l’arène. Dans tout bon match de foot­ball, il y a une constante : ce sont les règles pré­cises qui ont pré­si­dé à ce jeu. Ce que vise ma poli­tique libé­rale, c’est jus­te­ment de créer les règles du jeu (12). » L’introduction de la coges­tion dans l’industrie en 1951–1952 lui sera impo­sée par le chan­ce­lier Ade­nauer et par des syn­di­cats qui y voyaient une com­pen­sa­tion à la stag­na­tion salariale.

    Confor­mé­ment aux pré­ceptes d’Eucken, Ehrard répu­gnait à inter­ve­nir pour pal­lier les effets des trous d’air éco­no­miques. « Il redou­tait qu’une poli­tique de conjonc­ture, qui se foca­lise sur l’objectif de plein-emploi au détri­ment de tout autre, ne s’effectue aux dépens de la sta­bi­li­té moné­taire et au prix d’une moindre res­pon­sa­bi­li­té indi­vi­duelle », expli­que­ra l’un de ses dis­ciples, M. Hans Tiet­meyer, pré­sident de la Bun­des­bank (banque cen­trale alle­mande) entre 1993 et 1999 (13).

    L’ordopolitique connaît son apo­théose en 1957, quand Erhard fait voter deux lois déci­sives : l’une sur l’indépendance de la Bun­des­bank, l’autre contre les limi­ta­tions de la concur­rence. Sta­bi­li­té moné­taire et concur­rence non faus­sée : « Dans le modèle d’économie sociale de mar­ché, ana­lyse le haut fonc­tion­naire fran­çais Chris­tophe Stras­sel, ces deux poli­tiques échappent au débat démo­cra­tique ordi­naire (14). »

    Le ministre de l’économie n’agit évi­dem­ment pas seul. Dès 1948, Erhard s’entoure d’experts ordo­li­bé­raux, qui inves­tissent en force le Conseil scien­ti­fique de la Bizone, comme Böhm, Eucken ou Mül­ler-Armack. Le minis­tère de l’économie devient leur chasse gar­dée. L’ordopolitique dis­pose éga­le­ment d’une mul­ti­tude de relais : une revue théo­rique, Ordo, dont le pre­mier numé­ro paraît en août 1948 ; un lob­by char­gé d’assurer sa pro­mo­tion, la Com­mu­nau­té d’action pour l’économie sociale de mar­ché, fon­dée en 1953, et dont les tra­vaux irriguent sans rete­nue la presse, notam­ment la Frank­fur­ter All­ge­meine Zei­tung ; un mou­ve­ment d’industriels catho­liques, Die Waage (« la Balance »), « com­mu­nau­té pour la pro­mo­tion de l’égalité sociale », qui finan­ce­ra pen­dant une décen­nie des cam­pagnes d’opinion en amont des élec­tions légis­la­tives (15).

    Mais c’est au Par­le­ment que l’ordolibéralisme réus­sit sa per­cée la plus inat­ten­due. Avec la notion d’économie sociale de mar­ché et son slo­gan « La pros­pé­ri­té pour tous », il offre à la jeune Union chré­tienne-démo­crate d’Allemagne (CDU) l’occasion de répli­quer sur le ter­rain des sociaux-démo­crates. Conquis, le par­ti reven­dique à par­tir de 1949 une socié­té dont « l’ordre se réa­lise grâce à la liber­té et au res­pect des enga­ge­ments qui s’expriment dans l’“économie sociale” de mar­ché par la concur­rence authen­tique et le contrôle des mono­poles (16) ».

    Cer­tains intel­lec­tuels du Par­ti social-démo­crate (SPD) suc­combent à ce chant des sirènes. En 1955, Karl Schil­ler publie Socia­lisme et concur­rence, où figure la célèbre devise « Concur­rence autant que pos­sible, pla­ni­fi­ca­tion autant que néces­saire ». For­mule reprise par le SPD lui-même lors de son grand tour­nant doc­tri­nal de novembre 1959, quand, à Bad Godes­berg, une majo­ri­té de délé­gués recon­naît la pro­prié­té pri­vée des moyens de pro­duc­tion et l’économie de mar­ché comme des bien­faits incontestables.

    Un tel aggior­na­men­to n’aurait pas été pos­sible si l’ordolibéralisme s’était impo­sé à l’état brut dans la socié­té alle­mande. Dans la pra­tique, l’économie sociale de mar­ché hybride Eucken et Bis­marck, la règle comp­table théo­ri­sée à Fri­bourg et le sys­tème de pro­tec­tion sociale ins­tau­ré par le chan­ce­lier mous­ta­chu à la fin du XIXe siècle. La chute d’Erhard, en 1966, marque une inflexion « sociale » qu’accentue l’arrivée au pou­voir en 1969 du social-démo­crate Willy Brandt. Aux influences « ordo » et bis­mar­ckienne s’ajoute une pers­pec­tive key­né­sienne : pla­ni­fi­ca­tion à moyen terme, hausse des salaires, ren­for­ce­ment de la coges­tion, inves­tis­se­ments dans l’éducation et la san­té. La Répu­blique fédé­rale des années 1970–1980 se bri­cole ain­si un « modèle alle­mand » qui pro­clame sa fidé­li­té à l’économie sociale de mar­ché mais incor­pore une bonne dose d’interventionnisme classique.

    L’alternance de 1982 offre au chré­tien-démo­crate Hel­mut Kohl l’occasion de fer­mer la paren­thèse. Le balan­cier idéo­lo­gique a bas­cu­lé ; l’heure est au réta­blis­se­ment de l’équilibre bud­gé­taire. Mais les coûts de l’unification alle­mande entra­ve­ront durant les années 1990 le retour aux fon­da­men­taux ordo­li­bé­raux. Et il échoit au social-démo­crate Gerhard Schrö­der, intro­ni­sé en 1998, de res­tau­rer l’ordre des années 1950 par la déré­gu­la­tion mas­sive du droit du tra­vail et l’affaiblissement de la pro­tec­tion sociale. Des mesures confir­mées par l’actuelle chan­ce­lière, Mme Ange­la Mer­kel, qui rap­pe­lait en jan­vier 2014 que « l’économie sociale de mar­ché est bien plus qu’un ordre éco­no­mique et social. Ses prin­cipes sont intemporels ».

    Quatre-vingts ans après sa fon­da­tion, l’ordolibéralisme se per­pé­tue en Alle­magne dans des ins­ti­tu­tions comme l’Office fédé­ral de lutte contre les car­tels — créé en 1957 —, la Com­mis­sion des mono­poles, qui conseille le pou­voir poli­tique sur les ques­tions de concur­rence, ou encore le Conseil de sta­bi­li­té, créé en 2010 pour veiller au res­pect de la « règle d’or » du défi­cit zéro, au niveau fédé­ral comme dans les Län­der. Mais il imprègne aus­si les débats poli­ti­co-éco­no­miques alle­mands à la manière d’un fonds cultu­rel com­mun que cha­cun inter­prète à sa guise.

    Des conser­va­teurs et libé­raux jusqu’au SPD et aux Verts, en pas­sant par l’Alternative für Deut­schland (AfD, dont un cofon­da­teur, l’économiste Joa­chim Star­bat­ty, fut assis­tant de Mül­ler-Armack à Cologne), les par­tis alle­mands comptent dans leurs rangs moult héri­tiers d’Eucken. Tous dénoncent de mau­vais usages de la tra­di­tion par leurs adver­saires. « Je suis un ordo­li­bé­ral, mais de gauche », nous assure M. Gerhard Schick, dépu­té vert au Bun­des­tag depuis 2005. Doc­teur en éco­no­mie, cet ancien cher­cheur à l’institut Wal­ter-Eucken ne se qua­li­fie­rait pour­tant « en aucun cas de néo­li­bé­ral. Chez les Verts, le terme d’ “éco­no­mie sociale de mar­ché” fait consen­sus, même si nous y ajou­te­rions le terme “éco­lo­gique”. Je par­tage les ana­lyses ordo­li­bé­rales sur le contrôle du mar­ché. Et je trouve impor­tant que l’Etat pose des règles pour que la concur­rence fonctionne ».

    Au fil des ans, des cou­rants plus ou moins inter­ven­tion­nistes ont émer­gé. « Il ne s’agit pas d’une doc­trine fer­mée », ana­lyse M. Ralf Fücks, direc­teur de l’influente fon­da­tion Hein­rich-Böll des Verts. Le prin­cipe ordo­li­bé­ral de la « res­pon­sa­bi­li­té » peut jus­ti­fier la régu­la­tion des mar­chés finan­ciers et des taxes éco­lo­giques, mais aus­si le refus d’une mutua­li­sa­tion euro­péenne de la dette. « L’ordolibéralisme est une troi­sième voie entre le lais­ser-faire et l’étatisme, estime cet ex-diri­geant des Grü­nen. Pour les Verts, c’est une posi­tion par­ti­cu­liè­re­ment inté­res­sante, qui per­met de se démar­quer à la fois des idées de la gauche tra­di­tion­nelle et du néolibéralisme. »

    Dépu­té Die Linke (gauche radi­cale) de 2005 à 2010 et ancien pro­fes­seur d’économie, M. Her­bert Schui sou­ligne que « l’économie sociale de mar­ché est un concept de sug­ges­tion. Il a été créé après guerre pour éloi­gner la popu­la­tion des idées socia­listes. La for­mule fonc­tionne si bien que même cer­tains à gauche s’y laissent prendre ». Elle pro­cure une réfé­rence duc­tile, mais très légi­time, car asso­ciée à l’idée de refon­da­tion — un peu comme le gaul­lisme en France. La Confé­dé­ra­tion alle­mande des syn­di­cats (DGB) l’a adop­tée en 1996. « L’économie sociale de mar­ché a pro­duit un haut niveau de pros­pé­ri­té maté­rielle » et repré­sente « un grand pro­grès his­to­rique face au capi­ta­lisme sau­vage », déclare-t-elle dans son pro­gramme fon­da­teur, inchan­gé depuis. Tout en recon­nais­sant que ce sys­tème « n’a empê­ché ni le chô­mage de masse ni le gas­pillage des res­sources, et n’a pas pro­duit l’égalité sociale ».

    Tan­dis qu’une par­tie de la gauche alle­mande voit dans l’ordolibéralisme une forme d’interventionnisme oppo­sable au néo­li­bé­ra­lisme, le patro­nat l’associe à une éco­no­mie de mar­ché stric­te­ment libé­rale. Une série d’organismes par­ta­geant cette vision four­nissent à la pen­sée ordo­li­bé­rale une chambre d’écho poly­pho­nique. L’Initiative pour une nou­velle éco­no­mie sociale de mar­ché, think tank naguère pré­si­dé par M. Tiet­meyer, lutte contre le sou­tien public aux éner­gies renou­ve­lables, contre l’impôt sur le patri­moine ou encore contre le salaire mini­mum légal mis en place début 2015. La Com­mu­nau­té d’action pour l’économie sociale de mar­ché sévit tou­jours soixante ans après sa créa­tion. Plus récente, l’Alliance d’Iéna pour le renou­vel­le­ment de l’économie sociale de mar­ché décerne chaque année un prix pour l’innovation dans l’Ordnungspolitik, tan­dis que le Kron­ber­ger Kreis, un cercle d’économistes ados­sé à une fon­da­tion pour l’économie de mar­ché, se vante de four­nir aux gou­ver­ne­ments « la pen­sée pour les réformes indis­pen­sables ». L’ordopolitique dis­pose de relais jusqu’au sein de l’Eglise, en la per­sonne de Mgr Rein­hard Marx, arche­vêque de Munich et pré­sident de la Confé­rence épis­co­pale allemande.

    Mais la voix la plus influente de l’ordopolitique n’est autre que le Conseil alle­mand des experts éco­no­miques, créé en 1963 par Erhard pour gui­der les choix du gou­ver­ne­ment. Seul l’un de ses cinq membres, Peter Bofin­ger, est key­né­sien. « Quel que soit le sujet, je suis seul contre quatre », peste-t-il (The Eco­no­mist, 9 mai 2015). Ses confrères, eux, se veulent avant tout prag­ma­tiques. « Nous voyons les avan­tages des concepts ordo­po­li­tiques, mais, si on y regarde de plus près, c’est plus hété­ro­gène », nous explique par exemple Lars Feld, l’un des « sages », pro­fes­seur à l’université de Fri­bourg et pré­sident de l’institut Wal­ter-Eucken. « L’ordolibéralisme en lui-même ne rime pas for­cé­ment avec aus­té­ri­té. En 2008, avec mon col­lègue Cle­mens Fuest, nous avons par exemple recom­man­dé au gou­ver­ne­ment de mettre en place un pro­gramme de sou­tien à la relance après la crise finan­cière. Mais, avons-nous ajou­té, “si vous crai­gnez que cette mesure ne péna­lise ensuite vos condi­tions de refi­nan­ce­ment sur les mar­chés, alors intro­dui­sez un frein à l’endettement” » — la règle d’or bud­gé­taire. Le gou­ver­ne­ment a sui­vi les deux recom­man­da­tions à la lettre. « En tant qu’Allemand, c’est pour moi incom­pré­hen­sible de voir à quel point mon pays est figé du point de vue de la pen­sée éco­no­mique », nous confie l’économiste et spé­cia­liste de l’ordolibéralisme Ralf Ptak.

    Au-delà de sa mise en œuvre ger­ma­nique dans une ver­sion plus ou moins abâ­tar­die, l’idéologie « ordo » s’est trans­po­sée à l’état chi­mi­que­ment pur dans les struc­tures de l’Union euro­péenne. « Tout le cadre de Maas­tricht reflète les prin­cipes cen­traux de l’ordolibéralisme et de l’économie sociale de mar­ché », recon­naît volon­tiers M. Jens Weid­mann, pré­sident de la Bun­des­bank (17). Avec son appel au « déve­lop­pe­ment durable de l’Europe fon­dé sur une crois­sance éco­no­mique équi­li­brée et sur la sta­bi­li­té des prix, une éco­no­mie sociale de mar­ché hau­te­ment com­pé­ti­tive », l’article 2.3 du trai­té de Lis­bonne, en vigueur depuis fin 2009, semble décal­qué d’un dis­cours d’Erhard.

    Et pour cause : de Wal­ter Hall­stein, pre­mier pré­sident de la Com­mis­sion euro­péenne (1958−1967), à Hans von der Groe­ben, com­mis­saire à la concur­rence (1958−1967), en pas­sant par Mül­ler-Armack, négo­cia­teur du trai­té, la plu­part des Alle­mands ayant par­ti­ci­pé à la mise en place du Mar­ché com­mun dans les années 1950 adhé­raient à la pen­sée d’Eucken. Les hauts fonc­tion­naires des ins­ti­tu­tions euro­péennes ont repro­duit à l’échelon com­mu­nau­taire la stra­té­gie d’Erhard et de son comi­té d’experts dans l’Allemagne fédé­rale occu­pée : acteurs d’un orga­nisme dépour­vu de légi­ti­mi­té, ils se sont concen­trés sur l’élaboration d’un cadre juri­dique de la concur­rence et de la sta­bi­li­té moné­taire, pré­oc­cu­pa­tion jugée de second ordre par les puis­sances éta­blies pen­dant la guerre froide.

    Leur triomphe n’était pas acquis d’avance. Dans les années 1950, l’édifice euro­péen s’érige sur deux piliers doc­tri­naux bien dis­tincts. L’un, fran­çais, inter­ven­tion­niste et pla­ni­fi­ca­teur, fore volon­tiers à coups de sub­ven­tions de larges zones d’exception dans le cadre concur­ren­tiel (la poli­tique agri­cole com­mune et celle des cham­pions natio­naux). Il voit dans le pro­jet de mar­ché inté­rieur euro­péen une pro­tec­tion vis-à-vis du libre-échange mon­dial. L’autre, ordo­li­bé­ral, presse ses par­te­naires non seule­ment d’établir un mar­ché unique com­mu­nau­taire, mais éga­le­ment de pro­cé­der à un ara­se­ment des bar­rières doua­nières à l’échelle du « monde libre ». Dès 1956, le chan­ce­lier Erhard plaide pour l’instauration d’un… grand mar­ché trans­at­lan­tique (18).

    Domi­nante dans les années 1960 et 1970, l’approche hexa­go­nale ne résiste pas à la déré­gle­men­ta­tion des échanges inter­na­tio­naux, qui implique rigueur bud­gé­taire et com­pé­ti­ti­vi­té. Paris abdique sym­bo­li­que­ment le 23 mars 1983, quand Fran­çois Mit­ter­rand, renon­çant à conduire la poli­tique de rup­ture pour laquelle il a été élu, décide de main­te­nir le franc arri­mé au sys­tème moné­taire euro­péen et à l’Allemagne. Ce choix implique la mise en œuvre par la gauche d’un plan d’austérité sym­bo­li­que­ment com­pa­rable à celui que M. Alexis Tsi­pras enté­ri­na en juillet 2015. « Je suis par­ta­gé entre deux ambi­tions, confiait Mit­ter­rand le 19 février 1983. Celle de la construc­tion de l’Europe et celle de la jus­tice sociale (19). » Une alter­na­tive du même ton­neau fut impo­sée au diri­geant grec.

    Vingt-cinq ans après la chute du mur de Ber­lin, la doc­trine « ordo » imprègne tou­jours les cadres de la direc­tion géné­rale de la concur­rence et ins­pire nombre de com­mis­saires euro­péens, tel le Belge Karel Van Miert, réci­pien­daire du prix Lud­wig-Erhard en 1998, ou encore l’Italien Mario Mon­ti. Mais le fief ordo­li­bé­ral le plus inex­pug­nable se trouve à Franc­fort. « La consti­tu­tion moné­taire de la Banque cen­trale euro­péenne [BCE] s’ancre fer­me­ment dans les prin­cipes de l’ordolibéralisme », recon­naît l’actuel pré­sident de l’institution, M. Mario Dra­ghi (20). Par son fonc­tion­ne­ment, par son indé­pen­dance vis-à-vis des ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques ou encore par sa mis­sion unique de main­tien de la sta­bi­li­té des prix, la BCE pla­gie la Bun­des­bank. En 2003 (19 sep­tembre), Les Echos saluaient son futur pré­sident, M. Jean-Claude Tri­chet — pour­tant énarque et fran­çais —, comme « le plus authen­tique repré­sen­tant de l’esprit mais aus­si de la pra­tique qu’a incar­nés la Bun­des­bank depuis sa créa­tion en 1949 jusqu’à l’intronisation de l’euro ».

    Le com­bat a ces­sé faute de com­bat­tants. En Europe, la marée basse de la sou­ve­rai­ne­té popu­laire laisse appa­raître dans leur froide effi­ca­ci­té les struc­tures de pilo­tage auto­ma­tique patiem­ment mises en place dans les bureaux de Bruxelles et les tours de Franc­fort : indi­ca­teurs pla­cés en ape­san­teur démo­cra­tique par le trai­té de Maas­tricht (les fameux 3 % de défi­cit), ins­tau­ra­tion en mars 2012 de la « règle d’or » alle­mande limi­tant les défi­cits bud­gé­taires pour les Etats membres.

    Dix jours après le réfé­ren­dum grec, Hans-Wer­ner Sinn, l’économiste le plus influent outre-Rhin, conseiller du ministre des finances et repré­sen­tant inflexible de l’orthodoxie, nous l’affirmait : « La crise euro­péenne exclut les recettes key­né­siennes. Ce n’est pas spé­cia­le­ment ordo­li­bé­ral, c’est tout sim­ple­ment éco­no­mique. » Le cadre d’Eucken s’est mué en cage de fer.

    Fran­çois Denord, Rachel Knae­bel & Pierre Rimbert
    Res­pec­ti­ve­ment socio­logue (Centre natio­nal de la recherche scien­ti­fique) et jour­na­liste (Ber­lin).

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    Notes :
    (1) Wolf­gang Schäuble, allo­cu­tion à Franc­fort, 5 sep­tembre 2012.

    (2) David J. Ger­ber, « Consti­tu­tio­na­li­zing the eco­no­my : Ger­man neo-libe­ra­lism, com­pe­ti­tion law and the “new” Europe » (PDF), The Ame­ri­can Jour­nal of Com­pa­ra­tive Law, vol. 42, n° 1, Washing­ton, DC, 1994.

    (3) Cité par Sieg­fried G. Kars­ten, « Eucken’s “social mar­ket eco­no­my” and its test in post-war West Ger­ma­ny », The Ame­ri­can Jour­nal of Eco­no­mics and Socio­lo­gy, vol. 44, n° 2, Hobo­ken (New Jer­sey), 1985.

    (4) Wal­ter Eucken, Grund­sätze der Wirt­schafts­po­li­tik, Mohr, Tübin­gen, 1952.

    (5) Jean Sol­cha­ny, Wil­helm Röpke, l’autre Hayek. Aux ori­gines du néo­li­bé­ra­lisme, Publi­ca­tions de la Sor­bonne, Paris, 2015.

    (6) Centre inter­na­tio­nal d’études pour la réno­va­tion du libé­ra­lisme (CIRL), Compte ren­du des séances du col­loque Wal­ter Lipp­mann, Librai­rie de Médi­cis, Paris, 1939.

    (7) Patri­cia Com­mun, « La conver­sion de Lud­wig Erhard à l’ordolibéralisme (1930−1950) », dans Patri­cia Com­mun (sous la dir. de), L’Ordolibéralisme alle­mand. Aux sources de l’économie sociale de mar­ché, Cirac, Cer­gy-Pon­toise, 2003.

    (8) Fran­çois Bil­ger, La Pen­sée éco­no­mique libé­rale dans l’Allemagne contem­po­raine, LGDJ, Paris, 1964.

    (9) Wer­ner Abel­shau­ser, « Les natio­na­li­sa­tions n’auront pas lieu », Le Mou­ve­ment social, n° 134, jan­vier-mars 1986.

    (10) Lire Renaud Lam­bert, « Dette publique, un siècle de bras de fer », Le Monde diplo­ma­tique, mars 2015.

    (11) Alfred Mül­ler-Armack, repris dans Genea­lo­gie der Sozia­len Markt­wirt­schaft, Haupt, Berne, 1981.

    (12) Lud­wig Erhard, La Pros­pé­ri­té pour tous, Plon, Paris, 1959.

    (13) Hans Tiet­meyer, Eco­no­mie sociale de mar­ché et sta­bi­li­té moné­taire, Eco­no­mi­ca, Paris, 1999.

    (14) Chris­tophe Stras­sel, « La France, l’Europe et le modèle alle­mand », Héro­dote, vol. 4, La Décou­verte, Paris, 2013.

    (15) Ralf Ptak, Vom Ordo­li­be­ra­lis­mus zur Sozia­len Markt­wirt­schaft, Leske+Budrich, Opla­den, 2004.

    (16) André Piettre, L’Economie alle­mande contem­po­raine (Alle­magne occi­den­tale), 1945–1952, Librai­rie de Médi­cis, Paris, 1952.

    (17) Confé­rence à l’institut Wal­ter-Eucken, Fri­bourg-en-Bris­gau, 11 février 2013.

    (18) Lire notre dos­sier en ligne.

    (19) Jacques Atta­li, Ver­ba­tim I, Fayard, Paris, 1993.

    (20) Confé­rence de M. Mario Dra­ghi à Jéru­sa­lem, 18 juin 2013.

    DOSSIER LE RÉVÉLATEUR GREC

    La crise grecque dévoile le fonc­tion­ne­ment de l’Union euro­péenne : elle a mis au jour la dis­tance qui s’est créée avec les ambi­tions for­mu­lées par les pères fon­da­teurs — démo­cra­tie, soli­da­ri­té et pros­pé­ri­té —, consa­cré la vic­toire d’une idéo­lo­gie venue d’Allemagne, l’ordolibéralisme, et se montre désor­mais ouver­te­ment hos­tile à toute perspective (…)

    • L’Europe dont nous ne vou­lons plus
    Serge Halimi

    Un mou­ve­ment jeune et plein d’énergie enten­dait trans­for­mer une nation et réveiller le Vieux Conti­nent. L’Eurogroupe et le Fonds moné­taire inter­na­tio­nal ont écra­sé cette espé­rance. Au-delà du choc que les (…) →

    • « Leur seul objec­tif était de nous humilier »
    Yanis Varoufakis

    Pen­dant six mois, seule contre tous, la Grèce a été clouée au pilo­ri par ses par­te­naires lors de réunions innom­brables et inter­mi­nables. Ministre grec des finances pen­dant ces affron­te­ments entre Bruxelles, (…) →

    • Exil
    Angé­lique Ionatos

    Les poètes sont en exil. Dans notre monde sou­mis à une nou­velle bar­ba­rie, celle de la plou­to­cra­tie, il faut les inter­ro­ger pour retrou­ver la mémoire et l’utopie tout à la (…) →

    • « Le sys­tème a absor­bé le virus »
    Renaud Lambert 

    Il faut désor­mais l’eurobéatitude congé­ni­tale d’un chro­ni­queur comme Ber­nard Guet­ta pour esti­mer que « le com­pro­mis est déci­dé­ment le mode de fonc­tion­ne­ment euro­péen ». Loin des stu­dios de la mai­son ronde, (…) →

    • Inté­gra­tion sous tutelle

    Confor­mé­ment au théo­rème selon lequel toute crise euro­péenne ne peut s’expliquer que par une insuf­fi­sance d’Europe, le drame grec a sus­ci­té une pluie de com­men­taires sur la néces­si­té d’accélérer l’intégration. (…) →

    • Les four­be­ries de Sapin

    Inter­ro­gé sur France Inter le 29 juin sur le rôle du Fonds moné­taire inter­na­tio­nal (FMI) dans l’interruption des négo­cia­tions entre la Grèce et ses inter­lo­cu­teurs, le ministre des finances fran­çais Michel Sapin a (…) →

    EN PERSPECTIVE

    • L’Allemagne, puis­sance sans désir
    mai 2015

    Source de cet impor­tant article, avec ses liens : Le Monde diplo­ma­tique, août 2015 :
    http://​www​.monde​-diplo​ma​tique​.fr/​2​0​1​5​/​0​8​/​D​E​N​O​R​D​/​5​3​518

    Réponse
  4. etienne

    Nous devrions TOUS connaître par­fai­te­ment l’i­déo­lo­gie scan­da­leuse de L’ORDOLIBÉRALISME, l’es­cla­va­gisme qui vient.

    Ceux qui se sont bagar­rés en 2005 contre l’an­ti­cons­ti­tu­tion euro­péenne (réfé­ren­dum contre le TCE) connaissent l’exis­tence de l’or­do­li­bé­ra­lisme depuis plus de 10 ans, mais tous les autres devraient bien bos­ser la ques­tion, et faire pas­ser le message. 

    Voyez :
    https://www.google.fr/search?q=ordolibéralisme

    Réponse
  5. majax

    Salut
    Je deman­dais pour­quoi les voix dis­si­dentes se can­tonnent à incri­mi­ner un sys­tème vieux de 30 ans (c’est sou­vent ce qu’on entend). Certes il y a eu le virage de la rigueur, tra­hi­son évi­dente de Mit­té­rand 2 ans après son élec­tion. Mais pour­quoi ne parle-t-on jamais des sep­ten­nats de Pom­pi­dou (ex-ban­quier Rot­schild) et de Gis­card (l’homme qui coû­tait 3 mil­liards) ? Il y a quand même eu des tra­hi­sons impor­tantes sous leur règne au niveau de la mon­naie. Est-ce que quel­qu’un s’est pen­ché sur d’autres réformes ? Merci !

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  6. Ana Sailland

    La land­sge­meinde est d’une immense valeur d’exem­pla­ri­té ( bien que la ques­tion de l’ « ordre du jour » ne soit pas tout à fait résolue ).
    Les expé­riences de Van­don­court, Saillans, Mari­na­le­da, sont tout aus­si réjouis­santes ; il me semble que c’est à Saillans que se vit la plus claire volon­té de nour­rir maxi­ma­le­ment l’es­prit démo­crate et de le faire triom­pher dans les esprits et les actes ; un esprit de recherche à suivre de près ; ça tombe bien, les impul­seurs tentent la pol­li­ni­sa­tion au loin de la ruche locale.
    J’aime ces gens.

    En cir­cons­tances de péni­bi­li­té extrême, ce que tentent les kurdes du nord de la Syrie est mécon­nu … il fau­drait se pen­cher sur cette affaire, voire la soutenir.

    La cri­tique usuelle la plus répan­due à tous ces vécus por­teurs d’es­poir est bien enten­du la ques­tion de la taille, et il nous est sou­vent balan­cé en pleine gueule qu’à grande échelle tout cela ne serait que bille­ve­sée irréaliste.

    Il n’est bien enten­du pas ques­tion de céder à l’é­vi­dente logique ado­rée des sou­mis volon­taires. Car en face de la logique, qu’il vau­drait mieux nom­mer obser­va­tion de ce qui est, et non de ce qui doit être, il y a une puis­sance négli­gée : l’imagination.

    Et contrai­re­ment à ce qui est dit, des expé­riences de taille légè­re­ment supé­rieure existent, telle par exemple celle du chiapas.
    Et on ignore ce qu’au­rait don­né la CNT si elle n’a­vait été assassinée.

    Pour pas­ser du com­mu­na­lisme démo­cra­tique à des dimen­sions supé­rieures, je fonde un grand espoir dans l’in­ver­sion du prin­cipe de sub­si­dia­ri­té tel qu’il est impo­sé et vécu présentement :
    Le prin­cipe de sub­si­dia­ri­té est de nos jours per­çu comme une conces­sion du glo­bal au local, une ces­sion d’une part des pou­voirs, des devoirs, des charges, déci­dée de l’en haut ; quand au contraire, en démo­cra­tie, c’est le conte­nu qui concède au conte­nant, et garde le pou­voir de contes­ter un accord ancien. J’use volon­tai­re­ment des mots conte­nant et conte­nu pour cela qu’ils ne gomment rien de la chaîne des emboî­te­ments : on peut y voir le citoyen autant que le vil­lage, la région, le pays, le conti­nent, la pla­nète, l’es­sen­tiel étant que tou­jours le conte­nu garde la main et le contrôle du conte­nant, de même qu’il est pru­dent de contrô­ler toute ins­tance et tout man­da­té. C’est ce qui est faible qui doit gou­ver­ner ce qui est fort, et non as le contraire ; afin que la force soit la force de tous et non pas celle de quelques uns.

    Je me répète et ça fait des années qu’on en cause 🙂 Je place un grand espoir dans la démo­cra­tie gigogne, c’est-à-dire dans un réseau dense d’as­sem­blées déli­bé­ra­tives et déci­sion­naires orga­ni­sées en pou­pées russes et pen­sées dans l’es­prit de la sub­si­dia­ri­té ascendante.

    Voi­lou.

    Réponse
  7. Aerophage

    Hel­lo, il y a un livre qui vient de sor­tir qui parle appa­rem­ment de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive et aus­si de monnaie.
    « Voyage en Misar­chie. Essai pour tout recons­truire » d’Em­ma­nuel Dockès

    Réponse
  8. Ana Sailland

    Il y a de nos jours un biais lexi­cal par­ti­cu­liè­re­ment per­vers, qui bom­barde esprits et oreilles de l’ex­pres­sion « débat public », comme si cette chose de scène était un ancrage de la démo­cra­tie ; que nen­ni, en fili­grane se cache la confu­sion entre « débat en public », entre VIP choi­sis, ou « débat du public », ce qui est fort différent.

    La supé­rio­ri­té du vrai débat public ( débat du public ) sur le faux débat public ( débat en public ) réside dans le fait que lors du pre­mier, toute idée peut sur­gir inopi­né­ment, de la pire à la meilleure, et en par­ti­cu­lier, même si c’est éso­pien, c’est cela qui est pré­cieux, peuvent sur­gir les idées les plus ori­gi­nales ou ima­gi­na­tives, donc sou­vent libé­ra­toires, ou éman­ci­pa­trices du ron­ron neu­ro­nique, qui au contraire n’ont que très peu de chance, ou aucune, d’é­mer­ger lors du second type de débat, mis en scène, orches­tré, où les inter­ve­nants sont sélec­tion­nés pour cela qu’ils ne se bat­tront que sur des sujets subal­ternes, non libé­ra­toires, quoi­qu’ils en disent.

    Ain­si le faux débat public vient il en ren­fort du faux suf­frage uni­ver­sel pour inhi­ber l’é­clo­sion d’une pen­sée neuve, donc intrin­sè­que­ment révo­lu­tion­naire, et orches­trer l’illu­sion qui porte l’o­li­go­pa­thie au sta­tut d’é­mo­tion universelle.

    Réponse
    • Jacques

      Ah, excellent réta­blis­se­ment du sens des mots ! La pen­sée est sys­té­ma­ti­que­ment blo­quée dès que les mots sont dévoyés. C’est un préa­lable abso­lu­ment indis­pen­sable que de ques­tion­ner les mots, leur éty­mo­lo­gie et les expres­sions (ain­si que réha­bi­li­ter cer­tains mots que le pou­voir veut nous faire oublier.

      Réponse
  9. etienne

    ETIENNE CHOUARD EUROPEAN UNION EUROPEENNE FASCISTE (French with English Subs)

    httpv://www.youtube.com/watch?v=IT-Wb0zq4sA&feature=youtu.be

    Mer­ci, pour le mon­tage et pour la traduction 🙂

    Réponse
  10. etienne
  11. etienne

    Cinq pays détiennent 90% des liquidités injectées par la BCE

    « Envi­ron 90% de l’ex­cé­dent de liqui­di­tés injec­té par la Banque cen­trale euro­péenne (BCE) pour sou­te­nir l’ac­ti­vi­té éco­no­mique dans la zone euro ont pro­fi­té à cinq des plus riches pays de la région, montre mar­di une étude de la banque cen­trale.

    Elle cite « l’a­ver­sion au risque » par­mi les rai­sons expli­quant le fait que ces liqui­di­tés se concentrent en Alle­magne, en France, aux Pays-Bas, au Luxem­bourg et en Fin­lande alors que dans d’autres pays, des banques dépendent encore de la BCE pour se four­nir en liqui­di­tés. »

    Source : REUTERS

    Info signa­lée dans la (très indis­pen­sable) revue de presse d’O­li­vier Berruyer :

    http://​www​.les​-crises​.fr/​r​e​v​u​e​-​d​e​-​p​r​e​s​s​e​-​d​u​-​0​7​0​5​2​0​17/

    Réponse
  12. etienne

    INTERVIEW DE JULIEN COUPAT ET MATHIEU BURNEL

    « Nous n’avons aucune rai­son de subir un rituel deve­nu si évi­dem­ment nocif. Nous sommes las­sés de com­prendre pour­quoi tout va mal. »

    Paru dans lun­di­ma­tin#101, le 25 avril 2017 
    https://blogs.mediapart.fr/jean-marc‑b/blog/250417/interview-de-julien-coupat-et-mathieu-burnel

    Quel juge­ment por­tez-vous sur la cam­pagne présidentielle ?

    Quelle cam­pagne ? Il n’y a pas eu de cam­pagne. Il n’y a eu qu’un feuille­ton, assez hale­tant à vrai dire, rem­pli de rebon­dis­se­ments, de scan­dales, de ten­sion dra­ma­tique, de sus­pense. Beau­coup de bruit, un peu de fureur, mais rien qui soit à même de per­cer le mur de la per­plexi­té géné­rale. Non qu’il manque, autour de chaque can­di­dat, de par­ti­sans diver­se­ment fana­ti­sés tour­nant en rond dans leur bulle vir­tuelle. Mais ce fana­tisme même ne fait qu’ajouter au sen­ti­ment d’irréalité poli­tique. Un graf­fi­ti, lais­sé aux abords de la place de la Nation par la mani­fes­ta­tion du 1er Mai 2016, disait : « Il n’y aura pas de pré­si­den­tielle ». Il suf­fit de se pro­je­ter au len­de­main du second tour pour s’aviser de ce que ce tag conte­nait de pro­phé­tique : quel qu’il soit, le nou­veau pré­sident sera tout aus­si fan­toche que l’actuel, sa légi­ti­mi­té à gou­ver­ner sera tout aus­si introu­vable, il sera tout aus­si mino­ri­taire et impo­tent. Cela ne tient pas seule­ment à l’extrême usure de la poli­tique, au fait qu’il est deve­nu impos­sible de croire hon­nê­te­ment à ce qui s’y fait et à ce qui s’y dit, mais au fait que les moyens de la poli­tique sont déri­soires au regard de la pro­fon­deur de la catas­trophe en cours. Que peut la poli­tique et son uni­vers pro­cla­ma­toire quand s’effondrent conco­mi­tam­ment les éco­sys­tèmes et les sub­jec­ti­vi­tés, la socié­té sala­riale et l’ordre géo­po­li­tique mon­dial, le sens de la vie et celui des mots ? Rien. Elle ne fait qu’ajouter au désastre. 

    Il n’y a pas de « solu­tion » au désastre que nous tra­ver­sons. Pen­ser en termes de pro­blèmes et de solu­tions fait pré­ci­sé­ment par­tie de ce désastre : ce n’est qu’une manière de nous pré­ser­ver de toute remise en ques­tion sérieuse. Or ce que l’état du monde met en cause, ce n’est pas seule­ment un sys­tème poli­tique ou une orga­ni­sa­tion sociale, mais une civi­li­sa­tion, c’est-à-dire nous-mêmes, nos façons de vivre, d’être, de se lier et de pen­ser. Les bate­leurs qui montent sur des estrades pour van­ter les « solu­tions » qu’ils se font fort de mettre en œuvre une fois élus, ne parlent qu’à notre besoin d’illusion. À notre besoin de croire qu’il exis­te­rait une sorte de chan­ge­ment déci­sif qui nous épar­gne­rait, qui nous épar­gne­rait notam­ment d’avoir à com­battre. Toutes les « révo­lu­tions » qu’ils pro­mettent ne sont là que pour nous per­mettre de ne rien chan­ger à ce que nous sommes, de ne prendre aucun risque, ni phy­sique ni exis­ten­tiel. Ils ne sont can­di­dats qu’à l’approfondissement de la catas­trophe. De ce point de vue, il semble que chez cer­tains le besoin d’illusion soit impos­sible à rassasier.

    Vous dites cela, mais jamais dans une élec­tion il n’y a eu autant de can­di­dats jurant de « ren­ver­ser la table » ? Et com­ment pou­vez-vous tenir pour rien l’enthousiasme sou­le­vé ces der­nières semaines par la can­di­da­ture de Jean-Luc Mélenchon ?

    Jean-Luc Mélen­chon n’est rien, ayant tout été, y com­pris lam­ber­tiste. Il n’est que la sur­face de pro­jec­tion d’une cer­taine impuis­sance de gauche face au cours du monde. Le phé­no­mène Mélen­chon relève d’un accès de cré­du­li­té déses­pé­ré. Nous avons les expé­riences de Syri­za en Grèce ou d’Ada Colau à la mai­rie de Bar­ce­lone pour savoir que la « gauche radi­cale », une fois ins­tal­lée au pou­voir, ne peut rien. Il n’y a pas de révo­lu­tion qui puisse être impul­sée depuis le som­met de l’État. Moins encore dans cette époque, où les États sont sub­mer­gés, que dans aucune autre avant nous. Tous les espoirs pla­cés en Mélen­chon ont voca­tion à être déçus. Les gou­ver­ne­ments de « gauche radi­cale », qui pré­tendent s’appuyer sur des « mou­ve­ments popu­laires », finissent plu­tôt par en venir à bout, non à coup de répres­sion, mais de dépres­sion.

    La viru­lence même des mélen­cho­nistes atteste suf­fi­sam­ment de leur besoin de se convaincre de ce qu’ils savent être un men­songe. On ne cherche tant à conver­tir que de ce à quoi l’on n’est pas sûr de croire. Et en effet, nul n’a jamais ren­ver­sé un sys­tème en en res­pec­tant les pro­cé­dures. Au reste, les élec­tions n’ont jamais eu pour fonc­tion de per­mettre à cha­cun de s’exprimer poli­ti­que­ment, mais de renou­ve­ler l’adhésion de la popu­la­tion à l’appareil de gou­ver­ne­ment, de la faire consen­tir à sa propre dépos­ses­sion. Elles ne sont plus désor­mais qu’un gigan­tesque méca­nisme de pro­cras­ti­na­tion. Elles nous évitent d’avoir à pen­ser les moyens et les formes d’une révo­lu­tion depuis ce que nous sommes, depuis là où nous sommes, depuis là où nous avons prise sur le monde. S’ajoute à cela, comme à chaque pré­si­den­tielle dans ce pays, une sorte de résur­gence mala­dive du mythe natio­nal, d’autisme col­lec­tif qui se figure une France qui n’a jamais exis­té. Le plan natio­nal est deve­nu celui de l’impuissance et de la névrose. Notre puis­sance d’agir se situe en deçà et au-delà de cet éche­lon débor­dé de toute part.

    Mais alors, que pro­po­sez-vous ? De lais­ser Marine Le Pen accé­der au pouvoir ?

    Il est patent que Marine Le Pen a une fonc­tion pré­cise au sein du sys­tème poli­tique fran­çais : for­cer par la menace qu’elle repré­sente la par­ti­ci­pa­tion à des pro­cé­dures aux­quelles plus per­sonne ne croit, faire voter les uns et les autres « en se bou­chant le nez », droi­ti­ser jusqu’à l’absurde les termes du débat public et figu­rer au sein même du sys­tème poli­tique une fausse sor­tie de celui-ci – alors même qu’elle en forme la clef de voûte.

    Évi­dem­ment que la ques­tion n’est pas de sor­tir de l’euro, mais de sor­tie de l’économie, qui fait de nous des rats. Évi­dem­ment que le pro­blème n’est pas l’envahissement par les « étran­gers », mais de vivre dans une socié­té où nous sommes étran­gers les uns aux autres et à nous-mêmes. Évi­dem­ment que la ques­tion n’est pas de res­tau­rer le plein emploi, mais d’en finir avec la néces­si­té de faire tout, et sur­tout n’importe quoi, pour « gagner sa vie ». Évi­dem­ment qu’il ne s’agit pas de « faire de la poli­tique autre­ment », mais de faire autre chose que de la poli­tique – tant il est deve­nu évident que la poli­tique n’est, à tous les niveaux, que le règne de la feinte et de la mani­gance. Aucune révo­lu­tion ne peut être plus folle que le temps que nous vivons – le temps de Trump et de Bachar, celui d’Uber et de l’État Isla­mique, de la chasse aux Poké­mons et de l’extinction des abeilles. 

    Se rendre ingou­ver­nable n’est plus une lubie d’anarchiste, c’est deve­nu une néces­si­té vitale dans la mesure où ceux qui nous gou­vernent tiennent, de toute évi­dence, la barre d’un navire qui va au gouffre. Les obser­va­teurs les plus mesu­rés admettent que la poli­tique se décom­pose, qua­li­fient cette cam­pagne d’« insai­sis­sable » pour ne pas dire « inexis­tante ». Nous n’avons aucune rai­son de subir un rituel deve­nu si évi­dem­ment nocif. Nous sommes las­sés de com­prendre pour­quoi tout va mal.

    Vous pen­sez donc qu’il n’y a rien à attendre de ces élections ?

    Si, bien sûr : leur débor­de­ment. Il y a un an, il a suf­fi de quelques you­tu­beurs et d’une poi­gnée de lycéens pour lan­cer un intense conflit de plu­sieurs mois au motif de la loi Tra­vail. Ce qui s’est alors tra­duit par des affron­te­ments de rue régu­liers n’était que l’extrême dis­cré­dit de l’appareil poli­tique, et par contre­coup le refus de se lais­ser gou­ver­ner. Croyez-vous qu’au len­de­main d’élections qui prennent cette fois dès le pre­mier tour la forme du chan­tage à la démo­cra­tie, le dégoût de la poli­tique sera moindre qu’alors ? Croyez-vous que cha­cun va sage­ment conti­nuer de consta­ter devant son écran la démence du spec­tacle de la poli­tique ? Qu’il ne vien­dra à per­sonne l’idée d’investir la rue de nos corps plu­tôt que les can­di­dats de nos espoirs ? Croyez-vous que ces élec­tions aient quelque chance d’apaiser l’inquiétude des âmes ? Il faut être naïf pour pen­ser que la géné­ra­tion qui s’est for­mée poli­ti­que­ment dans le conflit du prin­temps der­nier, et n’a pas ces­sé depuis lors de se for­mer encore, va ava­ler cette super­che­rie parce qu’on leur pro­pose désor­mais du bio à la can­tine et une assem­blée consti­tuante. Depuis plu­sieurs mois, il ne s’est pas pas­sé deux semaines sans que des affron­te­ments n’éclatent aux quatre coins du pays, pour Théo, contre la police ou tel ou tel mee­ting du FN. Évi­dem­ment, cela reste mino­ri­taire et les élec­tions, en tant que non-évé­ne­ment, vont bien avoir lieu. La ques­tion est donc la sui­vante : com­ment faire pour que le vide inter­si­dé­ral qui écla­te­ra au len­de­main des élec­tions quel que soit le vain­queur ne soit pas le seul fait des « jeunes », immé­dia­te­ment réduits par un déploie­ment poli­cier déme­su­ré ? Pour cela, il nous faut d’urgence réar­mer nos per­cep­tions et notre ima­gi­na­tion poli­tiques. Par­ve­nir à déchif­frer cette époque et à déce­ler les pos­sibles qu’elle contient, les che­mins pra­ti­cables. Et tenir qu’il n’y a pas eu de pré­si­den­tielle, que tout ce cirque a assez duré, que ce monde doit être mis à l’arrêt au plus vite par­tout où nous sommes, sans attendre l’abîme. Ces­ser d’attendre, donc. Reprendre confiance en nous-mêmes. On pour­ra alors dire, comme Ben­ja­min Fon­dane : « Le monde est fini. Le voyage commence. »

    https://blogs.mediapart.fr/jean-marc‑b/blog/250417/interview-de-julien-coupat-et-mathieu-burnel

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  13. Berbère
    • majax

      J’ai l’im­pres­sion que les couacs ça et là n’ont eu que peu d’in­ci­dence sur les vrais résul­tats. Cela res­sem­ble­rait à un tru­cage d’a­ma­teurs et je ne vois pas les mil­liar­daires jouer à ce petit jeu là en France (ou alors nous sommes vrai­ment dans une véri­table répu­blique bananière).
      Le tru­cage de nos maîtres est un tru­cage de plus haut vol qui consiste à ache­ter les son­dages et les media pour effec­tuer une opé­ra­tion de pro­pa­gande moderne que Goeb­bels n’au­rait pas reniée.
      Ce tru­cage là est lui plus qu’avéré !

      Réponse
  14. joss

    Élec­tion pré­si­den­tielle de 2017

    Edouard Phi­lippe :
    Il fait par­tie de l’é­quipe de cam­pagne d’A­lain Jup­pé, can­di­dat à la pri­maire pré­si­den­tielle Les Répu­bli­cains de 2016. Il est son co-porte-parole avec Benoist Apparu.
    En juin 2016, il par­ti­cipe à la réunion du groupe Bilderberg.
    Le 2 mars 2017, dans le cadre de l’af­faire Fillon, il quitte l’é­quipe de cam­pagne de Fran­çois Fillon à l’é­lec­tion présidentielle.
    Pour res­pec­ter la loi sur le cumul des man­dats, il renonce à se pré­sen­ter aux élec­tions légis­la­tives de 2017.
    Le 12 mai 2017, des rumeurs le disent pres­sen­ti pour deve­nir Pre­mier ministre du pre­mier gou­ver­ne­ment du pré­sident Emma­nuel Macron.

    Emma­nuel Macron :
    Après des études de phi­lo­so­phie et de sciences poli­tiques, il est diplô­mé de l’E­NA en 2004, dont il sort ins­pec­teur des finances. En 2008, il rejoint la banque d’af­faire Roth­schild & Cie dont il devient en deux ans asso­cié-gérant. Membre du Par­ti socia­liste entre 2006 et 2009, il est nom­mé secré­taire géné­ral adjoint au cabi­net du pré­sident de la Répu­blique fran­çaise auprès de Fran­çois Hol­lande en 2012 puis ministre de l’É­co­no­mie, de l’In­dus­trie et du Numé­rique en 2014 dans le gou­ver­ne­ment Manuel Valls II.
    En avril 2016, il fonde son mou­ve­ment poli­tique, bap­ti­sé En marche ! et démis­sionne quatre mois plus tard de ses fonc­tions de ministre. Can­di­dat à la pré­si­dence de la Répu­blique, il arrive en tête du pre­mier tour avec 24,01 % des voix devant Marine Le Pen (21,30 %) et est élu au second tour le 7 mai 2017 avec 66,10 % des suf­frages contre 33,90 % pour la can­di­date du Front natio­nal. Il devient, à 39 ans, le plus jeune pré­sident de la Répu­blique fran­çaise de l’His­toire, le plus jeune diri­geant du G20 et le plus jeune chef d’État en fonc­tion dans une démo­cra­tie, si on excepte Saint-Marin.
    Il appa­raît dans la liste des invi­tés à la réunion du groupe Bil­der­berg de 2014 en sa qua­li­té de secré­taire géné­ral adjoint de la pré­si­dence de la République.

    …ils sont bien nom­breux à filer au Bilderberg… 😉
    « Je ne crains pas le suf­frage universel… »

    Réponse
    • majax

      Tiens c’est mar­rant, à l’é­poque j’a­vais pro­nos­ti­qué la vic­toire de Jup­pé suite à la pré­sence de Édouard Phi­lippe à cette ses­sion Bilderberg.
      Mince, ils sont vrai­ment imprévisibles ! 😉

      Réponse
  15. joss

    Extrait du livre « la guerre du faux » d’Um­ber­to Eco (col­loque de 1967 et pour­tant ter­ri­ble­ment actuel ! ) :

    « D’ha­bi­tude les hommes poli­tiques, les édu­ca­teurs, les spé­cia­listes des pro­blèmes de la com­mu­ni­ca­tion estiment que, pour contrô­ler le pou­voir des médias, il faut contrô­ler deux moments de la chaîne de la com­mu­ni­ca­tion : la source et le canal. On croit pou­voir contrô­ler de telle façon le mes­sage ; au contraire on ne contrôle ain­si que le mes­sage en tant que forme vide que cha­cun rem­pli­ra de signi­fi­ca­tions sug­gé­rées par sa propre situa­tion anthro­po­lo­gique et son modèle cultu­rel. La solu­tion stra­té­gique peut se résu­mer dans la phrase : « Il faut s’emparer du fau­teuil du pré­sident de la Radio-Télé­vi­sion », ou bien : « Il faut s’emparer du fau­teuil du ministre de
    l’In­for­ma­tion », ou encore : « Il faut s’emparer du fau­teuil du direc­teur du quo­ti­dien Tel ou Tel. » Je ne nie pas que cette approche puisse offrir d’ex­cel­lents résul­tats à quel­qu’un qui vise­rait le suc­cès poli­tique ou éco­no­mique, mais je com­mence à craindre qu’elle n’offre que des résul­tats bien minces à celui qui sou­haite rendre aux hommes une cer­taine liber­té face au phé­no­mène glo­bal de la communication.

    C’est pour­quoi, demain, il fau­dra appli­quer à la stra­té­gie une solu­tion de gué­rilla. Il fau­dra occu­per, dans chaque lieu du monde, la pre­mière chaise devant chaque poste de télé­vi­sion (et évi­dem­ment : la chaise du lea­der du groupe devant chaque écran ciné­ma­to­gra­phique, chaque tran­sis­tor, chaque page de quo­ti­dien). Si vous vou­lez une for­mu­la­tion moins para­doxale, je dirai : On ne gagne pas la bataille pour la sur­vie de l’homme en tant qu’être res­pon­sable dans l’ère de la com­mu­ni­ca­tion à la source de la com­mu­ni­ca­tion mais à son point d’ar­ri­vée. J’ai par­lé de gué­rilla parce qu’un des­tin para­doxal et dif­fi­cile nous attend – et par « nous », j’en­tends les spé­cia­listes et tech­ni­ciens de la com­mu­ni­ca­tion : pré­ci­sé­ment au moment où les sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tion pré­voient une seule source indus­tria­li­sée et un seul mes­sage qui arri­ve­ra à un public dis­per­sé dans le monde entier, nous devrons être capables d’i­ma­gi­ner des sys­tèmes de com­mu­ni­ca­tion com­plé­men­taires qui nous per­mettent d’at­teindre chaque groupe humain, chaque indi­vi­du du public uni­ver­sel, pour dis­cu­ter le mes­sage à son point d’ar­ri­vée, à la lumière des codes d’ar­ri­vée en les com­pa­rant aux codes de départ. Un par­ti poli­tique, capable d’at­teindre de façon capil­laire tous les groupes qui regardent la télé­vi­sion et de les ame­ner à dis­cu­ter le mes­sage qu’ils reçoivent, peut chan­ger la signi­fi­ca­tion que la source avait don­née à ce mes­sage. Une asso­cia­tion pour l’é­du­ca­tion, capable de pous­ser un
    cer­tain public à dis­cu­ter le mes­sage qu’il reçoit, pour­rait en retour­ner la signi­fi­ca­tion. Ou bien prou­ver que le mes­sage peut être inter­pré­té de plu­sieurs façons.

    Atten­tion : je ne suis pas en train de pro­po­ser une nou­velle forme de contrôle de l’o­pi­nion publique, encore plus redou­table. Je pro­pose une action pour pous­ser le public à contrô­ler le mes­sage et ses mul­tiples pos­si­bi­li­tés d’in­ter­pré­ta­tion. L’i­dée qu’un jour il fau­dra deman­der aux savants et aux édu­ca­teurs d’a­ban­don­ner les stu­dios de télé­vi­sion ou les rédac­tions des jour­naux pour mener une gué­rilla de porte en porte, comme les pro­vos de la récep­tion cri­tique, peut faire peur et sem­bler être une pure uto­pie. Mais, si l’ère de la com­mu­ni­ca­tion avance dans la direc­tion qui nous semble être aujourd’­hui la plus pro­bable, elle sera le seul salut pour les hommes libres. Les modes de cette gué­rilla cultu­relle sont à étu­dier. Il est
    pro­bable que, dans l’in­ter­con­nexion des dif­fé­rents médias, on pour­ra uti­li­ser un média pour com­mu­ni­quer une série d’o­pi­nions sur un autre média. C’est ce que, dans une cer­taine mesure, fait un jour­nal quand il cri­tique une émis­sion de télé­vi­sion. Mais qui nous garan­tit que l’ar­ticle du
    jour­nal sera lu dans l’op­tique que nous sou­hai­tons ? Serons-nous obli­gés d’a­voir recours à un autre média pour ensei­gner à lire le jour­nal de façon consciente ? »

    Réponse
  16. Thierry Saladin

    Bon­jour Etienne Chouard,
    Vous écrivez :
    (…)même le vote blanc valide l’escroquerie représentative :
    Pour­riez-vous déve­lop­per, SVP ?
    Cordialement.
    Thier­ry Saladin

    Réponse
  17. majax

    Petit rap­pel sur l’Is­lande (2012) : extrait de Jour​narles​.org

    En Islande,
    – le peuple a fait démis­sion­ner un gou­ver­ne­ment au complet,
    – les prin­ci­pales banques ont été natio­na­li­sées et il a été déci­dé de ne pas payer la dette qu’elles avaient contrac­tée auprès de banques de Grande Bre­tagne et de Hol­lande, dette géné­rée par leur mau­vaise poli­tique financière
    – une assem­blée popu­laire vient d’être créée pour réécrire la Constitution.

    Suite sur : http://​jour​narles​.org/​s​p​i​p​.​p​h​p​?​a​r​t​i​c​l​e​829

    Réponse
  18. Lorange

    En quoi l’as­sem­blée consti­tuante serait ban­cale ? Des élus, des tirés au sort pour écrire la consti­tu­tion, ça parait logique. Sinon faire écrire la consti­tu­tion par des « lamb­das » ça fait genre écrire une liste de courses sur un coin de table, non ?

    Réponse
  19. etienne

    La victoire sera plus certaine et durable si vous prenez la mesure du temps long

    « Connais­sez-vous Pepe Muji­ca ? Com­ment est il arri­vé au pou­voir ? Voi­ci un petit récit qui pour­rais vous aider en ce moment com­plexe de joie et désenchantement.

    L’Uruguay est un petit pays, mais qui a des des simi­li­tudes à la France : Un État très fort et orga­ni­sé, des acquis sociaux impor­tants, un niveau de vie plus haut que nos voi­sins, etc.

    Mal­heu­reu­se­ment on n’a pas d’indiens, et les noirs sont moins de 10% plu­tôt bien intégrés.

    Comme notre niveau de vie est plu­tôt bon par rap­port à l’Amérique Latine, on est en train de rece­voir beau­coup d’immigration andine et cen­tro-amé­ri­caine, mais l’énorme majo­ri­té de la popu­la­tion sont des petits fils d’européens. Il fait chaud en été et très froid en hiver.

    Le néo­li­bé­ra­lisme a com­men­cé aux envi­rons de 1970, les énormes pro­tes­ta­tions empê­chaient le pou­voir de mettre en œuvre son pro­jet. Les « Tupa­ma­ros » (du nom de Tupac Ama­ru, le mythique chef Inca qui se rebel­la en 1780 face aux colons espa­gnols, au Pérou) sont nés dans cette cir­cons­tance, une gué­rilla urbaine sans vrai­ment trop de sup­port popu­laire. Nous sommes un peuple pacifique. […]

    Lire la suite :
    https://​www​.legrand​soir​.info/​l​a​-​v​i​c​t​o​i​r​e​-​s​e​r​a​-​p​l​u​s​-​c​e​r​t​a​i​n​e​-​e​t​-​d​u​r​a​b​l​e​-​s​i​-​v​o​u​s​-​p​r​e​n​e​z​-​l​a​-​m​e​s​u​r​e​-​d​u​-​t​e​m​p​s​-​l​o​n​g​.​h​tml

    Réponse
    • Nanou

      En rela­tion avec l’en­tre­tien d’A­lain Accardo.
      httpv://www.youtube.com/watch?v=7juZqXaTBm0

      Réponse
  20. etienne
  21. etienne

    ÉPURATION ANTIPALESTINIENNE :

    Une lettre du Comi­té En Marche de la Porte d’Orléans

    À l’in­ten­tion de la Com­mis­sion d’In­ves­ti­ture de la Répu­blique En Marche, et de Mon­sieur J.P. Delevoye.

    Mes­dames, Mes­sieurs, bonjour,

    il vous a fal­lu cinq minutes pour obéir hier aux injonc­tions des colons israé­liens et de l’ex­trême-droite israé­lienne, que vous ont trans­mises leurs repré­sen­tants en France, le CRIF, la LICRA et leurs infil­trés au sein de la Répu­blique En Marche, et pour reti­rer son inves­ti­ture de can­di­dat à la dépu­ta­tion sous l’é­ti­quette de la Répu­blique En Marche à Mon­sieur Chris­tian Gelin en l’ac­cu­sant d’a­voir pro­fé­ré des paroles anti­sé­mites (« Israël doit ces­ser la colo­ni­sa­tion de la Pales­tine ») et d’a­voir lan­cé des appels à l’an­ti­sé­mi­tisme (appel au B.D.S., moyen inter­na­tio­nal non-violent pour obli­ger Israël à res­pec­ter le Droit international).

    En igno­rant donc son enga­ge­ment comme nous sommes des mil­lions en France à être enga­gés contre la colo­ni­sa­tion de la Pales­tine, contre l’a­par­theid et pour la recon­nais­sance par la France d’un Etat pales­ti­nien uni et viable. A être donc anti­sio­nistes. Un enga­ge­ment inclus dans le com­bat plus vaste pour le res­pect des Droits humains , contre toutes formes de racisme dont l’antisémitisme.

    En regard de cette rapi­di­té à satis­faire les exi­gences des colons israé­liens et du gou­ver­ne­ment raciste actuel­le­ment en place en Israël, vous hési­tez à répondre aux simples ques­tions que je vous ai posées hier et que je vous repose :

    * La colo­ni­sa­tion de la Pales­tine par Israël est-elle, oui ou non, à l’ins­tar de la colo­ni­sa­tion de l’Al­gé­rie par la France, un crime contre l’humanité ?

    * L’a­par­theid ins­tau­ré en Israël et en Pales­tine par Israël à l’é­gard des Pales­ti­niens et autres  »Arabes », est-il, oui ou non, une pra­tique inhu­maine contraire au Droit international ?

    * Deman­der la fin de la colo­ni­sa­tion de la Pales­tine et la recon­nais­sance de l’E­tat de Pales­tine est-il un crime d’an­ti­sé­mi­tisme, oui ou non ?

    * Choi­sir de par­ti­ci­per au moyen inter­na­tio­nal du Boy­cott, Dés­in­ves­tis­se­ment, Sanc­tions, pour peser de façon non-vio­lente sur le gou­ver­ne­ment actuel d’ex­trême-droite d’Is­raël, est-il, oui ou non, un acte cri­mi­nel d’antisémitisme ?

    * L’an­ti­sio­nisme (lutte contre la colo­ni­sa­tion et l’a­par­theid) est-il, oui ou non, de l’antisémitisme ?

    Si je suis, à vos yeux, à votre juge­ment, un anti­sé­mite parce que je suis un anti­sio­niste, alors il me faut arrê­ter de suite toute par­ti­ci­pa­tion à la cam­pagne pour faire gagner les dépu­tés de la Répu­blique En Marche.

    Nous atten­dons donc votre réponse avant de don­ner suite à notre enga­ge­ment pour les législatives.

    Res­pec­tueu­se­ment,

    André Quer­ré.
    Comi­té En Marche Porte d’Or­léans 14ème.

    Source : Domi­nique Vidal, ancien rédac­teur en chef du Diplo :

    https://​www​.face​book​.com/​d​o​m​i​n​i​q​u​e​.​v​i​d​a​l​.​9​/​p​o​s​t​s​/​1​1​5​5​1​4​2​7​1​4​5​9​7​438

    Réponse
  22. etienne

    Jacques Ran­cière : « Je ne vois pas très bien de quelle façon on peut jus­ti­fier le fait que des gens qui n’ont pas de com­pé­tences pour par­ti­ci­per au gou­ver­ne­ment des choses com­munes, en auraient, en revanche, pour choi­sir les bons ges­tion­naires des choses com­munes. Cela me paraît la contra­dic­tion fon­da­men­tale. Dans l’idée de tirage au sort, il y a cette idée très forte, qui remonte à Pla­ton (qui n’était pas du tout un homme de gauche…) : le pire des gou­ver­ne­ments, c’est le gou­ver­ne­ment des gens qui veulent gou­ver­ner. Mon idée fon­da­men­tale est que l’on ne voit pas pour­quoi une repré­sen­ta­tion au sort serait pire qu’une repré­sen­ta­tion dans les condi­tions actuelles. Déjà, la repré­sen­ta­tion au sort éli­mine les gens qui veulent gou­ver­ner. Deuxiè­me­ment, elle éli­mine le clien­té­lisme. Troi­siè­me­ment, elle éli­mine le déve­lop­pe­ment des sen­ti­ments troubles qui sont liés au rap­port élec­to­ral lui-même. Évi­dem­ment, on peut tou­jours dire : « Je ne vois pas ma famille, mon concierge ou mon plom­bier diri­ger l’État. » On peut. Mais pour­quoi voit-on par­ti­cu­liè­re­ment, pour cette tâche, des membres d’une école d’Administration ou des avo­cats d’affaire ? L’État doit-il être diri­gé par des repré­sen­tants d’intérêts par­ti­cu­liers bien déter­mi­nés ? Par des malades du pou­voir ? Car c’est bien la com­bi­nai­son que l’on a actuel­le­ment : l’État est gou­ver­né par des dro­gués du pou­voir et des repré­sen­tants des inté­rêts finan­ciers. L’argument, c’est tou­jours : « Ils savent à quelle porte frap­per, ils savent com­ment obte­nir l’argent, ils savent se débrouiller avec les copains à Bruxelles. » D’accord. Mais si l’on veut autre chose, il faut, tout sim­ple­ment, ima­gi­ner autre chose. Il n’y a pas de rai­sons de pen­ser qu’une Chambre par­tiel­le­ment issue d’un tirage au sort, dans une logique de man­dats courts et non renou­ve­lables, serait pire qu’une Chambre repré­sen­tant les dro­gués du pou­voir, les notables locaux et les repré­sen­ta­tions des inté­rêts finan­ciers. La ques­tion des ins­ti­tu­tions a été com­plè­te­ment délais­sée par la gauche dite radi­cale. Au nom du vieux prin­cipe mar­xiste selon lequel les appa­rences de la démo­cra­tie for­melle cachent la réa­li­té pro­fonde de la domi­na­tion éco­no­mique, cette gauche a aban­don­né toute pro­po­si­tion sur les trans­for­ma­tions de la vie publique. Il est clair, par ailleurs, que ceux qui pré­sentent le tirage au sort comme solu­tion qui résou­drait à elle seule la ques­tion du pou­voir du peuple, oublient que ce pou­voir est d’abord un contre-pou­voir pro­duit par la dyna­mique effec­tive de la lutte. Il faut que ce contre-pou­voir existe pour que des formes nou­velles prennent sens et force. »

    Source : Bal­last, Jacques Ran­cière : « Le peuple est une construction », 
    http://​www​.revue​-bal​last​.fr/​j​a​c​q​u​e​s​-​r​a​n​c​i​e​r​e​-​p​e​u​p​l​e​-​c​o​n​s​t​r​u​c​t​i​on/

    Réponse
  23. etienne

    Le monde à l’envers (décrit par Christopher Hill, historien formidable) – Fiche de lecture :


    http://​www​.lcr​-lagauche​.org/​l​e​-​m​o​n​d​e​-​a​-​l​e​n​v​e​rs/

    […] « Quand les pay­sans prennent le des­sus, l’ordre divin est ren­ver­sé et le monde se trouve sens des­sus des­sous, une situa­tion into­lé­rable et inac­cep­table pour ceux d’en haut, qui, oubliant un ins­tant leurs que­relles internes, vont mater ceux d’en bas dans des bains de sang. 

    Nous retrou­vons cet éton­ne­ment scan­da­li­sé devant le retour­ne­ment de l’ordre social en Europe. Dans ses com­men­taires sur les luttes des com­mu­naux contre les sei­gneurs et les patri­ciens dans les Flandres du XIVe siècle, le poète et chro­ni­queur bra­ban­çon Jan van Boen­daele, exprime son éton­ne­ment du ren­ver­se­ment de l’ordre social (Bra­bantsche Yees­ten, chap. IV). Je tra­duis libre­ment : « Les gens du com­mun se réunirent contre les droits des sei­gneurs. Ain­si la com­mune domi­nait les sei­gneurs, quel miracle. Cela se pas­sait dans toutes les villes. Les gens bien nés ne pou­vaient pas sié­ger et il leur était inter­dit d’entrer dans les mai­ries. (…). Tous les sei­gneurs durent céder aux cor­don­niers, fou­lons, tis­se­rands, savon­niers, bou­chers, bou­lan­gers (…). » Quel miracle quand les pauvres s’y mettent ! » 

    On ren­contre cet éton­ne­ment pen­dant la révo­lu­tion anglaise du XVIIe siècle où non seule­ment les révo­lu­tion­naires bour­geois de Crom­well pas­saient à l’assaut de l’aristocratie, mais aus­si toute une frange de petites gens avec des idées de par­ta­geurs, et contre les­quels les par­le­men­taires mène­ront la guerre. Les bour­geois avaient besoin d’eux, mais ils devaient se tenir à leur dis­po­si­tion et ne pas pro­duire leurs propres idées sociales. Ces humbles enra­gés, les dig­gers, ran­ters et autres révol­tés, ont été décrits par l’historien Chris­to­pher Hill sous le titre Le monde à l’envers : les idées radi­cales au cours de la Révo­lu­tion anglaise (Payot 1977). » 


    Voir aus­si :

    Chris­to­pher Hill, Le Monde à l’en­vers. Les idées radi­cales au cours de la Révo­lu­tion anglaise, Payot 1977 [compte-ren­du]

    http://​www​.per​see​.fr/​d​o​c​/​a​s​s​r​_​0​3​3​5​-​5​9​8​5​_​1​9​7​7​_​n​u​m​_​4​4​_​2​_​2​1​3​6​_​t​1​_​0​2​4​5​_​0​0​0​0_2

    Réponse
  24. etienne

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