[Vidéos et texte] L’antidote universel au capitalisme, ce sera un peuple devenu constituant, capable de conduire lui-même LE PROCÈS DE L’ÉLECTION

21/12/2016 | 60 commentaires

Chers amis,

Lors d’un récent voyage à Paris, j’ai eu (grâce à Greg et Raphaël) l’oc­ca­sion d’ex­pli­quer à un groupe de jeunes gens (joyeux, atten­tifs et bien­veillants) où en était mon chan­tier du « Pro­cès citoyen de l’é­lec­tion ».
Voi­ci la vidéo de cette soi­rée, j’es­père qu’elle vous plaira 🙂

Pourquoi et comment les citoyens devraient conduire eux-mêmes LE PROCÈS DE L’ÉLECTION :

httpv://youtu.be/Pm_ebQrLt6s

Cette com­pa­rai­son entre élec­tion et tirage au sort (du point de vue de ceux que l’on appelle aujourd’­hui « les 99% »), que je vous décris ici ora­le­ment, fait par­tie d’une réflexion plus large qui pro­pose (ceux qui lisent ce blog le savent bien), par­tout sur terre, l’é­cri­ture de la consti­tu­tion par les citoyens eux-mêmes. J’ai essayé de rédi­ger ça par écrit du mieux que je peux, mais tou­jours entre deux paquets de copies à cor­ri­ger et je trouve le résul­tat encore trop long et pour­tant lacu­naire, par­don. Je vou­drais expli­quer ça en deux pages, sans rien oublier d’im­por­tant, mais je n’y arrive pas encore 🙂 Vous trou­ve­rez, ci-des­sous mais sur­tout dans ce fichier pdf à télé­char­ger pour une impres­sion soi­gnée, un essai de syn­thèse rédi­gée autour du néces­saire pro­cès citoyen de l’é­lec­tion.

Ça fait une ving­taine de pages… aux­quelles je joins qua­rante pages (!) de cita­tions très utiles sur ce sujet, mais que je n’ai pas encore inté­grées comme il faut dans la syn­thèse. Bref, c’est un chan­tier, et j’es­père que vos com­men­taires vont m’ai­der à l’a­mé­lio­rer et à le renforcer 🙂

Bonne lec­ture.

Étienne.

PS : mer­ci à Gré­go­ry (J’suis pas content) pour cette chouette soi­rée 🙂 et mer­ci à Raphaël et à tous ceux ceux qui ont œuvré pour en gar­der une chouette vidéo 🙂

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet : 


Edit : [Pro­cès citoyen du faux « suf­frage uni­ver­sel » (élire des maîtres au lieu de voter les lois)]
La vidéo du DÉBAT au théâtre Soum-Soum (à Paris le 9 décembre der­nier) est publiée 🙂

httpv://youtu.be/7E6kstTJrFI


Pour venir à bout du capitalisme, il faudra bien que les citoyens conduisent eux-mêmes LE PROCÈS DE L’ÉLECTION

Les citoyens sont les seuls légitimes 
pour choisir entre élection et tirage au sort

 

« Cher­chez la cause des causes »
Hip­po­crate

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils ché­rissent les causes »
Bossuet

 

Il me semble que « le capi­ta­lisme » est la consé­quence éco­no­mique d’une dépos­ses­sion poli­tique.  Et cette dépos­ses­sion poli­tique est pre­mière : elle est à l’origine du mal. C’est donc elle que nous devrions logi­que­ment trai­ter en prio­ri­té. Autre­ment dit, le capi­ta­lisme, c’est avant tout du droit ; le droit des riches, impo­sé par les riches, depuis 200 ans. Et ce qui per­met aux riches d’écrire les lois, c’est une pro­cé­dure, une pro­cé­dure qui donne accès cer­tain au pou­voir à ceux qui ont les moyens d’aider des can­di­dats. Tout le reste découle de ça. Il est donc vain de nous conten­ter de nous battre contre les tur­pi­tudes poli­ti­ciennes ou ban­caires (toutes plus impu­nies les unes que les autres), qui ne sont que des consé­quences de notre dépos­ses­sion poli­tique : il faut nous concen­trer sur la cause qui a ren­du pos­sible et durable notre impuis­sance politique.

Dans l’Ancien régime, les grands mar­chands, et notam­ment les mar­chands d’argent, étaient certes influents, mais pas tout-puis­sants : ils devaient res­pec­ter la monar­chie abso­lue et le cler­gé. Le pou­voir éco­no­mique et le pou­voir poli­tique n’étaient pas confon­dus dans les mêmes mains.

À l’occasion de deux révo­lu­tions (amé­ri­caine en 1776 et fran­çaise en 1789), les grands mar­chands se sont libé­rés de leurs chaînes en écri­vant eux-mêmes les consti­tu­tions (geste fon­da­men­ta­le­ment libé­ra­teur pour tous ceux qui osent s’y aven­tu­rer libre­ment), ce qui leur a per­mis d’imposer une pro­cé­dure de dési­gna­tion des repré­sen­tants fon­ciè­re­ment anti­dé­mo­cra­tique et plou­to­cra­tique (don­nant le pou­voir aux riches) : l’élection-parmi-des-candidats. Le capi­ta­lisme, c’est le régime dans lequel les mar­chands sont par­ve­nus à écrire les consti­tu­tions, et donc les lois. Il me semble que ce coup de force (consti­tuant puis légis­la­tif) est déci­sif, cen­tral, fon­da­teur. Et méconnu.

Cette pro­cé­dure plou­to­cra­tique de l’élection reste aujourd’hui clai­re­ment le mur por­teur du capi­ta­lisme. Si les peuples s’estimaient légi­times et capables de reprendre aux riches le pou­voir consti­tuant — et donc le pou­voir légis­la­tif —, ce serait méca­ni­que­ment la fin du capi­ta­lisme, sim­ple­ment parce que les grands mar­chands et usu­riers ne pour­raient plus impo­ser leurs lois et leur mon­naie à toute la société.

Je vou­drais démon­trer ici que c’est bien la pro­cé­dure de L’É­LEC­TION-par­mi-des-can­di­dats (qu’on appelle fau­ti­ve­ment le « suf­frage uni­ver­sel » et qu’on nous ordonne d’adorer comme une vache sacrée : élire des maîtres au lieu de voter les lois), c’est bien l’élection, donc, qui orga­nise l’im­puis­sance popu­laire et qui per­met (et même ver­rouille !) le capitalisme.

Je pro­pose donc que nous menions nous-mêmes le néces­saire PROCÈS DE L’ÉLECTION. Ce pro­cès ne peut être conduit cor­rec­te­ment que par de simples citoyens, et en aucun cas par des pro­fes­sion­nels de la poli­tique. En effet, les poli­ti­ciens sont tous, dans le pro­ces­sus consti­tuant, en irré­duc­tible (et inad­mis­sible) conflit d’in­té­rêts : tous les pro­fes­sion­nels de la poli­tique ont ici un inté­rêt per­son­nel contraire à l’in­té­rêt géné­ral ; ils ont tous ici un inté­rêt per­son­nel à ins­ti­tuer leur propre puis­sance (et à ins­ti­tuer l’impuissance popu­laire). Et cha­cun peut le véri­fier par­tout sur terre : de fait, incon­tes­ta­ble­ment, les poli­ti­ciens de métier élus consti­tuants ins­ti­tuent tou­jours l’impuissance du peuple qu’ils décident de « représenter ».

Voi­ci donc l’une des pre­mières mou­tures (il y en aura d’autres) du réqui­si­toire que je suis en train de ras­sem­bler contre ce que j’analyse comme la pro­cé­dure mère de l’impuissance poli­tique popu­laire, dans tous les régimes par­le­men­taires sur terre.

Je vous invite à lire tout ça d’un œil cri­tique et construc­tif. Je ne cherche pas à avoir rai­son, je cherche seule­ment à me trom­per le moins pos­sible. Et nous sommes tous éga­le­ment concer­nés par cette réflexion cen­trale. Donc, si vous trou­vez ça utile, objec­tez, cri­ti­quez ce tra­vail, cor­ri­gez-le, com­plé­tez-le… pour que nous pro­gres­sions ensemble autour d’une syn­thèse qui devien­dra ain­si, par le tra­vail de notre cer­veau col­lec­tif, pro­gres­si­ve­ment, de plus en plus irré­fu­table et documentée.

 

Je com­mence par com­pa­rer point par point l’é­lec­tion et le tirage au sort (I), et j’observe que les deux pro­cé­dures se com­portent comme en miroir, l’une étant tou­jours l’in­verse de l’autre. À l’examen et au final, pour l’instant, le tirage au sort rem­porte tous les rounds haut-la-main (du point de vue du bien com­mun, bien sûr).

Puis, je décris trois grands usages que de vrais citoyens (donc consti­tuants) pour­raient faire du tirage au sort en poli­tique (II).

I. Comparaison des forces et faiblesses universelles de l’élection et du tirage au sort des représentants

Com­men­çons donc par com­pa­rer en géné­ral élec­tions et tirage au sort en démo­cra­tie. Éty­mo­lo­gi­que­ment, la démo­cra­tie est le régime poli­tique dans lequel le demos (le peuple) exerce le kra­tos (le pou­voir), les citoyens y votent eux-mêmes leurs lois. J’aime cette défi­ni­tion de Paul Ricœur, res­pec­tueuse et ouverte : « Est démo­cra­tique, une socié­té qui se recon­naît divi­sée, c’est-à-dire tra­ver­sée par des contra­dic­tions d’intérêt et qui se fixe comme moda­li­té d’associer à parts égales chaque citoyen dans l’expression de ces contra­dic­tions, l’analyse de ces contra­dic­tions et la mise en déli­bé­ra­tion de ces contra­dic­tions, en vue d’arriver à un arbi­trage. »

Donc, la défi­ni­tion du bien com­mun est par construc­tion rela­tive, variable, dis­cu­table, conflic­tuelle, donc poli­tique. Qu’il soit « de gauche » ou « de droite » ou d’ailleurs, celui qui pré­tend savoir mieux que les autres quel est le bien com­mun, pour tou­jours, sans accep­ter la longue et dif­fi­cile phase de déli­bé­ra­tion col­lec­tive, est un tyran, simplement.

Mais cette rela­ti­vi­té du bien com­mun pose alors la ques­tion de la sou­ve­rai­ne­té : qui est légi­time pour prendre les déci­sions com­munes ? Qui éva­lue les besoins du corps social ? Qui décide ? Et qui éva­lue les déci­sions ? Le peuple lui-même ou ses repré­sen­tants ? Avons-nous même besoin de représentants ?

Et, si la taille de nos socié­tés impose effec­ti­ve­ment de dési­gner des repré­sen­tants, quel type de repré­sen­tants ? Car le mot repré­sen­tant est poly­sé­mique en fran­çais : faut-il pré­fé­rer des maîtres ou des ser­vi­teurs pour ser­vir le bien com­mun ?

Et sur­tout, qui est légi­time pour déci­der de toutes ces règles supé­rieures, qui est légi­time pour ins­ti­tuer les méta­règles ?

En théo­rie, depuis 200 ans, selon ses défen­seurs, l’élection-parmi-des-candidats des légis­la­teurs et des gou­ver­nants (pro­cé­dure nom­mée « suf­frage uni­ver­sel »), pré­tend ser­vir le bien com­mun 1) en dési­gnant les meilleurs et 2) en les contrô­lant, 3) tout en libé­rant du temps pour les gouvernés.

Mais en pra­tique, depuis 200 ans, l’élection pro­duit un sys­tème de domi­na­tion abso­lue du grand nombre (99%) par un petit nombre (1%).

Ce type de socié­té (où le peuple est domi­né par les plus riches) était vou­lu dès l’origine, dès le XVIIIe siècle, par des per­son­nages comme Vol­taire (richis­sime mar­chand d’armes et ins­pi­ra­teur impor­tant de la Révo­lu­tion fran­çaise en 1789), qui écri­vait : « L’esprit d’une nation réside tou­jours dans le petit nombre, qui fait tra­vailler le grand, est nour­ri par lui, et le gou­verne. Cer­tai­ne­ment cet esprit de la nation chi­noise est le plus ancien monu­ment de la rai­son qui soit sur la terre.[1] »

Sieyes aus­si, peut-être le prin­ci­pal père fon­da­teur du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif, expli­ci­tait sans se cacher le pro­gramme de la Révo­lu­tion dès 1789 : « Dans la démo­cra­tie, les citoyens font eux-mêmes les lois, et nomment direc­te­ment les offi­ciers publics. Dans notre plan [le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif], les citoyens font, plus ou moins immé­dia­te­ment, le choix de leurs dépu­tés à l’Assemblée légis­la­tive ; la légis­la­tion cesse donc d’être démo­cra­tique et devient repré­sen­ta­tive.[2] »

Il y a mille preuves de la volon­té des pères fon­da­teurs de tenir le peuple à l’écart de la poli­tique grâce à l’élection ; je ren­voie aux textes de réfé­rence annexes[3].

La meilleure façon, pour des élec­teurs comme nous, de bien com­prendre l’intérêt du tirage au sort en poli­tique, est de conduire nous-mêmes le pro­cès (équi­table) de l’élection, point par point, car cette mise en accu­sa­tion, par effet miroir, montre une à une les qua­li­tés intrin­sèques du tirage au sort[4].

On va voir que A) l’élection para­lyse les gou­ver­nés, et que B) l’élection donne le pou­voir aux pires gou­ver­nants (brillant résultat…) :

 

A.  Du côté des gouvernés, l’élection infantilise — et donc paralyse — les électeurs ; elle les décourage de penser et de défendre le bien commun (alors que le tirage au sort non)

Pour com­men­cer par les gou­ver­nés, voyons point par point pour­quoi et com­ment l’élection infan­ti­lise — et donc para­lyse — les électeurs :

1.    Par définition, l’élection est aristocratique (alors que le tirage au sort est démocratique)

Les plus grands pen­seurs savent depuis long­temps ce que nous avons aujourd’hui oublié :

Aris­tote (-332) : « Les élec­tions sont aris­to­cra­tiques et non démo­cra­tiques : elles intro­duisent un élé­ment de choix déli­bé­ré, de sélec­tion des meilleurs citoyens, les aris­toi, au lieu du gou­ver­ne­ment par le peuple tout entier[5]. »

Mon­tes­quieu (1748) : « Le suf­frage par le sort est de la nature de la démo­cra­tie ; le suf­frage par choix est de celle de l’aristocratie[6]. »

Cor­né­lius Cas­to­ria­dis (1996) : « Ce sont les Grecs qui ont inven­té les élec­tions. C’est un fait his­to­ri­que­ment attes­té. Ils ont peut-être eu tort, mais ils ont inven­té les élec­tions ! Qui éli­sait-on à Athènes ? On n’é­li­sait pas les magis­trats. Les magis­trats étaient dési­gnés par tirage au sort ou par rota­tion. Pour Aris­tote, sou­ve­nez-vous, un citoyen est celui qui est capable de gou­ver­ner et d’être gou­ver­né. Tout le monde est capable de gou­ver­ner, donc on tire au sort. Pour­quoi ? Parce que la poli­tique n’est pas une affaire de spé­cia­listes. Il n’y a pas de science de la poli­tique. Il y a une opi­nion, la doxa des Grecs[7] […] »

Donc, le mot aris­tos signi­fie le meilleur en grec. L’élection qui, par défi­ni­tion, conduit à choi­sir le meilleur, est donc par construc­tion aris­to­cra­tique. La pro­messe d’égalité démo­cra­tique n’est donc pas tenue, repré­sen­tants élus et repré­sen­tés ne sont pas sur un pied d’égalité : les élus dominent les élec­teurs, un petit nombre com­mande à un grand nombre ; on peut dès lors craindre que le bien com­mun soit mena­cé, si jamais les élus venaient à ser­vir des inté­rêts per­son­nels au lieu de ser­vir l’intérêt général.

Au contraire, le tirage au sort désigne n’importe qui ; il est donc la seule pro­cé­dure qui res­pecte l’égalité poli­tique entre les citoyens (la pro­messe fon­da­trice de la démocratie).

2.    Par définition, élire c’est abdiquer, c’est renoncer à exercer soi-même sa souveraineté, c’est déléguer, c’est renoncer à légiférer, (alors que tirer au sort, c’est revendiquer sa souveraineté).

Le mot « repré­sen­tant » est poly­sé­mique, il peut dési­gner deux pou­voirs très oppo­sés : en fran­çais, un repré­sen­tant peut être un ser­vi­teur (comme un cour­tier, man­da­taire qui attend fidè­le­ment les ordres de son man­dant pour agir), mais un repré­sen­tant peut aus­si être un maître (comme un tuteur, qui décide tout à la place de l’incapable qu’il repré­sente). Cette poly­sé­mie est la source des plus graves mal­en­ten­dus (pour ne pas dire des pires escro­que­ries politiciennes).

Par construc­tion, aujourd’hui, la pro­cé­dure de l’élection par­mi des can­di­dats pro­duit des repré­sen­tants qui seront des maîtres, en votant toutes les lois à la place des élec­teurs. Alors que le tirage au sort pro­dui­rait des repré­sen­tants qui seraient des égaux, lais­sant le droit de voter les lois aux citoyens eux-mêmes. Les élus décident tout à la place des élec­teurs — l’élection dépos­sède les élec­teurs de leur sou­ve­rai­ne­té —, alors que les tirés au sort ne décident que ce que les citoyens ne peuvent pas (ou ne veulent pas) déci­der (pré­pa­ra­tion des lois, exé­cu­tion des lois, juge­ments indi­vi­duels…) — le tirage au sort ne dépos­sède pas les citoyens de leur souveraineté.

Robes­pierre, authen­tique démo­crate, le for­mu­lait ain­si for­te­ment : « La démo­cra­tie est un état où le peuple sou­ve­rain, gui­dé par des lois qui sont son ouvrage,  fait par lui-même tout ce qu’il peut bien faire, et par des délé­gués tout ce qu’il ne peut faire lui-même »[8].

Dans nos « répu­bliques », on appelle donc fau­ti­ve­ment « citoyens » les élec­teurs, alors qu’un élec­teur est hété­ro­nome : il subit la loi écrite par un autre ; au contraire, un citoyen est auto­nome : il pro­duit lui-même le droit auquel il consent à obéir.

Ain­si, l’élection par­mi des can­di­dats ravale le peuple au rang dégra­dant d’élec­teurs, sorte d’enfants poli­tiques (éty­mo­lo­gi­que­ment, enfant signi­fie pri­vé de parole), impuis­sants poli­tiques : l’élection fait fonc­tion de bâillon, elle nous infan­ti­lise, poli­ti­que­ment, et donc aus­si glo­ba­le­ment (socia­le­ment et éco­no­mi­que­ment), et l’élection empêche ain­si le plus grand nombre de défendre en per­sonne le bien com­mun. Nous ne sommes pas citoyens, nous sommes élec­teurs.

D’ailleurs, les pères fon­da­teurs de notre régime savaient fort bien qu’ils allaient, grâce à cette accep­tion asser­vis­sante du mot repré­sen­tants, tenir le peuple à l’écart de la pro­duc­tion des normes :

Abbé SIEYES, anti­dé­mo­crate assu­mé, l’exprimait clai­re­ment en ces termes : « Les citoyens qui se nomment des repré­sen­tants renoncent et doivent renon­cer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volon­té par­ti­cu­lière à impo­ser. S’ils dic­taient des volon­tés, la France ne serait plus cet État repré­sen­ta­tif ; ce serait un État démo­cra­tique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démo­cra­tie (et la France ne sau­rait l’être), le peuple ne peut par­ler, ne peut agir que par ses repré­sen­tants[9]. »

Est-il sérieux de pré­tendre que le bien com­mun est cor­rec­te­ment res­pec­té en tenant dura­ble­ment et sciem­ment le plus grand nombre à l’écart des réflexions et déci­sions politiques ?

Pour­tant, de nom­breux grands pen­seurs ont bien vu que les déci­sions com­munes sont mieux prises par une assem­blée popu­laire que par un homme seul.

On pense d’abord à Aris­tote : « La déli­bé­ra­tion sera, en effet, meilleure si tous déli­bèrent en com­mun, le peuple avec les notables, ceux-ci avec la masse[10]. »

Mais on vou­drait aus­si citer Machia­vel : « je dis qu’un peuple est plus sage, plus constant et plus avi­sé qu’un prince[11]. »

3.  Infantilisante, l’élection décourage et déresponsabilise, dissuade de bien faire, éloigne le peuple de la politique et du bien commun, (alors que le tirage au sort encourage, et responsabilise, incite à bien faire).

De fait, l’élection est donc une péda­go­gie de la ser­vi­tude, un appren­tis­sage de la rési­gna­tion, elle enferme les élec­teurs dans un rôle de domi­nés. En les infan­ti­li­sant, l’élection déres­pon­sa­bi­lise les élec­teurs. L’élection, depuis 200 ans, nous dés­in­cite à faire de la poli­tique. Et pro­gres­si­ve­ment, à force de dépo­li­ti­ser les élec­teurs, l’élection les décou­rage com­plè­te­ment (« à quoi bon se don­ner du mal en poli­tique puisque ça ne chan­ge­ra rien ? » entend-on par­tout) et fina­le­ment, l’élection nous abru­tit — politiquement.

Au contraire, le tirage au sort éman­cipe les citoyens, en les trai­tant en adultes res­pon­sables. Et en géné­ral les gens essaient d’être dignes de la confiance qu’on leur fait, sur­tout si on leur confie une vraie res­pon­sa­bi­li­té. Par exemple, les expé­riences de conven­tions citoyennes tirées au sort orga­ni­sées par Jacques Tes­tart montrent que le niveau monte vite quand on res­pecte et implique vrai­ment les gens.

Jacques Tes­tart : « Ce qui est extra­or­di­naire quand on s’in­té­resse aux Confé­rences de Citoyens [tirées au sort et char­gées de don­ner un avis sur l’en­jeu poli­tique et social d’un sujet scien­ti­fique], c’est de voir à quel point les indi­vi­dus peuvent être modi­fiés au cours de la pro­cé­dure. Vous pre­nez une bou­lan­gère, un ins­ti­tu­teur, bon des gens qui ont leur métier et qui a prio­ri sont inno­cents, naïfs par rap­port au pro­blème. Ce n’est pas tel­le­ment qu’ils deviennent com­pé­tents, ça c’est évident. C’est sur­tout qu’ils deviennent une autre qua­li­té d’hu­main. C’est-à-dire qu’ils déve­loppent des idées et des points de vue, qu’ils vont défendre leurs avis, qui ne sont pas du tout là pour défendre leur famille, même pas leurs enfants, mais la des­cen­dance de tout le monde : les gens du Sud … on voit une espèce d’al­truisme qui trans­pa­raît, qu’on ne voit pas d’habitude.

Et moi, ce que j’ai consta­té en regar­dant ça, c’est à quel point il y a un gâchis de l’hu­ma­ni­té. C’est-à-dire qu’on main­tient les gens dans un état d’abêtissement, de sui­visme, de condi­tion­ne­ment. Et, je dois dire j’y croyais pas avant de voir ça. Je pen­sais que c’é­tait triste mais que l’hu­ma­ni­té elle n’é­tait pas vrai­ment belle à voir. Mais elle n’est pas belle à voir parce qu’on la met dans cet état-là. Mais je suis main­te­nant convain­cu qu’il y a chez la plu­part des indi­vi­dus, il y a des res­sorts, il y a quelque chose qu’on n’ex­ploite pas, qu’on n’u­ti­lise pas, qu’on ne met pas en valeur. Mais les humains valent beau­coup mieux que ce qu’on en fabrique. »[12]

Toc­que­ville aus­si, a écrit des pages admi­rables pour défendre les ver­tus édu­ca­tives et res­pon­sa­bi­li­santes des jurys civils tirés au sort. On n’a mal­heu­reu­se­ment pas le temps de citer le plai­doyer en entier, mais écou­tez plutôt :

« J’en­tends par JURY un cer­tain nombre de citoyens PRIS AU HASARD et revê­tus momen­ta­né­ment du droit de juger. […]

le jury est avant tout une ins­ti­tu­tion poli­tique ; on doit le consi­dé­rer comme un mode de la sou­ve­rai­ne­té du peuple […]

Le jury, et sur­tout le jury civil, sert à don­ner à l’es­prit de tous les citoyens une par­tie des habi­tudes de l’es­prit du juge ; et ces habi­tudes sont pré­ci­sé­ment celles qui pré­parent le mieux le peuple à être libre. Il répand dans toutes les classes le res­pect pour la chose jugée et l’i­dée du droit. Ôtez ces deux choses, et l’a­mour de l’in­dé­pen­dance ne sera plus qu’une pas­sion des­truc­tive. Il enseigne aux hommes la pra­tique de l’é­qui­té. Cha­cun, en jugeant son voi­sin, pense qu’il pour­ra être jugé à son tour. […]

Le jury apprend à chaque homme à ne pas recu­ler devant la res­pon­sa­bi­li­té de ses propres actes ; dis­po­si­tion virile, sans laquelle il n’y a pas de ver­tu politique. […]

En for­çant les hommes à s’oc­cu­per d’autre chose que de leurs propres affaires, il com­bat l’é­goïsme indi­vi­duel, qui est comme la rouille des socié­tés. Le jury sert incroya­ble­ment à for­mer le juge­ment et à aug­men­ter les lumières natu­relles du peuple. C’est là, à mon avis, son plus grand avan­tage. On doit le consi­dé­rer comme une école gra­tuite et tou­jours ouverte, où chaque juré vient s’ins­truire de ses droits, où il entre en com­mu­ni­ca­tion jour­na­lière avec les membres les plus ins­truits et les plus éclai­rés des classes éle­vées, où les lois lui sont ensei­gnées d’une manière pratique […]

Ain­si le jury, qui est le moyen le plus éner­gique de faire régner le peuple, est aus­si le moyen le plus effi­cace de lui apprendre à régner[13]. »

Donc, du côté des gou­ver­nés, par cha­cun de ces trois pre­miers traits carac­té­ris­tiques de l’élection par­mi des can­di­dats (pro­cé­dure  aris­to­cra­tique, infan­ti­li­sante et démo­ti­vante), on constate que l’élection réduit à presque rien le nombre de per­sonnes capables de défendre le bien commun.

On va voir main­te­nant que, en plus de para­ly­ser et abru­tir les gou­ver­nés, l’élection choi­sit les pires gouvernants :

B.  Du côté des gouvernants, l’élection porte au pouvoir les pires (alors que le tirage au sort non)

Du côté des gou­ver­nants, en admet­tant que nous ayons besoin de « repré­sen­tants », on constate sou­vent que l’élection par­mi des can­di­dats porte au pou­voir les pires, à l’exact oppo­sé de ce qu’elle pré­tend. Je cherche à com­prendre pourquoi.

Je vois sept carac­tères propres à l’élection qui conduisent (for­cé­ment) à ce désastre — et je vois comme dans un  miroir sept carac­tères inverses propres au tirage au sort qui évi­te­raient ce désastre (for­cé­ment) :

1.  L’élection parmi des candidats donne le pouvoir à ceux qui le veulent (alors que le tirage au sort, non)

On sait depuis 2 500 ans qu’il ne faut pas don­ner le pou­voir à ceux qui le  veulent.

Pla­ton : « Le pire des maux est que le pou­voir soit occu­pé par ceux qui l’ont vou­lu[14]. »

Alain : « Le trait le plus visible dans l’homme juste est de ne point vou­loir du tout gou­ver­ner les autres et de gou­ver­ner seule­ment lui-même. Cela décide tout. Autant dire que les pires gou­ver­ne­ront[15]. »

Si l’on y réflé­chit, c’est vrai que les pires gou­ver­ne­ront, mais seule­ment si l’on donne le pou­voir à ceux qui le veulent (parce que les meilleurs ne le veulent pas).

Et pré­ci­sé­ment, le tirage au sort évite ce piège cen­tral et donne le pou­voir « aux autres »… et le tirage au sort ne nous condamne donc pas, lui, à la tyran­nie de ceux qui veulent tout déci­der à la place des autres.

C’est une mau­vaise idée de don­ner le pou­voir à ceux qui le veulent assez pour y par­ve­nir car les com­pé­tences (et les moti­va­tions) néces­saires pour par­ve­nir au pou­voir (pour gagner une com­pé­ti­tion élec­to­rale) ne sont sûre­ment pas les mêmes qui sont néces­saires pour exer­cer le pou­voir (pour cher­cher le bien com­mun et le ser­vir). C’est ce qu’on va voir maintenant :

2.  L’élection pousse au mensonge et favorise les menteurs  (alors que le tirage au sort, non)

En s’appuyant sur la volon­té des citoyens pour dési­gner les acteurs, l’élection donne des prises aux escrocs, dont tout le talent est pré­ci­sé­ment de savoir trom­per les volon­tés. D’une cer­taine façon, l’élection offre le pou­voir aux men­teurs : c’est celui qui men­ti­ra le mieux qui sera élu, à tous les coups. Donc, par construc­tion, l’élection pousse au men­songe : d’abord men­songes avant le man­dat pour être élu, et ensuite men­songes pen­dant et après le man­dat pour être réélu. Scien­ti­fi­que­ment, méca­ni­que­ment, l’élection par­mi des can­di­dats incite au men­songe, tout le temps.

(Rap­pel : « Les pires gou­ver­ne­ront » annon­çait Alain.)

Alors que, en ne s’appuyant pas sur la volon­té des gens, le tirage au sort retire toute prise aux escrocs.

Mieux encore, le tirage au sort dis­suade de men­tir puisque le men­songe ne sert à rien pour accé­der au pouvoir.

Certes, on objec­te­ra qu’il res­te­ra tou­jours des men­teurs dans une socié­té humaine. Bien sûr, mais le tirage au sort baisse la pro­por­tion de men­teurs au pou­voir (de 100% à ?), ce qui ne peut être que pro­fi­table au bien commun.

3.  L’élection produit des maîtres, très différents de nous (alors que le tirage au sort produit des égaux, très ressemblants)

D’avoir été dési­gné comme le meilleur, l’élu éprouve natu­rel­le­ment, et assez logi­que­ment,  fier­té, vani­té et sen­ti­ment de supé­rio­ri­té, humeurs qui l’incitent natu­rel­le­ment à se sen­tir légi­time à tout déci­der tout seul, y com­pris de ses propres pri­vi­lèges, sans avoir à démon­trer davan­tage qu’il est digne de sa charge.

Bien des abus de pou­voir — et bien des négli­gences du bien com­mun — trouvent sans doute de pro­fondes racines dans ce sen­ti­ment de supé­rio­ri­té de « l’élu », qui naît for­cé­ment de cette pro­cé­dure aris­to­cra­tique qu’est l’élection-parmi-des-candidats.

Au contraire, le tirage au sort n’offre aucune rai­son de res­sen­tir un sen­ti­ment de supé­rio­ri­té, et il incite donc le repré­sen­tant à l’humilité : on n’a pas été choi­si comme le meilleur, mais bien comme un égal, et il faut donc démon­trer à tout moment qu’on est digne de la charge.

Par ailleurs, on constate depuis 200 ans que l’élection pro­duit des assem­blées de notables, abso­lu­ment pas repré­sen­ta­tives du corps social qu’elles pré­tendent repré­sen­ter, et, qui plus est, extrê­me­ment pri­vi­lé­giées. On ne compte plus les études scien­ti­fiques qui prouvent l’absence criante des classes labo­rieuses au Par­le­ment, ni les enquêtes jour­na­lis­tiques qui prouvent les innom­brables (et hon­teux) avan­tages que s’octroient eux-mêmes les parlementaires.

Ces (1%) notables ne connaissent pas la vie des (99%) tra­vailleurs et, très dif­fé­rents d’eux, ne sont pas du tout por­tés à les aider, et encore moins à les émanciper.

Un des sens du mot repré­sen­ter est recons­ti­tuer une image minia­ture fidèle de la socié­té repré­sen­tée, et pour ce faire, le tirage au sort est bien mieux adap­té que l’élection : lui seul est capable de com­po­ser un échan­tillon repré­sen­ta­tif de l’ensemble des citoyens[16]. Tirer au sort une assem­blée don­ne­ra tou­jours une moi­tié de femmes, 90% de sala­riés, 60% d’ouvriers et d’employés, 10% de chô­meurs, etc.  Une assem­blée tirée au sort nous res­sem­ble­ra. Le tirage au sort est fidèle, impar­tial et incorruptible.

Et la ques­tion de savoir si l’assemblée qui va nous repré­sen­ter doit nous res­sem­bler ou pas relève du choix sou­ve­rain des citoyens (consti­tuants), et nul­le­ment des élus, car tous les élus ont un inté­rêt per­son­nel puis­sant à dis­cré­di­ter le tirage au sort (qui les obli­ge­rait à retour­ner au tra­vail comme tout le monde).

4.  L’élection produit des maîtres hors contrôle (alors que le tirage au sort, non)

L’élection repose sur la confiance et place le contrôle des repré­sen­tants pré­ci­sé­ment au moment de leur dési­gna­tion. Ce choix dis­suade de contrô­ler les élus davan­tage, pen­dant leur man­dat et après leur man­dat : on entend dire que l’élection — et le risque de non réélec­tion — sont des contrôles bien suffisants…

Fon­da­men­ta­le­ment, cette absence de contrôles réels des élus rend pos­sible — et même favo­rise — la cor­rup­tion. L’élection sans autre contrôle que l’élection ne pro­tège pas cor­rec­te­ment le bien commun.

Alors que le tirage au sort, ins­pi­rant natu­rel­le­ment une défiance, déplace le moment du contrôle des repré­sen­tants : le contrôle des tirés au sort n’a pas lieu au moment de la dési­gna­tion (on choi­sit n’importe qui), mais à tout moment, pen­dant le man­dat et après le man­dat (par d’autres tirés au sort).

Donc, des tirés au sort sont — natu­rel­le­ment et ins­tinc­ti­ve­ment — tou­jours beau­coup plus contrô­lés que des élus.

Cette dif­fé­rence essen­tielle (tou­chant aux contrôles) conduit d’ailleurs logi­que­ment à pré­co­ni­ser l’élection-parmi-des-candidats pour dési­gner les repré­sen­tants locaux (que l’on connaît, que l’on côtoie et que l’on observe plus faci­le­ment soi-même du fait de la proxi­mi­té), et à pré­co­ni­ser le tirage au sort (et ses contrôles mul­tiples à tous les étages) pour dési­gner les repré­sen­tants à l’échelle régio­nale, natio­nale ou fédé­rale (que l’on ne connaît pas et que l’on ne peut pas sur­veiller soi-même, du fait de l’éloignement).

Donc l’élection est bien adap­tée aux scru­tins muni­ci­paux (et mal aux autres), alors que le tirage au sort est beau­coup mieux adap­té aux scru­tins régio­naux, natio­naux et fédéraux.

On entend géné­ra­le­ment dire le contraire, et c’est à tort.

5.  L’élection produit une caste de maîtres hors contrôle (alors que le tirage au sort, non)

Dans tous les son­dages d’opinions, et dans toutes nos conver­sa­tions, le reproche le plus fré­quent et le plus grave que font les citoyens au gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif est la pro­fes­sion­na­li­sa­tion de la poli­tique. Mais cette pro­fes­sion­na­li­sa­tion est une consé­quence iné­luc­table de l’élection : les mêmes rai­sons qui ont conduit à élire un can­di­dat une fois (la liste réduite des can­di­dats volon­taires ; leur art de séduire — qui se per­fec­tionne sans cesse ; la per­son­na­li­té des élec­teurs — qui ne change guère d’une élec­tion à l’autre…) conduisent à réélire la même per­sonne plu­sieurs fois. Par construc­tion, donc, l’élection contra­rie la rota­tion des charges, et c’est elle qui impose la pro­fes­sion­na­li­sa­tion de la poli­tique —, ain­si que la for­ma­tion de par­tis, on y revien­dra plus loin. On le constate par­tout dans le monde et à toutes les époques.

Alors que le tirage au sort, lui, impose la rota­tion des charges et inter­dit donc la pro­fes­sion­na­li­sa­tion de la politique.

Par ce pro­ces­sus, l’élection nie l’égalité poli­tique, en pri­vant le plus grand nombre de l’action poli­tique au pro­fit d’une caste poli­ti­cienne, alors que le tirage au sort res­pecte l’égalité poli­tique des citoyens, en inter­di­sant toute for­ma­tion de caste privilégiée.

6.  L’élection parmi des candidats impose les partis pour gagner une sorte de guerre politique, camp contre camp, avec une logique militaire, réclamant l’obéissance des militants et mobilisant à fond des passions collectives (alors que le tirage au sort, non)

On vote presque une fois par an ; et un citoyen seul ne peut pas gagner une élec­tion-par­mi-des-can­di­dats. Donc, la cam­pagne élec­to­rale per­ma­nente qui découle du choix de l’élection (comme pro­cé­dure de dési­gna­tion des repré­sen­tants) impose aux can­di­dats, pour gagner, de mobi­li­ser une armée de mili­tants, enrô­lés autour d’un chef, d’une ligne de pen­sée, d’un dogme, d’une dis­ci­pline, d’une hié­rar­chie, de la détes­ta­tion de toutes les autres armées équi­va­lentes (détes­ta­tion en bloc), l’obsession sec­taire de par­ve­nir seul au pou­voir, etc., ce qui entre­tient une dis­corde non néces­saire et néfaste au bien commun.

On ne suit plus l’intérêt géné­ral quand l’objectif prio­ri­taire est de par­ve­nir au pouvoir.

Les par­tis ne servent qu’à gagner les élec­tions et à rien d’autre. Il n’y a jamais eu de  par­tis dans les régimes sans élec­tions. His­to­ri­que­ment, c’est le choix de l’élection-parmi-des-candidats qui nous condamne au fléau des par­tis, mais on n’a évi­dem­ment pas besoin de par­tis pour faire de la politique.

C’est pour­quoi, avec le tirage au sort, les par­tis deviennent inutiles et dis­pa­raissent naturellement.

Je vou­drais ici vous ren­voyer aux réflexions essen­tielles de Simone Weil dans sa « Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis poli­tiques »[17], pour vous inci­ter à réa­li­ser un par un les dégâts, graves et durables, qu’infligent les par­tis poli­tiques au corps social.

J’ai gar­dé le plus grave pour la fin (de cette pre­mière partie) :

7.  L’élection parmi des candidats permet d’aider un candidat, et donne ainsi tout le pouvoir aux plus riches (alors que le tirage au sort, non)

Il est facile de cor­rompre quelqu’un qui vous doit tout.

Alors qu’il est plus dif­fi­cile de cor­rompre quelqu’un qui ne vous doit rien.

Si l’on peut aider un can­di­dat, il est cer­tain que ceux qui ont les moyens d’aider le feront — tou­jours —, car les élus « aidés » seront ain­si for­cé­ment débi­teurs — donc ser­vi­teurs — des inté­rêts pri­vés de leurs bien­fai­teurs (dont ils ont abso­lu­ment besoin, pour leur élec­tion et pour leur réélection).

Quels sont les moyens d’aider cer­tains can­di­dats ? Il s’agit de les faire voir beau­coup, de les mon­trer sous un angle flat­teur (de ne leur poser que des ques­tions faciles, sans pièges), de dis­cré­di­ter ou de ne pas invi­ter leurs concur­rents, etc. Tout ce « tra­vail » de l’opinion[18] est accom­pli par les grands médias (presse, radio, télés, ins­ti­tuts de son­dage) et leurs « jour­na­listes » « édi­to­ria­listes » et autres « experts ».

Aujourd’hui, et ce n’est pas par hasard, toute la presse et l’édition appar­tiennent à quelques banques et indus­triels et à deux mar­chands d’armes[19].

Donc, lélec­tion-par­mi-des-can­di­dats per­met — et même incite à — la pire cor­rup­tion. C’est sans doute son plus grave — et impar­don­nable — défaut.

Les indi­vi­dus les plus riches du corps social ont ain­si trou­vé dans l’élection-parmi-des-candidats le moyen cer­tain de conser­ver le pou­voir pour tou­jours, et de pro­duire un droit qui leur est favo­rable. On peut appe­ler ce droit « le capi­ta­lisme » ou la plou­to­cra­tie (le gou­ver­ne­ment par les riches pour les riches), mais toute la pyra­mide des pou­voirs ins­ti­tués (par­le­ment, gou­ver­ne­ment, juges, pri­sons, police…) tient à la pro­cé­dure de dési­gna­tion des légis­la­teurs : rien n’impose aux 99% de pré­fé­rer l’élection au tirage au sort ; ce sont des élus qui ont choi­si la pro­cé­dure de l’élection… Que ferions-nous, nous, si nous nous mêlions d’y réflé­chir ? Rien ne nous oblige légi­ti­me­ment à suivre éter­nel­le­ment les élus dans leurs pré­fé­rences institutionnelles.

À l’inverse, le tirage au sort ne per­met­tant pas d’aider qui que ce soit, est une pro­cé­dure éga­li­taire et incor­rup­tible qui porte au pou­voir de meilleurs ser­vi­teurs du bien com­mun, certes impar­faits eux aus­si, mais moins faci­le­ment cor­rup­tibles car ne devant rien à qui­conque pour leur acces­sion au pouvoir.

Pour résu­mer, l’élection-parmi-des-candidats porte au pou­voir des per­sonnes qui vont défendre des inté­rêts par­ti­cu­liers (ceux de leurs par­rains), alors que le tirage au sort porte au pou­voir des per­sonnes qui vont défendre l’intérêt géné­ral (parce qu’ils n’ont pas de par­rains à servir).

Certes, rien n’est par­fait et les risques de cor­rup­tion exis­te­ront tou­jours, dans toute socié­té humaine, mais force est de consta­ter que l’élection par­mi des can­di­dats cumule tous les vices, du point de vue du bien com­mun (pas du point de vue des élus, bien sûr, ni de leurs riches bien­fai­teurs). On peut rai­son­na­ble­ment escomp­ter que le tirage au sort rédui­ra le ratio de cor­rom­pus au pou­voir (de 100% à ?).

Conclu­sion de la  pre­mière partie :

Nous avons deux labo­ra­toires poli­tiques pour véri­fier sur le ter­rain que la pra­tique confirme bien ce que per­met de pré­voir la théo­rie : 200 ans de tirage au sort (quo­ti­dien) à Athènes (aux 5e et 4e siècles av. JC) ont per­mis aux citoyens pauvres (aujourd’hui, on dirait les 99%) de gou­ver­ner pen­dant toute la période ; alors que, au contraire, 200 ans d’élections par­mi des can­di­dats (depuis 1789) ont per­mis aux citoyens riches (aujourd’hui, on dirait les 1%) de gou­ver­ner pen­dant toute la période.

Aris­tote : « Le rai­son­ne­ment rend donc évident, semble-t-il, que la sou­ve­rai­ne­té d’une mino­ri­té ou d’une majo­ri­té n’est qu’un acci­dent, propre soit aux oli­gar­chies soit aux démo­cra­ties, dû au fait que par­tout les riches sont en mino­ri­té et les pauvres en majo­ri­té. Aus­si… la dif­fé­rence réelle qui sépare entre elles démo­cra­tie et oli­gar­chie, c’est la pau­vre­té et la richesse ; et néces­sai­re­ment, un régime où les diri­geants, qu’ils soient mino­ri­taires ou majo­ri­taires, exercent le pou­voir grâce à leur richesse est une oli­gar­chie, et celui où les pauvres gou­vernent, une démo­cra­tie »[20]

Donc, en théo­rie comme en pra­tique, l’élection donne le pou­voir aux riches (aux 1%), et le tirage au sort donne le pou­voir aux pauvres (aux 99%).

Une ques­tion impor­tante vient alors à l’esprit : « com­bien de temps encore les 99% vont-ils défendre comme une vache sacrée démo­cra­tique la pro­cé­dure aris­to­cra­tique qui les infan­ti­lise pour tou­jours et qui les para­lyse à jamais ? »

 

Il reste à exa­mi­ner les dif­fé­rentes pra­tiques du tirage au sort en politique :

II. Mise en œuvre des différentes pratiques du tirage au sort

Pas­sée la sur­prise, pour le bien com­mun, de se voir si mal ser­vi par l’élection, et si bien défen­du par le tirage au sort, on peut se deman­der (A) quels sont les prin­ci­paux usages d’une pro­cé­dure aléa­toire de dési­gna­tion des repré­sen­tants, et (B) com­ment cette pro­cé­dure pour­rait être un jour réel­le­ment ins­ti­tuée (ins­crite dans la constitution).

A.  Principaux usages pratiques du tirage au sort en politique

L’élection par­mi des can­di­dats attri­bue géné­ra­le­ment des pri­vi­lèges, alors que le tirage au sort dis­tri­bue le plus sou­vent des charges.

Par ailleurs, il faut bien gar­der pré­sent à l’esprit que, pour tenir un poste ou rem­plir une fonc­tion, on élit tou­jours une per­sonne seule (à qui l’on se confie et qu’on contrôle peu ou pas) pour un temps assez long ; alors qu’on tire au sort sou­vent un col­lec­tif de per­sonnes (de qui on se défie et qu’on contrôle vrai­ment et sou­vent) pour un temps assez court— ce qui ras­sure tout le monde…

On signa­le­ra ici trois grands cas de figure, en gar­dant le plus impor­tant, le plus déci­sif, pour la fin.

1. Tirage au sort pour désigner les Chambres de contrôle de tous les pouvoirs

Les réfé­rences ne manquent pas, dans la lit­té­ra­ture de phi­lo­so­phie poli­tique, pour insis­ter sur le grand devoir de vigi­lance des citoyens à l’encontre de tous les pou­voirs. On cite­ra Montesquieu :

« C’est une expé­rience éter­nelle que tout homme qui a du pou­voir est por­té à en abu­ser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la ver­tu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abu­ser du pou­voir, il faut que, par la dis­po­si­tion des choses, le pou­voir arrête le pou­voir[21]. »

À cause du conflit d’intérêts et de l’esprit de corps, un pou­voir ne sera jamais (ne peut pas être) cor­rec­te­ment jugé par ses pairs.

L’antidote uni­ver­sel contre les conflits d’intérêts est le tirage au sort ; c’est pour­quoi tout le monde (sauf les pou­voirs concer­nés, bien sûr) com­prend et admet rapi­de­ment l’intérêt et l’importance de ce pre­mier usage du hasard en poli­tique : dans la pers­pec­tive du bien com­mun, il faut que tous les organes de contrôle des dif­fé­rents pou­voirs soient com­po­sés de simples citoyens, et donc tirés au sort (et for­més pour ça).

2. Tirage au sort pour désigner tout ou partie du Corps législatif

Ce point du tirage au sort du Corps légis­la­tif est déli­cat, et donc contro­ver­sé : nous avons si long­temps cru, mal­gré toutes les preuves contraires, que le fait d’élire nous-mêmes les légis­la­teurs était un bon moyen de ser­vir le bien com­mun, que nous avons aujourd’hui toutes les peines du monde à nous figu­rer qu’un Par­le­ment tiré au sort don­ne­rait plus de chance à l’intérêt géné­ral qu’un Par­le­ment élu. En plus, il y a plein de gens qui ne veulent pas faire ce travail…

Aus­si cet usage pré­cis du tirage au sort est-il le plus long (et par­fois impos­sible) à admettre, et sou­vent, il n’est accep­té par les gens qui le découvrent que moyen­nant le com­pro­mis des deux chambres légis­la­tives : une élue (la Chambre des Par­tis) et une tirée au sort (la Chambre des Citoyens). Je n’ai pas le temps de déve­lop­per, mais c’est un chan­tier ouvert, avec de nom­breuses oppor­tu­ni­tés d’innovations intelligentes.

Si cet usage du tirage au sort vous effraie ou vous rebute, ne reje­tez pas en bloc tous les usages du tirage au sort : vous avez le droit de nuan­cer votre pen­sée et vous pou­vez sou­hai­ter un usage don­né du tirage au sort (pour les Chambres de contrôle et pour l’Assemblée consti­tuante, par exemple) tout en refu­sant un autre usage (pour la Chambre légis­la­tive par exemple).

3. Tirage au sort pour désigner l’Assemblée constituante, sans qui rien n’adviendra

L’usage le plus impor­tant du tirage au sort en poli­tique est sans doute celui de la dési­gna­tion de l’Assemblée consti­tuante. C’est lui qui importe le plus car il est la condi­tion même pour que tous les autres usages du tirage au sort adviennent un jour (jamais les élus ne renon­ce­ront à la pro­cé­dure qui leur donne le pou­voir à eux).

On rap­pelle que la Consti­tu­tion est le texte supé­rieur qui ins­ti­tue tous les pou­voirs d’un pays, qui fixe les pro­cé­dures de dési­gna­tion des acteurs, les organes de contrôle de ces acteurs, et la puis­sance du peuple par rap­port à ces pouvoirs.

On peut consi­dé­rer la Consti­tu­tion comme un contrat social, tou­jours révi­sable, par lequel un groupe humain se consti­tue en éta­blis­sant des pou­voirs aux­quels il consent à obéir. La Consti­tu­tion doit impé­ra­ti­ve­ment limi­ter les pou­voirs, pour pro­té­ger la socié­té contre leurs abus : donc, il ne faut en aucun cas que ce soit les hommes au pou­voir qui écrivent les règles du pou­voir (la consti­tu­tion) : en effet, dans le pro­ces­sus consti­tuant, les élus sont — for­cé­ment — en conflit d’intérêts (ils ont un inté­rêt per­son­nel contraire à l’intérêt géné­ral), et ils vont tou­jours ins­ti­tuer leur puis­sance et l’impuissance popu­laire. C’est pré­ci­sé­ment ce que l’on observe, par­tout sur terre et à toutes les époques.

Il n’y a presque pas de trace de cette idée radi­cale dans la lit­té­ra­ture, mais j’en ai trou­vé une que je vous signale. C’est Tho­mas Paine, un anglais, qui écri­vait en 1791 :

« Il est contraire aux prin­cipes du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif qu’un corps s’octroie à lui-même des pou­voirs[22]. »

« Un gou­ver­ne­ment n’a pas le droit de se décla­rer par­tie pre­nante dans un débat tou­chant aux prin­cipes ou à la méthode uti­li­sés pour éla­bo­rer ou amen­der une consti­tu­tion. Ce n’est pas à l’in­ten­tion de ceux qui exercent le pou­voir gou­ver­ne­men­tal qu’on éta­blit des consti­tu­tions et les gou­ver­ne­ments qui en découlent. Dans toutes ces choses, le droit de juger et d’a­gir appar­tient à ceux qui paient et non à ceux qui reçoivent[23]. »

Il n’est pas d’autre contrat que celui pas­sé entre ses dif­fé­rentes com­po­santes par l’ensemble du peuple en vue d’engendrer et de consti­tuer un gou­ver­ne­ment. Sup­po­ser qu’un gou­ver­ne­ment quel­conque puisse être par­tie pre­nante dans un contrat pas­sé avec le peuple, c’est sup­po­ser que le gou­ver­ne­ment exis­tait avant d’en avoir le droit. Le gou­ver­ne­ment n’est pas un fonds de com­merce que n’importe quel homme ou groupe d’hommes aurait le droit d’ouvrir et de gérer à son pro­fit. Ce n’est qu’un dépôt, confié au nom de ceux qui le délèguent — et qui à tout moment peuvent le reprendre[24]. »

Aujourd’hui, je dis ça de cette manière :
ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’écrire les règles du pou­voir.

Si le tirage au sort n’a jamais été ins­ti­tué, c’est sans aucun doute parce que les Assem­blées consti­tuantes ont tou­jours été élues par­mi des can­di­dats pro­fes­sion­nels de la poli­tique, dont l’intérêt per­son­nel les conduit à pré­fé­rer natu­rel­le­ment l’élection, aux dépens du bien commun.

Donc, si les peuples du monde veulent un jour sor­tir du piège poli­ti­cien qui les condamne à l’impuissance, il fau­dra sans doute qu’ils fassent du tirage au sort de l’Assemblée consti­tuante leur prio­ri­té abso­lue : pour ins­ti­tuer enfin le droit des peuples à dis­po­ser d’eux-mêmes (vrai­ment), les Assem­blées consti­tuantes ne doivent sur­tout pas être élues par­mi des candidats.

Mais qui va donc por­ter ce pro­jet d’Assemblée consti­tuante citoyenne, sinon les citoyens eux-mêmes ?

B. Les ateliers constituants, outils pratiques d’éducation populaire pour former une foule de citoyens constituants, gardiens du bien commun

Le régime du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif (fau­ti­ve­ment appe­lé « démo­cra­tie repré­sen­ta­tive » — oxy­more trom­peur), régime de domi­na­tion des élec­teurs par des élus, n’a été vou­lu et impo­sé depuis l’origine que par des élus (Sieyes, Madi­son…). La solu­tion ne vien­dra donc pas des élus, qui sont le pro­blème tant qu’ils confisquent le pou­voir consti­tuant. La solu­tion ne peut venir que des autres, c’est-à-dire des citoyens eux-mêmes.

L’émancipation des élec­teurs (leur muta­tion en citoyens) exige que soit ins­ti­tuée leur puis­sance poli­tique (1) et il fau­drait donc que les élec­teurs s’entraînent à consti­tuer eux-mêmes (2) :

1. Un citoyen digne de ce nom doit être vigilant, donc constituant

La vigi­lance est repé­rée depuis long­temps comme une qua­li­té essen­tielle du citoyen.

Pla­ton : « La puni­tion des gens bons qui ne s’intéressent pas à la poli­tique, c’est d’être gou­ver­nés par des gens mauvais. »

Thu­cy­dide : « Un homme ne se mêlant pas de poli­tique mérite de pas­ser, non pour un citoyen pai­sible, mais pour un citoyen inutile[25]. »

Marat : « Pour res­ter libre, il faut être sans cesse en garde contre ceux qui gou­vernent : rien de plus aisé que de perdre celui qui est sans défiance ; et la trop grande sécu­ri­té des peuples est tou­jours l’a­vant-cou­reur de leur ser­vi­tude[26]. »

Alain : « La démo­cra­tie n’est pas dans l’o­ri­gine popu­laire du pou­voir, elle est dans son contrôle.  La démo­cra­tie, c’est l’exer­cice du contrôle des gou­ver­nés sur les gou­ver­nants. Non pas une fois tous les cinq ans, ni tous les ans, mais tous les jours[27]. »

« Le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif devient bien­tôt le plus cor­rom­pu des gou­ver­ne­ments si le peuple cesse d’inspecter ses repré­sen­tants. Le pro­blème des Fran­çais, c’est qu’ils donnent trop à la confiance, et c’est ain­si qu’on perd la liber­té. Il est vrai que cette confiance est infi­ni­ment com­mode : elle dis­pense du soin de veiller, de pen­ser et de juger. »
Madame Rol­land (1789), citée par Rosan­val­lon (2006, n°3, min. 2:37).

« Tout pou­voir est méchant dès qu’on le laisse faire ; tout pou­voir est sage dès qu’il se sent jugé. »
Émile Char­tier dit « Alain », « Pro­pos », 25 jan­vier 1930.

Donc, nous devons tous être vigi­lants, quotidiennement. 

Mais quelle est l’efficacité d’une vigi­lance pri­vée d’une puis­sance d’agir ? Aujourd’hui, nos anti­cons­ti­tu­tions ne recon­naissent aux élec­teurs rigou­reu­se­ment aucun pou­voir pour se défendre contre les politiciens.

Pour jouer leur rôle de sen­ti­nelles de la démo­cra­tie, les citoyens doivent donc se (voir) doter d’une puis­sance garan­tie (quel que soit le choix fait par ailleurs au sujet des repré­sen­tants — maitres ou serviteurs).

À Athènes, c’était le rôle :

  • du droit de vote des lois à l’Ecclésia, l’assemblée du peuple,
  • mais aus­si de l’iségoria, droit de parole pour tous, à tout moment et à tout pro­pos, per­met­tant à chaque citoyen de deve­nir en cas de dan­ger une sen­ti­nelle de la démo­cra­tie, un gar­dien du bien commun.

Aujourd’hui, cette puis­sance popu­laire ins­ti­tuée pour­rait prendre la forme

  • de la liber­té d’expression,
  • du réfé­ren­dum d’initiative citoyenne,
  • de médias publics acces­sibles à tous,
  • et du sta­tut pro­tec­teur des lan­ceurs d’alerte, par exemple.

Mais jamais les élus n’institueront eux-mêmes la puis­sance des citoyens. Seuls les citoyens eux-mêmes sont capables d’instituer leur propre puis­sance. Il est donc tout à fait déci­sif (et non négo­ciable) que les citoyens soient consti­tuants, c’est-à-dire capables de vou­loir, ins­ti­tuer et défendre eux-mêmes leur contrat social, leur Consti­tu­tion, le texte supé­rieur qui les consti­tue en peuple.

Ceci va deman­der un appren­tis­sage — théo­rique et pra­tique — pour la popu­la­tion. Com­ment faire ?

2. Cette mutation des électeurs-enfants en citoyens-adultes ne pourra advenir que par éducation populaire pratique : les Mini-Ateliers Constituants, Prolifiques et Contagieux

Jamais les élus n’apprendront aux élec­teurs à se pas­ser d’eux, ni même seule­ment à les contrô­ler effi­ca­ce­ment (à cause du conflit d’intérêts).

C’est donc aux citoyens de se for­mer mutuel­le­ment, entre eux, à tra­vers des ren­contres ciblées sur l’écriture d’articles de consti­tu­tion, mini ate­liers consti­tuants « conta­gieux », par édu­ca­tion popu­laire et cas pra­tiques, peer to peer, entre égaux.

Une fois la mul­ti­tude for­mée, habi­tuée aux débats consti­tuants, il appa­raî­tra natu­rel au corps social de tirer au sort les citoyens de l’Assemblée consti­tuante, car l’expérience aura mon­tré que, glo­ba­le­ment, nous écri­vons tous à peu près les mêmes articles.

Les ate­liers consti­tuants prennent ain­si à la racine le mal de l’impuissance popu­laire à défendre le bien com­mun. Ce sont de tels ate­liers que j’anime depuis des années, un peu par­tout dans l’espace francophone.

 

CONCLUSION GÉNÉRALE

Le bien com­mun a besoin de nom­breux gar­diens volon­taires, capables de le com­prendre, de le vou­loir et de le défendre. C’est donc un appren­tis­sage poli­tique, théo­rique et pra­tique, auto­nome, éman­ci­pant, qu’il faut non seule­ment per­mettre mais favo­ri­ser dès le plus jeune âge et jusqu’au bout de la vie.

De ce point de vue, et au terme de cet exa­men, l’élection par­mi des can­di­dats réduit à presque rien le nombre de ces gar­diens du bien com­mun et les expose aux plus graves corruptions.

Au contraire, le tirage au sort, lui, notam­ment celui de l’Assemblée consti­tuante, mul­ti­plie ces gar­diens de l’intérêt géné­ral et les pro­tège de la cor­rup­tion par une dés­in­ci­ta­tion à men­tir et par des contrôles permanents.

Cette ana­lyse est un chan­tier récent (à peine plus de dix ans) et ne doit sur­tout pas deve­nir un domaine d’experts : vous pou­vez, vous devriez, tous par­ti­ci­per à enri­chir cette réflexion et à la renforcer.

Je vous remer­cie de votre attention.
Étienne Chouard.
21 décembre 2016.


III. Textes de référence. Démocratie, élections, tirage au sort…

Il y a trop de textes épa­tants depuis 2500 ans — sur l’élection, sur le tirage au sort, sur la démo­cra­tie, sur la très néces­saire vigi­lance citoyenne à l’encontre des pou­voirs… — pour les citer tous dans un réqui­si­toire comme celui-là.

Aus­si je vous pro­pose d’en consul­ter quelques-uns à part, ci-après, un peu en vrac. Si vous esti­mez que l’une de ces annexes est assez impor­tante et frap­pante pour figu­rer direc­te­ment dans le réqui­si­toire ci-des­sus, signa­lez-le-moi, s’il vous plaît ; et je com­plé­te­rai le texte ci-dessus.

Vous trou­ve­rez encore des mil­liers d’autres pen­sées utiles, rela­tives aux pou­voirs, dans ma page Pré­cieuses pépites (à télé­char­ger ici).

1.    Souveraineté et démocratie

« C’est une loi fon­da­men­tale de la démo­cra­tie que le peuple fasse les lois. »
Mon­tes­quieu, « De l’esprit des lois » (1748), livre II cha­pitre 2.

 

« La sou­ve­rai­ne­té ne peut être repré­sen­tée, par la même rai­son qu’elle peut être alié­née ; elle consiste essen­tiel­le­ment dans la volon­té géné­rale, et la volon­té ne se repré­sente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les dépu­tés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses repré­sen­tants, ils ne sont que ses com­mis­saires ; ils ne peuvent rien conclure défi­ni­ti­ve­ment. Toute loi que le peuple en per­sonne n’a pas rati­fiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’é­lec­tion des membres du par­le­ment : sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liber­té, l’u­sage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. »
Jean-Jacques Rous­seau, Le contrat social (1792).

 

« Démo­cra­tie : sorte de gou­ver­ne­ment où le peuple a toute l’autorité. La démo­cra­tie n’a été flo­ris­sante que dans les répu­bliques de Rome et d’Athènes. »
Fure­tière, Dic­tion­naire uni­ver­sel (1890).

 

« Le démo­crate après tout est celui qui admet qu’un adver­saire peut avoir rai­son, qui le laisse donc s’exprimer et qui accepte de réflé­chir à ses argu­ments. Quand des par­tis ou des hommes se trouvent assez per­sua­dés de leurs rai­sons pour accep­ter de fer­mer la bouche de leurs contra­dic­teurs par la vio­lence, alors la démo­cra­tie n’est plus. »
Albert Camus, extrait de « Démo­cra­tie et Modes­tie », in Com­bat, février 1947.

 

« La démo­cra­tie est un état où le peuple sou­ve­rain, gui­dé par des lois qui sont son ouvrage,  fait par lui-même tout ce qu’il peut bien faire, et par des délé­gués tout ce qu’il ne peut faire lui-même. »
ROBESPIERRE, dis­cours du 18 plu­viôse an II.

 

« Pre­miè­re­ment, un État très petit, où le peuple soit facile à ras­sem­bler, et où chaque citoyen puisse aisé­ment connaître tous les autres ; secon­de­ment, une grande sim­pli­ci­té de mœurs qui pré­vienne la mul­ti­tude d’af­faires et de dis­cus­sions épi­neuses ; ensuite beau­coup d’é­ga­li­té dans les rangs et dans les for­tunes, sans quoi l’é­ga­li­té ne sau­rait sub­sis­ter long­temps dans les droits et l’au­to­ri­té ; enfin peu ou point de luxe, car ou le luxe est l’ef­fet des richesses, ou il les rend néces­saires ; il cor­rompt à la fois le riche et le pauvre, l’un par la pos­ses­sion, l’autre par la convoi­tise ; il vend la patrie à la mol­lesse, à la vani­té ; il ôte à l’É­tat tous ses citoyens pour les asser­vir les uns aux autres, et tous à l’opinion. »
Jean-Jacques Rous­seau, « Du contrat social ou Prin­cipes du droit poli­tique » (1762), livre III, cha­pitre 4 « De la démocratie ».

 

« Le pou­voir doit être bien dis­tin­gué des fonc­tions ; la nation délègue en effet les diverses fonc­tions publiques ; mais le pou­voir ne peut être alié­né ni délé­gué. Si l’on pou­vait délé­guer ces pou­voirs en détail, il s’en sui­vrait que la sou­ve­rai­ne­té pour­rait être déléguée. »
Robes­pierre, « notes manus­crites en marge du pro­jet de consti­tu­tion de 1791 ».

 

« Je ne connais pas d’autre dépo­si­taire sûr du pou­voir suprême dans une socié­té que le peuple lui-même, et si nous ne le pen­sons pas suf­fi­sam­ment com­pé­tent pour exer­cer son contrôle libre­ment, le remède ne consiste pas à le lui reti­rer, mais à l’instruire. »
Tho­mas Jef­fer­son, « Lettre à William Jar­vis » (1820).

 

« Pour les deux auteurs [Mon­tes­quieu et Rous­seau], le concept de démo­cra­tie, appré­hen­dé à par­tir de l’idée de sou­ve­rai­ne­té, implique que le peuple soit lui-même légis­la­teur et magis­trat, qu’il exerce donc à la fois le pou­voir exé­cu­tif et le pou­voir législatif. »
Pierre Rosan­val­lon, « His­toire du mot démo­cra­tie », in « Situa­tions de la démo­cra­tie » (1993), p 12.

 

« Lorsque dans une répu­blique le peuple en corps a la sou­ve­raine puis­sance, c’est une démocratie. »
Mon­tes­quieu, « De l’esprit des lois » (1748), livre II cha­pitre 2.

 

Par la sub­si­dia­ri­té, le sou­ve­rain pro­tège sa sou­ve­rai­ne­té :

  • soit par le haut, comme le pape dont la doc­trine sociale décide qu’un diri­geant ne doit pas faire ce que ses subor­don­nés peuvent faire eux-mêmes,
  • soit par le bas, comme les can­tons suisses qui exigent de voter eux-mêmes toutes les lois qu’ils peuvent voter et de ne délé­guer au niveau supé­rieur que ce qu’ils doivent ration­nel­le­ment déléguer.

 

« La jus­tice est la sou­ve­rai­ne­té de la sou­ve­rai­ne­té. C’est pour­quoi, par la jus­tice, le faible atteint celui qui est très puis­sant, comme par une ordon­nance royale. »
Mythe hindou.

 

« Au lieu de « La sou­ve­rai­ne­té poli­tique réside dans la nation » je pro­po­se­rais « La légi­ti­mi­té est consti­tuée par le libre consen­te­ment du peuple à l’ensemble des auto­ri­tés aux­quelles il est sou­mis ». Cela au moins, il me semble, veut dire quelque chose. »
Simone Weil, « Remarques sur le nou­veau pro­jet de consti­tu­tion » dans « Écrits de Londres », p 87.

 

 

« Dans les États qui jux­ta­posent à la puis­sance légis­la­tive des Chambres la pos­si­bi­li­té de demandes popu­laires de réfé­ren­dums, c’est le peuple qui monte au rang suprême par l’ac­qui­si­tion du pou­voir de pro­non­cer le rejet ou l’a­dop­tion défi­ni­tive des déci­sions par­le­men­taires. Du coup le Par­le­ment se trouve rame­né au rang de simple auto­ri­té : il ne repré­sente plus la volon­té géné­rale que pour cher­cher et pro­po­ser l’ex­pres­sion qu’il convient de don­ner à celle-ci ; il ne rem­plit ain­si qu’of­fice de fonc­tion­naire. Le véri­table sou­ve­rain c’est alors le peuple. »
Car­ré de Mal­berg, dans un article de 1931 « Réfé­ren­dum Ini­tia­tive popu­laire », cité Dans « La démo­cra­tie locale et le réfé­ren­dum » de Marion Pao­let­ti, chez L’Harmattan page 89.

 

[…] « dans une démo­cra­tie, tous les habi­tants qui sont fils de citoyens, tous ceux qui sont nés sur le sol natio­nal, ont ren­du ser­vice à l’État, ou doivent, pour toute autre rai­son, béné­fi­cier du droit de citoyen­ne­té, tous ─ je le répète ─ peuvent se fon­der sur la loi pour récla­mer le droit de vote à l’Assemblée suprême ou pour poser leur can­di­da­ture aux plus hautes charges. »
Spi­no­za, « Trai­té de l’autorité poli­tique » (1677).

 

« Un peuple est d’autant plus démo­cra­tique que la déli­bé­ra­tion, que la réflexion, que l’esprit cri­tique jouent un rôle plus consi­dé­rable dans la marche des affaires publiques. Il l’est d’autant moins que l’inconscience, les habi­tudes inavouées, les sen­ti­ments obs­curs, les pré­ju­gés en un mot sous­traits à l’examen, y sont au contraire prépondérants. »
Émile Dur­kheim, « Leçons de socio­lo­gie » (1950), p 123.

 

« Le régime démo­cra­tique ne peut être conçu, créé et sou­te­nu que par des hommes qui savent qu’ils ne savent pas tout. Le démo­crate est modeste, il avoue une cer­taine part d’ignorance, il recon­naît le carac­tère en par­tie aven­tu­reux de son effort et que tout ne lui est pas don­né, et à par­tir de cet aveu, il recon­naît qu’il a besoin de consul­ter les autres, de com­plé­ter ce qu’il sait. »
Albert Camus, extrait de « Réflexions sur une démo­cra­tie sans caté­chisme », in La Gauche, juillet 1948.

 

« Il n’est ration­nel de nous incli­ner devant une majo­ri­té que lorsque nous sommes désarmés. »
Nicolás Gómez Dávi­la, « Les hor­reurs de la démo­cra­tie », 2003, n°2096.

 

2.    Nécessaire vigilance des citoyens et indispensables contrôles des pouvoirs en démocratie

« Tout chef sera un détes­table tyran si on le laisse faire. »
Alain.

 

« La meilleure for­te­resse des tyrans, c’est l’inertie des peuples. »
Machiavel.

 

« Veiller est le pre­mier devoir de tout bon citoyen. »
Jean-Paul Marat, 13 avril 1792.

 

« C’est une expé­rience éter­nelle que tout homme qui a du pou­voir est por­té à en abu­ser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la ver­tu même a besoin de limites. Pour qu’on ne puisse abu­ser du pou­voir, il faut que, par la dis­po­si­tion des choses, le pou­voir arrête le pouvoir. »
Mon­tes­quieu, L’esprit des lois, livre XI, chap. IV.

 

« Ce qui est bien connu en géné­ral est, pour cette rai­son qu’il est bien connu, non connu. Dans le pro­ces­sus de la connais­sance, le moyen le plus com­mun de se trom­per, soi et les autres, est de pré­sup­po­ser quelque chose comme connu et de l’accepter comme tel. »
G. F. Hegel, « Phé­no­mé­no­lo­gie de l’esprit ».

 

« Pour res­ter libre, il faut être sans cesse en garde contre ceux qui gou­vernent : rien de plus aisé que de perdre celui qui est sans défiance ; et la trop grande sécu­ri­té des peuples est tou­jours l’a­vant-cou­reur de leur servitude.

Mais comme une atten­tion conti­nuelle sur les affaires publiques est au-des­sus de la por­tée de la mul­ti­tude, trop occu­pée d’ailleurs de ses propres affaires, il importe qu’il y ait dans l’État des hommes qui tiennent sans cesse leurs yeux ouverts sur le cabi­net, qui suivent les menées du gou­ver­ne­ment, qui dévoilent ses pro­jets ambi­tieux, qui sonnent l’a­larme aux approches de la tem­pête, qui réveillent la nation de sa léthar­gie, qui lui découvrent l’a­bîme qu’on creuse sous ses pas, et qui s’empressent de noter celui sur qui doit tom­ber l’in­di­gna­tion publique. Aus­si, le plus grand mal­heur qui puisse arri­ver à un État libre, où le prince est puis­sant et entre­pre­nant, c’est qu’il n’y ait ni dis­cus­sions publiques, ni effer­ves­cence, ni partis.

Tout est per­du, quand le peuple devient de sang-froid, et que sans s’in­quié­ter de la conser­va­tion de ses droits, il ne prend plus de part aux affaires : au lieu qu’on voit la liber­té sor­tir sans cesse des feux de la sédition. »
Jean-Paul Marat, « Les chaînes de l’esclavage » (1774).

 

« Le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif devient bien­tôt le plus cor­rom­pu des gou­ver­ne­ments si le peuple cesse d’inspecter ses repré­sen­tants. Le pro­blème des Fran­çais, c’est qu’ils donnent trop à la confiance, et c’est ain­si qu’on perd la liber­té. Il est vrai que cette confiance est infi­ni­ment com­mode : elle dis­pense du soin de veiller, de pen­ser et de juger. »
Madame Rol­land (1789), citée par Rosan­val­lon (2006, n°3, min. 2:37).

 

« Tout pou­voir est méchant dès qu’on le laisse faire ; tout pou­voir est sage dès qu’il se sent jugé. »
Émile Char­tier dit « Alain », « Pro­pos », 25 jan­vier 1930.

 

« La vraie démo­cra­tie ne vien­dra pas de la prise de pou­voir par quelques-uns, mais du pou­voir que tous auront de s’op­po­ser aux abus de pouvoir. »
Gandhi.

 

« La puni­tion des gens bons qui ne s’intéressent pas à la poli­tique, c’est d’être gou­ver­nés par des gens mauvais. »
Platon.

 

« L’acclamation a fait tous les maux de tous les peuples. Le citoyen se trouve por­té au-delà de son propre juge­ment, le pou­voir accla­mé se croit aimé et infaillible ; toute liber­té est per­due. »
Alain, 8 décembre 1923.

 

« La démo­cra­tie n’est pas dans l’o­ri­gine popu­laire du pou­voir, elle est dans son contrôle.  La démo­cra­tie, c’est l’exer­cice du contrôle des gou­ver­nés sur les gou­ver­nants. Non pas une fois tous les cinq ans, ni tous les ans, mais tous les jours. »
Alain.

 

« La vigi­lance ne se délègue pas. »
Alain.

 

« Appre­nez donc que, hors ce qui concerne la dis­ci­pline mili­taire, c’est-à-dire, le manie­ment et la tenue des armes, les exer­cices et les évo­lu­tions, la marche contre les enne­mis des lois et de l’É­tat, les sol­dats de la patrie ne doivent aucune obéis­sance à leurs chefs ; que loin de leur être sou­mis, ils en sont les arbitres ; que leur devoir de citoyen les oblige d’exa­mi­ner les ordres qu’ils en reçoivent, d’en peser les consé­quences, d’en pré­ve­nir les suites. Ain­si lorsque ces ordres sont sus­pects, ils doivent res­ter dans l’i­nac­tion ; lorsque ces ordres blessent les droits de l’homme, ils doivent y oppo­ser un refus for­mel ; lorsque ces ordres mettent en dan­ger la liber­té publique, ils doivent en punir les auteurs ; lorsque ces ordres attentent à la patrie, ils doivent tour­ner leurs armes contre leurs offi­ciers. Tout ser­ment contraire à ces devoirs sacrés, est un sacri­lège qui doit rendre odieux celui qui l’exige, et mépri­sable celui qui le prête. »
Marat, « L’Ami du Peuple », 8 juillet 1790.

 

« Par la divi­sion des spé­cia­listes, qui est une règle de l’é­lite, le gou­ver­ne­ment des meilleurs est pro­pre­ment aveugle. »
Alain, avril 1939.

 

« La liber­té réelle sup­pose une orga­ni­sa­tion constam­ment diri­gée contre le pou­voir.  La liber­té meurt si elle n’agit point. »
Alain.

 

« Le suf­frage périt par l’acclamation. »
Alain, février 1932

 

« Le prix de la liber­té est la vigi­lance éter­nelle. »
Tho­mas Jefferson.

 

« Répé­tez un men­songe assez fort et assez long­temps et les gens le croiront. »
Josef GOEBBELS (1897−1945)

 

« Le droit qu’ont les citoyens de s’as­sem­bler où il leur plaît, et quand il leur plaît, pour s’oc­cu­per de la chose publique, est inhé­rent à tout peuple libre.

Sans ce droit sacré, l’é­tat est dis­sous, et le sou­ve­rain est anéan­ti ; car, dès que les citoyens ne peuvent plus se mon­trer en corps, il ne reste dans l’É­tat que des indi­vi­dus iso­lés ; la nation n’existe plus.

On voit avec quelle adresse les pères conscrits ont anéan­ti la sou­ve­rai­ne­té du peuple, tout en ayant l’air d’as­su­rer la liber­té indi­vi­duelle. En Angle­terre, toute assem­blée pai­sible est licite : la loi ne défend que les attrou­pe­ments sédi­tieux. Voi­là la liberté. »
Marat 16–17 août 1792.

 

« Il en va de la res­pon­sa­bi­li­té de chaque citoyen de ques­tion­ner l’Autorité. »
Ben­ja­min FRANKLIN (1706−1790)

 

« L’homme ne risque pas de s’endormir dans un monde tota­li­taire mais de se réveiller dans un uni­vers qui l’est deve­nu durant son sommeil. »
Arthur KOESTLER (1905−1983)

 

« L’im­por­tant est de construire chaque jour une petite bar­ri­cade, ou, si l’on veut, de tra­duire tous les jours quelque roi devant le tri­bu­nal popu­laire. Disons encore qu’en empê­chant chaque jour d’a­jou­ter une pierre à la Bas­tille, on s’é­pargne la peine de la démolir. »
Alain, Pro­pos, 6 jan­vier 1910.

 

« Ce qui importe, ce n’est pas l’o­ri­gine des pou­voirs, c’est le contrôle conti­nu et effi­cace que les gou­ver­nés exercent sur les gou­ver­nants. Où est donc la Démo­cra­tie, sinon dans ce troi­sième pou­voir que la Science Poli­tique n’a point défi­ni, et que j’ap­pelle le Contrô­leur ? Ce n’est autre chose que le pou­voir, conti­nuel­le­ment effi­cace, de dépo­ser les Rois et les Spé­cia­listes à la minute, s’ils ne conduisent pas les affaires selon l’in­té­rêt du plus grand nombre. Le citoyen a le devoir de pen­ser libre­ment, car les droits des citoyens cré­dules sont comme abo­lis. Obéis­sez, mais n’obéissez pas sans contre­par­tie : sachez dou­ter, refu­sez de croire. N’acclamez point : les pou­voirs seront modé­rés si seule­ment vous vous pri­vez de battre des mains. »
Alain, Pro­pos sur le pouvoir.

 

« Les pou­voirs élus ne valent pas mieux que les autres ; on peut même sou­te­nir qu’ils valent moins. L’é­lec­teur ne sau­ra pas choi­sir le meilleur finan­cier, ni le meilleur poli­cier. Et qui pour­rait choisir ?

Dans le fait les chefs réels s’é­lèvent par un mélange de savoir, de ruse et de bonne chance, et aus­si par l’emportement de l’am­bi­tion. Les chefs sont des pro­duits de nature ; et l’on ne demande point s’il est juste qu’une pomme soit plus grosse qu’une autre. Un chef gros­sit et mûrit de même. Nous voyons par­tout des gros et des petits. Nous savons ce que peut faire un homme qui a beau­coup d’argent. Mais il serait absurde d’é­lire un homme riche, je veux dire de déci­der par des suf­frages que cet homme aura beau­coup d’argent. L’i­né­ga­li­té des hommes est de nature, comme celle des pommes. Et le pou­voir d’un géné­ral d’ar­tille­rie est de même source que celui d’un finan­cier. L’un et l’autre se sont éle­vés par un savoir-faire, par un art de per­sua­der, par un mariage, par des ami­tiés. Tous les deux peuvent beau­coup dans leur métier, et étendent sou­vent leur pou­voir hors de leur métier. Ce pou­voir n’est pas don­né par la masse, mais plu­tôt est subi et recon­nu par elle, sou­vent même accla­mé. Et il serait faible de dire qu’un tel pou­voir dépend du peuple et que le peuple peut le don­ner et le reti­rer. Dans le fait ces hommes gou­vernent. Et de tels hommes sont tou­jours grou­pés en fac­tions rivales, qui ont leurs agents subal­ternes et leurs fidèles sujets. C’est ain­si qu’un riche fabri­cant d’a­vions gou­verne une masse ouvrière par les salaires. Toute socié­té humaine est faite de tels pou­voirs entre­la­cés. Et cha­cun convient que les grands évé­ne­ments poli­tiques dépendent beau­coup des pou­voirs réels, et de leurs conseils secrets. Il y a une élite, et une pen­sée d’é­lite ; d’où dépendent trop sou­vent les lois, les impôts, la marche de la jus­tice et sur­tout la paix et la guerre, grave ques­tion en tous les temps, et aujourd’­hui suprême ques­tion, puisque toutes les familles y sont tra­gi­que­ment intéressées.

Or, ce qu’il y a de neuf dans la poli­tique, ce que l’on désigne du nom de démo­cra­tie, c’est l’or­ga­ni­sa­tion de la   résis­tance   contre   ces   redou­tables   pou­voirs.   Et, comme on ne peut assem­bler tout le peuple pour déci­der si les pou­voirs abusent ou non, cette résis­tance concer­tée se fait par repré­sen­tants élus. Ain­si, l’o­pi­nion com­mune trouve pas­sage ; et tant que les repré­sen­tants sont fidèles et incor­rup­tibles, cela suf­fit. Le propre des assem­blées déli­bé­rantes, c’est qu’elles ne peuvent se sub­sti­tuer aux pou­voirs, ni choi­sir les pou­voirs, mais qu’elles peuvent refu­ser obéis­sance au nom du peuple. Un vote de défiance, selon nos usages poli­tiques, res­semble à une menace de grève, menace que les pou­voirs ne négligent jamais.

D’a­près cette vue, même som­maire, on com­prend pour­quoi tous les pou­voirs réels sont oppo­sés à ce sys­tème ; pour­quoi ils disent et font dire que les repré­sen­tants du peuple sont igno­rants ou ven­dus. Mais la ruse prin­ci­pale des pou­voirs est de cor­rompre les repré­sen­tants par le pou­voir même. C’est très promp­te­ment fait, par ceci, qu’un ministre des Finances, ou de la Guerre, ou de la Marine, tombe dans de grosses fautes s’il ne se laisse conduire par les gens du métier, et se trouve alors l’ob­jet des plus humi­liantes attaques ; et qu’au contraire il est loué par tous les connais­seurs et sacré homme d’É­tat s’il prend le par­ti d’obéir.

C’est ain­si qu’un homme, excellent au contrôle, devient faible et esclave au poste de com­man­de­ment. On com­prend que les repré­sen­tants, sur­tout quand ils ont fait l’ex­pé­rience du pou­voir, montrent de l’in­dul­gence, et soient ain­si les com­plices des pou­voirs réels ; au lieu que ceux qui sont réduits à l’op­po­si­tion se trouvent sou­vent rois du contrôle, et fort gênants.

C’est pour­quoi le pro­blème fameux de la par­ti­ci­pa­tion au pou­voir est le vrai pro­blème, quoi­qu’on ne le traite pas encore à fond. La vraie ques­tion est de savoir si un dépu­té est élu pour faire un ministre, ou pour défaire les ministres par le pou­voir de refus. Ces rap­ports ne font   encore   que   trans­pa­raître.   On   s’é­tonne   que   le Pré­sident suprême ait si peu de pou­voir. Mais n’est-il pas au fond le chef suprême du contrôle ? Ce serait alors un grand et beau pou­voir, devant lequel tous les pou­voirs trem­ble­raient. Ces choses s’é­clair­ci­ront, en dépit des noms anciens, qui obs­cur­cissent tout. »
Alain, « Pro­pos sur le pou­voir », novembre 1931, p 226.

 

« Que nous importent les com­bi­nai­sons qui balancent l’au­to­ri­té des tyrans ? C’est la tyran­nie qu’il faut extir­per. Ce n’est pas dans les que­relles de leurs maîtres que les peuples doivent cher­cher l’a­van­tage de res­pi­rer quelques ins­tants, c’est dans leurs propres forces qu’il faut pla­cer la garan­tie de leurs droits. Il n’y a qu’un tri­bun du peuple que je puisse avouer, c’est le peuple lui-même. »
Robes­pierre, dis­cours contre l’ins­ti­tu­tion d’un Tri­bu­nat (chambre de contrôle des pou­voirs), cité par Pierre Rosan­val­lon, « Les formes de la sou­ve­rai­ne­té néga­tive » (2006), min. 36′.

 

« Les chances de l’erreur sont bien plus nom­breuses encore, lorsque le peuple délègue l’exercice du pou­voir légis­la­tif à un petit nombre d’individus ; c’est-à-dire, lorsque c’est seule­ment par fic­tion que la loi est l’expression de la volon­té du plus grand nombre, ou ce qui est pré­su­mé l’être. […] Sous le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif, sur­tout, c’est-à-dire, quand ce n’est point le peuple qui fait les lois, mais un corps de repré­sen­tants, l’exercice de ce droit sacré [la libre com­mu­ni­ca­tion des pen­sées entre les citoyens] est la seule sau­ve­garde du peuple contre le fléau de l’oligarchie. Comme il est dans la nature des choses que les repré­sen­tants peuvent mettre leur volon­té par­ti­cu­lière à la place de la volon­té géné­rale, il est néces­saire que la voix de l’opinion publique reten­tisse sans cesse autour d’eux, pour balan­cer la puis­sance de l’intérêt per­son­nel et les pas­sions indi­vi­duelles ; pour leur rap­pe­ler, et le but de leur mis­sion et le prin­cipe de leur autorité. 

Là, plus qu’ailleurs, la liber­té de la presse est le seul frein de l’ambition, le seul moyen de rame­ner le légis­la­teur à la règle unique de la légis­la­tion. Si vous l’enchaînez, les repré­sen­tants, déjà supé­rieurs à toute auto­ri­té, déli­vrés encore de la voix impor­tune de ces cen­seurs, éter­nel­le­ment cares­sés par l’intérêt et par l’adulation, deviennent les pro­prié­taires ou les usu­frui­tiers pai­sibles de la for­tune et des droits de la nation ; l’ombre même de la sou­ve­rai­ne­té dis­pa­raît, il ne reste que la plus cruelle, la plus indes­truc­tible de toutes les tyran­nies ; c’est alors qu’il est au moins dif­fi­cile de contes­ter la véri­té de l’anathème fou­droyant de Jean-Jacques Rous­seau contre le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif absolu. »
Robes­pierre, Le Défen­seur de la Consti­tu­tion, n° 5, 17 juin 1792.

 

« C’est à la lueur des flammes de leurs châ­teaux incen­diés qu’ils ont la gran­deur d’âme de renon­cer au pri­vi­lège de tenir dans les fers les hommes qui ont ren­con­tré leur liber­té les armes à la main. […] Ces sacri­fices sont pour la plu­part illusoires. »
Jean-Paul Marat, « L’Ami du Peuple », 21 sep­tembre 1789.

 

« La source de tous nos maux, c’est l’indépendance abso­lue où les repré­sen­tants se sont mis eux-mêmes à l’égard de la nation sans l’avoir consul­tée. Ils ont recon­nu la sou­ve­rai­ne­té de la nation, et ils l’ont anéan­tie. Ils n’étaient de leur aveu même que les man­da­taires du peuple, et ils se sont faits sou­ve­rains, c’est-à-dire des­potes, car le des­po­tisme n’est autre chose que l’usurpation du pou­voir souverain.

Quels que soient les noms des fonc­tion­naires publics et les formes exté­rieures du gou­ver­ne­ment, dans tout État où le sou­ve­rain ne conserve aucun moyen de répri­mer l’abus que ses délé­gués font de sa puis­sance et d’arrêter leurs atten­tats contre la consti­tu­tion de l’État, la nation est esclave, puisqu’elle est aban­don­née abso­lu­ment à la mer­ci de ceux qui exercent l’autorité.

Et comme il est dans la nature des choses que les hommes pré­fèrent leur inté­rêt per­son­nel à l’intérêt public lorsqu’ils peuvent le faire impu­né­ment, il s’ensuit que le peuple est oppri­mé toutes les fois que ses man­da­taires sont abso­lu­ment indé­pen­dants de lui.

Si la nation n’a point encore recueilli les fruits de la révo­lu­tion, si des intri­gants ont rem­pla­cé d’autres intri­gants, si une tyran­nie légale semble avoir suc­cé­dé à l’ancien des­po­tisme, n’en cher­chez point ailleurs la cause que dans le pri­vi­lège que se sont arro­gés les man­da­taires du peuple de se jouer impu­né­ment des droits de ceux qu’ils ont cares­sés bas­se­ment pen­dant les élec­tions. »
Robes­pierre, 29 juillet 1792.

 

« Loin que le chef ait un inté­rêt natu­rel au bon­heur des par­ti­cu­liers, il ne lui est pas rare de cher­cher le sien dans leur misère. La magis­tra­ture est-elle héré­di­taire, c’est sou­vent un enfant qui com­mande à des hommes : est-elle élec­tive, mille incon­vé­nients se font sen­tir dans les élec­tions, et l’on perd dans l’un et l’autre cas tous les avan­tages de la pater­ni­té.  Si vous n’a­vez qu’un seul chef, vous êtes à la dis­cré­tion d’un maître qui n’a nulle rai­son de vous aimer ; si vous en avez plu­sieurs, il faut sup­por­ter à la fois leur tyran­nie et leurs divi­sions. En un mot, les abus sont inévi­tables et leurs suites funestes dans toute socié­té, où l’in­té­rêt public et les lois n’ont aucune force natu­relle, et sont sans cesse atta­qués par l’in­té­rêt per­son­nel et les pas­sions du chef et des membres. […]

Je prie mes lec­teurs de bien dis­tin­guer entre l’é­co­no­mie publique dont j’ai à par­ler, et que j’ap­pelle gou­ver­ne­ment, de l’au­to­ri­té suprême que j’ap­pelle sou­ve­rai­ne­té ; dis­tinc­tion qui consiste en ce que l’une a le droit légis­la­tif, et oblige en cer­tains cas le corps même de la nation, tan­dis que l’autre n’a que la puis­sance exé­cu­trice, et ne peut obli­ger que les par­ti­cu­liers. […] et en géné­ral ce serait une grande folie d’es­pé­rer que ceux qui dans le fait sont les maîtres pré­fé­re­ront un autre inté­rêt au leur. […]

Plus vous mul­ti­pliez les lois, plus vous les ren­dez mépri­sables : et tous les sur­veillants que vous ins­ti­tuez ne sont que de nou­veaux infrac­teurs des­ti­nés à par­ta­ger avec les anciens, ou à faire leur pillage à part. […] Toute l’ha­bi­le­té de ces grands poli­tiques est de fas­ci­ner tel­le­ment les yeux de ceux dont ils ont besoin, que cha­cun croie tra­vailler pour son inté­rêt en tra­vaillant pour le leur ; je dis le leur, si tant est qu’en effet le véri­table inté­rêt des chefs soit d’a­néan­tir les peuples pour les sou­mettre, et de rui­ner leur propre bien pour s’en assu­rer la possession. […]

Les mœurs publiques sup­pléent au génie des chefs ; et plus la ver­tu règne, moins les talents sont néces­saires. L’am­bi­tion même est mieux ser­vie par le devoir que par l’u­sur­pa­tion : le peuple convain­cu que ses chefs ne tra­vaillent qu’à faire son bon­heur, les dis­pense par sa défé­rence de tra­vailler à affer­mir leur pou­voir ; et l’his­toire nous montre en mille endroits que l’au­to­ri­té qu’il accorde à ceux qu’il aime et dont il est aimé, est cent fois plus abso­lue que toute la tyran­nie des usur­pa­teurs. […] Ce n’est pas assez de dire aux citoyens, soyez bons ; il faut leur apprendre à l’être ; et l’exemple même, qui est à cet égard la pre­mière leçon, n’est pas le seul moyen qu’il faille employer : l’a­mour de la patrie est le plus effi­cace ; car comme je l’ai déjà dit, tout homme est ver­tueux quand sa volon­té par­ti­cu­lière est conforme en tout à la volon­té géné­rale, et nous vou­lons volon­tiers ce que veulent les gens que nous aimons. »
Jean-Jacques Rous­seau, Dis­cours sur l’économie poli­tique (1755).

 

« Il faut qu’une consti­tu­tion soit courte et obs­cure. Elle doit être faite de manière à ne pas gêner l’ac­tion du gouvernement. »
Napo­léon Bonaparte.

 

« Sitôt que le ser­vice public cesse d’être la prin­ci­pale affaire des citoyens, et qu’ils aiment mieux ser­vir de leur bourse que de leur per­sonne, l’É­tat est déjà près de sa ruine. Faut-il mar­cher au com­bat ? ils payent des troupes et res­tent chez eux ; faut-il aller au conseil ? ils nomment des dépu­tés et res­tent chez eux. À force de paresse et d’argent, ils ont enfin des sol­dats pour asser­vir la patrie, et des repré­sen­tants pour la vendre.

C’est le tra­cas du com­merce et des arts, c’est l’a­vide inté­rêt du gain, c’est la mol­lesse et l’a­mour des com­mo­di­tés, qui changent les ser­vices per­son­nels en argent. On cède une par­tie de son pro­fit pour l’aug­men­ter à son aise. Don­nez de l’argent, et bien­tôt vous aurez des fers. Ce mot de finance est un mot d’es­clave, il est incon­nu dans la cité. Dans un pays vrai­ment libre, les citoyens font tout avec leurs bras, et rien avec de l’argent ; loin de payer pour s’exemp­ter de leurs devoirs, ils paye­raient pour les rem­plir eux-mêmes. Je suis bien loin des idées com­munes ; je crois les cor­vées moins contraires à la liber­té que les taxes.

Mieux l’État est consti­tué, plus les affaires publiques l’emportent sur les pri­vées, dans l’es­prit des citoyens. Il y a même beau­coup moins d’af­faires pri­vées, parce que la somme du bon­heur com­mun four­nis­sant une por­tion plus consi­dé­rable à celui de chaque indi­vi­du, il lui en reste moins à cher­cher dans les soins par­ti­cu­liers. Dans une cité bien conduite, cha­cun vole aux assem­blées ; sous un mau­vais gou­ver­ne­ment, nul n’aime à faire un pas pour s’y rendre, parce que nul ne prend inté­rêt à ce qui s’y fait, qu’on pré­voit que la volon­té géné­rale n’y domi­ne­ra pas, et qu’en­fin les soins domes­tiques absorbent tout. Les bonnes lois en font faire de meilleures, les mau­vaises en amènent de pires. Sitôt que quel­qu’un dit des affaires de l’É­tat : Que m’im­porte ? on doit comp­ter que l’É­tat est perdu.

L’at­tié­dis­se­ment de l’a­mour de la patrie, l’ac­ti­vi­té de l’in­té­rêt pri­vé, l’im­men­si­té des États, les conquêtes, l’a­bus du gou­ver­ne­ment, ont fait ima­gi­ner la voie des dépu­tés ou repré­sen­tants du peuple dans les assem­blées de la nation. C’est ce qu’en cer­tain pays on ose appe­ler le tiers état. Ain­si l’in­té­rêt par­ti­cu­lier de deux ordres est mis au pre­mier et second rang ; l’in­té­rêt public n’est qu’au troisième.

La sou­ve­rai­ne­té ne peut être repré­sen­tée, par la même rai­son qu’elle peut être alié­née ; elle consiste essen­tiel­le­ment dans la volon­té géné­rale, et la volon­té ne se repré­sente point : elle est la même, ou elle est autre ; il n’y a point de milieu. Les dépu­tés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses repré­sen­tants, ils ne sont que ses com­mis­saires ; ils ne peuvent rien conclure défi­ni­ti­ve­ment. Toute loi que le peuple en per­sonne n’a pas rati­fiée est nulle ; ce n’est point une loi. Le peuple Anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’é­lec­tion des membres du par­le­ment : sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. Dans les courts moments de sa liber­té, l’u­sage qu’il en fait mérite bien qu’il la perde. »
Jean-Jacques Rous­seau, Du contrat social (1762), Cha­pitre 3.15 : Des dépu­tés ou repré­sen­tants (extrait).

 

3.    Projets ouvertement antidémocratiques des pères fondateurs du gouvernement représentatif

« Les citoyens qui se nomment des repré­sen­tants renoncent et doivent renon­cer à faire eux-mêmes la loi ; ils n’ont pas de volon­té par­ti­cu­lière à impo­ser. S’ils dic­taient des volon­tés, la France ne serait plus cet État repré­sen­ta­tif ; ce serait un État démo­cra­tique. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n’est pas une démo­cra­tie (et la France ne sau­rait l’être), le peuple ne peut par­ler, ne peut agir que par ses représentants. »
Abbé SIEYES, Dis­cours du 7 sep­tembre 1789.

 

« Si la foule gou­ver­née peut se croire l’é­gale du petit nombre qui gou­verne, alors il n’y a plus de gou­ver­ne­ment. Le pou­voir doit être hors de por­tée de la com­pré­hen­sion de la foule des gou­ver­nés. L’au­to­ri­té doit être constam­ment gar­dée au-des­sus du juge­ment cri­tique à tra­vers les ins­tru­ments psy­cho­lo­giques de la reli­gion, du patrio­tisme, de la tra­di­tion et du pré­ju­gé… Il ne faut pas culti­ver la rai­son du peuple mais ses sen­ti­ments, il faut donc les diri­ger et for­mer son cœur non son esprit. »
Joseph de Maistre (1753 – 1821) « Étude sur la sou­ve­rai­ne­té » (Œuvres com­plètes, Lyon, 1891–1892), cité Fabrice Arfi dans « Le sens des affaires » page 71.

 

« Le concours immé­diat est celui qui carac­té­rise la véri­table démo­cra­tie. Le concours médiat désigne le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif. La dif­fé­rence entre ces deux sys­tèmes poli­tiques est énorme. »
Sieyes, Dire sur la ques­tion du véto royal, 7 sep­tembre 1789, p 14.

 

« Il est déjà bien suf­fi­sant que les gens sachent qu’il y a eu une élec­tion. Les gens qui votent ne décident rien. Ce sont ceux qui comptent les votes qui décident de tout. »
Joseph Sta­line (1879−1953).

 

« Quelque heu­reux que puissent être les chan­ge­ments sur­ve­nus dans l’État, ils sont tous pour le riche : le ciel fut tou­jours d’airain pour le pauvre, et le sera tou­jours… Qu’aurons-nous gagné à détruire l’aristocratie des nobles, si elle est rem­pla­cée par l’aristocratie des riches ? »
Jean-Paul Marat (1790), cité par Jean Mas­sin, p 28.

 

« Un peuple sans reli­gion sera bien­tôt un peuple de brigands. »
Voltaire.

 

« La reli­gion est l’art d’en­ivrer les hommes pour détour­ner leur esprit des maux dont les accablent ceux qui gou­vernent. À l’aide des puis­sances invi­sibles dont on les menace, on les force à souf­frir en silence les misères qu’ils doivent aux puis­sances visibles. »
D’Holbach, « Le sys­tème de la nature », cité par Hen­ri Guille­min (dans son livre Éclaircissements).

 

« C’est la phi­lo­so­phie d’un gueux qui vou­drait que les riches fussent dépouillés par les pauvres. »
Vol­taire, à pro­pos du « Dis­cours sur l’origine des inéga­li­tés par­mi les hommes » de Jean-Jacques Rous­seau, et cité par Hen­ri Guille­min expli­quant Rous­seau (1÷2, min. 24:25).

 

« Il est néces­saire qu’il y ait des gueux igno­rants pour nour­rir les gens de bien. »
Vol­taire, cité par Hen­ri Guille­min (min. 36:30).

 

« La croyance des peines et des récom­penses après la mort est un frein dont le peuple a besoin »
Vol­taire, cité par Hen­ri Guille­min (dans son livre Éclaircissements).

 

« Je crois que nous ne nous enten­dons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être ins­truit. J’entends par peuple la popu­lace, qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capa­ci­té de s’instruire ; ils mour­raient de faim avant de deve­nir phi­lo­sophes. Il me paraît essen­tiel qu’il y ait des gueux igno­rants. Si vous fai­siez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des char­rues, vous seriez bien de mon avis. Ce n’est pas le manœuvre qu’il faut ins­truire, c’est le bon bour­geois, c’est l’habitant des villes ; […] Quand la popu­lace se mêle de rai­son­ner, tout est per­du. »
VOLTAIRE, Lettre à M. Damil­la­ville (1er avril 1766), dans Œuvres de Vol­taire, éd. Lefèvre, 1828, t. 69, p. 131

 

« Théo­ri­cien de la puis­sance éta­tique, Car­ré de Mal­berg a mon­tré d’une façon défi­ni­tive com­ment le phé­no­mène du Pou­voir — qu’au­jourd’­hui la science poli­tique s’ef­force de cer­ner dans la diver­si­té de ses mani­fes­ta­tions brutes — trouve dans l’É­tat son expres­sion par­faite. L’É­tat n’est pas seule­ment le lieu de la domi­na­tion ; il est aus­si l’ap­pa­reil qui per­met de la contrô­ler car, par la consti­tu­tion, il impose un sta­tut aux gou­ver­nants. Ce sta­tut défi­nit en même temps la fina­li­té et les moda­li­tés de leur action, d’où la thèse sou­te­nue par Car­ré de Mal­berg quant à l’au­to-limi­ta­tion de l’É­tat. Encore faut-il cepen­dant que la consti­tu­tion soit l’œuvre du peuple et que les gou­ver­nants ne soient pas libres d’en don­ner une inter­pré­ta­tion favo­rable à leur volon­té de puis­sance. C’est pré­ci­sé­ment la mécon­nais­sance de ces condi­tions, volon­tai­re­ment entre­te­nue depuis 1791 par le per­son­nel poli­tique fran­çais, qui a conduit au régime de la Illème Répu­blique où LE PARLEMENT A SUBSTITUÉ SA PROPRE SOUVERAINETÉ À CELLE DE LA NATION.

[Le livre] « La loi, expres­sion de la volon­té géné­rale » apporte la démons­tra­tion de cette ESCROQUERIE INTELLECTUELLE. Il en révèle l’o­ri­gine (une défi­ni­tion fal­si­fiée de la volon­té géné­rale), il en décrit l’ins­tru­ment (une concep­tion par­tiale de la repré­sen­ta­tion) ; il en expose les consé­quences, (une théo­rie de la léga­li­té qui a pour effet de subor­don­ner toutes les auto­ri­tés éta­tiques à la volon­té arbi­traire du Par­le­ment). La démons­tra­tion met en cause la qua­si-tota­li­té de l’or­don­nan­ce­ment consti­tu­tion­nel de notre pays et, de ce fait, l’œuvre que l’on va lire n’est pas sim­ple­ment consa­crée à un pro­blème spé­ci­fique et limi­té ; elle est un véri­table Trai­té de droit public fran­çais. Un Trai­té qui, par la richesse de son infor­ma­tion, la rigueur de sa construc­tion et la per­fec­tion de son style, consti­tue une source irrem­pla­çable de connais­sance en même temps qu’une joie pour l’esprit. »
Georges Bur­deau, Pré­face du grand livre « La loi, expres­sion de la volon­té géné­rale », de Ber­trand Car­ré de Mal­berg (1931).

 

« Pour­tant, aujourd’hui comme hier, les libé­raux vic­to­rieux gar­daient une secrète méfiance envers le spectre de la sou­ve­rai­ne­té popu­laire qui s’agite sous la sur­face lisse du for­ma­lisme démo­cra­tique. « J’ai pour les ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques un goût de tête, confiait Toc­que­ville, mais je suis aris­to­cra­tique par l’instinct, c’est-à-dire que je méprise et crains la foule. J’aime à fond la liber­té, le res­pect des droits, mais non la démo­cra­tie. » [New York Dai­ly Tri­bune, 25 juin 1853]. La peur des masses et la pas­sion de l’ordre, tel est bien le fond de l’idéologie libé­rale, pour qui le terme de démo­cra­tie n’est en somme que le faux-nez du des­po­tisme mar­chand et de sa concur­rence non faussée. »
Daniel Ben­saïd dans « Le scan­dale per­ma­nent » in « Démo­cra­tie, dans quel état ? » (ouvrage col­lec­tif), La Fabrique, Paris, 2009.

 

« Nos contem­po­rains sont inces­sam­ment tra­vaillés par deux pas­sions enne­mies : ils sentent le besoin d’être conduits et l’en­vie de res­ter libres. Ne pou­vant détruire ni l’un ni l’autre de ces ins­tincts contraires, ils s’ef­forcent de les satis­faire à la fois tous les deux. Ils ima­ginent un pou­voir unique, tuté­laire, tout-puis­sant, mais élu par les citoyens. Ils com­binent la cen­tra­li­sa­tion et la sou­ve­rai­ne­té du peuple. Cela leur donne quelque relâche. Ils se consolent d’être en tutelle, en son­geant qu’ils ont eux-mêmes choi­si leurs tuteurs. Chaque indi­vi­du souffre qu’on l’at­tache, parce qu’il voit que ce n’est pas un homme ni une classe, mais le peuple lui-même, qui tient le bout de la chaîne. Dans ce sys­tème, les citoyens sortent un moment de la dépen­dance pour indi­quer leur maître, et y rentrent. »
Alexis de Toc­que­ville, De la Démo­cra­tie en Amé­rique II, Qua­trième par­tie, cha­pitre VI.

 

« Le rôle du public ne consiste pas vrai­ment à expri­mer ses opi­nions, mais à s’a­li­gner ou non der­rière une opi­nion. Cela posé, il faut ces­ser de dire qu’un gou­ver­ne­ment démo­cra­tique peut être l’ex­pres­sion directe de la volon­té du peuple. Le peuple doit être mis à sa place, afin que les hommes res­pon­sables puissent vivre sans crainte d’être pié­tines ou encor­nés par le trou­peau de bêtes sauvages. »
Wal­ter Lipp­mann, « L’o­pi­nion publique » (1922)  et « Le public fan­tôme » (1925), 2 pas­sages cités par Her­vé Kempf, dans « L’o­li­gar­chie ça suf­fit, vive la démo­cra­tie  (2011), p 87.

 

« L’éducation de masse fut conçue pour trans­for­mer les fer­miers indé­pen­dants en ins­tru­ments de pro­duc­tion dociles et pas­sifs. C’était son pre­mier objec­tif. Et ne pen­sez pas que les gens n’étaient pas au cou­rant. Ils le savaient et l’ont com­bat­tu. Il y eut beau­coup de résis­tance à l’éducation de masse pour cette rai­son. C’était aus­si com­pris par les élites. Emer­son a dit une fois quelque chose sur la façon dont on les éduque pour les empê­cher de nous sau­ter à la gorge. Si vous ne les édu­quez pas, ce qu’on appelle l’« édu­ca­tion », ils vont prendre le contrôle — « ils » étant ce qu’Alexander Hamil­ton appe­lait la « grande Bête », c’est-à-dire le peuple. La pous­sée anti-démo­cra­tique de l’opinion dans ce qui est appe­lé les socié­tés démo­cra­tiques est tout bon­ne­ment féroce. »
Noam Chomsky.

 

« Il est fort bon de faire accroire aux hommes qu’ils ont une âme immor­telle et qu’il y a un Dieu ven­geur qui puni­ra mes pay­sans s’ils me volent mon blé et mon vin ».
Vol­taire, cité par Hen­ri Guille­min (dans son livre Éclaircissements).

 

4.    Le mensonge comme arme centrale des politiciens de métier, « les pires gouverneront »

« Il faut men­tir comme un diable, non pas timi­de­ment, non pas pour un temps, mais har­di­ment et tou­jours. Men­tez, mes amis, men­tez, je vous le ren­drai un jour. »
Vol­taire (la réfé­rence morale des élus et de leurs don­neurs d’ordres), Lettre à Thi­riot, 21 octobre 1736.

 

« Pour pou­voir deve­nir le maître, le poli­ti­cien se fait pas­ser pour le servant. »
Charles de Gaulle (1890−1970), Géné­ral et Pré­sident Français.

 

« Le poli­tique s’efforce à domi­ner l’opinion… Aus­si met-il tout son art à la séduire, dis­si­mu­lant sui­vant l’heure, n’affirmant qu’opportunément… Enfin, par mille intrigues et ser­ments, voi­ci qu’il l’a conquise : elle lui donne le pou­voir. À pré­sent, va-t-il agir sans feindre ? Mais non ! Il lui faut plaire encore, convaincre le prince ou le par­le­ment, flat­ter les pas­sions, tenir en haleine les intérêts. »
Charles de Gaulle

 

« Bona­parte a le goût des mal­hon­nêtes gens, il aime à s’entourer de canailles, et il le dit ─ c’est pour ça, d’ailleurs, qu’il va ché­rir Tal­ley­rand ─, il y a une phrase de lui extrê­me­ment claire là-des­sus : « il y a long­temps que j’ai consta­té que les gens hon­nêtes ne sont bons à rien ». »
Hen­ri Guille­min, confé­rence n°11/15 sur Napo­léon, min. 21.

 

« Il y a ce qu’on dit et il y a ce qu’on fait. Il y a un voca­bu­laire à attra­per, et il est facile avec quelques mots ─ liber­té et indé­pen­dance natio­nale ─ de se faire écou­ter des imbéciles. »
Bona­parte, automne 1795, cité par Hen­ri Guille­min (confé­rence n°3/15 sur Napo­léon, « Un mili­taire abu­sif », min. 19:15).

 

« Les hommes sont comme les lapins : ils s’attrapent par les oreilles… »
Mot attri­bué à Mira­beau (qui en connais­sait un rayon).

 

« La mani­pu­la­tion consciente et intel­li­gente des opi­nions et des habi­tudes orga­ni­sées des masses joue un rôle impor­tant dans les socié­tés démo­cra­tiques. Ceux qui mani­pulent ce méca­nisme social imper­cep­tible fun gou­ver­ne­ment invi­sible qui dirige véri­ta­ble­ment le pays. »
Edward Ber­nays, « Pro­pa­gan­da » (1928), p 31.

 

« Par le temps qui court, cha­cun a la pré­ten­tion d’être démo­crate sans même en exemp­ter ceux qui, par inté­rêt ou par pré­ju­gé, sont les enne­mis les plus impla­cables de toute démo­cra­tie. Le ban­quier qui s’est enri­chi dans les sales tri­po­tages de la bourse, et l’orateur sub­ven­tion­né qui monte à la tri­bune pré­ten­du­ment natio­nale pour y défendre les plus révol­tants mono­poles se disent démo­crates ; le jour­nal qui chaque jour se fait l’écho des décla­ma­tions aris­to­cra­tiques et qui se tourne avec le plus de fureur contre la liber­té et l’égalité se dit démocrate. »
Albert Lapon­ne­raye, Lettre aux Pro­lé­taires (1833), cité par Pierre Rosan­val­lon dans son article de 1993 sur les ori­gines du mot démocratie.

 

« C’est prin­ci­pa­le­ment, sinon exclu­si­ve­ment, par le don ora­toire que les chefs ont réus­si, à l’o­ri­gine du mou­ve­ment ouvrier, à gagner leur supré­ma­tie sur les masses. Il n’est pas de foule qui soit capable de se sous­traire au pou­voir esthé­tique et émo­tif de la parole. La beau­té du dis­cours sug­ges­tionne la masse, et la sug­ges­tion la livre sans résis­tance à l’influence de l’orateur. Or, ce qui carac­té­rise essen­tiel­le­ment la démo­cra­tie, c’est pré­ci­sé­ment la faci­li­té avec laquelle elle suc­combe à la magie du verbe. Dans le régime démo­cra­tique, les chefs nés sont ora­teurs et jour­na­listes. […] Dans les États démo­cra­tiques règne la convic­tion que seul le don de la parole rend apte à diri­ger les affaires publiques. On peut en dire autant, et d’une façon encore plus abso­lue, des grands par­tis démocratiques. »
Robert Michels, « Les par­tis poli­tiques. Essai sur les ten­dances oli­gar­chiques des démo­cra­ties » (1911), p 49.

 

« Il est plus facile de domi­ner la masse qu’un petit audi­toire. L’adhé­sion de celle-là est en effet tumul­tueuse, som­maire, incon­di­tion­née. Une fois sug­ges­tion­née, elle n’ad­met pas volon­tiers les contra­dic­tions, sur­tout de la part d’in­di­vi­dus iso­lés. Une grande mul­ti­tude réunie dans un petit espace est incon­tes­ta­ble­ment plus acces­sible à la panique aveugle ou à l’en­thou­siasme irré­flé­chi qu’une petite réunion dont les membres peuvent tran­quille­ment dis­cu­ter entre eux.

[…]

Actes et paroles sont moins pesés par la foule que par les indi­vi­dus ou les petits groupes dont elle se com­pose. C’est là un fait incon­tes­table. Il est une des mani­fes­ta­tions de la patho­lo­gie de la foule. La mul­ti­tude anni­hile l’in­di­vi­du, et, avec lui, sa per­son­na­li­té et son sen­ti­ment de responsabilité. »
Robert Michels, « Les par­tis poli­tiques – Essai sur les ten­dances oli­gar­chiques des démo­cra­ties » (1911).

 

« [Jacques Ellul] qui déjà dans la pre­mière moi­tié du siècle der­nier ensei­gnait que le fon­de­ment de la légi­ti­ma­tion juri­dique du pou­voir poli­tique (la volon­té popu­laire expri­mée par le vote) est une chi­mère objec­ti­ve­ment irréa­li­sable, un mythe ridi­cule mais bien utile pour gou­ver­ner, et bien connu comme tel dans les milieux poli­tiques et socio­lo­giques. La réa­li­té des sys­tèmes démo­cra­tiques n’est pas dans la volon­té d’une base gui­dant les déci­sions du som­met, mais dans la volon­té du som­met de pro­duire du consen­sus, c’est-à-dire l’acquiescement de la base à ses déci­sions, et ceci notam­ment grâce à la mani­pu­la­tion de l’information (cen­sures, distorsions). »
Jacques ELLUL (cité par Mar­co del­la Luna et Pao­lo Cio­ni  dans « Neuro-Esclaves »).

 

« Par le moyen de méthodes tou­jours plus effi­caces de mani­pu­la­tion men­tale, les démo­cra­ties chan­ge­ront de nature. Les vieilles formes pit­to­resques — élec­tions, par­le­ments, hautes cours de jus­tice — demeu­re­ront, mais la sub­stance sous-jacente sera une nou­velle forme de tota­li­ta­risme « non violent ». Toutes les appel­la­tions tra­di­tion­nelles, tous les slo­gans consa­crés, res­te­ront exac­te­ment ce qu’ils étaient aux bons vieux temps. La démo­cra­tie et la liber­té seront les thèmes de toutes les émis­sions (…) et de tous les édi­to­riaux, mais (…) l’o­li­gar­chie au pou­voir et son élite hau­te­ment qua­li­fiée de sol­dats, de poli­ciers, de fabri­cants de pen­sée, de mani­pu­la­teurs men­taux, mène­ra tout et tout le monde comme bon lui semblera. »
Aldous Hux­ley, « Retour au meilleur des monde » (1958).

 

« Bien sûr, le peuple ne veut pas la guerre. C’est natu­rel et on le com­prend. Mais après tout, ce sont les diri­geants du pays qui décident des poli­tiques. Qu’il s’a­gisse d’une démo­cra­tie, d’une dic­ta­ture fas­ciste, d’un par­le­ment ou d’une dic­ta­ture com­mu­niste, il sera tou­jours facile d’a­me­ner le peuple à suivre. Qu’il ait ou non droit de parole, le peuple peut tou­jours être ame­né à pen­ser comme ses diri­geants. C’est facile. Il suf­fit de lui dire qu’il est atta­qué, de dénon­cer le manque de patrio­tisme des paci­fistes et d’as­su­rer qu’ils mettent le pays en dan­ger. Les tech­niques res­tent les mêmes, quel que soit le pays. »
Her­man Goe­ring (durant son pro­cès à Nuremberg).

 

« Dou­tez de tout ce qu’une per­sonne de pou­voir peut vous dire. En public, les ins­ti­tu­tions se pré­sentent sys­té­ma­ti­que­ment sous leur meilleur jour. Comp­tables de leurs actes et de leur répu­ta­tion, les per­sonnes qui les gèrent ont tou­jours ten­dance à men­tir un peu, à arron­dir les angles, à cacher les pro­blèmes, voire à nier leur exis­tence. Ce qu’elles disent peut être vrai, mais l’or­ga­ni­sa­tion sociale leur donne toutes les rai­sons de men­tir. Un par­ti­ci­pant de la socié­té cor­rec­te­ment socia­li­sé peut les croire ; un socio­logue cor­rec­te­ment socia­li­sé doit en revanche soup­çon­ner le pire, et le traquer. »
Howard S. Becker, Les ficelles du métier, 1998.

 

« Les gou­ver­ne­ments pro­tègent et récom­pensent les hommes à pro­por­tion de la part qu’ils prennent à l’or­ga­ni­sa­tion du mensonge. »
Léon Tolstoï.

 

« Désor­mais, nous dit-on, l’individu est roi et le roi est sujet. Tout devrait donc être pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’est, du moins, ce que cherchent à nous faire croire tous ces pro­fes­sion­nels de la poli­tique qui occupent le devant de la scène à nos dépens. Car, hélas, le pré­sent est tou­jours à l’image du pas­sé : le pri­vi­lège du pou­voir n’est pas de répondre aux ques­tions ─ de voter ─ mais de les poser ─ d’organiser les élections. »
Upins­ky, « Com­ment vous aurez tous la tête cou­pée (ou la parole). Le cal­cul et la mort sont les deux pôles de la poli­tique » (1991), p 25.

 

« Pour dire un men­songe, on peut aller vite. Pour dire la véri­té, il faut réflé­chir. Men­songe et véri­té ne sont pas les deux faces d’une même pièce : il est plus facile de dire un men­songe qu’une véri­té ; le men­songe s’accommode mieux de la vitesse, de la non réflexion, du n’importequoitisme. La véri­té, c’est un pro­ces­sus long, qui demande du temps. »
Vik­tor Dedaj.

 

« Les hommes ont deux res­sorts : la crainte et l’intérêt. Il faut leur faire peur et leur mon­trer un avantage. »
Bona­parte, cité par Hen­ri Guille­min, confé­rence n°11/15 sur Napoléon.

 

« Il faut par­ler paix et agir guerre. »
Bona­parte, cité par Hen­ri Guillemin.

 

« Il faut tou­jours mettre autour des actions une confi­ture de paroles. »
Napo­léon Bonaparte.

 

« Bien ana­ly­sée, la liber­té poli­tique est une fable conve­nue, ima­gi­née par les gou­ver­nants pour endor­mir les gouvernés. »
Napo­léon Bonaparte.

 

5.    Pertinence de l’opinion (et nécessaire participation) des simples citoyens

 

Liber­té d’expression et res­pect mutuel de rigueur, prô­nés par­tout dans l’Inde du 3e siècle avant JC : l’édit d’Erragudi :

« La crois­sance des élé­ments du Dhar­ma [com­por­te­ment cor­rect] est pos­sible de bien des façons. C’est la réserve à l’égard de la parole qui en est la racine, afin de ne pas encen­ser sa propre secte et de ne pas déni­grer les autres sectes dans des cir­cons­tances inop­por­tunes ; et même dans des cir­cons­tances appro­priées, cette parole doit gar­der sa modé­ra­tion. Au contraire, les autres sectes devraient être dûment hono­rées de toutes façons et en toutes occasions […]

Si quelqu’un agit dif­fé­rem­ment, non seule­ment il fait injure aux siens, mais il porte aus­si atteinte aux autres. En véri­té, si quelqu’un exalte sa secte et dénigre les autres dans l’intention de glo­ri­fier la sienne, uni­que­ment pour l’attachement qu’il lui porte, il ne fait que bles­ser gra­ve­ment les siens en agis­sant de la sorte. »
Édit d’Erragudi, cité par Amar­tya Sen, « La démo­cra­tie des autres », page 29.

 

« La manière la plus prompte de faire ouvrir les yeux à un peuple est de mettre indi­vi­duel­le­ment cha­cun à même de juger par lui-même et en détail de l’objet qu’il n’avait jusque-là appré­cié qu’en gros. »
Machia­vel, « Dis­cor­si » I, 47.

 

« La liber­té de tout dire n’a d’ennemis que ceux qui veulent se réser­ver la liber­té de tout faire. Quand il est per­mis de tout dire, la véri­té parle d’elle-même et son triomphe est assuré. »
Jean-Paul Marat « Les Chaînes de l’esclavage »

 

 

Machia­vel. Dis­cours sur la Pre­mière Décade de Tite-Live (1531) Livre 1,
Cha­pitre 58 : La foule est plus sage et plus constante qu’un prince« Tite-Live et tous les autres his­to­riens affirment qu’il n’est rien de plus chan­geant et de plus incons­tant que la foule. Il arrive sou­vent, en effet, lors­qu’on raconte les actions des hommes, que l’on voie la foule condam­ner quel­qu’un à mort, et puis le pleu­rer et le regret­ter amè­re­ment. […]Vou­lant défendre une cause contre laquelle, comme je l’ai dit, tous les his­to­riens se sont décla­rés, je crains de m’en­ga­ger dans un domaine si ardu et dif­fi­cile qu’il me fau­dra l’a­ban­don­ner hon­teu­se­ment ou le par­cou­rir dif­fi­ci­le­ment. Mais, quoi qu’il en soit, je ne pense ni ne pen­se­rai jamais que ce soit un tort que de défendre une opi­nion par le rai­son­ne­ment, sans vou­loir recou­rir ni à la force ni à l’autorité.Je dis donc que ce défaut dont les écri­vains accusent la foule, on peut en accu­ser tous les hommes per­son­nel­le­ment, et notam­ment les princes. Car tout indi­vi­du qui n’est pas sou­mis aux lois peut com­mettre les mêmes erreurs qu’une foule sans contraintes. On peut aisé­ment consta­ter ce fait, parce qu’il y a et qu’il y a eu beau­coup de princes, et qu’il y en a eu peu qui furent bons et sages : je parle des princes qui ont pu rompre le frein qui pou­vait les rete­nir. Par­mi ceux-ci on ne peut comp­ter les rois d’É­gypte, à l’é­poque très ancienne où ce pays était gou­ver­né par des lois ; ni les rois de France de notre temps, dont le pou­voir est plus réglé par les lois que dans tout autre royaume de notre temps. Les rois qui vivent sous de tels édits ne sont pas à comp­ter au nombre des indi­vi­dus dont il faut consi­dé­rer la nature pour voir si elle est sem­blable à celle de la foule. Car on doit les com­pa­rer avec une foule réglée par les lois, comme ils le sont eux-mêmes. On trou­ve­ra alors en cette foule la même ver­tu que nous consta­tons chez les princes ; et l’on ne ver­ra pas qu’elle domine avec orgueil, ni qu’elle serve avec bas­sesse. […]Aus­si ne faut-il pas accu­ser davan­tage la nature de la foule que celle des princes, car ils se trompent tous, quand ils peuvent sans crainte se trom­per. Outre ceux que j’ai don­nés, il y a de très nom­breux exemples par­mi les empe­reurs romains et par­mi d’autres tyrans et d’autres princes : on trouve chez eux plus d’in­cons­tance et de varia­tions que l’on n’en a jamais trou­vées chez aucune foule​.Je conclus donc contre l’o­pi­nion géné­rale, qui pré­tend que les peuples, quand ils ont le pou­voir, sont chan­geants, incons­tants et ingrats. Et j’af­firme que ces défauts ne sont pas dif­fé­rents chez les peuples et chez les princes. Qui accuse les princes et les peuples conjoin­te­ment peut dire la véri­té ; mais, s’il en excepte les princes, il se trompe. Car un peuple qui gou­verne et est bien régle­men­té est aus­si constant, sage et recon­nais­sant, et même davan­tage, qu’un prince esti­mé pour sa sagesse. Et, d’autre part, un prince affran­chi des lois est plus ingrat, chan­geant et dépour­vu de sagesse qu’un peuple​.La dif­fé­rence de leurs conduites ne naît pas de la diver­si­té de leur nature, parce qu’elle est iden­tique chez tous — et, s’il y a une supé­rio­ri­té, c’est celle du peuple ; mais du plus ou moins de res­pect qu’ils ont pour les lois, sous les­quelles ils vivent l’un et l’autre. […]

Quant à la sagesse et à la constance, je dis qu’un peuple est plus sage, plus constant et plus avi­sé qu’un prince. Ce n’est pas sans rai­son que l’on com­pare la parole d’un peuple à celle de Dieu. Car on voit que l’o­pi­nion géné­rale réus­sit mer­veilleu­se­ment dans ses pro­nos­tics ; de sorte qu’elle semble pré­voir par une ver­tu occulte le bien et le mal qui l’at­tendent. Quant à son juge­ment, il arrive rare­ment, lors­qu’un peuple entend deux ora­teurs oppo­sés et de force égale, qu’il ne choi­sisse pas le meilleur avis et qu’il ne soit pas capable de dis­cer­ner la véri­té qu’on lui dit. Si, dans les entre­prises ris­quées ou qui lui semblent pro­fi­tables, il se trompe, un prince se trompe aus­si très sou­vent dans ses pas­sions, qui sont beau­coup plus nom­breuses que celles du peuple. On voit aus­si que dans le choix des magis­trats il fait un bien meilleur choix que les princes, et on ne per­sua­de­ra jamais un peuple qu’il est bon d’é­le­ver à de hautes digni­tés un homme de mau­vaise répu­ta­tion et de moeurs cor­rom­pues : chose dont on per­suade aisé­ment un prince, et de mille façons. On voit un peuple avoir une chose en hor­reur et conser­ver plu­sieurs siècles cette opi­nion ; ce que l’on ne voit pas chez un prince. […]

On voit en outre que les cités où le peuple gou­verne font en très peu de temps des pro­grès inouïs : beau­coup plus grands que les cités qui ont tou­jours vécu sous un prince. C’est ce que fit Rome après l’ex­pul­sion des rois et Athènes après qu’elle se fut déli­vrée de Pisis­trate. Ceci ne peut pro­ve­nir que du fait que le gou­ver­ne­ment des peuples est meilleur que celui des princes.

Je ne veux pas que l’on objecte à mon opi­nion tout ce que notre his­to­rien a dit dans le texte cité ci-des­sus et dans d’autres. Car si l’on exa­mine tous les désordres des peuples, tous les désordres des princes, toutes les gloires des peuples et toutes celles des princes, on voit que le peuple est lar­ge­ment supé­rieur en ver­tu et en gloire. Si les princes sont supé­rieurs aux peuples dans l’é­la­bo­ra­tion des lois, dans la créa­tion des régimes poli­tiques, dans l’é­ta­blis­se­ment de sta­tuts et de nou­velles ins­ti­tu­tions, les peuples sont tel­le­ment supé­rieurs dans le main­tien des choses éta­blies qu’ils ajoutent assu­ré­ment à la gloire de ceux qui les établissent.

En somme et pour conclure, je dirai que les régimes prin­ciers et répu­bli­cains qui ont duré long­temps ont eu besoin les uns et les autres d’être régis par des lois. Car un prince qui peut faire ce qu’il veut est fou ; un peuple qui peut faire ce qu’il veut n’est pas sage.

Si l’on parle donc d’un prince contraint par les lois et d’un peuple lié par elles, on trouve plus de ver­tu dans le peuple que chez le prince. Si l’on parle d’un prince et d’un peuple sans lois, on trouve moins d’er­reurs dans le peuple que chez le prince : *étant moindres, elles trou­ve­ront de plus grands remèdes. En effet, un homme de bien peut par­ler à un peuple agi­té et vivant dans la licence et il peut aisé­ment le rame­ner sur le bon che­min. Il n’est per­sonne qui puisse par­ler à un mau­vais prince et il n’y a pas d’autre remède que l’é­pée. D’où l’on peut conjec­tu­rer la gra­vi­té de la mala­die dont ils souffrent l’un et l’autre. Si les paroles suf­fisent pour gué­rir la mala­die du peuple et s’il faut une épée pour celle du prince, cha­cun peut pen­ser que, là où il faut plus de soin, il y a de plus grandes fautes. Quand un peuple est sans lois, on ne craint pas ses folies et l’on n’a pas peur des maux qu’il peut pré­sen­te­ment com­mettre, mais de ceux qui peuvent appa­raître, car un tyran peut naître au milieu d’une telle confu­sion. Avec les mau­vais princes, c’est le contraire qui arrive : on craint les maux pré­sents et on espère dans le futur, car on s*e per­suade que son mau­vais com­por­te­ment peut faire naître la liber­té. Vous voyez donc la dif­fé­rence qu’il y a entre l’un et l’autre : elle est entre les choses pré­sentes et celles à venir. Les cruau­tés de la foule visent ceux dont elle craint qu’ils ne s’emparent du bien public ; celles d’un prince visent ceux dont il craint qu’ils ne s’emparent de ses biens.

L’o­pi­nion défa­vo­rable au peuple vient de ce que tout le monde en dit du mal sans crainte et libre­ment, même lors­qu’il gou­verne ; on cri­tique tou­jours les princes avec mille craintes et soupçons. »

Machia­vel, « Dis­cours sur la Pre­mière Décade de Tite-Live » (1531), Livre 1, Cha­pitre LVIII : « La foule est plus sage et plus constante qu’un prince ». Édi­tion Robert Laf­font, col­lec­tion Bou­quins, tra­duc­tion Chris­tian Bec (1996), pages 284 à 288.

 

 

« Ce qui est extra­or­di­naire quand on s’in­té­resse aux Confé­rences de Citoyens [tirées au sort et char­gées de don­ner un avis sur l’en­jeu poli­tique et social d’un sujet scien­ti­fique], c’est de voir à quel point les indi­vi­dus peuvent être modi­fiés au cours de la pro­cé­dure. Vous pre­nez une bou­lan­gère, un ins­ti­tu­teur, bon des gens ont leur métier et qui a prio­ri sont inno­cents, naïfs par rap­port au pro­blème. Ce n’est pas tel­le­ment qu’ils deviennent com­pé­tents, ça c’est évident. C’est sur­tout qu’ils deviennent une autre qua­li­té d’hu­main. C’est-à-dire qu’ils déve­loppent des idées et des points de vue, qu’ils vont défendre leurs avis, qui ne sont pas du tout là pour défendre leur famille, même pas leurs enfants, mais la des­cen­dance de tout le monde : les gens du Sud … on voit une espèce d’al­truisme qui trans­pa­raît, qu’on ne voit pas d’habitude.

Et moi, ce que j’ai consta­té en regar­dant ça, c’est à quel point il y a un gâchis de l’hu­ma­ni­té. C’est-à-dire qu’on main­tient les gens dans un état d’abêtissement, de sui­visme, de condi­tion­ne­ment. Et, je dois dire j’y croyais pas avant de voir ça. Je pen­sais que c’é­tait triste mais que l’hu­ma­ni­té elle n’é­tait pas vrai­ment belle à voir. Mais elle n’est pas belle à voir parce qu’on la met dans cet état-là. Mais je suis main­te­nant convain­cu qu’il y a chez la plu­part des indi­vi­dus, il y a des res­sorts, il y a quelque chose qu’on n’ex­ploite pas, qu’on n’u­ti­lise pas, qu’on ne met pas en valeur. Mais les humains valent beau­coup mieux que ce qu’on en fabrique. »

Jacques Tes­tart, « À voix nue » (France Culture), 8 juin 2012.

 

« L’œuvre du légis­la­teur n’est point com­plète quand il a seule­ment ren­du le peuple tran­quille. Lors même que ce peuple est content, il reste encore beau­coup à faire. Il faut que les ins­ti­tu­tions achèvent l’é­du­ca­tion morale des citoyens. En res­pec­tant leurs droits indi­vi­duels, en ména­geant leur indé­pen­dance, en ne trou­blant point leurs occu­pa­tions, elles doivent pour­tant consa­crer leur influence sur la chose publique, les appe­ler à concou­rir, par leurs déter­mi­na­tions et par leurs suf­frages, à l’exer­cice du pou­voir, leur garan­tir un droit de contrôle et de sur­veillance par la mani­fes­ta­tion de leurs opi­nions, et les for­mant de la sorte par la pra­tique à ces fonc­tions éle­vées, leur don­ner à la fois et le désir et la facul­té de s’en acquitter. »
Ben­ja­min Constant, « De la liber­té des Anciens com­pa­rée à celle des Modernes » (1819).

 

« La régie est l’ad­mi­nis­tra­tion d’un bon père de famille, qui lève lui-même, avec éco­no­mie et avec ordre, ses reve­nus. Par la régie, le prince est le maître de pres­ser ou de retar­der la levée des tri­buts, ou sui­vant ses besoins, ou sui­vant ceux de ses peuples. Par la régie, il épargne à l’É­tat les pro­fits immenses des fer­miers, qui l’ap­pau­vrissent d’une infi­ni­té de manières. Par la régie, il épargne au peuple le spec­tacle des for­tunes subites qui l’af­fligent. Par la régie, l’argent levé passe par peu de mains ; il va direc­te­ment au prince, et par consé­quent revient plus promp­te­ment au peuple. Par la régie, le prince épargne au peuple une infi­ni­té de mau­vaises lois qu’exige tou­jours de lui l’a­va­rice impor­tune des fer­miers, qui montrent un avan­tage pré­sent dans des règle­ments funestes pour l’a­ve­nir. Comme celui qui a l’argent est tou­jours le maître de l’autre, le trai­tant se rend des­po­tique sur le prince même : il n’est pas légis­la­teur, mais il le force à don­ner des lois. »
Mon­tes­quieu, L’esprit des lois, Livre XIII : des rap­ports que la levée des tri­buts et la gran­deur des reve­nus publics ont avec la liber­té, Cha­pitre XIX : Qu’est-ce qui est plus conve­nable au prince et au peuple, de la ferme ou de la régie des tributs ?

 

6.    Références antiques

« Il y a avan­tage pour une démo­cra­tie, au sens où on entend de nos jours la démo­cra­tie par excel­lence (je veux dire celle où le peuple est sou­ve­rain même des lois) à faire, pour que l’(instance) déli­bé­ra­tive (fonc­tionne) mieux, ce qu’on fait pour les tri­bu­naux dans les oli­gar­chies (on inflige une amende pour faire sié­ger ceux qu’on veut voir sié­ger, tan­dis que les régimes popu­laires donnent un salaire aux gens modestes (pour qu’ils siègent) ; et aus­si à faire de même en ce qui concerne les assem­blées. La déli­bé­ra­tion sera, en effet, meilleure si tous déli­bèrent en com­mun, le peuple avec les notables, ceux-ci avec la masse. »
Aris­tote, Les Poli­tiques IV, 14, 1298‑b.

 

« Or il semble que la rai­son rende clair le fait sui­vant : que ceux qui sont sou­ve­rains soient peu nom­breux ou nom­breux est un attri­but acci­den­tel dans le pre­mier cas des oli­gar­chies, dans le second des démo­cra­ties, parce que par­tout les gens aisés sont en petit nombre et les gens modestes en grand nombre. Les dif­fé­rences ne viennent donc pas des causes invo­quées ; mais ce par quoi dif­fèrent l’une de l’autre la démo­cra­tie et l’o­li­gar­chie, c’est la pau­vre­té et la richesse, et, néces­sai­re­ment, là où ceux qui gou­vernent le font par la richesse, qu’ils soient mino­ri­taires ou majo­ri­taires, on aura une oli­gar­chie, et là où ce sont les gens modestes, une démocratie. »
Aris­tote, Les Poli­tiques III, 8, 1279 –b.

 

« Les élec­tions sont aris­to­cra­tiques et non démo­cra­tiques : elles intro­duisent un élé­ment de choix déli­bé­ré, de sélec­tion des meilleurs citoyens, les aris­toi, au lieu du gou­ver­ne­ment par le peuple tout entier. »
Aristote.

 

« Le suf­frage par le sort est de la nature de la démo­cra­tie ; le suf­frage par choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige per­sonne ; il laisse à chaque citoyen une espé­rance rai­son­nable de ser­vir sa patrie.

Mais, comme il est défec­tueux par lui-même, c’est à le régler et à le cor­ri­ger que les grands légis­la­teurs se sont sur­pas­sés. Solon éta­blit à Athènes que l’on nom­me­rait par choix à tous les emplois mili­taires, et que les séna­teurs et les juges seraient élus par le sort. Il vou­lut que l’on don­nât par choix les magis­tra­tures civiles qui exi­geaient une grande dépense, et que les autres fussent don­nées par le sort.

Mais, pour cor­ri­ger le sort, il régla qu’on ne pour­rait élire que dans le nombre de ceux qui se pré­sen­te­raient ; que celui qui aurait été élu serait exa­mi­né par des juges, et que cha­cun pour­rait l’accuser d’en être indigne : cela tenait en même temps du sort et du choix. Quand on avait fini le temps de sa magis­tra­ture, il fal­lait essuyer un autre juge­ment sur la manière dont on s’était com­por­té. Les gens sans capa­ci­té devaient avoir bien de la répu­gnance à don­ner leur nom pour être tirés au sort. »
Mon­tes­quieu, « L’esprit des lois », Livre II, Cha­pitre 2.

 

« Allons-nous oublier […] que l’on tire meilleur par­ti d’une igno­rance asso­ciée à une sage pon­dé­ra­tion que d’une habi­le­té jointe à un carac­tère capri­cieux, et qu’en géné­ral les cités sont mieux gou­ver­nées par les gens ordi­naires que par les hommes d’es­prit plus sub­til ? Ces der­niers veulent tou­jours paraître plus intel­li­gents que les lois […]. Les gens ordi­naires au contraire […] ne pré­tendent pas avoir plus de dis­cer­ne­ment que les lois. Moins habiles à cri­ti­quer l’ar­gu­men­ta­tion d’un ora­teur élo­quent, ils se laissent gui­der, quand ils jugent des affaires, par le sens com­mun et non par l’es­prit de com­pé­ti­tion. C’est ain­si que leur poli­tique a géné­ra­le­ment des effets heureux ».
Thu­cy­dide, La Guerre du Pélo­pon­nèse, II, 37, in Œuvres com­plètes, Gal­li­mard, « La Pléiade », Paris, 1964, cité par Yves Sin­to­mer dans « Le pou­voir au peuple. Jurys citoyens, tirage au sort et démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive », p 47.

 

« Mais les consti­tu­tions changent même sans sédi­tion, du seul fait d’in­trigues, comme à Héraia où on rem­pla­ça les élec­tions par le tirage au sort parce que c’é­taient des intri­gants qui se fai­saient élire, ou du fait de la négli­gence quand on per­met aux enne­mis de la consti­tu­tion de par­ve­nir aux magis­tra­tures les plus importantes […] »
Aris­tote, Les poli­tiques V, 3, 1303a (GF Flam­ma­rion, p. 351).

 

« Ce sont les Grecs qui ont inven­té les élec­tions. C’est un fait his­to­ri­que­ment attes­té. Ils ont peut-être eu tort, mais ils ont inven­té les élec­tions ! Qui éli­sait-on à Athènes ? On n’é­li­sait pas les magis­trats. Les magis­trats étaient dési­gnés par tirage au sort ou par rota­tion. Pour Aris­tote, sou­ve­nez-vous, un citoyen est celui qui est capable de gou­ver­ner et d’être gou­ver­né. Tout le monde est capable de gou­ver­ner, donc on tire au sort. Pour­quoi ? Parce que la poli­tique n’est pas une affaire de spé­cia­listes. Il n’y a pas de science de la poli­tique. Il y a une opi­nion, la doxa des Grecs, il n’y a pas d’é­pis­té­mè [Ensemble des connais­sances réglées propres à un groupe social, à une époque]. Je vous fais remar­quer d’ailleurs que l’i­dée qu’il n’y a pas de spé­cia­listes de la poli­tique et que les opi­nions se valent est la seule jus­ti­fi­ca­tion rai­son­nable du prin­cipe majoritaire. »
Cor­né­lius Cas­to­ria­dis, Post scrip­tum sur l’insignifiance.

 

« Les puis­sants n’ont pas d’intérêt plus vital que d’empêcher cette cris­tal­li­sa­tion des foules sou­mises, ou du moins, car ils ne peuvent pas tou­jours l’empêcher, de la rendre le plus rare pos­sible. Qu’une même émo­tion agite en même temps un grand nombre de mal­heu­reux, ce qui arrive très sou­vent par le cours natu­rel des choses ; mais d’ordinaire cette émo­tion, à peine éveillée, est répri­mée par le sen­ti­ment d’une impuis­sance irré­mé­diable. Entre­te­nir ce sen­ti­ment d’impuissance, c’est le pre­mier article d’une poli­tique habile de la part des maîtres. »
Simone Weil (Médi­ta­tion sur l’obéissance et la liber­té, hiver 1937–1938)

 

« Un État com­po­sé de gens trop nom­breux », a écrit Aris­tote dans un pas­sage célèbre (Poli­tique, 1326b3‑7), « ne sera pas un véri­table État, pour la simple rai­son qu’il peut dif­fi­ci­le­ment avoir une véri­table consti­tu­tion. Qui peut être géné­ral d’une masse si grande ? »
Moses I. Fin­ley, « Démo­cra­tie antique et démo­cra­tie moderne » (1972), p 63.

 

 

« Péri­clès, dans un dis­cours célé­brant les sol­dats tom­bés à la guerre, pro­non­ça, dit-on, ces paroles : « Quand un homme sans for­tune peut rendre quelque ser­vice à l’É­tat, l’obs­cu­ri­té de sa condi­tion ne consti­tue pas pour lui un obs­tacle » (Thu­cy­dide, 2.37.1). Une large par­ti­ci­pa­tion publique aux affaires de l’É­tat incluant « ceux qui ont connu l’é­chec ou qui se trouvent pri­vés de contacts sociaux, sans sécu­ri­té éco­no­mique, peu ins­truits » ne condui­sait pas à des « mou­ve­ments extrémistes ». 

Il est évident que peu de gens exer­çaient réel­le­ment leur droit de parole à l’As­sem­blée ; celle-ci ne tolé­rait pas les sots, elle recon­nais­sait par son com­por­te­ment l’exis­tence d’une com­pé­tence poli­tique tout aus­si bien que tech­nique et, à toutes les époques, elle gar­da le regard fixé sur les quelques hommes capables de tra­cer les lignes poli­tiques entre les­quelles elle devait choisir. 

Cepen­dant, cette pra­tique dif­fé­rait fon­da­men­ta­le­ment de la for­mu­la­tion que Schum­pe­ter a don­née de la posi­tion éli­tiste : « La méthode démo­cra­tique est le sys­tème ins­ti­tu­tion­nel abou­tis­sant à des déci­sions poli­tiques, dans lequel des indi­vi­dus acquièrent le pou­voir de déci­der, à l’is­sue d’une lutte concur­ren­tielle por­tant sur les votes du peuple. » Schum­pe­ter enten­dait l’ex­pres­sion « pou­voir de déci­der » en un sens tout à fait lit­té­ral : « Ce sont les diri­geants des par­tis poli­tiques qui décident, et non le peuple. »

Mais pas à Athènes. Même Péri­clès n’eut pas un tel pou­voir. Tout le temps où son influence fut à son apo­gée, il pou­vait espé­rer une appro­ba­tion conti­nue de sa poli­tique, expri­mée par le vote du peuple à l’As­sem­blée, mais ses pro­po­si­tions étaient sou­mises à l’As­sem­blée, semaine après semaine, les idées oppo­sées demeu­raient sous les yeux des membres de l’As­sem­blée et celle-ci pou­vait tou­jours ─ et elle le fit à l’oc­ca­sion ─ l’a­ban­don­ner, lui et sa poli­tique. La déci­sion appar­te­nait aux membres de l’As­sem­blée, elle n’ap­par­te­nait ni à Péri­clès ni à un autre diri­geant. S’ils recon­nais­saient la néces­si­té d’une direc­tion, ils n’a­ban­don­naient pas pour autant leur pou­voir de déci­sion. Et Péri­clès le savait bien. Ce n’est pas par pure poli­tesse tac­tique qu’il uti­li­sa les mots sui­vants, tels qu’on nous les rap­porte, en 431 av. J.-C, lors­qu’il pro­po­sa le rejet d’un ulti­ma­tum Spar­tiate, et par consé­quent le vote de la guerre : « Je vois qu’en cette occa­sion je dois vous don­ner exac­te­ment le même avis que je vous ai don­né dans le pas­sé ; et je demande à ceux d’entre vous qui sont per­sua­dés, de don­ner leur appui à ces réso­lu­tions que nous sommes en train de prendre tous ensemble » (Thu­cy­dide, 1.140.1).

Pour par­ler en termes plus conformes à l’u­sage en matière consti­tu­tion­nelle, le peuple pos­sé­dait non seule­ment l’é­li­gi­bi­li­té néces­saire pour occu­per les charges et le droit d’é­lire des magis­trats, mais aus­si le droit de déci­der en tous les domaines de la poli­tique de l’É­tat et le droit de juger, consti­tué en tri­bu­nal, de toutes les causes impor­tantes, civiles et cri­mi­nelles, publiques et pri­vées. La concen­tra­tion de l’au­to­ri­té dans l’As­sem­blée, la frag­men­ta­tion et le carac­tère rota­tif des postes admi­nis­tra­tifs, le choix par tirage au sort, l’ab­sence de bureau­cra­tie rétri­buée, les jurys popu­laires, tout cela contri­buait à empê­cher la créa­tion d’un appa­reil de par­ti et, par voie de consé­quence, d’une élite poli­tique ins­ti­tu­tion­na­li­sée. La direc­tion des affaires était directe et per­son­nelle, et il n’y avait pas place pour de médiocres fan­toches, mani­pu­lés der­rière la scène par les diri­geants « réels ». Les hommes tels que Péri­clès consti­tuaient, c’est cer­tain, une élite poli­tique, mais cette élite ne se per­pé­tuait pas d’elle-même ; l’on en fai­sait par­tie en rai­son de pres­ta­tions impor­tantes, four­nies prin­ci­pa­le­ment à l’As­sem­blée, l’ac­cès en était ouvert, et pour conti­nuer à en faire par­tie, il fal­lait conti­nuer à four­nir des pres­ta­tions publiques.

Quelques-uns des dis­po­si­tifs ins­ti­tu­tion­nels que les Athé­niens inven­tèrent avec tant d’i­ma­gi­na­tion perdent leur étran­ge­té appa­rente à la lumière de cette réa­li­té poli­tique. L’os­tra­cisme est le plus connu : un homme dont l’in­fluence était jugée dan­ge­reu­se­ment exces­sive pou­vait être exi­lé pour dix ans, sans perdre tou­te­fois, et ceci est impor­tant, ses biens ou son sta­tut de citoyen. Les racines his­to­riques de l’os­tra­cisme reposent sur la tyran­nie et la crainte qu’ins­pi­rait son éven­tuel retour, mais la sur­vi­vance de cette pra­tique est due à l’in­sé­cu­ri­té qua­si into­lé­rable des diri­geants poli­tiques que la logique du sys­tème ame­nait à ten­ter de se pro­té­ger en éloi­gnant phy­si­que­ment de la scène poli­tique les prin­ci­paux repré­sen­tants de la poli­tique opposée. 

En l’ab­sence d’é­lec­tions pério­diques dépar­ta­geant les par­tis, y avait-il une autre solu­tion ? Et il est révé­la­teur qu’à la fin du Ve siècle av. J.-C, lorsque l’os­tra­cisme dégé­né­ra en ins­ti­tu­tion non fonc­tion­nelle, ce dis­po­si­tif tom­ba dou­ce­ment en désuétude. 

Un autre dis­po­si­tif, encore plus curieux, est le dis­po­si­tif connu sous le nom de gra­phé para-nomon, par lequel un homme pou­vait être accu­sé et jugé pour avoir fait une « pro­po­si­tion illé­gale » à l’As­sem­blée. Il est impos­sible de faire entrer cette pro­cé­dure dans une de nos caté­go­ries consti­tu­tion­nelles. La sou­ve­rai­ne­té de l’As­sem­blée était sans limites : durant un bref laps de temps, à la fin de la guerre du Pélo­pon­nèse, l’As­sem­blée fut même ame­née par des manœuvres à voter l’a­bo­li­tion de la démo­cra­tie. Cepen­dant qui­conque exer­çait son droit fon­da­men­tal d’i­sé­go­ria cou­rait le risque d’une condam­na­tion  sévère,  pour une pro­po­si­tion qu’il avait eu le droit de faire, même si cette pro­po­si­tion avait été adop­tée par l’Assemblée.

Nous ne pou­vons don­ner à l’in­tro­duc­tion de la gra­phé para­no­mon une date plus pré­cise que le cours du Ve siècle av. J.-C, aus­si ne connais­sons-nous pas les évé­ne­ments qui furent à l’o­ri­gine de ce dis­po­si­tif. Sa fonc­tion est cepen­dant assez claire, une fonc­tion double, modé­rer l’iségoria par la dis­ci­pline, et don­ner au peuple, au démos, la pos­si­bi­li­té de recon­si­dé­rer une déci­sion prise par lui-même. Une gra­phé para­no­mon abou­tis­sant à une condam­na­tion avait pour effet d’an­nu­ler un vote posi­tif de l’As­sem­blée, grâce au ver­dict, non pas d’une élite res­treinte telle que la Cour suprême des États-Unis, mais du démos, par l’in­ter­mé­diaire d’un jury popu­laire nom­breux, choi­si par tirage au sort. 

Notre sys­tème pro­tège la liber­té des repré­sen­tants grâce aux pri­vi­lèges par­le­men­taires, or ces mêmes pri­vi­lèges, de façon para­doxale, pro­tègent aus­si l’ir­res­pon­sa­bi­li­té des repré­sen­tants. Le para­doxe athé­nien se situait dans une voie tout à fait oppo­sée, il pro­té­geait à la fois la liber­té de l’As­sem­blée en son ensemble, et celle de ses membres pris indi­vi­duel­le­ment en leur refu­sant l’im­mu­ni­té. »
Moses I. Fin­ley, « Démo­cra­tie antique et démo­cra­tie moderne » (1972), p 70.

 

« Le rai­son­ne­ment rend donc évident, semble-t-il, que la sou­ve­rai­ne­té d’une mino­ri­té ou d’une majo­ri­té n’est qu’un acci­dent, propre soit aux oli­gar­chies soit aux démo­cra­ties, dû au fait que par­tout les riches sont en mino­ri­té et les pauvres en majo­ri­té. Aus­si… la dif­fé­rence réelle qui sépare entre elles démo­cra­tie et oli­gar­chie, c’est la pau­vre­té et la richesse ; et néces­sai­re­ment, un régime où les diri­geants, qu’ils soient mino­ri­taires ou majo­ri­taires, exercent le pou­voir grâce à leur richesse est une oli­gar­chie, et celui où les pauvres gou­vernent, une démocratie »
Aris­tote, Poli­tique, III, 1279b34-1280a4 (trad. Aubon­net), cité par Moses I. Fin­ley, « Démo­cra­tie antique et démo­cra­tie moderne » (1972), p 58.

 

« Notre Consti­tu­tion est appe­lée démo­cra­tie parce que le pou­voir est entre les mains non d’une mino­ri­té, mais du peuple tout entier. »
Cita­tion attri­buée par Thu­cy­dide à Périclès.

 

« Athé­niens (Euro­péens), n’attribuez pas aux dieux les maux qui vous accablent ; c’est l’œuvre de votre cor­rup­tion : vous-mêmes avez mis la puis­sance dans la main de ceux qui vous oppriment. Vos oppres­seurs se sont avan­cés avec habi­le­té comme des renards, et vous, vous n’êtes que des impru­dents et des lâches : vous vous lais­sez séduire par la vaine élo­quence et par les grâces du lan­gage. Jamais la rai­son ne vous guide dans les choses sérieuses. »
Solon d’Athènes

 

« Ota­nès, d’a­bord, deman­da qu’on remit au peuple perse le soin de diri­ger ses propres affaires (ès méson kata­thé­nai ta prag­ma­ta). « À mon avis », décla­ra-t-il, « le pou­voir ne doit plus appar­te­nir à un seul homme par­mi nous : ce régime n’est ni plai­sant ni bon. […] Com­ment la monar­chie serait-elle un gou­ver­ne­ment équi­li­bré, quand elle per­met à un homme d’a­gir à sa guise, sans avoir de comptes à rendre ? Don­nez ce pou­voir à l’homme le plus ver­tueux qui soit, vous le ver­rez bien­tôt chan­ger d’at­ti­tude. Sa for­tune nou­velle engendre en lui un orgueil sans mesure, et l’en­vie est innée dans l’homme : avec ces deux vices il n’y a plus en lui que per­ver­si­té ; il com­met fol­le­ment des crimes sans nombre, saoul tan­tôt d’or­gueil, tan­tôt d’en­vie. Un tyran, cepen­dant, devrait igno­rer l’en­vie, lui qui a tout, mais il est dans sa nature de prou­ver le contraire à ses conci­toyens. Il éprouve une haine jalouse à voir vivre jour après jour les gens de bien ; seuls les pires coquins lui plaisent, il excelle à accueillir la calom­nie. Suprême incon­sé­quence : gar­dez quelque mesure dans vos louanges, il s’in­digne de n’être pas flat­té bas­se­ment ; flat­tez-le bas­se­ment, il s’en indigne encore comme d’une fla­gor­ne­rie. Mais le pire, je vais vous le dire : il ren­verse les cou­tumes ances­trales, il outrage les femmes, il fait mou­rir n’im­porte qui sans jugement.

Au contraire, le régime popu­laire (archon plè­thos) porte le plus beau nom qui soit : éga­li­té (iso­no­mia) ; en second lieu, il ne com­met aucun des excès dont un monarque se rend cou­pable : le sort dis­tri­bue les charges, le magis­trat rend compte de ses actes, toute déci­sion y est por­tée devant le peuple (bou­leu­ma­ta pan­ta es to koi­non ana­phé­rein). Donc voi­ci mon opi­nion : renon­çons à la monar­chie et met­tons le peuple au pou­voir, car seule doit comp­ter la majorité. »

« Com­pa­gnons de révolte, il est clair qu’un seul d’entre nous va devoir régner […]. Pour moi, je ne pren­drai point part à cette com­pé­ti­tion : je ne veux ni com­man­der ni obéir ; mais si je renonce au pou­voir, c’est à la condi­tion que je n’au­rai pas à obéir à l’un de vous, ni moi, ni aucun de mes des­cen­dants à l’avenir. » »
Ota­nès, sous la plume d’Hé­ro­dote, L’En­quête (≈ ‑445).

 

VERGOGNE = impor­tance que l’on donne à l’opinion des autres

« Qu’on mette à mort, comme un fléau de la cité, l’homme qui se montre inca­pable de prendre part à la Ver­gogne et à la Jus­tice. » Zeus, via PLATON (Pro­ta­go­ras, 322b-323a).

èLa ver­gogne pousse à la ver­tu. (Et inversement.)

 

« Le pire des maux est que le pou­voir soit occu­pé par ceux qui l’ont voulu. »
Pla­ton, cité par Jacques Rancière.

7.    Contre les inégalités

« Vou­lez-vous donc don­ner à l’État de la consis­tance, rap­pro­chez les degrés extrêmes autant qu’il est pos­sible ; ne souf­frez ni des gens opu­lents ni des gueux. Ces deux états, natu­rel­le­ment insé­pa­rables, sont éga­le­ment funestes au bien com­mun ; de l’un sortent les fau­teurs de la tyran­nie, et de l’autre les tyrans : c’est tou­jours entre eux que se fait le tra­fic de la liber­té publique : l’un l’achète, et l’autre la vend. »
Rous­seau, Le contrat social (cha­pitre XI des divers sys­tèmes de légis­la­tion), 1762.

 

« Chez les nations com­mer­çantes, les capi­ta­listes et les ren­tiers fai­sant presque tous cause com­mune avec les trai­tants, les finan­ciers et les agio­teurs ; les grandes villes ne ren­ferment que deux classes de citoyens, dont l’une végète dans la misère, et dont l’autre regorge de super­flui­tés : celle-ci pos­sède tous les moyens d’op­pres­sion ; celle-là manque de tous les moyens de défense. Ain­si, dans les répu­bliques, l’extrême inéga­li­té des for­tunes met le peuple entier sous le joug d’une poi­gnée d’individus. »
Jean-Paul Marat, « Les chaînes de l’esclavage », 1792.

8.    Arguments contre le faux suffrage universel (élire des maîtres au lieu de voter les lois)

« L’é­lec­teur est celui qui jouit du pri­vi­lège sacré de voter pour l’homme choi­si par un autre. »
Ambrose Bierce.

 

« Le peuple qui se sou­met aux lois doit en être l’auteur. Il n’appartient qu’à ceux qui s’associent de fixer les règles de la société. »
Jean-Jacques Rous­seau, « Du contrat social ou Prin­cipes du droit poli­tique » (1762)

 

« Dès que la socié­té est divi­sée en hommes qui ordonnent et en hommes qui exé­cutent, toute la vie sociale est com­man­dée par la lutte pour le pouvoir. »
Simone Weil, « Réflexions sur les causes de la liber­té et de l’oppression sociale » (1934).

 

Repré­sen­ter signi­fie faire accep­ter comme étant la volon­té de la masse ce qui n’est que volon­té individuelle.

Il est pos­sible de repré­sen­ter, dans cer­tains cas iso­lés, lorsqu’il s’agit par exemple de ques­tions ayant des contours nets et simples et lorsque, par sur­croît, la délé­ga­tion est de brève durée.

Mais une repré­sen­ta­tion per­ma­nente équi­vau­dra tou­jours à une hégé­mo­nie des repré­sen­tants sur les représentés. »
Robert Michels, « Les par­tis poli­tiques. Essai sur les ten­dances oli­gar­chiques des démo­cra­ties » (1911), p 21.

 

« Peut-on par­ler de suf­frage uni­ver­sel sans rire ? Tous sont obli­gés de recon­naître que c’est une mau­vaise arme […] Votre vote, c’est la prière aux dieux sourds de toutes les mytho­lo­gies, quelque chose comme le mugis­se­ment d’un bœuf flai­rant l’abattoir. »
Louise Michel, « Prise de pos­ses­sion » (1890).

 

« Aujourd’hui, le can­di­dat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redres­se­ra et peut-être trop haut. Il men­diait les votes, il vous don­ne­ra des ordres. (…) Le fou­gueux démo­crate n’apprend-il pas à cour­ber l’échine quand le ban­quier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les anti­chambres ? L’atmosphère de ces corps légis­la­tifs est mal­saine à res­pi­rer ; vous envoyez vos man­da­taires dans un milieu de cor­rup­tion ; ne vous éton­nez pas s’ils en sortent cor­rom­pus… Au lieu de confier vos inté­rêts à d’autres, défen­dez-les vous-mêmes ; agissez ! »
Éli­sée Reclus, 26 sep­tembre 1885

 

 

« Les qua­li­tés néces­saires pour accé­der au pou­voir n’ont rien à voir avec les qua­li­tés néces­saires pour exer­cer le pouvoir. »
Léon Blum.

 

« Quand j’ai voté, mon éga­li­té tombe dans la boîte avec mon bul­le­tin ; ils dis­pa­raissent ensemble. »
Louis Veuillot.

 

« Beau­coup de formes de gou­ver­ne­ment ont été tes­tées, et seront tes­tées dans ce monde de péché et de mal­heur. Per­sonne ne pré­tend que la démo­cra­tie est par­faite ou omni­sciente. En effet, on a pu dire qu’elle était la pire forme de gou­ver­ne­ment à l’ex­cep­tion de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps ; mais il existe le sen­ti­ment, lar­ge­ment par­ta­gé dans notre pays, que le peuple doit être sou­ve­rain, sou­ve­rain de façon conti­nue, et que l’o­pi­nion publique, expri­mée par tous les moyens consti­tu­tion­nels, devrait façon­ner, gui­der et contrô­ler les actions de ministres qui en sont les ser­vi­teurs et non les maîtres.

[…]

Un groupe d’hommes qui a le contrôle de la machine et une majo­ri­té par­le­men­taire a sans aucun doute le pou­voir de pro­po­ser ce qu’il veut sans le moindre égard pour le fait que le peuple l’ap­pré­cie ou non, ou la moindre réfé­rence à sa pré­sence dans son pro­gramme de campagne.

[…]

Le par­ti adverse doit-il vrai­ment être auto­ri­sé à faire adop­ter des lois affec­tant le carac­tère même de ce pays dans les der­nières années de ce Par­le­ment sans aucun appel au droit de vote du peuple, qui l’a pla­cé là où il est ? Non, Mon­sieur, la démo­cra­tie dit : « Non, mille fois non. Vous n’a­vez pas le droit de faire pas­ser, dans la der­nière phase d’une légis­la­ture, des lois qui ne sont pas accep­tées ni dési­rées par la majo­ri­té populaire. […] »
W Chur­chill, dis­cours du 11 novembre 1947.

 

« Dès qu’une fois un peuple a confié à quelques-uns de ses membres le dan­ge­reux dépôt de l’au­to­ri­té publique et qu’il leur a remis le soin de faire obser­ver les lois, tou­jours enchaî­né par elles, il voit tôt ou tard sa liber­té, ses biens, sa vie à la mer­ci des chefs qu’il s’est choi­si pour le défendre. »
Jean-Paul Marat, « Les chaînes de l’esclavage » (1774).

 

« Dès que la socié­té est divi­sée en hommes qui ordonnent et en hommes qui exé­cutent, toute la vie sociale est com­man­dée par la lutte pour le pouvoir. »
Simone Weil, « Réflexions sur les causes de la liber­té et de l’oppression sociale » (1934).

 

« C’est un blas­phème poli­tique d’o­ser avan­cer que la nation, de qui émanent tous les pou­voirs, ne peut les exer­cer que par délé­ga­tion ; ce qui la met­trait elle-même dans la dépen­dance, ou plu­tôt sous le joug de ses propres mandataires. »
Jean-Paul Marat, 1791.

 

« Sur le conti­nent d’Eu­rope, le tota­li­ta­risme est le péché ori­gi­nel des partis. »
Simone Weil, « Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis poli­tiques » 1940, « Écrits de Londres », p. 126 et s.

 

« Le par­le­ment sous l’in­fluence de la cour, ne s’oc­cu­pe­ra jamais du bon­heur public. Ne conce­vez-vous pas que des intri­gants qui ne doivent leur nomi­na­tion qu’à l’or qu’ils ont semé, non contents de négli­ger vos inté­rêts, se font un devoir de vous trai­ter en vils mer­ce­naires ? Cher­chant à rac­cro­cher ce qu’ils ont dépen­sé pour vous cor­rompre, ils ne feront usage des pou­voirs que vous leur avez remis, que pour s’en­ri­chir à vos dépens, que pour tra­fi­quer impu­né­ment de vos droits. »
Jean-Paul Marat, Les chaînes de l’es­cla­vage (1792).

« Si les bour­geois ont pris les armes en 89, c’est avant tout par effroi des pauvres. La bour­geoi­sie s’est ser­vie des pauvres dont elle avait besoin pour inti­mi­der la Cour et pour éta­blir sa propre oli­gar­chie. Et les nou­veaux maîtres, la Légis­la­tive, sont des fai­seurs d’affaires pour qui la liber­té c’est le pri­vi­lège de s’enrichir sans obstacle. »
Jean-Paul Marat, « L’ami du peuple », 20 nov. 1791, cité par Hen­ri Guille­min dans « Les deux révo­lu­tions. », p. 110.

 

« Les grands hommes appellent honte le fait de perdre et non celui de trom­per pour gagner. »
Machia­vel Nico­las (1469−1527)

 

« Bien avant que les élec­teurs alle­mands ne portent Hit­ler au pou­voir, quand Bona­parte (Napo­léon III) eut assas­si­né la répu­blique, il pro­cla­ma le suf­frage uni­ver­sel. Quand le comte de Bis­marck eut assu­ré la vic­toire des hobe­reaux prus­siens, il pro­cla­ma le suf­frage uni­ver­sel. Dans les deux cas, la pro­cla­ma­tion, l’oc­troi du suf­frage uni­ver­sel scel­la le triomphe du des­po­tisme. Cela seul devrait ouvrir les yeux aux amou­reux du suf­frage universel. »
Wil­helm Liebknecht

 

 

Cla­rens, Vaud, 26 sep­tembre 1885. 

 

« Com­pa­gnons,

Vous deman­dez à un homme de bonne volon­té, qui n’est ni votant ni can­di­dat, de vous expo­ser quelles sont ses idées sur l’exer­cice du droit de suf­frage.

Le délai que vous m’ac­cor­dez est bien court, mais ayant, au sujet du vote élec­to­ral, des convic­tions bien nettes, ce que j’ai à vous dire peut se for­mu­ler en quelques mots.

Voter, c’est abdi­quer ; nom­mer un ou plu­sieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renon­cer à sa propre sou­ve­rai­ne­té. Qu’il devienne monarque abso­lu, prince consti­tu­tion­nel ou sim­ple­ment man­da­taire muni d’une petite part de royau­té, le can­di­dat que vous por­tez au trône ou au fau­teuil sera votre supé­rieur. Vous nom­mez des hommes qui sont au-des­sus des lois, puis­qu’ils se chargent de les rédi­ger et que leur mis­sion est de vous faire obéir. 

Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquer­ront sou­dain, au tin­te­ment d’une son­nette, la ver­tu de tout savoir et de tout com­prendre. Vos man­da­taires ayant à légi­fé­rer sur toutes choses, des allu­mettes aux vais­seaux de guerre, de l’é­che­nillage des arbres à l’ex­ter­mi­na­tion des peu­plades rouges ou noires, il vous semble que leur intel­li­gence gran­disse en rai­son même de l’im­men­si­té de la tâche. L’his­toire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pou­voir a tou­jours affo­lé, le par­lo­tage a tou­jours abê­ti. Dans les assem­blées sou­ve­raines, la médio­cri­té pré­vaut fatalement.

Voter c’est évo­quer la tra­hi­son. Sans doute, les votants croient à l’hon­nê­te­té de ceux aux­quels ils accordent leurs suf­frages  — et peut-être ont-il rai­son le pre­mier jour, quand les can­di­dats sont encore dans la fer­veur du pre­mier amour. Mais chaque jour a son len­de­main. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’­hui, le can­di­dat s’in­cline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redres­se­ra et peut-être trop haut. Il men­diait les votes, il vous don­ne­ra des ordres. L’ou­vrier, deve­nu contre­maître, peut-il res­ter ce qu’il était avant d’a­voir obte­nu la faveur du patron ? Le fou­gueux démo­crate n’ap­prend-il pas à cour­ber l’é­chine quand le ban­quier daigne l’in­vi­ter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’hon­neur de l’en­tre­te­nir dans les anti­chambres ? L’at­mo­sphère de ces corps légis­la­tifs est mal­sain à res­pi­rer, vous envoyez vos man­da­taires dans un milieu de cor­rup­tion ; ne vous éton­nez pas s’ils en sortent corrompus.

N’ab­di­quez donc pas, ne remet­tez donc pas vos des­ti­nées à des hommes for­cé­ment inca­pables et à des traîtres futurs. Ne votez pas ! Au lieu de confier vos inté­rêts à d’autres, défen­dez-les vous-mêmes ; au lieu de prendre des avo­cats pour pro­po­ser un mode d’ac­tion futur,  agis­sez ! Les occa­sions ne manquent pas aux hommes de bon vou­loir. Reje­ter sur les autres la res­pon­sa­bi­li­té de sa conduite, c’est man­quer de vaillance.

Je vous salue de tout cœur, compagnons. »

Éli­sée Reclus, Lettre adres­sée à Jean Grave, insé­rée dans Le Révol­té du 11 octobre 1885 Reclus, Éli­sée (1830−1905), Cor­res­pon­dance, Paris : Schlei­cher Frères : A. Costes, 1911–1925

 

« Les par­tis sont un mer­veilleux méca­nisme, par la ver­tu duquel, dans toute l’é­ten­due d’un pays, pas un esprit ne donne son atten­tion à l’ef­fort de dis­cer­ner, dans les affaires publiques, le bien, la jus­tice, la vérité. »
Simone Weil, « Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis poli­tiques » 1940.

 

 

La grève des électeurs

« Une chose m’é­tonne pro­di­gieu­se­ment — j’o­se­rai dire qu’elle me stu­pé­fie — c’est qu’à l’heure scien­ti­fique où j’é­cris, après les innom­brables expé­riences, après les scan­dales jour­na­liers, il puisse exis­ter encore dans notre chère France (comme ils disent à la Com­mis­sion du bud­get) un élec­teur, un seul élec­teur, cet ani­mal irra­tion­nel, inor­ga­nique, hal­lu­ci­nant, qui consente à se déran­ger de ses affaires, de ses rêves ou de ses plai­sirs, pour voter en faveur de quel­qu’un ou de quelque chose. Quand on réflé­chit un seul ins­tant, ce sur­pre­nant phé­no­mène n’est-il pas fait pour dérou­ter les phi­lo­so­phies les plus sub­tiles et confondre la rai­son ? Où est-il le Bal­zac qui nous don­ne­ra la phy­sio­lo­gie de l’é­lec­teur moderne ? et le Char­cot qui nous expli­que­ra l’a­na­to­mie et les men­ta­li­tés de cet incu­rable dément ? Nous l’attendons.

Je com­prends qu’un escroc trouve tou­jours des action­naires, la Cen­sure des défen­seurs, l’O­pé­ra-Comique des dilet­tan­ti, le Consti­tu­tion­nel des abon­nés, M. Car­not des peintres qui célèbrent sa triom­phale et rigide entrée dans une cité lan­gue­do­cienne ; je com­prends M. Chan­ta­voine s’obs­ti­nant à cher­cher des rimes ; je com­prends tout. Mais qu’un dépu­té, ou un séna­teur, ou un pré­sident de Répu­blique, ou n’im­porte lequel par­mi tous les étranges far­ceurs qui réclament une fonc­tion élec­tive, quelle qu’elle soit, trouve un élec­teur, c’est-à-dire l’être irrê­vé, le mar­tyr impro­bable, qui vous nour­rit de son pain, vous vêt de sa laine, vous engraisse de sa chair, vous enri­chit de son argent, avec la seule pers­pec­tive de rece­voir, en échange de ces pro­di­ga­li­tés, des coups de trique sur la nuque, des coups de pied au der­rière, quand ce n’est pas des coups de fusil dans la poi­trine, en véri­té, cela dépasse les notions déjà pas mal pes­si­mistes que je m’é­tais faites jus­qu’i­ci de la sot­tise humaine, en géné­ral, et de la sot­tise fran­çaise en par­ti­cu­lier, notre chère et immor­telle sot­tise, ô chauvin !

Il est bien enten­du que je parle ici de l’é­lec­teur aver­ti, convain­cu, de l’é­lec­teur théo­ri­cien, de celui qui s’i­ma­gine, le pauvre diable, faire acte de citoyen libre, éta­ler sa sou­ve­rai­ne­té, expri­mer ses opi­nions, impo­ser — ô folie admi­rable et décon­cer­tante — des pro­grammes poli­tiques et des reven­di­ca­tions sociales ; et non point de l’é­lec­teur « qui la connaît » et qui s’en moque, de celui qui ne voit dans « les résul­tats de sa toute-puis­sance » qu’une rigo­lade à la char­cu­te­rie monar­chiste, ou une ribote au vin répu­bli­cain. Sa sou­ve­rai­ne­té à celui-là, c’est de se pochar­der aux frais du suf­frage uni­ver­sel. Il est dans le vrai, car cela seul lui importe, et il n’a cure du reste. Il sait ce qu’il fait. Mais les autres ?

Ah ! oui, les autres ! Les sérieux, les aus­tères, les peuple sou­ve­rain, ceux-là qui sentent une ivresse les gagner lors­qu’ils se regardent et se disent : « Je suis élec­teur ! Rien ne se fait que par moi. Je suis la base de la socié­té moderne. Par ma volon­té, Floque fait des lois aux­quelles sont astreints trente-six mil­lions d’hommes, et Bau­dry d’As­son aus­si, et Pierre Alype éga­le­ment. » Com­ment y en a‑t-il encore de cet aca­bit ? Com­ment, si entê­tés, si orgueilleux, si para­doxaux qu’ils soient, n’ont-ils pas été, depuis long­temps, décou­ra­gés et hon­teux de leur œuvre ? Com­ment peut-il arri­ver qu’il se ren­contre quelque part, même dans le fond des landes per­dues de la Bre­tagne, même dans les inac­ces­sibles cavernes des Cévennes et des Pyré­nées, un bon­homme assez stu­pide, assez dérai­son­nable, assez aveugle à ce qui se voit, assez sourd à ce qui se dit, pour voter bleu, blanc ou rouge, sans que rien l’y oblige, sans qu’on le paye ou sans qu’on le soûle ?

À quel sen­ti­ment baroque, à quelle mys­té­rieuse sug­ges­tion peut bien obéir ce bipède pen­sant, doué d’une volon­té, à ce qu’on pré­tend, et qui s’en va, fier de son droit, assu­ré qu’il accom­plit un devoir, dépo­ser dans une boîte élec­to­rale quel­conque un quel­conque bul­le­tin, peu importe le nom qu’il ait écrit des­sus ?… Qu’est-ce qu’il doit bien se dire, en dedans de soi, qui jus­ti­fie ou seule­ment qui explique cet acte extravagant ?

Qu’est-ce qu’il espère ? Car enfin, pour consen­tir à se don­ner des maîtres avides qui le grugent et qui l’as­somment, il faut qu’il se dise et qu’il espère quelque chose d’ex­tra­or­di­naire que nous ne soup­çon­nons pas. Il faut que, par de puis­santes dévia­tions céré­brales, les idées de dépu­té cor­res­pondent en lui à des idées de science, de jus­tice, de dévoue­ment, de tra­vail et de pro­bi­té ; il faut que dans les noms seuls de Barbe et de Bai­haut, non moins que dans ceux de Rou­vier et de Wil­son, il découvre une magie spé­ciale et qu’il voie, au tra­vers d’un mirage, fleu­rir et s’é­pa­nouir dans Ver­goin et dans Hub­bard, des pro­messes de bon­heur futur et de sou­la­ge­ment immé­diat. Et c’est cela qui est véri­ta­ble­ment effrayant. Rien ne lui sert de leçon, ni les comé­dies les plus bur­lesques, ni les plus sinistres tragédies.

Voi­là pour­tant de longs siècles que le monde dure, que les socié­tés se déroulent et se suc­cèdent, pareilles les unes aux autres, qu’un fait unique domine toutes les his­toires : la pro­tec­tion aux grands, l’é­cra­se­ment aux petits. Il ne peut arri­ver à com­prendre qu’il n’a qu’une rai­son d’être his­to­rique, c’est de payer pour un tas de choses dont il ne joui­ra jamais, et de mou­rir pour des com­bi­nai­sons poli­tiques qui ne le regardent point.

Que lui importe que ce soit Pierre ou Jean qui lui demande son argent et qui lui prenne la vie, puis­qu’il est obli­gé de se dépouiller de l’un, et de don­ner l’autre ? Eh bien ! non. Entre ses voleurs et ses bour­reaux, il a des pré­fé­rences, et il vote pour les plus rapaces et les plus féroces. Il a voté hier, il vote­ra demain, il vote­ra tou­jours. Les mou­tons vont à l’a­bat­toir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’es­pèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le bou­cher qui les tue­ra, et pour le bour­geois qui les man­ge­ra. Plus bête que les bêtes, plus mou­ton­nier que les mou­tons, l’é­lec­teur nomme son bou­cher et choi­sit son bour­geois. Il a fait des Révo­lu­tions pour conqué­rir ce droit.

Ô bon élec­teur, inex­pri­mable imbé­cile, pauvre hère, si, au lieu de te lais­ser prendre aux ren­gaines absurdes que te débitent chaque matin, pour un sou, les jour­naux grands ou petits, bleus ou noirs, blancs ou rouges, et qui sont payés pour avoir ta peau ; si, au lieu de croire aux chi­mé­riques flat­te­ries dont on caresse ta vani­té, dont on entoure ta lamen­table sou­ve­rai­ne­té en gue­nilles, si, au lieu de t’ar­rê­ter, éter­nel badaud, devant les lourdes dupe­ries des pro­grammes ; si tu lisais par­fois, au coin du feu, Scho­pen­hauer et Max Nor­dau, deux phi­lo­sophes qui en savent long sur tes maîtres et sur toi, peut-être appren­drais-tu des choses éton­nantes et utiles. Peut-être aus­si, après les avoir lus, serais-tu moins empres­sé à revê­tir ton air grave et ta belle redin­gote, à cou­rir ensuite vers les urnes homi­cides où, quelque nom que tu mettes, tu mets d’a­vance le nom de ton plus mor­tel enne­mi. Ils te diraient, en connais­seurs d’hu­ma­ni­té, que la poli­tique est un abo­mi­nable men­songe, que tout y est à l’en­vers du bon sens, de la jus­tice et du droit, et que tu n’as rien à y voir, toi dont le compte est réglé au grand livre des des­ti­nées humaines.

Rêve après cela, si tu veux, des para­dis de lumières et de par­fums, des fra­ter­ni­tés impos­sibles, des bon­heurs irréels. C’est bon de rêver, et cela calme la souf­france. Mais ne mêle jamais l’homme à ton rêve, car là où est l’homme, là est la dou­leur, la haine et le meurtre. Sur­tout, sou­viens-toi que l’homme qui sol­li­cite tes suf­frages est, de ce fait, un mal­hon­nête homme, parce qu’en échange de la situa­tion et de la for­tune où tu le pousses, il te pro­met un tas de choses mer­veilleuses qu’il ne te don­ne­ra pas et qu’il n’est pas d’ailleurs, en son pou­voir de te don­ner. L’homme que tu élèves ne repré­sente ni ta misère, ni tes aspi­ra­tions, ni rien de toi ; il ne repré­sente que ses propres pas­sions et ses propres inté­rêts, les­quels sont contraires aux tiens. Pour te récon­for­ter et rani­mer des espé­rances qui seraient vite déçues, ne va pas t’i­ma­gi­ner que le spec­tacle navrant auquel tu assistes aujourd’­hui est par­ti­cu­lier à une époque ou à un régime, et que cela pas­se­ra. Toutes les époques se valent, et aus­si tous les régimes, c’est-à-dire qu’ils ne valent rien. Donc, rentre chez toi, bon­homme, et fais la grève du suf­frage uni­ver­sel. Tu n’as rien à y perdre, je t’en réponds ; et cela pour­ra t’a­mu­ser quelque temps. Sur le seuil de ta porte, fer­mée aux qué­man­deurs d’au­mônes poli­tiques, tu regar­de­ras défi­ler la bagarre, en fumant silen­cieu­se­ment ta pipe.

Et s’il existe, en un endroit igno­ré, un hon­nête homme capable de te gou­ver­ner et de t’ai­mer, ne le regrette pas. Il serait trop jaloux de sa digni­té pour se mêler à la lutte fan­geuse des par­tis, trop fier pour tenir de toi un man­dat que tu n’ac­cordes jamais qu’à l’au­dace cynique, à l’in­sulte et au mensonge.

Je te l’ai dit, bon­homme, rentre chez toi et fais la grève. »

Octave Mir­beau, Le Figa­ro, 28 novembre 1888.

 

« Paris ! Le Paris qui vote, la cohue, le peuple sou­ve­rain tous les quatre ans… Le peuple suf­fi­sam­ment nigaud pour croire que la sou­ve­rai­ne­té consiste à se nom­mer des maîtres. Comme par­qués devant les mai­ries, c’était des trou­peaux d’électeurs, des hébé­tés, des féti­chistes qui tenaient le petit bul­le­tin par lequel ils disent : J’abdique. […] Addi­tion­nez les bul­le­tins blancs et comp­tez les bul­le­tins nuls, ajoutez‑y les abs­ten­tions, voix et silences qui nor­ma­le­ment se réunissent pour signi­fier ou le dégoût ou le mépris. Un peu de sta­tis­tique s’il vous plaît, et vous consta­te­rez faci­le­ment que, dans toutes les cir­cons­crip­tions, le mon­sieur pro­cla­mé frau­du­leu­se­ment dépu­té n’a pas le quart des suf­frages. De là, pour les besoins de la cause, cette locu­tion imbé­cile : Majo­ri­té rela­tive — autant vau­drait dire que, la nuit, il fait jour rela­ti­ve­ment. Aus­si bien l’incohérent, le bru­tal Suf­frage Uni­ver­sel qui ne repose que sur le nombre — et n’a pas même pour lui le nombre — péri­ra dans le ridicule. »
Zo d’Axa, LES FEUILLES, IL EST ÉLU (1900).

 

 

 

« Toute socié­té qui conserve l’i­dée de gou­ver­ne­ment, qui com­porte une légis­la­tion et consacre le droit de com­man­der pour les uns, l’o­bli­ga­tion de se sou­mettre pour les autres, sup­pose néces­sai­re­ment l’es­prit religieux.

 

La devise de Blan­qui Ni Dieu ni Maître ne peut être scin­dée ; elle est à accep­ter toute entière ou à reje­ter en bloc.

 

Qu’il soit patron, dépu­té, conseiller muni­ci­pal ou autre chose de ce genre, le Maître ne peut tenir son auto­ri­té que d’un prin­cipe supé­rieur et celui-ci : gou­ver­ne­ment, patrie, pro­prié­té, suf­frage uni­ver­sel, délé­ga­tion, n’est qu’un dogme nou­veau, une nou­velle religion… »

Sébas­tien Faure (1858−1942)

 

 

« Rous­seau par­tait de deux évi­dences. L’une, que la rai­son dis­cerne et choi­sit la jus­tice et l’u­ti­li­té inno­cente, et que tout crime a pour mobile la pas­sion. L’autre, que la rai­son est iden­tique chez tous les hommes, au lieu que les pas­sions, le plus sou­vent, dif­fèrent. Par suite si, sur un pro­blème géné­ral, cha­cun réflé­chit tout seul et exprime une opi­nion, et si ensuite les opi­nions sont com­pa­rées entre elles, pro­ba­ble­ment elles coïn­ci­de­ront par la par­tie juste et rai­son­nable de cha­cune et dif­fé­re­ront par les injus­tices et les erreurs.

C’est uni­que­ment en ver­tu d’un rai­son­ne­ment de ce genre qu’on admet que le consen­sus uni­ver­sel indique la vérité.

La véri­té est une. La jus­tice est une. Les erreurs, les injus­tices sont indé­fi­ni­ment variables. Ain­si les hommes convergent dans le juste et le vrai, au lieu que le men­songe et le crime les font indé­fi­ni­ment diver­ger. L’u­nion étant une force maté­rielle, on peut espé­rer trou­ver là une res­source pour rendre ici-bas la véri­té et la jus­tice maté­riel­le­ment plus fortes que le crime et l’erreur.

Il y faut un méca­nisme conve­nable. Si la démo­cra­tie consti­tue un tel méca­nisme, elle est bonne. Autre­ment non.

Un vou­loir injuste com­mun à toute la nation n’é­tait aucu­ne­ment supé­rieur aux yeux de Rous­seau — et il était dans le vrai — au vou­loir injuste d’un homme.

Rous­seau pen­sait seule­ment que le plus sou­vent un vou­loir com­mun à tout un peuple est en fait conforme à la jus­tice, par la neu­tra­li­sa­tion mutuelle et la com­pen­sa­tion des pas­sions par­ti­cu­lières. C’é­tait là pour lui l’u­nique motif de pré­fé­rer le vou­loir du peuple à un vou­loir particulier.

C’est ain­si qu’une cer­taine masse d’eau, quoique com­po­sée de par­ti­cules qui se meuvent et se heurtent sans cesse, est dans un équi­libre et un repos par­faits. Elle ren­voie aux objets leurs images avec une véri­té irré­pro­chable. Elle indique par­fai­te­ment le plan hori­zon­tal. Elle dit sans erreur la den­si­té des objets qu’on y plonge.

Si des indi­vi­dus pas­sion­nés, enclins par la pas­sion au crime et au men­songe, se com­posent de la même manière en un peuple véri­dique et juste, alors il est bon que le peuple soit sou­ve­rain. Une consti­tu­tion démo­cra­tique est bonne si d’a­bord elle accom­plit dans le peuple cet état d’é­qui­libre, et si ensuite seule­ment elle fait en sorte que les vou­loirs du peuple soient exécutés.

Le véri­table esprit de 1789 consiste à pen­ser, non pas qu’une chose est juste parce que le peuple la veut, mais qu’à cer­taines con ditions le vou­loir du peuple a plus de chances qu’au­cun autre vou­loir d’être conforme à la justice.

Il y a plu­sieurs condi­tions indis­pen­sables pour pou­voir appli­quer la notion de volon­té géné­rale. Deux doivent par­ti­cu­liè­re­ment rete­nir l’attention.

L’une est qu’au moment où le peuple prend conscience d’un de ses vou­loirs et l’ex­prime, il n’y ait aucune espèce de pas­sion collective.

Il est tout à fait évident que le rai­son­ne­ment de Rous­seau tombe dès qu’il y a pas­sion col­lec­tive. Rous­seau le savait bien. La pas­sion col­lec­tive est une impul­sion de crime et de men­songe infi­ni­ment plus puis­sante qu’au­cune pas­sion indi­vi­duelle. Les impul­sions mau­vaises, en ce cas, loin de se neu­tra­li­ser, se portent mutuel­le­ment à la mil­lième puis­sance. La pres­sion est presque irré­sis­tible, sinon pour les saints authentiques.

Une eau mise en mou­ve­ment par un cou­rant violent, impé­tueux, ne reflète plus les objets, n’a plus une sur­face hori­zon­tale, n’in­dique plus les densités.

Et il importe très peu qu’elle soit mue par un seul cou­rant ou par cinq ou six cou­rants qui se heurtent et font des remous. Elle est éga­le­ment trou­blée dans les deux cas.

Si une seule pas­sion col­lec­tive sai­sit tout un pays, le pays entier est una­nime dans le crime. Si deux ou quatre ou cinq ou dix pas­sions col­lec­tives le par­tagent, il est divi­sé en plu­sieurs bandes de cri­mi­nels. Les pas­sions diver­gentes ne se neu­tra­lisent pas, comme c’est le cas pour une pous­sière de pas­sions indi­vi­duelles fon­dues dans une masse ; le nombre est bien trop petit, la force de cha­cune est bien trop grande, pour qu’il puisse y avoir neu­tra­li­sa­tion. La lutte les exas­père. Elles se heurtent avec un bruit vrai­ment infer­nal, et qui rend impos­sible d’en­tendre même une seconde la voix de la jus­tice et de la véri­té, tou­jours presque imperceptible.

Quand il y a pas­sion col­lec­tive dans un pays, il y a pro­ba­bi­li­té pour que n’im­porte quelle volon­té par­ti­cu­lière soit plus proche de la jus­tice et de la rai­son que la volon­té géné­rale, ou plu­tôt que ce qui en consti­tue la caricature.

La seconde condi­tion est que le peuple ait à expri­mer son vou­loir à l’é­gard des pro­blèmes de la vie publique, et non pas à faire seule­ment un choix de per­sonnes. Encore moins un choix de col­lec­ti­vi­tés irres­pon­sables. Car la volon­té géné­rale est sans aucune rela­tion avec un tel choix.

S’il y a eu en 1789 une cer­taine expres­sion de la volon­té géné­rale, bien qu’on eût adop­té le sys­tème repré­sen­ta­tif faute de savoir en ima­gi­ner un autre, c’est qu’il y avait eu bien autre chose que des élec­tions. Tout ce qu’il y avait de vivant à tra­vers tout le pays — et le pays débor­dait alors de vie — avait cher­ché à expri­mer une pen­sée par l’or­gane des cahiers de reven­di­ca­tions. Les repré­sen­tants s’é­taient en grande par­tie fait connaître au cours de cette coopé­ra­tion dans la pen­sée ; ils en gar­daient l’a cha­leur ; ils sen­taient le pays atten­tif à leurs paroles, jaloux de sur­veiller si elles tra­dui­saient exac­te­ment ses aspi­ra­tions. Pen­dant quelque temps — peu de temps — ils furent vrai­ment de simples organes d’ex­pres­sion pour la pen­sée publique.

Pareille chose ne se pro­dui­sit jamais plus.

Le seul énon­cé de ces deux condi­tions montre que nous n’a­vons jamais rien connu qui res­semble même de loin à une démo­cra­tie. Dans ce que nous nom­mons de ce nom, jamais le peuple n’a l’oc­ca­sion ni le moyen d’ex­pri­mer un avis sur aucun pro­blème de la vie publique ; et tout ce qui échappe aux inté­rêts par­ti­cu­liers est livré aux pas­sions col­lec­tives, les­quelles sont sys­té­ma­ti­que­ment, offi­ciel­le­ment encouragées. »
Simone Weil, « Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis poli­tiques » 1940.

 

« Le par­ti se trouve en fait, par l’ef­fet de l’ab­sence de pen­sée, dans un état conti­nuel d’im­puis­sance qu’il attri­bue tou­jours à l’in­suf­fi­sance du pou­voir dont il dis­pose. Serait-il maître abso­lu du pays, les néces­si­tés inter­na­tio­nales imposent des limites étroites.

Ain­si la ten­dance essen­tielle des par­tis est tota­li­taire, non seule­ment rela­ti­ve­ment à une nation, mais rela­ti­ve­ment au globe ter­restre. C’est pré­ci­sé­ment parce que la concep­tion du bien public propre à tel ou tel par­ti est une fic­tion, une chose vide, sans réa­li­té, qu’elle impose la recherche de la puis­sance totale. »
Simone Weil, « Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis poli­tiques » 1940.

 

 

« L’é­lec­tion n’est pas le meilleur moyen de dési­gna­tion des magis­trats dans les autres cas (qui n’exigent pas des com­pé­tences par­ti­cu­lières) pour des rai­sons que S. Khil­na­ni résume excel­lem­ment : c’est qu’elle crée une divi­sion du tra­vail politique.

La poli­tique à affaire avec le pou­voir, et la divi­sion du tra­vail en poli­tique ne signi­fie et ne peut signi­fier rien d’autre que la divi­sion entre gou­ver­nants et gou­ver­nés, domi­nants et dominés.

Une démo­cra­tie accep­te­ra évi­dem­ment la divi­sion des tâches poli­tiques, non pas une divi­sion du tra­vail poli­tique, à savoir la divi­sion fixe et stable de la socié­té poli­tique entre diri­geants et exé­cu­tants, l’exis­tence d’une caté­go­rie d’in­di­vi­dus, dont le rôle, le métier, l’in­té­rêt, est de diri­ger les autres. »
C. Cas­to­ria­dis, Fait et à faire, Les car­re­fours du laby­rinthe 5, p 66.

 

 

« Par ce triple carac­tère, tout par­ti est tota­li­taire en germe et en aspi­ra­tion. S’il ne l’est pas en fait, c’est seule­ment parce que ceux qui l’en­tourent ne le sont pas moins que lui. »
Simone Weil, « Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis poli­tiques » 1940.

 

 

« Dans les États qui jux­ta­posent à la puis­sance légis­la­tive des Chambres la pos­si­bi­li­té de demandes popu­laires de réfé­ren­dums, c’est le peuple qui monte au rang suprême par l’ac­qui­si­tion du pou­voir de pro­non­cer le rejet ou l’a­dop­tion défi­ni­tive des déci­sions parlementaires.

Du coup le Par­le­ment se trouve rame­né au rang de simple auto­ri­té : il ne repré­sente plus la volon­té géné­rale que pour cher­cher et pro­po­ser l’ex­pres­sion qu’il convient de don­ner à celle-ci ; il ne rem­plit ain­si qu’of­fice de fonctionnaire.

Le véri­table sou­ve­rain c’est alors le peuple. »
Car­ré de Mal­berg, dans un article de 1931 « Réfé­ren­dum Ini­tia­tive popu­laire », cité Dans « La démo­cra­tie locale et le réfé­ren­dum » de Marion Pao­let­ti, chez l’Harmattan page 89.

 

9.    Arguments pour le tirage au sort

« Le suf­frage par le sort est de la nature de la démo­cra­tie ; le suf­frage par choix est de celle de l’aristocratie. »
Montesquieu.

 

« Démo­cra­tie : forme de gou­ver­ne­ment où les charges se donnent au sort. »
Pierre Riche­let, Dic­tion­naire (1680).

 

« Tous les confor­mismes, au sens large, sont par nature plus incons­cients. De ce point de vue, le tirage au sort assure la diver­si­té des choix et, plus encore que la neu­tra­li­té, il s’a­git là d’une forme géné­rale d’impartialité et d’une source de richesse dans l’expression des per­son­na­li­tés et l’épanouissement des com­por­te­ments. Au contraire, les règles de coop­ta­tion très éla­bo­rées et très codi­fiées poussent en géné­ral à uni­for­mi­ser les choix. »
Gil Delan­noi, « Le retour du tirage au sort en poli­tique » (2010).

 

« La neu­tra­li­sa­tion des pro­cé­dures que per­met le tirage au sort a sou­vent pour but de sup­pri­mer la com­pé­ti­tion, d’éviter le conflit d’intérêts. Le tirage au sort étant un méca­nisme ins­tan­ta­né, il sup­prime les diverses manœuvres qui pré­cèdent habi­tuel­le­ment la plu­part des autres formes de dési­gna­tion : décla­ra­tions, com­mu­ni­ca­tions, jeux d’influence et tout autre stra­té­gie ouverte ou cachée. La notion de trans­pa­rence (ou d’opacité) n’a plus de sens quand on recourt au tirage. Le recours au tirage au sort anni­hile les ambi­tions extra­or­di­naires et impose le sens ordi­naire des res­pon­sa­bi­li­tés. Les effets qui sont recher­chés sont, en fait, des non effets. Tout ce qui relève de l’intrigue et de la com­pé­ti­tion est sup­pri­mé par le tirage dès lors qu’il est programmé. »
Gil Delan­noi, « Le retour du tirage au sort en poli­tique », décembre 2012.

 

« Car enfin le trait le plus visible dans l’homme juste est de ne point vou­loir du tout gou­ver­ner les autres et de gou­ver­ner seule­ment lui-même. Cela décide tout. Autant dire que les pires gouverneront. »
Alain, 10 décembre 1935

 

« Le suf­frage par le sort est de la nature de la démo­cra­tie ; le suf­frage par choix est de celle de l’aristocratie. Le sort est une façon d’élire qui n’afflige per­sonne ; il laisse à chaque citoyen une espé­rance rai­son­nable de ser­vir sa patrie. Mais, comme il est défec­tueux par lui-même, c’est à le régler et à le cor­ri­ger que les grands légis­la­teurs se sont sur­pas­sés. Solon éta­blit à Athènes que l’on nom­me­rait par choix à tous les emplois mili­taires, et que les séna­teurs et les juges seraient élus par le sort. Il vou­lut que l’on don­nât par choix les magis­tra­tures civiles qui exi­geaient une grande dépense, et que les autres fussent don­nées par le sort. Mais, pour cor­ri­ger le sort, il régla qu’on ne pour­rait élire que dans le nombre de ceux qui se pré­sen­te­raient ; que celui qui aurait été élu serait exa­mi­né par des juges, et que cha­cun pour­rait l’accuser d’en être indigne : cela tenait en même temps du sort et du choix. Quand on avait fini le temps de sa magis­tra­ture, il fal­lait essuyer un autre juge­ment sur la manière dont on s’était com­por­té. Les gens sans capa­ci­té devaient avoir bien de la répu­gnance à don­ner leur nom pour être tirés au sort. »
Mon­tes­quieu, « L’esprit des lois », Livre II, Cha­pitre 2.

 

« Il est dif­fi­cile de conce­voir com­ment des hommes qui ont entiè­re­ment renon­cé à l’habitude de se diri­ger eux même pour­raient réus­sir à bien choi­sir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gou­ver­ne­ment libé­ral, éner­gique et sage puisse jamais sor­tir des suf­frages d’un peuple de serviteurs. »
Tocqueville

 

« J’en­tends par JURY un cer­tain nombre de citoyens PRIS AU HASARD et revê­tus momen­ta­né­ment du droit de juger.  …) L’ins­ti­tu­tion du jury peut être aris­to­cra­tique ou démo­cra­tique, sui­vant la classe dans laquelle on prend les jurés ; mais elle conserve tou­jours un carac­tère répu­bli­cain, en ce qu’elle place la direc­tion réelle de la socié­té dans les mains des gou­ver­nés ou d’une por­tion d’entre eux, et non dans celle des gou­ver­nants. (…) le jury est avant tout une ins­ti­tu­tion poli­tique ; on doit le consi­dé­rer comme un mode de la sou­ve­rai­ne­té du peuple ; il faut le reje­ter entiè­re­ment quand on repousse la sou­ve­rai­ne­té du peuple, ou le mettre en rap­port avec les autres lois qui éta­blissent cette sou­ve­rai­ne­té. Le jury forme la par­tie de la nation char­gée d’as­su­rer l’exé­cu­tion des lois, comme les Chambres sont la par­tie de la nation char­gée de faire les lois ; et pour que la socié­té soit gou­ver­née d’une manière fixe et uni­forme, il est néces­saire que la liste des jurés s’é­tende ou se res­serre avec celle des élec­teurs. C’est ce point de vue qui, sui­vant moi, doit tou­jours atti­rer l’at­ten­tion prin­ci­pale du légis­la­teur(*). Le reste est pour ain­si dire acces­soire. (…) De quelque manière qu’on applique le jury, il ne peut man­quer d’exer­cer une grande influence sur le carac­tère natio­nal ; mais cette influence s’ac­croît infi­ni­ment à mesure qu’on l’in­tro­duit plus avant dans les matières civiles.

Le jury, et sur­tout le jury civil, sert à don­ner à l’es­prit de tous les citoyens une par­tie des habi­tudes de l’es­prit du juge ; et ces habi­tudes sont pré­ci­sé­ment celles qui pré­parent le mieux le peuple à être libre. Il répand dans toutes les classes le res­pect pour la chose jugée et l’i­dée du droit. Ôtez ces deux choses, et l’a­mour de l’in­dé­pen­dance ne sera plus qu’une pas­sion des­truc­tive. Il enseigne aux hommes la pra­tique de l’é­qui­té. Cha­cun, en jugeant son voi­sin, pense qu’il pour­ra être jugé à son tour. Cela est vrai sur­tout du jury en matière civile : il n’est presque per­sonne qui craigne d’être un jour l’ob­jet d’une pour­suite cri­mi­nelle ; mais tout le monde peut avoir un pro­cès. Le jury apprend à chaque homme à ne pas recu­ler devant la res­pon­sa­bi­li­té de ses propres actes ; dis­po­si­tion virile, sans laquelle il n’y a pas de ver­tu poli­tique. Il revêt chaque citoyen d’une sorte de magis­tra­ture ; il fait sen­tir à tous qu’ils ont des devoirs à rem­plir envers la socié­té, et qu’ils entrent dans son gouvernement.

En for­çant les hommes à s’oc­cu­per d’autre chose que de leurs propres affaires, il com­bat l’é­goïsme indi­vi­duel, qui est comme la rouille des socié­tés. Le jury sert incroya­ble­ment à for­mer le juge­ment et à aug­men­ter les lumières natu­relles du peuple. C’est là, à mon avis, son plus grand avan­tage. On doit le consi­dé­rer comme une école gra­tuite et tou­jours ouverte, où chaque juré vient s’ins­truire de ses droits, où il entre en com­mu­ni­ca­tion jour­na­lière avec les membres les plus ins­truits et les plus éclai­rés des classes éle­vées, où les lois lui sont ensei­gnées d’une manière pra­tique, et sont mises à la por­tée de son intel­li­gence par les efforts des avo­cats, les avis du juge et les pas­sions mêmes des par­ties. Je pense qu’il faut prin­ci­pa­le­ment attri­buer l’in­tel­li­gence pra­tique et le bon sens poli­tique des Amé­ri­cains au long usage qu’ils ont fait du jury en matière civile.

Je ne sais si le jury est utile à ceux qui ont des pro­cès, mais je suis sûr qu’il est très utile à ceux qui les jugent. Je le regarde comme l’un des moyens les plus effi­caces dont puisse se ser­vir la socié­té pour l’é­du­ca­tion du peuple. (…) Ain­si le jury, qui est le moyen le plus éner­gique de faire régner le peuple, est aus­si le moyen le plus effi­cace de lui apprendre à régner. »
Toc­que­ville, « De la démo­cra­tie en Amé­rique », Livre 1, deuxième par­tie, cha­pitre VIII. GF Flam­ma­rion, tome I, p 371 et s.

(*) Atten­tion : à l’é­poque de Rous­seau et de Toc­que­ville, « Légis­la­teur » signi­fie « Consti­tuant ». ÉC.

 

 

Un kle­ro­te­rion, machine à tirer au sort, à Athènes, il y a 2 500 ans.

 

« Dans une démo­cra­tie, la volon­té de limi­ter le pou­voir des magis­trats s’as­so­cie avec celle de faire ser­vir tout un cha­cun à son tour en qua­li­té de magis­trat. La rota­tion est assu­rée en par­tie par une mul­ti­pli­ca­tion des postes aus­si grande que pos­sible : si, par suite, une très large pro­por­tion de la popu­la­tion civique est des­ti­née à exer­cer tôt ou tard une fonc­tion, le tirage au sort est le moyen logique pour le réa­li­ser. Même en démo­cra­tie, cer­taines charges, pres­ti­gieuses et avan­ta­geuses, sont plus convoi­tées : le tirage au sort assure que la ques­tion de savoir qui les obtien­dra sera réglée par le hasard, alors que l’é­lec­tion ouvre le champ aux que­relles et, en der­nière ana­lyse, à la sta­sis [aux troubles civils] : les démo­crates pré­fé­raient le tirage au sort parce qu’il pré­ve­nait la cor­rup­tion et les divi­sions du corps civique. »
Mogens Her­man Han­sen, « La démo­cra­tie athé­nienne à l’é­poque de Démos­thène, Struc­ture, prin­cipes et idéo­lo­gie », 1991, p 275, cité par Fabrice Wolff, « Qu’est-ce que la démo­cra­tie directe. Mani­feste pour une comé­die his­to­rique » (2010), p 69.

 

10. À propos du processus constituant

« Il est contraire aux prin­cipes du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif qu’un corps s’octroie à lui-même des pouvoirs. »
Tho­mas Paine, « Les droits de l’homme » (1791−1792).

 

« Un gou­ver­ne­ment n’a pas le droit de se décla­rer par­tie pre­nante dans un débat tou­chant aux prin­cipes ou à la méthode uti­li­sés pour éla­bo­rer ou amen­der une consti­tu­tion. Ce n’est pas à l’in­ten­tion de ceux qui exercent le pou­voir gou­ver­ne­men­tal qu’on éta­blit des consti­tu­tions et les gou­ver­ne­ments qui en découlent. Dans toutes ces choses, le droit de juger et d’a­gir appar­tient à ceux qui paient et non à ceux qui reçoivent. »
Tho­mas Paine, Les Droits de l’Homme (1792), chap. 4 Des constitutions.

 

« Un gou­ver­ne­ment ne trouve pas sa force en lui-même, mais dans l’attachement du pays et dans l’intérêt que le peuple trouve à le sou­te­nir. Quand ces deux motifs n’existent plus, le gou­ver­ne­ment n’est plus qu’un enfant au pou­voir ; et il a beau, comme l’ancien gou­ver­ne­ment de la France, har­ce­ler les indi­vi­dus pen­dant long­temps, il ne fait que pré­ci­pi­ter sa propre chute. »
Tho­mas Paine, « Les droits de l’homme » (1791−1792).

 

Il n’est pas d’autre contrat que celui pas­sé entre ses dif­fé­rentes com­po­santes par l’ensemble du peuple en vue d’engendrer et de consti­tuer un gou­ver­ne­ment. Sup­po­ser qu’un gou­ver­ne­ment quel­conque puisse être par­tie pre­nante dans un contrat pas­sé avec le peuple, c’est sup­po­ser que le gou­ver­ne­ment exis­tait avant d’en avoir le droit. Le gou­ver­ne­ment n’est pas un fonds de com­merce que n’importe quel homme ou groupe d’hommes aurait le droit d’ouvrir et de gérer à son pro­fit. Ce n’est qu’un dépôt, confié au nom de ceux qui le délèguent ─ et qui à tout moment peuvent le reprendre. »
Tho­mas Paine, « Les droits de l’homme » (1791−1792).

 

« Avant que d’examiner l’acte par lequel un peuple élit un roi, il serait bon d’examiner l’acte par lequel un peuple est peuple. Car cet acte, étant néces­sai­re­ment anté­rieur à l’autre, est le vrai fon­de­ment de la socié­té. En effet, s’il n’y avait point de conven­tion anté­rieure, où serait, à moins que l’élection ne fût una­nime, l’obligation pour le petit nombre de se sou­mettre au choix du grand, et d’où cent qui veulent un maître ont-ils le droit de voter pour dix qui n’en veulent point ? La loi de la plu­ra­li­té des suf­frages est elle-même un éta­blis­se­ment de conven­tion et sup­pose au moins une fois l’unanimité. »
Jean-Jacques Rous­seau, « Du contrat social ou Prin­cipes du droit poli­tique » (1762), cha­pitre 5 (excep­tion­nel) « Qu’il faut tou­jours remon­ter à une pre­mière convention ».

 

« Le peuple, quand il fait des magis­trats, doit les créer de manière qu’ils aient lieu d’appréhender, s’ils venaient à abu­ser de leur pouvoir. »
Nico­las Machia­vel, Dis­cours sur la pre­mière décade de Tite-Live, livre 1, chap 41.

 

« Toute consti­tu­tion, toute loi expire natu­rel­le­ment après une période de dix-neuf années. Main­te­nir leur empire pas­sé ce terme, c’est un acte de force et non de droit. »

Tho­mas Jef­fer­son à James Madi­son, Paris, le 6 sep­tembre 1789

 

« Qui­conque veut fon­der un État et lui don­ner des lois doit sup­po­ser d’avance les hommes méchants et tou­jours prêts à déployer ce carac­tère de méchanceté. »
Nico­las Machiavel.

 

« Ce qui est sou­ve­rain, en fait, c’est la force, qui est tou­jours aux mains d’une petite frac­tion de la nation. Ce qui doit être sou­ve­rain, c’est la jus­tice. Toutes les consti­tu­tions poli­tiques, répu­bli­caines et autres, ont pour unique fin — si elles sont légi­times — d’empêcher ou au moins de limi­ter l’op­pres­sion à laquelle la force incline natu­rel­le­ment. Et quand il y a oppres­sion, ce n’est pas la nation qui est oppri­mée. C’est un homme, et un homme, et un homme. La nation n’existe pas ; com­ment serait-elle sou­ve­raine ? Ces for­mules vides ont fait trop de mal pour qu’on puisse leur être indulgent. »
Simone Weil dans « Remarques sur le nou­veau pro­jet de consti­tu­tion » dans « Écrits de Londres », p 86.

 

« Il n’y a point d’en­tre­prise plus dif­fi­cile à conduire, plus incer­taine quant au suc­cès, et plus dan­ge­reuse que celle d’in­tro­duire de nou­velles institutions.

Le réfor­ma­teur des ins­ti­tu­tions a pour enne­mis tous ceux qui pro­fi­taient des ins­ti­tu­tions anciennes, et il ne trouve que de tièdes défen­seurs dans ceux pour qui les nou­velles seraient utiles.

Cette tié­deur, au reste, leur vient de deux causes : la pre­mière est la peur qu’ils ont de leurs adver­saires, les­quels ont en leur faveur les lois exis­tantes ; la seconde est l’in­cré­du­li­té com­mune à tous les hommes, qui ne veulent croire à la bon­té des choses nou­velles que lors­qu’ils en ont été bien convain­cus par l’ex­pé­rience. De là vient aus­si que si ceux qui sont enne­mis trouvent l’oc­ca­sion d’at­ta­quer, ils le font avec toute la cha­leur de l’es­prit de par­ti, et que les autres se défendent avec froi­deur, en sorte qu’il y a du dan­ger à com­battre avec eux.

Afin de bien rai­son­ner sur ce sujet, il faut consi­dé­rer si les inno­va­teurs sont puis­sants par eux-mêmes, ou s’ils dépendent d’au­trui, c’est-à-dire si, pour conduire leur entre­prise, ils en sont réduits à prier, ou s’ils ont les moyens de contraindre.

Dans le pre­mier cas, il leur arrive tou­jours mal­heur, et ils ne viennent à bout de rien ; mais dans le second, au contraire, c’est-à-dire quand ils ne dépendent que d’eux-mêmes, et qu’ils sont en état de for­cer, ils courent bien rare­ment le risque de succomber.

C’est pour cela qu’on a vu réus­sir tous les pro­phètes armés, et finir mal­heu­reu­se­ment ceux qui étaient désarmés. »
Machia­vel, Le prince (1515), cha­pitre VI.

 

« Tout homme qui a le pou­voir de bri­mer ou de trom­per des hommes doit être obli­gé à prendre l’en­ga­ge­ment de ne pas le faire. »
Simone Weil, « Remarques sur le nou­veau pro­jet de consti­tu­tion » dans « Écrits de Londres », p 87.

 

« L’ac­cu­mu­la­tion de tous les pou­voirs, légis­la­tif, exé­cu­tif et judi­ciaire, dans les mêmes mains, soit d’un seul homme, soit de quelques-uns, soit de plu­sieurs, soit par l’hé­ré­di­té, par la conquête, ou par l’é­lec­tion, peut jus­te­ment être consi­dé­rée comme la véri­table défi­ni­tion de la tyrannie. »
James Madi­son, « Le Fédé­ra­liste », n°47, 1er février 1788.

 

« Cha­cun com­mande par­tout où il en a le pouvoir. »
Des Athé­niens réa­listes, signa­lés par Simone Weil.

 

« L’ac­tion humaine n’a pas d’autre règle ou limite que les obstacles. »
Des Athé­niens réa­listes, signa­lés par Simone Weil.

 

« C’est une expé­rience éter­nelle que tout homme qui a du pou­voir est por­té à en abu­ser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la ver­tu même a besoin de limites. »
Montesquieu.
« La plu­part des légis­la­teurs ont été des hommes bor­nés, que le hasard a mis à la tête des autres, et qui n’ont presque consul­té que leurs pré­ju­gés et leurs fantaisies.

Il semble qu’ils aient mécon­nu la gran­deur et la digni­té même de leur ouvrage : ils se sont amu­sés à faire des ins­ti­tu­tions pué­riles, avec les­quelles ils se sont, à la véri­té, confor­més aux petits esprits, mais décré­di­tés auprès des gens de bon sens.

Ils se sont jetés dans des détails inutiles ; ils ont don­né dans les cas par­ti­cu­liers, ce qui marque un génie étroit qui ne voit les choses que par par­ties, et n’embrasse rien d’une vue générale.

Quelques-uns ont affec­té de se ser­vir d’une autre langue que la vul­gaire : chose absurde pour un fai­seur de lois. Com­ment peut-on les obser­ver, si elles ne sont pas connues ?

Ils ont sou­vent abo­li sans néces­si­té celles qu’ils ont trou­vées éta­blies ; c’est-à-dire qu’ils ont jeté les peuples dans les désordres insé­pa­rables des chan­ge­ments. Il est vrai que, par une bizar­re­rie qui vient plu­tôt de la nature que de l’es­prit des hommes, il est quel­que­fois néces­saire de chan­ger cer­taines lois. Mais le cas est rare, et, lors­qu’il arrive, il n’y faut tou­cher que d’une main trem­blante : on y doit obser­ver tant de solen­ni­tés et appor­ter tant de pré­cau­tions que le peuple en conclue natu­rel­le­ment que les lois sont bien saintes, puis­qu’il faut tant de for­ma­li­tés pour les abroger. »
Mon­tes­quieu, Lettres Per­sanes, lettre CXXIX. (Note : le « légis­la­teur », à l’é­poque, est l’au­teur de la Consti­tu­tion — pas celui des lois ordinaires.)

 

« La parole n’a pas été don­née à l’homme, il l’a prise. »
Aragon.

11. Légitimité

« Il y a un para­doxe de la force, car la force c’est la peur en action, et la peur, elle est conta­gieuse : impos­sible de faire peur aux hommes sans finir par en avoir peur. C’est de cette loi de l’es­prit humain que naît le plus grand tour­ment de la vie : la peur réci­proque du pou­voir et de ses sujets. Pour com­battre ce fléau, l’hu­ma­ni­té n’a jus­qu’à pré­sent trou­vé que deux remèdes : d’a­bord les phi­lo­so­phies et les reli­gions mys­tiques ; ensuite, dans les der­niers siècles, les prin­cipes de LÉGITIMITÉ. En somme, un gou­ver­ne­ment légi­time est un pou­voir qui s’est libé­ré de la peur, parce qu’il a appris à s’ap­puyer sur le consen­te­ment, actif ou pas­sif, et à réduire en pro­por­tion l’emploi de la force. »
Gugliel­mo Fer­re­ro (1871−1942), « Pou­voir. Les Génies Invi­sibles De La Cité » (1943 post­hume), cité par Rosan­val­lon, « Les formes de la sou­ve­rai­ne­té néga­tive » (2006,  cours 1, 48′54″).

 

« Le plus fort n’est jamais assez fort pour être tou­jours le maître, s’il ne trans­forme sa force en droit, et l’o­béis­sance en devoir. »
Rous­seau, « Du contrat social, prin­cipes du droit poli­tique » (1762), cha­pitre 1.3, Du droit du plus fort.

 

« Qu’est-ce qui fait que l’État est un ? C’est l’union de ses membres. Et d’où naît l’union de ses membres ? De l’obligation qui les lie. Tout est d’accord jusqu’ici. Mais quel est le fon­de­ment de cette obli­ga­tion ? Voi­là où les auteurs se divisent. Selon les uns, c’est la force ; selon d’autres, l’autorité pater­nelle ; selon d’autres, la volon­té de Dieu. Cha­cun éta­blit son prin­cipe et attaque celui des autres : je n’ai pas moi-même fait autre­ment, et, sui­vant la plus saine par­tie de ceux qui ont dis­cu­té ces matières, j’ai posé pour fon­de­ment du corps poli­tique la conven­tion de ses membres, j’ai réfu­té les prin­cipes dif­fé­rents du mien.  Indé­pen­dam­ment de la véri­té de ce prin­cipe, il l’emporte sur tous les autres par la soli­di­té du fon­de­ment qu’il éta­blit ; car quel fon­de­ment plus sûr peut avoir l’obligation par­mi les hommes que LE LIBRE ENGAGEMENT DE CELUI QUI S’OBLIGE ? On peut dis­pu­ter tout autre prin­cipe […] ; on ne sau­rait dis­pu­ter celui-là. »
Rous­seau, « Sixième lettre écrite de la mon­tagne » (1764).

 

« Dans l’o­ri­gine, les rois et les princes furent tous de simples chefs de brigands. »
Jean-Paul Marat, Les chaînes de l’es­cla­vage (1774).

 

12. Bien commun, intérêt général, besoin de controverses

« Le cri­tère du bien ne peut être que la véri­té, la jus­tice et, en second lieu, l’utilité publique.

La démo­cra­tie, le pou­voir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, esti­més effi­caces à tort ou à raison.

Seul ce qui est juste est légitime. »
Simone Weil, Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis politiques.

 

« Est juste ce qui est appro­prié au bien commun. »
Claude Rochet, d’après Tho­mas d’Aquin.

 

« Au Japon, au début du 7e siècle, le prince boud­dhiste Sho­ko­to […] fut aus­si l’initiateur d’une consti­tu­tion rela­ti­ve­ment libé­rale ou KEMPO, appe­lée la « consti­tu­tion des 17 articles », en 604 après JC. Tout à fait dans l’esprit de la Grande Charte (Magna Car­ta) signée six siècles plus tard en Angle­terre, elle insis­tait sur le fait que les déci­sions rela­tives à des sujets d’importance ne devaient pas être prises par un seul. Elles devaient être dis­cu­tées par plu­sieurs personnes.

Cette consti­tu­tion don­nait aus­si le conseil sui­vant : « ne soyons pas por­tés à l’esprit de res­sen­ti­ment lorsque les opi­nions d’autrui dif­fèrent des nôtres. Car tout homme a un cœur, et tout cœur a ses propres incli­na­tions. Ce qui est juste pour les uns est faux pour les autres, et inversement. »
Amar­tya Sen, « La démo­cra­tie des autres », page 32.

 

« Une convic­tion ne se ren­force que si nous la nour­ris­sons d’objections. »
Nicolás Gómez Dávi­la, « Les hor­reurs de la démo­cra­tie », 2003, n°213.

 

Le débat est l’essence de l’éducation et de la démocratie

Au lieu de rendre, comme d’ha­bi­tude, l’é­cole res­pon­sable de cette igno­rance dépri­mante des affaires publiques, nous devrions cher­cher ailleurs une expli­ca­tion plus com­plète, en gar­dant à l’es­prit que les gens acquièrent faci­le­ment les connais­sances dont ils peuvent faire usage.

Puisque le public ne par­ti­cipe plus aux débats sur les ques­tions natio­nales, il n’a aucune rai­son de s’in­for­mer des affaires civiques. C’est le déclin du débat public, et non pas le sys­tème sco­laire (quelle que soit, par ailleurs, sa dégra­da­tion) qui fait que le public est mal infor­mé, mal­gré toutes les mer­veilles de l’âge de l’in­for­ma­tion. Quand le débat devient un art dont on a per­du le secret, l’in­for­ma­tion aura beau être aus­si faci­le­ment acces­sible que l’on vou­dra, elle ne lais­se­ra aucune marque.

Ce que demande la démo­cra­tie, c’est un débat public vigou­reux, et non de l’in­for­ma­tion. Bien sûr, elle a éga­le­ment besoin d’in­for­ma­tion, mais le type d’in­for­ma­tion dont elle a besoin ne peut être pro­duit que par le débat. Nous ne savons pas quelles choses nous avons besoin de savoir tant que nous n’a­vons pas posé les bonnes ques­tions, et nous ne pou­vons poser les bonnes ques­tions qu’en sou­met­tant nos idées sur le monde à l’é­preuve de la contro­verse publique.

L’in­for­ma­tion qui est d’or­di­naire conçue comme une condi­tion préa­lable au débat se com­prend mieux comme son pro­duit déri­vé. Quand nous nous enga­geons dans des dis­cus­sions qui cap­tivent entiè­re­ment notre atten­tion en la foca­li­sant, nous nous trans­for­mons en cher­cheurs avides d’in­for­ma­tion per­ti­nente. Sinon, nous absor­bons pas­si­ve­ment l’in­for­ma­tion — si tant est que nous l’absorbions. »
Chris­to­pher Lasch, « La révolte des élites, et la tra­hi­son de la démo­cra­tie », 1994, p 168.

 

« Les mêmes qui lui ont ôté les yeux reprochent au peuple d’être aveugle. »
John Mil­ton, cité par Noam Chom­sky dans « La fabri­ca­tion du consen­te­ment. De la pro­pa­gande média­tique en démo­cra­tie. » (Agone, 2008).

 

« Ce qu’il faut sau­ve­gar­der avant tout, ce qui est le bien ines­ti­mable conquis par l’homme à tra­vers tous les pré­ju­gés, toutes les souf­frances et tous les com­bats, c’est cette idée qu’il n’y a pas de véri­té sacrée, c’est-à-dire inter­dite à la pleine inves­ti­ga­tion de l’homme ; c’est ce qu’il y a de plus grand dans le monde, c’est la liber­té sou­ve­raine de l’esprit ; c’est qu’aucune puis­sance ou inté­rieure ou exté­rieure, aucun pou­voir, aucun dogme ne doit limi­ter le per­pé­tuel effort et la per­pé­tuelle recherche de la race humaine […] ; c’est que toute véri­té qui ne vient pas de nous est un mensonge. »
Chris­to­pher Hill, « 1640 : la révo­lu­tion anglaise » (1940).

 

« Quand un tis­su de men­songes bien embal­lé a été ven­du pro­gres­si­ve­ment aux masses pen­dant des géné­ra­tions, la véri­té paraî­tra com­plè­te­ment absurde et son repré­sen­tant un fou furieux. »
Dresde James.

 

« Le lan­gage poli­tique est conçu pour don­ner aux men­songes des airs de véri­té, rendre le meurtre res­pec­table, et faire pas­ser pour solide ce qui n’est que du vent. »
George Orwell.

 

« Les noms mêmes des quatre minis­tères qui nous dirigent font res­sor­tir une sorte d’im­pu­dence dans le ren­ver­se­ment déli­bé­ré des faits. Le minis­tère de la Paix s’oc­cupe de la guerre, celui de la Véri­té, des men­songes, celui de l’A­mour, de la tor­ture, celui de l’A­bon­dance, de la famine. Ces contra­dic­tions ne sont pas acci­den­telles, elles ne résultent pas non plus d’une hypo­cri­sie ordi­naire, elles sont des exer­cices déli­bé­rés de doublepensée.

Ce n’est en effet qu’en conci­liant des contraires que le pou­voir peut être indé­fi­ni­ment rete­nu. L’an­cien cycle ne pou­vait être bri­sé d’au­cune autre façon. Pour que l’é­ga­li­té humaine soit à jamais écar­tée, pour que les grands, comme nous les avons appe­lés, gardent per­pé­tuel­le­ment leurs places, la condi­tion men­tale domi­nante doit être la folie dirigée. »
George Orwell, 1984.

 

13. Tyrannie

« Ain­si, le der­nier coup que les princes portent à la liber­té, c’est de vio­ler les lois au nom des lois mêmes, de toutes les ren­ver­ser, en fei­gnant de les défendre, et de punir comme rebelle qui­conque ose les défendre en effet : tyran­nie la plus cruelle de toutes, en ce qu’elle s’exerce sous le man­teau même de la justice. »
Jean-Paul Marat, Les chaînes de l’es­cla­vage (1792).

 

« Si dans l’intérieur d’un État vous n’entendez le bruit d’aucun conflit, vous pou­vez être sûr que la liber­té n’y est pas. »
Montesquieu.

 

« Le des­po­tisme, cette forme de gou­ver­ne­ment où per­sonne n’est citoyen. »
Montesquieu.

 

« TOUT SERAIT PERDU, si le même homme, ou le même corps des prin­ci­paux, ou des nobles, ou du peuple, exer­çaient ces trois pou­voirs : celui de faire des lois, celui d’exé­cu­ter les réso­lu­tions publiques, et celui de juger les crimes ou les dif­fé­rends des particuliers. »
Mon­tes­quieu, De l’esprit des lois (1748) Livre XI : des lois qui forment la liber­té poli­tique dans son rap­port avec la consti­tu­tion, Cha­pitre VI De la consti­tu­tion d’Angleterre.

 

« Tous les coups por­tèrent sur les tyrans, aucun sur la tyrannie. »
Mon­tes­quieu (L’esprit des lois, Liv. III, Chap. III).

14. Autres pensées utiles

« J’en­voie ce livre dans le monde avec l’es­poir qu’il déplai­ra à toutes les sectes politiques. »
F. C. Dahl­mann, « Die Poli­tik » (1835), cité par Moi­sei Ostro­gors­ki dans « La démo­cra­tie et les par­tis politiques ».

 

« Nous avons conquis le suf­frage uni­ver­sel, il nous reste à conqué­rir la sou­ve­rai­ne­té populaire. »
Jean Jaurès

 

« Celui qui veut conser­ver sa liber­té doit pro­té­ger même ses enne­mis de l’op­pres­sion ; car s’il ne s’y astreint pas il crée­ra ain­si un pré­cé­dent qui l’at­tein­dra un jour. »
Tho­mas Paine.

 

« La plu­part des peuples, ain­si que des hommes, ne sont dociles que dans leur jeu­nesse ; ils deviennent incor­ri­gibles en vieillis­sant. Quand une fois les cou­tumes sont éta­blies et les pré­ju­gés enra­ci­nés, c’est une entre­prise dan­ge­reuse et vaine de vou­loir les réfor­mer ; le peuple ne peut pas même souf­frir qu’on touche à ses maux pour les détruire, sem­blable à ces malades stu­pides et sans cou­rage qui fré­missent à l’as­pect du médecin. »
Jean-Jacques Rous­seau, « Du contrat social ou Prin­cipes du droit poli­tique » (1762), cha­pitre VIII « Du peuple », p 76.

 

Toute la science consti­tu­tion­nelle est là, je la résume en trois propositions :

1- For­mer des groupes médiocres, res­pec­ti­ve­ment sou­ve­rains, et les unir par un pacte de fédération ;

2- Orga­ni­ser en chaque État fédé­ré le gou­ver­ne­ment d’a­près la loi de sépa­ra­tion des organes, je veux dire : sépa­rer dans le pou­voir tout ce qui peut être sépa­ré, défi­nir tout ce qui peut être défi­ni. Dis­tri­buer entre organes ou fonc­tion­naires dif­fé­rents tout ce qui aura été sépa­ré et défi­ni ; ne rien lais­ser à l’in­di­vi­sion ; entou­rer l’ad­mi­nis­tra­tion publique de toutes les condi­tions de publi­ci­té et de contrôle ;

3- Au lieu d’ab­sor­ber les États fédé­rés ou auto­ri­tés pro­vin­ciales et muni­ci­pales dans une auto­ri­té cen­trale, réduire les attri­bu­tions de celle-ci à un simple rôle d’i­ni­tia­tive géné­rale, de garan­tie mutuelle et de sur­veillance, dont les décrets ne reçoivent leur exé­cu­tion que sur le visa des gou­ver­ne­ments confé­dé­rés et par des agents à leurs ordres…

Le sys­tème fédé­ra­tif est appli­cable à toutes les nations et à toutes les époques, puisque l’hu­ma­ni­té est pro­gres­sive dans toutes ses géné­ra­tions et dans toutes ses races, et que la poli­tique de fédé­ra­tion, qui est par excel­lence la poli­tique de pro­grès, consiste à trai­ter chaque popu­la­tion, à tel moment que l’on indi­que­ra, sui­vant un régime d’au­to­ri­té et de cen­tra­li­sa­tion décrois­santes, cor­res­pon­dant à l’É­tat des esprits et des mœurs. »
Prou­dhon, « Du prin­cipe fédé­ra­tif » (1863).

 

« Les citoyens ne se laissent oppri­mer qu’au­tant qu’en­traî­nés par une aveugle ambi­tion et regar­dant plus au-des­sous qu’au-des­sus d’eux, la domi­na­tion leur devient plus chère que l’in­dé­pen­dance, et qu’ils consentent à por­ter des fers pour en pou­voir don­ner à leur tour. Il est très dif­fi­cile de réduire à l’o­béis­sance celui qui ne cherche point à com­man­der et le poli­tique le plus adroit ne vien­drait pas à bout d’as­su­jet­tir des hommes qui ne vou­draient qu’être libres ; mais l’i­né­ga­li­té s’é­tend sans peine par­mi des âmes ambi­tieuses et lâches, tou­jours prêtes à cou­rir les risques de la for­tune et à domi­ner ou ser­vir presque indif­fé­rem­ment selon qu’elle leur devient favo­rable ou contraire. »
Jean-Jacques Rous­seau, « Dis­cours sur l’origine des inéga­li­tés par­mi les hommes » (1754), seconde partie.

 

« Cette dis­po­si­tion à admi­rer, et presque à véné­rer, les riches et les puis­sants, ain­si qu’à mépri­ser, ou du moins à négli­ger, les per­sonnes pauvres et d’humble condi­tion, quoique néces­saire à la fois pour éta­blir et pour main­te­nir la dis­tinc­tion des rangs et de l’ordre de la socié­té, est en même temps la cause la plus grande et la plus uni­ver­selle de la cor­rup­tion de nos sen­ti­ments moraux. Les mora­listes de toutes les époques se sont plaints que la richesse et la gran­deur soient sou­vent regar­dées avec le res­pect et l’ad­mi­ra­tion seule­ment dus à la sagesse et à la ver­tu ; et que le mépris, dont le vice et la folie sont les seuls objets conve­nables, soit sou­vent très injus­te­ment atta­ché à la pau­vre­té et à la faiblesse. »
Adam Smith, Théo­rie des sen­ti­ments moraux, 1759.

 

« Tout débat intel­lec­tuel passe par le blasphème. »
Voltaire.

 

« Lorsque l’obéissance com­porte au moins autant de risque que la rébel­lion, com­ment se maintient-elle ? »
Simone Weil

 

Ben­ja­min Constant défi­nis­sait un mini­mum libé­ral : « Le bon­heur des socié­tés et la sécu­ri­té des indi­vi­dus reposent sur cer­tains prin­cipes posi­tifs et immuables. Ces prin­cipes sont vrais dans tous les cli­mats, sous toutes les lati­tudes. Ils ne peuvent jamais varier, quels que soient l’é­ten­due du pays, ses mœurs, sa croyance, ses usages. Il est incon­tes­table dans un hameau de cent vingt cabanes, comme dans une nation de trente mil­lions d’hommes, que nul ne doit être arrê­té arbi­trai­re­ment, puni sans avoir été jugé, jugé qu’en ver­tu de lois anté­rieures et sui­vant des formes pres­crites, empê­ché enfin d’exer­cer ses facul­tés phy­siques, morales, intel­lec­tuelles et indus­trielles, d’une manière inno­cente et pai­sible. Ces droits fon­da­men­taux des indi­vi­dus ne doivent pas pou­voir être vio­lés par toutes les auto­ri­tés réunies : mais la réunion de ces auto­ri­tés doit être com­pé­tente pour pro­non­cer sur tout ce qui n’est pas contraire à ces droits invio­lables et impres­crip­tibles.[28] »

« Ce qui est essen­tiel dans l’i­dée d’un régime démo­cra­tique, c’est d’a­bord la léga­li­té : régime où il y a des lois et où le pou­voir n’est pas arbi­traire et sans limites. Je pense que les régimes démo­cra­tiques sont ceux qui ont un mini­mum de res­pect pour les per­sonnes et ne consi­dèrent pas les indi­vi­dus uni­que­ment comme des moyens de pro­duc­tion ou des objets de propagande. »
Ray­mond Aron, « Machia­vel et les tyran­nies modernes », Ray­mond Aron, 1995, p. 187.

 

« Lorsqu’un groupe veut arri­ver au pou­voir par la vio­lence et pour réa­li­ser des chan­ge­ments qui ne peuvent pas être accep­tés paci­fi­que­ment par d’autres groupes, on sort de la démo­cra­tie et on entre dans la guerre civile ou dans la révolution.

Encore une fois, je ne dis pas qu’il faut tou­jours res­ter dans le cadre de la concur­rence paci­fique. Il est par­fai­te­ment pos­sible qu’à cer­tains moments la moins mau­vaise solu­tion soit la révo­lu­tion. Sim­ple­ment, si l’on veut pen­ser les choses clai­re­ment, il faut com­prendre que, la démo­cra­tie étant essen­tiel­le­ment la concur­rence paci­fique pour l’exercice du pou­voir, qui ne veut pas de la paix ou qui ne veut pas de la concur­rence sort de la démo­cra­tie et entre dans quelque chose d’autre.

Par consé­quent, j’arrive à une conclu­sion très simple : la ver­tu essen­tielle de la démo­cra­tie, le prin­cipe de la démo­cra­tie au sens de Mon­tes­quieu, ce n’est pas la ver­tu, c’est l’esprit de compromis. »
Ray­mond Aron, « Intro­duc­tion à la phi­lo­so­phie poli­tique : Démo­cra­tie et révo­lu­tion « , pages 51 et 52.

 

« Dans toute magis­tra­ture, il faut com­pen­ser la gran­deur de la puis­sance par la briè­ve­té de sa durée. Un an est le temps que la plu­part des légis­la­teurs ont fixé ; un temps plus long serait dan­ge­reux, un plus court serait contre la nature de la chose. »
Mon­tes­quieu, De l’Es­prit des lois, livre II : « Des lois qui dérivent direc­te­ment de la nature du gou­ver­ne­ment », cha­pitre III : « Des lois rela­tives à la nature de l’aristocratie »

 

« Il convient de dis­so­cier les idées, avant et afin d’associer les cœurs. »
Jean Gre­nier, Essai sur l’es­prit d’or­tho­doxie (1938). [For­mi­dable réflexion contre l’es­prit de parti.]

 

« La prise de déci­sion consen­suelle est typique des socié­tés au sein des­quelles on ne voit aucun moyen de contraindre une mino­ri­té à accep­ter une déci­sion majo­ri­taire, soit parce qu’il n’existe pas d’É­tat dis­po­sant du mono­pole de la coer­ci­tion, soit parce qu’il ne mani­feste aucun inté­rêt ni aucune pro­pen­sion à inter­ve­nir dans les prises de déci­sions locales.

S’il n’y a aucun moyen de for­cer ceux qui consi­dèrent une déci­sion majo­ri­taire comme désas­treuse à s’y plier, alors la der­nière chose à faire, c’est d’or­ga­ni­ser un vote.

Ce serait orga­ni­ser une sorte de com­pé­ti­tion publique à l’is­sue de laquelle cer­tains seraient consi­dé­rés comme des per­dants. Voter serait le meilleur moyen de pro­vo­quer ces formes d’hu­mi­lia­tion, de res­sen­ti­ment et de haine qui conduisent au bout du compte à la des­truc­tion des communautés. »
David Graeber.

 

« Les bul­le­tins de vote, des­ti­nés à être empor­tés par le vent avec les pro­messes des can­di­dats, ne valent pas mieux que des sagaies contre des canons. Pen­sez-vous, citoyens, que les gou­ver­nants vous les lais­se­raient si vous pou­viez vous en ser­vir pour faire une révolution ? »
Louise Michel, « Prise de pos­ses­sion » (1890).

 

« Mais qu’est-ce en véri­té qu’une élec­tion ? L’expression de la volon­té popu­laire, dit-on. Vrai­ment ? Nous entrons dans un iso­loir, et sur un bout de papier, nous tra­çons une croix devant un, deux, peut-être trois ou quatre noms. Avons-nous pour autant expri­mé ce que nous pen­sions de la poli­tique des États-Unis ? Nous avons sans doute quelques idées sur la ques­tion, avec beau­coup de « mais » et de « si » et de « on ». Cette croix sur un bout de papier n’en dit évi­dem­ment rien. Il nous fau­drait des heures pour expri­mer nos idées : qua­li­fier un bul­le­tin de vote d’« expres­sion de notre opi­nion » n’est qu’une fic­tion vide de sens. »
Wal­ter Lipp­mann, 1927.

 

« Deux loups et un lapin qui votent pour le dîner ce soir. »

 

« Je veux cher­cher si, dans l’ordre civil, il peut y avoir quelque règle d’ad­mi­nis­tra­tion légi­time et sûre, en pre­nant les hommes tels qu’ils sont, et les lois telles qu’elles peuvent être. Je tâche­rai d’al­lier tou­jours, dans cette recherche, ce que le droit per­met avec ce que l’in­té­rêt pres­crit, afin que la jus­tice et l’u­ti­li­té ne se trouvent point divi­sées. J’entre en matière sans prou­ver l’im­por­tance de mon sujet. On me deman­de­ra si je suis prince ou légis­la­teur pour écrire sur la poli­tique. Je réponds que non, et que c’est pour cela que j’é­cris sur la poli­tique. Si j’étais prince ou légis­la­teur, je ne per­drais pas mon temps à dire ce qu’il faut faire ; je le ferais, ou je me tai­rais. Né citoyen d’un État libre, et membre du sou­ve­rain, quelque faible influence que puisse avoir ma voix dans les affaires publiques, le droit d’y voter suf­fit pour m’im­po­ser le devoir de m’en ins­truire : heu­reux, toutes les fois que je médite sur les gou­ver­ne­ments, de trou­ver tou­jours dans mes recherches de nou­velles rai­sons d’ai­mer celui de mon pays ! »
Rous­seau, Le contrat social (1762), intro­duc­tion (superbe !).

 

« Mau­dit sois-tu, tu n’es qu’un lâche, comme le sont tous ceux qui acceptent d’être gou­ver­nés par les lois que des hommes riches ont rédi­gées afin d’as­su­rer leur propre sécu­ri­té. Ils nous font pas­ser pour des ban­dits, ces scé­lé­rats, alors qu’il n’y a qu’une dif­fé­rence entre eux et nous, ils volent les pauvres sous cou­vert de la loi tan­dis que nous pillons les riches sous la pro­tec­tion de notre seul courage. »
Charles Bel­la­my, cité par Mar­kus Redi­ker, dans « Pirates de tous pays »


Le pro­cès citoyen de l’élection – Sommaire

  1. Com­pa­rai­son des forces et fai­blesses uni­ver­selles de l’élection et du tirage au sort des repré­sen­tants. 2
  2. Du côté des gou­ver­nés, l’élection infan­ti­lise — et donc para­lyse — les élec­teurs ; elle les décou­rage de pen­ser et de défendre le bien com­mun (alors que le tirage au sort non). 4
  3. Par défi­ni­tion, l’élection est aris­to­cra­tique (alors que le tirage au sort est démo­cra­tique) 4
  4. Par défi­ni­tion, élire c’est abdi­quer, c’est renon­cer à exer­cer soi-même sa sou­ve­rai­ne­té, c’est délé­guer, c’est renon­cer à légi­fé­rer, (alors que tirer au sort, c’est reven­di­quer sa sou­ve­rai­ne­té). 5
  5. Infan­ti­li­sante, l’élection décou­rage et déres­pon­sa­bi­lise, dis­suade de bien faire, éloigne le peuple de la poli­tique et du bien com­mun, (alors que le tirage au sort encou­rage, et res­pon­sa­bi­lise, incite à bien faire). 6
  6. Du côté des gou­ver­nants, l’élection porte au pou­voir les pires (alors que le tirage au sort non) 7
  7. L’élection par­mi des can­di­dats donne le pou­voir à ceux qui le veulent (alors que le tirage au sort, non) 8
  8. L’élection pousse au men­songe et favo­rise les men­teurs (alors que le tirage au sort, non) 8
  9. L’élection pro­duit des maîtres, très dif­fé­rents de nous (alors que le tirage au sort pro­duit des égaux, très res­sem­blants) 9
  10. L’élection pro­duit des maîtres hors contrôle (alors que le tirage au sort, non) 9
  11. L’élection pro­duit une caste de maîtres hors contrôle (alors que le tirage au sort, non) 10
  12. L’élection par­mi des can­di­dats impose les par­tis pour gagner une sorte de guerre poli­tique, camp contre camp, avec une logique mili­taire, récla­mant l’obéissance des mili­tants et mobi­li­sant à fond des pas­sions col­lec­tives (alors que le tirage au sort, non) 11
  13. L’élection par­mi des can­di­dats per­met d’aider un can­di­dat, et donne ain­si tout le pou­voir aux plus riches (alors que le tirage au sort, non) 11
  14. Mise en œuvre des dif­fé­rentes pra­tiques du tirage au sort 13
  15. Prin­ci­paux usages pra­tiques du tirage au sort en poli­tique. 13
  16. Tirage au sort pour dési­gner les Chambres de contrôle de tous les pou­voirs. 13
  17. Tirage au sort pour dési­gner tout ou par­tie du Corps légis­la­tif 14
  18. Tirage au sort pour dési­gner l’Assemblée consti­tuante, sans qui rien n’adviendra. 14
  19. Les ate­liers consti­tuants, outils pra­tiques d’éducation popu­laire pour for­mer une foule de citoyens consti­tuants, gar­diens du bien com­mun. 15
  20. Un citoyen digne de ce nom doit être vigi­lant, donc consti­tuant 16
  21. Cette muta­tion des élec­teurs-enfants en citoyens-adultes ne pour­ra adve­nir que par édu­ca­tion popu­laire pra­tique : les Mini-Ate­liers Consti­tuants, Pro­li­fiques et Conta­gieux. 17

III.      Textes de réfé­rence. Démo­cra­tie, élec­tions, tirage au sort….. 18

  1. Sou­ve­rai­ne­té et démo­cra­tie. 18
  2. Néces­saire vigi­lance des citoyens et indis­pen­sables contrôles des pou­voirs en démo­cra­tie. 21
  3. Pro­jets ouver­te­ment anti­dé­mo­cra­tiques des pères fon­da­teurs du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif 28
  4. Le men­songe comme arme cen­trale des poli­ti­ciens de métier, « les pires gou­ver­ne­ront ». 31
  5. Per­ti­nence de l’opinion (et néces­saire par­ti­ci­pa­tion) des simples citoyens. 34
  6. Réfé­rences antiques. 38
  7. Contre les inéga­li­tés. 43
  8. Argu­ments contre le faux suf­frage uni­ver­sel (élire des maîtres au lieu de voter les lois) 43
  9. Argu­ments pour le tirage au sort 52
  10. À pro­pos du pro­ces­sus consti­tuant 55
  11. Légi­ti­mi­té. 58
  12. Bien com­mun, inté­rêt géné­ral, besoin de contro­verses. 58
  13. Tyran­nie. 60
  14. Autres pen­sées utiles. 61

Notes :

[2]   Sieyes, « Quelques idées de consti­tu­tion appli­cables à la ville de Paris », juillet 1789, p 3, cité par Pierre Rosan­val­lon dans son cha­pitre « His­toire du mot démo­cra­tie » (1993).

[3]   Annexes p. 27 : « 3 Pro­jets ouver­te­ment anti­dé­mo­cra­tiques des pères fon­da­teurs du gou­ver­ne­ment représentatif. »

[4]   La pro­cé­dure du concours, tra­di­tion chi­noise, ne sera pas étu­diée ici. Lire Ber­nard Manin, « Prin­cipes du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif » (1995), p. 177 : « On pour­rait d’ailleurs noter que l’at­tri­bu­tion de l’au­to­ri­té poli­tique par concours a été long­temps pra­ti­quée dans la Chine ancienne. Le concours consti­tue, à côté du tirage au sort, de l’é­lec­tion, de l’hé­ré­di­té et de la dési­gna­tion par les diri­geants en place une des moda­li­tés pos­sibles de la sélec­tion des gouvernants. […] »

[5] Aris­tote (Poli­tique IV, 1300b4‑5, ‑332).

[6] Mon­tes­quieu (L’esprit des lois, 1748).

[7] Cor­né­lius Cas­to­ria­dis (Post scrip­tum sur l’insignifiance, 1996).

[8]   Robes­pierre, Dis­cours du 18 plu­viôse an II.

[9]   Sieyes, Dis­cours du 7 sep­tembre 1789.

[10]  Aris­tote, Les Poli­tiques IV, 14, 1298‑b

[11]  Machia­vel, Dis­cours sur la Pre­mière Décade de Tite-Live (1531) Livre 1, Cha­pitre 58 : La foule est plus sage et plus constante qu’un prince. Voir aus­si les annexe p. 34, « 5. Per­ti­nence de l’opinion (et néces­saire par­ti­ci­pa­tion) des simples citoyens ».

[12]  Jacques Tes­tart, « À voix nue » (France Culture), 8 juin 2012.

[13] Toc­que­ville, « De la démo­cra­tie en Amé­rique », Livre 1, deuxième par­tie, cha­pitre VIII. GF Flam­ma­rion, tome I, p 371 et s.

[14] Pla­ton, cité par Jacques Rancière.

[15] Alain, Pro­pos sur le pou­voir, 10 décembre 1935.

[16]  Sur le concept essen­tiel (et très récent dans l’histoire) d’échan­tillon repré­sen­ta­tif, se repor­ter au livre d’Yves Sin­to­mer, « Petite his­toire de l’expérimentation démo­cra­tique. Tirage au sort et poli­tique d’Athènes à nos jours » (La Décou­verte, 2011), au cha­pitre « L’échantillon repré­sen­ta­tif, un micro­cosme de la cité », pages 149 et s..

[17]  « Écrits de Londres », 1940, p. 126 et s. :     https://​old​.chouard​.org/​E​u​r​o​p​e​/​S​i​m​o​n​e​_​W​e​i​l​_​N​o​t​e​_​s​u​r​_​l​a​_​s​u​p​p​r​e​s​s​i​o​n​_​g​e​n​e​r​a​l​e​_​d​e​s​_​p​a​r​t​i​s​_​p​o​l​i​t​i​q​u​e​s​.​pdf

[18]  Lire « L’opinion, ça se tra­vaille. Les médias et les « guerres justes » », de Hali­mi, Maler, Rey­mond, Vidal (Agone 2014).
Lire aus­si « La Fabri­ca­tion du consen­te­ment. De la pro­pa­gande média­tique en démo­cra­tie », de Noam Chom­sky & Edward Her­man (Agone, 2008).

[19]  Lire « Tous pou­voirs confon­dus : État, capi­tal et médias à l’ère de la mon­dia­li­sa­tion », de Geof­frey GEUENS (EPO Édi­tions, 2003). Lire aus­si « Main basse sur l’information » (Don Qui­chotte, 2016) de Laurent Mau­duit (de Mediapart).

[20]  Aris­tote, Poli­tique, III, 1279b34-1280a4 (trad. Aubon­net), cité par Moses I. Fin­ley, « Démo­cra­tie antique et démo­cra­tie moderne » (1972), p 58.

[21] Mon­tes­quieu, L’esprit des lois, livre XI, chap. IV.

[22] Tho­mas Paine, « Les droits de l’homme » (1791−1792).

[23] Tho­mas Paine, Les Droits de l’Homme (1792), chap. 4 Des constitutions.

[24] Tho­mas Paine, « Les droits de l’homme » (1791−1792).

[25] Thu­cy­dide 2.40.2, trad. Roussel.

[26] Jean-Paul Marat, « Les chaînes de l’esclavage » (1774).

[27] Alain, Pro­pos sur le pouvoir.

[28] Ben­ja­min Constant, « Réflexions sur les consti­tu­tions et les garan­ties » (1814), p. 159–166.

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60 Commentaires

  1. Ronald

    Voi­là une grosse bûche pour la Noël ! C’est un gros tra­vail qu’il va fal­loir décor­ti­quer. Glo­ba­le­ment, je suis d’ac­cord avec le texte. On voit que vous avez essayé d’être à la fois concis, com­plet et pré­cis. Je ne vais pas m’at­tar­der sur les idées que je par­tage, mais juste pré­ci­ser celles sur les­quelles je diverge.

    - Comme je l’a­vais déjà écrit dans un post anté­rieur sur le même sujet, vous ne confron­tez pas élec­tion et tirage au sort mais élec­tion et « tirage au sort + une série de garde-fous » (comme vous le dites d’ailleurs à 32:00). Ce qui évi­dem­ment dés­équi­libre le « com­bat ». Ain­si, pour vous, le tirage au sort est accom­pa­gné du« droit de voter les lois aux citoyens eux-mêmes » (I.A.2), de contrôle de l’ac­tion des repré­sen­tants (I.B.4) En outre je pense qu’il ne per­met une absence de cor­rup­tion (I.B.7) qu’à condi­tion que le man­dat soit court. Le pro­blème vient du fait que vous ne pré­ci­sez pas dans quelle ins­tance le tirage au sort et ses contrôles est alors employé. J’i­ma­gi­ne­rai par exemple que c’est pour l’As­sem­blée Légis­la­tive. Dans ce cas, ces « garde-fous » néces­sitent d’a­voir été ins­ti­tués expli­ci­te­ment par la Consti­tu­tion. Ils ne sont pas consti­tu­tifs au tirage au sort : ce n’est pas parce que l’As­sem­blée Légis­la­tive est tirée au sort qu’il y a for­cé­ment des réfé­ren­dums, du contrôle des repré­sen­tants, et que les man­dats sont courts. Réci­pro­que­ment, on peut ima­gi­ner que la Consti­tu­tion main­tiennent l’é­lec­tion des légis­la­teurs mais avec des contrôles popu­laires (je pense que c’est un peu l’i­dée de quel­qu’un comme Mélen­chon) : réfé­ren­dums, révo­ca­tions pos­sibles, non-cumul, man­dats limi­tés à une légis­la­ture, etc … Cela pour­rait peut-être don­ner un aus­si bon résul­tat que le tirage au sort. Vous répon­drez que les élus n’é­ta­bli­ront jamais cela. Évi­dem­ment, sur ce point je suis d’ac­cord, on ne peut tran­si­ger sur le tirage au sort de la Constituante.

    - Corol­laire du point pré­cé­dent : le tirage au sort n’é­vite qu’une des sources de l’a­bus de pou­voir. Je pense qu’on sera d’ac­cord pour dire qu’il y a deux types de motifs pour les­quels les diri­geants deviennent des oppres­seurs : des causes internes (aux per­sonnes) et des externes (ins­ti­tu­tion­nelles). Les pre­mières sont liées aux traits de per­son­na­li­té. Ce sont les indi­vi­dus avec des ten­dances nar­cis­siques ou sadiques qui se lancent dans la quête du pou­voir. Aus­si, l’é­lec­tion entraîne une sur­re­pré­sen­ta­tion de ceux-ci dans les ins­tances diri­geantes. Le tirage au sort évite cette dérive en bras­sant les membres qui en feront par­ties, qui com­prennent dès lors toutes sortes de carac­tères dif­fé­rents. Mais les com­por­te­ments acquis lors de l’exer­cice du pou­voir ne sont pas évi­tés par le tirage au sort : celui-ci cor­rompt cha­cun et tel qui sem­blait un hon­nête homme lors­qu’il n’é­tait qu’un par­ti­cu­lier devient un tyran une fois en poste, de par l’ha­bi­tude qu’il prend d’être obéi et de voir ses sou­haits se réa­li­ser. Il est donc néces­saire de cou­pler le tirage au sort à des garde-fous, qui sont au moins aus­si impor­tants que le tirage au sort : man­dats courts, contre-pou­voirs, révo­ca­tions, etc.

    - Le plus gros argu­ment en faveur de l’é­lec­tion pour moi est que les gens VEULENT des maîtres qui décident à leur place. Quand je dis­cute avec mon entou­rage (dis­cu­ter, hein, pas faire du rentre-dedans), c’est clai­re­ment ce qui res­sort du dis­cours. Et si l’on prend les chiffres, c’est clair. Les appels à can­di­da­tures pour les mini-jurys citoyens reçoivent 3 % de réponses posi­tives. Seuls 10 % des habi­tants de Por­to Allegre ont par­ti­ci­pé aux ins­tances démo­cra­tiques qui leurs étaient pro­po­sées. Et même dans régime comme Athènes, qui a été gou­ver­né démo­cra­ti­que­ment pen­dant deux siècles (ce n’est dons pas un pro­duit de la déres­pon­sa­bi­li­sa­tion), il n’y a eu au maxi­mum que 25 % des citoyens qui par­ti­ci­paient à la vie de l’as­sem­blée popu­laire (et encore, en les payant et en allant les cher­cher chez eux avec des hommes en armes). En com­pa­rai­son, même dans un régime élec­tif aus­si dégé­né­ré que les Etats-Unis, plus de 50 % du corps élec­to­ral s’est dépla­cé pour les der­nières élec­tions. J’in­ter­prète cela en disant que beau­coup de gens se sentent aptes à dési­gner des maîtres, mais pas à se mêler direc­te­ment de déci­sion poli­tique. Et si l’on passe d’un régime repré­sen­ta­tif à un régime démo­cra­tique, 25 % de la popu­la­tion – qui pré­cé­dem­ment votait aux élec­tions – va se détour­ner de la vie poli­tique. C’est tout de même gênant quand on se veut défen­seur de l’é­man­ci­pa­tion poli­tique du peuple.

    Ma solu­tion (Loïc Blon­diaux arrive à peu près à la même conclu­sion), c’est qu’il faut des ins­ti­tu­tions qui contentent tout le monde : il faut du tirage au sort pour ceux qui veulent des repré­sen­tants qui soient des ser­vi­teurs, de l’é­lec­tion pour ceux qui veulent choi­sir leur maître, et de la démo­cra­tie directe pour ceux qui ne veulent pas entendre par­ler de repré­sen­ta­tion. Je n’ai pas de modèle tout fait, mais les per­sonnes qui tra­vaillent sur la démo­cra­tie liquide me semblent sur la bonne piste pour abor­der ce problème.

    Après, il y a d’autres argu­ments pour l’é­lec­tion et contre le tirage au sort, que je ne par­tage pas mais que vous pour­rez entendre ci et là :

    - La ques­tion de l’i­né­ga­li­té par­mi les hommes. C’est ce que sou­lève l’in­ter­ve­nant à 29:22. Vous répon­dez que l’on pos­tule que tous les membres du corps social sont égaux poli­ti­que­ment. C’est le point cen­tral : cette idée est un pos­tu­lat. Mais qui est mino­ri­taire dans l’his­toire de la pen­sée. De Pla­ton à Jean-Michel Apa­thie, la grande majo­ri­té des pen­seurs poli­tiques ont consi­dé­ré que cer­tains avaient plus que d’autres le droit de prendre les déci­sions poli­tiques. Le cri­tère varie beau­coup selon les endroits et les époques : la sagesse, les faits d’armes, l’as­cen­dance illustre, l’eth­nie, la reli­gion, l’ « uti­li­té com­mune », le patri­moine, etc. Le fon­de­ment de l’i­déal démo­cra­tique est que tous ces cri­tères ne comptent pas pour la prise de déci­sion. Mais c’est un prin­cipes qu’il faut admettre au départ. Avec celui qui pense l’in­verse, la dis­cus­sion tour­ne­ra court.

    - « Dans l’é­lec­tion, on a choi­si la per­sonne qui sera notre repré­sen­tant, pas dans le tirage au sort ». Argu­ment fré­quent, qui pour­rait méri­ter de longs déve­lop­pe­ments. On pour­rait dis­cu­ter si c’est le sys­tème que l’on choi­sit ou les per­sonnes ; si le choix élec­to­ral est libre ; si la volon­té géné­rale n’est pas une somme d’in­té­rêts par­ti­cu­liers … Mais cette ques­tion ne m’a jamais vrai­ment intéressé.

    - Proche du pré­cé­dent : « Le can­di­dat à une élec­tion se pré­sente sur base d’un pro­gramme dont il doit rendre compte devant ses élec­teurs, pas le tiré au sort ». C’est deve­nu tel­le­ment fic­tif que je me demande si ceux qui défendent cette idée sont de bonne foi.

    - L’é­lec­tion déres­pon­sa­bi­li­se­rait (I.A.3) ? Ne serait-ce pas plu­tôt le tirage au sort qui entraî­ne­rait un dés­in­té­rêt de la poli­tique ? Si les déci­sions sont prises par un petit groupe où il n’y a qu’une chance infime que l’on soit tiré au sort, pour­quoi s’in­té­res­ser à la poli­tique ? Alors qu’a­vec l’é­lec­tion, au moins, une fois tous les cinq ans on est inter­ro­gé sur les grandes orien­ta­tions que l’on souhaite.

    Je pense que l’ar­gu­ment est par­tiel­le­ment vrai. Mais même aujourd’­hui, le débat poli­tique ne se limite pas à la période élec­to­rale, et les forces qui n’ont fac­tuel­le­ment pas de rôle dans les ins­ti­tu­tions (élues) agissent au quo­ti­dien pour peser sur le débat. Même dans l’hy­po­thèse d’un régime basé sur le tirage au sort « sec » (sans réfé­ren­dum, sans révo­ca­tion ou autres moyens légaux d’in­ter­ven­tion du peuple), le débat d’i­dée se pour­sui­vrait au quotidien.

    - « Et si on tombe sur un incom­pé­tent ? ». Comme vous l’ex­pli­quez (II.A), le tirage au sort s’u­ti­lise for­cé­ment pour des col­lec­tifs. Par consé­quent, si une fonc­tion doit être rem­plie par un indi­vi­du unique, il sera désigné/élu. Par exemple, le repré­sen­tant du pays à l’O­NU ne sera pas tiré au sort (ou alors par­mi un petit groupe de can­di­dats éva­lués préa­la­ble­ment, ce qui revient à une élec­tion par­tielle). Cela veut juste dire qu’il ne faut pas uti­li­ser le tirage au sort de manière inconsidérée.

    ____________________

    Voi­là pour mes com­men­taires sur le texte et la video. 

    Pour la liste de cita­tions, je pense sur­tout qu’il faut tout revoir une à une parce qu’elle contient un très grand nombre de fausses cita­tions. Comme le conte­nu du blog est régu­liè­re­ment repris sur la toile, c’est mal­heu­reux de contri­buer à les pro­pa­ger. Alors qu’entre-temps il y a des gens qui se donnent du mal pour véri­fier les cita­tions répan­dues et res­ti­tuer la véri­té. En outre, cer­taines cita­tions peuvent être des rac­cour­ci de texte, mais qui tendent à être par­fois com­prises de tra­vers sor­ties de leur contexte. Un prin­cipe de base énon­cé par Albert Ein­stein : « Une cita­tion trou­vée sur inter­net sans réfé­rences est presque tou­jours fausse ». 🙂

    Exemples déni­chés rapi­de­ment (je n’ai pas été exhaustif) :

    « Le prix de la liber­té est la vigi­lance éter­nelle » n’est pas de Jefferson :
    http://​www​.this​dayin​quotes​.com/​2​0​1​1​/​0​1​/​e​t​e​r​n​a​l​-​v​i​g​i​l​a​n​c​e​-​i​s​-​p​r​i​c​e​-​o​f​-​l​i​b​e​r​t​y​.​h​tml

    « Répé­tez un men­songe assez fort et assez long­temps et les gens le croi­ront » est clas­sé comme ‘misat­tri­bu­ted’ dans le Wiki­pé­dia anglais :
    https://​en​.wiki​quote​.org/​w​i​k​i​/​J​o​s​e​p​h​_​G​o​e​b​b​els

    L’at­tri­bu­tion de «  Il en va de la res­pon­sa­bi­li­té de chaque citoyen de ques­tion­ner l’Autorité » à Frank­lin n’a pas plus d’une dizaine d’année ! :
    http://​www​.snopes​.com/​b​e​n​j​a​m​i​n​-​f​r​a​n​k​l​i​n​-​s​a​i​d​-​t​o​-​q​u​e​s​t​i​o​n​-​a​u​t​h​o​r​i​ty/

    Vous vous basez beau­coup sur Guille­min, mais je ne crois pas que la rigueur en matière de cita­tions était son fort :
    « Il est néces­saire qu’il y ait des gueux igno­rants pour nour­rir les gens de bien » à mon avis est une cita­tion défor­mée (et com­plé­tée avec une autre?) de la lettre à Damil­la­ville que vous repre­nez plus bas, où il est aus­si ques­tion de gueux ignorants.

    « Un peuple sans reli­gion sera bien­tôt un peuple de bri­gands », phrase introu­vable ailleurs sur le net, est pro­ba­ble­ment un résu­mé alté­ré de l’ex­trait suivant : 

    « Ce qui est encore plus sin­gu­lier et plus digne de l’attention de qui­conque veut s’instruire, c’est que ces mêmes Juifs qui avaient ain­si sac­ca­gé la ville et le pays de Dan, qui avaient volé les petits dieux de leurs frères, pla­cèrent ces dieux dans la ville de Dan, et choi­sirent, pour ser­vir ces dieux, un petit-fils de Moïse avec sa famille. Du moins cela est écrit ain­si dans la Vul­gate. Il est dif­fi­cile de conce­voir que le petit-fils et toute la famille d’un homme qui avait vu Dieu face à face, qui avait reçu de lui deux tables de pierre, qui avait été revê­tu de toute la puis­sance de Dieu même pen­dant qua­rante années, eussent été réduits à être cha­pe­lains de l’idolâtrie pour un peu d’argent. Si la pre­mière loi des Juifs eût été alors de n’avoir aucun ouvrage de sculp­ture, com­ment les enfants de Moïse se seraient-ils faits tout d’un coup prêtres d’idoles ? On ne peut donc dou­ter, d’après les livres mêmes des Juifs, que leur reli­gion était très-incer­taine, très-vague, très-peu éta­blie, telle enfin qu’elle devait être chez un petit peuple de bri­gands vaga­bonds, vivant uni­que­ment de rapines. » (Vol­taire ; Dieu et les Hommes, Ch XVI).

    De même, la pro­ve­nance de la plu­part des cita­tions attri­buées à Vol­taire et à Napo­léon est introuvable.

    Etc, Etc …

    Pour ter­mi­ner, je signale juste que vous met­tez la même cita­tion d’A­ris­tote deux fois, l’une direc­te­ment, l’autre comme extrait de l’ou­vrage de Finley :

    « Or il semble que la rai­son rende clair le fait sui­vant : que ceux qui sont sou­ve­rains soient peu nom­breux ou nom­breux est un attri­but acci­den­tel dans le pre­mier cas des oli­gar­chies, dans le second des démo­cra­ties, parce que par­tout les gens aisés sont en petit nombre et les gens modestes en grand nombre. Les dif­fé­rences ne viennent donc pas des causes invo­quées ; mais ce par quoi dif­fèrent l’une de l’autre la démo­cra­tie et l’oligarchie, c’est la pau­vre­té et la richesse, et, néces­sai­re­ment, là où ceux qui gou­vernent le font par la richesse, qu’ils soient mino­ri­taires ou majo­ri­taires, on aura une oli­gar­chie, et là où ce sont les gens modestes, une démocratie. »
    (Aris­tote, Les Poli­tiques III, 8, 1279 –b).

    Au pas­sage, vous note­rez l’in­té­rêt de cette cita­tion. Contrai­re­ment à l’in­ter­pré­ta­tion moderne pour qui la « démo­cra­tie » est le gou­ver­ne­ment du grand nombre, par attrac­tion de l’op­po­sé « oli­gar­chie », gou­ver­ne­ment du petit nombre, Aris­tote consi­dère que ce n’en est pas le prin­cipe fon­da­men­tal. Pour lui, le gou­ver­ne­ment démo­cra­tique n’est pas une ques­tion de nombre mais de classe sociale : c’est quand les classes popu­laires détiennent le pou­voir. Il est encore plus expli­cite dans cet autre pas­sage des Poli­tiques (qui vient appuyer l’i­dée que les pauvres tenaient les rênes dans les cités démocratiques) : 

    « C’est une erreur grave, quoique fort com­mune, de faire repo­ser exclu­si­ve­ment la démo­cra­tie sur la sou­ve­rai­ne­té du nombre ; car, dans les oli­gar­chies aus­si, et l’on peut même dire par­tout, la majo­ri­té est tou­jours sou­ve­raine. D’un autre côté, l’o­li­gar­chie ne consiste pas davan­tage dans la sou­ve­rai­ne­té de la mino­ri­té. Sup­po­sons un État com­po­sé de treize cents citoyens, et par­mi eux que les riches, au nombre de mille, dépouillent de tout pou­voir poli­tique les trois cents autres, qui, quoique pauvres, sont libres cepen­dant aus­si bien qu’eux, et leurs égaux à tous autres égards que la richesse ; dans cette hypo­thèse, pour­ra-t-on dire que l’É­tat est démo­cra­tique ? Et de même, si les pauvres en mino­ri­té sont poli­ti­que­ment au-des­sus des riches, bien que ces der­niers soient plus nom­breux, on ne pour­ra pas dire davan­tage que c’est là une oli­gar­chie, si les autres citoyens, les riches, sont écar­tés du gou­ver­ne­ment. Certes il est bien plus exact de dire qu’il y a démo­cra­tie là où la sou­ve­rai­ne­té est attri­buée à tous les hommes libres, oli­gar­chie là où elle appar­tient exclu­si­ve­ment aux riches. La majo­ri­té des pauvres, la mino­ri­té des riches, ne sont que des cir­cons­tances secon­daires. Mais la majo­ri­té est libre, et c’est la mino­ri­té qui est riche. »
    (Aris­tote, La Poli­tique, Tra­duc­tion Bar­thé­lé­my-Saint-Hilaire, Livre VI, ch 3)

    Bonnes fêtes de fin d’an­née et encore mer­ci pour votre travail.

    Ronald

    Réponse
    • etienne

      Mer­ci Ronald.
      C’est tou­jours un plai­sir de vous lire, et chaque fois un enrichissement 🙂
      Vous avez sans doute remar­qué que j’ai fait ce tra­vail minu­tieux de véri­fi­ca­tion des cita­tions dans le texte principal.
      Mais c’est vrai que les 40 pages de cita­tions qui suivent le texte prin­ci­pal sont un réser­voir dans lequel il reste des cita­tions à vérifier.
      Je vais cor­ri­ger (ou sup­pri­mer) les cita­tions signa­lées dou­teuses. Je vais aus­si modi­fier l’in­tro­duc­tion de ces 40 pages, pour invi­ter tout le monde à m’ai­der dans ce tra­vail de vérification.
      Je vais aus­si, dès que pos­sible, tâcher de relire mon texte en fonc­tion de vos suggestions.
      Bonne fêtes à vous aussi.
      Amitiés.
      Étienne.

      Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Vous me dites (et c’est vrai) : « vous ne confron­tez pas élec­tion et tirage au sort mais élec­tion et « tirage au sort + une série de garde-fous » (comme vous le dites d’ailleurs à 32:00). Ce qui évi­dem­ment dés­équi­libre le « combat ». »

      Mais, pré­ci­sé­ment, j’ex­plique dans le point 4 (« L’élection pro­duit des maîtres hors contrôle (alors que le tirage au sort, non ») que les pro­cé­dures EN ELLES-MÊMES induisent le fait qu’on pense OU PAS à contrô­ler les représentants.

      Alors oui, le com­bat est dés­équi­li­bré, mais je ne triche pas : les élus se sont effec­ti­ve­ment écrit pour eux-mêmes, tou­jours et par­tout, une pro­cé­dure de dési­gna­tion sans AUCUN contrôle popu­laire (digne de ce nom).

      Ceci dit, vous avez vous même anti­ci­pé la réponse prin­ci­pale qu’il faut faire à votre objec­tion : OK, l’é­lec­tion peut être assor­tie de contrôle, mais à la condi­tion for­melle que ce ne soit pas des élus qui l’ins­ti­tuent ; rai­son pour laquelle il faut abso­lu­ment tirer au sort au moins l’as­sem­blée consti­tuante, et ce n’est pas négo­ciable. Autre­ment dit, nous serions capables d’ins­ti­tuer nous-mêmes un gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif infi­ni­ment plus démo­cra­tique que ceux qui existent sur terre à l’heure actuelle, mais il faut pour cela que ce soit de simples citoyens qui soient les consti­tuants, à l’ex­clu­sion de tout pro­fes­sion­nel de la poli­tique (il n’y a aucune rai­son d’ac­cep­ter le moindre conflit d’in­té­rêts dans le pro­ces­sus constituant).

      Réponse
      • Ronald

        Ok on est a peu près d’ac­cord. Je refor­mu­le­rais donc de la manière sui­vante. La Consti­tu­tion d’o­ri­gine citoyenne peut évi­ter les abus de pou­voir des ins­ti­tu­tions qu’elle met en place en gar­dant une légis­la­tive élue, à condi­tion de mettre des garde-fous. Mais le désa­van­tage de l’é­lec­tion par rap­port au tirage au sort, c’est qu’a­lors tout repose sur ces garde-fous. Et que les repré­sen­tants élus n’au­ront de cesse de les ren­ver­ser ou les contour­ner. Pour uti­li­ser une image : il vaut tou­jours mieux être dans une arène entou­ré de mou­tons en cage qu’en­tou­ré de lions en cage.

        Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Vous me dites : « La ques­tion de l’inégalité par­mi les hommes. C’est ce que sou­lève l’intervenant à 29:22. Vous répon­dez que l’on pos­tule que tous les membres du corps social sont égaux poli­ti­que­ment. C’est le point cen­tral : cette idée est un pos­tu­lat. Mais qui est mino­ri­taire dans l’histoire de la pen­sée. De Pla­ton à Jean-Michel Apa­thie, la grande majo­ri­té des pen­seurs poli­tiques ont consi­dé­ré que cer­tains avaient plus que d’autres le droit de prendre les déci­sions politiques. »

      Per­sonne n’est obli­gé d’être démo­crate, mais si on se pré­tend démo­crate, on ne peut pas nier le cœur même de l’i­dée démo­cra­tique (qui est pré­ci­sé­ment le pos­tu­lat de l’é­ga­li­té politique) 🙂 

      Pour tom­ber d’ac­cord avec vous, je vous pro­pose de modi­fier votre der­nière phrase : 

      C’est le point cen­tral : cette idée est un pos­tu­lat. Mais qui est mino­ri­taire dans l’histoire de la pen­sée oli­gar­chique. De Pla­ton à Jean-Michel Apa­thie, qui étaient tous des enne­mis achar­nés du peuple et de la démo­cra­tie, la grande majo­ri­té des pen­seurs poli­tiques rete­nus comme dignes d’in­té­rêts par les his­to­riens oli­gar­chiques ont consi­dé­ré que cer­tains avaient plus que d’autres le droit de prendre les déci­sions politiques. 

      🙂

      Réponse
      • Ronald

        Bien sûr, mais ce que je veux sou­li­gner, c’est que sur cette défi­ni­tion (l’i­so­no­mie), on se rend compte qu’il n’y a fina­le­ment – même si tout le monde ou presque s’en réclame – pas tel­le­ment de gens qui soient démo­crates. Beau­coup objectent que telle ou telle per­sonne ne doit pas avoir les mêmes droits poli­tiques que les autres (parce qu’elle n’est pas assez intel­li­gente, ou trop vieille ou trop jeune, ou mal infor­mée, ou a des motifs inavouables, ou des opi­nions nau­séa­bondes, ou des liens inadé­quats sur Face­book, etc.). Si on veut aller au fond des choses, l’o­pi­nion que « tout le monde doit avoir les mêmes droits » n’a pas de jus­ti­fi­ca­tion plus fon­da­men­tale au-delà d’elle-même.
        Et je ne suis pas cer­tain que ce soit l’op­ti­mum pour la socié­té. La preuve : pre­nons un pédo­phile qui à vio­lé et tué une dizaine d’en­fants, et une dame qui va tra­vailler aux res­tos du coeur chaque Noël ; toute choses égales par ailleurs, ne vau­drait-il pas mieux une socié­té ou la seconde à un peu plus de droit de se pro­non­cer sur les affaires publiques que le pre­mier ? Au fond de moi-même, je pen­se­rai tou­jours que oui.
        A la réflexion, je pense que la jus­ti­fi­ca­tion d’ac­cor­der les même droits poli­tiques à tous, ce n’est pas parce que c’est « le meilleur des mondes pos­sibles », mais parce que si cha­cun y a va de ses exclu­sives et de ses cri­tères de gra­da­tion des droits, l’en­semble de la socié­té va se trou­ver dans des conflits inces­sants, sans qu’au­cune posi­tion ne soit plus jus­ti­fiée et défi­ni­tive qu’une autre.

        Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Vous signa­lez l’ob­jec­tion fré­quente : « Dans l’élection, on a choi­si la per­sonne qui sera notre repré­sen­tant, pas dans le tirage au sort. »

      Mais cette objec­tion est com­plè­te­ment caduque si les pré­ten­dus choix sont tous des faux choix, n’est-ce pas ? Un faux choix ne mérite pas d’être qua­li­fié de « choix », n’est-ce pas ? Or, pré­ci­sé­ment, dans l’é­lec­tion-par­mi-des-can­di­dats-qu’on-peut-aider, les « choix » sont tous fac­tices car seuls les can­di­dats sou­te­nus par les plus riches ont une chance réelle d’être élus… Les autres can­di­dats étant, consciem­ment ou non, des attrape-nigauds char­gés pré­ci­sé­ment de faire croire au « choix sou­ve­rain » du « suf­frage universel ».

      La seule élec­tion qui mérite, selon moi, d’être défen­due par l’ob­jec­tion en ques­tion est l’é­lec­tion-sans-can­di­dats, c’est-à-dire la pos­si­bi­li­té pour chaque élec­teur de dési­gner libre­ment des gens qu’il connaît bien et qu’il consi­dère comme vrai­ment valeu­reux (et qui ne sont pas can­di­dats ; une ques­tion inté­res­sante, mais non tran­chée, étant de savoir si l’on per­met à cet élu-sans-avoir-été-can­di­dat de refu­ser la charge ou pas). Et bien sûr, j’ai beau­coup moins d’ap­pré­hen­sion au sujet de ce type d’élection-là.

      Réponse
      • joss

        Si on prend comme hypo­thèse que les pré­oc­cu­pa­tions des uns sont tout aus­si impor­tantes que les pré­oc­cu­pa­tions des autres, pour­quoi choi­sir cer­tains en par­ti­cu­lier ? Le tirage au sort est le bien venu car il met tout le monde sur le même pied d’é­ga­li­té, il neu­tra­lise toute influence dans le choix. C’est pour cela qu’on l’u­ti­lise dans le Loto (jeu de hasard), tous les numé­ros se valent et les influences de cha­cun sont neu­tra­li­sées grâce au tirage au sort.

        Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Vous signa­lez l’ob­jec­tion : « Le can­di­dat à une élec­tion se pré­sente sur base d’un pro­gramme dont il doit rendre compte devant ses élec­teurs, pas le tiré au sort ».

      Celle-là, c’est la meilleure (et je suis sûr que vous me l’ac­cor­de­rez car vous le sous-enten­dez vous-même ensuite 🙂 ) : les mêmes qui pré­tendent que « les élus sont élus sur un man­dat sur lequel ils doivent rendre des comptes », les mêmes poussent des cris d’or­fraie quand on exige que les man­dats soient impératifs ! 

      On dirait une grosse blague, cette objec­tion — pour­vu qu’on se sou­vienne que ce sont les mêmes qui pré­tendent un jour que l’é­lec­tion repose sur un man­dat contrai­gnant, qui pré­tendent un autre jour que le man­dat élec­tif ne sau­rait, en aucun cas, être contrai­gnant (selon les mêmes, le man­dat impé­ra­tif doit abso­lu­ment être interdit).

      Ceci dit, on tom­be­ra sans doute d’ac­cord, là encore, sur l’i­dée que nous serions (« nous », les simples citoyens non can­di­dats au pou­voir légis­la­tif, mais pour­tant seuls aptes au pou­voir consti­tuant) sûre­ment capables d’ins­ti­tuer nous-mêmes l’é­lec­tion avec pro­messes élec­to­rales, man­dats contrai­gnants et sévère red­di­tion des comptes. À la stricte condi­tion que l’As­sem­blée consti­tuante soit consti­tuée de simples citoyens et d’au­cun pro­fes­sion­nel de la politique.

      On n’en sort pas : la défense (un jour pro­chain ?) par tous les humains de la méta­règle « Ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’é­crire les règles du pou­voir » chan­ge­ra tout en profondeur.

      Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Vous me dites : « Ne serait-ce pas plu­tôt le tirage au sort qui entraî­ne­rait un dés­in­té­rêt de la poli­tique ? Si les déci­sions sont prises par un petit groupe où il n’y a qu’une chance infime que l’on soit tiré au sort, pour­quoi s’intéresser à la poli­tique ? Alors qu’avec l’élection, au moins, une fois tous les cinq ans on est inter­ro­gé sur les grandes orien­ta­tions que l’on souhaite. »

      Je ne vois pas pour­quoi les chances d’être tiré au sort seraient « infimes » : il y a des mil­liers de man­dats à assu­mer, par­tout dans le pays, et à tous les éche­lons géo­gra­phiques ; et en plus, il faut les renou­ve­ler fré­quem­ment (à cause des man­dats courts et non renouvelables).

      Donc, je main­tiens : l’é­lec­tion nous infan­ti­lise, elle nous tient stric­te­ment à l’é­cart de l’ac­tion poli­tique, et donc elle nous déres­pon­sa­bi­lise complètement. 

      Le tirage au sort, certes sans être une pana­cée (rien n’est par­fait), amé­lio­re­ra évi­dem­ment la situation.

      Il me semble que ceux qui for­mulent cette objec­tion ne prennent pas la mesure du pro­fond chan­ge­ment de para­digme que por­te­rait le tirage au sort enfin vou­lu par les citoyens eux-mêmes.

      Réponse
      • joss

        Dans le texte, il est pris comme hypo­thèse que c’est l’é­lec­tion ou le tirage au sort des repré­sen­tants qui votent les lois. Mais cela pour­rait être de ceux qui pré­parent les lois ou exé­cutent les lois. Le vote res­te­rait le pou­voir de tous les citoyens.

        Dans le régime actuel, le seul « pou­voir » (nov­langue car très très très minime) que l’on peut exer­cer est celui de choi­sir ceux (par­mi un groupe pré­pa­ré par l’é­lite) qui vont éla­bo­rer et voter les lois. Quand je dis « ceux », ce sont les dépu­tés, mais il y a aus­si le Sénat dont les séna­teurs ne sont pas choi­sis par les citoyens. Et puis, le gou­ver­ne­ment dont les ministres ne sont pas choi­sis par les citoyens. Et puis, les juges et magis­trats non choi­sis par les citoyens, et puis, l’u­ti­li­sa­tion des décrets-lois qui court-cir­cuite le par­le­ment et j’en passe…sans par­ler du pou­voir média­tique et monétaire…

        Donc, oui, notre seul « pou­voir » actuel, c’est une élec­tion très très très ciblée et qui n’in­fluence en rien la poli­tique. Ce n’est pas l’ou­til « élec­tion » qu’il faut condam­ner, mais le fait qu’il est mal uti­li­sé et qu’il est uti­li­sé dans un régime qui n’a aucune fina­li­té démocratique.

        Mais l’é­lec­tion pour­rait être uti­li­sée par exemple pour choi­sir des experts qui don­ne­raient des avis pour cer­taines déli­bé­ra­tions citoyennes.

        Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Je vous trouve sévère quand vous évo­quez « un très grand nombre de fausses cita­tions ».

      Vous avez rai­son, repre­nons-les une à une, car il y en a de dou­teuses, je le sais, mais vous ver­rez que la plu­part sont bien réelles : je les ai lues direc­te­ment moi-même dans les livres des auteurs cités.

      Réponse
      • joss

        Ce ne sont pas des fausses cita­tions, mais des vraies cita­tions mal attribuées.
        Et si par mal­heur, elles n’a­vaient pas d’at­tri­bu­tion, ce sont quant même des cita­tions. Vous pour­riez alors vous les attri­buer 😉 ou comme le sol­dat incon­nu, mettre « auteur inconnu ».
        Mais cela reste un sacré tra­vail de les avoir regroupées !

        Réponse
    • etienne

      Cher Ronald,

      Voi­là, j’ai cor­ri­gé (dans la nuit) les cita­tions incriminées.
      Si vous en voyiez d’autres, je vous serais infi­ni­ment recon­nais­sant de bien vou­loir me les signaler 🙂

      J’ai inté­gré dans ma page « Pré­cieuses pépites » la cita­tion d’A­ris­tote que vous nous signa­lez. J’a­voue ne pas avoir été la véri­fier dans mon propre exemplaire 🙂

      Mais il faut bien — parce que néces­si­té fait loi — se faire confiance les uns les autres pour la plus grande par­tie de ce que nous croyons. Me vient en tête une forte pen­sée de Toc­que­ville à ce sujet. La voi­ci (je sur­ligne d’a­bord les argu­ments de néces­si­té pour accep­ter de croire sans véri­fier, mais je sur­ligne aus­si ensuite des réflexions connexes que je trouve fort utiles) :

      Toc­que­ville, De la Démo­cra­tie en Amé­rique II, Pre­mière par­tie, Chap 2 

      De la source principale des croyances chez les peuples démocratiques

      Les croyances dog­ma­tiques sont plus ou moins nom­breuses, sui­vant les temps. Elles naissent de dif­fé­rentes manières et peuvent chan­ger de forme et d’ob­jet ; mais on ne sau­rait faire qu’il n’y ait pas de croyances dog­ma­tiques, c’est-à-dire d’o­pi­nions que les hommes reçoivent de confiance et sans les dis­cu­ter. Si cha­cun entre­pre­nait lui-même de for­mer toutes ses opi­nions et de pour­suivre iso­lé­ment la véri­té dans des che­mins frayés par lui seul, il n’est pas pro­bable qu’un grand nombre d’hommes dût jamais se réunir dans aucune croyance commune.

      Or, il est facile de voir qu’il n’y a pas de socié­té qui puisse pros­pé­rer sans croyances sem­blables, ou plu­tôt il n’y en a point qui sub­sistent ain­si ; car, sans idées com­munes, il n’y a pas d’ac­tion com­mune, et, sans action com­mune, il existe encore des hommes, mais non un corps social. Pour qu’il y ait socié­té, et, à plus forte rai­son, pour que cette socié­té pros­père, il faut donc que tous les esprits des citoyens soient tou­jours ras­sem­blés et tenus ensemble par quelques idées prin­ci­pales ; et cela ne sau­rait être, à moins que cha­cun d’eux ne vienne quel­que­fois pui­ser ses opi­nions à une même source et ne consente à rece­voir un cer­tain nombre de croyances toutes faites.

      Si je consi­dère main­te­nant l’homme a part, je trouve que les croyances dog­ma­tiques ne lui sont pas moins indis­pen­sables pour vivre seul que pour agir en com­mun avec ses semblables.

      Si l’homme était for­cé de se prou­ver à lui-même toutes les véri­tés dont il se sert chaque jour, il n’en fini­rait point ; il s’é­pui­se­rait en démons­tra­tions pré­li­mi­naires sans avan­cer ; comme il n’a pas le temps, à cause du court espace de la vie, ni la facul­té, à cause des bornes de son esprit, d’en agir ain­si, il en est réduit à tenir pour assu­rés une foule de faits et d’o­pi­nions qu’il n’a eu ni le loi­sir ni le pou­voir d’exa­mi­ner et de véri­fier par lui-même, mais que de plus habiles ont trou­vés ou que la foule adopte. C’est sur ce pre­mier fon­de­ment qu’il élève lui-même l’é­di­fice de ses propres pen­sées. Ce n’est pas sa volon­té qui l’a­mène à pro­cé­der de cette manière ; la loi inflexible de sa condi­tion l’y contraint.

      Il n’y a pas de si grand phi­lo­sophe dans le monde qui ne croie un mil­lion de choses sur la foi d’au­trui, et qui ne sup­pose beau­coup plus de véri­tés qu’il n’en établit.

      Ceci est non seule­ment néces­saire, mais dési­rable. Un homme qui entre­pren­drait d’exa­mi­ner tout par lui-même ne pour­rait accor­der que peu de temps et d’at­ten­tion à chaque chose ; ce tra­vail tien­drait son esprit dans une agi­ta­tion per­pé­tuelle qui l’empêcherait de péné­trer pro­fon­dé­ment dans aucune véri­té et de se fixer avec soli­di­té dans aucune cer­ti­tude. Son intel­li­gence serait tout à la fois indé­pen­dante et débile. Il faut donc que, par­mi les divers objets des opi­nions humaines, il fasse un choix et qu’il adopte beau­coup de croyances. sans les dis­cu­ter, afin d’en mieux appro­fon­dir un petit nombre dont il s’est réser­vé l’examen.

      Il est vrai que tout homme qui reçoit une opi­nion sur la parole d’au­trui met son esprit en escla­vage ; mais c’est une ser­vi­tude salu­taire qui per­met de faire un bon usage de la liberté.

      Il faut donc tou­jours, quoi qu’il arrive, que l’au­to­ri­té se ren­contre quelque part dans le monde intel­lec­tuel et moral. Sa place est variable, mais elle a néces­sai­re­ment une place. L’in­dé­pen­dance indi­vi­duelle peut être plus ou moins grande ; elle ne sau­rait être sans bornes. Ain­si, la ques­tion n’est pas de savoir s’il existe une auto­ri­té intel­lec­tuelle dans les siècles démo­cra­tiques, mais seule­ment où en est le dépôt et quelle en sera la mesure.

      J’ai mon­tré dans le cha­pitre pré­cé­dent com­ment l’é­ga­li­té des condi­tions fai­sait conce­voir aux hommes une sorte d’in­cré­du­li­té ins­tinc­tive pour le sur­na­tu­rel, et une idée très haute et sou­vent fort exa­gé­rée de la rai­son humaine.

      Les hommes qui vivent dans ces temps d’é­ga­li­té sont donc dif­fi­ci­le­ment conduits à pla­cer l’au­to­ri­té intel­lec­tuelle à laquelle ils se sou­mettent en dehors et au-des­sus de l’hu­ma­ni­té. C’est en eux-mêmes ou dans leurs sem­blables qu’ils cherchent d’or­di­naire les sources de la véri­té. Cela suf­fi­rait pour prou­ver qu’une reli­gion nou­velle ne sau­rait s’é­ta­blir dans ces siècles, et que toutes ten­ta­tives pour la faire naître ne seraient pas seule­ment impies, mais ridi­cules et dérai­son­nables. On peut pré­voir que les peuples démo­cra­tiques ne croi­ront pas aisé­ment aux mis­sions divines, qu’ils se riront volon­tiers des nou­veaux pro­phètes et qu’ils vou­dront trou­ver dans les limites de l’hu­ma­ni­té, et non au-delà, l’ar­bitre prin­ci­pal de leurs croyances.

      Lorsque les condi­tions sont inégales et les hommes dis­sem­blables, il y a quelques indi­vi­dus très éclai­rés, très savants, très puis­sants par leur intel­li­gence, et une mul­ti­tude très igno­rante et fort bor­née. Les gens qui vivent dans les temps d’a­ris­to­cra­tie sont donc natu­rel­le­ment por­tés à prendre pour guide de leurs opi­nions la rai­son supé­rieure d’un homme ou d’une classe, tan­dis qu’ils sont peu dis­po­sés à recon­naître l’in­failli­bi­li­té de la masse.

      Le contraire arrive dans les siècles d’égalité.

      À mesure que les citoyens deviennent plus égaux et plus sem­blables, le pen­chant de cha­cun à croire aveu­glé­ment un cer­tain homme ou une cer­taine classe dimi­nue. La dis­po­si­tion à en croire la masse aug­mente, et c’est de plus en plus l’o­pi­nion qui mène le monde.

      Non seule­ment l’o­pi­nion com­mune est le seul guide qui reste à la rai­son indi­vi­duelle chez les peuples démo­cra­tiques ; mais elle a chez ces peuples une puis­sance infi­ni­ment plus grande que chez nul autre. Dans les temps d’é­ga­li­té, les hommes n’ont aucune foi les uns dans les autres, à cause de leur simi­li­tude ; mais cette même simi­li­tude leur donne une confiance presque illi­mi­tée dans le juge­ment du public ; car il ne leur paraît pas vrai­sem­blable qu’ayant tous des lumières pareilles, la véri­té ne se ren­contre pas du côté du plus grand nombre.

      Quand l’homme qui vit dans les pays démo­cra­tiques se com­pare indi­vi­duel­le­ment à tous ceux qui l’en­vi­ronnent, il sent avec orgueil qu’il est égal à cha­cun d’eux ; mais, lors­qu’il vient à envi­sa­ger l’en­semble de ses sem­blables et à se pla­cer lui-même à côté de ce grand corps, il est aus­si­tôt acca­blé de sa propre insi­gni­fiance et de sa faiblesse.

      Cette même éga­li­té qui le rend indé­pen­dant de cha­cun de ses conci­toyens en par­ti­cu­lier, le livre iso­lé et sans défense à l’ac­tion du plus grand nombre.

      Le public a donc chez les peuples démo­cra­tiques une puis­sance sin­gu­lière dont les nations aris­to­cra­tiques ne pou­vaient pas même conce­voir l’i­dée. Il ne per­suade pas ses croyances, il les impose et les fait péné­trer dans les âmes par une sorte de pres­sion immense de l’es­prit de tous sur, l’in­tel­li­gence de chacun.

      Aux États-Unis, la majo­ri­té se charge de four­nir aux indi­vi­dus une foule d’o­pi­nions toutes faites, et les sou­lage ain­si de l’o­bli­ga­tion de s’en for­mer qui leur soient propres. Il y a un grand nombre de théo­ries en matière de phi­lo­so­phie, de morale ou de poli­tique, que cha­cun y adopte ain­si sans exa­men sur la foi du public ; et, si l’on regarde de très près, on ver­ra que la reli­gion elle-même y règne bien moins comme doc­trine révé­lée que comme opi­nion commune.

      Je sais que, par­mi les Amé­ri­cains, les lois poli­tiques sont telles que la majo­ri­té y régit sou­ve­rai­ne­ment la socié­té ; ce qui accroît beau­coup l’empire qu’elle y exerce natu­rel­le­ment sur l’in­tel­li­gence. Car il n’y a rien de plus fami­lier à l’homme que de recon­naître une sagesse supé­rieure dans celui qui l’opprime.

      Cette omni­po­tence poli­tique de la majo­ri­té aux États-Unis aug­mente, en effet, l’in­fluence que les opi­nions du public y obtien­draient sans elle sur l’es­prit de chaque citoyen ; mais elle ne la fonde point. C’est dans l’é­ga­li­té même qu’il faut cher­cher les sources de cette influence, et non dans les ins­ti­tu­tions plus ou moins popu­laires que des hommes égaux peuvent se don­ner. Il est à croire que l’empire intel­lec­tuel du plus grand nombre serait moins abso­lu chez un peuple démo­cra­tique sou­mis à un roi, qu’au sein d’une pure démo­cra­tie ; mais il sera tou­jours très abso­lu, et, quelles que soient les lois poli­tiques qui régissent les hommes dans les siècles d’é­ga­li­té, l’on peut pré­voir que la foi dans l’o­pi­nion com­mune y devien­dra une sorte de reli­gion dont la majo­ri­té sera le prophète.

      Ain­si l’au­to­ri­té intel­lec­tuelle sera dif­fé­rente, mais elle ne sera pas moindre ; et, loin de croire qu’elle doive dis­pa­raître, j’au­gure qu’elle devien­drait aisé­ment trop grande et qu’il pour­rait se faire qu’elle ren­fer­mât enfin l’ac­tion de la rai­son indi­vi­duelle dans des limites plus étroites qu’il ne convient à la gran­deur et au bon­heur de l’es­pèce humaine. Je vois très clai­re­ment dans l’é­ga­li­té deux ten­dances : l’une qui porte l’es­prit de chaque homme vers des pen­sées nou­velles, et l’autre qui le rédui­rait volon­tiers à ne plus pen­ser. Et j’a­per­çois com­ment, sous l’empire de cer­taines lois, la démo­cra­tie étein­drait la liber­té intel­lec­tuelle que l’é­tat social démo­cra­tique favo­rise, de telle sorte qu’a­près avoir bri­sé toutes les entraves que lui impo­saient jadis des classes ou des hommes, l’es­prit, humain s’en­chaî­ne­rait étroi­te­ment aux volon­tés géné­rales du grand nombre.

      Si, à la place de toutes les puis­sances diverses qui gênaient ou retar­daient outre mesure l’es­sor de la rai­son indi­vi­duelle, les peuples démo­cra­tiques sub­sti­tuaient le pou­voir abso­lu d’une majo­ri­té, le mal n’au­rait fait que chan­ger de carac­tère. Les hommes n’au­raient point trou­vé le moyen de vivre indé­pen­dants ; ils auraient seule­ment décou­vert, chose dif­fi­cile, une nou­velle phy­sio­no­mie de la ser­vi­tude. Il y a là, je ne sau­rais trop le redire, de quoi faire réflé­chir pro­fon­dé­ment ceux qui voient dans la liber­té de l’in­tel­li­gence une chose sainte, et qui ne haïssent point seule­ment le des­pote, mais le des­po­tisme. Pour moi, quand je sens la main du pou­voir qui s’ap­pe­san­tit sur mon front, il m’im­porte peu de savoir qui m’op­prime, et je ne suis pas mieux dis­po­sé à pas­ser ma tête dans le joug, parce qu’un mil­lion de bras me le présentent.

      Alexis de Toque­ville, De la Démo­cra­tie en Amé­rique II, Pre­mière par­tie, Chap 2 : De la source prin­ci­pale des croyances chez les peuples démocratiques

      http://​clas​siques​.uqac​.ca/​c​l​a​s​s​i​q​u​e​s​/​D​e​_​t​o​c​q​u​e​v​i​l​l​e​_​a​l​e​x​i​s​/​d​e​m​o​c​r​a​t​i​e​_​2​/​d​e​m​o​c​r​a​t​i​e​_​t​o​m​e​2​.​h​tml

      Réponse
      • Ronald

        Bien sûr, à un moment don­né, il faut bien s’en remettre à croire les témoi­gnages. Mais ce qui est aga­çant avec les fausses attri­bu­tions, c’est qu’elles ont ten­dances à « char­ger la mule ». Les salauds se retrouvent avec des cita­tions qui les font pas­ser pour encore plus salauds, et les saints, encore plus saints (on ne prête qu’aux riches). Beau­coup de gens croient que Louis XV est l’au­teur de « Après moi le déluge », que Marie-Antoi­nette à dit « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche », et Goeb­bels « Quand j’en­tends le mot culture, je sors mon revolver ».
        En géné­ral, pour repé­rer une fausse citation :
        – un auteur mais une absence de réfé­rence est un indice très fort de fausse cita­tion ; inver­se­ment, quand la réfé­rence de l’ou­vrage est don­née, dans mon expé­rience, c’est en géné­ral exact
        – une cita­tion attri­buée à des auteurs dif­fé­rents est très sus­pecte : dans plus d’un cas, aucun n’est le bon
        – un « bon client » : un auteur de bon mots se voit attri­buer de nom­breuses répliques : Mark Twain, Chur­chill, Sacha Guitry, …
        – un saint ou un salaud : Ein­stein, Gand­hi, Ken­ne­dy, Napo­léon, Goebbels, …
        – une cita­tion « trop belle » est sou­vent un raccourci.
        – quand on est fami­lier de l’au­teur, on peut aus­si recon­naître si la phrase peut cor­res­pondre à son style ou à ses idées

        J’ai revu pour l’ins­tant les points 1 à 3. Voi­ci les correctifs :

        1. Sou­ve­rai­ne­té et démocratie

        « C’est une loi fon­da­men­tale de la démo­cra­tie que le peuple fasse les lois ».
        Cor­rec­tion mineure, la phrase exacte est :
        « C’est encore une loi fon­da­men­tale de la démo­cra­tie, que le peuple seul fasse des lois »

        2. Néces­saire vigi­lance des citoyens et indis­pen­sables contrôles des pou­voirs en démocratie

        « La meilleure for­te­resse des tyrans, c’est l’inertie des peuples. ». Je n’ai pas trou­vé cette phrase. Mais typi­que­ment, elle ne res­semble ni à la pen­sée, ni au style de Machia­vel (qui ne parle pas volon­tiers de ‘tyran’, ni de ‘peuples’ au plu­riel). La véri­table phrase source est à mon avis :
        « La meilleure for­te­resse qu’un prince puisse avoir est l’affection de ses peuples : s’il est haï, toutes les for­te­resses qu’il pour­ra avoir ne le sau­ve­ront pas ; car si ses peuples prennent une fois les armes, ils trou­ve­ront tou­jours des étran­gers pour les sou­te­nir ». (Machia­vel, Le Prince, cha­pitre XX)

        « Le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif devient bien­tôt le plus corrompu … »
        Pré­ci­sion de la référence :
        Madame Roland, Lettre du 31 juillet 1791, in Lettres de Madame Roland, Paris, 1902, tome II, p 354 

        « La vraie démo­cra­tie ne vien­dra pas de la prise de pou­voir par quelques-uns, mais du pou­voir que tous auront de s’opposer aux abus de pou­voir. » Gandhi.
        Réfé­rence com­plète : GANDHI, Tous les hommes sont frères, 1969, p. 239. 

        « La puni­tion des gens bons qui ne s’intéressent pas à la poli­tique, c’est d’être gou­ver­nés par des gens mau­vais. » Cita­tion tron­quée me semble-t-il : la phrase exacte est à mon avis :
        « Or la puni­tion la plus grave, c’est d’être gou­ver­né par un plus méchant que soi, quand on se refuse à gou­ver­ner soi-même : c’est par crainte de cette puni­tion, ce me semble, que les hon­nêtes gens qu’on voit au pou­voir se chargent du gou­ver­ne­ment. » (Pla­ton, la Répu­blique, Livre I)

        « L’homme ne risque pas de s’endormir dans un monde tota­li­taire mais de se réveiller dans un uni­vers qui l’est deve­nu durant son som­meil. » Arthur KOESTLER (1905−1983)
        Je ne me pro­nonce pas : je n’ai pas trou­vé la source.

        « Que nous importent les com­bi­nai­sons qui balancent l’autorité des tyrans ? C’est la tyran­nie qu’il faut extir­per. Ce n’est pas dans les que­relles de leurs maîtres que les peuples doivent cher­cher l’avantage de res­pi­rer quelques ins­tants, c’est dans leurs propres forces qu’il faut pla­cer la garan­tie de leurs droits. Il n’y a qu’un tri­bun du peuple que je puisse avouer, c’est le peuple lui-même. »
        Référence :
        Robes­pierre, Sur la consti­tu­tion, 10 mai 1793

        « Il faut qu’une consti­tu­tion soit courte et obs­cure. Elle doit être faite de manière à ne pas gêner l’action du gouvernement. »
        Napo­léon Bonaparte.
        Fausse attri­bu­tion, pas facile à rec­ti­fier. L’o­ri­gine semble ceci :

        « Bona­parte, alors Pre­mier Consul, ayant char­gé Roe­de­rer de rédi­ger un pro­jet de Consti­tu­tion pour la Répu­blique cis­al­pine, Roe­de­rer pré­sen­ta deux pro­jets, l’un, fort court, qui se bor­nait à l’é­ta­blis­se­ment des pou­voirs, l’autre, mêlé de dis­po­si­tions qui pou­vaient tout aus­si bien être lais­sées au pou­voir légis­la­tif. En remet­tant ces pro­jets à M. de Tal­ley­rand, Roe­de­rer le pria de conseiller au Pre­mier Consul de prendre la pre­mière : « Il faut, disait-il, qu’une Consti­tu­tion soit courte et… » Il allait ajou­ter « claire » M. de Tal­ley­rand l’in­ter­rom­pit : « Oui, courte et obscure. » »
        Rap­por­té dans :
        Louis THOMAS, L’es­prit de M. de Tal­ley­rand : anec­dotes et bons mots.

        3. Pro­jets ouver­te­ment anti­dé­mo­cra­tiques des pères fon­da­teurs du gou­ver­ne­ment représentatif

        « Si la foule gou­ver­née peut se croire l’égale du petit nombre qui gou­verne, alors il n’y a plus de gou­ver­ne­ment. Le pou­voir doit être hors de por­tée de la com­pré­hen­sion de la foule des gou­ver­nés. L’autorité doit être constam­ment gar­dée au-des­sus du juge­ment cri­tique à tra­vers les ins­tru­ments psy­cho­lo­giques de la reli­gion, du patrio­tisme, de la tra­di­tion et du pré­ju­gé… Il ne faut pas culti­ver la rai­son du peuple mais ses sen­ti­ments, il faut donc les diri­ger et for­mer son cœur non son esprit. »
        Joseph de Maistre (1753 – 1821) « Étude sur la sou­ve­rai­ne­té » (Œuvres com­plètes, Lyon, 1891–1892), cité Fabrice Arfi dans « Le sens des affaires » page 71. 

        Ici, Arfi mêle deux passages :
        « Si la foule gou­ver­née peut se croire l’égale du petit nombre qui gou­verne, alors il n’y a plus de gou­ver­ne­ment. » est bien tiré de Joseph de Maistre, Etude sur la sou­ve­rai­ne­té, ch VII. Je n’ai pas trou­vé l’o­ri­gine de la suite.

        « Il est déjà bien suf­fi­sant que les gens sachent qu’il y a eu une élec­tion. Les gens qui votent ne décident rien. Ce sont ceux qui comptent les votes qui décident de tout. »
        Approxi­ma­tion semble-t-il de :
        « Je crois que cela n’a pas d’im­por­tance qui vote et com­ment dans le par­ti, mais ce qui est extrê­me­ment impor­tant, c’est qui compte les votes et comment. »
        Sta­line, cité par Boris Baz­ha­nov, Mémoires de l’an­cien secré­taire de Sta­line (1980) (tra­duc­tion Google Translate)

        « La reli­gion est l’art d’enivrer les hommes pour détour­ner leur esprit des maux dont les accablent ceux qui gou­vernent. À l’aide des puis­sances invi­sibles dont on les menace, on les force à souf­frir en silence les misères qu’ils doivent aux puis­sances visibles. » D’Holbach, « Le sys­tème de la nature », cité par Hen­ri Guille­min (dans son livre Eclaircissements). 

        Autant le fond cor­res­pond tout à fait au pro­pos du « Sys­tème de la nature », autant la cita­tion elle-même est une pure inven­tion de Guille­min (ou alors il se trompe d’ouvrage).

        « C’est la phi­lo­so­phie d’un gueux qui vou­drait que les riches fussent dépouillés par les pauvres. »
        Vol­taire, à pro­pos du « Dis­cours sur l’origine des inéga­li­tés par­mi les hommes » de Jean-Jacques Rous­seau, et cité par Hen­ri Guille­min expli­quant Rous­seau (1÷2, min. 24:25).

        For­mu­la­tion exacte :

        « Quelle est donc l’espèce de phi­lo­so­phie qui fait dire des choses que le sens com­mun réprouve du fond de la Chine jusqu’au Cana­da ? N’est-ce pas celle d’un gueux qui vou­drait que tous les riches fussent volés par les pauvres, afin de mieux éta­blir l’union fra­ter­nelle entre les hommes ? »
        Vol­taire, Ques­tions sur l’Encyclopédie (1770)

        « La croyance des peines et des récom­penses après la mort est un frein dont le peuple a besoin » Vol­taire, cité par Hen­ri Guille­min (dans son livre Éclaircissements). 

        La phrase exacte et la réfé­rence sont :
        « La croyance des peines et des récom­penses est un frein dont le peuple a besoin, la reli­gion bien épu­rée serait le pre­mier lien de la Société »
        Vol­taire, Lettres à S. A. Mgr le Prince de *** , Sep­tième lettre

        « Il est fort bon de faire accroire aux hommes qu’ils ont une âme immor­telle et qu’il y a un Dieu ven­geur qui puni­ra mes pay­sans s’ils me volent mon blé et mon vin ». Vol­taire, cité par Hen­ri Guille­min (dans son livre Éclaircissements). 

        La cita­tion est cor­recte. Le texte source : Vol­taire, Lettre au comte d’Argental, 20 avril 1769 

        La suite pour plus tard.

        Réponse
      • Ronald

        Deuxième par­tie des cor­rec­tifs des citations :

        4. Le men­songe comme arme cen­trale des poli­ti­ciens de métier, « les pires gouverneront »

        « Il faut men­tir comme un diable, non pas timi­de­ment, non pas pour un temps, mais har­di­ment et tou­jours. Men­tez, mes amis, men­tez, je vous le ren­drai un jour. »
        Vol­taire (la réfé­rence morale des élus et de leurs don­neurs d’ordres), Lettre à Thi­riot, 21 octobre 1736.

        La cita­tion est exacte mais l’in­ter­pré­ta­tion cou­rante est fausse. Vol­taire venait d’é­crire (ano­ny­me­ment) l’En­fant Pro­digue dont il était a pos­te­rio­ri très mécon­tent (« Vous êtes trop bonne, ado­rable amie ; quelque suc­cès que l’Enfant pro­digue puisse avoir, c’est un orphe­lin dont je ne m’avoue pas le père » (Lettre à Madame de Champ­bo­nin, 1736). Aus­si, il recom­man­dait à ses amis de nier qu’il en soit l’au­teur si on le leur deman­dait. Le texte du pas­sage de la lettre est d’ailleurs en géné­ral ampu­té. Le voi­ci au complet :
        « Le men­songe n’est un vice que quand il fait du mal ; c’est une très-grande ver­tu quand il fait du bien. Soyez donc plus ver­tueux que jamais. Il faut men­tir comme un diable, non pas timi­de­ment, non pas pour un temps, mais har­di­ment et tou­jours. Qu’importe à ce malin de public qu’il sache qui il doit punir d’avoir pro­duit une Crou­pillac ? Qu’il la siffle si elle ne vaut rien, mais que l’auteur soit igno­ré, je vous en conjure au nom de la tendre ami­tié qui nous unit depuis vingt ans. Enga­gez les Pré­vost et les La Roque à détour­ner le soup­çon qu’on a du pauvre auteur. Écri­vez-leur un petit mot tran­chant et net. Consul­tez avec l’ami Ber­ger. Si vous avez mis Sau­veau du secret, met­tez-le du men­songe. Men­tez, mes amis, men­tez ; je vous le ren­drai dans l’occasion. »

        « Pour pou­voir deve­nir le maître, le poli­ti­cien se fait pas­ser pour le ser­vant. » Charles de Gaulle (1890−1970), Géné­ral et Pré­sident Français.
        « Le poli­tique s’efforce à domi­ner l’opinion… Aus­si met-il tout son art à la séduire, dis­si­mu­lant sui­vant l’heure, n’affirmant qu’opportunément… Enfin, par mille intrigues et ser­ments, voi­ci qu’il l’a conquise : elle lui donne le pou­voir. À pré­sent, va-t-il agir sans feindre ? Mais non ! Il lui faut plaire encore, convaincre le prince ou le par­le­ment, flat­ter les pas­sions, tenir en haleine les intérêts. »
        Charles de Gaulle 

        En fait, les deux cita­tions ne forment qu’un seul extrait :
        « Le poli­tique s’ef­force à domi­ner l’o­pi­nion, celle du monarque, du conseil ou du peuple, car c’est de là qu’il tire l’ac­tion. Rien ne vaut pour lui et rien n’est pos­sible qu’au nom de cette sou­ve­raine. Or, elle sait gré aux hommes moins d’être utiles que de lui plaire et les pro­messes l’en­traînent plu­tôt que les argu­ments. Aus­si le poli­tique met-il tout son art à la séduire, dis­si­mu­lant sui­vant l’heure, n’af­fir­mant qu’op­por­tu­né­ment. Pour deve­nir le maître, il se pose en ser­vi­teur et fait avec ses rivaux enchère d’as­su­rances. Enfin, par mille intrigues et ser­ments, voi­ci qu’il l’a conquise : elle lui donne le pou­voir. A pré­sent, va-til agir sans feindre ? Mais non ! Il lui faut plaire encore, convaincre le prince ou le par­le­ment, flat­ter les pas­sions, tenir en haleine les intérêts. »
        (Charles De Gaulle, Le fil de l’é­pée, 1932)

        « Les hommes sont comme les lapins : ils s’attrapent par les oreilles ».
        Effec­ti­ve­ment, je n’ai pas trou­vé de preuve que le mot soit de Mira­beau, d’au­tant que l’on trouve aus­si la variante (plus spi­ri­tuelle) avec « Les femmes sont comme … »

        « Les gou­ver­ne­ments pro­tègent et récom­pensent les hommes à pro­por­tion de la part qu’ils prennent à l’organisation du men­songe. » est tiré de : Tolts­toi, L’es­cla­vage moderne.

        « Il faut par­ler paix et agir guerre. » La cita­tion est bien dans : Napo­léon, Lettre au Prince Eugène Vice ‑Roi d’I­ta­lie 16 sep­tembre 1805.
        http://​www​.auc​tion​.fr/​_​f​r​/​l​o​t​/​n​a​p​o​l​e​o​n​-​i​e​r​-​l​-​s​-​n​a​p​o​l​e​o​n​-​a​v​e​c​-​c​o​r​r​e​c​t​i​o​n​s​-​a​u​t​o​g​r​a​p​h​e​s​-​3​3​4​460

        Sur les autres cita­tions attri­buées à Bona­parte par Guille­min, je n’ai pas retrou­vé ses sources.

        5. Per­ti­nence de l’opinion (et néces­saire par­ti­ci­pa­tion) des simples citoyens

        Rien à signaler

        6. Réfé­rences antiques

        « Les élec­tions sont aris­to­cra­tiques et non démo­cra­tiques : elles intro­duisent un élé­ment de choix déli­bé­ré, de sélec­tion des meilleurs citoyens, les aris­toi, au lieu du gou­ver­ne­ment par le peuple tout entier. »
        Réfé­rence com­plète : Aris­tote, Les Poli­tiques, IV, 1300b4‑5

        « Notre Consti­tu­tion est appe­lée démo­cra­tie parce que le pou­voir est entre les mains non d’une mino­ri­té, mais du peuple tout entier. »
        La phrase est un peu un résu­mé du texte original.
        Réfé­rence com­plète : voir : Thu­cy­dide, His­toire de la Guerre du Pélop­po­nèse, II, 37

        « Athé­niens (Euro­péens), n’attribuez pas aux dieux les maux qui vous accablent … » est issu de :
        Solon, dans : Les petits poèmes grecs, Tra­duc­tion d’Er­nest Fal­con­net, 1838
        Sauf que bien sûr il ne peut pas être ques­tion d’ « Euro­péens » dans un poème de Solon !!

        « Le pire des maux est que le pou­voir soit occu­pé par ceux qui l’ont vou­lu. » Je ne sais de quel texte de Pla­ton cela est extrait. Ran­cière semble sûr de lui, mais cela me semble tel­le­ment contre­dire la pen­sée de Pla­ton que je garde un doute. A moins que cela ne soit une phrase que Pla­ton met dans la bouche d’un pro­ta­go­niste pro-démo­crate dans un de ses dialogues ?

        7. Contre les inégalités

        Rien à signaler

        8. Argu­ments contre le faux suf­frage uni­ver­sel (élire des maîtres au lieu de voter les lois)

        « L’électeur est celui qui jouit du pri­vi­lège sacré de voter pour l’homme choi­si par un autre » est plus terne que le pas­sage exact :
        SUFFRAGE, n. Expres­sion of opi­nion by means of a bal­lot. The right of suf­frage (which is held to be both a pri­vi­lege and a duty) means, as com­mon­ly inter­pre­ted, the right to vote for the man of ano­ther man’s choice, and is high­ly pri­zed. Refu­sal to do so has the bad name of « inci­vism. » The inci­vi­lian, howe­ver, can­not be pro­per­ly arrai­gned for his crime, for there is no legi­ti­mate accu­ser. If the accu­ser is him­self guil­ty he has no stan­ding in the court of opi­nion ; if not, he pro­fits by the crime, for A’s abs­ten­tion from voting gives grea­ter weight to the vote of B. By female suf­frage is meant the right of a woman to vote as some man tells her to. It is based on female res­pon­si­bi­li­ty, which is somew­hat limi­ted. The woman most eager to jump out of her pet­ti­coat to assert her rights is first to jump back into it when threa­te­ned with a swit­ching for misu­sing them.
        (Ambrose Bierse, The Devil’s Dictionary)

        « Les qua­li­tés néces­saires pour accé­der au pou­voir n’ont rien à voir avec les qua­li­tés néces­saires pour exer­cer le pou­voir » (Blum).
        Pas trou­vé la source. Authentique ?

        « Quand j’ai voté, mon éga­li­té tombe dans la boîte avec mon bul­le­tin ; ils dis­pa­raissent ensemble. »
        Réfé­rence com­plète : Louis Veuillot, Ca et Là, 6°édition, 1911, p341

        « Les grands hommes appellent honte le fait de perdre et non celui de trom­per pour gagner »
        Réfé­rence com­plète : Machia­vel, His­toires flo­ren­tines, VI, 17 

        « Bien avant que les élec­teurs alle­mands ne portent Hit­ler au pou­voir, quand Bona­parte (Napo­léon III) eut assas­si­né la répu­blique, il pro­cla­ma le suf­frage universel. … »
        Cela semble authen­tique, mais je n’ai pas trou­vé le texte source.

        Réponse
        • etienne

          Cher Ronald, pré­cieux Ronald,
          mille mercis !
          🙂

          Réponse
      • Ronald

        Troi­sième et der­nière par­tie des cor­rec­tions des citations :

        9. Argu­ments pour le tirage au sort

        « Le suf­frage par le sort est de la nature de la démo­cra­tie ; le suf­frage par choix est de celle de l’aristocratie. » est repris deux fois dans le point 9 : la phrase est dans l’ex­trait de l’Es­prit des Lois cinq cita­tions plus bas

        « Il est dif­fi­cile de conce­voir com­ment des hommes qui ont entiè­re­ment renon­cé à l’habitude de se diri­ger eux même pour­raient réus­sir à bien choi­sir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gou­ver­ne­ment libé­ral, éner­gique et sage puisse jamais sor­tir des suf­frages d’un peuple de serviteurs. »
        Réfé­rence com­plète : Toc­que­ville, de la démo­cra­tie en Amé­rique, Volume II, Qua­trième par­tie, Cha­pitre VI.

        10. À pro­pos du pro­ces­sus constituant

        « Qui­conque veut fon­der un État et lui don­ner des lois doit sup­po­ser d’avance les hommes méchants et tou­jours prêts à déployer ce carac­tère de méchanceté. »
        Nico­las Machiavel.
        Réfé­rence com­plète : Machia­vel, Dis­cours sur le pre­mière décade de Tite-Live, I, III.

        « Cha­cun com­mande par­tout où il en a le pouvoir. »
        Simone Weil fait ici réfé­rence au fameux dia­logue des Athé­niens et des Méliens rap­por­té par Thu­cy­dide. J’i­ma­gine que le second pas­sage « L’action humaine n’a pas d’autre règle ou limite que les obs­tacles » en est issu aus­si, mais je ne le retrouve pas.

        La phrase com­plète de Thu­ci­dyde est :
        « Les dieux, d’a­près notre opi­nion, et les hommes, d’a­près notre connais­sance des réa­li­tés, tendent, selon une néces­si­té de leur nature, à la domi­na­tion par­tout où leurs forces pré­valent. » (Thu­cy­dide, His­toire de la guerre du Pélo­pon­nèse, Tome II, Livre 5)

        NB au pas­sage : je pense que les inter­pré­ta­tions que Simone Weil tire de ce dia­logue sont la pierre angu­laire de ce qu’il faut rete­nir de sa pen­sée poli­tique. J’en dirai sans doute un jour quelques mots.

        « C’est une expé­rience éter­nelle que tout homme qui a du pou­voir est por­té à en abu­ser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. Qui le dirait ! la ver­tu même a besoin de limites. »
        Réfé­rence com­plète : Mon­tes­quieu, L’es­prit des Lois, Livre XI, Cha­pitre VI.

        « La parole n’a pas été don­née à l’homme : il l’a prise. « 
        Réfé­rence com­plète : Louis Ara­gon, Le Liber­ti­nage, 1924

        11. Légi­ti­mi­té

        Rien à signaler

        12. Bien com­mun, inté­rêt géné­ral, besoin de controverses

        « Le cri­tère du bien ne peut être que la véri­té, la jus­tice et, en second lieu, l’utilité publique.
        La démo­cra­tie, le pou­voir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, esti­més effi­caces à tort ou à raison.
        Seul ce qui est juste est légi­time. » Simone Weil, Note sur la sup­pres­sion géné­rale des par­tis politiques.

        Cor­rect, mais le pas­sage dans sa forme com­plète est :
        « Mais il faut d’abord recon­naître quel est le cri­tère du bien. Ce ne peut être que la véri­té, la jus­tice, et, en second lieu, l’utilité publique. La démo­cra­tie, le pou­voir du plus grand nombre, ne sont pas des biens. Ce sont des moyens en vue du bien, esti­més effi­caces à tort ou à rai​son​.Si la Répu­blique de Wei­mar, au lieu de Hit­ler, avait déci­dé par les voies les plus rigou­reu­se­ment par­le­men­taires et légales de mettre les Juifs dans des camps de concen­tra­tion et de les tor­tu­rer avec raf­fi­ne­ment jusqu’à la mort, les tor­tures n’auraient pas eu un atome de légi­ti­mi­té de plus qu’elles n’ont main­te­nant. Or pareille chose n’est nul­le­ment incon­ce­vable. Seul ce qui est juste est légi­time. Le crime et le men­songe ne le sont en aucun cas. »

        « Est juste ce qui est appro­prié au bien com­mun. » Claude Rochet, d’après Tho­mas d’Aquin.
        Pas faux, mais je ne trouve pas judi­cieux de jeter une phrase lapi­daire sur un sujet qui néces­site trente pages d’é­tude de la phi­lo­so­phie sco­las­tique pour être compris :
        http://​www​.per​see​.fr/​d​o​c​/​p​h​l​o​u​_​0​0​3​5​-​3​8​4​1​_​1​9​4​9​_​n​u​m​_​4​7​_​1​4​_​4​190
        Cela ne peut mener qu’à une més­in­ter­pré­ta­tion de l’au­teur, ce qui est le contraire du but d’une citation.
        (Pour ma part, je n’ai jamais lu Tho­mas d’A­quin ; je m’y atta­que­rai sans doute un jour, mais ce n’est pas une priorité.)

        Le débat est l’essence de l’éducation et de la démocratie …
        Coquille : il manque les guille­mets de début de citation

        « Les mêmes qui lui ont ôté les yeux reprochent au peuple d’être aveugle. » (They who have put out the peo­ple’s eyes reproach them of their blindness)
        Réfé­rences com­plète : Mil­ton, Apo­lo­gy for Smec­tym­nuus, Sec­tion VIII (1642)

        « Quand un tis­su de men­songes bien embal­lé a été ven­du pro­gres­si­ve­ment aux masses pen­dant des géné­ra­tions, la véri­té paraî­tra com­plè­te­ment absurde et son repré­sen­tant un fou furieux. »
        Dresde James.
        C’est typi­que­ment le genre de phrase reco­piée de site en site sans qu’au­cune source ne soit jamais four­nie, et donc d’au­then­ti­ci­té dou­teuse. Il n’existe d’ailleurs aucun « Dresde James ». Il semble y avoir eu un Donald James Wheal qui aurait peut-être été l’au­teur de cette phrase :
        http://​www​.sarah​fimm​.com/​i​n​s​p​i​r​e​/​w​o​r​d​s​/​d​o​n​a​l​d​j​a​m​e​s​w​h​e​a​l​.​h​tml

        « Le lan­gage poli­tique est conçu pour don­ner aux men­songes des airs de véri­té, rendre le meurtre res­pec­table, et faire pas­ser pour solide ce qui n’est que du vent » Georges Orwell.
        Conden­sé d’une phrase extraite d’un texte sim­ple­ment magni­fique (que j’in­vite à lire chaque fois que quel­qu’un me demande des conseils d’é­cri­ture), dont une ver­sion tra­duite est ici :
        http://​lan​re​dec​.free​.fr/​p​o​l​i​s​/​p​a​t​e​e​_​t​r​.​h​tml

        La phrase exacte en ver­sion originale :
        « Poli­ti­cal lan­guage — and with varia­tions this is true of all poli­ti­cal par­ties, from Conser­va­tives to Anar­chists — is desi­gned to make lies sound tru­th­ful and mur­der res­pec­table, and to give an appea­rance of soli­di­ty to pure wind. » (Georges Orwell, Poli­tics and the English Language)

        13. Tyran­nie

        « Si dans l’intérieur d’un État vous n’entendez le bruit d’aucun conflit, vous pou­vez être sûr que la liber­té n’y est pas » est tiré des Consi­dé­ra­tions sur les causes de la gran­deur des romains et de leur décadence 

        « Le des­po­tisme, cette forme de gou­ver­ne­ment où per­sonne n’est citoyen. »
        Pas trou­vé la source. A mon avis cette phrase n’est pas dans Mon­tes­quieu (et en tout cas pas dans le cha­pitre de l’Es­prit des Lois rela­tif au des­po­tisme). D’ailleurs elle ne « sonne » pas comme du Mon­tes­quieu : n’é­cri­rait-il pas plu­tôt « … où nul n’est citoyen » ?

        14. Autres pen­sées utiles

        « Nous avons conquis le suf­frage uni­ver­sel, il nous reste à conqué­rir la sou­ve­rai­ne­té populaire. »
        Je n’ai pas trou­vé l’o­ri­gine de cette phrase chez Jau­rès, bien qu’elle soit sou­vent répé­tée sur le net. Elle me semble même contra­dic­toire avec ce qu’il semble pen­ser par ailleurs, que par le suf­frage uni­ver­sel, le peuple est poli­ti­que­ment sou­ve­rain (on était naïf à cette époque …) :

        « Oui, par le suf­frage uni­ver­sel, par la sou­ve­rai­ne­té natio­nale, qui trouve son expres­sion défi­ni­tive et logique dans la Répu­blique, vous avez fait de tous les citoyens, y com­pris les sala­riés, une assem­blée de rois. (…) Mais, au moment même où le sala­rié est sou­ve­rain dans l’ordre poli­tique, il est, dans l’ordre éco­no­mique, réduit à une sorte de servage.
        Et c’est parce que le socia­lisme appa­raît comme seul capable de résoudre cette contra­dic­tion fon­da­men­tale de la socié­té pré­sente, c’est parce que le socia­lisme pro­clame que la Répu­blique poli­tique doit abou­tir à la Répu­blique sociale, c’est parce qu’il veut que la Répu­blique soit affir­mée dans l’a­te­lier comme elle est affir­mée ici, c’est parce qu’il veut que la nation soit sou­ve­raine dans l’ordre éco­no­mique pour bri­ser les pri­vi­lèges du capi­ta­lisme oisif, comme elle est sou­ve­raine dans l’ordre poli­tique, C’est pour cela que le socia­lisme sort du mou­ve­ment républicain. »
        (Jean Jau­rès, Dis­cours à la Chambre des dépu­tés, 21 novembre 1893)

        Donc : cita­tion d’au­then­ti­ci­té douteuse

        L’i­dée est peut-être issue du texte d’un autre per­son­nage poli­tique, Jules Simon, qui dans une allo­cu­tion sur les Biblio­thèque Popu­laire, explique que le suf­frage uni­ver­sel ne suf­fit pas pour que le peuple soit sou­ve­rain : il faut qu’il soit aus­si instruit :

        « Pour moi, qui crois fer­me­ment, qu’il n’y a pas de liber­té sans éga­li­té, ni d’égalité sans liber­té, je dirai que nous avons conquis l’une et l’autre en 1789, en ce sens qu’elles sont écrites dans nos consti­tu­tions et dans nos lois, et qu’elles y res­te­ront consa­crées à jamais ; et que pour­tant, avant qu’elles deviennent chez nous une véri­té réelle et vivante, il nous reste à conqué­rir encore l’égalité devant l’instruction. J’oserai presqu’avouer que la Révo­lu­tion fran­çaise ne sera ter­mi­née que quand tous les Fran­çais sau­ront lire. Nous sommes en pos­ses­sion du suf­frage uni­ver­sel ; puisque le peuple juge sou­ve­rai­ne­ment, il faut qu’il soit en état de s’éclairer par lui-même sur les condi­tions et les consé­quences de son vote. »
        (Jules Simon, Les biblio­thèques popu­laires, Lyon, 1865, p. 13)

        « Tout débat intel­lec­tuel passe par le blasphème. »
        Voltaire.
        Pas trou­vé la source. A mon avis d’ailleurs, elle n’existe pas. « Tout débat intel­lec­tuel passe par le blas­phème. », c’est une phrase juste digne d’un conseiller muni­ci­pal PS d’Aix-en-Pro­vence ! … Vol­taire, pour expri­mer la même idée, écrit plu­tôt (dans ‘Sur les Calas et les Sir­ven’) : « Quel livre de contro­verse n’a pas été écrit avec le fiel ? ». Ca a tout de même plus de gueule, non ? 🙂

        « Lorsque l’obéissance com­porte au moins autant de risque que la rébel­lion, com­ment se main­tient-elle ? » est dans Médi­ta­tion sur l’o­béis­sance et la liberté.

        « Deux loups et un lapin qui votent pour le dîner ce soir. »
        Vous l’au­rez com­pris, ce genre de cita­tion res­te­ra d’au­teur incon­nu. La variante avec un agneau est sou­vent attri­buée à Ben­ja­min Frank­lin, mais est clas­sée comme ‘misat­tri­bu­ted’ dans Wikiquote :
        https://​en​.wiki​quote​.org/​w​i​k​i​/​B​e​n​j​a​m​i​n​_​F​r​a​n​k​lin

        Bien ami­ca­le­ment.

        Ronald

        Réponse
    • joss

      Vous dites :
      « En com­pa­rai­son, même dans un régime élec­tif aus­si dégé­né­ré que les Etats-Unis, plus de 50 % du corps élec­to­ral s’est dépla­cé pour les der­nières élec­tions. J’interprète cela en disant que beau­coup de gens se sentent aptes à dési­gner des maîtres, mais pas à se mêler direc­te­ment de déci­sion poli­tique. Et si l’on passe d’un régime repré­sen­ta­tif à un régime démo­cra­tique, 25 % de la popu­la­tion – qui pré­cé­dem­ment votait aux élec­tions – va se détour­ner de la vie poli­tique. C’est tout de même gênant quand on se veut défen­seur de l’émancipation poli­tique du peuple. »

      Il vaut mieux avoir 25% des citoyens qui par­ti­cipent à la poli­tique que 50% qui croient participer.
      En rai­son­nant par l’ab­surde, on pour­rait ima­gi­ner de pré­voir des élec­tions pour cer­taines fonc­tions poli­tiques (type expert remet­tant un avis) et ain­si, les 25% de la popu­la­tion (dont vous par­lez) seraient à nou­veau heu­reuses de reprendre la voie des urnes 😉

      Réponse
      • joss

        Ma réponse est mal placée 😉
        Je réponds à @Ronald plus haut.

        Réponse
      • Ronald

        Bien enten­du que c’est « pré­fé­rable ». Mais je ne sait pas si c’est « acces­sible ». Il faut ima­gi­ner que 25 % de démo­crates auto­nomes, qui auront déjà toute l’o­li­gar­chie contre eux, vont aller en plus expli­quer et obte­nir des 25 % par­ti­sans de l’é­lec­tion que l’on va leur sup­pri­mer leur mode d’ex­pres­sion poli­tique pré­fé­ré … D’où mon avis qu’il fau­dra faire des conces­sions d’une manière ou d’une autre.

        Réponse
  2. etienne
    • Ronald

      Un autre qui explique sa conver­sion abs­ten­tion­niste, c’est Michel Onfray dans cette ren­contre récente (à par­tie de 12:00) :

      https://​you​tu​.be/​-​J​q​f​t​o​B​S​pHQ

      (on remar­que­ra à par­tir de 16:02 le désar­roi qui se lit sur le visage de l’é­tu­diant à qui on a sans doute expli­qué toute sa vie « démocratie=élections » 😉 )

      Réponse
  3. nlesca

    L’é­lec­tion, si elle signi­fie voter pour une per­sonne ou un groupe de per­sonnes est effec­ti­ve­ment un pro­cé­dé aris­to­cra­tique et anti demo­cra­tique qui confine au culte de la personnalité.

    Si elle signi­fiait voter pour un pro­gramme et était assor­tie d’un sys­tème per­met­tant de tirer au sort les per­sonnes char­gées de l’ap­pli­quer par­mis ceux qui l’ont élu (le pro­gramme) ce serait alors bien plus inté­res­sant et démocratique.

    Réponse
    • etienne

      Salut nles­ca 🙂

      Oui, c’est pour ça que je pré­cise bien que nous devrions conduire le pro­cès de l’é­lec­tion-par­mi-des-can­di­dats.

      Réponse
  4. joss

    Sur le coup d’é­tat fomen­té au Chi­li et la mort d’Allende,
    je viens de tom­ber sur un film réa­li­ser par Armand Mat­te­lart : La Spirale.
    httpv://www.youtube.com/watch?v=nnZI4RX5Fh4

    Le socio­logue Armand Mat­te­lart, qui a bien connu cette période-là de l’histoire du Chi­li car il y a vécu et tra­vaillé entre 1962 et 1973, date à laquelle il a été expul­sé par les mili­taires, raconte que tout comme Chris Mar­ker, l’acteur et pro­duc­teur Jacques Per­rin était venu à San­tia­go notam­ment pour accom­pa­gner le réa­li­sa­teur Cos­ta Gavras lors du tour­nage de son film Etat de siège. Lors de ce séjour, Per­rin avait eu une longue conver­sa­tion avec le jour­na­liste Augus­to Oli­vares mort aux côtés d’Allende, dans le palais de La Mone­da. Lors de cette conver­sa­tion, Oli­vares avait deman­dé à Per­rin : « Puisque tu es pro­duc­teur, est-ce que tu pour­rais faire un film sur le Chi­li ? Sur­tout s’il arrive quelque chose ».
    Ce fut chose faite au prin­temps 1976.

    Réponse
  5. apocryphe

    1 – la consti­tu­tion par des­sus tout, ne peut être modi­fiée par le peuple et pour le peuple dans l’in­té­rêt du bien commun.

    2 – les lois et déci­sions ne peuvent aller à l’en­contre des êtres humains et du bien commun.

    3 – les lois sont l’é­ma­na­tion de la volon­té majo­ri­taire du peuple.

    4 – les repré­sen­tants du peuple ne peuvent se sous­traire sous aucun pré­texte à la volon­té du peuple.

    5 – les par­tis poli­tique sont interdit.

    Réponse
    • Barbe

      Le point 1 est ris­qué : la consti­tu­tion peut être modifiée…
      Le reste, ris­qué d autant, s ensuite.

      On approche d une modi­fi­ca­tion des ins­ti­tu­tions : pour­quoi ne pas tirer au sort les membres d une des deux chambres ? Les autres res­te­raient élus pour cinq ans. Le but étant de nous pré­mu­nir contre la cor­rup­tion des repré­sen­tants. Les tirés au sorts et là pour peu de temps seraient inac­ces­sibles. Cela ren­drait le sou­ve­rain inac­ces­sible à la corruption.
      Mer­ci etienne d être un phare, en mou­ve­ment, en avance sur tous.

      Réponse
  6. etienne

    Le savoir faire de la CIA en matière d’élections, aux États-Unis et ailleurs, par Wayne Madsen

    « Jamais la CIA n’a autant par­ti­ci­pé aux élec­tions amé­ri­caines qu’en 2016. Par ailleurs, l’agence a aus­si une riche his­toire d’immixtion dans les élec­tions d’autres nations, y com­pris en Rus­sie. Les conclu­sions d’un rap­port secret de la CIA sur une pré­ten­due ingé­rence de la Rus­sie dans les élec­tions amé­ri­caines ont été som­mai­re­ment reje­tées – par le direc­teur du ren­sei­gne­ment natio­nal, le FBI, et plu­sieurs offi­ciers de ren­sei­gne­ment amé­ri­cains à la retraite – comme un outil de pro­pa­gande, lar­ge­ment tru­qué, concoc­té par le très poli­ti­sé direc­teur de la CIA John Bren­nan et ses copains.

    Bren­nan et sa clique ont fait mon­ter la mayon­naise en affir­mant, sans aucune preuve, que le pré­sident russe Vla­di­mir Pou­tine avait per­son­nel­le­ment diri­gé le pira­tage de sys­tèmes infor­ma­tiques liés aux élec­tions amé­ri­caines. NBC News – qui a une longue his­toire de coopé­ra­tion avec la CIA, remon­tant à l’époque de la RCA / NBC, pré­si­dée par David Sar­noff dont Allen Dulles, direc­teur de la CIA était un ami proche – a donc conscien­cieu­se­ment pré­sen­té les reven­di­ca­tions scan­da­leuses de Bren­nan comme étant des « nouvelles ».

    Il est clair que les anciens fonc­tion­naires de la CIA qui ont prê­té foi au rap­port de Bren­nan n’auraient pas fait cela s’ils n’avaient pas reçu son auto­ri­sa­tion et celle de la CIA pour rendre publiques leurs accu­sa­tions infon­dées contre la Rus­sie. Ceux qui ont fait écho aux conclu­sions infon­dées de Bren­nan concer­nant l’ingérence élec­to­rale de la Rus­sie incluent l’ancien direc­teur inté­ri­maire de la CIA Michael Morell, l’ancien direc­teur de l’Agence de la CIA et de la Sécu­ri­té natio­nale Michael Hay­den, l’ancien direc­teur de la CIA, Leon Panet­ta, l’ancien agent de ser­vices clan­des­tins de la CIA Robert Baer, Evan McMul­lin – un can­di­dat pré­si­den­tiel indé­pen­dant éli­mi­né en 2016 – et Glenn Carle. Cepen­dant, pour cha­cun de ces ex-fan­tômes, Bren­nan tire de son cha­peau l’accusation selon laquelle le pré­sident-élu Donald Trump est un « agent russe », beau­coup d’autres disent que les preuves de la CIA concer­nant l’ingérence russe dans les élec­tions de 2016 sont des bali­vernes pures et simples.

    Bren­nan et sa cabale de joueurs occultes savent bien que c’est la CIA qui a été pion­nière dans l’art et la science de la mani­pu­la­tion élec­to­rale. En 1996, c’est la Rus­sie qui a subi le plus de mani­pu­la­tions élec­to­rales de la CIA, avec ses agents d’influence à Mos­cou et dans d’autres grandes villes – à savoir le Natio­nal Endow­ment for Demo­cra­cy (NED) et l’Open Socie­ty Ins­ti­tute and Foun­da­tion de George Soros – enga­gés dans des mau­vais coups pour saper les chances élec­to­rales du can­di­dat à la pré­si­den­tielle du Par­ti com­mu­niste russe Gen­na­dy Zyuganov.

    La CIA, les agents de Soros et le NED ont impri­mé et dis­tri­bué des tracts faux et dif­fa­ma­toires écrits soi-disant par Zyu­ga­nov pour sa cam­pagne élec­to­rale. Les dépliants pré­co­ni­saient le retour de la Rus­sie au sta­li­nisme et le réveil de la guerre froide contre l’Occident. Les vicieux agents de la CIA et de Soros ont éga­le­ment annon­cé à la presse de fausses confé­rences de Zyu­ga­nov où per­sonne ne s’est mon­tré. L’équipe des mau­vais coups a éga­le­ment annu­lé des réser­va­tions faites par la cam­pagne Zyu­ga­nov dans les hôtels et les salles de réunion publiques. La CIA et ses alliés ont éga­le­ment contri­bué à mani­pu­ler les résul­tats élec­to­raux et les votes en esca­mo­tant des bul­le­tins pour Zyu­ga­nov, en par­ti­cu­lier au Tatars­tan et au Bash­kor­tos­tan. Cela a aidé le can­di­dat pré­fé­ré des États-Unis, Boris Elt­sine, à obte­nir une vic­toire au second tour avec un score de 54% contre 40% pour Zyu­ga­nov. En 2012, le pré­sident Dmi­tri Med­ve­dev a décla­ré : « Il n’y a guère de doute sur celui qui a rem­por­té [l’élection de 1996]. Ce n’était pas Boris Niko­lae­vitch Eltsine. »

    La CIA a par­ti­ci­pé au jeu de la mani­pu­la­tion élec­to­rale depuis sa créa­tion en 1947. En février 1948, un ancien docu­ment de la CIA a révé­lé les efforts déployés par les États-Unis et leur ambas­sa­deur à Rome, James Dunn, en pré­vi­sion des élec­tions ita­liennes du mois d’avril 1948. Les expé­di­tions de blé des États-Unis vers l’Italie devaient être aug­men­tées pour empê­cher une réduc­tion des rations de pain juste avant les élec­tions. Du maté­riel mili­taire amé­ri­cain devait être envoyé en Ita­lie dans le cas où la loi mar­tiale serait décla­rée si le Par­ti com­mu­niste ita­lien, qui avait été dans un gou­ver­ne­ment de coa­li­tion avec les démo­crates chré­tiens depuis 1944, avait réus­si dans les urnes. Un com­plé­ment d’aide à cet effort mili­taire fut accor­dé par l’endoctrinement poli­tique de nom­breux offi­ciers et sous-offi­ciers ita­liens dans les écoles mili­taires des États-Unis.

    La CIA a éga­le­ment diri­gé un coup sévère contre l’électorat ita­lien, en aver­tis­sant que les Ita­liens ne pou­vaient pas « com­bi­ner les avan­tages de l’aide de l’Ouest avec ceux de la sécu­ri­té poli­tique et des avan­tages de l’Union sovié­tique ». La CIA crai­gnait que si l’Union sovié­tique ren­dait le contrôle de la ville de Trieste à l’Italie et renon­çait aux répa­ra­tions de guerre dues à l’Union sovié­tique avant les élec­tions d’avril, le Par­ti com­mu­niste ita­lien en recueille­rait les béné­fices élec­to­raux et serait victorieux.

    Les magouilles poli­tiques de la CIA en Ita­lie ont com­men­cé sérieu­se­ment quand elle a envoyé secrè­te­ment un mil­lion de dol­lars, essen­tiel­le­ment en valises de billets, à des poli­ti­ciens Chré­tiens démo­crates diri­gés par le Pre­mier ministre Alcide de Gaspari. » […]

    Lire la suite :
    http://​lesa​ker​fran​co​phone​.fr/​l​e​-​s​a​v​o​i​r​-​f​a​i​r​e​-​d​e​-​l​a​-​c​i​a​-​e​n​-​m​a​t​i​e​r​e​-​d​e​l​e​c​t​i​o​n​s​-​a​u​x​-​e​t​a​t​s​-​u​n​i​s​-​e​t​-​a​i​l​l​e​urs

    Source : le Saker Francophone

    Réponse
  7. pierre9459

    Salut Etienne.…
    Une fois de plus, tu t’af­fiches avec un gars plus que dou­teux : Lassalle …
    Ignores tu donc qui est ce gars ? Son par­cours, ses déci­sions, ses actes ?
    Tu devrais te ren­sei­gner avant de t’af­fi­cher avec des hommes politiques.
    Quand donc devien­dras tu adulte sur le plan poli­tique ? C’est à déses­pé­rer de tout !
    JEAN LASSALLE OU LE MYTHE DE LA BONNE VIEILLE DROITE DU TERROIR

    Fran­che­ment, je suis esto­ma­qué. Savez-vous vrai­ment qui est Jean Las­salle, der­rière le ver­nis de ses coups médiatiques ?

    Pro-tun­nel du Som­port (axe euro­péen E7), Jean Las­salle était le bras droit du sinistre dépu­té RPR et sur­tout ban­quier Michel Inchaus­pé, l’un des prin­ci­paux pro­mo­teurs du pro­jet juteux de béton­nage et de gou­dron­nage de la magni­fique val­lée d’Aspe et chef de file des affai­ristes du coin. Las­salle a long­temps été le sup­pléant de son men­tor (1988−2002) en charge des sales besognes, avant de le rem­pla­cer à par­tir de 2002. Aux dires de tous, Las­salle a été l’un des pires enne­mis des zadistes durant toute la période de cette lutte (qui a connu son apo­gée avec le grand ras­sem­ble­ment du 22 mai 1994, avec 8000 oppo­sants, jusqu’à la grève de la faim des zadistes, sur­nom­més « les indiens », dont Pétof en 2000). Las­salle n’était pas le « gen­til » ou le « roman­tique » que cer­tains racontent : il insul­tait, mena­çait et lan­çait des ana­thèmes contre les zadistes de la val­lée d’Aspe (dont l’abri a été incen­dié, durant une nuit en 1992 et dévas­té à nou­veau en 1993). C’était la der­nière val­lée vrai­ment sau­vage des Pyré­nées. Main­te­nant, passe à lon­gueur de temps un armée bruyante et pol­luante de poids lourds (au lieu du pro­jet de fer­rou­tage que pro­po­saient les oppo­sants, puisque la ligne Pau-Sara­gosse exis­tait déjà et néces­si­tait juste une remise en état). Bref, Las­salle a été pro­pul­sé en poli­tique par un ban­quier affai­riste du RPR, ses pre­miers faits de gloire ont été de com­battre l’une des pre­mières ZAD his­to­riques en France, et son posi­tion­ne­ment poli­tique était déjà la droite et le tout productivisme.

    Bon, j’accélère.

    Pro-pou­la­ga, Las­sale a fait tout un pata­quès, pour que ses gen­darmes ché­ris ne s’éloignent pas de chez lui, en 2003.

    Mili­ta­riste à fond la cocarde, il est allé jusqu’à faire des pompes devant des jour­na­listes en octobre 2016 pour mani­fes­ter son sou­tien aux bidasses fran­çais de retour de leurs mis­sions chez les pauvres bazanés.

    Réac­tion­naire, il a voté contre le mariage pour tous, en avril 2013.

    Pro­fon­dé­ment de droite, en dépit de son éti­quette cen­triste, il l’a encore mon­tré en revo­tant Sar­ko­zy (au terme de son man­dat), au second tour de la pré­si­den­tielle 2012.

    Capi­ta­liste, évi­dem­ment, il cri­tique la spé­cu­la­tion finan­cière en mimant les slo­gans por­teurs comme beau­coup d’autres, mais il fait l’éloge simul­ta­né­ment des grands capi­taines d’industries, à com­men­cer par Citroën, Renault et Peu­geot (ah, la bagnole !)

    Pro-chasse, même s’il n’est pas chas­seur lui-même, il s’inquiète de la situa­tion des chas­seurs et appelle notam­ment à les sou­te­nir, en 2011, parce qu’ils seraient en voie de disparition.

    Anti-ours, par clien­té­lisme, alors qu’il était pré­sident de l’organisme de tutelle, il a cha­peau­té le virage laxiste face aux chas­seurs, aban­don­nant l’ourse Can­nelle à des bat­tues (tuée en novembre 2004), non content d’avoir déjà com­men­cé à dévas­ter la vie sau­vage de la val­lée avec le tun­nel, et, par la suite, il a empê­ché la repro­duc­tion des deux der­niers ours (des mâles) en blo­quant l’introduction de femelles.
    * J’ai pris ça là…si Mr Las­salle se sent sali, il lui suf­fi­ra de por­ter plainte :
    http://​blo​gyy​.net/​2​0​1​6​/​1​2​/​2​6​/​j​e​a​n​-​l​a​s​s​a​l​l​e​-​o​u​-​l​e​-​m​y​t​h​e​-​d​e​-​l​a​-​b​o​n​n​e​-​v​i​e​i​l​l​e​-​d​r​o​i​t​e​-​d​u​-​t​e​r​r​o​ir/

    Réponse
    • joss

      On l’i­ma­gine en ana­ly­sant ses pro­pos, il croit encore au sys­tème poli­tique mis en place par les puissants.
      Mais il ne faut pas perdre de vue que pour avoir un débat, il faut des idées dif­fé­rentes, il faut pou­voir confron­ter ses idées à la cri­tique. Sinon autant res­ter à la maison.

      Réponse
  8. etienne
  9. etienne

    [Ins­tal­la­tion pro­gres­sive d’une réelle tyran­nie, dans l’in­dif­fé­rence générale]
    Le gou­ver­ne­ment US impose en douce un MINISTÈRE DE LA VÉRITÉ (type « Big Bro­ther », « 1984 ») qui per­met­tra la per­sé­cu­tion légale de ses opposants :

    Obama a discrètement signé la loi pour contrer la désinformation et la propagande


    Par Tyler Dur­den – Le 26 décembre 2016 – Source Zero Hedge

    Ven­dre­di, pen­dant que la popu­la­tion amé­ri­caine pla­ni­fiait les fes­ti­vi­tés sans por­ter atten­tion aux nou­velles venant de l’administration, Oba­ma a tran­quille­ment signé la Loi d’Autorisation pour la Défense Natio­nale (NDAA 2017) qui va déblo­quer 611 mil­liards de dol­lars pour le bud­get 2017 de l’armée.

    Oba­ma a décla­ré que :

    « Aujourd’hui, j’ai signé la loi S. 2943, la Loi d’Autorisation pour la Défense natio­nale, pour l’année fis­cale 2017. Cette loi ali­mente les bud­gets pour l’exercice 2017, prin­ci­pa­le­ment pour le minis­tère de la Défense et pour les pro­grammes de sécu­ri­té natio­nale du minis­tère de l’Énergie, four­nit des avan­tages vitaux pour les mili­taires et leurs familles, et inclut les moyens pour faci­li­ter les opé­ra­tions en cours dans le monde entier. Elle est dans la conti­nui­té des nom­breux bud­gets nous per­met­tant de main­te­nir notre élan dans la lutte contre la menace posée par État isla­mique et de ras­su­rer nos alliés euro­péens. De nom­breuses nou­velles auto­ri­sa­tions vont don­ner au minis­tère de la Défense et de l’Énergie plus de sou­plesse dans la lutte contre les cybe­rat­taques et contrer l’utilisation par nos adver­saires de véhi­cules aériens sans pilote. »

    Une grande par­tie de la décla­ra­tion d’Obama accuse le par­ti Répu­bli­cain d’avoir empê­ché la fer­me­ture de Guantá­na­mo et aver­tit que « à moins que le Congrès ne change de posi­tion, il sera dure­ment jugé par l’histoire ». Oba­ma a éga­le­ment décla­ré que le Congrès n’a pas su pro­fi­ter de ce nou­veau pro­jet de loi pour réduire le gas­pillage (comme peut-être pour les mas­sifs dépas­se­ments de coûts du F‑35 ?) ou pour  moder­ni­ser le sys­tème de san­té de l’armée, ce qui aug­men­te­ra les pres­sions bud­gé­taires aux­quelles devront faire face les mili­taires dans les années à venir.

    Mais alors que le pas­sage de la NDAA – et le finan­ce­ment de l’armée amé­ri­caine – n’était pas une sur­prise, la plus grande nou­velle est ce qui a été enter­ré pro­fon­dé­ment dans les articles de cette Loi d’Autorisation pour la Défense.

    Rap­pe­lez-vous que, comme nous vous l’avions signa­lé début juin, un pro­jet de loi pour mettre en place un minis­tère de la véri­té des États-Unis avait été dis­crè­te­ment intro­duit au Congrès. Comme avec toute légis­la­tion visant à esqui­ver les pro­jec­teurs publics, la loi de 2016 contre la pro­pa­gande étran­gère et la dés­in­for­ma­tion, intro­duite par les membres du Congrès Adam Kin­zin­ger et Ted Lieu, le HR 5181, cherche une « approche impli­quant tout le gou­ver­ne­ment, sans les res­tric­tions bureau­cra­tiques » pour contrer « la dés­in­for­ma­tion et la mani­pu­la­tion étran­gères », qui, selon eux, menacent la « sécu­ri­té et la sta­bi­li­té » du monde.

    Aus­si nom­mée Loi sur la Guerre de contre-infor­ma­tion de 2016 (S. 2692), quand elle fut pro­po­sée en mars par le séna­teur Rob Port­man, elle consti­tue un retour spec­ta­cu­laire des batailles de pro­pa­gande entre gou­ver­ne­ments, au temps de la Guerre froide. « Ces pays consacrent d’énormes sommes d’argent dans le ren­for­ce­ment de leurs capa­ci­tés de dif­fu­sion média­tique et numé­rique, dans des cam­pagnes ciblées, dans le finan­ce­ment de mou­ve­ments poli­tiques étran­gers et d’autres efforts visant à influen­cer les publics et les popu­la­tions ciblées », a expli­qué Port­man, ajou­tant que pen­dant que les États-Unis inves­tissent peu d’argent dans sa radio nom­mée Voice of Ame­ri­ca [218 mil­lions de dol­lars pour 2016, NdT], le Krem­lin four­nit un finan­ce­ment énorme à son orga­ni­sa­tion média­tique, Rus­sia Today [300 mil­lions de dol­lars pour 2016, NdT].

    « Aus­si sur­pre­nant que cela puisse paraître, il n’y a actuel­le­ment aucun orga­nisme ou ser­vice gou­ver­ne­men­tal amé­ri­cain char­gé du déve­lop­pe­ment, de l’intégration et de la syn­chro­ni­sa­tion à l’échelle natio­nale des stra­té­gies pan-gou­ver­ne­men­tales visant à contrer la pro­pa­gande et la dés­in­for­ma­tion étran­gères », a décla­ré M. Portman.

    Bien avant que le mème des « fausses nou­velles » ne devienne un sujet quo­ti­dien de dis­cus­sions appro­fon­dies sur des por­tails décon­si­dé­rés tels que CNN et Washing­ton Post, le HR 5181 char­geait le Secré­taire d’État de coor­don­ner le Secré­taire de la Défense, le Direc­teur du Ren­sei­gne­ment natio­nal et les Gou­ver­neurs de la Com­mis­sion de radio­dif­fu­sion à « éta­blir un centre d’analyse et de réponse média­tique » qui iden­ti­fie­rait les sources de dés­in­for­ma­tion, ana­ly­se­rait les don­nées et – de façon vrai­ment ana­chro­nique – « déve­lop­pe­rait et dif­fu­se­rait » des « récits fac­tuels » pour contrer cette effron­tée  propagande.

    Bref, bien avant que les « fausses nou­velles » ne deviennent un sujet média­tique majeur, le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain pla­ni­fiait déjà une répres­sion, léga­le­ment per­mise, contre tout ce qu’il appel­le­rait fina­le­ment des « fausses nou­velles ».

    * * *

    Avance rapide jusqu’au 8 décembre de cette année, lorsque la « loi contre la dés­in­for­ma­tion et la pro­pa­gande » est adop­tée au Sénat, après avoir été tran­quille­ment insé­rée dans la Loi d’Autorisation pour la Défense natio­nale 2017 (NDAA 2017).

    Et main­te­nant, après la signa­ture ven­dre­di soir de cette NDAA, la loi pour contrer la dés­in­for­ma­tion et la pro­pa­gande est désor­mais applicable.

    * * *

    Voi­ci la décla­ra­tion com­plète publiée par le séna­teur Rob Port­man, si géné­reu­se­ment rétri­bué, sur l’adoption de ce pro­jet de loi qui gri­gnote encore les liber­tés de la presse aux États-Unis, et qui pré­pare le ter­rain pour de futurs chasses aux sor­cières et fer­me­tures de sites Web, où tout média ou site inter­net consi­dé­ré comme source de « dés­in­for­ma­tion et de pro­pa­gande » pour­ra être fer­mé par le gouvernement.

    Les séna­teurs amé­ri­cains Rob Port­man (R‑OH) et Chris Mur­phy (D‑CT) ont annon­cé aujourd’hui que leur loi contre la dés­in­for­ma­tion et la pro­pa­gande, légis­la­tion conçue pour aider les alliés amé­ri­cains à contrer la pro­pa­gande en pro­ve­nance de Rus­sie, de Chine et d’autres pays, a été votée dans le cadre du rap­port sur l’Autorisation pour la Défense natio­nale de l’exercice 2017 (LDA). Ce pro­jet de loi bipar­ti­san, qui a été pré­sen­té par les séna­teurs Port­man et Mur­phy en mars, amé­lio­re­ra la capa­ci­té des États-Unis à contrer la pro­pa­gande et la dés­in­for­ma­tion étran­gères de nos enne­mis en créant un centre inter­ins­ti­tu­tion­nel, héber­gé au Dépar­te­ment d’État, pour coor­don­ner et syn­chro­ni­ser les efforts de contre-pro­pa­gande lan­cé par le gou­ver­ne­ment états-unien. Pour appuyer ces efforts, le pro­jet de loi crée éga­le­ment un pro­gramme de sub­ven­tion pour des ONG, des groupes de réflexion, la socié­té civile et d’autres experts en dehors du gou­ver­ne­ment qui sont enga­gés dans des acti­vi­tés liées à la contre-pro­pa­gande. Cela per­met­tra de mieux tirer par­ti de l’expertise exis­tante et de per­mettre à nos alliés à l’étranger de se défendre contre la mani­pu­la­tion étran­gère. Cela aide­ra éga­le­ment à pro­mou­voir une presse libre et dyna­mique et la socié­té civile à l’étranger, ce qui est essen­tiel pour assu­rer que nos alliés aient accès à des infor­ma­tions véri­diques et puisse vac­ci­ner les gens contre les cam­pagnes de pro­pa­gande étrangère.

    « Nos enne­mis uti­lisent la pro­pa­gande et la dés­in­for­ma­tion contre nous et nos alliés, et jusqu’à pré­sent, le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain n’a pas réagi, a décla­ré Port­man. Mais aujourd’hui, les États-Unis ont fran­chi une étape cri­tique pour affron­ter les opé­ra­tions de pro­pa­gande et de dés­in­for­ma­tion étran­gères, vastes et désta­bi­li­sa­trices, menées contre nous par nos enne­mis d’outre-mer. Avec ce pro­jet de loi du jour, nous signa­lons fina­le­ment que cela suf­fit. Les États-Unis ne res­te­ront plus à l’écart. Nous allons affron­ter cette menace avec déter­mi­na­tion. Je suis convain­cu qu’avec l’aide de ce pro­jet de loi bipar­ti­san, la dés­in­for­ma­tion et la pro­pa­gande uti­li­sées contre nous, nos alliés et nos inté­rêts, échoueront. »

    « L’utilisation de la pro­pa­gande pour miner la démo­cra­tie a atteint un nou­veau som­met. Mais main­te­nant, nous sommes enfin en mesure d’affronter cette menace et d’exposer la véri­té. En créant un jour­na­lisme indé­pen­dant et objec­tif dans des pays comme l’Europe de l’Est, nous pou­vons com­men­cer à nous battre en expo­sant ces faux récits et en per­met­tant aux com­mu­nau­tés locales de se pro­té­ger, a décla­ré Mur­phy. Je suis fier que notre pro­jet de loi ait été pro­mul­gué et je me réjouis à l’idée de tra­vailler avec le séna­teur Port­man pour faire en sorte que ces outils et ces nou­velles res­sources soient uti­li­sés effi­ca­ce­ment pour faire res­sor­tir la vérité. »

    NOTE : La loi bipar­ti­sane sur la dés­in­for­ma­tion et la pro­pa­gande est orga­ni­sée autour de deux prio­ri­tés prin­ci­pales pour aider à atteindre l’objectif de la lutte contre la menace en constante évo­lu­tion de la dés­in­for­ma­tion étran­gère faite par nos ennemis :

    La pre­mière prio­ri­té est d’élaborer une stra­té­gie pan-gou­ver­ne­men­tale pour contrer la pro­pa­gande et la dés­in­for­ma­tion étran­gères que nos enne­mis lancent contre nous. Ce pro­jet de loi aug­men­te­ra l’autorité, les res­sources et le man­dat du Centre d’engagement mon­dial pour s’engager contre des acteurs éta­tiques comme la Rus­sie et la Chine ain­si que des acteurs non éta­tiques. Le Centre sera diri­gé par le Dépar­te­ment d’État, mais avec la par­ti­ci­pa­tion active du minis­tère de la Défense, de l’USAID, des Gou­ver­neurs du Conseil de la radio­dif­fu­sion, de la com­mu­nau­té du ren­sei­gne­ment et d’autres orga­nismes com­pé­tents. Le Centre éla­bo­re­ra, inté­gre­ra et syn­chro­ni­se­ra des ini­tia­tives pan-gou­ver­ne­men­tales pour expo­ser et contrer les opé­ra­tions de dés­in­for­ma­tion étran­gères de nos enne­mis et faire pro­gres­ser de façon proac­tive les récits fon­dés sur des faits qui appuient les alliés et les inté­rêts des États-Unis.

    Deuxiè­me­ment, la loi vise à tirer par­ti de l’expertise non gou­ver­ne­men­tale pour créer des options stra­té­giques plus adap­tables et plus réac­tives. La légis­la­tion éta­blit un finan­ce­ment des­ti­né à for­mer des jour­na­listes locaux et à four­nir des sub­ven­tions et des contrats à des ONG, des orga­ni­sa­tions de la socié­té civile, des groupes de réflexion, des entre­prises du sec­teur pri­vé, des orga­ni­sa­tions de médias et d’autres experts en dehors du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain. Ce fonds vien­dra com­plé­ter et appuyer le rôle du Centre en inté­grant les capa­ci­tés et l’expertise dis­po­nibles en dehors du gou­ver­ne­ment des États-Unis dans le pro­ces­sus stra­té­gique. Il per­met­tra éga­le­ment à un réseau décen­tra­li­sé d’experts du sec­teur pri­vé d’intégrer leur exper­tise dans le pro­ces­sus de défi­ni­tion de cette stratégie.

    * * *

    Et ain­si, avec des jour­naux comme le Washing­ton Post ayant déjà inci­té le grand public à assi­mi­ler la « pro­pa­gande russe » aux « fausses nou­velles » (même après avoir admis le fait que leur propre rap­port était essen­tiel­le­ment « faux »), alors que les médias amé­ri­cains ont endoc­tri­né le public à pen­ser que toute infor­ma­tion n’étant pas conforme au récit offi­ciel du gou­ver­ne­ment ou osant cri­ti­quer l’establishment est for­cé­ment une « fausse nou­velle »et relève donc de la « pro­pa­gande russe », le ter­rain est main­te­nant prêt pour que le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain puisse léga­le­ment répri­mer tous les médias que le gou­ver­ne­ment consi­dé­re­ra comme étant de la « pro­pa­gande étran­gère ».

    Et voi­là, le minis­tère amé­ri­cain de la Véri­té est offi­ciel­le­ment né.

    Tyler Dur­den

    Tra­duit par Wayan, relu par Cat pour le Saker Francophone.

    http://​lesa​ker​fran​co​phone​.fr/​o​b​a​m​a​-​a​-​d​i​s​c​r​e​t​e​m​e​n​t​-​s​i​g​n​e​-​l​a​-​l​o​i​-​p​o​u​r​-​c​o​n​t​r​e​r​-​l​a​-​d​e​s​i​n​f​o​r​m​a​t​i​o​n​-​e​t​-​l​a​-​p​r​o​p​a​g​a​nde
    Source : le Saker Francophone

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  10. etienne

    Entre autres réso­lu­tions et espoirs pour 2017 : qu’Ar­naud Lepar­men­tier aille au diable 🙂 

    Les vœux de Fakir pour 2017 : 

    Bonne résolution : le tirage au sort des éditorialistes

    C’était hier, dimanche 1er jan­vier, dans Ques­tions poli­tiques, sur France Inter :

    L’animateur, Nico­las Demo­rand : Fabien est au standard.

    Fabien, audi­teur donc : Bon­jour à vous. Je me mets à faire à des rêves poli­tiques, pre­miè­re­ment qu’on prenne en compte les votes blancs, l’abstention. Deuxiè­me­ment, qu’on ait une belle assem­blée natio­nale, moi­tié de dépu­tés tirés au sort, moi­tié élus à la pro­por­tion­nelle. Voi­là, c’est le genre de rêves que je fais.

    Arnaud Le Par­men­tier, du Monde : Y a des endroits où il y a du tirage au sort ? Parce qu’à part Athènes et mes sou­ve­nirs de grec ancien, je n’ai aucun sou­ve­nir de tirage au sort.

    Mar­cel Gau­chet, l’invité : Je crois qu’il y a toute une série d’expériences, dans des petits pays à ma connaissance…

    Arnaud Le Par­men­tier : Est-ce que dans un pays comme la France, ça a quelque chose d’un tout petit peu rai­son­nable d’avoir du tirage au sort ? Un métier où être ministre, être dépu­té, c’est faire des lois très com­plexes, est-ce que ça a un sens de faire du tirage au sens en pre­nant des gens…

    Il faut entendre Arnaud Le Par­men­tier pro­non­cer ça, avec sa bouche en cul de poule, sa suf­fi­sance, sa cer­ti­tude d’appartenir à ce monde, de ministres, de dépu­tés, et de par­ta­ger avec eux cette fameuse « com­pé­tence ». Que, dans un pays (démo­cra­tique) comme la France, la majo­ri­té des Fran­çais, employés et ouvriers, soit exclus de l’Assemblée natio­nale, voi­là qui n’a pour lui rien de dérai­son­nable. C’est que le direc­teur édi­to­rial du Monde, chro­ni­queur les lun­di mar­di mer­cre­di dimanche sur France Inter, et le jeu­di dans le 28 minutes d’Arte, par­ti­san déchaî­né du libre-échange, de Bruxelles, de l’Euro, du Taf­ta, anti-Grecs, anti-pro­tec­tion­niste, bref, garan­ti 100 % pen­sée unique, Arnaud Lepar­men­tier pré­voit la suite : le tirage au sort des édi­to­ria­listes (car de cette arène média­tique-là éga­le­ment, la majo­ri­té des Fran­çais est exclue).

    Il n’est pas cer­tain qu’on y gagne en « compétence ».

    Mais à coup sûr, le ton y per­dra en arrogance…

    Alors, voi­là ma bonne réso­lu­tion pour 2017 (car réso­lus nous le sommes) : qu’on dégage les Arnaud Lepar­men­tier, Laurent Jof­frin et autres Domi­nique Seux des antennes. Que ça change un peu, qu’ils prennent notre place sur les stra­pon­tins, qu’on leur octroie quelques minutes de « débat », à l’occasion, pour se pré­va­loir de « pluralisme ».

    Pre­nez ça pour mes meilleurs vœux faki­riens : on lâche rien !

    FAKIR

    https://​www​.face​book​.com/​J​o​u​r​n​a​l​F​a​k​i​r​/​p​h​o​t​o​s​/​a​.​1​0​1​5​0​8​6​1​3​0​5​1​6​6​8​7​8​.​4​2​7​2​7​7​.​1​2​2​0​3​0​0​9​6​8​7​7​/​1​0​1​5​4​7​6​6​7​4​4​9​8​1​8​7​8​/​?​t​y​p​e​=​3​&​t​h​e​a​ter

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  11. etienne

    [Pourriture politicienne] Évasion fiscale : Juncker de nouveau mis en cause

    http://​www​.poli​tis​.fr/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​2​0​1​7​/​0​1​/​e​v​a​s​i​o​n​-​f​i​s​c​a​l​e​-​j​u​n​c​k​e​r​-​d​e​-​n​o​u​v​e​a​u​-​m​i​s​-​e​n​-​c​a​u​s​e​-​3​6​0​43/

    Selon des câbles diplo­ma­tiques alle­mands publiés par The Guar­dian, Jean-Claude Jun­cker, pre­mier ministre du Luxem­bourg, aurait blo­qué des réformes euro­péennes contre l’évasion fiscale.

    Le pré­sident de la com­mis­sion euro­péenne est de nou­veau mis en cause pour son rôle sup­po­sé en faveur de l’évitement fis­cal des mul­ti­na­tio­nales. D’après des câbles diplo­ma­tiques alle­mands, révé­lés par le quo­ti­dien anglais The Guar­dian, en col­la­bo­ra­tion avec l’ICIJ (Consor­tium inter­na­tio­nal pour le jour­na­lisme d’in­ves­ti­ga­tion) et la radio alle­mande NDR, l’ancien pre­mier ministre du Luxem­bourg a usé de son siège au sein du groupe de tra­vail euro­péen « code de conduite, fis­ca­li­té des entre­prises », pour frei­ner toute avan­cée en matière de lutte contre l’évasion fis­cale en Europe.

    Créé en 1998 par le Conseil euro­péen, ce groupe de tra­vail a pour objec­tif d’identifier et de déman­te­ler les régimes fis­caux de cer­tains états qui engendrent une concur­rence dom­ma­geable entre pays membre de l’Union Euro­péenne. Les déci­sions s’y prennent à l’unanimité : toute ten­ta­tive d’abandon de cette règle de l’unanimité a été contrée par le Luxem­bourg, mal­gré les demandes de la France, de l’Allemagne et de la Suède. 

    Monsieur Veto

    Grâce à ce pou­voir de veto, le Grand-Duché, à la tête d’un petit groupe de pays dont la fis­ca­li­té est avan­ta­geuse – les Pays-Bas, la Bel­gique et l’Irlande – aurait entra­vé le tra­vail de ce groupe, des années durant, en votant sys­té­ma­ti­que­ment contre des pro­po­si­tions essentielles.

    L’une devait obli­ger les auto­ri­tés fis­cales des Etats-membres à sou­mettre leurs accords avec les mul­ti­na­tio­nales à un exa­men par leurs pairs. Veto.

    Une autre devait lan­cer une enquête sur les prêts hybrides (très uti­li­sés dans les sché­mas d’évasion fis­cale). Veto.

    Une autre encore aurait dû per­mettre d’accroître l’échange d’informations sur les accords fis­caux conclus en pri­vé avec les mul­ti­na­tio­nales. Veto.

    Les extraits des câbles diplo­ma­tiques publiés par The Guar­dian sont élo­quents. On peut y lire :

    « Il est impres­sion­nant de voir com­ment cer­tains Etats se pré­sentent comme des par­ti­sans des [réformes fis­cales inter­na­tio­nales] et en même temps de voir com­ment ils se com­portent en réa­li­té dans les dis­cus­sions au sein de l’UE, qui sont pro­té­gées par la confidentialité. »

    Ou encore :

    « Il est main­te­nant clair que la majo­ri­té des Etats membres ne sont pas inté­res­sés par des réformes sérieuses. En par­ti­cu­lier le Luxem­bourg et ses repré­sen­tants qui ont dit être fon­da­men­ta­le­ment oppo­sés à toute pro­po­si­tion de faire savoir les argu­ments du Luxem­bourg sur ces questions. »

    Ces infor­ma­tions cor­ro­borent les révé­la­tions de l’hebdomadaire alle­mand Der Spie­gel en novembre 2015, qui évo­quaient les mêmes entraves. Là encore, la pré­sence de M. Jun­cker à la tête du gou­ver­ne­ment luxem­bour­geois entre 1995 et 2013, ain­si qu’aux manettes des finances entre 1989 et 2009, le met direc­te­ment en cause.

    Un scandale fiscal

    Elles s’ajoutent aux sus­pi­cions concer­nant son rôle dans le scan­dale finan­cier « Lux leaks », révé­lé en novembre 2014 et met­tant à nu des accords fis­caux géné­reux pas­sés entre le cabi­net d’au­dit Pri­ce­wa­te­rhou­se­Coo­pers (PwC) et le fisc luxem­bour­geois, pour le compte de grandes entre­prises. Des accords pou­vant être consi­dé­rés comme des aides d’Etats contraire au droit euro­péen sur la concur­rence. Jun­cker, pre­mier ministre au moment des faits, avait assu­ré que « rien » dans son « pas­sé » ne démon­trait que son « ambi­tion était d’or­ga­ni­ser l’é­va­sion fis­cale ». Plus les révé­la­tions s’amoncellent, plus le doute est permis.

    À lire > Jun­cker au centre d’un scan­dale fis­cal impli­quant 340 multinationales

    Suite à ce scan­dale, le pays a été som­mé de dur­cir sa légis­la­tion. Chose faite depuis le 1er jan­vier 2017. Une avan­cée por­tée par Xavier Bet­tel, suc­ces­seur de M. Jun­cker, qui ne per­met­tra pas à ce der­nier d’échapper aux ques­tion­ne­ments sur sa capa­ci­té à mener de front la lutte contre l’évasion fis­cale qui coûte chaque année 1 000 mil­liards d’euros aux contri­buables euro­péens, selon une esti­ma­tion com­mu­ni­quée par la com­mis­sion européenne.

    Au len­de­main des fra­cas­santes révé­la­tions des « Lux leaks », Jean-Claude Jun­cker, deve­nu pré­sident de la Com­mis­sion euro­péenne, avait pres­sé l’Europe d’agir contre l’évasion fis­cale car « l’im­pres­sion qui se dégage est que l’in­jus­tice fis­cale est insuf­fi­sam­ment com­bat­tue en Europe » … La faute à qui ?

    Nadia Swee­ny
    PUBLIÉ LE 2 JANVIER 2017

    http://​www​.poli​tis​.fr/​a​r​t​i​c​l​e​s​/​2​0​1​7​/​0​1​/​e​v​a​s​i​o​n​-​f​i​s​c​a​l​e​-​j​u​n​c​k​e​r​-​d​e​-​n​o​u​v​e​a​u​-​m​i​s​-​e​n​-​c​a​u​s​e​-​3​6​0​43/
    Source : Politis

    Réponse
  12. etienne

    Le Diplo vient de repu­blier un texte pas­sion­nant de Bour­dieu, de 1997, qui aide à com­prendre par quels fins méca­nismes de lan­gage, de pou­voir et de com­pli­ci­tés croi­sées l’UE est un piège de riches oisifs contre les pauvres, condam­nés aux tra­vaux forcés :

    Innocentes confidences d’un maître de la monnaie
    L’architecte de l’euro passe aux aveux

    « Un entre­tien dévoile un uni­vers. Lorsque la presse réper­cute la parole des « déci­deurs », dont chaque confi­dence peut faire vaciller les mon­naies, on ne prête pas tou­jours atten­tion à l’énorme somme de non-dits et de presque-sug­gé­rés que leurs pro­pos véhi­culent. Armés de leur « indé­pen­dance » conquise sur le pou­voir poli­tique, les gou­ver­neurs des banques cen­trales dis­posent désor­mais du pou­voir de chan­ger le cours des nations. Quelle est leur vision du monde social ? Et, par exemple, quelle est celle de M. Hans Tiet­meyer, grand archi­tecte de l’euro ? » […]

    Lire l’ar­ticle :
    http://​www​.monde​-diplo​ma​tique​.fr/​1​9​9​7​/​0​9​/​B​O​U​R​D​I​E​U​/​4​435

    Réponse
  13. etienne

    Et les sanctions contre cet État, c’est pour quand, hmmm ?

    « C’est amu­sant comme toutes les belles “âmes” qui déplo­raient que l’ONU marche pas ne se féli­citent pas de cet impor­tant moment où le monde entier prend une posi­tion una­nime – et ne demandent pas des sanc­tions contre cet État voyou qui ne se conforme pas au Droit international… » […]

    Lire la suite :
    http://​www​.les​-crises​.fr/​e​t​-​l​e​s​-​s​a​n​c​t​i​o​n​s​-​c​o​n​t​r​e​-​c​e​t​-​e​t​a​t​-​c​e​s​t​-​p​o​u​r​-​q​u​a​n​d​-​h​m​mm/

    Source : Oli­vier Ber­ruyer les​-crises​.fr

    Réponse
  14. etienne

    [Vive le populisme 🙂 ] Beppe Grillo propose des jurys populaires pour lutter contre les « fake news » des médias de masse

    Le chef de file du Mou­ve­ment Cinq étoiles (M5S), l’ex-comique Beppe Grillo, a pro­vo­qué un tol­lé dans l’es­ta­blish­ment ita­lien en pro­po­sant l’ins­tau­ra­tion de « jurys popu­laires » pour reca­drer les médias « fabri­cants de fausses informations ».

    En cas de men­songe détec­té par des jurys popu­laires dans la presse ou la télé­vi­sion, accu­sées de fabri­quer des infor­ma­tions pour dis­cré­di­ter le M5S, « l’é­di­teur devra, tête cour­bée, pré­sen­ter publi­que­ment des excuses et publier une ver­sion cor­recte en début de pro­gramme ou en pre­mière page du jour­nal », a pro­po­sé Beppe Grillo sur son blog le 3 janvier.

    https://​fran​cais​.rt​.com/​i​n​t​e​r​n​a​t​i​o​n​a​l​/​3​1​7​8​4​-​b​e​p​p​e​-​g​r​i​l​l​o​-​p​r​o​p​o​s​e​-​j​u​r​y​s​-​p​o​p​u​l​a​i​r​e​s​-​f​a​k​e​-​n​ews

    Source : rt​.com

    Réponse
  15. etienne

    Essai de définition d’un débat digne de ce nom :

    Réponse
  16. etienne

    Cet homme a reconverti des centaines de membres du Ku Klux Klan

    « À 58 ans, Daryl Davis est un musi­cien accom­pli qui est déjà appa­ru sur scène aux côtés de légendes telles que Chuck Ber­ry ou Jer­ry Lee Lewis. Mais outre ses qua­li­tés cer­taines de musi­ciens, l’homme d’origine afro-amé­ri­caine révèle éga­le­ment un talent inouï pour la média­tion et la conver­sion d’anciens membres du tris­te­ment connu Ku Klux Klan. Un docu­men­taire revient sur la vie de cet homme de cou­leur qui aurait convain­cu à lui seul des cen­taines de supré­ma­tistes blancs à aban­don­ner leur haine raciale au pro­fit de la tolé­rance et de l’égalité.

    Croi­sade en terre suprémaciste

    C’est alors qu’il joue en 1983 un concert dans un bar du Mary­land devant un public entiè­re­ment blanc que Daryl Davis ren­contre pour la pre­mière fois un membre du Ku Klux Klan. Impres­sion­né par le fait qu’un « noir puisse jouer aus­si bien que Jer­ry Lee Lewis » (selon ses mots), celui-ci était venu lui par­ler, avant de l’inviter au bar et de lui révé­ler sa nature de supré­ma­tiste, raciste invé­té­ré et fier de l’être. S’en suit les habi­tuels dis­cours natio­na­listes sur l’invasion étran­gère et l’impossibilité décla­rée de vivre ensemble. » […]

    Lire la suite :
    https://​mrmon​dia​li​sa​tion​.org/​c​e​t​-​h​o​m​m​e​-​a​-​r​e​c​o​n​v​e​r​t​i​-​d​e​s​-​c​e​n​t​a​i​n​e​s​-​d​e​-​m​e​m​b​r​e​s​-​d​u​-​k​u​-​k​l​u​x​-​k​l​an/

    Source : Mr Mondialisation

    Réponse
  17. etienne

    [Contre-his­toire du gaullisme] 

    3 janvier 1946 : De Gaulle installe Jean Monnet dans ses fonctions impériales

    par Michel Cuny

    « C’était ce que vou­laient les États-Unis. Mais aus­si la grande bour­geoi­sie fran­çaise. De Gaulle l’avait donc fait : 17 jours plus tard, il démis­sion­nait (20 jan­vier 1946).


    La preuve en est désor­mais éta­blie : jamais la France ne s’est remise de cette déci­sion qui reste, aujourd’hui encore, mas­quée aux yeux de nos conci­toyens et concitoyennes.

    Ain­si, au-delà des cinq crises immé­diates que lui annon­çait Michel Debré dans sa note du 19 jan­vier 1946 (de ravi­taille­ment, finan­cière, admi­nis­tra­tive, éco­no­mique, sociale), au-delà du déclen­che­ment de la guerre en Indo­chine, De Gaulle livrait son pays, pieds et poings liés, à la puis­sance impé­ria­liste domi­nante : les États-Unis.

    De l’adoption d’une mon­naie déli­bé­ré­ment pour­rie d’avance (je ren­voie à mon livre Quand le capi­tal se joue du tra­vail), à l’ensemble des mesures dont Michel Debré vient de nous indi­quer les consé­quences, en pas­sant par la tutelle éco­no­mique gra­cieu­se­ment offerte à Jean Mon­net et, à tra­vers lui, aux États-Unis, De Gaulle pré­ten­dra tout assu­mer. Georges Pom­pi­dou s’en est fait l’écho en rap­por­tant, dans son livre Pour réta­blir la véri­té, ce char­mant dis­cours que lui tenait De Gaulle le 4 sep­tembre 1948 :
    « Si, en 1945, j’avais créé une sorte de dic­ta­ture mili­taire, ça se serait ter­mi­né par une catas­trophe natio­nale au pro­fit des com­mu­nistes. Il fal­lait donc lais­ser s’installer cette soi-disant démo­cra­tie, mais en la condam­nant par avance. Je leur ai atta­ché une cas­se­role dont ils ne se débar­ras­se­ront pas et, pen­dant ce temps, le pays s’habituera à l’idée des dis­ci­plines néces­saires. » (page 65)

    Or, dès après son retour des États-Unis (22−26 août 1945), De Gaulle savait qu’il allait devoir mon­trer toute sa bonne volon­té au pré­sident Tru­man, sans quoi sa car­rière poli­tique n’irait pas très loin. Ain­si, en pré­sence de René Capi­tant et de Claude Guy (son offi­cier d’ordonnance), déclare-t-il, le 15 octobre 1946 :
    « L’avant-dernier été, lorsque j’ai ren­du visite à Tru­man, il m’a avan­cé six cent mil­lions de dol­lars. Mais cette somme était infime par rap­port à nos besoins. Pour­quoi n’a‑t-il pas fait plus ? Parce qu’il ne vou­lait pas jouer sur moi à fonds per­dus. Le State Depart­ment ou le Forei­gn Office ne nous prê­te­ront rien tant que la poli­tique fran­çaise n’aura pas pris une orien­ta­tion pré­cise et durable. Car il nous faut bien consi­dé­rer qu’en dehors de l’Italie, nous sommes le seul pays du monde à faire pro­cé­der l’autorité de l’État et l’ensemble des affaires publiques exclu­si­ve­ment des par­tis ! Ce qui explique la pagaille de l’Italie et la nôtre ! Rien ne per­met­tait donc à Tru­man, à l’époque consi­dé­rée, de faire fond sur moi. »

    Il allait donc fal­loir agir contre les par­tis… C’est-à-dire contre ce qui per­met au peuple, à tra­vers le suf­frage uni­ver­sel, d’exercer sa sou­ve­rai­ne­té. Au pre­mier rang des par­tis, et plus dan­ge­reux qu’eux tous pour les pos­sé­dants : le par­ti communiste…

    Reve­nons à Gas­ton Palews­ki (« conglo­mé­rat Wen­del »), et au cir­cuit qu’il aura sui­vi pour rejoindre De Gaulle à Londres en 1940. Ceci se passe après le bom­bar­de­ment, par les Bri­tan­niques, des navires fran­çais pré­sents dans le port mili­taire de Mers el-Kébir (golfe d’Oran, Algé­rie) le 3 juillet 1940, où il y avait eu 1297 morts :
    « Je par­tis donc un matin dans un avion à des­ti­na­tion du Por­tu­gal. Il me dépo­sa à Lis­bonne où je fis sur­face quelques heures. »

    La suite com­mence à nous mettre la puce à l’oreille :
    « Puis, en com­pa­gnie de l’ambassadeur d’Angleterre, sir Wal­ford Sel­by, que j’avais retrou­vé à Lis­bonne, nous par­tîmes un après-midi pour arri­ver en Angle­terre dans la nuit. »

    On le voit, Gas­ton Palews­ki n’est pas n’importe qui, du point de vue bri­tan­nique. Mais il y a mieux :
    « Chur­chill me reçoit dans la salle du conseil de Dow­ning Street. »

    Rien que ça.

    Que se sont-ils dit à pro­pos d’un De Gaulle ? De ses sou­tiens pos­sibles, en France et ailleurs ?

    Bon­dis­sons main­te­nant vers la fin de l’année 1945. Dans ses Mémoires d’action, Gas­ton Palews­ki nous met sou­dai­ne­ment en alerte :
    « Je racon­te­rai dans quelles cir­cons­tances j’ai pu sug­gé­rer au géné­ral de Gaulle la créa­tion d’un ser­vice du Plan et la nomi­na­tion à sa tête de Jean Monnet. »

    Et nous qui avions jusque-là cru que les rap­ports de Charles de Gaulle et de Jean Mon­net avaient tou­jours été exé­crables… Et tout par­ti­cu­liè­re­ment à Alger en 1943…

    Ensuite, Gas­ton revient sur l’époque de la Libération :
    « Il n’était pas ques­tion de la prise du pou­voir par les com­mu­nistes fran­çais, mais la dif­fi­cul­té était que De Gaulle, qui pour­tant déte­nait une force poli­tique énorme, un grand pres­tige du fait qu’il s’était iden­ti­fié avec la Libé­ra­tion, ne pos­sé­dait pas d’agents d’exécution. »

    D’exécution… Que veut dire cela, dans le contexte de l’époque ?

    Consul­tons le géné­ral Jean Com­pa­gnon, bio­graphe de Leclerc, d’un Leclerc dont il nous dit qu’à l’été de 1945 :
    « Il semble que De Gaulle lui ait fait envi­sa­ger une autre affec­ta­tion. Le 24 juillet, il rédige une lettre qu’il n’enverra pas en rai­son de son ton, esti­mé après réflexion abrupt à l’excès. Il y refuse des postes éven­tuels de gou­ver­neur mili­taire de Paris ou de com­man­dant des troupes pou­vant éven­tuel­le­ment inter­ve­nir en main­tien de l’ordre. De tels postes, trop liés à la poli­tique, ne lui conviennent pas. »

    Leclerc (« conglo­mé­rat Wen­del« , tout comme Gas­ton Palew­ki) n’a pas envoyé ce cour­rier… d’un ton abrupt… dans lequel il ne pou­vait qu’être ques­tion d’une réédi­tion de… la Com­mune de Paris, à laquelle ce vrai géné­ral ne vou­lait cer­tai­ne­ment pas mêler son nom.

    Et voi­là notre De Gaulle sans agent d’exécution… Et qui doit pour­tant réus­sir à se pas­ser des par­tis pour com­plaire à Tru­man… À moins qu’en recou­rant à… Jean Mon­net. Mais com­ment ?… En lui four­nis­sant quel rôle ? C’est Gas­ton qui a la réponse… »

    Michel J. Cuny

    « (Ce texte est tiré de l’ouvrage élec­tro­nique « Pour en finir avec la Cin­quième Répu­blique – His­toire de l’étouffement du suf­frage uni­ver­sel » que j’ai publié il y a quelques mois et que l’on pour­ra trou­ver ici. »

    Source : https://unefrancearefaire.com/2016/12/29/3‑janvier-1946-de-gaulle-installe-jean-monnet-dans-ses-fonctions-imperiales‑2/

    Réponse
  18. etienne

    Courte évo­ca­tion (vers 16:35) du TIRAGE AU SORT, juste le temps de le dis­cré­di­ter (peut-être pour que les élec­teurs ne pensent plus à cette alter­na­tive à l’é­lec­tion), sur France Inter dans « La marche de l’his­toire » ; Jean Lebrun (que j’aime bien) pose la ques­tion à son invi­tée Domi­nique Schnap­per (fille de Ray­mond Aron). 

    Non seule­ment le mot « démo­cra­tie » est sys­té­ma­ti­que­ment uti­li­sé à l’en­vers dans cet entre­tien, mais le TAS y est mal trai­té, pas défen­du, « éva­lué » de façon expéditive… 🙁 :
    https://​www​.fran​cein​ter​.fr/​e​m​i​s​s​i​o​n​s​/​l​a​-​m​a​r​c​h​e​-​d​e​-​l​-​h​i​s​t​o​i​r​e​/​l​a​-​m​a​r​c​h​e​-​d​e​-​l​-​h​i​s​t​o​i​r​e​-​0​5​-​j​a​n​v​i​e​r​-​2​017

    Réponse
  19. etienne

    La CIA rédige-t-elle votre journal ?

    « Voi­ci un très bon aper­çu d’Ed Jones expli­quant pour quelles rai­sons les grands médias sont les meilleurs repré­sen­tants des « fausses infor­ma­tions ». Ces médias sont lar­ge­ment déte­nus et contrô­lés par des entre­prises mil­liar­daires et gar­gan­tuesques dont les recettes publi­ci­taires dépendent d’autres socié­tés et qui emploient des jour­na­listes issus de classes pri­vi­lé­giées dont les car­rières sont basées sur le main­tien de ces pri­vi­lèges. Dans ces cir­cons­tances, il serait tout sim­ple­ment stu­pé­fiant de béné­fi­cier, de près ou de loin, de la plu­ra­li­té des médias.

    Les don­nées concernent les points de vente bri­tan­niques mais les mêmes prin­cipes s’appliquent aux Etats-Unis.

    Une par­tie de l’analyse est par­ti­cu­liè­re­ment trou­blante. Il s’agit de celle por­tant sur le sujet très peu abor­dé de la péné­tra­tion des ser­vices de ren­sei­gne­ment dans la plu­part des organes de presse occi­den­taux et par­fois même non-occi­den­taux. En résu­mé, les ser­vices de ren­sei­gne­ments éta­su­niens, et dans une moindre mesure bri­tan­niques, ont durant de nom­breuses décen­nies trans­mis des infor­ma­tions à des jour­na­listes coopé­ra­tifs occu­pant des posi­tions-clés dans l’industrie de l’information « libre », tra­vaillant ain­si main dans la main. De plus, la CIA a cher­ché à pla­cer cer­tains de ses membres dans les organes de publi­ca­tion afin de mode­ler le conte­nu édi­to­rial et influen­cer l’opinion publique. Dans cer­tains cas, ces per­sonnes ont atteint des posi­tions très influentes au sein de l’industrie.

    Nick Davies, du Guar­dian, a dédié un cha­pitre entier de son livre Flat Earth News à la docu­men­ta­tion de ces pra­tiques. Etran­ge­ment, ce cha­pitre n’est que rare­ment men­tion­né. Les jour­na­listes qui encensent son ouvrage se concentrent d’avantage sur son concept moins révé­la­teur du « chur­na­lism », le jour­na­lisme à l’épreuve du temps, et sur les res­sources mises à disposition.

    Jones men­tionne par ailleurs d’autres sources appuyant son analyse :

    Richard Keeble, Pro­fes­seur en jour­na­lisme à l’Université de Lin­coln, ( … ) a publié des écrits por­tant sur les liens unis­sant des jour­na­listes et les ser­vices de ren­sei­gne­ment… Il cite Roy Greens­lade, qui a été un spé­cia­liste des médias pour le Tele­graph et le Guar­dian ( ain­si qu’un des rédac­teurs en chef du Mir­ror ) : « La plu­part des tabloïdes, et même les quo­ti­diens de manière géné­rale, sont les jouets du MI5 ( le FBI de la Grande-Bretagne ).

    Keeble ajoute :

    « Bloch et Fitz­ge­rald men­tionnent, dans leur ana­lyse de la guerre bri­tan­nique non-conven­tion­nelle, le rédac­teur en chef « d’un des jour­naux les plus répu­tés de Grande-Bre­tagne » qui estime que plus de la moi­tié de ses cor­res­pon­dants étran­gers étaient sur la liste de paie du MI6 ( l’équivalent au Royaume-Uni de la CIA – note de l’auteur ). Et en 1991, Richard Nor­ton-Tay­lor révé­la dans le Guar­dian que par­mi les 500 per­son­na­li­tés bri­tan­niques rému­né­rées par la CIA et la défunte Banque de cré­dit et com­merce inter­na­tio­nale se trou­vaient 90 journalistes. »

    Keeble a don­né de nom­breux autres exemples dans le cha­pitre de son livre sur les ser­vices de ren­sei­gne­ment qui infiltrent les médias et modi­fient les poli­tiques du moment, notam­ment en rela­tion aux grèves des mineurs et Arthur Scar­gill dans les années 80 ain­si que pen­dant la période qui a mené à la guerre d’Irak en 2003…

    David Leigh, l’ancien rédac­teur d’investigation du Guar­dian, a écrit sur une série de cas où les ser­vices secrets ont mani­pu­lé d’éminents jour­na­listes. Il affirme que les repor­ters sont régu­liè­re­ment appro­chés et mani­pu­lés par des agents de ren­sei­gne­ment et dis­tingue trois méthodes, cha­cune expli­ci­tée dans son article :

    • Ils essaient de recru­ter des jour­na­listes qui pour­ront espion­ner d’autres per­sonnes ou ten­te­ront de se faire pas­ser eux-mêmes pour journalistes.
    • Ils auto­risent des agents de ren­sei­gne­ment à « écrire des articles ten­dan­cieux sous de faux noms ».
    • Et « la forme la plus per­ni­cieuse » : ils trans­mettent des pro­pa­gandes de ser­vices de ren­sei­gne­ment à des jour­na­listes consen­tants qui mas­que­ront l’origine de l’information aux lecteurs.

    Il serait bon de se rap­pe­ler que ceux qui devraient dénon­cer la mani­pu­la­tion des grands médias par les ser­vices de ren­sei­gne­ment sont les grands médias eux-mêmes, déjà cor­rom­pus. En d’autres termes, il est pra­ti­que­ment impos­sible pour les médias de révé­ler cette his­toire de « fausses nou­velles » sys­té­ma­tiques dis­sé­mi­nées par nos ser­vices secrets car cela dévoi­le­rait une réa­li­té bien incon­for­table : ceux qui se pré­sentent comme les chiens de garde des liber­tés face au pou­voir du gou­ver­ne­ment ne sont en fait que les chiens de com­pa­gnie des puissants.

    Si tout cela semble dur à croire, regar­dez cette vidéo d’un jour­na­liste alle­mand expé­ri­men­té admet­tant qu’il avait été recru­té par les ser­vices secrets éta­su­niens (h/t Anto­nio Nas­ci­men­to). Udo Ulf­kotte a cou­vert le Moyen-Orient pour le Frank­fur­ter All­ge­meine pen­dant 12 ans et déclare qu’il a régu­liè­re­ment agi comme relais de la pro­pa­gande de la CIA. Il ajoute que nombre de ses col­lègues ont fait de même, pro­mou­vant de plein gré la dés­in­for­ma­tion de la CIA. »

    httpv://youtu.be/CzySk8qfvxk

    5 jan 2017, JONATHAN COOK

    Tra­duit de l’anglais par Joe-Alexy Yagchi
    pour Inves­tig’Ac­tion- Michel Collon

    http://​www​.inves​ti​gac​tion​.net/​l​a​-​c​i​a​-​r​e​d​i​g​e​-​t​-​e​l​l​e​-​v​o​t​r​e​-​j​o​u​r​n​al/

    Source : Inves­tig’Ac­tion- Michel Collon

    Réponse
  20. etienne

    Quand BuzzFeed (et 4Chan ?) devient une source fiable pour L’Obs (bravo à Boris Manenti !)

    « Une nou­velle preuve de l’intégrité de cer­tains médias… Cela en devient fas­ci­nant, sur­tout après la bouf­fée déli­rante d’Alep, alors qu’ils n’ont que le mot fake news à la bouche…
    Bref, com­ment atten­ter une fois de plus à la Démo­cra­tie, et faire le jeu des populistes.
    Il va deve­nir temps de réflé­chir sérieu­se­ment aux moyens de sanc­tion­ner de telles vio­la­tions de la Charte d’éthique pro­fes­sion­nelle des journalistes. »
    Oli­vier Berruyer

    Lire l’ar­ticle et les com­men­taires d’Olivier :
    http://​www​.les​-crises​.fr/​q​u​a​n​d​-​b​u​z​z​f​e​e​d​-​e​t​-​4​c​h​a​n​-​d​e​v​i​e​n​t​-​u​n​e​-​s​o​u​r​c​e​-​f​i​a​b​l​e​-​p​o​u​r​-​l​o​b​s​-​b​r​a​v​o​-​a​-​b​o​r​i​s​-​m​a​n​e​n​ti/

    Source : les​-crises​.fr

    Réponse
  21. etienne

    [Pourriture des juges] Procès Wildenstein : relaxe générale pour l’évasion fiscale du siècle !

    « Drôle de sur­prise : les mil­liar­daires Guy et Alec Wil­den­stein, ain­si que les six autres pré­ve­nus jugés pour fraude fis­cale, com­pli­ci­té ou blan­chi­ment, ont tous été relaxés ce 12 jan­vier par le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel de Paris. Media­part publie le jugement. »

    « Le tri­bu­nal a par­fai­te­ment conscience que sa déci­sion est sus­cep­tible de heur­ter le sens com­mun et d’être incom­prise du peuple fran­çais au nom de qui la jus­tice est ren­due », pré­vient, l’air grave, le pré­sident de la XXXIIe chambre cor­rec­tion­nelle de Paris, Oli­vier Géron. Après avoir lu lon­gue­ment les moti­va­tions du juge­ment, il pro­nonce la relaxe des mil­liar­daires Guy et Alec Wil­den­stein, qui étaient jugés pour fraude fis­cale, et par consé­quence la relaxe des six autres pré­ve­nus qui com­pa­rais­saient pour com­pli­ci­té ou blan­chi­ment de ce délit. Les avo­cats de la défense écar­quillent les yeux, ils ne s’attendaient visi­ble­ment pas à une si belle sur­prise, alors que les magis­trats du par­quet natio­nal finan­cier (PNF), eux, ont le visage fer­mé. Quant à Guy et Alec Wil­den­stein, ils n’ont pas même fait le dépla­ce­ment pour assis­ter au pro­non­cé du juge­ment et sabler le cham­pagne à Paris. Le PNF a, tou­te­fois, un délai de dix jours pour faire appel de cette déci­sion, qui relance effec­ti­ve­ment, et de façon spec­ta­cu­laire, l’é­ter­nel débat sur une jus­tice à plu­sieurs vitesses.

    Com­ment en est-on arri­vé à deux lec­tures du dos­sier aus­si dia­mé­tra­le­ment oppo­sées, entre le PNF, qui avait requis en octobre der­nier des peines de pri­son ferme et une amende de 250 mil­lions d’euros, et le tri­bu­nal cor­rec­tion­nel ? La réponse tient plus dans l’interprétation de la loi que dans l’analyse des faits eux-mêmes. » […]

    Lire la suite :
    https://​www​.media​part​.fr/​j​o​u​r​n​a​l​/​f​r​a​n​c​e​/​1​2​0​1​1​7​/​p​r​o​c​e​s​-​w​i​l​d​e​n​s​t​e​i​n​-​r​e​l​a​x​e​-​g​e​n​e​r​a​l​e​-​p​o​u​r​-​l​-​e​v​a​s​i​o​n​-​f​i​s​c​a​l​e​-​d​u​-​s​i​e​cle

    Source : Mediapart

    Réponse
  22. etienne

    À propos des hôpitaux, en naufrage volontaire

    Tatia­na Ven­tôse tem­pête contre les traîtres qui nous gou­vernent, et qui sabotent tous les ser­vices publics, pour bien­tôt les pri­va­ti­ser et les trans­for­mer en « centres de profit » :

    Réponse
  23. etienne

    Gaël Giraud : « Si la création monétaire était toujours inflationniste, il faudrait fermer les banques ! »

    httpv://www.youtube.com/watch?v=Hr8Hw-ePzVA&feature=youtu.be

    Réponse
  24. etienne

    [Pro­cès citoyen du faux « suf­frage universel »
    (élire des maîtres au lieu de voter les lois)]
    La vidéo du DÉBAT au théâtre Soum-Soum
    (à Paris le 9 décembre der­nier) est publiée 🙂

    https://​www​.chouard​.org/​2​0​1​7​/​0​1​/​2​2​/​p​r​o​c​e​s​-​c​i​t​o​y​e​n​-​d​u​-​f​a​u​x​-​s​u​f​f​r​a​g​e​-​u​n​i​v​e​r​s​e​l​-​l​a​-​v​i​d​e​o​-​d​u​-​d​e​b​at/

    httpv://youtu.be/7E6kstTJrFI

    Je n’ai pas eu le temps de répondre comme il aurait fal­lu à toutes les ques­tions & objec­tions, et je vous invite donc à vous exer­cer à y répondre vous-mêmes, bien sûr 🙂

    —–

    N’ou­bliez pas de créer et ani­mer vous-même vos propres ate­liers consti­tuants, quo­ti­dien­ne­ment, obstinément 🙂

    Étienne.

    Réponse
  25. Pauline

    Bon­jour Etienne, 

    Mer­ci pour ces réflexions et ces docu­ments vrai­ment intéressants.

    J’ai une ques­tion sur l’un des points que vous abor­dez sur le tirage au sort : le fait que l’é­lec­tion créé quel­qu’un de fier de lui, « qui se la pète », là où le tiré au sort reste humble, et donc res­te­rait égal à ceux qui n’ont pas été tiré au sort. Et donc ne les écra­se­rait pas.

    Cela fait écho à un élé­ment qui m’a­vait beau­coup frap­pée dans une expé­rience menée à Stan­ford sur les com­por­te­ments en milieu car­cé­ral (https://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Stanford). Dans cette expé­rience, un tirage au sort répar­tis­sait les par­ti­ci­pants entre des gar­diens de pri­son et des pri­son­niers. Pour­tant, des com­por­te­ments d’une grande vio­lence de la part des gar­diens, et une sou­mis­sion à leur ordre de la part des pri­son­niers a émer­gé très vite. Alors même que le pro­ces­sus de tirage au sort était trans­pa­rent pour eux, donc qu’ils savaient n’a­voir aucune qua­li­té spé­ci­fique jus­ti­fiant leur position. 

    Du coup, je m’in­ter­roge sur l’é­mer­gence pos­sible de l’op­pres­sion, de la mal­hon­nê­te­té, de la vio­lence faite aux autres même dans un sys­tème repo­sant sur le tirage au sort. 

    Qu’en pen­sez-vous ?

    Mer­ci!!

    Pau­line

    Réponse

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