Rendez-vous ce soir (21 h), sur Mumble :
https://lemumble.com/event/reservez-votre-soiree‑9/
[EDIT 9 mai : Le podcast du Mumble est là : https://lemumble.com/conferences/conference-etienne-chouard-la-cause-des-causes-6-mai-2016/
httpv://youtu.be/LzVuqtiabAc]
C’est comme une émission de radio, il n’y aura pas d’image (c’est très bien, ça aide à se concentrer sur ce qui est dit ; je préfère la radio à la télévision).
Je préférerais une séance questions/réponses (mutuelles) qu’une conférence, parce que j’ai vraiment l’impression de radoter 🙂
J’ai quelques livres importants à vous signaler, quelques pistes de réflexion sur #NuitDebout ainsi que sur les divers mouvements qui appellent à un rassemblement de mouvements, mais ce serait bien que ce moment soit plus un échange qu’une conférence, s’il vous plaît.
À tout à l’heure 🙂
Étienne.
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Pour bosser un peu à l’avance le sujet (de notre nécessaire recherche de « la cause des causes » © Hippocrate), voyez cette page :
La cause des causes : le renoncement du peuple à écrire la constitution
http://wiki.gentilsvirus.org/index.php/La_cause_des_causes_:_le_renoncement_du_peuple_%C3%A0_%C3%A9crire_la_constitution
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Fil Facebook correspondant à ce billet :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10154171812272317
OK ETIENNE, c’est pour ma part bien noté , au plaisir donc !
Bonjour à tous,
Petit rappel pour illustrer ce qui, à mon sens, est en train de se passer au sein des nuits debout :
La convergence des luttes est une belle idée, mais c’est à mon sens, pour reprendre une image utilisée par Frédéric Lordon, vouloir un cercle carré.
Je suis convaincu de la bonne volonté des porteurs de fourches et de balais qui veulent changer les règles qui régissent nos vies.
Seule une infime partie des êtres qui vivent dans ce pays n’ont pas d’intérêt particulier à la recherche du bien commun, mais il est à mon sens absurde de croire qu’ils ne sont à l’heure actuelle que 1%.
Cette croyance selon laquelle nous pourrions réduire le potentiel du paysage politique à 99% qui auraient intérêt à un changement des règles du jeu est absurde car elle ne prend pas en compte les représentations que nous nous faisons de nous mêmes.
Posez cette question simple autour de vous, à vos amis, vos familles : à quelle catégorie sociale appartenez-vous ?
De ma propre expérience les réponses sont incroyables. Du fait que par un renversement historique heureusement passager (car tout change, inexorablement) aujourd’hui l’économie conditionne le politique, un énorme pourcentage de ces soi-disant 99% se voit aujourd’hui comme des bourgeois, ou appartenant à la classe moyenne, simplement parce qu’ils confondent le statut social que leur donne leur condition économique actuelle avec le réel statut social des 99%, c’est à dire les dépossédés de pouvoir politique.
Je crois que le jugement de Frédéric est obscurci en ce moment à cause des acclamations que reçoivent ses interventions, qui au demeurant sont toujours tranchantes, savoureuses et pertinentes. J’ai envie d’applaudir, je me retiens.
Lors de la soirée « la dissidence, pas le silence » organisée à la bourse du travail suite à la grande manifestation parisienne du « mouvement » « Je suis Charlie », Frédéric nous rappelait pourtant à la réalité :
« Tout porte à croire que le cortège parisien, aussi immense qu’il aie été, s’est montré d’une remarquable homogénéité sociologique : blanc, urbain, éduqué. C’est que le nombre brut n’est pas en soi un indicateur de représentativité ».
Analyse lucide, à froid, et salutaire.
Mais quelle différence dans l’analyse avec ce que j’observe de « nuit debout » ?
De mon point de vue, aucune et je m’en réjouis pour la raison qu’une fois ce mouvement perdu dans les sables et la loi anti-code du travail votée Frédéric et beaucoup d’autres pourront prendre du recul, retrouver un peu d’objectivité, comprendre ce qui n’a pas fonctionné et enfin revenir à la racine du problème, c’est à dire pas à l’opposition frontale légitime contre une loi scélérate mais à la racine seule : la constitution que nous n’avons pas.
Pour ceux qui ne l’auraient pas encore remarqué ce gouvernement se fout royalement de l’opinion publique ! Ils s’estiment légitimes car ils ont été élus et la police continuera de leur obéir (tant qu’ils pourront les payer bien sûr). Le « grand soir » n’arrivera pas de cette manière, le jeu de qui peut attendre le plus longtemps même dans un contexte de grève générale est déjà joué
L’assemblée constituante tirée au sort (donc peu d’individus) me semble être le seul moyen d’établir cette cohésion nécessaire pour changer le cadre qui nous pèse. Si cette initiative vient d’un parti ou d’un mouvement elle sera enterrée à plus ou moins long terme car elle sera perçue comme une idée venant d’un groupe auquel tout le monde ne pourra pas s’identifier.
La constitution n’appartient à aucune couche sociale, réelle ou imaginée, à aucun « parti politique », elle est je crois ce qui pourrait nous placer pour un temps au delà de nous mêmes pour trouver un moyen de chercher d’autres manières d’être une communauté politique.
Alors pour moi la vraie question aujourd’hui porte sur les possibilités techniques d’organisation de cette constituante. Quid de l’ouverture d’un site ou les gens pourraient s’inscrire et qu’à une date fixée on le fasse ce tirage au sort, comment faire en sorte que les médias puissent relayer l’information et que tous soient informés ?
Le seul moyen de savoir si le message est passé c’est de faire une tentative ou croyez-vous qu’il faille encore attendre ?
Bien à vous,
J’ai l’impression que le texte ‘manuscrit’ reproduit ici n’est qu’à demi-visible, à moins que cela ne concerne que moi…
Oui, l’idée d’un tel site dédié à la Constituante est fort séduisante_et bien des idées sont séduisantes et ô combien novatrices… tout l’enjeu, tout le défi étant de concrétiser tout ça, trouver à la fois cette étincelle et cette volonté.
Au plaisir, Y
Double coup de tonnerre !
Le président du Parlement européen Martin Schultz vient de comprendre !
Le président du Conseil européen Donald Tusk vient de comprendre lui-aussi !
Lisez cet article historique :
UE : l’Europe est une promesse trahie, selon le président du Parlement européen
http://actu.orange.fr/politique/ue-l-europe-est-une-promesse-trahie-selon-le-president-du-parlement-europeen-CNT000000obmAF.html
@ BA,
soit j’ai raté un énorme détail, soit il n’y a rien de nouveau sous le soleil.
En tous, certainement pas de la part de Martin Schultz. On aurait mis un robot à sa place, il dirait pareil. Que l’UE ne marche pas et soit une machine à trahir ? Tout le monde le dit. Sinon, il est tout à fait dans son rôle : accessoirement cadre des Fédéralistes européens, il préside le« Parlement européen » ; que peut-il donc donc vouloir ? Plus d’Europe, pardi. Une Europe fédérale, c.à.d. un truc ou son « parlement » aurait enfin un vrai pouvoir. L’article ne dit pas ce qu’il conclut sur le mode de la prescription, mais ça va sans dire.
Et c’est tout à fait cohérent avec la « réponse » de Donald Tusk. Sauf que le « journaliste » ne donne pas le développement entre les deux, de sorte qu’on en arriverait à croire qu’ils sont d’accord alors qu’ils s’opposent formellement. On nous fait le coup à chaque fois, et c’est ce qui permet que les gens continuent à dormir. Donald Tusk est lui aussi, tout à fait dans son rôle : présidant le Conseil européen, il feint de vouloir moins d’Europe mais il défend en fait un « plus d’Europe » dans le même sens, à savoir plus de pouvoir pour les gouvernements nationaux agissant tranquillou à l’abri de l’UE.
OK, il y a tout de même une chose un peu nouvelle : le Président du Conseil européen remet frontalement en question la monnaie unique, c’est une chose assez rare pour être signalée effectivement, parce que le sujet était totalement tabou il y a peu de temps encore.
Quant à M. Schultz, ce qu’il y a d’intéressant dans son propos, c’est qu’il reconnaît en creux que lui et ses confrères sont de gros menteurs : » L’Europe « était une promesse faite tous les jours pour davantage d’emplois, de services de croissance », et des générations d’Européens ont consenti des sacrifices dans l’attente de cette promesse, au moins pour leurs enfants, a expliqué M. Shultz. » Évidemment, ils n’ont pas expliqué aux gens que pour avoir les emplois et les services, avec l’UE, il allait falloir attendre 30 ans à se serrer la ceinture. 30 ans, plus, moins, qu’importe : n’importe qui peut comprendre, pourvu qu’on le lui explique un peu, que ça serait la merde, le toujours moins, tant que l’UE ne serait pas devenu un État (fédéral), c.à.d. un truc impossible à établir avant très longtemps, ni en douceur ni même en tapant sur les gens.
Le podcast du Mumble est là : https://lemumble.com/conferences/conference-etienne-chouard-la-cause-des-causes-6-mai-2016/
httpv://youtu.be/LzVuqtiabAc
Une synthèse parfois excessive mais intéressante :
1789–1989 : deux cents ans d’exploitation capitaliste sous les déguisements de deux siècles de mystification démocratique…
« La reconnaissance des droits de l’homme par l’État moderne a la même signification que la reconnaissance de l’esclavage par l’État antique…
L’homme de la société bourgeoise y est là un être atomisé, rattaché à autrui par le seul lien de son propre intérêt… esclave du travail et du profit, esclave de son besoin égoïste et du besoin égoïste d’autrui… »
(Marx – Engels ; La Sainte Famille…)
La société mercantile qui s’élève après 1789 sur les ruines de l’Ancien Régime, n’a pas aboli le despotisme et les antagonismes de classes. Elle les a conduit au paroxysme tout en les occultant dans la mise en scène de l’immense carnaval démocratique. Le privilège s’est transformé en Droit et le paysan-bétail a laissé la place à l’ouvrier-machine. Désormais l’esclavage s’appelle liberté puisque la prison salariale se dit solidarité nationale. La modernité c’est l’auto-gestion de la servitude et l’auto-asservissement dans la gestion. La bourse du monarque a été remplacée par la monarchie de la Bourse… Ainsi la loi c’est l’argent et l’argent c’est la loi…
Le règne des droits de l’Homme et du Citoyen ; c’est l’apothéose de la libre circulation de l’homme marchandisé, domestiqué et dépouillé de toute humanité. C’est l’abrutissement grandguignolesque où chacun n’est que le membre imaginaire d’une souveraineté fictive ayant pour seul but : la mutilation de l’être par l’avoir sur le Saint-Autel du Dieu-fric…
Toute l’existence est dorénavant identifiée à la propriété car la propriété est devenue toute l’identité de l’existence. Dès lors discipliné, chaque objet-citoyen est rendu apte à communier au catéchisme républicain de l’oppression capitaliste, cadenassée par tous les syndicats et partis :
Liberté : parce que chaque marchandise humaine, intégrée au grand bordel social, n’obéit qu’à sa libre volonté chosifiée.
Égalité : parce que chacun reçoit une valeur égale à la valeur contenue dans la force de travail qu’il prostitue, échangeant équivalent aliéné contre équivalent aliénant.
Fraternité : parce que tous les hommes, libres de s’auto-sacrifier, se doivent de participer à l’embrigadement festif de toutes les névroses politiques, religieuses, artistiques et sportives qui permettent de compenser l’absence de vraie vie par le coloriage-spectacle de la vie fausse…
L’avènement de la I° République c’est la loi Le Chapelier qui a livré avec frénésie les prolétaires à la domination du marché. C’est le pillage des terrains communaux conquis pour l’agriculture capitaliste. C’est le guillotinage des sans-culottes radicaux par la flicaille bourgeoise. C’est la transformation en chair à canon de millions d’enrôlés pour la boucherie patriotique. C’est enfin la livraison préparée à l’industrie des villes d’armées entières d’expropriés des campagnes… La II° République est née dans le sang des insurgés de Juin. La III° dans celui de la Commune… Synthèse de toutes les pourritures tyranniques du passé, la République est la barbarie de jadis multipliée par la technique d’aujourd’hui. C’est une idole-cannibale qui a su fabriquer des générations soumises de viande à travail, organiser les bagnes coloniaux et planifier avec entrain les charniers impérialistes de ce siècle…
La démocratie est la communauté réalisée de la dictature-argent… Elle est le supermarché de l’illusion où la docilité assurée des assujettis rend la répression superflue tant que dure l’assurance de cette docilité. La grand-messe du Bicentenaire qui mobilise à présent tous les gangs politiques, de l’extrême droite à l’extrême gauche du Capital, a ici pour objectif d’exorciser la trouille massive qui les traverse, en fonction des soulèvements prolétariens qui surgiront lorsque l’économie de la banqueroute se métamorphosera en banqueroute de l’économie…
Contre les barbelés de la Nation et du Droit ; vive l’insurrection de la Vie ! Ni dieu, ni maître, auto-organisation révolutionnaire du prolétariat pour la destruction de l’échange, du salariat et de l’État et pour la COMMUNAUTÉ HUMAINE UNIVERSELLE… dans un MONDE sans ARGENT!!!
GUERRE DE CLASSE 1989 »
https://www.facebook.com/notes/bh%C3%BB/1789–1989-deux-cents-ans-dexploitation-capitaliste-sous-les‑d%C3%A9guisements-de-deux/1300498993312948
Procédure d’exception sans état d’urgence
par Jean-Claude Paye :
http://www.les-crises.fr/procedure-dexception-sans-etat-durgence-par-jean-claude-paye/
À une large majorité et quasiment sans débat, l’Assemblée nationale vient d’adopter ce 9 mars, le nouveau projet de loi de réforme pénale « renforçant la lutte contre le terrorisme et le crime organisé [1] ». Ce texte doit encore passer au Sénat et, étant en procédure accélérée, il ne doit faire l’objet que d’une seule lecture par Chambre.
Le projet fait entrer dans le droit commun, des dispositions considérées comme relevant d’un droit d’exception. Ainsi, dans le texte transmis pour avis au Conseil d’Etat, le gouvernement confirme sa volonté de « renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à disposition des autorités administratives et judiciaires, en dehors du cadre juridique temporaire, mis en œuvre dans le cadre de l’état d’urgence ». [2]
Un état d’urgence sans état d’urgence.
Bien que les deux textes soient en étroite relation, ce projet de loi ne doit pas être confondu avec la loi du 20 novembre 2015 qui prolonge l’état d’urgence pour une nouvelle période de trois mois, tout en renforçant les restrictions aux libertés privées et publiques, contenues dans la loi de 1955 [3], la nouvelle loi ne s’attaquant plus seulement à des actes, mais également à des intentions. Bien que les dispositions d’exception aient été, de nouveau, prolongées, le gouvernement n’a pas renoncé à réformer la procédure pénale. Il s’agit d’y inscrire des mesures liberticides autorisées par l’état d’urgence, sans que celui-ci soit déclaré. Ce dernier a pour objet de s’affranchir du principe de séparation des pouvoirs, de liquider le pouvoir judiciaire et de concentrer l’ensemble des prérogatives aux mains de l’exécutif et de la police. Le projet de réforme de la procédure pénale s’inscrit également dans cet objectif.
Le texte donne un débouché pénal aux dispositifs légaux d’espionnage des ressortissants français. Comme l’exprime l’exposé des motifs du projet de loi, « l’arsenal de prévention », mis en place par la loi relative au renseignement, [4] « doit être complété par un volet judiciaire ». [5] Grâce à celui-ci, les renseignements obtenus par les fausses antennes Imsi-catchers, par la surveillance vidéo, la captation d’image et la sonorisation d’un domicile pourront servir de base à des poursuites pénales.
Renforcement formel du procureur .
Le projet de loi renforce les prérogatives du procureur, un magistrat dépendant du pouvoir exécutif. Il s’inscrit ainsi dans une constante de l’action des gouvernements, toutes majorités confondues, celle de réduire le rôle du juge d’instruction, une fonction jugée trop indépendante par rapport à l’exécutif. Il s’agit de le déposséder de l’exclusivité de certains de ses pouvoirs, tel le contrôle des procédures d’enquêtes intrusives, afin de le confier également au procureur de la République.
Dans le texte voté par l’Assemblée nationale, le procureur devient aussi un « directeur d’enquête ». Il conduit les « enquêtes préliminaires », dans le cadre desquelles il a la faculté de renvoyer le suspect devant un tribunal. Ensuite, il porte l’accusation dans un procès qu’il a initié. Au four et au moulin, il lui reviendra également de vérifier si les « enquêtes effectuées par la police judiciaire sont bien menées à charge et à décharge ».
Dans les enquêtes placées sous la direction du procureur, l’accès au dossier est reporté à la fin des investigations. Ainsi, la personne incriminée, au moment de sa mise en cause, n’a pas les moyens de contester la légalité ou la nécessité d’une technique d’enquête. Au contraire de la procédure liée au juge d’instruction, l’accès au dossier reste non systématique. Afin de « donner de nouveaux droits » au suspect et surtout de pérenniser l’emprise du procureur sur la procédure pénale, le projet de loi introduit une réforme permettant au justiciable d’intervenir dans le processus d’enquête. Ce qui semble aller dans le bon sens se révèle en fait être une perversion du système judiciaire et des droits de la défense.
Une perversion du système pénal.
Ainsi, le projet de loi introduit une modification majeure du système pénal, le passage d’une procédure inquisitoire, centrée autour du juge d’instruction, à un système qui se rapproche de la démarche accusatoire en vogue dans les pays Anglo-saxons. Le texte prévoit d’introduire, dès le stade de l’enquête préliminaire, d’investigations de plus d’un an, un débat contradictoire avec les suspects et leurs avocats [6]. Ces derniers auraient la possibilité de demander au procureur des actes déterminés, tels que des auditions ou des expertises. L’introduction de ces nouvelles procédures fait que, comme aux Etats-Unis, seules les personnes fortunées seront en mesure de se défendre. D’ailleurs, pour les autres, le projet de loi a déjà prévu de simplifier les modalités de passage devant le juge des libertés et de la détention, afin de pouvoir les juger encore plus rapidement dans le cadre de la comparution immédiate.
Aujourd’hui, le procureur, en l’absence de tout comportement suspect et d’infraction, a la faculté d’autoriser préventivement le contrôle d’identité et la fouille de véhicules se trouvant dans un lieu précis et pour une période déterminée. Le projet de loi étend cette procédure à la fouille des bagages, alors que actuellement, celle-ci ne peut être autorisée que dans le cadre d’une perquisition. Rappelons que ces inspections ne visent pas nécessairement des personnes suspectes, mais aussi celles qui se trouvent dans un lieu déterminé. L’extension prévue par le projet augmente surtout le pouvoir des forces de l’ordre. Les fouilles auront lieu, non pas parce que les policiers ont l’indice d’un délit, mais simplement parce qu’ils ont le droit de les faire au prétexte qu’ils sont là pour éviter ou rechercher des infractions.
Éviction du juge d’instruction.
Le procureur de la République dispose ainsi de plus en plus des prérogatives jusqu’à présent réservées au juge d’instruction. Celui-ci est de nouveau écarté par le projet de loi, alors que, en France, il est déjà cantonné dans une petite fraction des affaires.
Le juge d’instruction est inamovible : il ne peut pas être déplacé par le ministre de la Justice et ne peut se voir retirer un dossier par sa hiérarchie. En ce qui concerne sa nomination, l’avis du Conseil supérieur de la magistrature s’impose, ce qui garantit également son autonomie. Ce magistrat, dont l’indépendance est statutaire, se voit enlever la spécificité de son action : décider du renvoi du prévenu devant un tribunal et enquêter à charge et à décharge et cela au profit du procureur et de la police judiciaire qui, rappelons le, dépend non du ministère de la Justice, mais bien de l’Intérieur, indiquant bien, par là, la primauté de sa fonction de maintient de l’ordre.
La surveillance vidéo, la captation d’image et la sonorisation d’un lieu ou d’un domicile étaient aussi, jusqu’ici, réservées aux informations judiciaires confiées à un juge d’instruction. Elles pourront désormais être décidées dès l’enquête préliminaire, après une simple autorisation du juge des libertés et de la détention.
Remarquons que l’augmentation des pouvoirs du procureur se fait sans une modification du statut du parquet, lui accordant un minimum d’autonomie vis à vis de l’exécutif. Même la réforme, prévue précédemment par François Hollande, garantissant que le gouvernement nomme les procureurs, après avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature, n’est pas réalisée [7].
Une police incontrôlable.
Dans les faits, le renforcement de la fonction du procureur n’existe que par rapport à celle du juge d’instruction. En ce qui concerne la police judiciaire, le contrôle de ce magistrat reste purement formel. En Belgique, devant la commission parlementaire relative à la mise en place, en 1999, de la police unique, dite « structurée à deux niveaux [8] », les procureurs ont déjà fait savoir que, une fois l’autorisation de l’enquête donnée, ils n’avaient plus le contrôle effectif de son déroulement. Cette réalité est encore plus criante en France. Le Parquet est particulièrement débordé, puisque, peu nombreux, les procureurs ont un pouvoir de quasi-juridiction et traitent la grande majorité des dossiers judiciaires. Les nouvelles prérogatives que lui donnent ce projet de loi ne pourront qu’accentuer leur surcroît de travail et rendre impossible toute surveillance du travail de la police. Cette dernière est en fait la grande gagnante de ces réformes, confirmant ainsi son rôle central dans l’exercice actuel du pouvoir d’Etat.
Une police toute puissante.
L’accroissement des pouvoirs de la police est confirmé par l’extension du cadre de la légitime défense pour les forces de l’ordre. Les policiers seront reconnus pénalement « irresponsables » s’ils font feu, en cas « d’absolue nécessité », sur « une personne ayant tué ou tenté de tuer et sur le point de recommencer ». Quant on sait qu’il existe déjà une jurisprudence leur reconnaissant la légitime défense pour avoir abattu dans dos une personne en fuite [9], on comprend que l’objet de cet article est moins de protéger les policiers de poursuites pénales que de signifier aux citoyens qu’ils peuvent être traités comme des ennemis. Un exemple extrême illustre bien cette perspective. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme, dans une affaire où la justice avait prononcé une ordonnance de non lieu vis à vis d’un gendarme qui avait abattu de dos une personne menottée s’enfuyant d’une garde à vue. [10]
Les forces de l’ordre pourront aussi retenir une personne, même mineure, et hors la présence d’un avocat, même si celle-ci a une pièce d’identité et cela à la condition floue et hypothétique, qu’il y ait « des raisons sérieuses » de penser qu’elle a un « lien » avec une activité terroriste.
Une précédente mouture du projet allait encore plus loin, en créant un délit « d’obstruction à la perquisition ». Si cet article a été abandonné, il montre bien la volonté du gouvernement de criminaliser toute résistance à l’arbitraire de la police. Cette disposition devait faire taire les protestations, suite aux exactions lors de la vague de perquisitions autorisées par l’état d’urgence. En outre, cette ancienne version du texte indiquait que les policiers pourraient saisir tout objet ou document, sans en référer au procureur [11]. Ainsi, la police aurait été libérée du dernier élément du contrôle judiciaire, celui du procureur, d’un magistrat pourtant directement soumis au pouvoir exécutif.
Le juge des libertés et de la détention : un alibi.
Le pouvoir exécutif ne peut contrôler le travail de la police grâce au procureur. Le pouvoir judiciaire en est totalement incapable à travers l’autre figure, valorisée par le projet de loi, celle du juge des libertés et de la détention. C’est pourtant sur lui que repose la plupart des autorisations de mise en oeuvre des dispositions de la loi. Le contrôle de la légalité et de la proportionnalité des mesures ne peut qu’être formelle, car ce juge ne connaît pas le fond du dossier. Il n’a accès à celui-ci qu’au moment où il lui est remis et quand il doit prendre sa décision. Une fois l’autorisation accordée, il ne dispose d’aucun moyen lui permettant de contrôler l’action du procureur et de la police.
Statutairement, le juge de la liberté et de la détention est fragilisé. Il ne présente pas le degré d’indépendance d’un juge d’instruction, puisqu’il n’est pas nommé par décret, mais par le président de juridiction qui peut, du jour au lendemain, le décharger de ses fonction, si par exemple il refuse d’autoriser des écoutes. [12]
En matière de terrorisme et avec l’autorisation préalable du juge des libertés et de la détention, les perquisitions de nuit seront autorisées dans les habitations et cela dès l’enquête préliminaire. Cette procédure se substitue à l’autorisation donnée par le juge d’instruction dans la phase de l’enquête proprement dite. (Dans le cadre de l’état d’urgence, elles peuvent être ordonnées par le Préfet). Désormais, les perquisitions pourront aussi avoir lieu de manière préventive, sur base de l’éventualité d’un danger, lorsqu’il s’agira « de prévenir un risque d’atteinte à la vie ou à l’intégrité physique » [13].
Les perquisitions de nuit dans les habitations sont banalisées. Le texte parle « d’un risque d’atteinte », sans le qualifier ni d’actuel, ni d’imminent. Il porte sur des situations très nombreuses, sur les atteintes à la vie, mais aussi à l’intégrité physique. De vagues suspicions pourront conduire à ces intrusions domiciliaires. Celles-ci deviendront généralisées, si la limitation aux seules infractions terroristes n’est que temporaire.
Perquisition informatique sans garantie judiciaire.
Le texte prévoit aussi l’élargissement des possibilités de surveillance dans les lieux publics et le recours aux IMSI-catchers, ces fausses antenne-relais qui espionnent les téléphones et les ordinateurs à l’insu de leur utilisateur. Elles captent aussi tous les portables situés dans leur rayon d’action. Il s’agit d’un dispositif massif et indifférencié de capture des données. Son usage ne sera pas limité aux seules enquêtes antiterroristes et sera renouvelable, de mois en mois, pour des périodes très larges, ouvrant la voie à une captation massive d’informations sur les ressortissants français. Il sera autorisé par le juge de la liberté et de la détention ou, « en urgence », par le procureur de la République, sachant que c’est généralement la police elle-même qui nomme le caractère urgent de la situation.
Jusqu’à présent, les IMSI-catchers pouvaient seulement être autorisées dans le cadre d’informations judiciaires, mais ont été peu utilisées par les juges d’instruction, vu le flou juridique du dispositif. La loi sur le Renseignement a légalisé leur utilisation par les services secrets.
L’article 3 du projet de loi relative à la procédure pénale prévoit aussi d’étendre la captation des données informatiques aux données archivées. Pourront être aspirées, l’ensemble des données contenues dans les appareils informatiques. Ce dispositif ne s’apparente plus à des écoutes ciblées, visant les conversations en cours et à venir, mais à une perquisition pouvant s’étendre à des données très anciennes. Cette dernière procédure présente normalement quelques garanties, telle que la présence de la personne suspectée ou celle de deux témoins, ainsi que la réalisation d’une copie sécurisée qui limite le risque de modification ou d’intervention extérieure sur les informations recueillies. Ce n’est évidemment pas le cas en ce qui concerne la captation de données. [14]
Le Préfet : un agent de l’état d’exception permanent.
Comme dans l’état d’urgence, le préfet voit son action renforcée. Le projet de réforme relatif à la procédure pénale est en étroite correspondance avec la loi du 20 novembre 2015 prolongeant l’état d’urgence qui criminalise des intentions, en lieu et place d’actes concrets. L’intentionnalité terroriste attribuée aux personnes, revenant de Syrie, est aussi au centre du dispositif de ’surveillance » autorisé par le préfet.
Aujourd’hui, les « retours de Syrie », sont judiciarisés. Les suspects sont mis en examen, écroués ou placés sous contrôle judiciaire. Désormais, les préfets pourront, pendant un mois, les assigner à résidence et leur demander, pendant trois mois, les codes de leurs téléphones et ordinateurs, les obliger à signaler leurs déplacements et leur interdire de parler à certaines personnes. Ces dispositions présentent bien les attributs d’une procédure judiciaire, mais il s’agit d’un pur acte administratif, un contrôle sans juge. Elle laisse toute la place à l’arbitraire et ne donne, à la personne suspectée, aucune possibilité de confronter les allégations portées contre elle. C’est l’intention attribuée à la personne qui est attaquée, sans que celle-ci puisse se défendre. Ainsi, comme dans l’état d’urgence, le ministre de l’intérieur, par l’intermédiaire du préfet, se substitue au juge d’instruction. Ce projet de loi lui donne un pouvoir de privation de liberté, en dehors de toute infraction pénale.
La criminalisation des « retours de Syrie’ s’inscrit dans une procédure de double discours du pouvoir. L’ancien ministre Laurent Fabius avait publiquement déclaré, en août 2012, que ’Bachar el-Assad ne mériterait pas d’être sur terre’. Il a remis le couvert devant les médias en décembre 2012, en affirmant, sans être poursuivi pour « apologie du terroriste [15] », que ’le Front al-Nosra fait du bon boulot’. Cette organisation djihadiste venait d’être classée comme terroriste par les États-Unis [16]. En même temps que l’affirmation de son soutient aux groupes terroristes, le gouvernement diabolise et poursuit les personnes qui auraient pu être influencées par son discours.
Le juge administratif : un contrôle en trompe l’oeil.
Le projet de loi donne au juge administratif un pouvoir de contrôle des dispositions relatives aux « retours de Syrie’. Il lui « appartient de contrôler l’exactitude des motifs donnés par l’administration, comme étant ceux de sa décision et de prononcer l’annulation de celle-ci, lorsque le motif invoqué repose sur des faits matériellement inexacts ». Ainsi, en opposition avec le principe de séparation des pouvoirs, l’administration se contrôle elle même. De plus, la surveillance est purement formelle. Le juge administratif, au contraire du juge d’instruction et du juge de la liberté et de la détention, intervient après coup et son contrôle est aléatoire. Il n’intervient que si la personne arrêtée le saisit. Surtout, il ne dispose pas d’éléments concrets pour fonder sa décision. Il ne peut se baser que sur des documents imprécis et non sourcés : les notes blanches produites par les services de renseignement, des documents non signés, non datés et sans en-tête de service.
Sur autorisation du préfet et dans un cadre purement administratif de « prévention du terrorisme », la police pourra aussi procéder à l’inspection visuelle, à la fouille des bagages et à la visite des véhicules. Elle est ainsi libérée de l’autorisation préalable du procureur, s’il s’agit d’installations ou d’établissements déclarés « sensibles » par le préfet, dans les faits nommées comme tel par la police.
Ainsi, le texte de loi consacre « l’entrée du préfet dans le code de procédure pénale ». Mais, il s’agit d’un retour, puisque, avant que la réforme de 1993 [17] ne les lui enlève, le préfet disposait déjà de pouvoirs de police judiciaire. L’ancien article 10 du code de procédure pénale lui permettait, en cas d’atteinte à la sécurité intérieure ou d’espionnage, de jouer le rôle d’officier de police judiciaire, c’est-à-dire de faire procéder à des arrestations et à des contrôles. Cette concentration récurrente de prérogatives judiciaires aux mains du préfet indique que, au pays de Montesquieu, la séparation des pouvoirs, revendiquée comme un patrimoine national, a toujours été, pour le moins, erratique.
Jean-Claude Paye
sociologue, auteur de L’emprise de l’image. De Guantanamo à Tarnac, Editions Yves Michel 2012.
Source : Le Grand Soir, Jean-Claude Paye, 28-03-2016
http://www.les-crises.fr/procedure-dexception-sans-etat-durgence-par-jean-claude-paye/