« … Un de mes professeurs de dessin aux Arts appliqués donnait un superbe enseignement qui se ramassait en une seule phrase : « À chaque instant votre dessin est fini. »
En règle générale, dans un cours de dessin, on vous indique le temps dont vous disposez. Cinq minutes, une heure, quatre heures, ou plusieurs séances. Avec lui, non. Il fallait commencer par l’essentiel et rester sur l’essentiel. Dès que le fusain touchait le papier, et à chaque trait, l’urgent était l’essentiel. Un « essentiel » qu’il appartenait à chacun de découvrir. Puis de s’y maintenir. Sur la brèche, sur la ligne de crête, première ligne, ligne de feu, ligne de partage des eaux. Ainsi, à chaque instant, le dessin peut s’arrêter. L’important est dans chaque instant de la ligne. Pas dans la fin. Ni dans le début. Mais dans le trait, dans le chemin.
Quel sage pourrait ainsi dessiner sa vie ? Qu’à chaque instant la vie puisse être interrompue et qu’à chaque instant elle soit « essentielle » ? Toujours prête à la halte et prête à s’en aller.
Nous croyons poursuivre un but, nous croyons que le trait, comme un chemin, nous conduit vers un but.
Or il n’y a pas de but. Le but c’est le chemin.
Le but n’est rien, le chemin est tout.
Dans le chemin il y a tous les possibles, alors que dans le but, il n’y a que le but.
Être en chemin, voilà le but.
Être n’est pas le but. Il n’y a pas d’Être que d’être en chemin… »
Daniel Mermet
Daniel est un homme important pour moi : depuis 2004, à travers Là-bas si j’y suis et aussi à travers quelques conversations, il me transforme profondément, en bien je crois.
C’est vrai qu’on n’est pas (encore) très nombreux, à défendre un processus constituant populaire, ouvert à vraiment tous les êtres humains ; c’est vrai qu’on n’arrive pas encore à rendre le monde meilleur ; mais on est en marche, on est ensemble, autant que possible, autour d’une idée originale et radicale, on se transforme ensemble, on apprend ensemble qu’on est capables d’écrire nous-mêmes notre constitution, et on progresse, malgré les calomnies et les difficultés, on fait de notre mieux pour être de plus en plus nombreux à chercher à servir nous-mêmes le bien commun, sans accepter les caricatures des politiciens qui font de celui qui n’est pas d’accord un adversaire à vaincre.
Ne désespérez pas d’être petit. Tout ce qui est grand a commencé par être petit.
Fais ce que tu dois, et advienne que pourra.
Étienne.
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Fil FB correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10154652216932317
Et on progresse à chaque fois :
httpv://www.youtube.com/watch?v=dOSiU42P8Gc
Il faudrait que les militants politiques les plus sectaires, ceux qui enferment les autres pour toujours dans leurs erreurs d’un jour, étudient ce petit film, le crayon à la main.
À Fred qui me disait sur FB : « et pourtant je me suis laissé dire qu’il justifie de ne pas t’inviter par le fait que tu es « un petit prof d’histoire », comme s’il n’y avait que ça qui te définissait et que c’était une tare… tu es vraiment trop bon, surtout avec tes ennemis, volontaires ou pas. », j’ai répondu ceci :
Daniel et Frédéric (et aussi quelques autres que j’aime) se trompent sur moi, pour l’instant, profondément. Ce n’est pas (du tout) une raison, de mon point de vue, pour renier l’admiration que je leur porte. Ils me déçoivent, c’est sûr, mais je suis convaincu que c’est temporaire, un malentendu ; tout le monde peut se tromper. Je continue à les lire et à les apprécier.
On a tous besoin, pour travailler ensemble au bien commun, de bien voir et signaler ce qu’il y a de meilleur en autrui, utile et remarquable du point de vue de l’intérêt général, et de sous-estimer délibérément le reste, nos fautes et nos défauts respectifs (sauf si c’est vraiment très grave, ok).
Pour moi, « peuple » et « ensemble », ça veut dire vraiment ensemble (et pas seulement « avec les copains qui pensent comme moi »). Un processus constituant populaire bien préparé devrait nous permettre de trouver nos plus petits dénominateurs communs (comment on désigne nos représentants, comment on les contrôle, quelle place on réserve aux simples citoyens dans les décisions politiques — RIC — et aux travailleurs dans les décisions économiques — Sécu…), bien au-dessus de nos opposition législatives ordinaires.
Imposer nos querelles législatives habituelles dans nos apprentissages constituants, ne pas savoir prendre de la hauteur et ne pas savoir voir dans nos adversaires usuels de véritables êtres humains, respectables en tant que tels, c’est saborder toute possibilité d’émancipation par le haut pour nous tous. C’est la peste de l’esprit de parti (qui nous vient directement de l’élection parmi des candidats, ce faux « suffrage universel » qui nous a aussi jetés dans le « capitalisme », beaux résultats).
Quel sage pourrait aussi dessiner sa vie ?
Pas moi !
Petit passage à vide , dans le cours , je n’ai rien dessiné ,
hier non plus !
Serait-ce un manque de sagesse ? Si oui , alors c’est chouette !
Et je n’ai pas envie de grandir et d’être sage !
À partir d’un certain âge , on ne poursuit plus de but , on continue … §
Et cela me semble une erreur de programmer l’avenir de nos enfants
avec des buts et des objectifs à atteindre .
La vie , » le chemin » , est jonché de pierres , de surprises , bonnes comme mauvaises,
pour lesquelles nous ne sommes pas préparés et qu’il faut gérer au mieux !
J’ai lu sur un autre de vos articles ,
qu’il est de notre très grande faute ,
si nous en sommes là aujourd’hui ,
parce que nous ne sommes pas ,
( enfin pas encore ) constituants !
Pensez-vous qu’il fût facile par le passé
de nous rendre à l’évidence ?
Sans l’instruction ou presque de nos anciens
affairés à leurs journées de labeurs intenses ,
pour qu’enfin la » dîme » de chaque famille
puisse être payée , comment voulez-vous
que nous pensions à écrire la constitution
qui l’était déjà …
Vous dites vous-même que nous ne pouvions pas chercher le vrai sens du mot démocratie parce qu’il était déjà utilisé et faussement expliqué .
Comment savoir et prouver .…avec sur le dos , en constante , une oligarchie alimentant le feu de la cupidité ?
Sur ce point , je ne suis pas d’accord avec vous !
« »« Là-bas si j’y suis » » » , Chez nous , ça veut dire » Va voir là-bas si j’y suis ! » que l’on adresse à qqu’un qui nous ennuie !
Ou encore » là-bas , si j’y suis , tu peux venir aussi ! » que l’on adresse aussi comme invitation !
Apprenons donc ensemble
Bonne semaine à vous
ève
Une définition intéressante de « téléologie » : http://www.intelligence-complexite.org/fr/documents/lexique-de-termes-de-la-complexite.html
« Bien que la téléologie soit entendue comme une discipline scientifique depuis 1728 (« Le traité » de Ch. Wolff), et que Kant l’ait anoblie au statut éminent de « science critique » (à ne pas confondre donc avec la théologie !) dans « La critique de la faculté de juger », 1797 (consacrée pour l’essentiel à l’étude de ce mode de « connaissance réfléchissante » qui est le « jugement téléologique »), la discipline a longtemps eu mauvaise presse dans les cultures scientifique et philosophique : positivismes et scientismes voulaient ignorer cette science qui, par sa seule existence, remettait en question leur dogme fondateur, celui du déterminisme causal et efficient qui caractériserait toutes les lois de la Nature (et donc, ajoutait déjà Descartes, « toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes ». Les dictionnaires français sont encore laconiques ou prudents, se limitant pour l’essentiel à une définition étymologique banale : « Télos » traduit le grec « fin », et la téléologie sera « l’étude des fins »… Une brève allusion à la théorie des « causes finales » d’Aristote servant de caution à cette incursion qui risque de rappeler au lecteur les discours charlatanesques sur le finalisme.
Ce n’est qu’avec la naissance des « nouvelles sciences de l’information et des systèmes » que la téléologie va réapparaître dans le discours, puis peu à peu, dans la culture scientifique contemporaine. En fondant explicitement la cybernétique naissance sur le concept de « téléologie » (par un article célèbre de 1943 cosigné avec Rosenblueth et M. Gigelow), N. Wiener rejoignant (à son insu, semble-t-il) les grands pragmatistes nord-américains (J. Dewey puis N. Rescher…), va susciter un courant d’attention dont nous bénéficions aujourd’hui. Praticiens et chercheurs perçoivent aisément qu’ils peuvent disposer d’une discipline sans doute encore dans sa gangue sémantique, discipline dont ils expérimentent la légitimité et qu’ils s’efforcent de dégager progressivement des confusions et du verbiage dont elle fut parfois entourée. Heureusement pour eux, les fondations posées par Kant (après Aristote) sont solides (… « Dans la Nature, tout est fin et réciproquement moyen »), et les développements sur les sciences de la cognition comme sur les sciences de la conception nous font progresser dans une voie décrivait dès 1974 le philosophe et logicien J. Ladrière : « C’est une téléologie qui se construit. Il n’y a pas un télos posé à l’avance, il y a comme un processus d’apprentissage à la faveur duquel une démarche d’abord tâtonnante réussit à dessiner de façon de plus en plus précise son propre cheminement. Processus interne d’auto finalisation ».
Qu’on le découvre dans les textes d’H.A. Simon (« Rationality and téléology… the mean is the end… », 1983) ou d’E. Morin (« une auto-éthique, sans fondement, en émergence… qui soit éthique de la compréhension », 1994), et de bien d’autres, la téléologie prend aujourd’hui sa définition usuelle :
« Science des processus de finalisation » : comment, en fonctionnant et en se transformant, et en se formant des représentations de leurs comportements (informés, et par là, informant), les systèmes élaborent-ils en permanence leurs propres processus de finalisation ? Certes, ils peuvent parfois s’entendre dans le cas limite des systèmes automatiques, « goal seeking ». Mais cette indépendance absolue du but, tenu pour invariant, et du comportement, est-elle fréquente, et est-elle même nécessaire ? Oui dans le cas des systèmes de pilotage automatique… mais leur concepteur ne souhaite-t-il pas qu’il y ait quand même « un pilote dans l’avion » ? Ne doit-il pas alors s’intéresser au caractère auto-éco-finalisateur de ce système complexe qui est l’avion piloté et se pilotant en vol ? »
Sensation Syrienne de Guerre
Fw : « Alep – Raqqa – & Cie ! On aurait pu s’attendre à tout sur l’humain, sauf à ça ! »
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Avec ce premier roman, William Polsens entre dans la cour des grands. Coup de maître parce que son style perce la lumière des faits en leur essence. Quelque chose de nouveau vient de jaillir, aussi cruel que jubilatoire, dans cette fiction de guerre mais dans des lieux que l’on imagine bien réels. Écriture en forme d’énergie libératrice, parce que pleine d’ecchymoses et amorale, qui, de toute façon, fera sens chez le lecteur. « Je pensai d’emblée que c’était sur mon malheur qu’il pleurait, le gars. J’ai remué mes membres, à travers une contraction reconnaissante des nerfs. Me les suis tâtées, mes guiboles… Aucune nuance aiguë de la moindre douleur ! Partiellement à moi, j’envisageais le gars dans son jus engourdi, ou anesthésié — je me l’imaginais semblable au mien d’état d’estropié, tactique fraternelle d’un double. J’ai retourné mon regard vers lui. Il avait fermé les yeux… Aussitôt, une jeune femme en infirmière classique s’est approchée de lui. Et, d’un doigt ferme, elle appuie sur la tempe du mec, quand sitôt l’autre main s’est élevée au plafond. Elle avait dû lancer son pronostic. Trois hommes s’approchent. Il devait y avoir le médecin avec. C’est lui qui d’une main experte a tiré une paupière du pauvre gars, celui-ci ne devait plus souffrir, pour le moment, et partant à jamais… Enfin ! À lui, la tranquillité éternelle ! »
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Bonjour,
Plutôt génialissime ! Je voudrais certes pas en ajouter sur votre pile de bouquins éblouissants, qu’on vous conseille et qui accablent votre bureau… Et pourtant, il est un livre stupéfiant du délire va-t-en-guerre, paru en novembre, et qui pourfend à l’effroyable le malheur des hommes… Ça nous a laissés inimaginablement, d’un bout à l’autre, fort enivrés !
Alors, écoutez ça ci-dessous ! Comme une approche du roman à la nervalienne fantasmatique.
C’est notre Andrew qui a glané sur son réseau ce que deux personnages du livre ont pu s’échanger par méls… Avec en prime la couve du bouquin en pj !
Take it easy,
Matisi
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« Cher Docteur Resgiaël,
Vous savez ma pudeur.
Vraiment super, la maquette de la couverture ! Je tiendrai haut le secret !
On dirait presque le genre roman noir, à quelques détails près, et pourtant ce livre est atrocement loin du polar. S’il avait pu la voir… lui, en dérision, cette reliure n’aurait pas déplu au sourire de sa lèvre déchirée.
Comme promis, j’ai lu ce qui me semble bien et clair… Je n’ai pas vu d’erreur, juste un petit changement, un mot que j’ai ajouté, mais n’en suis pas certaine. Vous verrez. Je ne parle pas “psy” comme vous !
Ci-dessous le fameux mot, son dernier qu’il m’envoya avec sa carte postale de Boulogne ; ne le mettons pas dans le livre, n’en rajoutons pas, pour tant d’horreurs vécues, tant d’âmes vaincues… et lui tant déjà perdu !
« Bonheur.
Le mot seul se gerce au fer rouge sitôt qu’il est sailli des yeux ! Qu’il nous pende à griller la vie sur le magma incandescent du fatum…
Alep – Raqqa – & Cie ! On aurait pu s’attendre à tout sur l’humain, sauf à ça ! Le bonheur de soi se soigne à la fleur de haine bon enfant. À la honte affectueuse de l’humanité, en voici de l’amour vachard — histoire immonde à l’enluminure de la guerre, de ses lyriques apôtres supplétifs, aux bels assassins, et joyeux trancheurs de têtes impies… Puissance de l’œcuménique cruauté ! Pax vobiscum ?
De là-bas mon songe, personnage de fiction, c’est moi qui ne le dis qu’à toi. »
Comment ne pas comprendre sa rage rentrée, après ce qu’il avait enduré là-bas en supplices atroces !
Nous sommes déjà en mai ! Vous pensez donc que le livre sortira enfin pour septembre 2020 ! Je n’étais pas très partante pour cet automne. Enfin bon.
Cela m’effraie un peu, je sais, je l’aurai voulu ; aujourd’hui, je crains quand même qu’il soit mal reçu, mal interprété, trop de fâcheux malentendus. Justement, je redoute l’onde assassine des bruits sales ! C’est un livre à ne pas mettre entre toutes les mains. Qui est en mesure de tenir ce coup d’arc de la terreur ? Ce serait une calamité s’il se retrouve sur la liste d’un prix, un honneur dévoyé par avance ! Il en irait d’une injure à ses souffrances !
Trop tard maintenant, que je pressente la polémique, malgré que l’éditeur coupât le nom de deux villes trop révélatrices, qu’un tel récit fasse scandale. Seulement, la machine est en route à présent…
Enfin, bon courage et à très bientôt,
Catalina
*Le lun. 18 mai 2020 à 08:41:00 UTC+2, Raphael Resgiael a écrit :
Chère Catalina,
Trouvez-en pj une nouvelle maquette de la couverture (comme une avant-première privée !). N’en parlez à quiconque !
Je suis bien overbooké toute la sainte journée et vous rappellerai dimanche matin.
Le livre devrait être en librairies et sur le net courant septembre, voire début octobre ! 3 petits mois encore donc !
N’oubliez pas que c’est vous qui teniez à publier le récit de votre ami ! Je vous avais pourtant mis en garde. Moi, je ne m’honore que de ma petite part dans le titre, certes (rappelez-vous : le mot assassin vient de Syrie, passe par Marco Polo, et entre les dits des troubadours français), aussi de ma désolante entremise, en tant que déclencheur de son « terrifique » enfantement, comme il disait et se voyait, Lucifer des mots.
N’ayez pas peur, la violence magnétise tout le monde, mais il y a des pages très drôles… (celles avec vous, entre autres !). Il faut voir son histoire comme une balade de Candide embringué dans la Divine Comédie, certes âprement critique, mais tout de même, telle une fiction cathartique. Imaginez-le comme un Lazare de l’Euphrate. Dans sa mémoire meurtrie, il y a une clé qui ouvre un vomitoire que je n’ai su saisir — mon échec de thérapeute — je ne renonce pas à la trouver, en re-re-lisant son “auto-fabula”. Qui sait ?
Prenez soin de vous !
De tout cœur,
Docteur RR »