Réflexions autour de l’idée de bonheur… en passant par F. Laloux (holacratie : autogestion sans aucun chef), la création monétaire publique, l’éducation émancipante (sans maître), etc.

23/12/2015 | 25 commentaires

J’ai ren­con­tré il y a quelques jours un jeune homme, Julien, au pied de la mon­tagne Sainte-Vic­toire. Il venait par­ler du bonheur.
Il fai­sait doux, grand soleil, un air par­fai­te­ment lim­pide, pas de vent, calme et petits oiseaux… On était bien, quoi.

Bon, la vidéo est trop longue, assu­ré­ment ; mais ce qui est fait est fait 🙂
Pour des nou­veaux venus, ça peut ser­vir, peut-être.

Vers la minute 40′, ça s’a­nime, je crois (hola­cra­tie puis créa­tion moné­taire, etc.) — tou­jours un peu diesel… 🙂
Peut-être des gen­tils virus vont-ils extraire des mor­ceaux conta­gieux ? 🙂 On verra.
Ce serait bien de rédi­ger une table des matières (avec le minu­tage) pour aider les gens à aller direc­te­ment sur les sujets qui les intéressent.

httpv://youtu.be/lOb5hHeMCDc

Bonnes fêtes à tous 🙂

Étienne.
_______________

PS : voi­ci la magni­fique confé­rence de Fré­dé­ric Laloux dont je vous parle dans la vidéo. Ça, c’est de la bombe, vous allez voir : il parle un peu trop len­te­ment au début, mais ce qu’il explique (qui res­semble à l’ho­la­cra­tie) est lit­té­ra­le­ment pas­sion­nant, et trans­po­sable à l’or­ga­ni­sa­tion poli­tique, je trouve. Vous verrez : 

Confé­rence « Rein­ven­ting Orga­ni­za­tions » en fran­çais (Fla­gey, Bruxelles) 

httpv://youtu.be/NZKqPoQiaDE

Et son livre, enfin en français :
Rein­ven­ting orga­ni­za­tions : Vers des com­mu­nau­tés de tra­vail inspirées
http://www.amazon.fr/Reinventing-organizations-communautés-travail-inspirées/dp/2354561059

_____________

Ne ratez pas non plus le livre de Phi­lippe Derud­der : « Les mon­naies locales com­plé­men­taires : pour­quoi, comment » :

http://​www​.yves​mi​chel​.org/​p​r​o​d​u​c​t​-​p​a​g​e​/​e​c​o​n​o​m​i​e​/​l​e​s​-​m​o​n​n​a​i​e​s​-​l​o​c​a​l​e​s​-​c​o​m​p​l​e​m​e​n​t​a​i​r​e​s​-​p​o​u​r​q​u​o​i​-​c​o​m​m​e​n​t​-​d​u​p​l​i​c​a​te/
______________

Ne lais­sez pas pas­ser « Le maître igno­rant », de Jacques Ran­cière, très utile éga­le­ment pour pen­ser une démo­cra­tie digne de ce nom : « l’âme humaine est capable de s’ins­truire seule et sans maître »… Waou ! 🙂
http://www.amazon.fr/Le-ma%C3%AEtre-ignorant-Jacques-RANCI%C3%88RE/dp/2264040173

__________________

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​3​8​6​6​4​9​1​1​8​2​317

Pour m'aider et m'encourager à continuer, il est désormais possible de faire un don.
Un grand merci aux donatrices et donateurs : par ce geste, vous permettez à de beaux projets de voir le jour, pour notre cause commune.
Étienne

Catégorie(s) de l'article :

25 Commentaires

  1. etienne

    La Syrie va-t-elle connaitre le des­tin de la Libye, pays qui n’existe plus ?

    « Pré­am­bule
    Lorsque l’équipe de France de foot­ball gagne un match le pays entier se sent fier, mais lorsqu’une déci­sion poli­tique du gou­ver­ne­ment fran­çais a des effets catas­tro­phiques per­sonne ne se sent res­pon­sable. De plus les deux prin­ci­paux ins­ti­ga­teurs de la catas­trophe libyenne, BHL et Sar­ko­zy, conti­nuent impu­né­ment à se pro­me­ner sur les pla­teaux télé­vi­sés, où les jour­na­listes ne les confrontent jamais à leurs erreurs cri­mi­nelles ; l’un deux a même le tou­pet de bri­guer de nou­veau l’investiture suprême sans ren­con­trer beau­coup de résis­tance. La France et les Fran­çais ne connaissent-ils donc pas la honte ? Le peuple fran­çais est-il donc si com­plice ? Ou alors est-il, tel un jun­kie, com­plè­te­ment décon­nec­té de la réa­li­té et tota­le­ment apathique ?
    Le Saker Francophone

    La Libye, lar­ge­ment décrite par des médias com­plices comme étant la dic­ta­ture mili­taire de Kadha­fi, a été détruite avec suc­cès en 2011 pour pré­pa­rer le che­min vers une vraie démo­cra­tie. Alors que main­te­nant les mêmes médias demandent à ce que le pré­sident Assad de Syrie soit ren­ver­sé lui aus­si, jetons un coup d’œil à ce que la Libye a per­du et qu’elle n’aura plus.

    Contrai­re­ment à la croyance popu­laire, la Libye, que les médias décri­vaient comme la dic­ta­ture mili­taire de Kadha­fi, était en réa­li­té le pays le plus pros­père d’Afrique. » […]

    http://​lesa​ker​fran​co​phone​.net/​l​a​-​s​y​r​i​e​-​v​a​-​t​-​e​l​l​e​-​c​o​n​n​a​i​t​r​e​-​l​e​-​d​e​s​t​i​n​-​d​e​-​l​a​-​l​i​b​y​e​-​p​a​y​s​-​q​u​i​-​n​e​x​i​s​t​e​-​p​l​us/

    Réponse
  2. etienne

    Oli­vier (Ber­ruyer) nous signale ce bon papier d’Arund­ha­ti Roy (depuis long­temps, je trouve cette femme formidable) :

    La soli­tude de Noam Chomsky

    http://​www​.les​-crises​.fr/​l​a​-​s​o​l​i​t​u​d​e​-​d​e​-​n​o​a​m​-​c​h​o​m​s​k​y​-​p​a​r​-​a​r​u​n​d​h​a​t​i​-​r​oy/

    LA SOLITUDE DE NOAM CHOMSKY

    Un texte d’Arundhati Roy que l’on retrouve dans la pré­face du livre de Noam Chom­sky, inti­tu­lé “For Rea­sons of State” (Pour rai­sons d’état).

    « Je ne m’excuserai jamais pour les États-Unis d’Amérique — quels que soient les faits, je m’en moque ». [Pré­sident George Bush Sr]

    Assise chez moi à New Del­hi, en regar­dant une chaîne d’informations amé­ri­caine faire sa propre pro­mo­tion (« Nous rap­por­tons, Vous déci­dez »), j’imagine le sou­rire amu­sé aux dents abî­mées de Noam Chomsky.

    Tout le monde sait que les régimes auto­ri­taires, indé­pen­dam­ment de leurs idéo­lo­gies, uti­lisent les mass-médias pour leur pro­pa­gande. Mais qu’en est-il des régimes démo­cra­ti­que­ment élus du « monde libre »?

    Aujourd’hui, grâce à Noam Chom­sky et à ses com­pa­gnons ana­lystes des médias, il est presque évident pour des mil­liers, voire des mil­lions d’entre nous que l’opinion publique dans les démo­cra­ties« d’économie de mar­ché » est fabri­quée comme n’importe quel autre pro­duit du mar­ché de masse — savon, inter­rup­teurs ou pain en tranches. Nous savons qu’alors que, léga­le­ment et confor­mé­ment à la consti­tu­tion, la parole peut être libre, l’espace dans lequel cette liber­té peut être exer­cée nous a été volé, et a été ven­du aux enchères aux plus offrants. Le capi­ta­lisme néo­li­bé­ral n’est pas sim­ple­ment une affaire d’accumulation de capi­tal (pour quelques-uns). C’est aus­si une affaire d’accumulation de pou­voir (pour quelques-uns), d’accumulation de liber­té (pour quelques-uns). Inver­se­ment, pour le reste du monde, les per­sonnes qui sont exclues du conseil d’administration du néo­li­bé­ra­lisme, c’est une affaire d’érosion de capi­tal, d’érosion de pou­voir, d’érosion de liber­té. Dans « l’économie de mar­ché », la liber­té de parole est deve­nue un pro­duit de base comme un autre — la jus­tice, les droits de l’homme, l’eau potable, l’air pur. Seuls ceux qui ont les moyens de se l’offrir peuvent en béné­fi­cier. Et, natu­rel­le­ment, ceux qui peuvent se le per­mettre uti­lisent la liber­té de parole pour fabri­quer le genre de pro­duit, le genre d’opinion publique qui convient le mieux à leur objec­tif. (Les infor­ma­tions qu’ils peuvent uti­li­ser). La manière exacte dont ils font cela a été le sujet d’une bonne par­tie des écrits poli­tiques de Noam Chomsky.

    Le pre­mier ministre Sil­vio Ber­lus­co­ni, par exemple, a une par­ti­ci­pa­tion majo­ri­taire dans les prin­ci­paux jour­naux, maga­zines, chaînes de télé­vi­sion et mai­sons d’édition ita­liens. « En réa­li­té, le pre­mier ministre maî­trise envi­ron 90% de l’audience télé­vi­sée ita­lienne » rap­porte le Finan­cial Times. Qu’est-ce qui fixe le prix de la liber­té de parole ? Liber­té de parole pour qui ? Il faut recon­naître que Ber­lus­co­ni est un exemple extrême. Dans les autres démo­cra­ties — en par­ti­cu­lier aux États-Unis — les magnats des médias, les puis­sants lob­bys d’entreprise et les fonc­tion­naires sont imbri­qués d’une manière plus éla­bo­rée, mais moins fla­grante. (Les rap­ports de Georges Bush Jr avec le lob­by pétro­lier, avec l’industrie de l’armement et avec Enron, et l’infiltration d’Enron dans les ins­ti­tu­tions gou­ver­ne­men­tales et les médias des États-Unis — tout ceci est main­te­nant de noto­rié­té publique).

    Après le 11 sep­tembre 2001, et les frappes ter­ro­ristes à New-York et Washing­ton, le com­por­te­ment fla­grant de porte-parole du gou­ver­ne­ment des États-Unis qu’ont endos­sé les médias domi­nants, leur pro­mo­tion d’un patrio­tisme ven­geur, leur empres­se­ment à publier les com­mu­ni­qués de presse du Penta­gone comme des infor­ma­tions et leur cen­sure expli­cite de l’opinion dis­si­dente sont deve­nus l’objet d’un humour assez noir dans le reste du monde.

    Ensuite, la Bourse de New-York s’est effon­drée, les com­pa­gnies aériennes en faillite ont fait appel au gou­ver­ne­ment pour des ren­floue­ments finan­ciers, et il a été ques­tion de lois de contour­ne­ment mani­festes afin de fabri­quer des médi­ca­ments géné­riques pour com­battre l’alerte à l’anthrax (beau­coup plus impor­tant et urgent, bien sûr, que la pro­duc­tion de géné­riques pour com­battre le sida en Afrique). Tout à coup, il a com­men­cé à sem­bler que la liber­té de parole et l’économie de mar­ché pour­raient finir par s’effondrer à côté des tours jumelles du World Trade Center.

    Mais bien sûr, cela n’est jamais arri­vé. Le mythe continue.

    Il y a cepen­dant un aspect plus inté­res­sant à la quan­ti­té d’énergie et d’argent qu’investit l’establishment pour gérer l’opinion publique. Il évoque une peur très réelle de l’opinion publique. Il relève du sou­ci per­pé­tuel et effec­tif d’une prise de conscience col­lec­tive, car si les gens devaient décou­vrir (et com­prendre entiè­re­ment) la véri­table nature des choses qui sont faites en leur nom, ils pour­raient agir en consé­quence. Les per­sonnes puis­santes savent que les gens ordi­naires ne sont pas tou­jours d’instincts impi­toyables et égoïstes. (Quand les gens ordi­naires pèse­ront les coûts et les avan­tages, une cer­taine conscience trou­blée pour­rait faci­le­ment faire pen­cher la balance). C’est pour cette rai­son qu’ils doivent être tenus éloi­gnés de la réa­li­té, éle­vés dans une atmo­sphère contrô­lée, dans une réa­li­té adap­tée, comme des pou­lets d’élevage ou des cochons dans un enclos. Ceux d’entre nous qui ont réus­si à échap­per à ce des­tin, et qui creusent en grat­tant çà et là dans l’arrière-cour, ne croient plus tout ce qu’ils lisent dans les jour­naux et regardent à la télé­vi­sion. Nous nous met­tons au cou­rant et cher­chons d’autres façons d’arriver à com­prendre le monde. Nous recher­chons l’histoire jamais divul­guée, le coup mili­taire men­tion­né en pas­sant, le géno­cide non-signa­lé, la guerre civile dans un pays afri­cain consi­gnée dans une his­toire sur une colonne d’un pouce à côté d’une publi­ci­té pleine page pour de la lin­ge­rie en dentelle.

    [A pro­pos des médias, de la qua­li­té de l’information qu’ils dis­til­lent, un excellent docu­men­taire ana­lyse les nôtres, en France ; on peut le vision­ner gra­tui­te­ment sur Dai­ly­mo­tion, aux adresses sui­vantes : Par­tie 1 – Par­tie 2]

    Nous ne nous sou­ve­nons pas tou­jours, et bien des gens ne savent même pas, que cette façon de pen­ser, cette acui­té pla­cide, cette méfiance ins­tinc­tive à l’égard des médias, serait aux mieux une intui­tion poli­tique et au pire une vague accu­sa­tion sans l’analyse média­tique impla­cable et inflexible d’un des plus émi­nents esprits du monde. Et ceci n’est qu’une des manières par les­quelles Noam Chom­sky a radi­ca­le­ment modi­fié notre com­pré­hen­sion de la socié­té dans laquelle nous vivons. Ou devrais-je dire, notre com­pré­hen­sion des règles com­pli­quées de l’asile d’aliénés dans lequel nous sommes tous des inter­nés volontaires ?

    En par­lant des attaques du 11 sep­tembre à New-York et Washing­ton, le pré­sident Georges W. Bush a dési­gné les enne­mis des États-Unis « enne­mis de la liber­té ». « Les Amé­ri­cains demandent pour­quoi ils nous détestent », a‑t-il dit. « Ils détestent nos liber­tés, notre liber­té de reli­gion, notre liber­té de parole, notre liber­té de vote, de nous ras­sem­bler ou de ne pas être d’accord les uns avec les autres ».

    Si les habi­tants des États-Unis veulent une vraie réponse à cette ques­tion (par oppo­si­tion à celle du manuel idiot de l’anti-américanisme, qui sont : « Parce qu’ils sont jaloux de nous », « Parce qu’ils détestent la liber­té », « Parce que ce sont des loo­sers », « Parce que nous sommes bons et qu’ils sont méchants »), je dirais, lisez Chom­sky. Lisez Chom­sky sur les inter­ven­tions mili­taires des États-Unis en Indo­chine, en Amé­rique Latine, en Irak, en Bos­nie, en ex-You­go­sla­vie, en Afgha­nis­tan et au Moyen-Orient. Si les gens ordi­naires aux États-Unis lisaient Chom­sky, peut-être que leurs ques­tions seraient for­mu­lées un peu dif­fé­rem­ment. Peut-être seraient-elles : « Pour­quoi ne nous détestent-ils pas plus que ça ? » ou « N’est-il pas éton­nant que le 11 sep­tembre ne soit pas arri­vé plus tôt ? ». Mal­heu­reu­se­ment, en ces temps natio­na­listes, les mots comme « nous » et « eux » sont uti­li­sés cou­ram­ment. La fron­tière entre les citoyens et l’état est brouillée déli­bé­ré­ment et avec suc­cès, pas seule­ment par les gou­ver­ne­ments, mais aus­si par les ter­ro­ristes. La logique sous-jacente des attaques ter­ro­ristes, comme celle des guerres de « repré­sailles » contre les gou­ver­ne­ments qui « sou­tiennent le ter­ro­risme » est la même : les deux punissent les citoyens pour les actions de leurs gouvernements.

    (Une brève digres­sion : Je me rends compte que ça passe mieux pour Noam Chom­sky, citoyen des États-Unis, de cri­ti­quer son propre gou­ver­ne­ment, que pour quelqu’un comme moi, citoyenne indienne, de cri­ti­quer le gou­ver­ne­ment des États-Unis. Je ne suis pas patriote, et je suis plei­ne­ment consciente que la véna­li­té, la vio­lence et l’hypocrisie sont gra­vées dans l’âme plom­bée de chaque état. Mais lorsqu’un pays cesse d’être sim­ple­ment un pays et devient un empire, alors, l’ampleur des opé­ra­tions se trans­forme de manière radi­cale. Donc, per­met­tez-moi de pré­ci­ser que je parle en tant que sujet de l’empire des États-Unis. Je parle comme une esclave qui se per­met de cri­ti­quer son roi.)

    Si on me deman­dait de choi­sir une des contri­bu­tions majeures de Noam Chom­sky au monde, ce serait le fait qu’il a démas­qué l’horrible uni­vers mani­pu­la­teur et sans pitié qui règne der­rière cette « liber­té », mot rayon­nant et magni­fique. Il l’a fait de façon ration­nelle et d’un point de vue empi­rique. La mul­ti­tude de preuves qu’il a ras­sem­blée pour éla­bo­rer ses argu­ments est phé­no­mé­nale. Ter­ri­fiante, à vrai dire. La pré­misse de départ de la méthode de Chom­sky n’est pas idéo­lo­gique, mais inten­sé­ment poli­tique. Il se lance dans sa série d’enquête avec une méfiance anar­chiste ins­tinc­tive à l’égard du pou­voir. Il nous emmène en voyage à tra­vers le maré­cage de l’establishment des États-Unis et nous conduit à tra­vers le laby­rinthe ver­ti­gi­neux des cou­loirs qui relient le gou­ver­ne­ment, les grandes entre­prises et la ques­tion de la ges­tion de l’opinion publique.

    Chom­sky nous montre que des expres­sions telles que « liber­té de parole », « éco­no­mie de mar­ché » et« monde libre », n’ont pas grand-chose, voire rien à voir avec la liber­té. Il nous montre que, par­mi les liber­tés innom­brables reven­di­quées par le gou­ver­ne­ment des États-Unis, il y a la liber­té d’assassiner, d’anéantir, et de domi­ner d’autres peuples. La liber­té de finan­cer et de par­rai­ner les des­potes et les dic­ta­teurs à tra­vers le monde. La liber­té d’entraîner, d’armer et de pro­té­ger les ter­ro­ristes. La liber­té de ren­ver­ser les gou­ver­ne­ments démo­cra­ti­que­ment élus. La liber­té d’accumuler et d’utiliser des armes de des­truc­tion mas­sive — chi­miques, bio­lo­giques et nucléaires. La liber­té d’entrer en guerre contre n’importe quel pays avec lequel il est en désac­cord. Et, le plus ter­rible de tout, la liber­té de com­mettre ces crimes contre l’humanité au nom de la « jus­tice », au nom de la « ver­tu », au nom de la « liber­té ».

    Le Pro­cu­reur Géné­ral John Ash­croft a décla­ré que les liber­tés des États-Unis « ne sont pas une conces­sion d’un gou­ver­ne­ment ou d’un docu­ment mais… notre droit divin ». Donc, au fond, nous sommes en pré­sence d’un pays armé d’un man­dat divin. Peut-être que cela explique pour­quoi le gou­ver­ne­ment des États-Unis refuse d’être jugé selon les mêmes cri­tères moraux avec les­quels il juge les autres. (Toute ten­ta­tive pour le faire est reje­tée comme une « équi­va­lence morale »). Sa tech­nique, c’est de se pré­sen­ter comme le géant bien-inten­tion­né dont les bonnes actions sont condam­nées par les intri­gants autoch­tones des pays étran­gers, dont il essaye de libé­rer les mar­chés, dont il essaye de moder­ni­ser les socié­tés, dont il essaye d’émanciper les femmes, dont il essaye de sau­ver les âmes.

    Peut-être que cette croyance en sa propre divi­ni­té explique éga­le­ment pour­quoi le gou­ver­ne­ment des États-Unis s’est accor­dé le droit et la liber­té d’assassiner et d’exterminer les gens « pour leur bien ».

    Lorsqu’il a annon­cé les frappes aériennes des États-Unis contre l’Afghanistan, le pré­sident Bush Jr a dit, « Nous sommes une nation paci­fique ». Il a pour­sui­vi en disant, « Ceci est la voca­tion des États-Unis d’Amérique, la nation la plus libre du monde, une nation bâtie sur des valeurs fon­da­men­tales, qui rejette la haine, qui rejette la vio­lence, qui rejette les assas­sins, qui rejette le mal. Et nous per­sis­te­rons tou­jours. »

    L’empire des États-Unis repose sur des fon­da­tions macabres : le mas­sacre de mil­lions d’autochtones, le vol de leurs terres, et après ceci, l’enlèvement et l’asservissement de mil­lions de Noirs d’Afrique pour tra­vailler cette terre. Des mil­liers d’entre eux sont morts en mer tan­dis qu’ils étaient trans­por­tés comme du bétail en cage entre les conti­nents. « Volés à l’Afrique, ame­nés en Amé­rique » (Sto­len from Afri­ca, Brought to Ame­ri­ca) — le « Buf­fa­lo Sol­dier » de Bob Mar­ley contient un uni­vers entier de tris­tesse indes­crip­tible. Il parle de la perte de digni­té, de la perte de liber­té, de la perte d’une nature sau­vage, de l’amour-propre bri­sé d’un peuple. Le géno­cide et l’esclavage sont les bases sociales et éco­no­miques de la nation dont les valeurs fon­da­men­tales rejettent la haine, les assas­sins et le mal.

    Un extrait de Chom­sky, tiré de l’essai « The Manu­fac­ture of Consent » (la fabri­ca­tion du consen­te­ment), à pro­pos de la fon­da­tion des États-Unis d’Amérique :

    Durant les fes­ti­vi­tés de Thanks­gi­ving il y a quelques semaines, j’ai fait une pro­me­nade avec des amis et de la famille dans un parc natio­nal. Nous sommes tom­bés par hasard sur une pierre tom­bale, qui avait l’inscription sui­vante : « Ci-gît une femme indienne, une Wam­pa­noag, dont la famille et la tri­bu ont don­né d’eux-mêmes et de leur terre afin que cette grande nation puisse naître et gran­dir ». Bien sûr, il n’est pas tout à fait exact de dire que la popu­la­tion autoch­tone a don­né d’elle-même et de sa terre à cette noble fin. Elle a plu­tôt été mas­sa­crée, déci­mée et dis­per­sée au cours d’une des plus grandes opé­ra­tions de géno­cide de l’histoire humaine… que nous célé­brons tous les mois d’octobre lorsque nous hono­rons Colomb — lui-même bou­cher notable — lors du Colum­bus Day. Des cen­taines de citoyens amé­ri­cains, des gens bien inten­tion­nés et conve­nables, s’attroupent régu­liè­re­ment près de cette pierre tom­bale et la lisent, appa­rem­ment sans réac­tion, sauf, peut-être, le sen­ti­ment de satis­fac­tion qu’enfin, nous don­nons une cer­taine recon­nais­sance méri­tée aux sacri­fices des autoch­tones… Ils réagi­raient peut-être dif­fé­rem­ment s’ils visi­taient Ausch­witz ou Dachau et qu’ils y trou­vaient une pierre tom­bale indi­quant :« Ci-gît une femme, une Juive, dont la famille et le peuple ont don­né d’eux-mêmes et de leurs biens pour que cette grande nation puisse gran­dir et pros­pé­rer ».

    [A pro­pos de « la fabri­ca­tion du consen­te­ment », un docu­men­taire tiré du livre de Chom­sky est dis­po­nible en vision­nage, gra­tui­te­ment, https://youtu.be/waUIPMXuHV0%5D

    Com­ment les États-Unis ont-ils sur­vé­cu à leur atroce pas­sé, et font-ils aujourd’hui si bonne figure ? Pas en l’admettant, pas en répa­rant, pas en s’excusant auprès des Noirs amé­ri­cains ou des Amé­ri­cains de nais­sance, et cer­tai­ne­ment pas en chan­geant leurs méthodes (main­te­nant, ils exportent leurs cruau­tés). Comme la plu­part des autres pays, les États-Unis ont réécrit leur his­toire. Mais ce qui dis­tingue les États-Unis des autres pays, et les place loin devant dans la course, c’est qu’ils se sont assu­rés les ser­vices de l’entreprise publi­ci­taire la plus puis­sante et la plus pros­père du monde : Hollywood.

    Dans la ver­sion à suc­cès du mythe popu­laire en tant qu’histoire, la « bon­té » des États-Unis a atteint son plus haut niveau pen­dant la deuxième guerre mon­diale (alias la guerre de l’Amérique contre le fas­cisme). Per­du dans le vacarme du son de la trom­pette et du chant de l’ange, il y a le fait que quand le fas­cisme était en plein pro­grès en Europe, le gou­ver­ne­ment des États-Unis a véri­ta­ble­ment détour­né le regard. Lorsqu’Hitler exé­cu­tait son pogrom géno­ci­daire contre les Juifs, les fonc­tion­naires amé­ri­cains ont refu­sé l’entrée aux réfu­giés juifs fuyant l’Allemagne. Les États-Unis ne se sont enga­gés dans la guerre qu’après le bom­bar­de­ment de Pearl Har­bour par les Japo­nais. Étouf­fé par les bruyants hosan­nas, il y a leur acte le plus bar­bare, en fait l’acte le plus féroce dont le monde ait jamais été témoin : le lar­gage de la bombe ato­mique sur des popu­la­tions civiles à Hiro­shi­ma et Naga­sa­ki. La guerre était presque finie. Les cen­taines de mil­liers de Japo­nais qui ont été tués, les innom­brables autres qui ont été inva­li­dés par des can­cers pour les géné­ra­tions à venir, n’étaient pas une menace pour la paix mon­diale. C’était des civils. Exac­te­ment comme les vic­times des bom­bar­de­ments du World Trade Cen­ter et du Penta­gone étaient des civils. Exac­te­ment comme les cen­taines de mil­liers de per­sonnes qui sont mortes en Irak en rai­son des sanc­tions diri­gées par les États-Unis étaient des civils. Le bom­bar­de­ment de Hiro­shi­ma et de Naga­sa­ki était une expé­rience froide et déli­bé­rée exé­cu­tée pour faire une démons­tra­tion de la puis­sance de l’Amérique. A ce moment-là, le pré­sident Tru­man l’a pré­sen­té comme « la plus grande chose de l’histoire ».

    On nous dit que la deuxième guerre mon­diale était une « guerre pour la paix ». Que la bombe ato­mique était une « arme paci­fique ». On nous invite à croire que la force de dis­sua­sion nucléaire a empê­ché une troi­sième guerre mon­diale. (C’était avant que le pré­sident Georges Bush Jr ne sug­gère la« doc­trine de frappe pré­ven­tive »). Y a‑t-il eu un débor­de­ment de paix après la deuxième guerre mon­diale ? Il y avait assu­ré­ment la paix (rela­tive) en Europe et en Amé­rique — mais consi­dère-t-on cela comme une paix mon­diale ? Pas tant que les guerres féroces par per­sonnes inter­po­sées menées dans les pays où vivent les races de cou­leur (Chi­ne­toques, Nègres, Asiates,…) ne sont pas consi­dé­rées comme des guerres du tout.

    Depuis la deuxième guerre mon­diale, les États-Unis ont été en guerre contre, ou ont atta­qué, entre autres, les pays sui­vants : la Corée, le Gua­te­ma­la, Cuba, le Laos, le Viet­nam, le Cam­bodge, la Gre­nade, la Libye, El Sal­va­dor, le Nica­ra­gua, Pana­ma, l’Irak, la Soma­lie, le Sou­dan, la You­go­sla­vie et l’Afghanistan. Cette liste devrait éga­le­ment com­prendre les opé­ra­tions clan­des­tines du gou­ver­ne­ment des États-Unis en Afrique, en Asie et en Amé­rique Latine, les coups d’État qu’il a mani­gan­cés, et les dic­ta­teurs qu’il a armés et sou­te­nus. Elle devrait com­prendre la guerre sou­te­nue par les États-Unis d’Israël au Liban, dans laquelle des mil­liers de per­sonnes ont été tuées. Elle devrait com­prendre le rôle-clé joué par l’Amérique dans le conflit au Moyen-Orient, dans lequel des mil­liers de per­sonnes sont mortes pour com­battre l’occupation illé­gale du ter­ri­toire pales­ti­nien par Israël. Elle devrait com­prendre le rôle de l’Amérique dans la guerre civile en Afgha­nis­tan dans les années 80, dans laquelle plus d’un mil­lion de per­sonnes ont été tuées. Elle devrait com­prendre les embar­gos et les sanc­tions qui ont cau­sé direc­te­ment, et indi­rec­te­ment, la mort de cen­taines de mil­liers de per­sonnes (c’est par­ti­cu­liè­re­ment évident en Irak).

    Met­tez tout cela ensemble, et cela donne tout à fait l’impression qu’il y a eu une troi­sième guerre mon­diale et que le gou­ver­ne­ment des États-Unis était (ou est) un de ses prin­ci­paux protagonistes.

    La majo­ri­té des essais dans For Rea­sons of State de Chom­sky concerne l’agression des États-Unis au Sud-Viet­nam, au Viet­nam du Nord, au Laos et au Cam­bodge. C’est une guerre qui a duré plus de douze ans. 58 000 Amé­ri­cains et à peu près deux mil­lions de Viet­na­miens, de Cam­bod­giens et de Lao­tiens ont per­du la vie. Les États-Unis ont déployé un demi-mil­lion de sol­dats au sol, ont lar­gué plus de six mil­lions de tonnes de bombes. Et pour­tant, bien que vous ne le croi­riez pas si vous regar­diez la majo­ri­té des films d’Hollywood, l’Amérique a per­du la guerre.

    La guerre a com­men­cé au Sud-Viet­nam et s’est ensuite pro­pa­gée au Viet­nam du Nord, au Laos et au Cam­bodge. Après avoir mis en place un régime satel­lite à Sai­gon, le gou­ver­ne­ment des États-Unis s’est invi­té à com­battre l’insurrection com­mu­niste — les gué­rille­ros Viêt-Cong qui s’étaient infil­trés dans les régions rurales du Sud-Viet­nam où les vil­la­geois les cachaient. C’est exac­te­ment le modèle que la Rus­sie a repro­duit quand, en 1979, elle s’est invi­tée en Afgha­nis­tan. Per­sonne dans le « monde libre »n’a aucun doute sur le fait que la Rus­sie a enva­hi l’Afghanistan. Après la glas­nost, un ministre sovié­tique des affaires étran­gères a même qua­li­fié l’invasion sovié­tique de l’Afghanistan « d’illégale et d’immorale ». Mais il n’y a pas eu d’introspection de cette sorte aux États-Unis. En 1984, dans une stu­pé­fiante révé­la­tion, Chom­sky a écrit :

    Depuis 22 ans, j’ai fouillé dans le jour­na­lisme et le savoir domi­nant pour trou­ver une quel­conque allu­sion à une inva­sion amé­ri­caine du Sud-Viet­nam en 1962 (ou n’importe quand) ou à une attaque amé­ri­caine contre le Sud-Viet­nam, ou à une agres­sion amé­ri­caine en Indo­chine – en vain. Il n’y a pas d’événement de ce genre dans l’histoire enre­gis­trée. Par contre, il y a une défense états-unienne du Sud-Viet­nam, contre les ter­ro­ristes sou­te­nus par l’extérieur (prin­ci­pa­le­ment par le Vietnam).

    Il n’y a pas d’événement de ce genre dans l’histoire !

    En 1962, l’armée de l’air des États-Unis a com­men­cé à bom­bar­der le Sud-Viet­nam rural, où vivait 80% de la popu­la­tion. Le bom­bar­de­ment a duré plus d’une décen­nie. Des mil­liers de per­sonnes ont été tuées. L’idée était de bom­bar­der sur une échelle assez colos­sale pour pro­vo­quer une migra­tion affo­lée des vil­lages vers les villes, où les gens pour­raient être rete­nus dans des camps.

    Samuel Hun­ting­ton y a fait réfé­rence en tant que pro­ces­sus « d’urbanisation ». (J’ai étu­dié l’urbanisation lorsque j’étais à l’école d’architecture en Inde. Je ne sais pas pour­quoi, je ne me sou­viens pas du bom­bar­de­ment aérien en tant que par­tie du pro­gramme). Hun­ting­ton — célèbre aujourd’hui pour son essai « Le choc des civi­li­sa­tions ? » — était à ce moment-là pré­sident du Conseil des Études Viet­na­miennes du Groupe Consul­ta­tif sur le Déve­lop­pe­ment du Sud-Est Asia­tique. Chom­sky le cite décri­vant le Viêt-Cong comme « une force puis­sante qui ne peut pas être chas­sée de sa cir­cons­crip­tion aus­si long­temps que la cir­cons­crip­tion conti­nue d’exister ». Hun­ting­ton a conti­nué en conseillant« l’usage direct de la puis­sance méca­nique et conven­tion­nelle » — autre­ment dit, pour écra­ser une guerre popu­laire, éli­mi­ner les gens. (Ou peut-être, pour actua­li­ser la thèse — afin d’éviter un choc de civi­li­sa­tions, anéan­tir une civilisation).

    Voi­ci un obser­va­teur de l’époque sur les limites de la puis­sance méca­nique de l’Amérique : « Le pro­blème est que les machines amé­ri­caines ne sont pas à la hau­teur de la tâche consis­tant à tuer les sol­dats com­mu­nistes, sauf dans le cadre d’une tac­tique de terre brû­lée qui détruit tout le reste aus­si ». Ce pro­blème a été réso­lu main­te­nant. Pas avec des bombes moins des­truc­trices, mais avec un lan­gage plus inven­tif. Il y a une façon plus élé­gante de dire « qui détruit tout le reste aus­si ». Il suf­fit de par­ler de « dom­mages col­la­té­raux ».

    Et voi­ci un compte-ren­du de pre­mière main de ce que les « machines » de l’Amérique (Hun­ting­ton les appe­laient « ins­tru­ments de moder­ni­sa­tion » et les offi­ciers d’état-major du Penta­gone les appe­laient« bomb-o-grams ») peuvent faire. Il est de T.D. All­man, sur­vo­lant la Plaine des Jarres au Laos :

    Même si la guerre au Laos se ter­mi­nait demain, le réta­blis­se­ment de son équi­libre éco­lo­gique pour­rait prendre plu­sieurs années. La recons­truc­tion des villes et des vil­lages tota­le­ment détruits de la Plaine pour­rait prendre autant de temps. Même si cela était fait, la Plaine pour­rait pen­dant long­temps se révé­ler périlleuse pour l’habitation humaine en rai­son des cen­taines de mil­liers de bombes non-explo­sées, de mines et d’objets piégés.

    Un vol récent aux envi­rons de la Plaine des Jarres a lais­sé voir ce que moins de trois années de bom­bar­de­ment amé­ri­cain inten­sif peuvent faire à une région rurale, même après que sa popu­la­tion civile ait été éva­cuée. Dans de vastes régions, la cou­leur tro­pi­cale pri­maire — vert vif — a été rem­pla­cée par un motif abs­trait de cou­leurs métal­liques noires et brillantes. Une bonne par­tie du feuillage res­tant est rabou­gri, ter­nie par les défoliants.

    Aujourd’hui, le noir est la cou­leur domi­nante des éten­dues du nord et de l’est de la Plaine. Du napalm est régu­liè­re­ment lar­gué pour brû­ler l’herbe et les brous­sailles qui recouvrent la Plaine et gar­nissent ses nom­breux ravins étroits. Les feux semblent brû­ler conti­nuel­le­ment, pro­dui­sant des rec­tangles de cou­leur noire. Durant le vol, des panaches de fumée ont pu être vus, s’élevant depuis les régions fraî­che­ment bombardées.

    Les routes prin­ci­pales, arri­vant dans la Plaine depuis le ter­ri­toire sous contrôle com­mu­niste, sont impi­toya­ble­ment bom­bar­dées, appa­rem­ment de manière inin­ter­rom­pue. Là, et le long du bord de la Plaine, la cou­leur domi­nante est le jaune. Toute la végé­ta­tion a été détruite. Les cra­tères sont innom­brables… La région a été si sou­vent bom­bar­dée que la terre res­semble au désert grê­lé et retour­né dans les zones tou­chées par la tem­pête dans le désert nord-africain.

    Plus vers le sud-est, Xieng Khouang­ville — la ville autre­fois la plus peu­plée du Laos com­mu­niste — est vide, détruite. Dans le nord de la Plaine, le petit lieu de vacances de Khang Khay a éga­le­ment été détruit. Autour du ter­rain d’aviation à la base de King Kong, les cou­leurs prin­ci­pales sont le jaune (du sol retour­né) et le noir (du napalm), allé­gées par des taches de rouge et de bleu vif : des para­chutes uti­li­sés pour lar­guer des provisions.

    Les der­niers habi­tants locaux ont été embar­qués par trans­ports aériens. Des pota­gers aban­don­nés qui ne seraient jamais récol­tés pous­saient à proxi­mi­té de mai­sons aban­don­nées, les assiettes tou­jours sur les tables et les calen­driers tou­jours aux murs.

    (Les oiseaux morts, les ani­maux car­bo­ni­sés, les pois­sons mas­sa­crés, les insectes inci­né­rés, les sources d’eau empoi­son­nées, la végé­ta­tion détruite ne sont jamais comp­tés dans les « coûts » de la guerre. L’arrogance de la race humaine à l’égard des autres êtres vivants avec les­quels elle par­tage cette pla­nète est rare­ment men­tion­née. Tout cela est oublié dans les com­bats pour les mar­chés et les idéo­lo­gies. Cette arro­gance cau­se­ra pro­ba­ble­ment la perte défi­ni­tive de l’espèce humaine).

    La clé de voûte de For Rea­sons of State est un essai inti­tu­lé The Men­ta­li­ty of the Backroom Boys (« La men­ta­li­té des tra­vailleurs de l’ombre »), dans lequel Chom­sky pré­sente une ana­lyse com­plète extra­or­di­nai­re­ment souple des Penta­gon Papers, les­quels, dit-il, « four­nissent la preuve par écrit d’un com­plot pour uti­li­ser la force dans les affaires inter­na­tio­nales en vio­la­tion de la loi ». Ici aus­si, Chom­sky prend note du fait qu’alors que le bom­bar­de­ment du Viet­nam du Nord est exa­mi­né en long et en large dans les Penta­gon Papers, l’invasion du Sud-Viet­nam mérite tout juste d’être mentionnée.

    Les Penta­gon Papers sont fas­ci­nants, pas en tant que docu­ments de l’histoire de la guerre des États-Unis en Indo­chine, mais en tant qu’aperçu des idées des hommes qui l’ont éla­bo­rée et exé­cu­tée. C’est pas­sion­nant d’être au cou­rant des idées qui étaient lan­cées, des sug­ges­tions qui étaient faites, des pro­po­si­tions qui étaient émises. Dans une sec­tion inti­tu­lée The Asian Mind / The Ame­ri­can Mind (L’esprit asia­tique / L’esprit amé­ri­cain), Chom­sky exa­mine le débat sur la men­ta­li­té de l’ennemi qui« accepte stoï­que­ment la des­truc­tion des richesses et la perte de vies », alors que « Nous vou­lons la vie, le bon­heur, la richesse, la puis­sance », et que pour nous « la mort et les souf­frances sont des choix irra­tion­nels quand il existe des alter­na­tives ». Donc, nous appre­nons que les pauvres asia­tiques, vrai­sem­bla­ble­ment parce qu’ils ne peuvent pas com­prendre la signi­fi­ca­tion du bon­heur, des richesses et de la puis­sance, invitent l’Amérique à ame­ner cette « logique stra­té­gique à sa conclu­sion, qui est le géno­cide ». Mais ensuite, « nous » nous déro­bons parce que « le géno­cide est un far­deau ter­rible à sup­por­ter ». (Fina­le­ment, bien sûr, « nous » avons pour­sui­vi et avons de toute façon exé­cu­té un géno­cide, et ensuite avons fait comme si rien ne s’était passé).

    Bien sûr, les Penta­gon Papers contiennent aus­si un cer­tain nombre de pro­po­si­tions modérées :

    Les frappes ciblant la popu­la­tion (pro­pre­ment dit) sont non seule­ment sus­cep­tibles de créer une vague de dégoût contre-pro­duc­tive à l’étranger et chez nous, mais d’augmenter énor­mé­ment le risque d’étendre la guerre avec la Chine et l’Union Sovié­tique. La des­truc­tion des écluses et des bar­rages pour­rait tou­te­fois… —si elle est bien gérée — offrir un espoir. Elle devrait être exa­mi­née soi­gneu­se­ment. Une telle des­truc­tion ne tue ni ne noie pas les gens. Une inon­da­tion super­fi­cielle du riz occa­sionne, après un cer­tain temps, une famine consi­dé­rable (plus d’un mil­lion?) à moins que des vivres ne soient four­nis — ce que nous pou­vons pro­po­ser de faire « à la table de confé­rence ».

    Couche par couche, Chom­sky démonte com­plè­te­ment le pro­ces­sus de prise de déci­sions des fonc­tion­naires du gou­ver­ne­ment des États-Unis, pour révé­ler la nature impi­toyable du cœur de la machine de guerre amé­ri­caine, tota­le­ment iso­lée des réa­li­tés de la guerre, aveu­glée par l’idéologie et dis­po­sée à anéan­tir des mil­lions d’êtres humains, des civils, des sol­dats, des femmes, des enfants, des vil­lages, des villes entières, des éco­sys­tèmes entiers — à l’aide de méthodes vio­lentes scien­ti­fi­que­ment affinées.

    Ici, un pilote amé­ri­cain par­lant des joies du napalm :

    Nous sommes vache­ment contents de ces cher­cheurs ano­nymes de Dow. Le pro­duit ini­tial n’était pas assez chaud — si les Asiates étaient rapides, ils pou­vaient l’enlever en grat­tant. Donc, les cher­cheurs ont com­men­cé à ajou­ter du poly­sty­rène — main­te­nant, ça colle comme de la merde à une cou­ver­ture. Mais alors, si les Asiates sau­taient dans l’eau, cela ces­sait de brû­ler, donc ils ont com­men­cé à ajou­ter du Willie Peter (phos­phore blanc) afin que cela brûle mieux. Il brû­le­ra même sous l’eau main­te­nant. Et une seule goutte est suf­fi­sante, cela conti­nue­ra à brû­ler jusqu’à l’os afin qu’ils meurent de toute façon d’un empoi­son­ne­ment au phosphore.

    Donc, les chan­ceux Asiates étaient anéan­tis pour leur bien. Plu­tôt morts que rouges.

    Grâce aux charmes sédui­sants d’Hollywood et à l’appel irré­sis­tible des mass-médias de l’Amérique, après toutes ces années, le monde consi­dère la guerre comme une his­toire amé­ri­caine. L’Indochine a four­ni la toile de fond tro­pi­cale luxu­riante contre laquelle les États-Unis ont joué leurs fan­tasmes de vio­lence, ont essayé leur der­nière tech­no­lo­gie, ont affi­né leur idéo­lo­gie, ont exa­mi­né leur conscience, se sont tour­men­tés à pro­pos de leurs dilemmes moraux, et se sont occu­pés de leur culpa­bi­li­té (ou ont fait mine de le faire). Les Viet­na­miens, les Cam­bod­giens et les Lao­tiens n’étaient que les acces­soires de ce scé­na­rio. Ano­nymes, sans visage, huma­noïdes aux yeux bri­dés. Ce sont juste des gens qui sont morts. Des Asiates.

    La seule véri­table leçon que le gou­ver­ne­ment des États-Unis ait tirée de son inva­sion de l’Indochine est la manière d’entrer en guerre sans enga­ger les troupes amé­ri­caines et ris­quer les vies amé­ri­caines. Donc main­te­nant, les guerres sont menées avec des mis­siles de croi­sière à longue por­tée, des Black Hawks, et des « bun­ker bus­ters ». Des guerres dans les­quelles les « alliés » perdent plus de jour­na­listes que de soldats.

    Quand j’étais enfant, j’ai gran­di dans l’état du Kera­la, dans le sud de l’Inde — où le pre­mier gou­ver­ne­ment com­mu­niste élu démo­cra­ti­que­ment du monde a accé­dé au pou­voir en 1959, l’année de ma nais­sance — être une Asiate m’inquiétait ter­ri­ble­ment. Le Kera­la n’est qu’à quelques mil­liers de miles à l’ouest du Viet­nam. Nous avions aus­si des jungles, des rivières, des rizières et des com­mu­nistes. Je ne ces­sais d’imaginer ma maman, mon frère et moi nous faire souf­fler des buis­sons par une gre­nade, ou fau­cher, comme les Asiates dans les films, par un sol­dat amé­ri­cain avec des bras mus­clés, un che­wing-gum et une musique de fond assour­dis­sante. Dans mes rêves, j’étais la fille brû­lée de la célèbre pho­to prise sur la route de Trang Bang.

    Étant don­né que j’ai gran­di entre la pro­pa­gande amé­ri­caine et la pro­pa­gande sovié­tique (qui se neu­tra­li­saient plus ou moins l’une l’autre), quand j’ai lu Chom­sky pour la pre­mière fois, je me suis dit que sa col­lec­tion de preuves, leur quan­ti­té et son achar­ne­ment, étaient un peu — com­ment dire ? — insen­sés ? Même le quart des preuves qu’il avait com­pi­lé aurait été suf­fi­sant pour me convaincre. Je me deman­dais pour­quoi il avait besoin d’en faire tel­le­ment. Mais main­te­nant, je com­prends que l’ampleur et l’intensité du tra­vail de Chom­sky est un baro­mètre de l’ampleur, de l’étendue et de l’acharnement de la machine de pro­pa­gande contre laquelle il se bat. Il est comme le ver à bois qui vit dans le troi­sième casier de ma biblio­thèque. Jour et nuit, j’entends ses mâchoires qui écrasent le bois, le rédui­sant en fine pous­sière. C’est comme s’il n’était pas d’accord avec la lit­té­ra­ture et qu’il vou­lait détruire la struc­ture même sur laquelle elle repose. Je l’appelle Chomsky.

    Être un amé­ri­cain tra­vaillant en Amé­rique, écri­vant pour expli­quer son ana­lyse aux Amé­ri­cains, cela doit vrai­ment être comme avoir à creu­ser des gale­ries à tra­vers du bois dur. Chom­sky fait par­tie d’une petite bande d’individus qui com­battent une indus­trie toute entière. Et cela le rend non seule­ment brillant, mais héroïque.

    Il y a quelques années, dans un entre­tien émou­vant avec James Peck, Chom­sky a par­lé de son sou­ve­nir du jour où Hiro­shi­ma a été bom­bar­dé. Il avait seize ans :

    Je me sou­viens que je ne pou­vais lit­té­ra­le­ment par­ler à per­sonne. Il n’y avait per­sonne. Je me suis juste éloi­gné tout seul. J’étais à ce moment-là en colo­nie de vacances, et quand je l’ai appris, je me suis éloi­gné dans les bois et je suis res­té seul envi­ron deux heures. Je n’ai jamais pu en par­ler à per­sonne et je n’ai jamais com­pris la réac­tion de qui que ce soit. Je me sen­tais tota­le­ment isolé.

    Cet iso­le­ment a don­né nais­sance à un des plus grands, et des plus radi­caux, pen­seurs publics de notre époque. Et lorsque le soleil se cou­che­ra sur l’empire amé­ri­cain, comme ça, comme il se doit, le tra­vail de Noam Chom­sky survivra.

    Il mon­tre­ra d’un doigt froid et incri­mi­nant l’empire impi­toyable et machia­vé­lique aus­si cruel, pha­ri­saïque et hypo­crite que ceux qu’il a rem­pla­cés. (La seule dif­fé­rence est qu’il est armé d’une tech­no­lo­gie pou­vant infli­ger au monde un genre de dévas­ta­tion sans pré­cé­dent dans l’histoire, à peine ima­gi­nable pour la race humaine).

    Étant don­né que j’aurais pu être Asiate, et qui sait, peut-être en tant qu’Asiate poten­tielle, il est rare qu’une jour­née se passe durant laquelle je ne me retrouve pas à pen­ser — pour une rai­son ou pour une autre — « Chom­sky Zin­da­bad » (Vive Chomsky) !

    Arund­ha­ti Roy

    Source : http://​www​.les​-crises​.fr/​l​a​-​s​o​l​i​t​u​d​e​-​d​e​-​n​o​a​m​-​c​h​o​m​s​k​y​-​p​a​r​-​a​r​u​n​d​h​a​t​i​-​r​oy/

    Réponse
  3. etienne

    Noam Chom­sky La Fabri­ca­tion du Consentement

    httpv://youtu.be/waUIPMXuHV0

    httpv://youtu.be/ri3opfLaQpU

    Réponse
  4. BA

    2015 : chiffres mis à jour.

    - Union Européenne : 

    1 005 504 migrants sont entrés dans l’U­nion Euro­péenne. Record battu.

    - Dji­had :

    L’an­née 2015 aura vu les dji­ha­distes faire 147 morts en France. Record battu.

    - Indice de Déve­lop­pe­ment Humain :

    D’a­près cet indice créé par l’O­NU, la France des­cend à la 22ème place. Je dis bien : 22ème place. Record battu.

    La France ne fait plus par­tie des 20 pays où l’on vit le mieux.

    http://​bfm​bu​si​ness​.bfmtv​.com/​m​o​n​d​e​/​l​a​-​f​r​a​n​c​e​-​n​e​-​f​a​i​t​-​p​l​u​s​-​p​a​r​t​i​e​-​d​e​s​-​2​0​-​p​a​y​s​-​o​u​-​l​-​o​n​-​v​i​t​-​l​e​-​m​i​e​u​x​-​9​3​8​8​9​7​.​h​tml

    - Décou­verts bancaires :

    Les Fran­çais sont de plus en plus sou­vent dans le rouge. Selon la banque de France, le décou­vert glo­bal des par­ti­cu­liers est pas­sé d’un peu plus de 6 mil­liards d’eu­ros en 2006 à 7,6 mil­liards d’eu­ros en 2015. Record battu. 

    - Chô­mage :

    Chô­mage, caté­go­ries A, B, C, D, E :

    6 475 100 ins­crits à Pôle Emploi. Record bat­tu. Varia­tion sur un mois : + 0,2 %. Varia­tion sur un an : + 4,9 %.

    http://​dares​.tra​vail​-emploi​.gouv​.fr/​I​M​G​/​p​d​f​/​p​i​-​m​e​n​s​u​e​l​l​e​-​c​t​p​a​l​e​3​.​pdf

    - Mal-loge­ment :

    La Fon­da­tion Abbé Pierre dénombre 3,8 mil­lions de per­sonnes souf­frant de mal-loge­ment ou d’absence de loge­ment per­son­nel. Record bat­tu. Se réfé­rant aux résul­tats des enquêtes « sans-domi­cile » de l’Insee, la Fon­da­tion Abbé Pierre sou­ligne que la pro­por­tion de per­sonnes sans-abri a aug­men­té de 50 % de 2001 à 2012. Record battu.

    - Res­tos du Coeur :

    50 000 béné­fi­ciaires de plus en un an. C’est plus d’un mil­lion de béné­fi­ciaires par an. Record battu.

    - Front National :

    Second tour des élec­tions régio­nales : 6 820 477 voix. Record battu.

    Réponse
  5. Maes Bénédicte

    Ben, je ne sais pas encore quoi dire. Je vous admire, j’ai com­pris en vous écou­tant que je suis « une char­mante anar­chiste ». Je suis tel­le­ment déso­lée de ne pas pou­voir faire plus ! Mais je ne fais pas rien non plus !

    Réponse
  6. gilles

    Je viens de lire un site et à la suite de cette lec­ture il me semble que les ate­liers consti­tuants ne débou­che­ront sur une appli­ca­tion effec­tive qu’a­près des luttes plus déterminées.

    http://​par​tage​-le​.com/​2​0​1​5​/​1​2​/​l​e​-​p​a​c​i​f​i​s​m​e​-​c​o​m​m​e​-​p​a​t​h​o​l​o​g​i​e​-​p​a​r​-​d​e​r​r​i​c​k​-​j​e​n​s​en/

    Extraits :
    La ques­tion fon­da­men­tale posée ici est : la vio­lence est-elle un outil accep­table de l’établissement du chan­ge­ment social ? Il s’agit peut-être de la plus impor­tante des ques­tions de notre époque, et pour­tant, bien sou­vent, les dis­cus­sions à son sujet tournent autour de cli­chés et d’une sorte de pen­sée magique : comme si, d’une cer­taine façon, si nous étions tous assez bons et gen­tils, l’État et le patro­nat ces­se­raient d’utiliser leurs vio­lences pour nous exploi­ter. J’aimerais que cela soit vrai. Mais, bien évi­dem­ment, ce n’est pas le cas.

    Il est impos­sible de faire face à un com­por­te­ment abu­sif ou psy­cho­pa­tho­lo­gique à l’aide de moyens ration­nels, peu importe à quel point il est dans l’intérêt de l’agresseur ou du psy­cho­pathe que nous le croyions.

    J’ai, dans ma vie, fait l’expérience de quelques rela­tions que je qua­li­fie­rais d’émotionnellement abu­sives. Il m’a fal­lu des années pour apprendre une leçon très impor­tante : vous ne pou­vez pas débattre avec un agres­seur. Vous per­drez tou­jours. D’ailleurs, vous avez per­du dès le com­men­ce­ment (ou plus pré­ci­sé­ment, dès que vous répon­dez à ses pro­vo­ca­tions). Pour­quoi ? Parce qu’ils trichent. Ils mentent. Ils contrôlent les condi­tions de tout « débat », et si vous sor­tez de ce cadre, ils vous frap­pe­ront jusqu’à ce que vous ren­triez dans le rang. (Et, bien sûr, nous consta­tons la même chose à plus grande échelle). Si cela se pro­duit suf­fi­sam­ment sou­vent, ils n’ont plus à vous frap­per, puisque vous ces­sez de dépas­ser les bornes. Et si cela se pro­duit vrai­ment assez sou­vent, vous pour­riez ima­gi­ner une phi­lo­so­phie ou une reli­gion qui ferait du res­pect des limites une ver­tu. (Et, bien sûr, nous consta­tons encore la même chose à plus grande échelle).

    Une autre rai­son pour laquelle vous per­dez tou­jours en dis­cu­tant avec un agres­seur, c’est qu’ils excellent dans le domaine des doubles contraintes. Une double contrainte, c’est une situa­tion dans laquelle, si vous choi­sis­sez la pre­mière option, vous per­dez, et si vous choi­sis­sez la seconde option, vous per­dez, et dont vous ne pou­vez vous sortir.

    Le seul moyen d’échapper à une double contrainte, c’est de la briser.

    C’est la seule solution.

    Une double contrainte. L’une des choses les plus intel­li­gentes que les nazis aient faite, a été de faire en sorte qu’à chaque étape il soit ration­nel­le­ment dans l’intérêt des Juifs de ne pas résis­ter. Beau­coup de Juifs avaient l’espoir — et cet espoir fut ali­men­té par les nazis — qu’en jouant le jeu, en sui­vant les règles éta­blies par ceux au pou­voir, leurs vies n’empireraient pas, qu’ils ne seraient pas tués. Pré­fé­rez-vous avoir une carte d’identité, ou pré­fé­rez-vous résis­ter et ris­quer de vous faire tuer ? Pré­fé­rez-vous aller dans un ghet­to (une réserve, ou autre) ou pré­fé­rez-vous résis­ter et ris­quer de vous faire tuer ? Pré­fé­rez-vous mon­ter dans un wagon à bes­tiaux, ou pré­fé­rez-vous résis­ter et ris­quer de vous faire tuer ? Pré­fé­rez-vous entrer dans les douches, ou pré­fé­rez-vous résis­ter et ris­quer de vous faire tuer ?

    Mais je vais vous racon­ter quelque chose de très impor­tant : les Juifs ayant par­ti­ci­pé à l’insurrection du Ghet­to de Var­so­vie, y com­pris ceux qui se sont lan­cés dans ce qu’ils pen­saient être des mis­sions sui­cide, ont eu un taux de sur­vie plus éle­vé que ceux qui se sont pliés. N’oubliez jamais ça.

    La seule solu­tion pour sor­tir d’une double contrainte, c’est de la bri­ser. N’oubliez jamais ça non plus.

    Réponse
    • etienne

      Mer­ci Gilles. C’est vrai­ment intéressant.

      C’est vrai qu’ils paraissent indécrottables…
      Chris Hedges – la patho­lo­gie des super-riches 
      httpv://youtu.be/_4Cvcz97YRg

      Réponse
    • Eve

      Je me sou­viens d’un film ancien où un des acteurs prin­ci­paux , vieux méca­ni­cien de métier avait pla­cé une pièce de mon­naie dans l’en­gre­nage d’une loco­mo­tive , cause qui avait empê­ché le train de démar­rer ! Sans rêver et en pleine conscience ciné­ma­to­gra­phique par la sym­bo­lique de son époque , cher­cher et trou­ver la petite graine , le noyau , le pion indes­truc­tible pla­cé à faire échouer cet engre­nage hui­lé ! Mer­ci aus­si pour votre commentaire

      Réponse
  7. zedav

    Entre­tien cap­ti­vant, dense et bien arti­cu­lé, je vais réécou­ter sous peu avec ma fille de 10 ans (déjà ini­tiée). Je sou­haite reve­nir sur deux points, l’un essen­tiel et posi­tif, l’autre je crois dommageable.

    1) Cette remarque qui dit en sub­stance : ça avance, peut-être pas assez vite mais il y a une prise de conscience. Ce chan­ge­ment sur­vien­dra, MAIS PEUT-ÊTRE PAS DE NOTRE VIVANT.

    S’il on attend des résul­tats (par ex. des ate­liers consti­tuants) à l’é­chelle de ce qui change dans notre vie, nos fré­quen­ta­tions, notre tra­vail, nos acti­vi­tés, nos centres d’in­té­rêts, nos apti­tudes (et cette attente est nor­male car nous avons natu­rel­le­ment ten­dance à être la mesure de nous-mêmes) nous ne pou­vons qu’être déçus puis à nou­veau rési­gnés, après le moment d’es­poir consé­cu­tif de notre ren­contre avec cette idée (ce n’est pas aux hommes de pou­voir d’é­crire les règles du pou­voir).

    Il fau­drait — comme Étienne y par­vient me semble-t-il — que nous soyons très actifs sans néces­sai­re­ment attendre de résul­tat ; obs­ti­nés, per­sé­vé­rants et comme déta­chés de notre égo (qui sans cesse vou­drait se retour­ner sur les trans­for­ma­tions obte­nues pour s’en glorifier). 

    Et il me semble que la prise de conscience que les pro­ces­sus his­to­riques ou les chan­ge­ments sociaux majeurs ne se font jamais à l’é­chelle de notre vie, est une condi­tion néces­saire pour per­sé­vé­rer sans nous décou­ra­ger ou nous four­voyer dans l’im­pa­tience. Il me paraît donc essen­tiel que chaque « gen­til virus » sou­ligne ce point lors­qu’il tente de « conta­mi­ner » pour que la conta­gion ne s’é­puise pas par insuf­fi­sance d’ef­fets visibles.

    2) « Les forts », « les faibles », « les malins » : cela contri­bue à natu­ra­li­ser les phé­no­mènes sociaux donc à les rendre iné­luc­tables, ce qui se résume en effet assez bien par mort aux cons. Ici Lor­don est pré­cieux (cf. entre autres « Impe­rium » https://​you​tu​.be/​I​N​d​Z​u​6​D​I​OR4) : le pou­voir du « grand homme » n’est que la cap­ta­tion de la puis­sance de la mul­ti­tude. Cette cap­ta­tion résulte de la posi­tion que vous occu­pez dans la socié­té, donc de votre his­toire sociale, dont vos apti­tudes ne sont qu’un tout petit para­mètre. Vous avez beau être très com­pé­tent dans votre domaine, votre influence sera bien plus faible que celle des innom­brables incom­pé­tents inves­tis de l’a­gré­ment de la mul­ti­tude via les institutions.

    Et j’ai du mal à croire que l’on naît avec la volon­té de deve­nir pré­sident de la répu­blique ou ban­quier, et aus­si que tout ceux qui vou­draient exer­cer ces pou­voirs — fussent-ils com­pé­tents — y parviennent.

    Certes, nos apti­tudes et talents dif­fèrent, qua­li­ta­ti­ve­ment ET quan­ti­ta­ti­ve­ment et il y a donc bien des « forts » et des « faibles » (putain que je déteste cette notion sim­pliste, comme si nous pou­vions être com­pa­rés sur un seul para­mètre, pré­ci­sé­ment ce que tente d’ac­com­plir la ségré­ga­tion par l’argent). Mais le vrai pou­voir est d’a­bord la cap­ta­tion de la puis­sance de la mul­ti­tude par la posi­tion que vous occu­pez dans la société. 

    Pour le dire de la façon la plus concise pos­sible (dif­fi­cile de caser par­tout « cap­ta­tion de la puis­sance de la mul­ti­tude » de façon immé­dia­te­ment com­pré­hen­sible), il y a d’a­bord des POSITIONS DE FORCE et des POSITIONS DE FAIBLESSE et je crois cher Étienne qu’il est dom­ma­geable de négli­ger cette pré­ci­sion sémantique.

    C’est comme de faire l’ef­fort de rigueur de par­ler d’anti-constitution, d’a­ris­to­cra­tie élec­tive, de gou­ver­ne­ment pré­ten­du­ment repré­sen­ta­tif, d’ins­ti­tu­tion judi­ciaire… ça remet les mots à l’en­droit et ça per­met de mieux com­prendre com­ment agir.

    httpv://youtu.be/INdZu6DIOR4

    Réponse
  8. Marcoeurdelion

    Pour aller dans le sens, ou pas (c’est-à-dire aus­si dans ces contra­dic­tions par rap­port), de la vidéo de Fré­dé­ric Laloux autour de son livre « Rein­ven­ting orga­ni­za­tions : Vers des com­mu­nau­tés de tra­vail ins­pi­rées » , je vous pro­pose une vidéo en deux par­ties de Bap­tiste Rap­pin (Maître de Confé­rences en Sciences de Ges­tion à l’IAE de Metz, Uni­ver­si­té de Lor­raine), la seconde par­ties étant le cœur du sujet :

    1ère par­tie : https://​www​.dai​ly​mo​tion​.com/​v​i​d​e​o​/​x​3​3​a​y5x (33mn)

    2ème par­ties : https://​www​.dai​ly​mo​tion​.com/​v​i​d​e​o​/​x​3​3​b​d​6​z​_​b​a​p​t​i​s​t​e​-​r​a​p​p​i​n​-​l​e​-​m​a​n​a​g​e​m​e​n​t​-​o​u​-​l​e​-​p​a​s​s​a​g​e​-​d​e​-​l​-​i​n​s​t​i​t​u​t​i​o​n​-​a​-​l​-​o​r​g​a​n​i​s​a​t​i​o​n​-​p​a​r​t​i​e​-​2​_​n​ews (43mn)

    Son site : https://​bap​tis​te​rap​pin​.word​press​.com/​q​u​i​-​s​u​i​s​-​je/

    Son CV : http://cerefige.univ-lorraine.fr/sites/cerefige.univ-lorraine.fr/files/users/documents/doc_enseignant/cv_br‑1.pdf

    Réponse
  9. etienne

    Extrait : des entre­prises sans hiérarchie
    httpv://youtu.be/Ywk_tDiDvPo

    Réponse
  10. Jacques

    Très bien ces cita­tions d’Alain ! Celle-ci sur­tout, j’ai bien aimé : « La science ne plaît pas en pers­pec­tive, il faut y entrer, il faut une contrainte au com­men­ce­ment, une dif­fi­cul­té, tou­jours. »

    Qui me fait pen­ser au début (5e minute) d’une récente inter­ven­tion de Jean-Luc Mélen­chon à Science-Po : « Je pense que c’est le conflit qui crée la conscience. Et là où il n’y a pas de conflit il n’y a pas de conscience parce qu’il n’y a pas de mise à distance. »

    Après je ne suis pas expert, il fau­drait com­pa­rer dans les textes, mais Hadot dans son « Qu’est-ce que la phi­lo­so­phie antique ? » dit, P.142–144 : « Ce tra­vail d’éducation, Aris­tote consi­dère que c’est à la cité de l’effectuer par la contrainte de ses lois et par la coer­ci­tion. C’est donc le rôle de l’homme poli­tique et du légis­la­teur d’assurer la ver­tu de ses conci­toyens, et ain­si leur bon­heur, d’une part en orga­ni­sant une cité où les citoyens pour­ront effec­ti­ve­ment être édu­qués de façon à deve­nir ver­tueux, d’autre part en assu­rant au sein de la cité la pos­si­bi­li­té du loi­sir qui per­met­tra aux phi­lo­sophes d’accéder à la vie théo­ré­tique. » […] « Aris­tote, comme Pla­ton, fonde sur les hommes poli­tiques son espoir de trans­for­mer la cité et les hommes. Mais Pla­ton consi­dé­rait que les phi­lo­sophes doivent être eux-mêmes les hommes poli­tiques qui réa­li­se­ront cette œuvre. Il pro­po­sait donc aux phi­lo­sophes un choix de vie et une for­ma­tion qui en feraient à la fois des contem­pla­tifs et des hommes d’action, savoirs et ver­tus s’impliquaient mutuel­le­ment. Pour Aris­tote, au contraire, l’activité du phi­lo­sophe dans la cité doit se bor­ner à for­mer le juge­ment des poli­tiques : ceux-ci, de leur côté, auront à agir per­son­nel­le­ment, par leur légis­la­tion, pour assu­rer la ver­tu morale des citoyens. Le phi­lo­sophe, pour sa part, choi­si­ra une vie consa­crée à la recherche dés­in­té­res­sée, à l’étude et la contem­pla­tion, et, il faut bien le recon­naître, indé­pen­dante des tra­cas de la vie politique. »

    Quelques liens qui me sem­blaient intéressant :

    « Flo­rence Gau­thier a mon­tré qu’il existe dans la Décla­ra­tion une contra­dic­tion entre droit natu­rel à la liber­té et droit natu­rel à la pro­prié­té. » Citant « Eric Hazan Une his­toire de la Révo­lu­tion fran­çaise, La fabrique, 2012. » https://​blogs​.media​part​.fr/​a​n​n​i​e​-​s​t​a​s​s​e​/​b​l​o​g​/​0​3​1​2​1​5​/​c​o​n​t​r​a​d​i​c​t​i​o​n​-​d​a​n​s​-​l​a​-​d​e​c​l​a​r​a​t​i​o​n​-​d​e​s​-​d​r​o​i​t​s​-​d​e​-​1​789

    « Le retour des com­muns » « Sources et ori­gines d’un pro­gramme de recherche » par Ben­ja­min Coriat https://​regu​la​tion​.revues​.org/​1​0​463 et (/ou) une confé­rence vidéo (2h) : http://www.atterres.org/vid%C3%A9o/le-retour-des-communs

    Signa­lé sur le site des éco­no­mistes atter­rés : « Col­lec­tif ACIDES, Arrê­tons les frais ! Pour un ensei­gne­ment supé­rieur gra­tuit et éman­ci­pa­teur » https://​lec​tures​.revues​.org/​1​7​862

    Réponse
    • Jacques

      Il y a deux cita­tions de Hadot que j’aimerais par­ta­ger, trou­vées dans « La cita­delle intérieure » :

      p.234–235 : « On pense peut-être qu’une répar­ti­tion « égale » ne peut être une répar­ti­tion « pro­por­tion­née à la valeur ». Mais il faut bien se rap­pe­ler que, depuis Pla­ton et Aris­tote, l’égalité poli­tique est une éga­li­té géo­mé­trique, c’est-à-dire pré­ci­sé­ment une pro­por­tion dans laquelle à la valeur supé­rieure il convient d’attribuer un bien supé­rieur, et à la valeur infé­rieur un bien infé­rieur. La dis­tri­bu­tion est pro­por­tion­née à l’ « are­té », qui signi­fiait autre­fois la noblesse aris­to­cra­tique, et qui signi­fie pour les stoï­ciens la noblesse de l’âme, la ver­tu. La jus­tice stoï­cienne sera donc aris­to­cra­tique, non pas au sens où elle consis­te­rait à don­ner richesse et pou­voir, choses indif­fé­rentes, à la classe aris­to­cra­tique, mais au sens où elle fait inter­ve­nir la consi­dé­ra­tion de la valeur et de la res­pon­sa­bi­li­té morales dans toutes les déci­sions de la vie poli­tique et privée. »

      p.242 : « Et, pour être plus frap­pant encore, Marc Aurèle dit que la bon­té se sent lorsqu’on approche d’un homme bon, comme on sent immé­dia­te­ment, qu’on le veuille ou non, la mau­vaise odeur de quelqu’un qui sent mau­vais. C’est cette pure dou­ceur, c’est cette déli­ca­tesse qui ont le pou­voir de faire chan­ger d’avis, de conver­tir, de faire décou­vrir les vraies valeurs à ceux qui les ignorent : « la bon­té est invin­cible, si elle est sin­cère, sans sou­rire nar­quois, sans affec­ta­tion » (XI, 18, 15). Loin d’être une fai­blesse, elle est une force : « Ce n’est pas la colère qui est virile, mais c’est la dou­ceur et la déli­ca­tesse. Car c’est parce qu’elles sont plus humaines qu’elles sont plus viriles : elles pos­sèdent plus de force, plus de nerf, plus de viri­li­té, et c’est ce qui manque à celui qui se met en colère et qui s’irrite » (XI, 18, 21).

      Réponse
  11. Rémi

    Bon­jour,

    Un col­lègue de tra­vail m’a récem­ment confié, avoir crée un mou­ve­ment poli­tique pro-tirage au sort, dans les années 95, qui était tom­bé à l’eau suite à l’avancement des légis­la­tives de 1997.
    Ce mou­ve­ment avait pour objec­tif de pré­sen­ter des listes de citoyens, tirés au sort, dans la popu­la­tion, aux élec­tions législatives.
    Pour­quoi ne pas réuti­li­ser ce prin­cipe pour chaque élec­tion, en pré­sen­tant sys­té­ma­ti­que­ment, par­tout où cela est pos­sible, une liste de citoyens ou un citoyen, tiré préa­la­ble­ment au sort et des­ti­né à sié­ger dans les dif­fé­rentes assem­blées. Ne pen­sez-vous pas que cela per­met­trait de popu­la­ri­ser effi­ca­ce­ment les idées du TAS, voir d’amorcer pro­gres­si­ve­ment une forme de tran­si­tion vers la géné­ra­li­sa­tion du principe ?
    Bien cordialement.
    Rémi.

    Réponse
  12. Pierre

    Étienne,

    À mon avis il y a quelque chose de majeur à côté duquel tu passes, concer­nant le fait que les ate­liers consti­tuants se répandent, chez les jeunes (dont je fais partie).

    En réa­li­té, adhé­rer à ces idées de réécri­ture de la consti­tu­tion demande néces­sai­re­ment un cer­tain degré de réflexion qui fait que l’on ne peut pas­ser à côté des des faits suivants :

    1) Le sala­riat est une forme d’es­cla­vage, et de sou­mis­sion. Alors que le tra­vail pour­rait être orga­ni­sé de manière démocratique

    2) La majo­ri­té des emplois qui nous sont pro­po­sés sont non seule­ment inutiles, mais en plus nui­sible en termes éco­lo­giques et sociaux. (Y com­pris on se rend compte que les mêmes métiers qui parais­saient les plus nobles et hors de cause, tels que pro­fes­seur, sont en réa­li­té loin de l’être comme tu l’é­voques dans cette vidéo, ou voir des​co​la​ri​sa​tion​.org )

    Dés lors, quand on a 25 ans, on en arrive for­ce­ment à se poser la ques­tion de ce que l’on va faire de sa vie. 

    - Soit accep­ter la voie nor­male du sala­riat nor­mal sans se poser de ques­tion et don­ner la majo­ri­té de notre éner­gie pour oeu­vrer pen­dant 40 ans, à ce qu’au plus pro­fond de ses tripes on trouve révol­tant, le contraire de ses idéaux, de quoi deve­nir schi­zo­phrène et malheureux.

    - Soit on décide de refu­ser ça, et on a alors le besoin vital à titre per­son­nel de trou­ver une alter­na­tive viable : soit pour cap­ter des signes moné­taires d’une façon qui reste un mini­mum en accord avec ses prin­cipes, ou pour vivre en se pas­sant de signes moné­taire. Et ce besoin est très pres­sant, le temps devient hyper-pré­cieux, car il est néces­saire de trou­ver une alter­na­tive à court terme.

    Dès lors mal­heu­reu­se­ment, la ques­tion de don­ner du temps et de l’éner­gie pour les ate­liers consti­tuants qui ont un inté­rêt dans un futur loin­tain, attire natu­rel­le­ment beau­coup moins notre atten­tion, que notre pro­blème à court terme qui relève de la sur­vie (ou en tous les cas per­çus comme tel).

    Je sais que je suis loin d’être le seul à avoir ce pro­blème, je connais de nom­breux amis dans le même dilemme.

    À mon avis, il fau­drait que col­lec­ti­ve­ment, on soit capable de créer une sorte de « front de libé­ra­tion du tra­vail ». Un mou­ve­ment qui per­met­trait d’une manière ou d’une autre à toute per­sonne qui veut tra­vailler, mais qui exige que ce soit dans un cadre un mini­mum éthique et démo­cra­tique, puisse le faire dans un cadre qui assure sa sur­vie, et donc soit libé­ré de ce problème 

    (J’y réflé­chis).

    Pierre.

    Réponse
  13. Eve

    Bon­soir ! excel­lente vidéo .
    J’ai beau­coup appré­cié en par­ti­cu­lier votre pas­sage sur l’éducation !
    Il me semble évident de mai­tri­ser le savoir de la lec­ture le plus tôt , sur­tout pour évi­ter que ne s’ins­talle exclu­si­ve­ment le lan­gage codé des SMS , si rapi­de­ment acquis !
    Je pense par ailleurs que nos amis réfu­giés de toutes nations confon­dues ne pour­ront jamais par­ti­ci­per à quoique ce soit si la com­pré­hen­sion de la langue du pays accueillant ne leur four­nit pas les outils pour l’ap­prendre ! C’est à dire des struc­tures adap­tées pour des appre­nants (tes) adultes dési­reux (euses) d’y assis­ter déli­bé­ré­ment ! À mon avis , puis­qu’elles sont par­mi nous , mieux vaut faire de ces per­sonnes une force alliée .…!
    Bonnes fêtes de fin d’an­née éga­le­ment aus­si à tous

    Réponse
  14. Ronald

    Cette ges­tion hola­cra­tique telle qu’elle est pré­sen­tée dans la video de F. Laloux me semble confi­ner à l’es­cro­que­rie intel­lec­tuelle. Je pré­cise que j’ai juste vu la video, je n’ai pas lu le livre.

    Déjà com­men­cer avec cette fumis­te­rie des « Trois cer­veaux » humains (7:30 de la video) pré­sa­geait mal de la suite. N’ayant jamais enten­du par­ler de cette his­toire, j’ai cher­ché un peu sur Inter­net, et cette idée n’est reprise que sur des sites de vul­ga­ri­sa­tion plus ou moins sérieux. Aucune publi­ca­tion scien­ti­fique ne semble reprendre ce concept. Le concept est d’ailleurs volon­tai­re­ment ambi­gu. Soit ce qu’il évoque est vrai, mais banal ; soit il est nova­teur, mais faux. Ain­si, soit il veut dire qu’il y a du tis­su ner­veux au niveau diges­tif et car­diaque, alors ce fait est connu de longue date ; soit il veut dire que ce tis­su peut éga­ler les fonc­tions céré­brales, alors c’est une idée tout à fait far­fe­lue. Mais bien évi­dem­ment, Laloux ne sort pas de l’ambiguïté.

    Pré­sen­ter la ges­tion de ces entre­prises comme une inno­va­tion com­plète est là aus­si mal­hon­nête. Le mana­ge­ment depuis de nom­breuses années déve­loppe de nou­velles manières moins hié­rar­chi­sée de gérer les entre­prises. On peut remon­ter je crois au déve­lop­pe­ment de la firme Toyo­ta dans les années 60–70. Cela s’est ensuite décli­né en « néo­ma­na­ge­ment », « nou­veau mana­ge­ment public », etc. Le pro­blème de départ est qu’ef­fec­ti­ve­ment avec la com­plexi­fi­ca­tion des firmes, la ges­tion hié­rar­chi­sée deve­nait ardue. Il deve­nait dif­fi­cile pour la direc­tion de conce­voir les pro­jets, les implé­men­ter, don­ner les consignes aux sala­riés, les sur­veiller et contrô­ler leur production.
    Il a fal­lu alors ima­gi­ner des solu­tions qui orga­nisent l’en­tre­prise en réseau, avec plus d’au­to­no­mie pour les sala­riés, et plus d’i­ni­tia­tive, mais tout en main­te­nant l’at­ta­che­ment aux objec­tifs de l’en­tre­prise. C’est par exemple expli­qué dans le livre de Bol­tans­ki et Chia­pel­lo, mais tous les ouvrages de mana­ge­ment évoquent ces approches. Il y a aus­si une Confé­rence Ges­ti­cu­lée de l’é­quipe de Franck Lepage sur le mana­ge­ment qui cri­tiquent ces méthodes (la Confé­rence n’est d’ailleurs pas la plus réus­sie, sans doute parce cette cri­tique est dif­fi­cile). La ges­tion « hola­cra­tique » n’est qu’une suite de cette évo­lu­tion. Le but reste tou­jours le même que toute la tra­di­tion du mana­ge­ment : aug­men­ter les pro­fits quand il s’a­git d’une entre­prise pri­vée, ou faire aus­si bien avec des res­sources plus réduite quand il s’a­git d’une entre­prise publique ou sub­si­diée. Ces objec­tifs sont d’ailleurs expli­cites dans la pré­sen­ta­tion (19:30).

    Ensuite, Laloux évite d’a­bor­der les ques­tions gênantes, alors que ce n’est cer­tai­ne­ment pas la pre­mière fois qu’il fait cet expo­sé. Heu­reu­se­ment, le public l’in­ter­pelle, chaque fois de façon per­ti­nente (la qua­li­té de l’as­sis­tance de ce jour-là est remar­quable). Ain­si (1:16:30), il est essen­tiel de savoir qui est action­naire de l’en­tre­prise. Visi­ble­ment, ce sont des entre­prise pri­vées, et pas des coopé­ra­tives (1:18:20). Les sala­riés res­tent sous la tutelle de diri­geants, et ne sont pas pro­prié­taires de l’ou­til de tra­vail. Pour Laloux, cela ne « semble pas être impor­tant » (1:18:30) tel­le­ment il fait bon vivre dans ces entreprises !

    En somme, et c’est l’i­dée du mana­ge­ment contem­po­rain, les tra­vailleurs sont auto­nomes pour l’or­ga­ni­sa­tion du tra­vail, mais pas pour la déten­tion du pou­voir réel. Il suf­fit que la crise sur­vienne, et le sys­tème est sus­pen­du par les vrais pos­sé­dants (1:31:30).

    Enfin, Laloux explique que ce qui est néces­saire pour que ce sys­tème soit mis en place, c’est que le direc­teur y soit favo­rable, et que le Conseil d’Ad­mi­nis­tra­tion le soit aus­si. L’i­ni­tia­tive vient du Vrai Pou­voir (1:38:40). Et dès que les résul­tats ne sont plus là, le voile de la pré­ten­due auto-orga­ni­sa­tion est déchi­ré (1:39:50).

    Cela étant dit, je crois Laloux sin­cère dans sa volon­té de faire le bien. J’ai déjà eu l’oc­ca­sion de par­ler à des mana­gers, et ils sont comme lui : ave­nants, et tra­vaillant en toute bonne foi pour le pou­voir éta­bli. Et d’autre part, tout n’est pas à cri­ti­quer. Les tech­niques sont bonnes, mais recouvrent d’un voile d’hy­po­cri­sie la réa­li­té de la domi­na­tion. Des entre­prises réel­le­ment auto­gé­rées repren­dront une grosse par­tie de ces méthodes de fonctionnement. 

    Pour résu­mer, je pense qu’on est ici dans un modèle basé sur le prin­cipe de l’ « homme pro­vi­den­tiel ». Il existe des direc­teurs d’en­tre­prise heu­reux que leurs employés s’é­pa­nouissent, s’au­to­no­misent, tout en ayant de bon résul­tats éco­no­miques. Les éco­no­mies liées à l’ab­sence de hié­rar­chie et à la moti­va­tion de cha­cun y contri­bue. Et tant que tout va bien, l’ac­tion­na­riat suit. Mais ce ne sont pas les tra­vailleurs qui sont les réels déten­teurs du pou­voir. Et cela se ver­ra dès que les cir­cons­tances chan­ge­ront : soit que le direc­teur part, soit qu’une crise éco­no­mique sur­vient, soit que le Conseil d’Ad­mi­nis­tra­tion change, etc. Laloux est dans la même optique que celui qui dirait : « Le maire de mon vil­lage est un bon maire, il fait par­ti­ci­per les habi­tants à des jurys citoyens, il n’est pas cor­rom­pu, il favo­rise la per­ma­cul­ture, il n’est pas oppres­sif : pour­quoi est-ce que je sou­hai­te­rais ins­tau­rer la démocratie ? ».
    Tant que les gens comp­te­ront sur des diri­geants bons pour s’é­par­gner la peine de mettre en place des ins­ti­tu­tions bonnes, aucune liber­té et aucune sécu­ri­té ne seront assu­rées sur le long terme.

    Réponse
  15. binnemaya

    Bon­jour à tous,
    Encore un texte inté­res­sant dont je retien­drais sur­tout un passage :
    http://​www​.ago​ra​vox​.fr/​a​c​t​u​a​l​i​t​e​s​/​s​o​c​i​e​t​e​/​a​r​t​i​c​l​e​/​l​e​-​j​u​r​i​s​t​e​-​l​e​s​-​h​a​c​k​e​r​s​-​e​t​-​n​o​u​s​-​1​7​5​889
    « La démo­cra­tie, c’est l’autonomie des indi­vi­dus, c’est la liber­té de s’associer sans contrainte, c’est la pos­si­bi­li­té d’inventer des règles col­lec­tives à la demande en fonc­tion de la nature du besoin. »
    Pour moi comme le font les Zapa­tistes et d’autres c’est le prin­cipe de sub­si­dia­ri­té inver­sé (toute déci­sion et/ou règle doit être prise au niveau le plus proche pos­sible des gens ayant a subirent ces lois etc)

    Réponse
  16. joss
  17. lolotte

    Bon­jour à tous,

    Je m’in­ter­roge beau­coup sur le manque de dis­tance dans les médias (et d’au­tant plus ici), au regard des para­digmes por­tés par l’ho­la­cra­tie, peut-être pas si libé­ra­trice que ça pour l’in­di­vi­du ! Quid des études et ana­lyses socio­lo­giques démon­trant le détour­ne­ment de concepts comme l’au­to­no­mie, la res­pon­sa­bi­li­sa­tion et la trans­pa­rence par les idéo­lo­gies mana­gé­riales modernes ? Sup­pri­mer la hié­rar­chie, et alors?? Pen­sez-vous vrai­ment que les pro­blèmes en entre­prise soit uni­que­ment liés aux mana­gers ? Dans un sys­tème hola­cra­tique, le contrôle est sim­ple­ment dévié, mais existe tou­jours. Tout le monde se doit d’être « agile » et par­ti­ci­pa­tif au nom de l’in­tel­li­gence col­lec­tive, cha­cun est res­pon­sable de ses réus­sites, de ses échecs. Cha­cun se doit de se déve­lop­per per­son­nel­le­ment, conti­nuel­le­ment. Tout le monde se doit de res­pec­ter les règles obs­cures d’un méca­nisme com­plè­te­ment abs­trait et d’un socio­lecte très fumeux (mais qui a l’air tel­le­ment « fun ») : les cercles, les rati­fieurs, bla bla bla… Mais mince, un mou­ve­ment qui exprime for­te­ment vou­loir se démar­quer des entre­prises libé­rées, qui dépose sa marque à l’IN­PI, qui est mobi­li­sée par des entre­prises comme Orange ou Nest­lé, ça n’in­ter­roge personne ?

    Réponse
    • joss

      L’ho­la­cra­tie en entre­prise en sup­pri­mant la pro­prié­té pri­vée des moyens de pro­duc­tion et en la rem­pla­çant par la co-pro­prié­té d’usage…pourquoi pas ?
      Tant que l’on se pro­tège des échelles hié­rar­chiques de domi­nance et que l’in­di­vi­du ait la même fina­li­té que le groupe, que l’on favo­rise la créa­ti­vi­té et l’imagination…pourquoi pas ?

      Réponse

Laisser un commentaire

Derniers articles

[Dérive du pouvoir scolaire] Le préparateur – Alain, 25 août 1906

[Dérive du pouvoir scolaire] Le préparateur – Alain, 25 août 1906

[LE PRÉPARATEUR] Un nouvel examen vient d'être institué, à la suite duquel on pourra recevoir un certificat d'aptitude aux fonctions de magistrat. Il en sera de cet examen comme de tous les autres, il donnera de bons résultats au commencement, et de mauvais ensuite....