Contrairement aux prétendus « journalistes » du journal « Le Monde », « journal de référence » littéralement — et scandaleusement — vendu à 3 milliardaires, je trouve Olivier Berruyer admirable et exemplaire.
C’est, plus que jamais, l’occasion de lire tous les jours — et de faire connaître à tous vos proches ! — un des meilleurs sites d’information du pays (Olivier ne me laisserait pas dire ça sans tenter de minimiser son rôle, mais je fais ce que je veux 🙂 ), les-crises.fr. C’est très facile : il suffit de glisser un raccourci de son adresse dans le groupe Démarrage du menu Démarrer, et ce site de salut public devient alors gratuitement votre journal quotidien, un des tout meilleurs cerveaux collectifs du pays.
Lisez ce récent billet :
[Interview RT] Le Monde devient un problème pour la Démocratie
Olivier Berruyer :
« Je comprends mal pourquoi Le Monde continue à trouver d’une telle importance que je sois dans leur liste Maccarthyste avec d’autres petits blogs.
Très bien, je me charge d’en faire de la publicité en ce cas.
Et ne me sortez pas le couplet “la télé des russes”, j’ai contacté les Américains, et un des plus grands journalistes américains, sonné par ce que vous me faites, m’a accordé une tribune invité dans son site…
Merci beaucoup Le Monde – ce succès international, je vous le dois…
Il est important de se mobiliser, sinon il va être très difficile à n’importe qui de créer et tenir un blog, si la police du Monde veille…
(je tiendrai les lecteurs informés de tous les développements de ce dossier) »
OB
Source : les-crises.fr Olivier Berruyer
Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10154962240512317
Marrant 🙂
En ce moment, le Décodex ALTERNATIF du Grand Soir est classé « à la une » sur Google avant Le Monde 🙂
Édit : en fait, c’est la une personnalisée par Google pour Viktor qui le classe comme ça 😀
Ça ne fait rien, faites connaître autour de vous le désopilant et roboratif Décodex ALTERNATIF du Grand soir 🙂
https://www.legrandsoir.info/le-decodex-alternatif-mefiez-vous-des-imitations.html
Merci Viktor, merci Maxime.
#UnVraiJournalisteNestPasVendu
[Pourriture politicienne et capitaliste] Décrets de Trump pour démanteler la réglementation financière
Le début de la fin
« On parle beaucoup du décret anti-immigration de Trump, visant à interdire l’entrée aux USA de ressortissants de sept pays (sept pays qui ont tous subi des invasions, attaques ou embargos de la part des différentes administrations américaines).
Pourtant, ce décret inutile ne fait que stigmatiser un grand nombre de personnes, avec un effet nul sur la lutte contre le terrorisme, voire contre-productif : en attisant les haines, cela peut susciter des vocations au djihad anti-US et au martyr. Sans oublier qu’un attentat, même meurtrier, hormis ses malheureuses victimes, sa charge émotionnelle et son buzz médiatique, n’a qu’une portée limitée.
Par contre, on parlera un peu moins de la volonté affichée de détricoter l’insuffisante réglementation du système financier mise en place après la crise des subprimes de 2008.
Dommage !
En effet, l’abrogation des deux décrets visant la loi Dodd-Frank et la règle Volcker aurait une portée systémique.
Pour rappel, la loi Dodd-Frank de 2010 a créé le bureau de protection financière des consommateurs (CFPB) chargé de réguler les prêts hypothécaires et les cartes de crédit, suite aux abus constatés lors de la crise des subprimes. Cette loi a aussi obligé les banques à augmenter leurs fonds propres et subir des tests annuels de résistance (« stress tests », qui valent ce qu’ils valent…), afin d’éviter une faillite comme celle de Lehman Brothers.
Quant à la disposition de la loi Dodd-Frank qui visait à éviter la corruption pour l’obtention de concessions, elle a d’ores et déjà été abrogée. Désormais, les compagnies pétrolières et minières américaines ne sont plus obligées de rendre publiques les sommes versées aux gouvernements étrangers.
La règle Volcker empêche les banques de pratiquer la spéculation pour leur propre compte et vise à freiner leurs investissements spéculatifs avec l’argent de leurs clients : l’objectif consiste à éviter le financement d’actifs risqués par des dépôts garantis par l’État fédéral (rappelons que la crise financière de 2008 a coûté 1000 milliards de dollars aux contribuables américains, argent public qui a servi à renflouer des banques privées).
Le deuxième décret vise aussi la règle fiduciaire qui oblige les conseillers financiers à agir dans l’intérêt de leurs clients. Cette règle les empêche actuellement de conseiller à leurs clients des placements pour lesquels les commissions sont les plus élevées, ou d’acheter des produits, alors que leur banque spécule contre ces mêmes produits.
Comment justifier la remise en cause de deux législations qui visent à éviter les excès sur les marchés financiers et à protéger davantage les consommateurs ?
Selon les Républicains, cette législation était nuisible tant pour les banques que pour les consommateurs. L’association bancaire ABA s’est elle félicitée de cette initiative « qui devrait permettre de libérer le pouvoir de l’industrie bancaire ».
Le directeur du Conseil économique national à la Maison Blanche Gary Cohn (ancien numéro deux de Goldman Sachs) a déclaré que l’objectif de déréglementer les marchés financiers n’était pas une faveur accordée aux banques.
« Il s’agit d’être un acteur sur le marché mondial où nous devons, pouvons et aurons une position dominante. Les banques vont être en mesure de fixer leurs prix plus efficacement et donc au mieux pour les consommateurs. Les Américains vont pouvoir faire de meilleurs choix et accéder à de meilleurs produits financiers. »
Ha ! la bonne blague.
Lors de sa campagne électorale, M. Trump avait pris la défense des populations défavorisées, mises à la rue par la crise des subprimes, en fustigeant l’attitude des banquiers de Wall Street. Pourtant, ces derniers sont largement représentés au sein de sa nouvelle administration :
• Steven Mnuchin, 17 ans chez Goldman Sachs, repreneur de la OneWest Bank, leader des saisies sur le segment des personnes âgées en expulsant des dizaines de milliers d’Américains de leur maison, nommé secrétaire au Trésor.
• Wilbur Ross, ex-banque Rothschild, repreneur d’entreprises en difficultés et restructurées à coup de milliers de licenciements, nommé secrétaire au Commerce.
• Stephen Bannon, ex-Goldman Sachs, nommé conseiller de la Maison Blanche.
• Paul Atkins, ex-membre de la Securities and Exchange Commission (SEC), CEO d’une entreprise de services financiers, nommé conseiller sur la réglementation financière.
• Le déjà cité Gary Cohn, ex-numéro deux de la banque d’affaires Goldman Sachs, nommé directeur du Conseil économique national.
Réactions : Le démantèlement de cette réglementation financière suscite heureusement quelques réactions : » […]
Lire la suite :
http://lesakerfrancophone.fr/decrets-de-trump-pour-demanteler-la-reglementation-financiere
Source : SakerFrancophone
Controverse Décodex : et si on pensait la qualité de l’information comme un Commun ?
« Décodex est une boîte à outils proposée en accès gratuit depuis le 1er février 2017 par Les Décodeurs, rubrique du site lemonde.fr. Elle vise à permettre aux internautes de distinguer les sites d’information fiables de ceux qui ne le sont pas, à l’aide d’une classification selon plusieurs critères (voir plus bas).
Sont concernés les sites, blogs, sites de presses mais aussi les comptes Youtube ou Twitter. Les internautes sont mis à contribution pour répertorier les sites avec la possibilité d’envoyer une requête aux Décodeurs, ce qui place le projet dans une « démarche citoyenne » mais aussi d’éducation aux médias pour tous et dans les écoles. A noter que ce projet est financé par le Fonds pour l’innovation numérique de la presse (« Fonds Google »).
Sont ainsi proposés :
• un moteur de recherche « Verificator » qui permet de faire une recherche par l’adresse d’une page web ou par le nom d’un site
• un logiciel de discussion sur Messenger de Facebook qui donne des réponses automatiques sur les sites à vérifier et des conseils sur la manière de vérifier l’information,
• un plugin (extension) pour les navigateurs Chrome et Firefox qui installe un petit logo « D » dans la barre de navigation qui change de couleur et en explicite les raisons avec description du site,
• des articles pédagogiques sous forme de kit à destination des enseignants avec une compilation de conseils, dessins, cas pratiques et exercices.
Au moment du lancement, ce sont déjà près de 600 sites qui ont pu être classés, parmi lesquels des sites « majoritairement français mais aussi anglais et américains et quelques allemands, avec cinq niveaux de fiabilité, repérés par cinq couleurs ».
• Les sites « plutôt fiables » qui se montrent « mesurés » et « transparents » sont en vert.
• Les sites « militants » ou « insuffisamment précis », et qui « ne vérifient pas » ou « ne précisent pas » leurs sources se voient attribuer la couleur orange.
• Les sites « participatifs » pour lesquels la « fiabilité [est jugée] trop variable » (Wikipédia ou les comptes des réseaux sociaux par exemple) sont de couleur grise.
• Les sites « satiriques ou parodiques », « à lire au second degré » sont repérés par la couleur bleu.
• Enfin, en rouge, ce sont les sites qui « diffusent régulièrement de fausses informations » ou « des articles trompeurs ».
Parmi les critères retenus on trouve :
• le respect des règles journalistiques (croisement des sources, vérification, etc.)
• la présence ou le manque de sources,
• la référence à une seule étude scientifique,
• la rectification des erreurs lorsqu’elles sont identifiées,
• la distinction entre un éditorial/ tribune aux analyses subjectives, et des articles purement factuels,
• le signalement des positions partisanes affirmées sur certains sujets qui ont déjà conduit à des erreurs.
Quelques éléments de débats avec cette carte des articles parus autour de la mise en ligne de Décodex
Nul ne contestera que les enjeux de l’évaluation de l’information sont de plus en plus importants et que l’outil peut avoir un réel intérêt pédagogique en contribuant à développer chez les internautes une attitude critique et une culture de l’information.
Pour autant, il semble essentiel de ne pas s’en tenir au seul jugement des Décodeurs (juge et partie parmi les sites de presse) et de développer une réflexion sur le principe même d’une labellisation des sites. L’éducation à l’information ne peut pas être accaparée par un seul journal, aussi légitime soit-il, alors que de nombreux acteurs (bibliothécaires, journalistes, professeurs documentalistes, enseignants, modérateurs, etc.) détiennent des compétences en la matière et pourraient mettre en commun cette culture informationnelle. À l’instar du Monde, on peut aisément imaginer que d’autres proposeront leur propre système d’évaluation – servant leurs propres intérêts –, qu’il s’agisse de plates-formes privées comme Facebook, des conspirationnistes eux-mêmes ou de l’État, qui trouverait là un moyen de restaurer une régulation par en haut de l’Internet.
Plus fondamentalement, c’est méconnaître les mécanismes mêmes de l’information que de prétendre automatiser et uniformiser son évaluation. Les indicateurs sont utiles à condition qu’ils puissent être contextualisés, discutés… et contournés. L’information doit toujours être rapportée à un régime d’autorité particulier, à des connaissances, des croyances ou des consensus localement ou socialement situés, et c’est cet environnement que l’intelligence collective peut mettre en évidence, contre l’illusion d’une fiabilité immanente. Le fait d’établir un critère global de fiabilité au niveau des sites est par ailleurs discutable, car cela peut dépendre des articles et de la qualité de chaque contribution.
Pour parer les risques évidents de censure ou de conflits d’intérêt, il serait préférable de penser en termes de convergence pour favoriser l’émergence d’une communauté citoyenne de vigilance. La qualité de l’information constitue un Commun, qui nécessite en tant que telle une gouvernance par les communautés qui la construisent et l’entretiennent. Le collectif SavoirsCom1 invite donc à considérer la question sous l’angle des Communs de la connaissance.
L’exemple de Wikipédia montre qu’un espace de publication qui s’est organisé comme un Commun résiste mieux aux fausses informations (voir ici et là).
À l’inverse, le phénomène des fake news correspond en ce sens à une forme de tragédie des communs, qui ressemble à celle que peuvent subir la haute mer ou l’atmosphère. Certains acteurs ont intérêt à faire du « dégazage sauvage », en répandant des pollutions informationnelles. Comme l’explique Evgeny Morozov, ce phénomène est amplifié par le fonctionnement même des grandes plateformes, et notamment par le modèle publicitaire sur lequel elle repose. Obéissant aux principes de l’économie de l’attention, le capitalisme cognitif n’a objectivement aucun intérêt à participer à l’amélioration de la qualité de l’information.
Mais il ne suffit pas de faire communauté sur Internet pour garantir que les pratiques collectives contribueront à la qualité de l’information. Sur Wikipédia, ce sont les règles mises en place (notamment le principe de neutralité de point de vue, ainsi que les procédures de discussion et de résolution des litiges, qui donnent à la communauté sa résilience particulière aux fake news. Là où d’autres espaces de sociabilité en ligne, organisés selon des principes différents, contribuent au contraire à l’amplification du phénomène.
En vue de favoriser l’émergence d’une telle communauté de vigilance informationnelle autour du Décodex, le collectif SavoirsCom1 préconise donc :
• que les outils de vérification soient toujours eux-mêmes vérifiables (pas de boîte noire),
• que les règles de contribution et de régulation soient clairement énoncées et toujours susceptibles d’être mises en discussion,
• que les sites évalués puissent faire appel de leur évaluation en démontrant leur mode d’élaboration ou de transmission de l’information,
• que les acteurs tirant profit de la diffusion de l’information (organes de presse ou prestataires de services informationnels) contribuent d’une manière ou d’une autre au développement d’une politique publique d’éducation aux médias et à l’information de tous les citoyens.
Source : SavoirsCom1 http://www.savoirscom1.info/2017/02/controverse-decodex-information-comme-un-commun/
Le Monde banni de Wikipédia pour y avoir créé volontairement des “Fake news” !!
Lire la suite :
http://www.les-crises.fr/le-monde-banni-de-wikipedia-pour-y-avoir-cree-volontairement-des-fake-news/
Source : les-crises.fr OIivier Olivier Berruyer
[L’omniprésence médiatique de Macron, le candidat des banques, est la conséquence logique — et scandaleuse — de l’achat des journalistes par les milliardaires.
Le faux « suffrage universel » (élire des maîtres au lieu de voter des lois) condamne toute société au « capitalisme » (en donnant tous les pouvoirs aux plus riches, qui n’ont qu’à acheter les journalistes pour gagner les élections)].
Entre personnalisation et disqualification, la politique selon « C dans l’air »
par Maxime Friot (Acrimed) :
Réunissant éditorialistes de médias dominants et « experts » acceptant de jouer le jeu de l’émission de France 5, « C dans l’air » produit et reproduit des mécanismes de personnalisation et de disqualification politiques. En traitant de la politique via l’angle des stratégies personnelles, et en braquant la lumière sur quelques candidats bien placés dans les sondages – et pas sur les autres – « C dans l’air » propose un « décryptage » de l’actualité politique bien particulier. […]
Lire la suite :
http://www.acrimed.org/Entre-personnalisation-et-disqualification-la
Source : Acrimed.
J’avais un peu la même impression qu’Acrimed sans avoir autant creusé. Je regardais jadis C dans l’air car il y était discuté du point de vue de l’oligarchie, mais au moins on y parlait d’idéologie. Maintenant j’ai arrêté car il n’est question que d’avis sur les personnalités politiques et d’appréciation de leurs stratégies. Je crois que cela témoigne que toutes ces personnes n’ont même plus de pensée.
“Les grands esprits discutent des idées ; les esprits moyens discutent des événements ; les petits esprits discutent des gens.” ([faussement attribué à] Eleanor Roosevelt)
Alerte : combat pour la reconquête de la langue française
SAISINE DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE SUR LA MISE A MORT DE LA LANGUE FRANÇAISE : CONFÉRENCE DE PRESSE (« épique ») d’Arnaud Aaron Upinsky, président de l’Union Nationale des Ecrivains de France
https://youtu.be/1sCCdXrEe7U
LETTRE OUVERTE d’Arnaud Upinsky, président de l’Union Nationale des Ecrivains de France à Madame Hélène Carrère d’Encausse, Secrétaire perpétuel de l’Académie française :
http://upinsky.work/wp-content/uploads/2017/01/Lettre-Ouverte-de-saisine-de-lAcad%C3%A9mie-fran%C3%A7aise-du-14-janvier-2017-%C3%A0-son-Secr%C3%A9taire-perp%C3%A9tuel…pdf
A la demande de l’auteur de la saisine sur son site : Pétition-Saisine de mobilisation nationale contre la haute trahison du français aux JO-Paris 2024 et à l’école
https://www.change.org/p/acad%C3%A9mie-fran%C3%A7aise-contre-la-haute-trahison-du-fran%C3%A7ais-aux-jo-paris-2024-et-%C3%A0-l-%C3%A9cole
Bonjour à tou(te)s,
Le régime des forêts de protection fait actuellement l’objet de DEUX CONSULTATIONS. L’une concerne exclusivement le massif de Fontainebleau, l’autre couvre l’ensemble des forêts du territoire national.
Dans les deux cas, nous sommes invités à donner notre avis sur des projets qui, s’ils sont retenus, auront pour conséquence de réduire encore un peu plus un domaine pourtant théoriquement protégé. L’un d’entre eux demande même d’ouvrir le périmètre de ces forêts aux activités minières (oui, vous avez bien lu !)
Comme on nous demande notre avis, vous trouverez un résumé et un mode opératoire succinct en cliquant sur le lien suivant https://chroniquesvertesdemill
… et surtout, n’hésitez pas à faire suivre !
CHARTE DE MUNICH
Déclaration des devoirs et des droits des journalistes.
Préambule : Le droit à l’information, à la libre expression et à la critique est une des libertés fondamentale de tout être humain.
Ce droit du public de connaître les faits et les opinions procède l’ensemble des devoirs et des droits des journalistes…
http://eeas.europa.eu/archives/delegations/tunisia/documents/page_content/charte_munich1971_fr.pdf
« les crises », « Fakir », « investig action », « Chouard »,…
C’est quant même bizarre, tous ces sites anti-conformistes qui diffusent de la fausse information en même temps ? Se seraient-ils tous coordonnés ? Ne serait-ce pas un Complot contre les Puissants de ce « Monde » (facile) ?
S’ils s’avancent sur ce chemin, nous pourrions attaquer le « Monde » de complotiste.
Bon, admettons que « Le Monde » a toujours raison. A‑t-il une recette de cuisine pour revenir sur le droit chemin ? Afin de recevoir sa bénédiction ?
…Se mettre à publier des articles du Monde ? permettrait de repasser au vert ? J’imagine que le classement n’est pas définitif, rouge une fois pour toute. Qu’il est permit de se faire pardonner. Sinon, ils estiment que c’est une diffusion intentionnelle de propagande, en âme et conscience. Alors ils n’accepteraient pas l’erreur qui n’est qu’humaine et qui n’est pas toujours intentionnelle (d’habitude).
Pour être constructif, ils devraient fournir sur leur site une boîte à outils de journaliste conformiste pour les vilains petits canards déviants. Ou l’offrir après un Mea Culpa suite à un passage au confessionnal (genre de boite mail à l’écoute 24H/24H).
A nouveau, ils trouvent des solutions (à leurs problèmes) qui nous infantilisent, symptôme de cette société (à échelles hiérarchiques de dominances) ! Au lieu de se (de nous) considérer des adultes et d’ouvrir le débat ! …il y a trop d’intérêts à défendre.
Déconnant DECODEX, par Jacques Sapir
Source : Russeurope, Jacques Sapir, 09-02-2017
https://russeurope.hypotheses.org/5677
Le site Web du journal Le Monde vient de lancer, depuis quelques jours, un « outil » nommé « Decodex », qui est censé permettre à ses utilisateurs de trier le faux du vrai dans le différents sites. Nul ne conteste la nécessité de vérifier les sources. On pouvait penser que cet outil serait une tentative honnête pour aider le lecteur. Elle s’avère en réalité un outil idéologique servant à la fois à l’autopromotion de ce journal (ce que l’on peut comprendre sans nécessairement l’approuver) mais aussi, et c’est sur ce point que toute l’opération est bien plus discutable, un outil de tri idéologique. Prétendant lutter conte ce que l’on appelle les « fake news », soit la multiplication des fausses nouvelles, les journalistes du Monden’ont rien eu de plus pressé que de réinventer l’Index du Vatican. A quand l’Imprimatur ?
Decodex se présente comme une application que chacun peut utiliser. Cette application classe les sites du vert (garantie de « bonnes » informations) au rouge (site réputé dangereux), avec la couleur orange (site peu sérieux), ou bleu (site parodique). Seulement, pour faire fonctionner un système comme Décodex, il faut au préalable établir une liste de sites d’information que l’on considère comme recommandables ou non et une liste de critères qui permettent de jauger et de juger de la crédibilité de tel ou tel. On entre là dans un domaine ou joue à plein la subjectivité idéologique des journalistes du Monde. En mettant les pastilles, qu’elles soient vertes, oranges ou rouges, Le Monde s’arroge un droit de jugement alors qu’il est lui-même, et nul ne le lui reproche par ailleurs, un journal d’opinion, un journal qui défend ses idées, mais des idées qui ne font que représenter sa subjectivité. Ce qui gène, ce qui choque avec cette création du Monde c’est que ce journal se donne ainsi le rôle de censeur du Web, de l’information en ligne. Il s’approprie un pouvoir qui pourrait, à l’extrême limite, relever d’un comité indépendant, ou du CSA, mais certainement pas d’un journal qui est un acteur de cette sphère de l’information et qui ne peut donc prétendre à l’impartialité nécessaire pour une telle fonction.
La dimension idéologique de l’opération se révèle quand on se promène un peu sur Décodex. On constate que les sources de l’établissement médiatique (les journaux avec lesquels Le Monde a des collaborations ouvertes ou implicites) sont systématiquement en vert. Les autres, sont en orange et en rouge, et en particulier les sources dites alternatives. Se révèle alors la dimension « monopoliste » de l’opération. Dans un monde ou le journalisme traditionnel est contesté, car chacun peut, à sa guise, créer un site d’information, l’opération Décodex apparaît comme une volonté un peu puérile et clairement désespérée de certains journalistes pour se garantir le monopole de l’information. Il eut été plus utile, et plus profitable à tous, que ces dits journalistes s‘interrogent sur les raisons de leurs pertes d’audience. Mais, ce type d’autocritique, il ne faut pas rêver : ils en sont clairement incapables.
On donnera ici un exemple parlant. Mon propre carnet obtient, tout comme le blog d’Olivier Berruyer, un classement orange. Olivier répond par ailleurs de manière cinglante aux argousins de Décodex. Ce classement est motivé par un exemple de « fake news » que Le Monde présente ainsi : «…relaie parfois de fausses informations, niant la présence de soldats russes en Ukraine en 2014, pourtant établie ». Si ces « journalistes » avaient fait leur travail, ils auraient pu constater que je n’avais nullement nié la présence de militaires russes à Donetsk et Lugansk, mais que, citant nommément un général américain en poste à l’OTAN, j’avais indiqué que la présence de militaires russes n’était pas en mesure d’expliquer les victoires remportées par les forces de la DNR et de la LNR en septembre 2014. Mais, on voit bien qu’ici la vérité importe peu pour les journalistes du Monde. Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.
Il serait aussi facile de rétorquer que Le Monde lui-même a publié aussi de fausses informations, ou des informations non confirmées, comme le montre Vincent Glad dans une chronique sur le site de Libération[1]. Le Monde lui même s’était fait l’écho récemment du faux piratage par les Russes d’une centrale électrique américaine. Alors, pourquoi ne pas mettre Le Monde lui-même en orange dans le classement Décodex ? Aude Lancelin s’est élevée contre cette opération du Monde, et l’on peut penser qu’elle risque fort de décrédibiliser encore plus la presse traditionnelle. En fait, une observation rapide des divers sites mis en causes montre que les utilisateurs potentiels de Décodex l’utilisent à l’inverse de ce que souhaitaient les journalistes du Monde. La fréquentation de ces blogs semble avoir augmenté et tout se passe comme si le lecteur considérait comme « suspect » le classement en vert qui est censé désigner la « bonne » information et recherchait les sites désignés par Décodex comme « suspects ». Si cela devait se confirmer, nous aurions le résultat paradoxal d’une opération de dénigrement en bande organisée, comme l’on dit au Ministère de la Justice, se retournant contre ses propres auteurs…
Au-delà, l’histoire Décodex pose un problème de fond. Nul ne peut certifier la « vérité ». Des faits peuvent être raisonnablement établis, tout en sachant qu’il y a toujours une marge d’incertitude à leur égard. L’interprétation de ces faits, elle, varie avec les opinions, avec la subjectivité de chacun, avec les différentes recherches qui peuvent être faites. Je renvoie ici le lecteur à mes multiples notes sur la question du chômage en France, et sur l’abus que font les journalistes de la fameuse « catégorie A » de la DARES. Personne ne peut décider qu’il a le monopole de la vérité et de l’information ; on ne peut certifier une « vérité », ni la mettre sous copyright. C’est bien pourquoi toute l’opération Décodex se révèle en fait assez nauséabonde dans ce qu’elle décrit de l’imaginaire de ses auteurs. On ne doit pas, alors, s’étonner de la réduction constante du lectorat de cette presse qui arrive ainsi à se décrédibiliser de manière de manière si constante et si régulière. Cette presse arrive même aujourd’hui à mêler le ridicule à l’ignominie.
Le coté « orwellien » de Décodex n’aura échappé à personne. Il y a du « Ministère de la Vérité » à l’œuvre dans ce qu’ont commis les journalistes du Monde.
Jacques Sapir
[1] Glad V., « Qui décodexera le Décodex ? De la difficulté de labelliser l’information de qualité », billet publié le 3 février 2017.
Source : Russeurope, Jacques Sapir, 09-02-2017
https://russeurope.hypotheses.org/5677
<pléonasme> crapulerie européiste </pléonasme>
Crapulerie européiste
par Jacques Sapir
http://russeurope.hypotheses.org/5706
Sur le site quasiment officiel de l’Union européenne, Euractiv.fr[1], M. Emmanuel Grynszpan me met en cause dans un article consacré à la soi-disant campagne des autorités russes contre Emmanuel Macron[2]. Signalons que ce site a pour but de « compléter la « perspective bruxelloise » sur les affaires européennes en ajoutant un point de vue national et en adaptant le contenu aux besoins de l’opinion publique locale ». Le titre du papier est déjà tout un programme (à la différence de Macron qui n’en a point) : « Les médias pro-Russes s’engouffrent dans le tout sauf Macron ». Ainsi donc me voici enrôlé, sans que l’on ait demandé mon avis dans une sorte de croisade.
Regardons ce qui m’est reproché. Selon l’auteur, mon crime serait celui-ci : « Les politologues invités à commenter sa campagne, comme Jacques Sapir, le descendent en flamme : « Monsieur Macron et ses mystérieux soutiens financiers […] Il est le candidat des oligarques, du MEDEF, de ces affairistes qui confondent l’industrie avec un immense jeu de Monopoly », écrit Sapir, qui défend systématiquement la politique du Kremlin sur son blog ».
Relevons ici une imprécision, une erreur, et une volonté évidente de nuire.
L’imprécision tout d’abord. Le lecteur ne sait pas ce que j’ai dit et ce que j’ai écrit. M. Grynszpan cultive ici l’ambiguïté comme d’autres leur jardin ou le cannabis. Il se fait que j’ai donné une interview à RT en français[3], mais que j’ai écrit deux (et non pas un) article concernant Monsieur Macron[4], le premier étant motivé par ce qui m’apparaissait comme un profond mépris du personnage pour les habitants du Nord de la France, une région où j’ai enseigné à mon début de carrière. Quand je me suis exprimé sur RT France, l’interview ne portait pas exclusivement sur Emmanuel Macron, loin s’en faut. J’ai aussi parlé de François Fillon, de Marine le Pen, et de bien d’autres choses. Mais ici, par la magie de formules vagues, et somme toute aussi vagues que le programme d’Emmanuel Macron, on laisse à croire que l’interview aurait porté exclusivement sur ce dernier. La phrase citée correspond, en réalité à une note publiée sur mon carnet. Ce dernier aurait pu être cité. Le lecteur aurait, ainsi, pu aller vérifier et il aurait alors constaté que l’argumentaire va au-delà de la question du financement.
L’erreur vient ensuite. Elle consiste à me présenter, moi et les critiques de M. Macron, comme exclusivement focalisé sur ce personnage. Si M. Grynszpan s’était donné la peine de lire ce que mon carnet contient il aurait pu voir qu’attaquer M. Macron n’est pas une de mes priorités. J’attaque aussi M. Fillon, pour la déchéance morale dont il a fait preuve[5], tout comme j’attaque M. Hamon, pour l’escroquerie en bande organisée que représente sa candidature[6]. Tout ceci est aisément vérifiable. Mais il semble bien que M. Grynszpan, que j’ai connu à l’EHESS et en Russie, quand il travaillait pour un journal et me demandait des articles, ait oublié tout ce que mes collègues et moi avions pu lui apprendre en matière de respect des sources, de vérification et d’honnêteté. De fait, son article s’apparente à un cas de « fake news » sur ce point. Mais, il y a une raison. M. Grynszpan n’a retenu de l’enseignement qu’il a reçu que l’idée que le fait de raconter une histoire est plus important que le contenu de la dite histoire. Il nous construit donc un « storytelling » où ce pauvre Emmanuel Macron serait la cible de l’abominable homme du Kremlin, je veux parler de Vladimir Poutine en personne. Comme si nous avions besoin d’attendre ce que pense Vladimir Poutine pour nous poser des questions très sérieuses sur ce qu’est M. Macron, sur ce qu’il représente, sur son bilan. Il y a là un mensonge, certes par omission, mais un mensonge tout de même. Et le but de ce mensonge est clair : discréditer toute critique de M. Macron. On voit bien alors le but de la manœuvre, qui repose sur une série de syllogismes : Poutine soutient Bachar, donc Poutine est le Diable. Tel est le premier syllogisme. Si le Diable attaque quelqu’un, ce dernier ne peut être qu’innocent. Tel est le deuxième syllogisme. Oui, mais voilà, la politique n’est pas réductible, sauf dans les fantasmes des fanatiques comme les islamistes, à une lutte entre le Bien et le Mal. Ici encore, j’ai bien peur qu’il ne reste rien de l’Emmanuel Grynszpan que j’ai pu connaître et qui semble avoir été dévoré tout cru par l’idéologie européiste, au point de perdre toutes ses références et tous ses repères.
Venons en à la volonté de nuire. Elle est évidente par les raccourcis auxquels M. Grynszpan a recours, surtout quand on sait à quel point il connaît les positions qui sont les miennes. La dernière phrase du passage cité le montre bien : « …qui défend systématiquement la politique du Kremlin sur son blog ». Tout d’abord, je mets au défi le lecteur de mon carnet de trouver une seule note ou je ferai l’apologie de Vladimir Poutine. Je discute, et souvent de manière critique, la politique économique du gouvernement russe. Je discute, de manière assurément plus favorable, les prises de positions internationales, et j’ai salué en son temps comme un moment intellectuel important le « discours de Munich » que Vladimir Poutine prononça en 2007[7]. Ceci ne faisait nullement de ce livre un ouvrage à la gloire de Vladimir Poutine, et les traductions en coréen ou en polonais de cet ouvrage en témoignent.
L’image que cherche à construire Emmanuel Grynszpan est donc celle d’un « blog » qui serait systématiquement en faveur du Président russe, et qui de ce point de vue n’aurait aucune indépendance intellectuelle. C’est insultant, mais c’est surtout diffamatoire. Ici encore, le jeu auquel se livre Grynszpan n’est que trop évident. Il s’agit de mettre à l’abri de toute critique M. Emmanuel Macron. Et, la meilleure manière pour M. Grynszpan consiste à prétendre que toutes les critiques contre son chouchou ne sont que le produit d’une pensée téléguidée. Mais, le texte qu’Adrien de Tricornot, ancien journaliste au Monde, ancien responsable de la société des Rédacteurs de ce journal, a écrit au sujet d’Emmanuel Macron est dix fois plus dévastateur pour Emmanuel Macron que mes deux notes[8]. Je le recommande d’ailleurs aux lecteurs car il montre à la perfection qui est le véritable M. Macron. Alors, faudra-t-il que M. Grynszpan prétende que M. de Tricornot tient lui aussi un blog pro-Poutine ? Nicolas Canteloup à fait un fort bon sketch sur Macron dans son émission de 20h45 sur TF1. Faudra-t-il que M. Grynszpan prétende que Nicolas Canteloup est un « troll de Poutine » suivant l’expression convenue ? On voit bien le ridicule de cette affaire.
On touche ici à l’absurde. Mais, la haine de la vérité entraîne des comportements absurdes, nous le savons bien. La peur de voir se dévoiler la vacuité du candidat Macron a donc conduit M. Grynszpan à fouler aux pieds tous les principes de déontologie que devrait respecter un journaliste, digne de ce nom. Il s’est transformé en un désinformateur grossier. Le plus grave est qu’il puisse sévir sur un site largement financé par l’Union européenne.
Jacques Sapir
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[1] http://www.euractiv.fr
[2] http://www.euractiv.fr/section/politique/news/les-medias-pro-russes-sengoufrent-dans-le-tout-sauf-macron/
[3] Que l’on peut retrouver dans la note publiée le 11 février 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5686
[4] Une note le 11 février 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5690 et une note le 15 janvier 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5593
[5] Par exemple le 7 janvier (avant le PenelopeGate) sur son instrumentalisation de la religion catholique https://russeurope.hypotheses.org/5581 et le 2 février 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5655 sans oublier l’analyse critique de son programme à la suite de sa victoire à la « primaire » de la droite le 28 novembre 2016 https://russeurope.hypotheses.org/5472
[6] Voir ma note du 29 janvier 2017, https://russeurope.hypotheses.org/5641
[7] Sapir J., Le Nouveau XXIè Siècle, le Seuil, Paris, 2008.
[8] De Tricornot, A., Comment Macron m’a séduit puis trahi http://www.streetpress.com/sujet/1486723160-macron-le-monde
Source : Russeurope, http://russeurope.hypotheses.org/5706
[Soutien signalé par Olivier Berruyer là :
http://www.les-crises.fr/berruyer-berge-le-monde-big-brother-par-regis-de-castelnau/]
BERRUYER / BERGÉ : LE MONDE BIG BROTHER
par RÉGIS DE CASTELNAU :
« Olivier Berruyer est un personnage étonnant. Tout d’abord, à le voir et en comptant large, on lui donnerait 16 ou 17 ans. Mais attention, sur ses compétences le gars est un costaud et il est en plus doté d’une puissance de travail assez phénoménale. Il a un boulot qui le fait vivre, et histoire de se distraire il a monté un site Internet absolument remarquable, qui affiche près de 8 millions et demi de connexions annuelles ! Ceux qui le fréquentent y trouvent une information équilibrée et pluraliste, souvent en provenance de l’étranger, que les grands médias ont renoncé depuis longtemps à nous proposer.
Le problème, c’est que s’il a des idées et surtout des principes, Olivier Berruyer n’est pas politisé et pense que la probité est essentielle dans le travail d’information. Et c’est la raison pour laquelle il est aujourd’hui la cible de ceux qui considèrent que leur mission relève de la propagande au service de leurs propriétaires. À commencer par le journal le Monde, qui fut dans mon jeune temps indiscutablement un quotidien de référence, mais qui depuis la destruction opérée dans les duettistes Colombani et Plenel il y a plus de 20 ans est devenu l’expression grossière et sans nuance de l’oligarchie.
Avec des compères comme Libération, Radio France, l’AFP, et face à un monde dont ils sentent bien qu’il leur échappe, ils ont décidé de tenter la censure. D’abord et avant tout contre les sites numériques dont la liberté leur fait horreur. Au-delà du fait que l’on apprend, chose absolument sidérante, que ce qui leur tient lieu de journalistes serait invité dans les écoles de la république à enseigner la « vérité », ils auraient passé un accord avec Facebook pour y faire la chasse aux fausses nouvelles ! Leparmentier expliquer ce que doit être la vérité sur l’UE, au secours !
Ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est l’installation de leur système « Décodex » qui prenant la suite des pitoyables « décodeurs » a décidé de mettre des notes à leurs concurrents. Ne rentrons pas dans le détail du système, une petite visite du site est assez édifiante.
Olivier Berruyer est une de leurs cibles anciennes, il semble qu’ils aient décidé de lui faire la peau. Alors, clairement défendre le site « les crises » est un impératif, à la fois pour le défendre contre cette agression, mais aussi pour mener un combat pour une liberté d’expression qui a rarement été aussi attaquée.
Par ailleurs l’initiative du Monde pose de sacrés problèmes juridiques, et il faut envisager et engager les ripostes judiciaires que tout cela exige. Concurrence déloyale et dénigrement ne sont pas des méthodes acceptées par le droit français.
En attendant, prendre connaissance des éléments de l’agression dont Olivier Berruyer est la victime. Et le soutenir contre cette tentative de le faire taire. »
RÉGIS DE CASTELNAU
http://www.vududroit.com/2017/02/berruyerberge-le-monde-big-brother/
Source : Vu du droit
Hilarant… Merci Frédéric 🙂
Charlot ministre de la vérité
par Frédéric Lordon, 22 février 2017
Source : La pompe à phynances, http://blog.mondediplo.net/2017–02-22-Charlot-ministre-de-la-verite
Admettons-le : au début on n’a pas voulu y croire. Lorsque le 3 janvier on a entendu Samuel Laurent, « décodeur » en chef au Monde, annoncer « une innovation technologique (1)« conçue pour défaire la post-vérité, on s’est dit que c’était trop beau pour être vrai. Mais l’époque dispense sans compter, et il faut désormais tenir pour acquis qu’elle est capable de tout. La suite a prouvé combien. Il y a d’abord ce nom grotesque, Decodex, qui fait surtout penser aux collants bleus de Fantômas ou bien au manteau noir de Judex — et donne irrésistiblement envie d’avoir accès aux minutes du brainstorming, qu’on imagine quelque part entre Veritator, Orthofact et Rectifias. Il y a surtout une trouvaille dont on ne sait plus s’il faut l’assimiler au geste d’une performance artistique ou au comique du cinéma muet. Construire la machine à gifles et s’y attacher la tête dans l’ouverture, Buster Keaton ou Charlot n’auraient sans doute pas fait mieux. C’est que les génies du décodage se sont fabriqué pour longtemps des journées difficiles. Comme de juste, pas une des (nombreuses) traces de pneu de la presse « crédible » labellisée « vert » ne leur sera épargnée, immanquable avalanche dont les effets sur la santé nerveuse du chef décodeur sont déjà constatables sur les réseaux sociaux. Et chaque fois que le ministère de la vérité proteste de ses justifications doctrinales, c’est derechef pour faire tourner à plein régime la turbine à claques.
L’hôpital, la charité
Pour son malheur en effet, il n’est pas une de ses phrases qui ne puisse aussitôt lui être retournée. On se souvient de Katherine Viner, éditorialiste-philosophe de la post-vérité au Guardian qui, voulant faire porter le chapeau à Facebook, « conceptualisait » les « bulles de filtre » sans s’apercevoir que la définition qu’elle en donnait s’appliquait à merveille à la presse mainstream : un univers clos qui ne se nourrit que de pensée confirmante sans jamais ni accueillir ni faire entendre le moindre bruit contradictoire sérieux. Si Samuel Laurent est visiblement plus à son affaire dans le code que dans la théorie, ça ne l’empêche pas d’essayer lui aussi. Il aurait eu tort de se gêner, les produits de la ferme sont de première qualité : « Plus on est dans le domaine de la croyance et du religieux, plus c’est difficile de faire changer d’avis quelqu’un, parce qu’il y croit, il a basé sa structure mentale là-dessus (…) C’est compliqué de se battre contre des gens qui sont déjà convaincus (2) ». Et c’est tellement vrai.
Par exemple, le type qui déclare avec un regard fixe un peu inquiétant que« Jean-Claude Juncker s’efforce de taxer les multinationales, de faire la chasse aux paradis fiscaux et d’avoir une gestion politique — comprendre de gauche — des politiques budgétaires » est clairement à jour de sa cotisation aux Raëliens ou bien s’est fait refiler du gâteau au shit par des Hare Krishna. Ici les analyses de Samuel Laurent n’ont jamais été si éclairantes : nous avons en effet à faire à quelqu’un « qui est dans le domaine du religieux, qui y croit, qui a basé sa structure mentale là-dessus ». Et il est bien certain qu’il ne va pas être facile de le ravoir, parce que celui-là, c’est peu dire qu’ « il y croit ». Le problème est que le sujet à pupilles dilatées est directeur éditorial au journal Le Monde (3) qui lui tamponne régulièrement son bon de sortie — à vignette verte. Problème d’autant plus sérieux que le directeur de la maison de repos, en campagne pour les dragées Decodex, dit lui-même des choses à fort retour de manivelle : « Un site d’extrême-droite peut reprendre des vraies informations ou alors peut colporter de fausses informations, ou peut donner des visions extrêmement tendancieuses des faits (4) ». Ma foi c’est très vrai également, attention toutefois à la malice du jokari. Bien sûr on ne va pas assimiler le journal de référence à un site complotiste, mais enfin, littéralement parlant, « reprendre des vraies informations, en colporter de fausses, donner des faits des présentations extrêmement tendancieuses » est un énoncé susceptible d’un champ d’application passablement plus large que ne l’imagine le directeur du Monde.
Quand les autorités ne font plus autorité
Qu’un discours devienne à ce point instable par autoréférence devrait normalement inquiéter ses propres auteurs. Que la chose les laisse à ce point de marbre, et comme inconscients de la ruine qu’ils opèrent eux-mêmes de leur propre position a en tout cas valeur de symptôme. Mais symptôme de quoi sinon de ces époques finissantes qu’on reconnaît à l’enfermement de ceux qui prétendaient en être les guides, et ne mesurent plus ni à quel point ils ont rompu avec le reste de la société ni la portée de leurs propres paroles. De ce point de vue, il y aurait certainement lieu de mettre en rapport le geste involontairement comique du Decodex et la vomissure des économistes Cahuc et Zylberberg (5), l’un comme l’autre exprimant ce mélange d’incompréhension et de fureur des institutions de la doxa quand, médusées, elles contemplent pour la première fois la crise qui menace de les emporter. Spasme réactionnel commun des autorités qui découvrent qu’elles ne font plus autorité, le ministère journalistique de l’information vraie est mitoyen de la maison de correction épistémologique pour « négationnistes économiques ». Et dans l’un et l’autre cas, la même incompréhension stupéfaite du processus d’effondrement de leur légitimité, la même réaction à la fois autistique et autoritaire — précisément parce que les institutions de pouvoir ne connaissent pas d’autre conception qu’autoritaire de l’autorité. C’est pourquoi, exposées à la contestation, elles cèdent spontanément à une crispation fulminante accompagnée d’un serrage de vis pour tenter de reprendre en main ce qui est en train d’échapper. Ici nous vous apprendrons ce qu’est la vraie science, là la bonne information — et, croyez-nous, vous finirez par penser droit.
On pourrait même pousser l’homologie plus loin car l’antinomie épistémologiquement indigente de la science et de l’idéologie, qui obsède les deux économistes partis, est formellement semblable à celle du journaliste et du militant dont le « décodage » fait l’axe de sa vision du monde. De même qu’aux uns il faudrait expliquer qu’il y a finalement trois sortes d’économistes : ceux qui ne s’aperçoivent même pas que leur « science » est de part en part imbibée de politique, ceux qui en ont conscience mais décident de camper dans la dénégation pour ne pas gâcher les profits symboliques de la science, ceux enfin qui aperçoivent que la présence de la politique dans la science sociale est sa condition nécessaire et qui cherchent au grand jour comment réguler les effets de cette présence, de même il faudrait expliquer aux autres que la neutralité journalistique est au choix une ânerie sans nom ou une parfaite hypocrisie.
Autant la discussion épistémologique, toujours dominée par le boulet de la « neutralité axiologique », est loin d’être close, autant on pensait en avoir fini depuis longtemps avec l’ « objectivité du journalisme ». Il faut croire que non. Une heure d’émission (6), et presque de supplications, ne suffira pas pour obtenir de Samuel Laurent un début de vacillement sur ce sujet. Par exemple : pourquoi Fakir doit-il être en orange ? Parce qu’il « a un point de vue » : « Je suis désolé, Fakir parle d’un point de vue ».
« Dieu, le Monde, et moi »
Leibniz nomme « géométral » de toutes les perspectives le point de vue sur tous les points de vue, le point de vue suprême qui cesse d’être un point de vue particulier parce qu’il les synthétise tous. Le géométral, c’est le point de vue de Dieu. Ou, donc, du Monde. C’est bien connu : Le Monden’a pas de point de vue. Il n’est pas l’organe officiel de la mondialisation, de l’Europe libérale, de la réforme indéfinie, et de l’entreprise-qui-crée‑l’emploi — ou s’il l’est, il n’est que le porte-parole de la nature des choses. Et quand, de temps à autre, admettons-le, des « opinions » s’y font entendre, c’est dans les pages spéciales des éditoriaux, des chroniques et des tribunes, hermétiquement séparées du reste du journal voué, lui, aux faits vrais et à l’information neutre.
Aussi bien Daniel Schneidermann que François Ruffin (7) s’essayent à faire comprendre à Samuel Laurent que c’est le propre du point de vue dominant que de pouvoir se nier comme point de vue particulier, de même, par exemple, qu’en matière de langue il n’y a d’accent qu’en référence à un accent particulier mais qui a réussi le coup de force de se poser comme le neutre, le sans-accent, ou bien dans un autre genre que le refus de l’idéologie est la posture suprêmement idéologique, puisque inconsciente de l’idéologie dans laquelle elle baigne entièrement, etc., des choses assez simples normalement. Formidable citation de la documentariste de Paroles de Bibs : « quand un patron parle, c’est de l’économie, quand un syndicaliste parle, c’est du militantisme (8) ». Normalement, dans ce raccourci coup de poing, qui dit absolument tout, il devrait y avoir de quoi réveiller jusqu’à un esprit végétatif. Mais là non, rien, autant apprendre la règle de trois à une théière.
Si, comme le disait Marx, les structures sociales se réalisent dans des personnes particulières, il n’est pas interdit de prendre la mesure du fait général de la labellisation de l’information, non seulement par ce qu’en dit l’un de ses plus signalés représentants, mais aussi par ce qu’il dit de lui-même, l’accord parfait d’une complexion singulière à la structure d’ensemble permettant d’éclairer la structure d’ensemble par la complexion singulière. On touche donc probablement au fond des choses (et peut-être en les deux sens du terme) lorsque, interrogé sur les ressorts de sa vocation journalistique, le chef décodeur hésite un instant avant de répondre finalement qu’elle doit tout à « la passion des faits (9) ». La passion des faits… Des faits en général, sans autre précision. Des faits en tant que faits. Réponse philosophiquement vertigineuse, porteuse de tout un rapport au monde social et à la politique (peut-être au monde tout court d’ailleurs), qui laisse aussi dans un grand désarroi car on voit bien que, même en prenant le sujet avec patience et longueur de temps, on n’y arrivera pas, on ne lui fera pas lâcher, puisque tout s’en suit avec une parfaite logique : il y a « les journalistes » (qui n’ont pas de point de vue) et il y a « les militants » (qui en ont un). Les premiers sont donc par essence respectueux des faits et les seconds portés à les distordre. AuMonde, on n’est pas des militants, d’ailleurs — textuellement — « je n’ai pas de démarche militante ». Et puis encore : « Je ne suis pas militant, je suis journaliste. Et être journaliste, c’est expliquer le monde tel qu’il va ». Sentiment de vertige au spectacle de cet abysse. On se rattrape en imaginant qu’il suffirait, par amusement, de suggérer au « journaliste » qu’il est « un militant des faits » pour qu’une erreur-système de force 7 lui grille aussitôt tous les circuits.
À l’intersection de l’évaluation et de la démocratie pastorale
Il y a comme une loi de proportionnalité du monde social qui justifie la critique en rapport avec l’importance des positions de pouvoir et des prétentions qui s’y expriment. C’est que la détention d’un pouvoir exorbitant conduit nécessairement à questionner la légitimité des détenteurs, et qu’en l’espèce on est conduit à se demander comment des pouvoirs aussi considérables se sont trouvés remis à des individus aussi insuffisants. La pédagogie généralisée de l’information vraie ne pouvait donc manquer de faire revenir la bonne vieille question de Marx de savoir qui éduque les éducateurs. On se dit d’abord que la croyance forcenée en un journalisme vierge de point de vue et riche seulement de faits devrait suffire à interdire l’accès à la profession. On se demande ensuite ce qui se passe dans les écoles de journalisme pour qu’on en laisse sortir des « diplômés » dans cet état. Sont-elles toutes sinistrées à ce point (ou n’y en a‑t-il pas une ou deux qui résistent) ? À quel effondrement président-elles ? La dégradation intellectuelle du journalisme est-elle si avancée que le laisse entrevoir l’aval enthousiaste donné à la philosophie du Decodex jusqu’au plus haut niveau du « quotidien de référence » ?
« Nous proposons de l’aide, nous n’imposons rien à personne, on est là pour aider » murmure doucereusement M. Fenoglio, directeur du Monde (10), dont on se demande s’il y croit vraiment — le pire étant qu’on ne peut pas l’exclure —, ou s’il ne fait que retourner à ce lieu commun de la réponse médiatique à la critique des médias : la dénégation, spécialement celle de tout magistère. « On n’est pas là pour dire le journalisme qu’il faut faire (11) » n’hésite pas à surenchérir son Décodeur en chef… dans le moment même où il distribue souverainement les labels de bon et de mauvais journalisme.
La dénégation du magistère médiatique, dont on ne sait plus si elle procède d’une parfaite hypocrisie ou d’une inconséquence sans fond, va cependant devenir une gageure avec le déploiement de procédés aussi épais que le Decodex. C’est que la machine à gommettes occupe pile ce lieu monstrueux où se rencontrent la pathologie néolibérale du rating et la conception tutélaire de la démocratie. Il y aurait beaucoup à dire sur le geste qui conduit, sans visiblement qu’il en ait conscience, Le Monde à épouser cette pratique néolibérale entre toutes de l’évaluation généralisée — des autres. Comme on sait, née dans la finance, la pratique de l’évaluation est en voie de coloniser toutes les sphères de la vie sociale, organisant par là leur soumission à la logique d’une société de marché de part en part régie par le principe de concurrence. On évalue les chauffeurs de VTC, les appartements de location, les toilettes d’aéroport, et sans doute bientôt les dîners entre amis — le « code couleur », cette tragédie de la couleur que même la plus fertile imagination dystopique n’aurait pas pu anticiper. Voilà donc que Le Monde distribue des couleurs à l’information comme d’autres aux apports nutritionnels ou aux pots d’échappement. Le Monde est bien le journal de ce monde.
Il l’est par tous les bouts, spécialement par celui qui conçoit la démocratie comme le préceptorat éclairé des « élites », heureusement présentes pour indiquer aux sujets la juste couleur des choses. Dans cette conception pastorale de la démocratie, les bons bergers conduisent le troupeau du peuple. Ils lui montrent la bonne herbe à brouter (la verte) et puis le bon chemin du retour à l’enclos. Les pouvoirs du néolibéralisme croient se rendre acceptables en se donnant la forme de la pédagogie généralisée. Mais c’est une grave erreur. Prétendre dicter aux gens ce qu’ils doivent considérer, et puis ce qu’il leur faut en penser, devient rapidement odieux même assisté de toutes les couleurs de l’arc-en-ciel.
Normalisation de fer
Et cependant, la rubrique Décodeurs n’en finit plus de proliférer : d’abord une parmi d’autres, puis devenue le joyau de la couronne, elle s’est maintenant assurée la participation au magistère général du Mondepuisqu’il lui est permis d’engager toute l’autorité du titre pour déclarer ce que vaut l’information des autres (on a compris qu’au jeu de l’évaluation, le truc est de se situer toujours du côté des évaluateurs).
Qui ne voit qu’elle conquerra le journal en son entier, destiné à devenir une gigantesque entreprise de labellisation politique, terminus dont l’étape décisive a déjà été franchie en fait, comme l’atteste cet article sidérant, intitulé « 20 propositions répétées par les candidats de gauche et (quasiment) inapplicables » (12), les parenthèses témoignant d’un ultime reliquat de décence, sur la longévité duquel on ne parierait pas un kopeck. On y voit sous la plume de trois décodeurs émérites, dont un venu de BuzzFeed, un analyste de première force connu pour son aptitude à fact-checker les sous-vêtements abandonnés dans les jardins de l’Assemblée (13), on y voit donc les propositions des candidats de la primaire de gauche étiquetées les unes après les autres : « compliqué », « flou », « contradictoire », « incertain », « risqué », « pas très utile », « douteux », « improbable », toutes mentions accompagnées comme il se doit de leurs cartouches-couleurs.
Pourra-t-on faire comprendre que le problème ici n’est pas tant de livrer des jugements sur les propositions politiques — c’est peut-être là la fonction première de la presse —, mais de les livrer dans une rubrique supposément consacrée aux vérités de faits et sous la forme du rating en couleur, ceci pour ne pas même parler du sentiment qu’inspirent ces géants de la pensée faisant tomber leurs verdicts souverains en quelques phrases lapidaires du haut de leur Olympe intellectuel. Il est d’ailleurs préférable de mettre ce sentiment de côté, et les envies concrètes qu’il inspire aussitôt, pour regarder plutôt la disposition politique révélée par ces avis autorisés.
Par exemple, la proposition « Refaire les traités européens » s’attire la mention : « compliqué »… Ce qui n’est pas faux en un sens. Malheureusement, c’est tellement vrai que c’en est complètement idiot. Et c’est tout un rapport à la politique qui s’exprime dans cette parfaite idiotie. Il est exact en effet, mais trivialement, que faire pour de bon de la politique, c’est-à-dire entreprendre de modifier l’ordre des choses en ses structures, celles de la finance, du commerce international ou de l’Europe, c’est « compliqué »…, sans qu’on voie très bien ce que ce commentaire d’expert ajoute sinon de révéler le fond grumeleux de sa vision politique qui est de dissuader. Dissuader de rien changer, dissuader de faire de la politique, c’est le lieu naturel de la dépolitisation par le fact-checking, qui croit d’abord pouvoir s’aménager son domaine propre, celui des faits purs, mais finira par y dissoudre toute politique, labellisée selon sa conformité ou sa distance au « réel des faits ». Toute politique transformatrice y recevra donc, mais par définition, le rouge, à l’image de la proposition d’établir la parité hommes-femmes à l’Assemblée, déclarée par les experts… « contradictoire » ! Contradictoire pourquoi ? Parce qu’elle supposerait (en effet) de modifier le mode de scrutin — et par là « contredit » l’état actuel du mode de scrutin. Et voilà toute la question : comment penser l’idée de modification, dans une ontologie politique des faits qui, par définition cherche à ramener toute politique au règne de la « réalité vraie » conçue comme l’inaltérable ? De là, « logiquement », que toute entreprise politique de modifier soit par nature « contradictoire ».
La vérité du Decodex
On se plaît cependant à imaginer quels labels auraient reçus des propositions comme « fluidifier le marché du travail », « alléger une fiscalité excessive », ou « ramener la dette sous les 60 % du PIB »… « Nécessaire » ? « Réaliste » ? « Pragmatique » ? « Urgent » ? Et c’est alors un autre visage du Decodex qui apparaît, non plus bouffon mais grimaçant. Pour savoir où finissent les entreprises de ce type il suffit d’observer la trajectoire des précurseurs. En décembre 2016, leWashington Post propose déjà un plug-in, mais lui destiné seulement à colorier les tweets de Donald Trump (14). Courageux mais pas téméraire, le Washington Post s’en tient aux tweets de la Bête — du gâteau —, mais laisse faire le reste du sale boulot par des officines qu’il se contente d’encourager à distance.
Dans un article de novembre 2016, il apporte ainsi tout son appui aux « révélations » d’un site anonyme — PropOrNot — auto-missionné pour traquer l’infestation par la propagande russe (15). Pas moyen d’avoir la moindre information sur l’identité de ces éradicateurs qui opèrent avec la transparence d’une flaque de mazout. Rien pourtant qui puisse effrayer lePost, l’essentiel n’est-il pas que les propagateurs de désinformation russe soient mis à l’index — la transparence, c’est pour les autres. Mais la liste de PropOrNot n’est qu’en apparence un enfer russomane, dont Glenn Greenwald, effaré, donne le véritable principe (16) : marquer d’un sceau d’infamie tout ce qui sort, par quelque côté, de l’intervalle du raisonnable, délimité d’un côté par Hillary Clinton, de l’autre par Jeb Bush, toute dissidence étant alors présentée, sans la moindre preuve sérieuse, comme émanation des intérêts russes. On y trouve des sites de gauche critique comme Naked capitalism, et d’autres de la droite ultra ou libertarienne aussi bien, dont il est peu probable que Greenwald partage leurs vues mais qu’il n’accepte pas de voir blacklistés selon des procédés dont il n’hésite pas à dire qu’ils sont ceux du maccarthysme même. Voilà à quelle entreprise d’épuration le rédacteur en chef du Post, Marty Baron, donne aussitôt son aval enthousiaste sur Twitter… avant de faire machine arrière devant la levée de boucliers et d’ajouter une note de distanciation alambiquée en tête de l’article originel.
Nous avons donc la séquence-type : étiquetage à la truelle idéologique en espérant que ça passera, éventuel scandale sur les réseaux sociaux, possibilité du rétropédalage. Cas Fakir : « En regardant un peu mieux… on aurait pu le mettre en vert… (17) ». « En regardant un peu mieux », voilà comment Decodex exerce son pouvoir de labellisation : d’un œil parfois distrait. Il n’est pas requis d’endosser intégralement le blog Les Crises d’Olivier Berruyer pour trouver indigne, et surtout symptomatique, le traitement qui lui a été réservé — lui n’aura pas droit aux mêmes indulgences. Tiré de justesse de l’enfer (rouge), dans un geste d’ostensible mauvais-vouloir et consenti sous pression, il n’est pas près de sortir du purgatoire (orange), et pour des queues de cerise avec lesquelles Le Monde et son Decodex pourraient peut-être redouter la comparaison. Au demeurant, on voit très bien pourquoi : il coche toutes les mauvaises cases : contre la finance, pour la sortie de l’euro, pas décidé à gober sans examen les discours sur la Syrie, donnant la parole à Todd, pour qui le journal Le Monde est devenu de longue date un problème pour la démocratie — il a raison.
Reconduit à une suspicion d’idéologie, Samuel Laurent proteste avec le sentiment de la dignité scandalisée : « Nous ? On a une idéologie ? C’est quoi notre idéologie ? (18) ». Et c’est toute l’ambivalence du Decodex qui apparaît alors, objet hybride aux facettes formidablement contrastées, par-là malaisé à saisir, entre normalisation idéologique de fer et sous-doués en liberté — Charlot ministre de la vérité. On rit beaucoup d’un côté, mais de l’autre c’est assez sérieux, et en fait très inquiétant.
Côté sous-doués en tout cas, on comprend que ces gens-là sont perdus, et que les conditions d’un commencement de dessillement n’existent même pas. Dans un ultime retournement involontaire contre elle-même, la philosophie du Decodex révèle ce qu’elle est… en vérité, et pousse l’ironie jusqu’à permettre de le dire dans ses propres termes : un enfermement dans la croyance. La croyance au géométral suprême, la croyance d’un en-dehors de l’idéologie, c’est-à-dire finalement d’une idée possible de la politique hors de la politique — pour le coup : « contradictoire ». C’est tellement consternant qu’on est tenté de se demander s’il ne reste pas dans un coin au Monde quelques personnes qui n’ont pas complètement oublié ce que c’est que la politique, et qui n’ont pas secrètement un peu honte de ce qui est en train de se passer dans leur propre journal, de ce naufrage intellectuel, avalisé jusqu’au sommet de la direction : le règne des data et de l’algorithme, de la politique abandonnée à des illettrés politiques, où le néant de pensée se trouve le remplissage de substitution des lignes de code.
La presse, contre-contre-pouvoir ?
Et l’on s’étonne après ça que le trumpisme prolifère. C’est que lui au moins fait de la politique. De la politique folle, assurément, mais de la politique, que ses électeurs perçoivent d’ailleurs parfaitement comme telle, raison pour quoi ils la sollicitent avec véhémence. Et c’est cette politique puissamment assertive que l’anti-politique du Decodex imagine rectifier ? Plaise au Ciel qu’elle n’accélère pas tous les processus, ce qu’il y a en fait tout lieu de craindre puisque, envahie par la pensée décodeuse, la presse de référence se condamne non seulement à ne rien comprendre des problèmes de l’époque mais, quand elle les entrevoit, à y apporter la pire des réponses : la réponse du rehaussement magistral à ceux qui n’en peuvent plus des magistères, et de la dépolitisation à ceux qui réclament à cors et à cris qu’on refasse de la politique — ceci pour faire faire encore quelques tours de roue à la carriole de la politique unique. Aussi le déploiement à grand fracas du barnum anti-fake news, anti-post-vérité et pro-nunc-vérité, a‑t-il pour fonction première de maintenir, en temps de contestation, le balisage idéologique du champ, le contrôle des accès, la disqualification de toute différence politique (de gauche), c’est-à-dire la ligne de fer : celle de la non-idéologie, gardiennée, la casquette au ras du sourcil, par les factionnaires du Decodex.
Que le journalisme commence avec l’établissement de faits et la dénonciation des contre-vérités flagrantes, c’est une telle évidence qu’on se demande comment des titres ont cru y voir le motif d’une rubrique spéciale, en excès de leur habitude ordinaire qui prescrit pourtant depuis des lustres cette exigence presque constitutive de procéder à des vérifications élémentaires. Ceci d’ailleurs pour des raisons qui sont vieilles comme la politique : sitôt qu’ils ne sont plus surveillés comme le lait sur le feu les pouvoirs mentent, les institutions mentent, l’État ment. Le mensonge leur est constitutionnel, comme à toutes les institutions autonomisées, toujours tendanciellement portées à oublier ce qu’était leur fonction première, pour ne plus vivre que pour elles-mêmes. Hormis quelques incertaines régulations institutionnelles, seule la coercition de l’information publique peut les tenir à un minimum de respect de la vérité. Que le procureur de Pontoise trouve d’abord à dire qu’Adama Traoré est mort de complications infectieuses, ou l’IGPN que le viol de Théo n’en est pas un mais une inadvertance, ceci n’est pas un accident mais la vérité des pouvoirs institués. Et c’est bien dans le rapport de force, contraints par l’opiniâtreté d’une volonté de dévoilement, que les pouvoirs finissent par cracher le morceau, et là seulement.
La presse est en principe le lieu de cette volonté — en principe car elle-même, devenue pouvoir institutionnel, entretient (mais depuis si longtemps…) des liens troubles avec les autres pouvoirs institutionnels, ceux du capital et de l’État notamment, dont elle passe souvent les plats avec une étonnante décontraction, employant maintenant surtout son énergie à contrer les contre-pouvoirs (et pensant se refaire une virginité de temps en temps avec un Lux Leaks ou une affaire Fillon, péripéties à grand spectacle, opportunément venues pour mieux faire oublier l’ombre dans laquelle on laisse d’habitude les fonctionnements réguliers du système). Au passage, Pierre Rimbert rappelle dans « Les chauffards du bobard » (19) que quand la presse officielle fait dans le fake, elle n’y va pas avec le dos de la pelle, ni ne mollit à la taille des enjeux : au bout du mensonge, il y a parfois des guerres, des bombes et des morts par milliers.
Toujours plus du même !
Que débusquer les contre-vérités soit d’une urgence particulière dans une époque de dérèglement où certains hommes politiques commencent à tenir des discours dont la qualification hésite entre le mensonge hors de proportion et l’accès délirant quasi-clinique, c’est aussi une évidence, mais qui aurait dû appeler de tout autres réactions que le magistère, ou le ministère, de la vérité. Non pas tant, on l’a vu, parce que les instances décodeuses bobardent aussi souvent qu’à leur tour, mais parce qu’il est rigoureusement impossible que pareille situation passe par le seul effet des sermons de vérité et sans l’analyse des causes politiques qui l’ont fait advenir.
Il n’est pas certain d’abord que les engouements de la crédulité, et leur résistance même aux infirmations les plus éclatantes, soient une nouveauté historique. La survivance du monde en 2013 n’a pas désarmé les apocalyptiques qui annonçaient sa fin en 2012, et n’était que le prolongement d’une série qu’on ne saurait où faire remonter. Et si la rumeur de la pizzeria Comet Ping Pong à Washington (20) a prospéré sur les réseaux sociaux, celle d’Orléans, de cinquante ans antérieure, s’en est fort bien passée. Plutôt que dans l’égarement essentiel du bas peuple, où les élites le situent spontanément, il se pourrait donc que le dérèglement contemporain trouve l’une de ses origines dans l’effet de légitimation, et par suite de libération, que lui donne l’engagement sans frein de certains hommes politiques dans le discours de l’énormité — on pense à Trump évidemment, mais nous aurons bientôt les mêmes à la maison, si nous ne les avons pas déjà.
Mais comment cette irruption de l’énormité au sommet même de la politique est-elle devenue « d’un coup » possible ? Si brutal soit-il, il n’y a pas d’événement qui n’ait été préparé de longue date. Il faudra bien alors que la presse officielle, la presse qui n’a pas d’idéologie, s’interroge sur sa contribution aux cumuls de longue période qui ont fait déjanter des groupes sociaux entiers et aménagé une place pour un « parler énorme », une place que nécessairement quelqu’un viendrait occuper. En réalité, non pas pour un « parler énorme » en soi, mais simplement pour un « parler autre », à qui, du seul fait qu’il soit autre, on ne tiendrait pas rigueur que par ailleurs il soit énorme.
On ne sait plus comment dire sans radoter qu’il n’y a plus de démocratie là où il n’y a plus de différence significative, là où se trouve proclamée une one best way sans alternative, telle qu’on peut alors, par exemple, l’inscrire dans des traités européens inamovibles, ou telle que des labellisateurs-sans-point-de-vue viennent la certifier « sans point de vue ». La politique sans point de vue étant l’équivalent dans son ordre de l’immaculée conception, il est fatal que vienne tôt ou tard quelqu’un qui rappelle que même pour faire Jésus il faut papa dans maman, c’est-à-dire qui réaffirme un point de vue, et par là s’obtienne une reconnaissance immédiate, presque un immense soulagement, de pans entiers de la population qui suffoquaient d’avoir été si longtemps privés de respiration politique. C’est sans doute un air chargé de miasmes qu’ils respirent à nouveau, mais à leurs yeux c’est au moins de l’air, et pas le gaz inerte des zombies du fact-checking et de leurs chefs.
Les responsables du désastre qui vient, ce sont eux. Ils avaient pour mission de faire vivre la différence et ils ont organisé le règne du même, l’empire labellisé de l’unique. Maintenant que la forteresse est attaquée par tous les bouts, plutôt que de commencer à réfléchir, ils se sont payé des épagneuls. Et pendant que les cabots aboient, les maîtres, croyant avoir la paix, mouillent leur linge de bonheur à l’idée de Macron, mieux encore : d’un deuxième tour Macron-Le Pen — dont ils sont tellement sûrs que le têtard sortirait vainqueur qu’on peut bien pousser les feux pour le plaisir du spectacle. Pendant ce temps l’illuminé qui a dû prendre la foudre en passant la porte de la banque Rothschild, un autre Jésus mais à moitié cuit celui-là, les enchante avec ses évangiles Harlequin « ni droite ni gauche » ou bien « et droite et gauche », la formule même de l’asphyxie politique. Voguons donc avec entrain vers un deuxième tour tant espéré, qui ne nous laissera que le choix de la candidate de l’extrême-droite et du candidat qui fera nécessairement advenir l’extrême-droite — avec les compliments de la presse de la vérité.
Frédéric Lordon
Lire aussi « Politique post-vérité ou journalisme post-politique ? », 22 novembre 2016.
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Notes :
(1) Quotidien, TMC, 3 janvier 2017.
(2) Id.
(3) La citation précédente était extraite de : Arnaud Leparmentier, « Le traité de Rome entre anniversaire et requiem », Le Monde, 21 décembre 2016.
(4) Jérôme Fenoglio, « L’instant M », France Inter, 31 janvier 2017.
(5) Pierre Cahuc et André Zylberberg, Le négationnisme économique, et comment s’en débarrasser, Flammarion, 2016. Lire Hélène Richard, « Théorème de la soumission », Le Monde diplomatique, octobre 2016.
(6) « Decodex : “on s’engage dans une guerre contre les fake news” », Arrêt sur Images, 10 février 2017, avec Samuel Laurent, François Ruffin et Louise Merzeau.
(7) Ibid.
(8) Cité par François Ruffin, ibid.
(9) Ibid.
(10) Jérôme Fenoglio, « L’instant M », France Inter, 31 janvier 2017.
(11) « Decodex : “on s’engage dans une guerre contre les fake news” », Arrêt sur Images, 10 février 2017.
(12) Maxime Vaudano, Damien Leloup, Adrien Sénécat, Syrine Attia et Lucas Wicky, lemonde.fr,19 janvier 2017.
(13) Adrien Sénécat, « Mais comment ce slip est arrivé dans les jardins de l’Assemblée ? », BuzzFeed News, 26 janvier 2016.
(14) Philip Bump, « Now you can fact-check Trump’s tweets – in the tweets themselves »,Washington Post, 19 décembre 2016.
(15) Craig Timberg, « Russia propaganda effort helped spread fake news during elections, experts say », Washington Post, 24 novembre 2016.
(16) Glenn Greenwald et Ben Norton, « Washington Post disgracefully promotes a McCarthyite blacklist from a new hidden and very shady group », The Intercept, 26 novembre 2016.
(17) Samuel Laurent, in « Decodex : “on s’engage dans une guerre contre les fake news” », Arrêt sur Images, 10 février 2017.
(18) Id.
(19) Le Monde Diplomatique, janvier 2017.
(20) Une rumeur propagée sur Internet a accusé Hillary Clinton de diriger un réseau pédophile depuis la pizzeria Comet Ping Pong…
Source : La pompe à phynances, http://blog.mondediplo.net/2017–02-22-Charlot-ministre-de-la-verite