Formidable cri de rage contre le ‘libre-échange’ et les ‘délocalisations’ !
Merci François.
On devrait être des millions, des milliards, à partager ce cri de colère déterminée. Le « libre-échange » ça suffit ! On va délocaliser nos « élites », trop coûteuses et pas rentables, licencier les « élus » qui ruinent en douce ceux qui les traitent pourtant le mieux du monde pour les ‘représenter’, rendre flexibles et mobiles et précaires et dociles les journalistes et les parlementaires qui trahissent ceux qui les paient… Bientôt ! Justice au peuple !
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Edit : À ceux (UPR et autres) qui reprochent amèrement à François Ruffin de ne pas dénoncer ici explicitement le piège politique de la prétendue « union » européenne, je voudrais dire deux choses :
1) François, avec Fakir, est sans doute un des tout meilleurs résistants au piège diabolique de l’UE. Je ne développe pas ce point évident, il suffit de lire Fakir et les livres de François.
2) François insiste ici (et cette insistance ciblée fait précisément l’intérêt et la force du cri) sur un aspect psychologique essentiel (mais souvent très mal étudié par nous, je le réalise ici) pour le fonctionnement praticopratique du piège libréchangiste : les multinationales (seuls grands gagnants et donc principaux propagandistes du ‘libre-échange’) ont besoin de RELAIS pour marteler leur propagande et forger l’opinion, et elles ont pris soin, c’est très astucieux, de PROTÉGER les principaux relais (artistes vedettes, journalistes, professeurs, intellectuels, parlementaires…) contre les méfaits de tous côtés du ‘libre-échange’ (délocalisations, désindustrialisation, chômage, misère), ce qui conduit ces relais à l’indifférence par rapport au piège, puisqu’ils n’en souffrent pas.
Je trouve donc à la fois originale et bien ciblée cette interpellation aux privilégiés, car elle peut en réveiller/conscientiser quelques uns : en effet, tous les artistes vedettes ne sont pas en toute connaissance de cause des profiteurs insensibles aux causes de la misère du monde ; tous les journalistes ne sont pas consciemment des cyniques vendus à des milliardaires ; tous les parlementaires ne sont pas sciemment des corrompus traîtres à la patrie et indifférents au sort des ouvriers et employés 🙂
Donc oui, merci François Ruffin !!! 🙂
Étienne.
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Edit bis : Olivier Berruyer a bien sûr relayé cette vidéo, suivie de celle ci-dessous, « 100% RUFFIN », et il l’a retranscrite et commentée :
« Sous les applaudissements de la salle, il monte sur scène en arborant non plus comme à l’accoutumée son fameux t‑shirt “I love Bernard” mais un t‑shirt à l’effigie de Vincent Bolloré “I love Vincent”. La cérémonie est, en effet diffusée sur Canal +, propriété de l’industriel breton.
“Mon film, il parle d’une usine qui part en Pologne et qui laisse derrière un paquet de misère et un paquet de détresse. Et au moment où je vous parle, c’est une usine d’Amiens, qui s’appelle Whirlpool, qui fabrique des sèche-linges, qui subit la même histoire puisque maintenant ça part là aussi en Pologne (…) Ça fait maintenant trente ans que ça dure dans l’ameublement, dans le textile, dans la chimie, dans la métallurgie, ainsi de suite. Pourquoi ça dure depuis trente ans ? Parce que ce sont des ouvriers qui sont touchés, et donc on n’en a rien à foutre. Si c’étaient des acteurs qui étaient mis en concurrence de la même manière avec des acteurs roumains, ça poserait problème immédiatement. Si c’étaient des journalistes, quand on touche à l’avance fiscale des journalistes, ça fait des débats, il y’a des tribunes dans les journaux. Mais imaginons que ce soient les députés, qu’on dise que les députés ne sont pas assez compétitifs. Un député français coûte 7610 euros par mois, un député polonais coûte 2000 euros par mois (…) Mais imaginons qu’on dise : demain, il faut délocaliser l’hémicycle à Varsovie.
Donc dans ce pays, il y’a peut-être des sans-dents, il y’a surtout des dirigeants sans cran. Donc François Hollande, maintenant, il a l’occasion de montrer sur le dernier fil que son adversaire, c’est la finance, qu’il peut faire des réquisitions, qu’il peut interdire les produits Whirlpool sur le territoire français. Qu’il puisse sortir de l’impuissance et se bouger le cul.”
Lors de ce discours, le caméraman de Canal finit par ne plus faire de plan large sur le rédacteur en chef de “Fakir” mais se contente d’un plan resserré afin de cacher son t‑shirt. »
Merci au (très précieux) blog les-crises.fr 🙂
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À connaître absolument :
• Formidable François Ruffin :
Vidéo ouverte à mes élus pleurnicheurs : crétins ou hypocrites ?
httpv://youtu.be/3cS3nusCLwk
• Fakir : « Faut-il faire sauter Bruxelles ? »
http://www.fakirpresse.info/Balade-a-Euroland-686
• Le formidable bouquin de François Ruffin : « Leur Grande Trouille.
Journal intime de mes pulsions protectionnistes », à ne pas rater :
http://www.actes-sud.fr/catalogue/pochebabel/leur-grande-trouille-babel
• À lire aussi : « Le scandale des délocalisations » d’Éric Laurent :
http://www.eric-laurent.com/pages/LE_SCANDALE_DES_DELOCALISATIONS-4376789.html
• Et puis aussi les enquêtes formidables de Fakir contre le piège diabolique de l’UE ; par exemple, comment les tyrans eurocrates veulent casser le CDI et comment ils y arriveront :
httpv://www.youtube.com/watch?v=MLK95_p8zI0&feature=youtu.be
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10154997709752317
A lire et relire – Texte de Serge Carfantan sur le cynisme politique.
Source : http://www.lejdv.fr/huxley-meilleur-mondes/
« Pour étouffer par avance toute révolte, il ne faut pas s’y prendre de manière violente. Les méthodes du genre de celles d’Hitler sont dépassées. Il suffit de créer un conditionnement collectif si puissant que l’idée même de révolte ne viendra même plus à l’esprit des hommes.
L’idéal serait de formater les individus dès la naissance en limitant leurs aptitudes biologiques innées. Ensuite, on poursuivrait le conditionnement en réduisant de manière drastique l’éducation, pour la ramener à une forme d’insertion professionnelle. Un individu inculte n’a qu’un horizon de pensée limité et plus sa pensée est bornée à des préoccupations médiocres, moins il peut se révolter. Il faut faire en sorte que l’accès au savoir devienne de plus en plus difficile et élitiste. Que le fossé se creuse entre le peuple et la science, que l’information destinée au grand public soit anesthésiée de tout contenu à caractère subversif.
Surtout pas de philosophie. Là encore, il faut user de persuasion et non de violence directe : on diffusera massivement, via la télévision, des divertissements flattant toujours l’émotionnel ou l’instinctif. On occupera les esprits avec ce qui est futile et ludique. Il est bon, dans un bavardage et une musique incessante, d’empêcher l’esprit de penser. On mettra la sexualité au premier rang des intérêts humains. Comme tranquillisant social, il n’y a rien de mieux.
En général, on fera en sorte de bannir le sérieux de l’existence, de tourner en dérision tout ce qui a une valeur élevée, d’entretenir une constante apologie de la légèreté ; de sorte que l’euphorie de la publicité devienne le standard du bonheur humain et le modèle de la liberté. Le conditionnement produira ainsi de lui-même une telle intégration, que la seule peur – qu’il faudra entretenir – sera celle d’être exclus du système et donc de ne plus pouvoir accéder aux conditions nécessaires au bonheur.
L’homme de masse, ainsi produit, doit être traité comme ce qu’il est : un veau, et il doit être surveillé comme doit l’être un troupeau. Tout ce qui permet d’endormir sa lucidité est bon socialement, ce qui menacerait de l’éveiller doit être ridiculisé, étouffé, combattu. Toute doctrine mettant en cause le système doit d’abord être désignée comme subversive et terroriste et ceux qui la soutienne devront ensuite être traités comme tels. On observe cependant, qu’il est très facile de corrompre un individu subversif : il suffit de lui proposer de l’argent et du pouvoir ».
Serge Carfantan.
À propos de l’auteur :
Serge Carfantan est docteur agrégé de philosophie, spécialiste de la philosophie indienne et de la pédagogie de la philosophie.
Il a enseigné à Bordeaux, Libourne, Parentis, Mont de Marsan, Pau et à l’université de Bayonne.
Ce texte a été écrit dans le cadre d’un cours sur le cynisme politique, dans lequel il s’inspire notamment des oeuvres d’Aldous Huxley, le Meilleur des mondes, et de Gunther Anders, l’Obsolescence de l’homme.
Retrouvez Serge Carfantan sur son blog :
http://www.philosophie-spiritualite.com/
L’appel de Mikis Theodorakis : « Les banques ramèneront le fascisme en Europe ! »
Nov. 2011 : Alors que la Grèce est placée sous tutelle de la Troïka, que l’Etat réprime les manifestations pour rassurer les marchés et que l’Europe poursuit les renflouements financiers, le compositeur Mikis Theodorakis a appelé les grecs à combattre et mis en garde les peuples d’Europe qu’au rythme où vont les choses les banques ramèneront le fascisme sur le continent.
Interviewé lors d’une émission politique très populaire en Grèce, Mikis Theodorakis, figure emblématique de la résistance à la junte des colonels, a averti que si la Grèce se soumet aux exigences de ses soi-disant « partenaires européens », c’en sera « fini de nous en tant que peuple et que nation ». Il a accusé le gouvernement de n’être qu’une « fourmi » face à ses « partenaires », alors que le peuple le voit comme « brutal et offensif ». Si cette politique continue, « nous ne pourrons survivre (…) la seule solution est de se lever et de combattre ».
Résistant de la première heure contre l’occupation nazie et fasciste, combattant républicain lors de la guerre civile et torturé sous le régime des colonels, Mikis Théodorakis a également adressé une lettre ouverte aux peuples d’Europe, publié dans de nombreux journaux grecs. Extraits :
« Notre combat n’est pas seulement celui de la Grèce, il aspire à une Europe libre, indépendante et démocratique. Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu’ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. (…) Leurs programmes de « sauvetage de la Grèce » aident seulement les banques étrangères, celles précisément qui, par l’intermédiaire des politiciens et des gouvernements à leur solde, ont imposé le modèle politique qui a mené à la crise actuelle. Il n’y pas d’autre solution que de remplacer l’actuel modèle économique européen, conçu pour générer des dettes, et revenir à une politique de stimulation de la demande et du développement, à un protectionnisme doté d’un contrôle drastique de la Finance. Si les Etats ne s’imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront, en même temps que la démocratie et tous les acquis de la civilisation européenne. La démocratie est née à Athènes quand Solon a annulé les dettes des pauvres envers les riches. Il ne faut pas autoriser aujourd’hui les banques à détruire la démocratie européenne, à extorquer les sommes gigantesques qu’elles ont elles-mêmes générées sous forme de dettes.
Nous ne vous demandons pas de soutenir notre combat par solidarité, ni parce que notre territoire fut le berceau de Platon et Aristote, Périclès et Protagoras, des concepts de démocratie, de liberté et d’Europe. (…)
Nous vous demandons de le faire dans votre propre intérêt. Si vous autorisez aujourd’hui le sacrifice des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. Vous ne prospérerez pas au milieu des ruines des sociétés européennes. Nous avons tardé de notre côté, mais nous nous sommes réveillés. (…)
Résistez au totalitarisme des marchés qui menace de démanteler l’Europe en la transformant en Tiers-monde, qui monte les peuples européens les uns contre les autres, qui détruit notre continent en suscitant le retour du fascisme. »
http://www.humanite.fr/lappel-de-mikis-theodorakis-les-banques-rameneront-le-fascisme-en-europe
Source : L’Humanité, nov. 2011
[Accessoires diaboliques du ‘libre-échange’]
« TRIBUNAUX D’ARBITRAGE » : COMMENT LES MULTINATIONALES RACKETTENT LES PAYS
httpv://youtu.be/lo7_q0TAOxc
Source : Osons causer
Quatre banques françaises contre les Sioux du Dakota expulsés par Trump
http://www.bastamag.net/Le-soutien-sans-failles-des-banques-francaises-a-l-oleoduc-impose-aux-Sioux-par
Source : BastaMag
Mon commentaire : Les banques privées – c’est-à-dire les usuriers – sont le fléau de l’humanité. On leur doit le capitalisme et les travaux forcés à perpétuité, les plus grandes guerres chaque fois que les peuples veulent s’en débarrasser, les multinationales et le torrent de misère associée (de part et d’autre du ‘libre-échange’), la colonisation et la dévastation de la planète mise en coupe réglée, la concentration du capital (l’art de la fusion-acquisition et de l’effet de levier) et la corruption politique généralisée. Si on ne leur résiste pas, les esclavagistes grimés en « banques » finiront par organiser la terre en camps de travail.
Toute banque devrait être publique et sous contrôle citoyen serré.
Créer une banque privée devrait être constitutionnellement qualifié de crime contre l’humanité.
Les humains n’ont pas besoin des riches (que leur richesse rend fous, antisociaux) pour financer leurs activités. Seule une puissance publique (sous contrôle citoyen quotidien) peut financer une société tout en la protégeant de l’extrême cupidité des usuriers.
À ceux (UPR et autres) qui reprochent (amèrement) à François Ruffin de ne pas dénoncer ici explicitement le piège politique de la prétendue « union » européenne, je voudrais dire deux choses :
1) François, avec Fakir, est sans doute un des tout meilleurs résistants au piège diabolique de l’UE. Je ne développe pas ce point évident, il suffit de lire Fakir et les livres de François.
2) François insiste ici (et cette insistance ciblée fait précisément l’intérêt et la force du cri) sur un aspect psychologique essentiel (mais souvent très mal étudié par nous, je le réalise ici) pour le fonctionnement praticopratique du piège libréchangiste : les multinationales, les cartels (seuls grands gagnants et donc principaux propagandistes du ‘libre-échange’) ont besoin de RELAIS pour marteler leur propagande et forger l’opinion, et ils ont pris soin, c’est très astucieux, de PROTÉGER les principaux relais (artistes vedettes, journalistes, professeurs, intellectuels, parlementaires…) contre les méfaits de tous côtés du ‘libre-échange’ (délocalisations, désindustrialisation, chômage, misère), ce qui conduit ces relais à l’indifférence par rapport au piège, puisqu’ils n’en souffrent pas.
Je trouve donc à la fois originale et bien ciblée cette interpellation aux privilégiés, car elle peut en réveiller/conscientiser/mobiliser quelques uns : en effet, tous les artistes vedettes ne sont pas en toute connaissance de cause des profiteurs insensibles aux causes de la misère du monde ; tous les journalistes ne sont pas consciemment des cyniques vendus à des milliardaires ; tous les parlementaires ne sont pas sciemment des corrompus traîtres à la patrie et indifférents au sort des ouvriers et employés 🙂
Donc oui, merci François Ruffin !!! 🙂
Étienne.
Je ne cracherais jamais sur le François Ruffin reporter, réalisateur et défenseur des travailleurs. Cependant en homme politique, je le crains. Il connaît, ou du moins il a les moyens de connaître l’UPR et ses adhérents. Depuis longtemps déjà, « le cordon sanitaire » à légitimer une attitude fasciste a l’égard de ceux qui osait relayer les analyses de l’UPR. Par exemple Pierrick Lefeuvre. À Fakir, j’ai écris pour m’étonner de leur absence total d’intérêt pour les clef d’analyse que donne François Asselineau, et qu’il était possible d’en parler sans pour autant souscrire à son projet. La réponse est édifiante du manque d’assertivité et de complaisance à l’égard du pouvoir médiatique. Il n’est pas question de solidarité des petits face aux puissant mais simplement de volonté démocratique et de sens des priorités.
François Ruffin, expliquait dans une vidéo, tout en la légitimant la tentative d’intimidation (je laisse Étienne s’exprimer sur l’état actuel de la situation) qu’il a subit par les antifas et lieutenant d’entités politiques dirons-nous… À la fin de cette vidéo, ma sympathie pour François Ruffin avait un goût amère, dans cette histoire il avait jouer le rôle du gentil flic, et Surement malgré lui. La politique est partout, et les anciens schéma se juxtapose aux nouveaux.
Dernièrement ma sympathie pour le Ruffin homme politique a pris un sacré coup : il se félicite de recouvrir les affiches de l’UPR pour la présidentielle avec les siennes, pour les législatives.
Contrairement aux 8 millions d’€ emprunté à une banque pour financer affiches et parfois même collage, l’UPR se targue de financer tout par adhésions et dons, et le collage au volontariat…
À tout les coins des réseaux sociaux on peut constater le bashing fait à l’encontre de l’UPR.
Alors, ok, nos programmes sont différents et les querelles ne vont pas disparaître d’un coup de baguette magique ; mais regardez bien les méthodes de chacun des 2 camps.
Formidable François Ruffin :
Vidéo ouverte à mes élus pleurnicheurs : crétins ou hypocrites ?
J’aurais dit TRAÎTRES, plutôt qu’hypocrites…
httpv://youtu.be/3cS3nusCLwk
Olivier Berruyer a bien sûr relayé cette vidéo, suivie de celle ci-dessous, « 100% RUFFIN », et il l’a retranscrite et commentée :
Merci au (très précieux) blog les-crises.fr 🙂
[Conséquence de la politique criminelle du ‘libre-échange’, coeur nucléaire de l’UE]
« Crise du lait » : une agricultrice se pend dans sa salle de traite
https://news.sfr.fr/actualites/societe/crise-du-lait-une-agricultrice-se-pend-dans-sa-salle-de-traite-1109641.html
Ce post va me permettre de donner mon avis sur le libre-échange.
Le libre-échange est une doctrine largement répandue parmi les économistes, et ce depuis deux siècles. Je pense donc : 1) Qu’elle a probablement une part de vrai. 2) Qu’il faut venir avec de bons arguments si on veut s’y opposer.
Si on veut remonter à son origine, son élaboration théorique dans sa forme achevée est due à Ricardo. Il base l’intérêt du libre-échange sur sa théorie de l’avantage comparatif, avec un texte célèbre, où il montre que deux pays, quelle que soient leur production de départ, ont intérêt à pratiquer le libre-échange :
« Dans un même pays, les profits sont en général toujours au même niveau, ou ne diffèrent qu’en raison de ce que le capital peut être consacré à un emploi plus ou moins sûr et agréable. Il n’en est pas de même d’un pays à l’autre. Si les profits des capitaux employés dans le Yorkshire surpassaient ceux des capitaux employés à Londres, les fonds passeraient bien vite de Londres dans le Yorkshire, et les profits se nivelleraient. Mais si le sol de l’Angleterre devenait moins productif, ou si l‘accroissement des capitaux et de la population venait à faire monter les salaires et à faire baisser les profits, il ne s’ensuivrait pas pour cela que le capital et la population dussent nécessairement abandonner l’Angleterre, et se porter en Hollande, en Espagne ou en Russie, où les profits pourraient être plus élevés.
Si le Portugal n’avait aucune relation commerciale avec d‘autres pays, au lieu d’employer son capital et son industrie à faire du vin, avec lequel il achète aux autres nations le drap et la quincaillerie nécessaires pour son propre usage, ce pays se trouverait forcé de consacrer une partie de ce capital à la fabrication de ces articles, qu’il n’obtiendrait plus probablement qu’en qualité inférieure et en quantité moindre.
La masse de vin que le Portugal doit donner en échange pour le drap anglais n’est pas déterminée par la quantité respective de travail que la production de chacun de ces deux articles a coûté ; – ce qui arriverait s’ils étaient tous deux fabriqués en Angleterre ou en Portugal.
L’Angleterre peut se trouver dans des circonstances telles qu’il lui faille, pour fabriquer le drap, le travail de cent hommes par an, tandis que, si elle voulait faire du vin, il lui faudrait peut-être le travail de cent vingt hommes par an : il serait donc de l’intérêt de l’Angleterre d‘importer du vin, et d’exporter en échange du drap.
En Portugal, la fabrication du vin pourrait ne demander que le travail de quatre-vingts hommes pendant une année, tandis que la fabrication du drap exigerait le travail de quatre-vingt-dix hommes. Le Portugal gagnerait donc à exporter du vin en échange pour du drap. Cet échange pourrait même avoir lieu dans le cas où on fabriquerait en Portugal l’article importé à moins de frais qu’en Angleterre. Quoique le Portugal pût faire son drap en n’employant que quatre-vingt-dix hommes, il préférerait le tirer d‘un autre pays où il faudrait cent ouvriers pour le fabriquer, parce qu’il trouverait plus de profit à employer son capital à la production du vin, en échange duquel il obtiendrait de l’Angleterre une quantité de drap plus forte que celle qu’il pourrait produire en détournant une portion de son capital employé à la culture des vignes, et en l’employant à la fabrication des draps.
Dans ce cas, l’Angleterre donnerait le produit du travail de cent hommes en échange du produit du travail de quatre-vingts. Un pareil échange ne saurait avoir lieu entre les individus du même pays. On ne peut échanger le travail de cent Anglais pour celui de quatre-vingts autres Anglais ; mais le produit du travail de cent Anglais peut être échangé contre le produit du travail de quatre-vingts Portugais, de soixante Russes ou de cent vingt Asiatiques. Il est aisé d‘expliquer la cause de la différence qui existe à cet égard entre un pays et plusieurs : cela tient à l’activité avec laquelle un capital passe constamment, dans le même pays, d’une province à l’autre pour trouver un emploi plus profitable, et aux obstacles qui en pareil cas s’opposent au déplacement des capitaux d‘un pays à l’autre.
Dans la supposition que nous venons de faire, les capitalistes de l’Angleterre et les consommateurs des deux pays gagneraient sans doute à ce que le vin et le drap fussent l’un et l’autre faits en Portugal, le capital et l’industrie anglaise passant par conséquent, à cet effet, de l’Angleterre en Portugal. »
(David Ricardo, Des principes de l’économie politique et de l’impôt, Chapitre VII).
La première fois que j’ai lu ce passage, je me suis dit que ce type était un génie. Et en effet, l’argumentaire en faveur du libre-échange n’a pas beaucoup varié depuis 200 ans et reste fondamentalement basé sur cette démonstration. Il a cependant bien sûr été l’objet de critiques depuis lors ; l’article de Wikipédia sur le sujet me semble pertinent et correct dans l’ensemble :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Avantage_comparatif
Je passe outre le fait que Ricardo était là sans doute un génie, mais aussi un peu une fripouille : car son exemple met en scène un « Portugal » plus productif que l’ « Angleterre » et qui profite plus de l’échange, alors que dans la réalité de l’époque c’était l’inverse. A noter que l’exemple des draps et du vin était en fait tiré de la réalité économique du moment, les deux pays ayant signé un traité commercial (traité de Methuen, 1703) portant sur ces marchandises, et dont le Portugal ne voulait pas :
https://france.attac.org/nos-publications/les-possibles/numero-4-ete-2014/dossier-accords-de-libre-echange/article/les-accords-commerciaux
Si l’on veut résumer l’argument de Ricardo, on dira que : « nous avons toujours intérêt à nous spécialiser dans une marchandise pour laquelle notre coût de production est moindre, et à l’échanger avec une autre nation qui fait de même ». Cela me semble exact, mais les problèmes surgissent quand on se pose deux questions qu’il n’aborde pas :
– pourquoi le coût de production est-il moindre ?
– qui est ce « nous » ?
Pour que le libre-échange fonctionne, le coût de production dans le pays exportateur doit être moindre dans le pays exportateur que le pays importateur (avec une différence couvrant au moins le coût du transport). Mais la différence de coût peut être due à plusieurs facteurs. J’en vois au moins de trois types :
1) Des facteurs naturels. Il est moins coûteux à la Belgique de produire des betteraves, et à la Colombie de produire du café, plutôt que de s’acharner à faire le contraire. Dans ce cas, il me semble normal que l’un des pays se spécialise dans un marchandise, l’autre dans l’autre, et qu’ils échangent leur production.
2) Des facteurs logistiques et technologiques. Certaines grosses industries nécessitent des investissement lourds et de grandes échelles de production, qui ne sont pas à portée de tous les pays. Il me semble raisonnable que les Emirats Arabes Unis achètent leurs avions aux USA et en Europe plutôt que de tenter de développer une industrie aéronautique nationale. Ils les échangeront contre leur production locale, à savoir le pétrole. Du moins tant qu’il y a une demande en pétrole, et que leur sous-sol en contient. Dans le cadre du matériel lourd, il me semble donc légitime que les petits pays pratiquent le libre-échange, sous réserve de garder un œil sur le long terme et les potentielles évolution des marchés.
3) Des facteurs politiques. Pour la majorité des produits courants, les différences de coût de production entre pays ne sont cependant liés qu’à des facteurs qui sont au fond politiques : la répartition des bénéfices entre salarié et patron, les normes sociales, les normes environnementales sont politiques et dépendent de l’État.
L’un des grand motifs pour lesquels un groupe dirigent national prône le libre-échange, c’est parce qu’il y a de manière cachée une population qui est exploitée et qui lui donne un avantage comparatif. Ainsi, l’un des motifs de la Guerre de Sécession était que le Sud, esclavagiste, voulait pratiquer le libre-échange, alors que le Nord voulait le protectionnisme.
Comment devrait donc être présentée la démonstration de l’avantage comparatif actualisée avec les connaissances du vingt-et-unième siècle ?
Prenons l’exemple de la France productrice de vaccins, et du Viet-Nam producteur de textile. Il n’y a aucun motif naturel ou technique pour que la France ne puisse pas produire du textile et que celui-ci soit importé d’Asie du Sud-Est. La différence de coût de production qui rend avantageux l’échange au-delà du coût du transport est uniquement d’origine politique.
Si l’on considère les Etats-nations « France » et « Viet-Nam » comme des entités unitaires avec chacune un compte d’exploitation, alors le raisonnement de Ricardo est valable. Chacune des entités « à intérêt » à se spécialiser et à échanger vaccins contre textile. C’est d’ailleurs le sophisme qu’utilisent les plupart des commentateurs libre-échangistes que l’on entend dans les médias.
Mais quelle est la source du coût de production moindre du textile au Viet-Nam ? C’est que justement ces entités ne sont pas unitaire mais sont des agglomérats politiques. Il y a dans chacun deux groupes, qu’on appellera par simplicité « capitalistes » et « salariés ». Au Viet-Nam, les premiers imposant aux seconds un ordre sociopolitique tel que le coût y est moindre, par des salaires plus bas, de moindres services publics, en environnement moins sain. Il ne faut donc pas se poser la questions de ce que gagnent au libre-échange les entités « France » et « Viet-Nam », mais les différents groupes sociaux composant ces agglomérats.
Le groupe « capitalistes vietnamiens » sera gagnant de par l’augmentation de la spécialisation dans une production où ils excellent. Le groupe « capitalistes français » de même. Cette division est d’ailleurs en partie théorique car ces groupes sont en fait plus unis et internationalisés que les groupes « salariés ».
Le groupe « salariés vietnamiens » ne sera ni gagnant ni perdant, mais ne pourra pas voir sa situation s’améliorer. En effet, si les salaires et les conditions de travaillent s’améliorent, l’avantage comparatif du pays décroîtra jusqu »à ce que le coût du transport fasse relocaliser la production textile en France. Une exception est la situation du plein emploi. S’il n’y a plus de chômage au Viet-Nam, la hausse des salaires aux dépens des capitalistes vietnamiens améliorera la situation des salariés. Mais la mécanisation de la production empêchera rapidement cela. Et puis, on peut toujours trouver un pays où la production est encore moins chère.
Le groupe « salariés français » doit lui-même être subdivisé, du fait qu’il s’agit du pays avec la plus forte productivité. En effet, la production des vaccins ne nécessite pas l’emploi de toute la population active. Il y a un chômage structurel, et donc deux sous-groupes : les « employés français » et les « sans-emplois français ».
Les « employés français » sont gagnants, du fait qu’il peuvent acheter plus de textile pour un moindre travail fourni.
Les « sans-emplois français » sont perdants : du fait des gains de productivité liés à la spécialisation, ils ont moins de chance de trouver un emploi, et donc de se procurer les ressources vitales nécessaire en textiles et en vaccins.
La situation de libre-échange de l’ensemble peut se maintenir tant qu’une « majorité politique » y trouve son intérêt. Mais deux forces vont agir et déséquilibrer le système :
– les gains de productivités, qui vont faire passer des individus de la position « employé » à « sans-emploi », augmentant le poids ce ce dernier groupe.
– le désir d’accumulation du groupe « capitaliste », qui va conduire à une dégradation des salaires et des conditions de vies des « salariés », les poussant dans le camp politique opposé.
(- je considère comme nulle la force « morale » qui pousserait les français à se préoccuper de la manière dont sont produits leurs textiles au Viet-Nam ; ce n’est sans doute pas loin de la réalité)
La bascule en faveur du protectionnisme se produira en France si une proportion suffisante du groupe « employés » bascule aux côtés du groupe « sans-emplois », pour faire modifier la politique économique.
A Ronald
Il y a une faille dans le libre échange :
Elle nous est indiquée par K Polanyi : ne surtout pas nommer concurrence le commerce au long cours : seuls des gens qui vivent dans un même pays et sous les mêmes règles sont des concurrents.
Le producteur textile au bangladesh n’est pas correctement nommé un concurrent pour nous en Europe.
C’est la limite du libre échange, qui se targue de mettre tout le monde entier en concurrence.… de généraliser la guerre donc.
Bien sûr : échanger ce qu’on a contre ce qu’on n’a pas (nos bonnes pommes contre des ananas), mais pas ce qu’on peut faire un peu partout (et qui pollue pour n’enrichir que le commerce) contre ce qu’on peut faire un peu partout (avec de la formation certes, et du transport de capital).
Merci Ronald.
À propos de ce menteur de Ricardo (fils de banquier et lui-même financier) :
Du libre-échange et des petites tromperies de David Ricardo
http://www.alternatives-economiques.fr/economie/du-libre-echange-et-des-petites-tromperies-de-david-ricardo-201509091402–00001796.html
L’arnaque Emmanuel Macron de A à Z
Observatoire du néo-conservatisme – In Articles on 27 février 2017
Source : https://anticons.wordpress.com/2017/02/27/larnaque-emmanuel-macron-de-a-a‑z/