La vidéo de la conférence de Lyon (et de l’atelier constituant à deux) avec Jacques Testart est disponible

3/04/2016 | 12 commentaires

Voi­ci la trace de cette belle soi­rée, avec Jacques Tes­tart, à Lyon le 11 mars der­nier :

httpv://youtu.be/kuqIkMqU-OU

httpv://youtu.be/s3HtBoTxF8A

httpv://youtu.be/23_k2mtz-4c

httpv://youtu.be/_xcd_qVeqMs

Mer­ci à Thom d’a­voir fil­mé et mon­té tout ça 🙂

Appel aux virus 🙂 : ce serait bien de rédi­ger et de publier une sorte de som­maire minu­té de cette vidéo, pour aider les gens à y retrou­ver faci­le­ment un pas­sage ou un autre. 

Mer­ci à tous, pour tout ce que vous faites pour rendre cette idée contagieuse :
ce n’est pas aux hommes au pou­voir d’é­crire les règles du pouvoir.
Si on veut une vraie consti­tu­tion, il fau­dra l’é­crire nous-mêmes.

Ren­dez-vous à Nantes mer­cre­di et jeu­di prochains 🙂

Étienne.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​4​0​9​8​7​5​8​2​5​2​317

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Étienne

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12 Commentaires

  1. Frédéric Kouidri

    Bra­vo Etienne pour cette initiative.
    Vous m’a­vez éveillé la conscience. J’in­ter­prète désor­mais dif­fé­rem­ment les infor­ma­tions que l’on nous dif­fuse à la télé­vi­sion où la radio, les causes deve­nant sou­vent beau­coup plus claires. Nous sommes beau­coup plus pro­duc­tifs au tra­vail, pour­quoi alors dois-je tra­vailler plus et plus long­temps ? Il y a quelque chose qui a été per­du ou volé en route.

    Au bou­lot main­te­nant, je vais déjà lire la consti­tu­tion et véri­fier que je n’y suis pas repré­sen­té. Ensuite j’en par­le­rai avec mes collègues.

    Conti­nuez comme ça 

    Fré­dé­ric

    Réponse
  2. J-Stéphane

    D’a­bord mer­ci et bra­vo pour cette soi­rée. Ensuite, certes, le film Demain ne pro­pose pas de révo­lu­tion­ner le sys­tème actuel, car comme le dit si bien Jacques Tes­tart ; ce ne sont que des cas mar­gi­naux qui laissent le sys­tème per­pé­trer ses méfaits en s’en détour­nant le plus pos­sible pour ne plus en être com­plice (et j’en fais partie). 

    Mais tous ces gens oeuvrent pour qu’un humus sain engendre une huma­ni­té saine, et si l’on cherche des élé­ments démo­cra­tiques à l’es­prit col­lec­tif, il est pré­fé­rable de pio­cher dans le com­post de Pierre Rabhi que dans celui de Sar­ko­zy. Il appar­tient à cha­cun d’entre nous d’en ren­ver­ser les proportions…

    Réponse
  3. Eliade guy

    Sans tran­si­tion ..

    Ce sera,temporairement peut-être, ma der­nière inter­ven­tion sur votre blog.
    Je l’ex­plique à la fin.
    Et j’ai enfin com­pris ce point de vue, il me reste à l’approfondir

    Com­men­taire sur Georg Lukács et son livre « His­toire et conscience de classe » et sur­tout concer­nant la caté­go­rie capi­ta­liste travail.

    Certes, Lukács a tout à fait rai­son de défi­nir l’« essence ultime » de la « struc­ture mar­chande » comme une rela­tion entre des per­sonnes média­ti­sée par le tra­vail. Là où il se trompe, c’est qu’il ne s’agit jus­te­ment pas là d’un attri­but trans­his­to­rique de la socia­li­té, mais au contraire d’une carac­té­ris­tique his­to­ri­que­ment spé­ci­fique (et, du reste, nul­le­ment dis­si­mu­lée) de la socié­té capi­ta­liste, carac­té­ris­tique qui la dis­tingue de toutes les autres formes sociales connues. Car si, indé­nia­ble­ment, dans toute socié­té, des choses doivent être pro­duites d’une manière ou d’une autre, la socié­té capi­ta­liste est par contre la seule dans l’histoire à recou­rir, pour consti­tuer et média­ti­ser son lien social, à une forme homo­gène et homo­gé­néi­sante d’activité : la quan­ti­té abs­traite d’énergie humaine dépen­sée. Dans ces condi­tions, il s’avère impos­sible pour le tra­vail de se libé­rer de la réi­fi­ca­tion, puisqu’il est lui-même une forme réi­fiée d’activité et, en tant que tel, sous-tend la pro­duc­tion mar­chande moderne. La « prise de conscience » par le tra­vail de son rôle de prin­cipe de média­tion sociale ne débouche dès lors que sur l’antinomie entre « prise de conscience » de la pro­duc­tion mar­chande et sou­mis­sion « consciente » à ses impé­ra­tifs et à ses lois. En revanche, si un jour les hommes se met­taient pour de bon, consciem­ment et direc­te­ment, c’est-à-dire sans le détour par les biens maté­riels et l’argent, à s’entendre en vue d’organiser leurs rap­ports sociaux, cela mène­rait non pas sim­ple­ment à la libé­ra­tion d’une « nature » jusqu’à pré­sent mas­quée car réi­fiée, mais bien plu­tôt à l’abolition du prin­cipe de socia­li­sa­tion homo­gène et répres­sif – le tra­vail – et à son rem­pla­ce­ment par une plu­ra­li­té de formes de média­tion sociale et d’activité. Il se peut que les approches et les poten­tiels d’une telle évo­lu­tion soient en germe dans la socié­té pro­duc­trice de mar­chan­dises – ou du moins dans l’opposition tou­jours vive contre ses per­pé­tuels assauts tota­li­sants –, mais cela ne consti­tue guère qu’un en-soi auquel il reste encore à deve­nir pour-soi.

    source : http://​www​.palim​-psao​.fr/​a​r​t​i​c​l​e​-​l​u​b​i​e​s​-​m​e​t​a​p​h​y​s​i​q​u​e​s​-​d​e​-​l​a​-​l​u​t​t​e​-​d​e​s​-​c​l​a​s​s​e​s​-​p​a​r​-​n​o​r​b​e​r​t​-​t​r​e​n​k​l​e​-​1​0​2​8​7​0​9​0​7​.​h​tml

    PS : j’ ai arrê­té tem­po­rai­re­ment mes inter­ven­tions sur les pages FB des GVs en me dés­ins­cri­vant , car j’ai par­fois des inter­ven­tions irré­flé­chies, trop spon­ta­nées, qui peuvent nuire au débat.
    Je pense à vous. Pre­nez soin de vous. Je conti­nue à suivre l’affaire.

    Ami­ca­le­ment
    Guy

    Réponse
    • Eliade guy

      C’est entre autre ce qui me ren­dait dubi­ta­tif sur B.Friot et « réeseau sala­riat » avec qui j’ai essayé de m’ex­pli­quer notam­ment sur cette zone de vio­lence comme ils les appellent que consti­tuent « les caisses d’investissement ».
      Ils m’ont répon­du qu’ils pre­pa­raient une bro­chure sur le sujet.

      Guy

      Réponse
    • Eliade guy

      J’a­vais besoin de ce tra­vail sur la caté­go­rie « tra­vail » en accord avec la centralité
      de l’as­sem­blée consti­tuante tiré au sort, pour me per­sua­der que d’autres formes de par­ti­ci­pa­tion aux acti­vi­tés humaines (fédé­ra­tion des éner­gies, co-déci­sion sur la chose pro­duite, non-sépa­ra­tion entre le temps où l’on est pro­duc­tif et le temps de plai­sir autre­ment dit que l’ac­ti­vi­té pro­duc­tive ne soit pas vécu comme une contrainte mais comme un temps de plai­sir) soient induites par le tra­vail consti­tuant. Après il y a évi­dem­ment la ques­tion de la pro­prié­té non lucra­tive, mais qui est d’au­tant plus ouverte que l’ac­ti­vi­té pro­duc­tive est débar­ras­sé de la souf­france et au maxi­mum de la contrainte.

      Réponse
  4. Juillerat

    Là où il n’y a pas de contro­verse, il y a‑t-il for­cé­ment le plus juste ?
    Ne fau­drait-il pas auto­ma­ti­que­ment un débat pour véri­fier si tout le monde est bien dans le vrai ?

    Réponse
    • Juillerat

      Je com­plète. On peut tous avoir tort si on a tous une vue biai­sée d’un sujet. Il y a consen­sus mais on a tous tort.
      Une situa­tion comme celle-là est-elle pos­sible ? Peu pro­bable mais une obli­ga­tion de véri­fier si on voit juste serait une bonne chose. Comme un prin­cipe de précaution.

      Réponse
  5. Juillerat

    Jacques Tes­tard s’ex­prime prin­ci­pa­le­ment en affir­ma­tions. Il ne donne pas l’i­mage d’un per­son­nage qui se ques­tionne. Quand Chouard le contre­dit sur un point, il ne le regarde pas et affiche un sou­rire contraint.
    Sùre­ment un chic type mais pas le plus souple.

    Réponse
  6. Juillerat

    La phrase la plus sage de ls soi­rée : « Ecou­tez ce qu’il dit, n’é­cou­tez pas ce qu’on dit de lui ».
    Qu’on peut appli­quer à des tas de dia­bo­li­sés comme Pou­tine, Assad, etc.

    Réponse
  7. Ronald

    Bon­jour Étienne,

    Je vais juste dis­cu­ter la ques­tion cen­trale du débat, à savoir : la déci­sion doit-elle être prise par des gens cor­rec­te­ment infor­més ? C’est évi­dem­ment une ques­tion où les démo­crates vont s’empoigner, et je suis éton­né que per­sonne dans le public n’ait vrai­ment dis­cu­té le pro­blème. Pour­tant , quand vous dites (Video 1, 16:18) : « Il n’est d’o­pi­nion qu’é­clai­rée […] Vous deman­dez dans la rue une opi­nion à quel­qu’un qui n’a pas réflé­chi, cette opi­nion ne vaut rien […] Une opi­nion de quel­qu’un qui n’a pas réflé­chi, on s’en fout com­plè­te­ment », cela devrait faire bon­dir tout défen­seur de la sou­ve­rai­ne­té du peuple. Bien loin d’être une idée inno­vante, c’est tout de même le lieu com­mun de tous les pen­seurs par­ti­san de l’é­li­tisme : ce sont les Sachants qui doivent prendre les déci­sions dans la Cité, les Igno­rants n’ont pas à s’en mêler. La grande majo­ri­té des phi­lo­sophes poli­tiques depuis Socrate sont sur cette ligne. Et glo­ba­le­ment, l’en­semble des per­sonnes qui ont vu des panels citoyens à l’œuvre sont aus­si de cet avis : il vaut bien mieux qu’une déci­sion soit prise par un jury tiré au sort et éclai­ré que par un référendum.

    En face, il y a tous les par­ti­sans de la démo­cra­tie directe pour qui l’es­sence de la démo­cra­tie, c’est la par­ti­ci­pa­tion de tous à la prise de déci­sion, et pour qui ces jurys citoyens ne sont pas de la démo­cra­tie (un exemple qui me vient en tête c’est Flo­rence Gau­thier), voire même d’autres pour qui l’é­lec­tion de repré­sen­tants est encore plus démo­cra­tique que l’as­sem­blée tirée au sort, qui n’est fina­le­ment qu’une oli­gar­chie avec un mode de sélec­tion particulier.

    En fait, si on creuse bien ce qui oppose les par­ti­sans d’une démo­cra­tie réfé­ren­daire et ceux d’une démo­cra­tie basée sur le tirage au sort, c’est une ques­tion de valeur. Pour les pre­miers, la valeur suprême de la démo­cra­tie, c’est la par­ti­ci­pa­tion de tous à la déci­sion poli­tique. Pour les seconds, c’est que la déci­sion prise soit la plus pro­fi­table à tous. On retrouve un peu l’op­po­si­tion Liber­té des Anciens/Liberté des Modernes.

    Il y a juste l’un des der­nier inter­ve­nants qui a per­çu le pro­blème (Video 4, 18:10) et qui explique « Quand on tire au sort, […] je me rend impuis­sant par rap­port à ces tirés au sort, ce n’est pas moi qui décide ». Vous répon­dez très jus­te­ment qu’en cas de Consti­tuante, le pro­ces­sus de rédac­tion se fera en inter­ac­tion avec l’en­semble de la popu­la­tion, et que cha­cun pour­ra inter­ve­nir dans le débat. C’est à mon sens ce qu’il y a de plus réa­liste. Mais il est a noter que dans la pers­pec­tive de Tes­tard, les confé­rences citoyennes se tiennent à huis clos jus­te­ment pour évi­ter les inter­fé­rences avec tout qui vou­drait influen­cer la décision.

    Sur le fond, je suis sur la même ligne « consé­quen­tia­liste » que Jacques Tes­tard et vous : il vaut mieux une bonne déci­sion prise par un petit groupe éclai­ré qu’une mau­vaise prise par un grand nombre. Mais mal­heu­reu­se­ment, la méthode de Tes­tard ne sera pas appli­cable. Ima­gi­nons un gou­ver­ne­ment qui a ins­tau­ré ces confé­rences de citoyens pour éclai­rer ses prises de déci­sions. Il est posé la ques­tion : « Faut-il inter­dire à les orga­nismes de cha­ri­té pri­vé qui orientent la recherche scien­ti­fique, tels que le Télé­thon ? » Après tra­vaux à huis-clos, le panel rend un avis una­nime : oui, il faut l’in­ter­dire. Le gou­ver­ne­ment suit cet avis. L’o­pi­nion publique, elle, n’a pas sui­vi le débat, et les son­dages montrent qu’elle est à 70 % favo­rable au main­tient du Télé­thon. Un lea­der de l’op­po­si­tion se répand dans les médias « C’est scan­da­leux ! On s’at­taque à la recherche et aux malades ! Moi, je res­pec­te­rais les vrais sou­haits du vrai Peuple et je main­tien­drais le Télé­thon ». Quand après cela, des cher­cheurs auront aus­si pro­tes­té, et que la télé­vi­sion aura mon­tré quelques enfants malades en chaise rou­lantes, vous pou­vez être cer­tain que le gou­ver­ne­ment va très vite sup­pri­mer ces confé­rences de citoyens.

    Donc, dans l’é­tat actuel de la socié­té, je ne pense pas que la déci­sion d’un panel éclai­ré puisse pri­mer sur l’o­pi­nion du grand nombre. Mais en fait, vous pres­sen­tez bien le pro­blème , puisque dans votre pro­po­si­tion (Video 2, 32:20), la confé­rence citoyen éclaire de son avis l’o­pi­nion publique avant le réfé­ren­dum. C’est aus­si mon avis : dans la hié­rar­chie des ins­tances de déci­sion, c’est l’en­semble de la popu­la­tion, consul­tée par réfé­ren­dum, qui doit pri­mer sur l’a­vis du panel tiré au sort (Sinon, je vous assure, le tirage au sort fera long feu). Le rap­port du jury citoyen est pure­ment infor­ma­tif. Oui, mais alors, c’est l’in­verse de ce que vous disiez aupa­ra­vant, que l’o­pi­nion de celui qui n’a pas réflé­chi à la ques­tion ne compte pas. En fait, fina­le­ment, ce doit être la déci­sion du grand nombre mal infor­mé qui l’emporte. Et il ne faut pas venir pré­tendre que l’a­vis de la confé­rence citoyenne va « éclai­rer » la popu­la­tion dans son ensemble avant le réfé­ren­dum. Lors du réfé­ren­dum de 2005, com­bien de per­sonnes avait réel­le­ment lu la pro­po­si­tion de consti­tu­tion avant de voter ? A for­tio­ri, comme le sou­ligne Jacques Tes­tard, si on com­mence à orga­ni­ser des réfé­ren­dum tous les trois mois, les gens ne vont abso­lu­ment pas pou­voir être adé­qua­te­ment infor­més sur l’en­semble des sujets.

    Pour ter­mi­ner, je vou­drais juste rap­pe­ler ce qu’ont fait les Athé­niens. Après une période de régime cen­si­taire qui fut fina­le­ment ren­ver­sé, s’est mis en place pro­gres­si­ve­ment au cours du Vè siècle un régime démo­cra­tique. La forme en était fina­le­ment deve­nu une démo­cra­tie « radi­cale », ou l’en­semble des déci­sions était pris pas le peuple réuni en assem­blée. En 404, Athènes perd la Guerre du Pélo­pon­nèse. Après le court inter­mède de la tyran­nie des Trente, les Athé­niens tentent de réflé­chir au causes de la défaite et estiment qu’elle est lar­ge­ment due à la mau­vaise qua­li­té des déci­sions prises par l’As­sem­blée. Celle-ci était jugée notam­ment trop sujette à suivre l’o­pi­nion de déma­gogues de talent. L’exemple prin­ci­pal est notam­ment la déci­sion au milieu de la guerre de condam­ner à mort l’en­semble des chefs mili­taires (ce qui n’est effec­ti­ve­ment pas la réso­lu­tion la plus judi­cieuse de l’his­toire mili­taire). Dans les années qui suivent vont se mettre en place une série de réformes pour abou­tir à une démo­cra­tie plus « modé­rée ». L’As­sem­blée du peuple se voit reti­rer une grande par­tie de ses pou­voirs, et ceux-ci vont être répar­tis en une série d’ins­tances com­po­sée de citoyens tirés au sort. C’est notam­ment le cas du pou­voir de créer les lois, qui est confiées aux nomo­thètes, sans que l’As­sem­blée puisse annu­ler ces lois. Les ins­ti­tu­tions réfor­mées semblent avoir satis­fait les citoyens, puis­qu’elles ont fonc­tion­né sans crise jus­qu’à la chute de la démo­cra­tie, qui est liée à une défaite exté­rieure, contre la Macé­doine (en 322). Je pense cepen­dant que ce qui a peut-être faci­li­té l’ac­cep­ta­tion d’un pou­voir déte­nu par des conseils tirés au sort, c’est qu’il n’y avait pas une grande dis­pro­por­tion entre l’As­sem­blée du peuple, assez réduite (6000 membres en géné­ral), et les ins­tances diri­geantes tirées au sort, avec des panels très larges (entre 200 et 2500 selon les magis­tra­tures). Cela serait-il accep­té dans un État moderne tel que la France avec une telle dif­fé­rence numé­rique entre un jury tiré au sort et l’en­semble de la popu­la­tion, je l’ignore.

    Bien ami­ca­le­ment,

    Ronald

    Réponse
    • etienne

      Mer­ci Ronald, pour ce très inté­res­sant com­men­taire (comme d’habitude 🙂 ).

      Réponse
  8. etienne

    TEXTE DE LA CONFÉRENCE “expé­riences poli­tiques”, Jacques Tes­tart – Etienne Chouard Lyon, mars 2016 – Par­tie 14

    Trans­crip­tion de la confé­rence par les soins de Nicole Aune, de notre équipe de syn­thèse vidéo Jus­tice Démo­cra­tique Défiante, Citoyen­ne­té Res­pon­sable et Soli­daire, 07/04/2016 ; Lien vidéo https://​you​tu​.be/​k​u​q​I​k​M​q​U​-OU ; Pro­po­si­tion, Illus­tra­tion et vali­da­tion par Bruce Bourguignon 

    Etienne Chouard est pro­fes­seur d’économie à Mar­seille, blo­gueur pro­li­fique sur chouard​.org, il écrit beau­coup sur un forum du plan C, dans lequel on dis­cute tirage au sort, consti­tu­tion. Média­ti­sé à par­tir de 2005 autour du réfé­ren­dum pour la consti­tu­tion Euro­péenne, à laquelle il s’est oppo­sé grâce à un texte qu’il a rédi­gé et qui a été lar­ge­ment dif­fu­sé. Il se défi­nit comme un citoyen constituant. 

    Jacques Tes­tart est bio­lo­giste de la pro­créa­tion, auteur de la pre­mière fécon­da­tion in-vitro humaine en France (Aman­dine qui a 34 ans aujourd’hui). Il explore et défend depuis une dizaine d’années la pro­cé­dure des Confé­rences des Citoyens. Il a publié en 2015 un livre « L’humanitude au pou­voir » – Com­ment les citoyens peuvent déci­der du bien commun. 

    Étienne : Bon­soir à tous, vous êtes nom­breux… 10 mn c’est com­pli­qué, il ne faut pas que je traîne ni que j’ouvre des paren­thèses. D’abord, dire tout le bon­heur que j’ai de ren­con­trer Jacques, jacques est quelqu’un d’important pour moi, c’est un pra­ti­cien de l’idée que je défends et il n’y en a pas beau­coup et ce qu’il fait est remar­quable. Quand je vais décrire ce que je fais je vais inté­grer son tra­vail, la façon dont je vois son tra­vail par rap­port au mien. 

    En gros et pour aller vite, je ramène nos pro­blèmes sociaux à notre impuis­sance poli­tique à les régler. Je pense que si nous avons dura­ble­ment depuis tant de temps, autant de pro­blèmes que nous n’arrivons pas à régler alors que dans toutes nos dis­cus­sions on voit bien qu’on les a iden­ti­fiés et qu’on a des tas de choses à pro­po­ser, je pense que si ces pro­blèmes, les plus graves, per­durent c’est parce que nous sommes impuis­sants poli­ti­que­ment. Alors je cherche les rai­sons de cette impuis­sance et je les trouve dans un texte où il est écrit que nous n’avons pas de pou­voir. Ce n’est pas écrit clai­re­ment, il n’y a pas écrit « le peuple n’a pas de pou­voir », ça serait bien iden­ti­fié, on se serait révol­tés depuis long­temps, c’est plus com­pli­qué à voir : dans ce texte qui est la consti­tu­tion (qui est l’endroit où l’on dit com­ment sont dési­gnés et contrô­lés les pou­voirs, et quelle est la place réser­vée aux citoyens pour reprendre la main quand ils l’estiment néces­saire), dans ce texte essen­tiel il n’est pas écrit le peuple n’a pas de pou­voir, ce qui est écrit dans ce texte, et qui nous concerne, c’est une absence, nous n’y sommes pas. Essayez de lire la consti­tu­tion, ce n’est pas amu­sant mais quand vous vous cher­chez vous-même, ça vous donne une rai­son de le lire d’une façon atten­tive en vous disant où est-ce que je suis là dedans, où est-ce que j’ai un pou­voir de faire quelque chose, de par­ti­ci­per au des­tin commun ? 

    Alors je cherche à com­prendre pour­quoi nous n’y sommes pas, parce qu’il n’y a pas que nous en France, c’est dans tous les pays, dans toutes les époques, c’est uni­ver­sel. Les consti­tu­tions pro­gramment l’impuissance popu­laire. Si c’est un phé­no­mène mon­dial n’y a pas un com­plot, c’est un pro­ces­sus uni­ver­sel qui nous conduit à ça, et je l’identifie dans les auteurs des consti­tu­tions. Je pense que les consti­tu­tions sont des mau­vaises consti­tu­tions, voire même pire, des anti-consti­tu­tions, des textes qui sont des pri­sons au lieu d’être des pro­tec­tions parce que ceux qui écrivent ces textes sont tou­jours des pro­fes­sion­nels de la poli­tique. Ce sont tou­jours pré­ci­sé­ment les per­sonnes qui devraient craindre cette consti­tu­tion, qui par­tout dans le monde écrivent ces consti­tu­tions. Donc ils écrivent des fausses, ils écrivent des faux contrôles, des contrôles fac­tices, ils écrivent leur puis­sance et notre impuis­sance, parce que c’est leur inté­rêt per­son­nel tout sim­ple­ment, ce n’est pas la peine de faire poly­tech­nique pour com­prendre ça. Je pense que c’est assez simple, et c’est pour ça que c’est universel. 

    Mais si je m’arrête là dans mon rai­son­ne­ment je n’ai pas de solu­tion : si j’attends que les élus me libèrent alors que ce sont eux qui ont fabri­qué la pri­son dans laquelle ils m’ont mis, je vais attendre long­temps. En fait je trouve la solu­tion quand je remonte plus en amont et que j’essaye de com­prendre pour­quoi les pro­fes­sion­nels de la poli­tique peuvent tou­jours écrire les consti­tu­tions alors qu’ils devraient être les seuls à ne pas y tou­cher. Et je pense que c’est notre faute, et ça, c’est opti­miste parce que, si c’est notre faute, ça veut dire qu’il ne tient qu’à nous de tout chan­ger. C’est notre démis­sion du pro­ces­sus consti­tuant, c’est parce que nous démis­sion­nons de ce moment essen­tiel. Ce n’est pas du tout un texte pous­sié­reux, ce n’est pas du droit, c’est le droit le droit du droit, et le droit du droit ce n’est pas du droit c’est de la poli­tique. Et c’est parce que nous démis­sion­nons, par paresse un peu ; par com­plexe d’infériorité : on ne se croit pas com­pé­tent et on fait tout pour nous faire croire et nous enra­ci­ner dans cette cer­ti­tude que nous sommes incom­pé­tents ; c’est aus­si par égoïsme : on s’occupe que de nos affaires, on s’occupe pas du bien com­mun, il y a plein de rai­sons… je pense que c’est sur­tout par com­plexe d’infériorité. Nous démis­sion­nons du pro­ces­sus consti­tuant, nous ne nous sen­tons pas concer­nés et au moment où il y a une révolte, (il y a des révo­lu­tions, des insur­rec­tions par­tout dans le monde et à toutes les époques, ça va arri­ver à nou­veau) on arrive à ren­ver­ser un tyran quel que soit le pays ou l’époque, mais juste après, quand il faut écrire le monde sui­vant on n’est pas entraî­nés, on n’a pas fait d’ateliers consti­tuants, on ne sait même pas ce que c’est [qu’une consti­tu­tion]… Et à chaque fois, quand il faut écrire les nou­velles règles, com­ment on va faire ? Il y en a un qui se pré­sente, c’est un pro­fes­sion­nel de la poli­tique il dit « moi je sais » [écrire la consti­tu­tion qu’il nous faut], il se pré­sente, il se déclare gou­ver­ne­ment pro­vi­soire et c’est par­ti. En les lais­sant faire à ce moment essen­tiel où nous nous trans­for­mons de mul­ti­tude en peuple parce qu’on décide de vivre ensemble en écri­vant nous notre contrat social (c’est ça une consti­tu­tion dans le sens poli­tique le plus noble), à ce moment là on n’est pas là et on la laisse écrire par des pro­fes­sion­nels de la poli­tique. Et toutes les impuis­sances qui suivent sont les consé­quences de cette démission. 

    Alors ce que je sug­gère c’est que, pre­nant acte de cette impuis­sance poli­tique, popu­laire, uni­ver­selle, et de ses causes qui sont très pro­ba­ble­ment dans l’éducation popu­laire insuf­fi­sante, mal faite, de nos enfants et de nous-mêmes, qui n’avons pas encore appris à écrire nous-mêmes les règles supé­rieures de la poli­tique qui disent com­ment on désigne les acteurs, comme on contrôle les acteurs, com­ment on reprend la main quand on n’est pas content, com­ment on des­ti­tue un tyran, com­ment on règle et contrôle avec des gens tirés au sort, com­ment on règle et contrôle la banque, les médias, l’information, les son­dages…, pre­nant acte de ce trouble et cette cause en nous-mêmes, je sug­gère que nous nous entraî­nions pour la pro­chaine insur­rec­tion : nous entraî­ner aujourd’hui pen­dant qu’on est au calme, on a des reve­nus, on a du temps, pen­dant que tout va bien on s’entraîne, on fait des ate­liers consti­tuants ; demain [jeu­di] il y en a [à Nantes] : vous devriez y aller, c’est enthou­sias­mant, j’en ai fait plein et je n’ai pas un seul exemple de quelqu’un qui se soit ennuyé. Vous allez voir que, quand vous faites de la poli­tique [comme ça], au lieu de vous dire « je vais deman­der ça aux élus, ou on va exi­ger des élus, ou on va for­cer les élus », vous ne pre­nez pas du tout le truc sous cet angle, là, vous deve­nez des adultes et vous vous dites « com­ment on va écrire, com­ment on va dési­gner les acteurs, est-ce qu’on va les élire, est-ce qu’on va les tirer au sort, avec quel mode de scru­tin ? Qui va être citoyen, qu’est ce qu’on fait avec les étran­gers, est-ce qu’on les fait voter ? Com­ment on écrit la mon­naie, qui décide de la quan­ti­té de mon­naie qui est néces­saire ? Com­ment on va déci­der un réfé­ren­dum d’initiative popu­laire, com­bien de per­sonnes peuvent déclen­cher un R.I.P., sur quel sujet, est-ce qu’on met un garde-fou, pas de garde-fou ? »… les sujets sont tous pas­sion­nants. Il ne s’agit pas d’écrire des lois, il s’agit d’écrire des articles de consti­tu­tion. Les articles de consti­tu­tion c’est : com­ment on désigne et contrôles les acteurs et com­ment on garde la main sur les acteurs poli­tique. Demain vous avez une occa­sion, je pense que vous devriez la sai­sir c’est épatant. 

    Mais après il faut que ça conti­nue : là, vous êtes nom­breux, c’est com­pli­qué à orga­ni­ser. Un ate­lier consti­tuant, ça peut [se mener] « tout seul » ou à deux, [et] ça, c’est très léger, vous pou­vez faire ça quand vous vou­lez. Un ate­lier consti­tuant, c’est un humain qui décide concrè­te­ment de s’occuper de la consti­tu­tion ; comme un peintre : il est dans son ate­lier, il est tout seul. Un ate­lier consti­tuant, c’est comme ça, ne vous ima­gi­nez pas qu’il faut faire des réunions à quinze, vingt, cent… pas du tout ; si vous ima­gi­nez ça, vous le ferez jamais tous les jours ! Un ate­lier consti­tuant, il faut que ça soit tous les jours. Je sug­gère que, si les humains (pas seule­ment les Fran­çais, tous les humains du monde), si nous nous pas­sons le mot entre nous (n’attendez rien des médias, ni des élus, ça ne pas­se­ra pas par eux, eux ils vont tout faire pour mor­pion­ner le sys­tème et nous empê­cher d’y arri­ver), ça va très bien mar­cher entre nous avec inter­net (et même sans inter­net je pense que ça mar­che­rait, c’est l’idée qui est puis­sante) : si on se passe le mot entre nous et qu’on s’entraîne et qu’on convainc les voi­sins de s’entraîner à leur tour (il faut que ça soit conta­gieux pour que ça marche), au moment du prin­temps, quand ça germe, si ça germe par­tout, les voleurs de pou­voir ne pour­ront pas se débar­ras­ser de nous tous, il y en aura trop par­tout. Et ça pour­ra être non violent parce qu’on sera très nom­breux ; si on n’est pas nom­breux et qu’il faut qu’on force les choses, ça sera violent et ça ne mar­che­ra pas. Il y a plein de jeunes gens qui veulent se révol­ter tout de suite « il faut qu’on fasse quelque chose », je pense que les ate­liers consti­tuant font qu’on change dans notre tête, on devient des grandes per­sonnes, on devient des adultes, on arrête de se sou­mettre à des maîtres, à des « élus » : peut-être [déci­de­ra-t-on d’a­voir] des « élus », mais c’est nous qui allons écrire les règles de l’élection, les règles de la des­ti­tu­tion, de la révo­ca­tion, les règles de la red­di­tion des compte, com­ment ils nous rendent des comptes et com­ment on les punit quand ils ont mal fait leur bou­lot… Les ate­liers consti­tuants nous rendent adultes, ils nous trans­forment inté­rieu­re­ment et ça, c’est plus impor­tant que le tirage au sort, c’est plus impor­tant même que la consti­tu­tion, ce qui est impor­tant c’est que nous nous trans­for­mions d’électeurs enfants en citoyens adultes. Un élec­teur est hété­ro­nome il subit le droit écrit par quelqu’un d’autre, c’est un enfant poli­tique, un enfant c’est quelqu’un qui n’a pas droit à la parole, qui est pri­vé de la parole éty­mo­lo­gi­que­ment. Un élec­teur c’est un enfant et quand on nous dit qu’on est des citoyens on se paye de mot, ce n’est pas vrai, on se la pète mais on n’est rien du tout, on ne décide rien. Et quand on se trans­forme en consti­tuant vous allez sen­tir, dans l’atelier, que, quand vous pre­nez vos pro­blèmes concrets par la poli­tique adulte qui consiste à écrire nous-mêmes la consti­tu­tion, vous allez voir, vous allez sen­tir dans votre chair en même temps que vous écri­vez, vous allez sen­tir 1) que c’est simple et 2) en même temps vous allez sen­tir comme c’est sûr que ce truc là va tout chan­ger, si on est nom­breux (si on n’est pas nom­breux ça mar­che­ra pas). 

    Et ce qui m’embête, c’est que vous soyez si nom­breux quand on est là, c’est un côté « star » (de ces ren­contres nom­breuses], vous venez voir une attrac­tion : « [purée] c’est bien ce qu’il dit, ce gars là »… et le pro­blème, c’est que, si vous ne conti­nuez pas après, ça va pas mar­cher. Vous com­pre­nez ça ? Si demain vous ne conti­nuez pas, ça ne mar­che­ra pas ; ça ne mar­che­ra que si on est très nom­breux, si on est très nom­breux, il faut que vous vous y met­tiez à deux, que vous invi­tiez votre voi­sin… À vous de faire le bou­lot de convaincre celui qui est encore éteint, [endor­mi] ; ce n’est pas facile, vous ne l’aurez peut-être pas la pre­mière fois, quand vous allez essayer de convaincre quelqu’un ça va pas mar­cher du pre­mier coup, il va vous dire « ça fait trois fois que tu me casses les pieds avec ce truc là, [alors] tu arrêtes de me par­ler de ça, sinon je te parle plus » 🙂 Alors, vous arrê­tez de lui par­ler [de ça], et ce n’est plus vous mais ça va être un autre qui va lui par­ler encore du tirage au sort… Et ça ne va peut-être encore pas mar­cher, mais la troi­sième…. peut-être une jolie fille, je ne sais pas, quelqu’un qui va lui en par­ler à nou­veau et là, il va per­cu­ter. Il aura fal­lu qu’on se mettre à trois pour le réveiller et c’est notre bou­lot de nous réveiller entre nous, la solu­tion ne vien­dra pas des élus. 

    Qu’est ce qui me pas­sionne dans ce que fait Jacques ? Jacques prouve avec des conven­tions de citoyens dont il va vous par­ler, il prouve que des gens qui se mettent ensemble pour réflé­chir au bien com­mun, deviennent meilleurs quel que soit leur niveau de départ. Ils deviennent meilleurs et pro­duisent des avis, ils donnent des opi­nions, ils opinent sur des sujets de façon au moins aus­si convain­cante que quand ce sont des élus. Et ça, c’est magni­fique pour nous décom­plexer, on a besoin de ça pour se décom­plexer, on a besoin des his­toires que nous raconte Jacques, des his­toires très concrètes, vécues dans des conven­tions des citoyens, on a besoin de ces his­toires là pour se décom­plexer, pour y aller, faire de la poli­tique nous-mêmes sans deman­der à des pro­fes­sion­nels de la poli­tique. Dans son tra­vail sur les conven­tions, il a mis au point un pro­to­cole, c’est un mode d’emploi scien­ti­fique, rigou­reux qui per­met d’éclairer l’opinion. Pour lui, il n’y a d’opinion qu’éclairée : si vous deman­dez un avis à quelqu’un dans la rue sur un sujet sur lequel il n’a pas réflé­chi, cette opi­nion ne vaut rien. Je trouve ça bou­le­ver­sant, très inté­res­sant, je vais inté­grer ça du mieux que je peux dans les ins­ti­tu­tions et nous devrions faire ça, c’est une bonne idée. C’est vrai qu’une opi­nion de quelqu’un qui n’a pas réflé­chi, on s’en fout com­plè­te­ment, elle vaut pas grand-chose : il y a trop de chance qu’il se trompe. Ce à quoi réflé­chit Jacques, c’est : com­ment on fait pour éclai­rer l’opinion. Il dit : pour éclai­rer l’opinion il faut que les gens aient vu des opi­nions contra­dic­toires, il faut avoir lu des avis dif­fé­rents, il faut avoir été confron­té à des opi­nions dis­si­dentes, vu des gens qui sont pas d’accord qui s’empaillent devant nous, ou qui font des dis­cours… On pour­ra dis­cu­ter, d’ailleurs : est-ce qu’on met en scène le fait qu’ils s’empaillent ou bien on fait comme à Athènes où chaque ora­teur venait faire un dis­cours, puis un dis­cours, puis un dis­cours… mais ils se ne par­laient pas entre eux, peut-être que les deux ont des avantages… 

    [Une inter­ven­tion : « Etienne il faut que je t’interrompe avant que tu dises tout ce que Jacques va dire ».] (Rires général). 

    Un der­nier mot quand même. Ce soir je vou­drais qu’on fasse ensemble [tous les deux] un ate­lier consti­tuant. C’est la pre­mière fois que je fais ça, on va essayer de faire comme une scène : j’ai réflé­chi dans le train, j’ai fait mon ate­lier consti­tuant tout seul, et j’ai tra­duit ce que dit Jacques dans la conclu­sion de son livre « l’humanité au pouvoir »…

    Jacques : Mer­ci Etienne, tu m’as lais­sé quand même quelques petites choses à dire, mais enfin tu fais très bien le meneur de jeu. La pre­mière chose qu’il faut que j’explique c’est com­ment un bio­lo­giste, qu’il soit de la pro­créa­tion ou d’autre chose, un type de labo, en vient à se mêler de la chose poli­tique et à faire des pro­po­si­tions sur la démocratie. 

    Pour moi c’est deve­nu évident pro­gres­si­ve­ment. Bien avant cette his­toire d’Amandine. J’ai com­men­cé à tra­vailler dans les années 60 à l’INRA, j’ai tra­vaillé sur des vaches et j’ai eu comme mis­sion d’augmenter la pro­duc­ti­vi­té lai­tière des vaches. J’ai mis au point des tech­niques de mères por­teuses pour qu’une vache de haute pro­duc­ti­vi­té lai­tière, au lieu d’avoir un petit par an, en ait dix, quinze, parce que ses embryons vont être por­tés par d’autres vaches et vont faire des veaux sup­po­sés de haute qua­li­té lai­tière. Quand j’ai fait ce bou­lot, ça a mar­ché à par­tir de 1972. 

    Je me suis aper­çu tout de suite, quand j’ai pu sor­tir de ma tech­nique, de mes bri­co­lages, et réflé­chir à ce que j’avais fait, que c’était com­plè­te­ment idiot puisqu’il y avait déjà des quo­tas lai­tiers qui étaient impo­sés par l’Europe et donc aug­men­ter la pro­duc­tion lai­tière au moment où on vou­lait la dimi­nuer… Je me deman­dais qui menait le bateau ? Je me suis inter­ro­gé ! Alors on peut faire des recherches stu­pides, elles sont com­man­di­tées d’en haut, on ne sait pas par qui, tout le monde est inno­cent. Là, j’ai com­men­cé à me dire : il y a quelque chose qui ne va pas et il fau­drait que la socié­té se mêle un peu de ces affaires-là, elle est tou­jours tenue en dehors, la preuve c’est que même les gens qui ont mon âge ou presque (ils ne sont pas nom­breux dans la salle), ne savent pas que tout ça a exis­té, on ne vous en a jamais par­lé avant, ni pen­dant, ni après. Et tout ça c’est dans plein de domaines. 

    Ensuite j’ai tra­vaillé sur la pro­créa­tion humaine en me disant : cette fois ça va pas être un truc idiot. Ce n’était pas idiot, je ne renie pas d’avoir per­mis à des tas de gens sté­riles d’avoir des bébés quand ils ne peuvent pas les avoir autre­ment, mais il y a eu plein de dérives depuis. Et encore une fois ça n’avait pas été déci­dé démo­cra­ti­que­ment, c’est un truc qui est venu, on a pris l’initiative tout seul dans un hôpi­tal. Et ensuite toutes les dérives qu’il y a eu se font au jour le jour un peu dans tous les pays et la popu­la­tion n’est tou­jours pas mêlée à la déci­sion. On crée des comi­tés d’éthique, on fait vague­ment des bouts de lois qui ne servent pas à grand-chose, mais les gens sont tenus au dehors. Par là, je veux dire que je me suis inté­res­sé aus­si parce que j’ai quand même été un mili­tant asso­cia­tif, je me suis inté­res­sé au nucléaire où là, on ne peut pas dire que la démo­cra­tie ait régné, je me suis inté­res­sé aux OGM où c’est pareil ; je me suis inté­res­sé plus récem­ment aux nano­tech­no­lo­gies, à la bio­lo­gie de syn­thèse… c’est tou­jours la même chose. 

    Et ce qui m’intéresse là-dedans — puisque vous voyez, c’est tou­jours des pro­blèmes de tech­no­lo­gie, mais on ver­ra que c’est pareil pour les pro­blèmes pro­pre­ment poli­tiques — c’est com­ment se fait la déci­sion ? Ça com­plé­mente un peu ce que fait Etienne, c’est d’ailleurs pour ça que ça m’intéresse : la consti­tu­tion, tra­vailler à la démo­cra­tie en géné­ral, c’est fon­da­men­tal. Moi, je m’intéresse un peu à la fin du truc, c’est-à-dire com­ment on va déci­der de quelque chose démo­cra­ti­que­ment ?

    Je vais vous par­ler des “Conven­tions des Citoyens“. Quand je parle de ça en milieu asso­cia­tif les gens me disent — par exemple si on fait une conven­tion sur l’énergie nucléaire ou sur les déchets nucléaires ou sur les OGM — « mais pour­quoi tu vas deman­der à des gens qui n’y connaissent rien, puisque nous on sait », j’ai enten­du ça de la part de mili­tants « nous on sait, tu n’as qu’à nous deman­der ». Ah oui, mais à quelle asso­cia­tion je vais deman­der ? Il n’y a pas for­cé­ment l’unanimité entre les asso­cia­tions, même si elles défendent toutes ce qu’elles croient être le bien public : il y a plein de diver­gences et le moment de prendre une déci­sion est un moment dif­fé­rent à mon avis, de celui de l’agitation qui est menée par les asso­cia­tions, par les par­tis, par les syn­di­cats… qui est indis­pen­sable. Mais ça, c’est le bruit de fond qu’il faut main­te­nir à la fois pour apprendre aux gens qu’il se passe des choses et pour ani­mer l’avis démo­cra­tique sur ces sujet. 

    Mais il y a un moment où il faut prendre une déci­sion et se pose le pro­blème de qui va la prendre, et là j’ai décou­vert un outil extra­or­di­naire qui s’appelle la “Confé­rence des Citoyens“ qui a été inven­tée par le par­le­ment Danois en 1990, ça fait vingt-cinq ans. Il y en a eu des cen­taines dans le monde depuis, tou­jours avec des pro­to­coles dif­fé­rents parce que le pro­to­cole n’a jamais été écrit. Je le résume, ça se ramène à dire : on va faire un petit groupe de per­sonnes, quinze à vingt, tirées au sort dans la socié­té, on va lui don­ner une for­ma­tion avec dif­fé­rents points de vue et on va deman­der à ces gens-là de prendre un avis sur le pro­blème pour lequel on les a réunis. Ensuite on dis­sout cette confé­rence de citoyens parce qu’un citoyen de confé­rence ça ne sert qu’une fois, on en pren­dra d’autres pour un autre problème. 

    Ça c’est le sché­ma géné­ral. Et je l’ai vécu parce que j’ai été pré­sident de la Com­mis­sion Fran­çaise du Déve­lop­pe­ment Durable qui à mon avis est une héré­sie totale, mais j’ai quand même été pré­sident, j’en ai démis­sion­né au bout de trois ans, avec fra­cas. Mais dans cette com­mis­sion, on a tenu une confé­rence de citoyens sur les chan­ge­ments cli­ma­tiques en 2002, et j’ai été bluf­fé. Moi qui ne suis pas un opti­miste de nature, j’ai vu com­ment les gens qui ont été tirés au sort peuvent évo­luer et com­ment ils arrivent à dire des choses super intel­li­gentes, plus que les experts. 

    Depuis 2002, je gratte ce truc là et, en tra­vaillant d’une part avec l’association Science Citoyenne qui a pour but de mettre la science en démo­cra­tie, qui s’intéresse aus­si bien aux lan­ceurs d’alerte, à des exper­tises, à la recherche par­ti­ci­pa­tive, mais aus­si à ces confé­rences de citoyens, on a sol­li­ci­té des spé­cia­listes uni­ver­si­taires, juristes, socio­logues, pour tra­vailler avec nous, pour écrire un règle­ment, pour écrire vrai­ment la règle du jeu de ces confé­rences de citoyens. On a écrit ça en 2007, on l’a fait connaître et on attend tou­jours que le par­le­ment s’en empare, parce que si ce n’est pas ins­crit dans la loi ou mieux dans la consti­tu­tion, ça ne sert pas à grand-chose. 

    À par­tir du sché­ma géné­ral inven­té par les Danois et répan­du dans tous les pays, il y en a eu en France une dizaine, de ces confé­rences de citoyens, plus ou moins bien faites, mais sans un pro­to­cole pré­cis. On s’est dit qu’il fal­lait un pro­to­cole irré­pro­chable pour que le sys­tème soit impa­rable, ne soit pas cri­ti­quable et soit repro­duc­tible. On a ima­gi­né… Il y a le tirage au sort, c’est assez facile appa­rem­ment, mais ce n’est pas si facile : il ne suf­fit pas de tirer des gens au sort ; en géné­ral ces confé­rences de citoyens, c’est pour des pro­blèmes très impor­tants au niveau natio­nal voire d’avantage (ça pour­rait être au niveau inter­na­tio­nal, moi je serais très favo­rable à ce qu’on les fasse à ce niveau-là), ce n’est pas pour régler un pro­blème local. Il faut tirer au sort des gens mais il faut avoir une hété­ro­gé­néi­té bien sûr, ça c’est facile : on demande à un ins­ti­tut de son­dage, à des pro­fes­sion­nels de faire ce choix et pour avoir cette quin­zaine de citoyens tirés au sort mais repré­sen­ta­tifs de la popu­la­tion, il faut par­tir à peu près de deux cent. 

    Donc, sur les listes élec­to­rales ils prennent deux cent per­sonnes tirées au sort, ils leur télé­phonent, leur demandent « est-ce que vous avez envie de tra­vailler béné­vo­le­ment, sur quelque chose qui vous pren­dra trois week-ends de tra­vail, plus des réflexions, des coups de fil… » C’est un truc assez lourd, les deux-tiers des gens refusent, donc il en reste soixante et sur les soixante il faut faire un échan­tillon d’une quin­zaine où il y ait autant d’hommes que de femmes, puis les âges, les caté­go­ries socio­pro­fes­sion­nelles, la région… tous les carac­tères pos­sibles aux­quels sont habi­tués les socio­logues qui gèrent les son­dages. Ils arrivent à faire un groupe qui repré­sente non pas toute la popu­la­tion et même au niveau sta­tis­tique on dirait que ce n’est pas un échan­tillon repré­sen­ta­tif puisqu’il fau­drait plus de mille per­sonnes sta­tis­ti­que­ment, mais ça n’a pas beau­coup de sens, l’important c’est d’avoir la diver­si­té maxi­male. Quinze per­sonnes avec la diver­si­té maxi­male c’est un groupe extra­or­di­naire, il y a un psy­cho-socio­logue impli­qué là-dedans pour régu­ler d’éventuels pro­blèmes à l’intérieur du groupe et pour ser­vir de lien avec l’extérieur.

    Les trois pre­mières confé­rences de citoyens qui ont eu lieu en France depuis 1998 c’est le même psy­cho-socio­logue [qui s’en est chargé]parce qu’il est très bon, il agit comme un tech­ni­cien de la chose, il a dit cette chose extra­or­di­naire : « J’ai eu à chaque fois le même groupe »…Évi­dem­ment, ce n’était pas le même, c’était d’autres gens, mais ça veut dire que le groupe consti­tué de cette façon a une cer­taine objec­ti­vi­té puisque ce pro­fes­sion­nel de groupes n’avait jamais vu ça, il avait chaque fois quelque chose qui était comme repro­duc­tible. Je suis très content de ce commentaire. 

    On arrive [donc] à avoir ce groupe, ce jury citoyen, mais le plus dur c’est de lui don­ner la for­ma­tion. Et c’est là qu’en géné­ral dans les confé­rences de citoyens il y a beau­coup de défauts parce que sou­vent ceux qui ini­tient le pro­ces­sus ont un point de vue à défendre, pour arri­ver à une cer­taine solu­tion. Donc ils vont faire venir sur­tout des experts défen­dant sur­tout un point de vue et ça ne va pas être très équilibré. 

    Dans d’autres pro­jets de loi, on a inven­té le comi­té de pilo­tage qui est nom­mé par le comi­té d’organisation, par ceux qui sont com­man­di­taires de la confé­rence de citoyens, et ce comi­té de pilo­tage qui compte seule­ment une dizaine de per­sonnes est com­po­sé de gens connus pour ne pas être d’accord entre eux. Ça, c’est pos­sible parce que les confé­rences de citoyens ont pour but de résoudre une contro­verse, ce n’est pas un pro­blème qu’on va inven­ter à l’université et on va dire aux gens « qu’est-ce que vous en pen­sez ? » Non, elle inter­vient quand il y a une contro­verse déjà dans la socié­té, quand il y a des gens qui ont une solu­tion, une autre… il y a plu­sieurs solu­tions pro­po­sées. Si bien qu’on a vu appa­raître des lea­ders d’opinion, des indi­vi­dus, des asso­cia­tifs, des indus­triels… des gens qui disent « il faut résoudre le pro­blème de telle façon ». Vous voyez bien que c’est vrai pour les OGM, le nucléaire, et pour un tas de choses. Donc on connait les gens, on peut iden­ti­fier ceux qui repré­sentent des opi­nions dif­fé­rentes, et c’est ceux-là, qu’on met dans le comi­té de pilo­tage, avec une seule mis­sion : vous allez vous engueu­ler autant que vous vou­lez, mais vous allez construire un pro­gramme pour les citoyens, vous allez le faire consen­suel­le­ment, c’est-à-dire que cha­cun va essayer de défendre son point de vue en disant « il faut faire inter­ve­nir un tel qui va par­ler de ça », et un autre va dire « il faut faire venir un tel… » En lâchant cha­cun un peu de lest, ils vont finir par rédi­ger un pro­gramme de for­ma­tion dans lequel les points de vue seront repré­sen­tés de façon qu’il y ait une cer­taine objec­ti­vi­té. Ce sys­tème du comi­té de pilo­tage plu­riel, avec des avis contra­dic­toires, c’est, à notre avis, la façon la plus objec­tive de construire un pro­gramme de formation. 

    Les citoyens vont être confron­tés à ce pro­gramme, ils vont subir la for­ma­tion (je dis subir mais en géné­ral ceux qui ont accep­té ça se prennent au jeu et sont ravis, l’enthousiasme est extra­or­di­naire). Ils vont avoir cette for­ma­tion pen­dant deux week-ends, elle se passe dans un endroit fer­mé pour évi­ter toute influence exté­rieure qui n’ait pas été pré­vue dans le pro­gramme par le comi­té de pilo­tage, si vous avez bien équi­li­bré tous les points de vue et qu’ensuite il y a un gus, que ce soit un asso­cia­tif ou un indus­triel ou n’importe qui, qui se débrouille pour venir bouf­fer avec les citoyens et qui va les faire pen­cher d’un côté, le sys­tème est fou­tu. C’est très rigou­reux : par exemple, les citoyens vont man­ger entre eux mais pas avec les for­ma­teurs, les for­ma­teurs ont cha­cun un temps qui leur est don­né, une heure pour un, une heure et demi pour un autre… c’est le comi­té de pilo­tage qui l’a déci­dé, sur des thèmes variés, et après ils s’en vont. 

    Et le comi­té de pilo­tage lui-même, les gens dont je par­lais, connus pour avoir des opi­nions, ne ver­ront jamais les citoyens ; on essaye d’avoir une espèce de sas de sécu­ri­té contre les lob­bys divers. Ces citoyens vont avoir aus­si des docu­ments à lire chez eux, choi­sis de la même façon, c’est-à-dire qu’il y a un appel à tous ceux qui vou­draient par­ti­ci­per à ça en don­nant l’information, et le comi­té de pilo­tage encore une fois et de la même façon, va choi­sir des textes pour ne pas don­ner des tonnes de docu­ments mais don­ner tel film, tel bou­quin, tel article aux citoyens. Ils vont avoir du bou­lot, ils peuvent se télé­pho­ner, et dans ces week-ends ils peuvent par­ler entre eux, c’est même recom­man­dé, ils dis­cutent, ils mangent ensemble, et même dans la pre­mière que j’avais orga­ni­sée, il y en a même qui ont fait des petits, vous voyez que ça tra­vaille beau­coup et tout ça dans la joie. 

    Après ces deux week-ends de for­ma­tion, il y a un troi­sième week-end, et celui-là c’est les citoyens eux-mêmes qui l’organisent. C’est-à-dire qu’ils sont deve­nus assez savants sur le sujet pour voir qu’il y a des trous qui manquent. Pour qu’ils puissent vrai­ment don­ner un avis qui soit com­plè­te­ment éclai­ré, ils demandent qu’on fasse com­pa­raître des indi­vi­dus qu’on n’avait pas pré­vus qui peuvent être aus­si bien un uni­ver­si­taire, un ambas­sa­deur… Par exemple, sur le chan­ge­ment cli­ma­tique, ils ont deman­dé l’ambassadeur des États-Unis puisque les États-Unis étaient oppo­sés à tout règle­ment qui serait contrai­gnant contre le mode de vie amé­ri­cain disaient-ils, donc ils ont jugé inté­res­sant et c’était une idée géniale, que le comi­té n’avait pas eu, de faire venir l’ambassadeur des États-Unis. 

    Ça se passe en public, mais les citoyens cette fois-là ne pour­ront pas être influen­cés par d’autres per­sonnes que celles qu’ils inter­rogent parce que, bien qu’ils soient en public, le public n’a pas le droit d’intervenir. Et à la fin de la jour­née quand les citoyens ont inter­ro­gé les experts qu’ils ont eux-mêmes com­man­dés, ils les ont cui­si­nés, je peux vous dire que c’est très savou­reux, quand vous voyez un type qui passe à la télé pour expli­quer que les OGM c’est extra­or­di­naire, quand c’est un géné­ti­cien connu, il a l’ascendant, y com­pris sur le jour­na­liste, il explique plein de trucs… Là, vous voyez ce type ridi­cu­li­sé par des citoyens qui disent « mais là, vous racon­tez n’importe quoi, y a Mac Donald qui a écrit en 1992 et vous tenez pas compte de ça… », le type est com­plè­te­ment coin­cé, il se trouve presque humi­lié par ces gens, ces citoyens ordi­naires qui viennent lui mon­trer qu’il a un point de vue qui n’est pas néces­sai­re­ment le bon, et qui viennent le cri­ti­quer, y com­pris dans son propre domaine, ça c’est quelque chose d’assez délicieux. 

    Et on peut voir les citoyens parce qu’on ne pour­ra jamais leur par­ler, ils vont ensuite se replier dans une salle der­rière et ils vont com­men­cer à dis­cu­ter, à rédi­ger leur avis qu’ils ren­dront public en géné­ral à l’aube parce qu’il faut une nuit de tra­vail, ils ren­dront public à l’aube par une confé­rence de presse. Elle n’a pas lieu trop tôt parce que les jour­na­listes c’est une espèce qui se lève un peu tard : ils font ça à par­tir de 10 h, puis après, ils rentrent chez eux, c’est fini, c’est dis­sout ; sauf que l’organisateur s’engage à leur dire qu’est-ce qu’est deve­nu leur avis, com­ment il a été uti­li­sé et com­ment il a été ou pas respecté. 

    Il y a aus­si un comi­té nom­mé aus­si par le comi­té d’organisation, qui est char­gé de véri­fier que tout a été bien fait. Tout est fil­mé, si bien que les uni­ver­si­taires par exemple qui tra­vaillent sur la socio­lo­gie des débats, de la démo­cra­tie… peuvent avoir accès à ces docu­ments-là et voir où il y a des défauts et per­mettre éven­tuel­le­ment des pro­grès dans la procédure. 

    Dans notre idée, ça devrait être ins­crit évi­dem­ment dans la loi ; pour le moment, c’est presque une pra­tique sau­vage. C’est pour ça que je n’encourage même pas à en faire, parce qu’il y aurait une grande dés­illu­sion pour les citoyens qui se sont don­nés beau­coup de mal, si on ne tient pas compte de ce qu’ils ont dit. Nous, ce qu’on a pré­vu dans notre pro­jet de loi, c’est que les élus, en l’occurrence le par­le­ment, doivent s’emparer de l’avis des citoyens, le dis­cu­ter dans la trans­pa­rence et émettre un vote nomi­nal, c’est-à-dire que cha­cun qui est oppo­sé à l’avis des citoyens le fait savoir, il ne pour­ra pas dire plus tard « on ne savait pas que ce pro­duit était dan­ge­reux, on avait reçu les pros­pec­tus de Mon­san­to, de machin… des cou­leurs, c’était super, on nous a tout expli­qué et on était d’accord ». Là, il y a l’avis des citoyens, il faut qu’ils disent qu’ils recon­naissent on ne peut pas obli­ger les élus à suivre l’avis des citoyens tout sim­ple­ment parce que les citoyens ne sont pas élus, donc les élus sont là pour faire la loi. On est obli­gé, au moins jusqu’à ce jour (peut-être qu’on va chan­ger avec Etienne, mais jusqu’à ce jour c’est comme ça), alors on va suivre le truc, mais il faut que ces élus prennent leurs res­pon­sa­bi­li­tés et je suis per­sua­dé que ça chan­ge­rait beau­coup leur déci­sion d’être mis face à leur responsabilité. 

    J’en viens à ce truc d’humanitude qui est le titre de mon bou­quin : pour­quoi j’ai par­lé de ça ? parce qu’il y a un truc extra­or­di­naire qu’on a obser­vé dans tous les pays du monde, il y a des alle­mands, des amé­ri­cains qui ont obser­vé que, quand il y a des gens comme ça, quinze à vingt per­sonnes sont mises dans une situa­tion de res­pon­sa­bi­li­té, avec un pro­to­cole moins rigou­reux que celui qu’on pro­pose — ce serait encore mieux avec ça, mais déjà même quand c’est un peu brouillon — sont mises en situa­tion de res­pon­sa­bi­li­té où ils ont l’impression vrai­ment sérieuse que ce qu’ils sont en train de faire peut avoir une influence sur le monde, sur la pla­nète, sur l’humanité — et c’est vrai, c’est sou­vent le cas pour les thèmes que j’ai évo­qués, le nucléaire, les OGM, c’est vrai — quand ils sont per­sua­dés de ça, ils se mettent à tra­vailler d’une façon qui est tout à fait par­ti­cu­lière, c’est-à-dire qu’ils vont déve­lop­per à la fois une intel­li­gence de groupe, ça se voit un peu dans tous les groupes : on pro­duit tou­jours à quinze un docu­ment de qua­li­té supé­rieure à celui qu’on pro­dui­rait tout seul et c’est d’autant plus vrai quand cette quin­zaine de per­sonnes est variée, c’est-à-dire il y a une femme de ménage, il y a un méde­cin, il y a une mère de famille… Il y a des gens. Et quand ils sont tel­le­ment dif­fé­rents, ils se com­plètent mieux que s’ils étaient de la même tri­bu, de l’ENA par exemple, et ils sont en res­pon­sa­bi­li­té, l’intelligence est là. 

    Mais il y a un truc en plus, c’est qu’ils se prennent tel­le­ment au sérieux qu’ils vont tous recher­cher ce qu’on appelle le bien com­mun, c’est-à-dire qu’ils ne vont pas prê­cher dans leur avis qu’il faut faire quelque chose qui les arran­ge­rait eux dans leur vie per­son­nelle, dans leur famille, dans leur groupe : ils vont pro­po­ser des choses au niveau de l’humanité et même on pour­rait dire, de l’humanité à venir. 

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