Salut à tous.
Je vous parle de Bernard Friot depuis des années. Je le trouve épatant, attachant, émancipant… important.
Mon enthousiasme redouble encore, cette fois, avec cette (passionnante) conférence sur… la laïcité. Pourtant, jusque-là je pensais que le concept de laïcité était vraiment « à la marge » de mon travail (je me penche très peu sur les questions religieuses).
Eh bien, vous allez voir comment Bernard replace étonnamment la laïcité (laikos = peuple) au cœur de nos réflexions politiques modernes.
Les conférences de Bernard sont de plus en plus puissantes (et utiles), je trouve.
Bernard Friot : Religion Capitaliste & Laïcité (partie 1⁄2) :
httpv://youtu.be/3vW8EoVUaEo
Bernard Friot : Religion Capitaliste & Laïcité (partie 2/2) :
httpv://youtu.be/oIdzo2HpRYk
Il faudrait retranscrire cette conférence, je crois : sa langue est claire, convaincante, son message est à la fois subversif et émancipant. Mais je n’ai pas le temps.
[Edit (6 mai) : ça y est 🙂 Nicole a retranscrit toute la partie 1 !
Incroyable cerveau collectif…
Merci Nicole ! 🙂 ]
J’ai gratté en l’écoutant plus de 30 pages de notes (avec mon écriture de pattes de mouches), et je vais en retranscrire ici les grandes lignes, pour que vous en sentiez l’importance (pour nous tous) :
Il ne faut pas réduire la laïcité à la seule séparation entre l’Église et l’État ; elle passe par là, bien sûr, mais le fondement de la laïcité, c’est de rendre possible des lois, des institutions, qui affirment, contre le pouvoir, la souveraineté populaire (laikos = peuple).
En effet, le pouvoir exerce toujours son emprise contre la souveraineté populaire par le biais de croyances religieuses, en l’occurrence aujourd’hui des croyances « économiques ».
On va décrire ici 5 croyances religieuses, des croyances qui, aujourd’hui, appuient le pouvoir de la classe dirigeante contre la souveraineté populaire :
1) La croyance (religieuse, irrationnelle) que
« le patrimoine crée de la valeur économique »
(croyance en la légitimité de la propriété lucrative ;
croyance que « il est normal de tirer un revenu d’un patrimoine »,
alors que la seule source de valeur est — exclusivement — le travail vivant).
Antidote laïc : la copropriété d’usage des outils de travail.
2) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans
« la nécessité d’un marché du travail »
(marché du travail qui est la cause première du chômage !
croyance qu’il est légitime d’attacher le salaire au poste de travail,
et que seuls les employés subordonnés à un employeur créent de la valeur économique).
Antidote laïc : le droit au salaire à vie, comme matrice universelle du travail, avec qualification de la personne. Nous n’avons pas besoin d’employeurs pour travailler.
3) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans
« la nécessité du crédit pour financer les investissements »
(nous pensons « manquer d’argent », alors que ceux qui proposent de nous prêter de l’argent (moyennant un intérêt non nécessaire et ruineux) viennent de nous le piquer !)
Antidote laïc : la subvention de l’investissement, grâce à l’impôt et à la cotisation sociale (dont nous devrions demander l’augmentation massive, pour devenir les souverains de la valeur). Nous n’avons pas besoin de prêteurs pour financer l’investissement. Le Trésor public subventionne, il ne prête pas.
4) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans le fait que
« la réduction du temps de travail est la mesure de la productivité »
(croyance qu’il faut travailler plus vite pour travailler mieux ; harcèlement du management).
Antidote laïc : qualification du producteur (et pas du poste) et convention collective (par qui le salaire ne dépend plus du temps passé à travailler)
5) La croyance (religieuse, irrationnelle) dans le fait que
« la Sécurité sociale, c’est de la solidarité »
(croyance que « ceux qui travaillent » paient pour « ceux qui ne travaillent pas »).
Antidote laïc : la cotisation comme salaire signifie que TOUS ceux qui produisent des biens non marchands produisent AUSSI de la valeur économique.
Finalement, la religion du capital, elle nous dit que « ne produit de la valeur économique que celui qui va se vendre sur un « marché du travail » et se soumettre à un propriétaire lucratif, qui a financé son investissement par crédit, et qui mesure la valeur de ce qu’on produit par le temps passé à travailler. En dehors de ça, il n’y a pas de production de valeur, ce n’est que de l’utilité sociale ; donc, tous les autres, qui touchent de l’argent autrement, c’est grâce à la solidarité. »
Et cette religion a des curés, qui viennent prêcher le catéchisme du capital, tous les matins à la radio, au 6–9 : « si vous n’êtes pas sages, vous irez en enfer ».
Déplaçons notre combat laïc ; nos sociétés ne sont qu’à mi-chemin dans la bagarre de la laïcité.
C’est vraiment une bonne synthèse du travail de Friot, je trouve.
C’est un nouveau bel outil d’éducation populaire que Bernard — et ceux qui l’ont invité et ceux qui ont produit ce film — nous offrent.
À nous, ensuite, de le faire connaître autour de nous.
Faites passer…
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Par ailleurs, l’association « Devenons Citoyens », à Basse-Terre en Guadeloupe, organise une semaine d’éducation populaire, du 6 au 12 juin 2015, avec Bernard Friot et Franck Lepage (les deux en même temps ! veinards de Guadeloupéens). Un beau moment d’éducation populaire en vue, donc.
Mais ils ont besoin de quelques sous pour finir de payer le voyage… Décidément, je vous parle pas mal de sous, ces temps-ci… Mais bon, il faut bien financer nous-mêmes nos outils d’auto-émancipation, n’est-ce pas ?
Donc, je vous donne ici les liens qui signalent l’événement, et ceux qui invitent à aider les organisateurs à financer ce voyage :
• Événement Facebook : https://www.facebook.com/events/362891340586022/
• Financement collectif : https://www.lepotcommun.fr/pot/cgsh902v
• Programme :
• Site de l’asso « Devenons citoyens », chaîne Youtube et page FB :
http://devenonscitoyens.fr/
https://www.youtube.com/channel/UCXeDW6nh-CI3IZi-rxK65Lg
https://www.facebook.com/DevenonsCitoyens
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Ensuite, il y a des mois que je veux vous signaler le dernier livre de Bernard, « Émanciper le travail » :
C’est son meilleur livre, je trouve, il est bien adapté au grand public. La forme des entretiens assez courts le rend très agréable à lire, et toute la puissance subversive de ses propositions y est pourtant mieux exposée que jamais.
Le plan du livre est là : http://www.reseau-salariat.info/1b1052ba59f8cfbcacd6d41fb8e5b5ab?lang=fr
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Enfin, je veux dire encore un mot de l’outil d’éducation populaire créé par Bernard pour faire monter notre niveau de conscience et d’exigence sur l’enjeu du salaire : tâchez d’aider Réseau Salariat si vous le pouvez : nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes pour financer de tels outils.
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Merci pour toutes ces pensées affectueuses et pour tous ces encouragements que vous m’envoyez tous les jours, par mail et dans les différents fils de commentaires sur le net. Je n’ai pas le temps matériel de vous répondre individuellement, malheureusement, mais je le fais par la pensée, toujours avec émotion. On n’est forts qu’ensemble et vos témoignages amicaux me donnent bien de l’énergie. Merci.
Bon courage à tous, bande de virus 🙂
Étienne.
Le fil de commentaires correspondant à ce billet sur Facebook :
https://www.facebook.com/etienne.chouard/posts/10153340040542317
je suis totalement solidaire d’une nouvelle constitution et d’une nouvelle démocratie. Mais stigmatiser ce que nos anciens avaient comme valeur première le travail en tant qu’outils d’émancipation, le stigmatiser donc pour n’en faire qu’une affaire permettant de philosopher sur cet outil, je ne suis plus d’accord. Comparer Religion et laïcité pour en faire un débat, c’est penser à la place des hommes et ça ce n’est pas acceptable. On peut avoir une religion et être laïque en pensée et en action ! Le travail en tant que tel est une éducation. Il ne faut pas aller trop loin dans ces débats qui détruisent la pensée fondamentale de cet objet. Il faut au contraire promouvoir le travail comme une activité normale. Mais bien sur on peut aussi relire Marx qui avait une belle théorie mais totalement détournée de son fondement.
Bonjour,
il ne faut pas confondre activité humaine juste métabolisme d’ avec la nature et création de bien,de richesses voir même de biens communs et « travail ». Ce qui est mis en cause c’ est la captation de cette nécessaire activité par des propriétaires. Exemple : ouvrier agricole, ouvrier d’ usine.
Et l’ assujettissement de toute activité au profit. En sorte que si vous ne participez pas à l’ accumulation de Capital alors vous ne travaillez pas. Une personne qui cultive son jardin et qui est auto-suffisant ne travaille pas. C’ est ce qui est dénoncé ici. Marx voyait une double nature du travail dans le système capitaliste : le travail concret et le travail abstrait. Le travail d’ un
menuisier est différent du travail d’ un chaudronnier, c’ est le travail concret. Par contre ce qui permet l’ échange de marchandise c’ est la quantité de travail abstrait contenu dans celle-ci. Si il faut deux heures de travail pour faire une chemise et deux heures pour faire une chaise alors la chemise et la chaise valent la même quantité de monnaie.
Ainsi l’échange, le marché, le capitalisme mesure la valeur par le temps de travail.
Et c’ est une aliénation car pour un travailleur peu importe ce qu’ il fait c’ est son temps de travail qui est rémunéré ( moins le revenu du capital (ce que les actionnaires prennent)).
Le « travail » ou plutôt les activités humaines seront émancipatrices quand elles ne seront plus soumises à des lois du marché mais quand elles concourront à la production de biens communs et de liens sociaux.
Je laisse à d’autres le soin de rectifier mes connaissances marxiennes.
Je souhaiterais savoir comment la pensée de Bernard Friot pourrait tenir face à la possibilité d’apparition de la singularité technologique, spécialement concernant la gestion de l’intelligence artificielle ?
Pour le moment je comprends que BF considère l’outil comme une production de l’homme qui lui permet de multiplier la valeur économique généré par la personne qui travail dessus.
Dès lors qu’il y a quelque chose de non humain (exemple d’une intelligence artificielle) qui conçoit de lui même l’outil de travail qui lui permet de créer une quantité donnée de valeur économique, à qui BF associe‑t il la valeur économique en bout de chaîne ? Aux intelligences artificielles (Ce qui poserait la question du droit aux intelligences artificielles) ?Aux concepteurs de l’intelligence artificielle (qui probablement seront les gros industriels d’aujourd’hui, microsoft, google, …) donc une poignée de salariés ?
Ça peut paraître une question superficielle mais je m’inquiète de voir débarquer l’avènement de situations de ce genre à la suite de notre modèle économique actuel. Ce qui attribuerait de fait l’ensemble de toute la valeur économique à une poignée de bons hommes. J’ai l’impression qu’il y a urgence à moyen terme.
Vous décrivez là l’ essence de la crise du Capitalisme, La mesure de la valeur d’ échange est fait par la quantité de travail abstrait (indifférencié) humain contenu dans la marchandise.
Les machines et donc l’ IA (machines logiciels) ne créent pas de valeur elles ne font que des gains de productivité. Ce sont les techniciens créateurs de machines (ou de machines logiciels) qui créent la valeur (d’échange ) de l’ objet fini. Et plus il y a de gain de productivité plus la valeur d’ une marchandise baisse donc le taux de profit du Capital aussi.
C’ est pourquoi on dit que le Capitalisme scie la branche sur laquelle il est assis.
Certes les marchandises de haute technologie se vendent cher malgré les gains de productivité.
C’ est dû au monopole de ceux qui détiennent des outils de production sophistiqués et chers.
Mais il n’ y a pas là de fatalité mais bien une remise en cause de la propriété de ces outils.
Et le capitalisme a une contradiction a résoudre : moins il y a de salarié moins il y a de consommateurs et moins les machines peuvent être rentabilisés. Impasse.
Excellentes vidéos de Bernard Friot pour le fond et pour la question des cohortes de curés (payés) qui nous formattent à longueur de temps :
Dans les 6–9 du matin viennent prêcher des journalistes et experts, curés du catéchisme capitaliste et du parti de la mort ce qu’il faut croire et penser sur l’ économie, la politique et la géopolitique, ils prêchent des analyses de ce qui est nécessaire de croire et de faire sien pour être dans le juste
Quand il ne restera plus rien de l’humanité , de l’éco-systhème, de l’air des océans et que tout sera réduit en valeur marchande, vous vous direz on aura quand même bien lutté contre le FN .
Si vous mettez autant d’énergie a lutter contre le capitalisme qui vous habite, alors là peut-être avez-vous une chance d’en survivre. bonne chance, courage.
je ne vote plus.
la laïcité est aussi devenue une religion malheureusement, elle fait partie du camp du bien, pour s’émanciper du dictat moralisateur de ce qu’il reste de la gauche capitaliste il y a lieu de lui faire la guerre au premier comme au deuxieme. le discours est intéressant mais je craint que le choix des mots sous-entend qu’il y aurait quelque chose a sauver a gauche, je n’y crois pas et nous sommes plusieurs.
Ha mais j’avais déjà posté (dans quel sujet, je ne sais plus) un résumé de cette excellente vidéo. Tant pis… Ou tant mieux, si vous l’avez découverte à votre tour.
J’aime beaucoup cette réflexion sur la laïcité, qui a le mérite de dévoiler quelques unes des nombreuses croyances auxquelles adhèrent – aveuglément – moult personnes qui s’estiment au-dessus des faits religieux. Il y a clairement une messe de l’idéologie dominante, qui invite même, si on pousse un peu plus loin la mauvaise comparaison, à des sacrifices : sacrifices des pauvres, sacrifices ou exclusion/condamnation de ceux qui ne partagent pas leurs croyances.
Soyons optimiste : il y a de plus en plus de gens sur la planète à dénoncer la grande messe idéologique (vu les catastrophes annoncées il y a urgence) et donc
il y aura de moins en moins « d’ exclusion/condamnation de ceux qui ne partagent pas leurs croyances »
« Antidote laïc : la subvention de l’investissement, grâce à l’impôt et à la cotisation sociale » (Bernard Friot )
Je tousse.
🙂
Je viens d’apprendre que l’étymologie précise de laïcité est plutôt LAIKOS que LAÏOS.
LAI (adj.) 1. (pop.) XIIe s. : lat. eccl. » laicus », du gr. » laikos » « du peuple », qui s’oppose à » clericus » « du clergé ».
(Nouveau dictionnaire étymologique du français, par Jacqueline Picoche, édition Hachette-Tchou (1971), page 375).
J’ai donc modifié le mot dans mon billet.
Merci Fred 🙂
RELIGION DU CAPITAL
ORAISON DOMINICALE :
Capital, notre père, qui êtes de ce monde, Dieu tout-puissant, qui changez le cours des fleuves et percez les montagnes, qui séparez les continents et unissez les nations ; créateur des marchandises et source de vie, qui commandez aux rois et aux sujets, aux patrons et aux salariés, que votre règne s’établisse sur toute la terre.
Donnez-nous beaucoup d’acheteurs prenant nos marchandises, les mauvaises et aussi les bonnes ;
Donnez-nous des travailleurs misérables acceptant sans révolte tous les travaux et se contentant du plus vil salaire ;
Donnez-nous des gogos croyant en nos prospectus :
Faites que nos débiteurs payent intégralement leurs dettes et que la Banque escompte notre papier ;
Faites que Mazas ne s’ouvre jamais pour nous et écartez de nous la faillite ;
Accordez-nous des rentes perpétuelles.
Amen.
————–
CREDO :
Je crois au Capital qui gouverne la matière et l’esprit ;
Je crois au Profit, son fils très légitime, et au Crédit, le Saint-Esprit, qui procède de lui et est adoré conjointement ;
Je crois à l’Or et à l’Argent, qui, torturés dans l’Hôtel de la Monnaie, fondus au creuset et frappés au balancier, reparaissent au monde Monnaie légale, et qui, trouvés trop pesants, après avoir circulé sur la terre entière, descendent dans les caves de la Banque pour ressusciter Papier-monnaie ;
je crois à la Rente cinq pour cent, au quatre et au trois pour cent également et à la Cote authentique des valeurs ;
je crois au Grand-Livre de la Dette publique, qui garantit le Capital des risques du commerce, de l’industrie et de l’usure ;
je crois à la Propriété individuelle, fruit du travail des autres, et à sa durée jusqu’à la fin des siècles ;
je crois à l’Éternité du Salariat qui débarrasse le travailleur des soucis de la propriété ;
je crois à la Prolongation de la journée de travail et à la Réduction des salaires et aussi à la Falsification des produits ;
je crois au dogme sacré :
ACHETER BON MARCHÉ ET VENDRE CHER ;
et pareillement je crois aux principes éternels de notre très sainte église, l’Économie politique officielle.
Amen.
Paul Lafargue, « La religion du capital » (1887).
https://old.chouard.org/Europe/En_Vrac.pdf
Maximes de la sagesse divine
1. – Le matelot est assailli par la tempête ; le mineur vit entre le grisou et les éboulements, l’ouvrier se meut au milieu des roues et des courroies de la machine de fer ; la mutilation et la mort se dressent devant le salarié qui travaille : le capitaliste qui ne travaille pas est à l’abri de tout danger.
2 – Le travail éreinte, tue et n’enrichit pas : on amasse de la fortune, non pas en travaillant, mais en faisant travailler les autres.
3 – La propriété est le fruit du travail et la récompense de la paresse.
4 – On ne tire pas du vin d’un caillou, ni des profits d’un cadavre : on n’exploite que les vivants. Le bourreau qui guillotine un criminel fraude le capital d’un animal à exploiter.
5 – L’argent et tout ce qui rapporte n’ont point d’odeur.
6 – L’argent rachète ses qualités honteuses par sa quantité.
7 – L’argent tient lieu de vertu à celui qui possède,
8 – Un bienfait n’est pas un bon placement portant intérêt.
9 – En se couchant mieux vaut se dire j’ai fait une bonne affaire qu’une bonne action.
10 – Le patron qui fait travailler les salariés quatorze heures sur vingt-quatre ne perd pas sa journée.
11 – N’épargne ni le bon, ni le mauvais ouvrier, car le bon comme le mauvais cheval a besoin de l’éperon.
12 – L’arbre qui ne donne pas de fruits doit être arraché et brûlé ; l’ouvrier qui ne porte plus de profits doit être condamné à la faim.
13 – L’ouvrier qui se révolte, nourris-le avec du plomb.
14 – La feuille du mûrier prend plus de temps à se transformer en satin que le salarié en capital.
15 – Voler en grand et restituer en petit, c’est la philanthropie.
16 – Faire coopérer les ouvriers à l’édification de sa fortune, c’est la coopération.
17 – Prendre la plus grosse part des fruits du travail, c’est la participation.
18 – Le capitaliste, libertaire fanatique, ne pratique par l’aumône ; car elle enlève au sans-travail la liberté de mourir de faim.
19 – Les hommes ne sont rien de plus que des machines à produire et à consommer : le capitaliste achète les uns et court après les autres.
20 – Le capitaliste à deux langues dans sa bouche, l’une pour acheter et l’autre pour vendre.
21 – La bouche qui ment donne la vie à la bourse.
22 – La délicatesse et l’honnêteté sont les poisons des affaires.
23 – Voler tout le monde ce n’est voler personne.
24 – Démontre que l’homme est capable de dévouement ainsi que le caniche, en te dévouant à toi-même.
25 – Méfie-toi du malhonnête homme, mais ne te fie pas à l’homme honnête.
26 – Promettre prouve de la bonhomie et de l’urbanité, mais tenir sa promesse dénote de la faiblesse mentale.
27 – Les pièces de monnaie sont frappées à l’effigie du souverain ou de la République, parce que, comme les oiseaux du ciel, elles n’appartiennent qu’à celui qui les attrape.
28 – Les pièces de cent sous se relèvent toujours après être tombées, même dans l’ordure.
29 – Tu t’inquiètes de beaucoup de choses, tu te crées bien des soucis, tu t’efforces d’être honnête, tu ambitionnes le savoir, tu brigues les places, tu recherches les honneurs ; et tout cela n’est que vanité et pâture de vent ; une seule chose est nécessaire : le Capital, encore le Capital.
30 – La jeunesse se fane, la beauté se flétrit, l’intelligence s’obscurcit, l’or, seul, ne se ride, ni ne vieillit.
31 – L’argent est l’âme du capitaliste et le mobile de ses actions.
32 – Je le dis en vérité, il y a plus de gloire à être un portefeuille bourré d’or, et de billets de banque, qu’un homme plus chargé de talents et de vertus que l’âne portant des légumes au marché.
33 – Le génie, l’esprit, la pudeur, la probité, la beauté n’existent que parce qu’ils ont une valeur vénale.
34 – La vertu et le travail ne sont utiles que chez autrui.
35 – Il n’y a rien de meilleur pour le capitaliste que de boire, manger et paillarder : c’est aussi ce qui lui restera de plus certain quand il aura terminé ses jours.
36 – Tant qu’il demeure parmi les hommes qu’éclaire et que réchauffe le soleil, le capitaliste doit jouir, car on ne vit pas deux fois la même heure et on n’échappe pas à la méchante et à la vilaine vieillesse qui saisit l’homme par la tête et le pousse dans le tombeau.
37 – Au sépulcre où tu vas, tes vertus ne t’accompagneront pas ; tu ne trouveras que des vers.
38 – Hors un ventre plein et digérant gaillardement et des sens robustes et satisfaits, il n’y a que vanité et rongement d’esprit.
Paul Lafargue, « La religion du capital » (1887).
https://old.chouard.org/Europe/En_Vrac.pdf
M. Thiers, dans le sein de la Commission sur l’instruction primaire de 1849, disait :
« Je veux rendre toute-puissante l’influence du clergé, parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l’homme qu’il est ici-bas pour souffrir et non cette autre philosophie qui dit au contraire à l’homme : jouis. » – M. Thiers formulait la morale de la classe bourgeoise dont il incarna l’égoïsme féroce et l’intelligence étroite.
Paul Lafargue, « Le droit à la paresse réfutation du « droit au travail » de 1848 » 1880.
https://old.chouard.org/Europe/En_Vrac.pdf
antidote aux amis de Thiers :
« Ivre, plus ivre, disais-tu, de renier l’ivresse… » un homme encore se lève dans le vent. Parole brève comme éclat d’os. Le pied déjà sur l’angle de sa course …
« Ah ! oui, toutes choses descellées ! Qu’on se le dise entre vivants !
« Aux bas quartiers surtout – la chose est d’importance.
« Et vous, qu’allez-vous faire, hommes nouveaux, des lourdes tresses dénouées au front de l’heure répudiée ?
« Ceux qui songeaient les songes dans les chambres de sont couchés hier soir de l’autre côté du Siècle, face aux lunes adverses.
« D’autres ont bu le vin nouveau dans les fontaines peintes au minimum. Et de ceux-là nous fûmes. Et la tristesse que nous fûmes s’en aille au vin nouveau des hommes comme aux fêtes du vent !
« Fini le songe où s’émerveille l’attente du Songeur.
« Notre salut est dans la hâte et la résiliation. L’impatience est en tous lieux. Et par-dessus l’épaule du Songeur l’accusation de songe et d’intertie.
…
Nos revendications furent extrêmes, à la frontière de l’humain.
Sifflez, faillis ! les vents sont forts ! Et telle est bien notre prérogative.
Nous nous levons avec ce très grand cri de l’homme dans le vent…
Saint-John Perse, Vents, sixième chant
BÉNÉDICTIONS DU TRAVAIL.
En 1770 parut, à Londres, un écrit anonyme intitulé : An Essay on Trade and Commerce. Il fit à l’époque un certain bruit. Son auteur, grand philanthrope, s’indignait de ce que « la plèbe manufacturière d’Angleterre s’était mis dans la tête l’idée fixe qu’en qualité d’Anglais, tous les individus qui la composent ont, par droit de naissance, le privilège d’être plus libres et plus indépendants que les ouvriers de n’importe quel autre pays de l’Europe. Cette idée peut avoir son utilité pour les soldats dont elle stimule la bravoure ; mais moins les ouvriers des manufactures en sont imbus, mieux cela vaut pour eux-mêmes et pour l’État. Des ouvriers ne devraient jamais se tenir pour indépendants de leurs supérieurs. Il est extrêmement dangereux d’encourager de pareils engouements dans un État commercial comme le nôtre, où peut-être les sept huitièmes de la population n’ont que peu ou pas de propriété. La cure ne sera pas complète tant que nos pauvres de l’industrie ne se résigneront pas à travailler six jours pour la même somme qu’ils gagnent maintenant en quatre ».
Ainsi, près d’un siècle avant Guizot, on prêchait ouvertement à Londres le travail comme un frein aux nobles passions de l’homme. « Plus mes peuples travailleront, moins il y aura de vices, écrivait d’Osterode, le 5 mai 1807, Napoléon. Je suis l’autorité […] et je serais disposé à ordonner que le dimanche, passé l’heure des offices, les boutiques fussent ouvertes et les ouvriers rendus à leur travail. »
Pour extirper la paresse et courber les sentiments de fierté et d’indépendance qu’elle engendre, l’auteur de l’Essay on Trade proposait d’incarcérer les pauvres dans les maisons idéales du travail (ideal workhouses) qui deviendraient « des maisons de terreur où l’on ferait travailler quatorze heures par jour, de telle sorte que, le temps des repas soustrait, il resterait douze heures de travail pleines et entières. »
Douze heures de travail par jour, voilà l’idéal des philanthropes et des moralistes du XVIIIe siècle.
Que nous avons dépassé ce nec plus ultra ! Les ateliers modernes sont devenus des maisons idéales de correction où l’on incarcère les masses ouvrières, où l’on condamne aux travaux forcés pendant douze et quatorze heures, non seulement les hommes, mais les femmes et les enfants (8) !
Et dire que les fils des héros de la Terreur se sont laissé dégrader par la religion du travail au point d’accepter, après 1848, comme une conquête révolutionnaire, la loi qui limitait à douze heures le travail dans les fabriques ; ils proclamaient comme un principe révolutionnaire le droit au travail. Honte au prolétariat français ! Des esclaves seuls eussent été capables d’une telle bassesse. Il faudrait vingt ans de civilisation capitaliste à un Grec des temps héroïques pour concevoir un tel avilissement.
Et si les douleurs du travail forcé, si les tortures de la faim se sont abattues sur le prolétariat, plus nombreuses que les sauterelles de la Bible, c’est lui qui les a appelées. Ce travail, qu’en juin 1848 les ouvriers réclamaient les armes à la main, ils l’ont imposé à leurs familles ; ils ont livré, aux barons de l’industrie, leurs femmes et leurs enfants. De leurs propres mains, ils ont démoli leur foyer domestique ; de leurs propres mains, ils ont tari le lait de leurs femmes : les malheureuses, enceintes et allaitant leurs bébés, ont dû aller dans les mines et les manufactures tendre l’échine et épuiser leurs nerfs ; de leurs propres mains, ils ont brisé la vie et la vigueur de leurs enfants. – Honte aux prolétaires !
Où sont ces commères dont parlent nos fabliaux et nos vieux contes, hardies au propos, franches de la gueule, amantes de la dive bouteille ? Où sont ces luronnes, toujours trottant, toujours cuisinant, toujours chantant, toujours semant la vie en engendrant la joie, enfantant sans douleurs des petits sains et vigoureux ?… Nous avons aujourd’hui les filles et les femmes de fabrique, chétives fleurs aux pâles couleurs, au sang sans rutilance, à l’estomac délabré, aux membres alanguis !… Elles n’ont jamais connu le plaisir robuste et ne sauraient raconter gaillardement comment l’on cassa leur coquille ! –
Et les enfants ? Douze heures de travail aux enfants. Ô misère ! – Mais tous les Jules Simon de l’Académie des sciences morales et politiques, tous les Germinys de la jésuiterie, n’auraient pu inventer un vice plus abrutissant pour l’intelligence des enfants, plus corrupteur de leurs instincts, plus destructeur de leur organisme que le travail dans l’atmosphère viciée de l’atelier capitaliste.
Notre époque est, dit-on, le siècle du travail ; il est en effet le siècle de la douleur, de la misère et de la corruption.
Paul Lafargue, « Le droit à la paresse réfutation du « droit au travail » de 1848 » 1880.
(8) Au premier congrès de bienfaisance tenu à Bruxelles, en 1857, un des plus riches manufacturiers de Marquette, près de Lille, M. Scrive, aux applaudissements des membres du congrès, racontait, avec la noble satisfaction d’un devoir accompli : « Nous avons introduit quelques moyens de distraction pour les enfants. Nous leur apprenons à chanter pendant le travail, à compter également en travaillant : cela les distrait et leur fait accepter avec courage ces douze heures de travail qui sont nécessaires pour leur procurer des moyens d’existence. » – Douze heures de travail, et quel travail ! imposées à des enfants qui n’ont pas douze ans ! – Les matérialistes regretteront toujours qu’il n’y ait pas un enfer pour y clouer ces chrétiens, ces philanthropes, bourreaux de l’enfance.
https://old.chouard.org/Europe/En_Vrac.pdf
C’ est super .. Merci
Il est impossible d’établir et de maintenir en pleine paix une machine d’oppression comme l’armée permanente, sans que les partis politiques ne s’en emparent pour la tourner contre leurs adversaires.
Le danger des coups d’État et du despotisme militaire ne cessera d’exister que lorsque l’armée permanente sera abolie et que la nation sera armée.
Paul Lafargue, dans « Le Socialiste », 23 juillet 1887.
https://old.chouard.org/Europe/En_Vrac.pdf
Les économistes s’en vont répéter aux ouvriers : travaillez pour augmenter la richesse nationale ! Et cependant un économiste, Destutt de Tracy, répond : les nations pauvres, c’est là où le peuple est à son aise ; les nations riches, c’est là où il est ordinairement pauvre. Mais assourdis et idiotisés par leur propres hurlements, les économistes de répondre : travaillez, travaillez toujours pour créer votre bien-être ! Travaillez pour que, devenant plus pauvres, vous ayez plus de raisons de travailler et d’être misérables.
Paul LAFARGUE : Le Droit à la paresse
https://old.chouard.org/Europe/En_Vrac.pdf
Discours de Jean-Jaurès à l’Assemblée nationale en 1893 :
http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/1914–1918/hommage-a-jean-jaures/le-tribun/republique-et-socialisme#node_4287
“Pour moi, l’échec du Front de gauche, du NPA et des anarchistes, de la CGT, de Solidaires, de la FSU et de la CNT, un échec qui dure depuis plus de trente ans et qui concerne aussi Attac ou les économistes atterrés, vient de ce que ces organisations n’assument pas les institutions de 1945 dans ce qu’elles ont de révolutionnaire, à savoir le début d’une autre pratique de la valeur économique (et donc du travail) que sa pratique capitaliste :
- salaire à vie contre emploi et marché du travail,
- propriété d’usage contre propriété lucrative,
- cotisation-salaire contre le couple impôt-prévoyance,
- financement de l’investissement sans crédit contre le chantage des prêteurs,
- mesure de la valeur par la qualification du producteur contre sa mesure par le temps de travail.
Tout cela commence à se mettre en place entre les années 30 et les années 60, et ce qui est alors en jeu, ce n’est pas un autre partage de « la valeur » supposée invariante (la valeur d’échange capitaliste), c’est une autre production de valeur économique débarrassée de sa pratique capitaliste, c’est-à-dire des employeurs et des actionnaires ou prêteurs.
Tant que nous continuerons à nous battre pour « prendre l’argent dans les poches du patronat » ou pour le « plein emploi » ou pour la « solidarité » avec les « victimes », autrement dit pour un capitalisme plus juste, nous serons battus.”
Bernard Friot.
C’est la grande réussite des puissants, avoir réussi à enfermer le débat dans le cadre qui leur convient, où les « résistants » ne font que quémander aux capitalistes de « ne pas exagérer » sans jamais remettre en cause la légitimation de leur puissance par les représentations et l’imaginaire capitaliste.
La meilleure illustration que j’avais trouvé pour figurer en deux dessins cette situation et que j’avais envisagé un temps de produire dans certaines manifestation est celle ci : Le premier dessin montre une jambe entravée par le triptyque fer/chaîne/boulet (dette, salariat, monnaie privée si l’on veut) et est barrée en rouge avec un grand « NON ! » Le second dessin est quasi identique mais le fer est équipé d’un petit coussinet de confort (les revendications syndicales), une flèche visible indiquant ce détail et le dessin étant alors agrémenté d’un grand « OUI ! ».
Probable que je me ferais écharper par les manifestants…
La situation desdits puissants ne tient que sur deux piliers : la puissance brute, soit les forces militaires d’une part et le contrôle des représentations d’autre part (en dernier ressort, même la puissance brute ne leur obéit qu’en conséquence de ce contrôle et elle sert ce contrôle – cf. 1984 – tout autant qu’elle est un moyen de réserve pour le cas où le contrôle des représentations deviendrait insuffisamment efficace). Sans cela, leur puissance s’effondrerait instantanément. Ils le savent et c’est pourquoi ils consacrent toute leur énergie à préserver ce contrôle, ce que Friot appelle « la religion capitaliste ».
« Voler en grand et restituer en petit, c’est la philanthropie. » Excellentissime !!!
Dollar Akhbar !
J’ai été interloqué quant à la 17ème minute, Bernard Friot énonce » SEUL le travail génère de la valeur économique « .
Que le Capital-rentier n’y soit pour rien, j’adhère complètement. Mais quid de l’eau, du sable, du pétrole, des forêts, des abeilles ? Parce qu’ils n’ont pas le droit au salaire, on ne les calcule pas, et on peut continuer à piller et gaspiller ?
2 exemples :
http://alternatives-economiques.fr/blogs/raveaud/2015/04/02/la-chine-a-consomme-plus-de-beton-en-3-ans-que-les-etats-unis-en-un-siecle/
http://alternatives-economiques.fr/blogs/raveaud/2012/02/17/comment-la-mondialisation-a-failli-tuer-les-bisons/
» Dans tous les manuels d’économie, on vous explique que la croissance économique est permis par 2 facteurs de production, le capital et le travail (BF enlève simplement le capital). Autrement dit cette table sur laquelle je suis en train de m’appuyer a été fabriqué par des hommes et des machines mais sans bois ni électricité. » (Gilles Raveaud aujourd’hui sur France Inter)
Car la valeur est générée aussi par la rareté, et cela BF n’en parle jamais. Je ne sais plus qui soulignait qu’au 19ème, les ressources environnementales étaient surabondantes et les travailleurs rares et donc on a fait cotiser les travailleurs alors qu’aujourd’hui ce sont les travailleurs qui sont en surabondance et les ressources environnementales qui sont devenues rares. Alors trouvons un modèle qui fasse cotiser les ressources et qui profite à tous.
Ceci dit je suis un fervent admirateur de tout son travail.
étrange qu’ il soit agacé par l’ islamophobie de la laïcité et qu’ il ne l’ ai jamais été par la christianophobie de la laïcité.
Le pétrole, l’eau, le sable,…(les ressources naturelles) c’est le travail de la nature. C’est un travail économique « invisible », il est pris en compte lorsqu’il est utilisé dans le travail économique humain (celui qui crée la valeur économique). La finalité du travail économique (qui permet d’adosser une valeur d’usage à la valeur économique) est un choix politique. Ce choix politique devrait être décidé de manière démocratique (dans une démocratie digne de ce nom). Pour réaliser ce choix, nous aurions besoin d’indicateurs qui permettraient d’évaluer le gaspillage, l’incidence sur notre environnement, sur notre santé,…
🙂
Pour ceux qui ont le temps .. lire (suggestion) .. karl Polanyi
http://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Polanyi
Le PIB n’est pas cet indicateur.
Bob Kennedy, Université du Kansas, 18 mars 1968 :
« Notre PIB prend en compte, dans ses calculs, la pollution de l’air, la publicité pour le tabac et les courses des ambulances qui ramassent les blessés sur nos routes. Il comptabilise les systèmes de sécurité que nous installons pour protéger nos habitations et le coût des prisons où nous enfermons ceux qui réussissent à les forcer. Il intègre la destruction de nos forêts de séquoias ainsi que leur remplacement par un urbanisme tentaculaire et chaotique. Il comprend la production du napalm, des armes nucléaires et des voitures blindées de la police destinées à réprimer des émeutes dans nos villes. Il comptabilise la fabrication du fusil Whitman et du couteau Speck, ainsi que les programmes de télévision qui glorifient la violence dans le but de vendre les jouets correspondants à nos enfants.
En revanche, le PIB ne tient pas compte de la santé de nos enfants, de la qualité de leur instruction, ni de la gaieté de leurs jeux. Il ne mesure pas la beauté de notre poésie ou la solidité de nos mariages. Il ne songe pas à évaluer la qualité de nos débats politiques ou l’intégrité de nos représentants. Il ne prend pas en considération notre courage, notre sagesse ou notre culture. Il ne dit rien de notre sens de la compassion ou du dévouement envers notre pays. En un mot, le PIB mesure tout, sauf ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. »
Magnifique, merci Joss !
Je m’étonne, cher étienne que, ainsi que Mélenchon le fait pour son blog, vous n’utilisiez pas le logiciel de dictée Dragon Naturally Speaking. Il est impressionant d’efficacité. Cela vous épargnerait énormément de temps de saisie ou le recours incessant aux scans/OCR. Ce logiciel comprend aussi un outil de transcription écrite d’enregistrements sonores. L’idéal est d’avoir, comme c’est le cas avec Friot une voix claire, articulée et posée.
Voici donc la transcription logicielle de la première partie de la conférence. Environ 5 à 10% est à corriger et il manque la ponctuation. Avis aux correcteurs…
http://www43.zippyshare.com/v/zdONZbbd/file.html
Je peux vous envoyer la deuxième partie si nécessaire 😉
Eradiquer la propriété lucrative, c’est éliminer toute production qui ne soit pas compatible avec le paradigme démocrato-technocratique chérit par Friot.
Il s’agit d’éradiquer un système curieusement si naturel et résilient que même au fin fond d’un camp de concentration, on trouve moyen de faire du commerce en utilisant des clopes (et non une pseudo-monnaie qui n’existe que par onction républicaine).
Friot est, consciemment ou non, un marxiste-léniniste tendance stalinienne, tout ce qu’il y a de plus dangereux. Un type respectable comme Lordon se fait bien du mal en se donnant des frissons d’extrémisme lorsqu’il aborde positivement de tels délires
Un communisme qui doit attendre l’onction républicaine pour exister, c’est soit une utopie, soit un totalitarisme. Si une idéologie politique ne commence pas à porter ses fruits à l’échelle locale, il est parfaitement vain, sinon nuisible, de la penser à grande échelle.
Bonjour Etienne,
J’ai vu un site intéressant prétendant mettre en œuvre les idées de Friot pense-tu qu’il est fiable ?
https://www.maj-eco.fr/
Nicole a tout retranscrit !! 🙂
Bernard FRIOT
Religion capitaliste et laïcité
Pourquoi et comment séparer « l’Église Capitaliste » de l’État ?
Conférence à Grasse le 27 février 2015
https://youtu.be/3vW8EoVUaEo
Fichier pdf
Merci à la CGT, au PC, à tous ceux qui sont à l’origine de cette réunion.
Il est bon je crois qu’un dirigeant communiste des Bouche du Rhône, Pierre Dharréville, ait sorti l’an dernier un ouvrage sur la laïcité. Il ne pouvait pas savoir que la laïcité allait revenir sur le devant de la scène et de la pire façon depuis un mois. Je vous signale cet ouvrage parce que je crois que c’est un ouvrage très utile : Pierre Dharréville « la laïcité n’est pas ce que vous croyez » aux Éditions de l’Atelier 2014. Lui se réfère plutôt à la tradition républicaine pour penser la laïcité.
Vous avez un autre ouvrage que je crois utile, qui lui se réfère au rapport avec la religion dans la tradition Marxiste : Pierre Tévanian le titre est un titre qu’il ne faut pas comprendre à contre-sens, c’est un titre qui conteste ceux qui ont oublié la façon dont le Marxisme-Léninisme et le Trotskisme se réfèrent à la religion, et qui du coup, pour l’avoir oublié, sont dans la haine de la religion, ce qui n’est en aucun cas la tradition. La haine de la religion aux Éditions la Découverte 2013, qui reprend les textes de Marx, de Rosa Luxemburg, de Lénine et de Trotski sur la religion.
Je pense que ça peut être aussi un certain rappel, compte-tenu que, dans la variante actuellement la plus utilisée de la laïcité, il s’agit d’une laïcité islamophobe qui justement est absolument à l’opposé de ce que Marx, Lénine ou Rosa Luxemburg disent de la religion. Là c’est un commentaire de texte de ces auteurs.
Effectivement la laïcité n’est pas mon domaine de réflexion premier, c’est mon agacement — on va dire mon agacement mais ce n’est pas un agacement psychologique, c’est une réaction politique que j’ai là — mon agacement devant le tour que prend la campagne laïque depuis les attentats de janvier dernier qui m’a conduit à prendre la parole sur ce terrain-là. Le tour que prend le débat laïque aujourd’hui, ouvre un boulevard au front national et je crois qu’il est urgent de réfléchir autrement sur la laïcité.
Et le livre de Pierre Dharréville — il y a une interview dans la NVO de février, puisqu’on est ici accueilli par la CGT, vous trouverez dans la Nouvelle Vie Ouvrière une interview de Dharréville — le livre de Dharréville a le grand intérêt de nous ramener aux fondements de la laïcité à partir du mot même, laïcité qui renvoie (ce n’est pas pour être pédant que je dis ça) au mot grec Laïos, le mot grec Laïos c’est le peuple en opposition au chef. La laïcité c’est l’affirmation de la souveraineté du peuple, contre la classe dirigeante, contre le pouvoir qui empêche la liberté, l’égalité, la fraternité.
Ca n’est pas d’abord un concept négatif, c’est d’abord une thématique beaucoup plus large que les rapports entre l’état et la religion, c’est l’affirmation de la souveraineté populaire qui va se marquer par le droit de suffrage universel, par la liberté syndicale, par le droit de grève, par le droit du travail. C’est ça le fondement de la laïcité : n’ayons pas de la laïcité une définition qui la réduit aux rapports entre l’État et la religion. Nous allons voir pourquoi elle passe par la question des rapports entre l’état et la religion, bien sûr, mais le fondement de la laïcité n’est pas d’abord les rapports entre l’état et la religion : le fondement de la laïcité c’est de rendre possible des lois, des institutions, qui affirment contre le pouvoir la souveraineté populaire.
Pourquoi est-ce que rendre possible la souveraineté populaire contre le pouvoir passe par les rapports entre l’état et la religion ? C’est parce que le pouvoir exerce son emprise contre la souveraineté populaire par le biais de croyances religieuses. Ce sont des croyances religieuses — pas elles seules mais entre autres — c’est pour ça que la laïcité va passer par la régulation des rapports entre l’État et les croyances religieuses, ce sont les croyances religieuses qui sont un appui déterminant du pouvoir contre la souveraineté populaire. Pour prendre un exemple que nous connaissons tous : pour fonder la république comme droit des citoyens face à la monarchie de droit absolu, il a fallu en finir avec la croyance dans la royauté de droit divin. Une croyance religieuse venait appuyer, venait faire intérioriser par le peuple lui-même le pouvoir qui était exercé sur lui et contre sa souveraineté.
Quelles sont les croyances religieuses qui aujourd’hui appuient le pouvoir de la classe dirigeante contre la souveraineté populaire ? Voilà la question qu’il faut se poser. Quelles sont les croyances religieuses (c’est toujours les croyances religieuses qui appuient le pouvoir, mais quelles sont les croyances religieuses) qui aujourd’hui appuient le pouvoir contre la souveraineté populaire et dont il faut donc opérer la séparation d’avec l’État ?
Les croyances religieuses qui appuient le pouvoir de la classe dirigeante contre notre souveraineté, j’en ai listé cinq que je vais examiner successivement :
Voilà, à mon sens, les cinq croyances dont il faut que l’État se sépare, si nous voulons conquérir la souveraineté populaire sur l’économie.
Aujourd’hui le droit de suffrage est en pleine déserrance, beaucoup dans le peuple aujourd’hui ne votent plus, la vie politique est une mascarade – assez globalement – avec des carrières politiques, des gens qui font de la politique une carrière, et passent l’essentiel de leur temps à produire de la communication. Nous sommes dans un effondrement de la vie politique qui a comme origine le fait que les électeurs, à très juste titre, ont le sentiment que quoi qu’ils votent, ça ne change pas grand-chose parce que la politique aujourd’hui est impuissante face aux pouvoirs économiques, et que conquérir la souveraineté populaire, c’est-à-dire affirmer la laïcité, affirmer le peuple face à la classe dirigeante, affirmer la laïcité aujourd’hui, pour la conquête de la souveraineté populaire passe par la souveraineté sur l’économie.
La souveraineté populaire sur l’économie est un enjeu maintenant décisif, si nous ne conquerrons pas la souveraineté sur l’économie nous allons vers des effondrements politiques tout à fait dramatiques, et la conquête de la souveraineté populaire sur l’économie suppose que nous soyons laïques sur les cinq croyances que je viens de citer.
LA LAÏCITÉ DOIT ÊTRE CONQUISE :
À propos de la première des croyances qui assure le pouvoir de la classe capitaliste. Cette première des croyances est que le patrimoine est générateur de valeur et qu’il est normal de retirer un revenu d’un patrimoine puisque le patrimoine génère de la valeur, donc c’est normal, si on a un patrimoine, qu’on en tire un revenu. C’est normal, si on est propriétaire d’un outil de travail, qu’on tire de cette propriété un revenu ; c’est normal que, si on est propriétaire mobilier ou immobilier ou foncier, on en tire un revenu. Vous voyez bien que cette croyance — je vais vous montrer que c’est une croyance qui n’existe que par un phénomène religieux — cette croyance est bien décisive dans la souveraineté du capital sur nos vies puisque le capital repose précisément sur la propriété lucrative de l’outil de travail par la classe capitaliste, et que, tant que nous pensons que le patrimoine est source de production de valeur, et bien ma foi, après tout, c’est légitime qu’il y ait un revenu du patrimoine !
Alors on va se battre contre le fait que le revenu est excessif — voyez Piketty — le revenu du patrimoine est excessif, mais enfin il est normal qu’il y ait un revenu du patrimoine. C’est comme cela que, en croyant qu’il est normal qu’il y ait un revenu du patrimoine, nous nous soumettons à cette institution majeure du pouvoir de la classe dirigeante sur nos vies, à ce qui empêche le peuple d’être souverain sur l’économie, à ce qui empêche la laïcité c’est-à-dire la souveraineté du peuple — le Laïos — contre la classe dirigeante, et il faut donc commencer par séparer l’État de cette croyance-là.
Qu’est-ce qui génère de la valeur ? (La valeur c’est ce qu’on va exprimer par de la monnaie.) Qu’est-ce qui génère de la valeur ? Exclusivement le travail : c’est le travail vivant qui génère de la valeur. Si donc un patrimoine permet de rapporter un revenu à quelqu’un c’est que ce patrimoine lui permet de ponctionner de la valeur sur le travail d’autrui, il n’y a pas d’autres possibilité. Un patrimoine ne génère aucune valeur, seul le travail vivant génère de la valeur, seuls nous-mêmes par notre activité ici et maintenant, générons de la valeur économique. Si donc un patrimoine permet de récupérer des ressources, si un patrimoine est générateur de revenu ce n’est pas parce qu’il génèrerait de la valeur, c’est parce qu’il permet de ponctionner de la valeur sur le travail d’autrui.
Le fait d’être propriétaire de l’outil de travail permet à celui qui ne travaille pas sur cet outil, mais qui fait travailler d’autres sur cet outil, de récupérer une partie de la valeur créée par les autres. Ça n’est pas parce que l’outil créerait de la valeur et que donc il apporterait de la valeur à la société que le propriétaire a un revenu : il a un revenu parce qu’il fait travailler d’autres sur l’outil dont il est propriétaire et il exploite le travail des autres.
En aucun cas un patrimoine ne peut générer de la valeur, seul le travail vivant génère de la valeur, et si l’on tire des ressources d’un patrimoine, c’est que l’on ponctionne sur la valeur créée par le travail d’autrui. Un travailleur indépendant qui travaille tout seul sur l’outil dont il est propriétaire, ce n’est pas son outil qui génère le bénéfice qu’il va tirer, c’est son travail, il est propriétaire de son outil de travail mais il n’exploite personne, c’est lui-même qui travaille sur cet outil. En revanche, et c’est le propre du capitalisme, le propre du capitalisme c’est de faire travailler d’autres sur l’outil dont on est propriétaire et d’en tirer une valeur, c’est ce qu’on appelle l’exploitation : l’exploitation du travail, c’est le fait de ponctionner une partie de la valeur produite par le travail d’autrui que l’on met pour travailler sur l’outil dont on est propriétaire.
Et vous voyez, [il faut] se battre contre la croyance qu’il y a une légitimité à la propriété lucrative de l’outil de travail (c’est légitime dit le propriétaire de l’outil de travail, ce qui est illégitime c’est qu’ils en prennent trop, qu’ils se gavent, mais qu’on tire un revenu d’un patrimoine c’est normal, mais ça c’est de la croyance)… Jamais on ne peut tirer un revenu d’un patrimoine si on n’exploite pas le travail d’autrui.
Ce qui veut dire que… et c’est là que les choses se compliquent, c’est pour ça que la religion c’est toujours populaire et que c’est un outil exceptionnel pour nous faire adhérer aux institutions qui nous soumettent, qui nous empêchent d’être souverains, c’est pour ça que la laïcité a toujours à voir avec le rapport entre l’église et l’État, entre la religion et l’état, ça a toujours à voir avec ça, mais parce qu’il faut rayer l’affaire, c’est au service de la souveraineté populaire. Encore une fois le bouquin de Dharréville de ce point de vue-là est fondamental, je vous invite vivement à le lire.
Le fondement de la laïcité c’est le suffrage universel, la liberté syndicale, le droit de grève, etc. Ça, c’est le fondement de la laïcité. Mais pour pouvoir conquérir la souveraineté populaire, qui jusqu’ici passe par là mais ça ne suffit pas, manifestement, il faut d’autres droits, il faut que nous séparions l’État de croyances qui appuient le pouvoir et qui appuient d’autant plus le pouvoir que nous les partageons y compris matériellement. Chaque fois que, propriétaire d’un terrain, nous le louons à autrui, chaque fois que, propriétaire d’un appartement nous le louons à autrui, nous ponctionnons la valeur créée par le travail d’autrui. Ça n’est pas notre patrimoine qui génère de la valeur, ce n’est pas notre patrimoine qui génère le loyer que nous en tirons, c’est le travail d’autrui qui va nous revenir à nous parce que nous sommes propriétaires. Ce n’est pas nous qui avons produit la valeur qui nous revient comme propriétaire d’un terrain ou d’un immeuble, sauf pendant le court laps de temps où le loyer que nous faisons payer correspond au travail que nous avons produit pour aménager ce terrain, ou cet appartement, ou cette chambre que nous louons. Là, pendant quelque temps, quelques mois, le loyer que nous percevons correspond à la valeur que notre travail a produite pour l’aménagement, l’amélioration de ce lieu ou de ce terrain. Dès que le loyer excède cette valeur, alors nous ponctionnons sur le travail d’autrui.
Une institution de notre soumission collective, c’est-à-dire le droit pour un propriétaire d’embaucher des salariés dont il va ponctionner une partie de la valeur qu’ils créent, ça c’est l’usage capitaliste de la propriété lucrative, cette institution qui est l’institution de notre soumission collective : 1) nous en faisons une croyance (croire que le patrimoine génère de la valeur), 2) éventuellement nous la pratiquons nous-mêmes.
Comme l’a dit très justement Jérémie, la classe ouvrière a conquis des institutions d’émancipation vis-à-vis des croyances de la religion capitaliste. Je viens de donner une première croyance qui est que le patrimoine génère de la valeur. Or, la classe ouvrière a conquis des institutions de subversions de cette croyance. Qu’est ce qui subverti la croyance dans la propriété lucrative ? C’est la copropriété d’usage, le fait que nous conquérions de la souveraineté populaire en devenant copropriétaires d’usage de l’outil de travail. Pour prendre un exemple tout à fait décisif qui n’a tenu que 15 ans à peu près, mais qui ne demande qu’à être réactivé : la classe ouvrière pendant 15 ans, entre 1946 et 1961, a été copropriétaire d’usage du régime général de sécurité sociale qui représente l’équivalent du budget de l’État à peu près. Pendant 15 ans, des élus salariés ont géré les caisses de sécurité sociale en élisant les directeurs de caisse, et ça a parfaitement marché, mais ils ne tiraient de cette activité de propriété — le propriétaire, c’est celui qui décide — ils ne tiraient de cette capacité à décider aucune ressource, aucun revenu, c’était de la propriété d’usage.
La propriété d’usage c’est le contraire de la propriété lucrative, ce dont il s’agit c’est ce par quoi il faut remplacer la propriété lucrative. Donc le premier acte de laïcité, c’est-à-dire d’affirmation de la souveraineté populaire sur l’économie contre le pouvoir capitaliste, c’est de remplacer la propriété lucrative par la propriété d’usage. Premier acte laïque irrécupérable par le Front National, alors que la guerre à la religion, singulièrement à la religion des minoritaires c’est-à-dire l’Islam, ça c’est facilement récupérable par le Front National, et ça fait tout à fait les affaires du pouvoir économique, ça le dérange pas du tout au contraire, ça l’arrange, ça fait diversion.
Conquérir la souveraineté populaire, ce qui est le cœur du Laïos. La laïcité passe par la séparation de l’État et des croyances et les croyances qui aujourd’hui sont au service du pouvoir sont des croyances qui relèvent de l’économie.
Vous en avez un témoignage permanent, Jérémie faisait allusion aux tranches du 7⁄9 du matin, ça démarre maintenant à 6 h même parce qu’il faut nous emmerder dès 6 h du matin. Le 6⁄9, c’est des curés qui viennent prêcher. Qu’est-ce que c’est qu’un économiste qui est à la radio, un journaliste, c’est un type qui prêche, et qui prêche « si vous n’êtes pas sages vous irez en enfer, regardez, les grecs n’ont pas été sages et ils sont en enfer ». Ces curés qui nous encombrent tous les matins ce ne sont pas les curés classiques, et plus ils se trompent plus ils ont de l’autorité : ces économistes n’avaient rien vu venir avant 2007, ils sont toujours là, ils plastronnent pour nous raconter la religion qu’il faut croire.
De même qu’il était de salubrité publique à l’époque où c’était l’église catholique qui était le porteur des croyances au service du pouvoir économique, d’aller taper la belote le dimanche pendant le sermon du curé, ça serait de salubrité publique de fermer nos radios de 6 h à 9 h du matin déjà (pour ceux qui ne l’ont pas encore fait). On pourrait éviter au moins le sermon du curé, y a déjà ça qu’on peut éviter. « Ah ben oui, j’ai envie de savoir ce qu’il raconte »… On sait ce qu’il raconte… Pourquoi se faire mal en permanence avec un sermon qui nous aliène.
Deuxième croyance dont il s’agit de séparer l’État : La croyance dans le marché du travail. Le marché du travail, c’est là encore l’institution de notre soumission à la classe capitaliste, et c’est une institution qui fait l’objet de notre croyance, et quand je dis nous, je dis y compris le Front de Gauche, y compris la CGT, je ne parle pas des autres, je parle de nous qui sommes ici et qui avons un énorme effort à faire de déplacement du combat laïque vers son terrain fondamental : comment séparer l’État des croyances qui empêchent la souveraineté populaire sur l’économie.
La croyance dans le marché du travail, c’est la croyance dans le fait que nous n’avons pas droit au salaire à vie, non, on n’a pas droit au salaire à vie. Pour avoir de l’argent il faut produire de la valeur économique, donc première croyance : ceux qui ont de l’argent par le patrimoine, c’est parce que le patrimoine produit de la valeur économique ; et deuxième croyance : qui produit de la valeur économique ? Ceux qui vont sur le marché du travail (les autres n’en produisent pas). Seuls ceux qui vont sur le marché du travail produisent de la valeur et ont droit au salaire, les autres n’y ont pas droit.
Le salaire est un attribut du poste de travail qu’un employeur nous attribue. C’est-à-dire : ce que fait la convention collective, elle attribue un salaire au poste de travail. Un salarié privé n’est jamais payé, lui : c’est son poste qui est payé ; s’il n’a pas de poste, il n’est pas payé, et nous trouvons ça normal. On trouve qu’il faudrait qu’il y ait plus de droit pour ceux qui n’ont pas d’emploi d’accord, il faudrait qu’il y ait plus de solidarité — (j’y viendrai, dans la croyance de la solidarité qui fait partie aussi de notre aliénation collective dont il faut qu’on se débarrasse) — mais nous croyons fondamentalement que quelqu’un qui n’est pas sur le marché du travail n’a pas droit au salaire, parce qu’il n’est pas producteur de valeur. Il est utile, il est très utile, bien sûr qu’il est utile, mais il n’a pas droit à du salaire qui reconnaitrait qu’il produit de la valeur économique.
Seuls ceux qui vont sur le marché du travail en se soumettant à un employeur produisent de la valeur économique, ceux qui ne se soumettent pas à un employeur ne produisent pas de la valeur économique, s’ils ont des ressources ce sont des ressources qui sont créées par ceux qui sont en train de se soumettre à un employeur. Ce n’est que si on se soumet à un employeur qu’on produit de la valeur, ou si l’on est employeur soi-même bien sûr (ou si l’on est indépendant la question, là, n’est pas en cause), mais ce dont je parle là c’est, tous ceux qui ne sont pas des travailleurs indépendants s’ils ne se soumettent pas à un employeur ils ne sont pas productifs.
Donc, les retraités ne sont pas productifs, les retraités sont utiles, sont très utiles, ils sont conseillers municipaux, ils viennent aux réunions (ici, vu le côté un peu chenu de l’assistance, ils sont candidats aux prochaines départementales), etc.… ils sont utiles mais ils ne sont pas productifs, ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont pas d’employeurs, ils ne sont pas productifs.
Les parents qui touchent des allocations familiales sont improductifs, ils n’ont pas d’emploi, ils n’ont pas d’employeurs, ce n’est pas avec un employeur qu’ils éduquent leurs enfants, alors ils ne sont pas productifs, ils sont utiles. C’est pour ça que ceux qui produisent de la valeur sont solidaires avec eux, mais eux les parents ne produisent rien.
Les chômeurs, les chômeurs ne produisent rien, un chômeur est un privé d’emploi, vous vous rendez compte, il ne va pas produire quelque chose ; de plus, il est même défini par le fait qu’il ne produit rien, il est défini par son manque, c’est un privé de… Vous vous rendez compte, l’aliénation qu’il y a à définir un chômeur comme un privé d’emploi. Je suis dans un local de la CGT, je sais donc ce que je dis en disant cela, je sais la provocation que représente mon discours.
Un fonctionnaire (d’État en particulier, parce que hélas les fonctionnaires territoriaux ont des employeurs, le maire, et quand le maire c’est monsieur Délomez ce n’est pas très marrant, mais ça peut être quelqu’un de communiste et le problème restera le même), un fonctionnaire d’État lui n’a pas d’employeur, un fonctionnaire d’État a un salaire à vie, il est payé pour son grade pas pour son poste, personne ne peut lui dire « aujourd’hui je t’embauche, demain je te licencie », personne. Y a pas d’employeur qui le paie, y a le Trésor public, et je mets au défi les fonctionnaires qui sont ici de me dire quel est le TPG qui les paie, ils s’en foutent, ce n’est pas le problème. Qu’est-ce qu’on va dire ? On va dire que les fonctionnaires dépensent, ils ne produisent pas, ce sont des gens utiles mais ils dépensent de l’argent produit par d’autres, les fonctionnaires ne produisent pas leur salaire à la différence de tous les salariés. Tous les salariés produisent sauf les fonctionnaires, ils ne produisent pas leur salaire ils n’ont pas d’employeur, ils ne vont pas en chemise, la corde au cou, pieds nus, quémander un emploi à un propriétaire d’un outil de travail, ils ne travaillent pas, ils sont utiles, ils ne sont pas productifs, ils dépensent l’argent produit par les autres. On leur en veut pas parce que ce qu’ils font c’est bien, c’est beau, mais il faut quand même savoir qu’ils dépensent l’argent produit par les autres, faut qu’ils le sachent. Croyance, croyance totale, là nous sommes dans une démarche religieuse qui fait que les fonctionnaires eux-mêmes ont intégré le truc, ils pensent qu’ils dépensent de l’argent produit par d’autres, que ce n’est pas eux qui produisent l’impôt qui les paye et que les salariés du milieu associatif qui vit des subventions du conseil général et autres pensent que ce n’est pas eux qui produisent la subvention, non, la subvention vient de l’état providence évidemment.
Quel est l’antidote laïc que nous avons créé ? C’est précisément le salaire à vie comme matrice du travail. Bien sûr que les fonctionnaires produisent leur salaire, comme tous les travailleurs, et ils le produisent sans employeur parce qu’ils sont payés à vie, ils ne passent jamais par le chômage ; c’est un privilège de ne pas passer par le chômage ? Ben non ! C’est une conquête sociale contre la religion capitaliste, c’est une œuvre de laïcité que de proclamer le salaire à vie comme matrice du travail, comme matrice du travail alternative à l’emploi capitaliste. Nous n’avons pas besoin d’employeur pour travailler. Nous avons droit à un salaire qui soit un attribut de notre personne, de même qu’un fonctionnaire qui change de poste ne change pas de salaire parce que son salaire n’est pas lié à son poste.
Bien sûr que les réformateurs passent leur temps à lutter contre la fonction publique, à ne plus négocier sur le point d’indice qui exprime le grade précisément et à multiplier les primes qui elles sont liées au poste. Bien sûr qu’ils cherchent à créer des employeurs partout, que les chefs d’établissement deviennent des employeurs, évidemment puisqu’ils sont au service du capital.
Mais ceux qui ont conquis le statut de la fonction publique, (avec Maurice Thorez un ministre communiste, ministre d’État qui en 1946 a mis en place le statut de la fonction publique) ceux qui ont conquis le statut de la fonction publique ont conquis une arme de guerre contre le pouvoir capitaliste en inventant une alternative à l’emploi. L’alternative à l’emploi et donc au chômage puisque le chômage c’est généré par l’emploi puisque l’emploi c’est-à-dire la qualification du poste de travail, le fait que le salaire soit attribut du poste et non pas de la personne c’est ça l’emploi. Chercher un emploi c’est par définition quelqu’un qui n’a pas de salaire et qui va chercher un poste de travail qui est la propriété du propriétaire lucratif — on en revient évidemment à la première croyance — pour pouvoir être payé, mais c’est son poste qui est payé, ce n’est pas lui. Nous avons inventé, et c’est œuvre de laïcité, nous avons inventé contre la croyance religieuse dans le marché du travail, nous avons inventé une alternative au chômage et à l’emploi puisque c’est la même chose, chômage et emploi c’est le pile et le face de la même pièce, nous avons inventé le salaire à vie. L’alternative au chômage ce n’est évidemment pas l’emploi (l’emploi, c’est la source du chômage), l’alternative au chômage c’est le salaire à vie. Le fait que le salaire soit un tribut de la personne, nous l’avons inventé pour les fonctionnaires => il faut le généraliser à toute la population. Faire œuvre de laïcité c’est séparer l’État de la croyance dans le marché du travail.
Voilà ce que c’est que faire œuvre de laïcité, c’est-à-dire — parce que la laïcité n’est pas ce que vous croyez — c’est-à-dire se battre pour l’affirmation de la souveraineté du peuple.
Troisième croyance, qui passe forcément par la séparation de l’État et de croyance religieuse parce que ce sont toujours des croyances religieuses qui sont à l’appui du pouvoir. Première croyance religieuse à l’appui du pouvoir : la croyance dans le fait de croire que le patrimoine est source de valeur économique, et donc qu’il est légitime de tirer un revenu d’un patrimoine. Deuxième croyance religieuse qui est à l’origine de notre impuissance collective : la croyance dans le fait que seuls ceux qui passent par le marché du travail produisent de la valeur, que les fonctionnaires ne produisent pas l’impôt qui les paye, que les chômeurs ne produisent pas le salaire qui les paye, que les parents ne produisent pas les allocations familiales, que les retraités ne produisent pas la pension qui les paye, que les soignants ne produisent pas l’assurance maladie qui les paye… chaque fois que nous croyons ça, que nous disons que tous ces gens-là ne produisent pas, qu’ils dépensent ce qui est produit par d’autres, nous adhérons à la religion capitaliste. Penser que nous sommes un peuple laïc, c’est se tromper totalement. Nous sommes un peuple hyper religieux, engoncé dans la religion et il serait temps que nous en sortions.
Troisième croyance qui soutient le pouvoir capitaliste contre la souveraineté populaire qui empêche l’affirmation du Laïos, qui empêche la laïcité. Troisième croyance le crédit.
Le crédit fait l’objet d’une croyance absolument religieuse : nous pensons qu’on ne peut pas se passer du crédit, qu’on peut le moraliser, qu’on peut contenir le crédit privé par du crédit public… des choses comme cela, mais tout ça, c’est de l’ordre de la croyance puisque nous continuons à croire qu’on ne peut pas se passer de crédit pour financer l’outil de travail et qu’il faut donc des investisseurs, il faut des investisseurs, on ne peut pas s’en passer.
En 2007 les investisseurs, c’était le collapse => on pouvait en finir, mais on n’en a pas fini ? puisque nous avons soutenu, soutenu ! (je n’ai vu aucune manif en 2007 pour dire finissons-en avec les investisseurs, c’était l’occase ils étaient morts). Nous avons laissé faire une création monétaire insensée pour renflouer les actionnaires en disant attention si le système financier s’effondre c’est tout qui s’effondre. C’était le collapse, on avait l’occasion d’en finir avec cette croyance, non seulement la croyance mais la domination de la classe capitaliste. Pas du tout nous avons laissé faire son renflouement à coup de création monétaire considérable – qu’il faut que nous assumions aujourd’hui — par de l’austérité parce que pour que cette création monétaire ne soit pas de la planche à billets il faut en face qu’il y ait de la valeur, c’est-à-dire une ponction supplémentaire sur notre travail. La création monétaire insensée au service des banques, au service des actionnaires, au service des marchés financiers, qui continue depuis, il y a encore quelques semaines, la banque centrale qui n’a jamais de sous pour nous a encore aligné des liquidités invraisemblables pour les actionnaires des banques.
On va faire une manifestation contre l’austérité mais ça, ça n’est jamais que la conséquence de cette création monétaire au service des marchés financiers. Et on ne va pas la moraliser par un pôle public du crédit qui continue à légitimer le crédit. Revendiquer un pôle public de crédit c’est dans la croyance religieuse, je le dis en sachant où je le dis puisque je suis moi-même membre du parti communiste et je sais que ça fait partie de notre programme, hélas !
Être laïc, c’est séparer l’État de cette croyance : nous n’avons pas besoin de préteurs pour financer l’investissement, nous n’avons pas besoin d’une création monétaire par crédit pour financer l’investissement.
Réfléchissons, il ne faut pas plus de cinq minutes pour comprendre le truc, la croyance ça n’existe que parce que c’est une idée reçue c’est tout, ce n’est pas par sa force de rationalité, c’est irrationnel par définition. Donc un petit raisonnement très simple, sauf que « non ! Non ! Non, t’as peut-être raison mais non. Puis non, t’as pas raison finalement, oui ce que tu dis est rationnel mais non », c’est ça la croyance. Il faut cinq minutes pour démonter l’idée qu’il faut des prêteurs pour investir mais vous continuerez à croire qu’il faut des prêteurs pour investir. C’est ça la religion, on continue à croire contre toute raison parce que cette croyance, comme dit Marx, c’est le soupir de notre pauvreté, et que ça fait du bien de soupirer, c’est la consolation des vaincus, c’est l’opium du peuple, la consolation des vaincus. La croyance dans le crédit comme opium du peuple.
Nous investissons 400 milliards seulement, et encore, dans les 400 milliards, on compte la construction des maisons qui n’est pas, sauf exception, un outil de production ; mais c’est considéré comme de l’investissement. Donc, la statistique qui évalue à 20 % du PIB (puisque nous produisons 2 000 milliards par an), qui évalue l’investissement à 20 % du PIB, 400 milliards, est encore très surestimée puisqu’on a calculé dans l’investissement la construction d’immeubles. Donc, nous consacrons encore beaucoup moins que ça à l’outil de travail.
Ces 400 milliards, d’où ils viennent ? Ils nous sont prêtés. Alors, on croit qu’il faut qu’ils soient prêtés puisqu’ils le sont… Oui, c’est aussi ça la religion, c’est le fétichisme, ce qui est, c’est la nécessité. Pourquoi est-ce qu’ils nous sont prêtés ? Parce qu’ils viennent de nous être piqués ! et que le prêteur, c’est toujours quelqu’un qui vient de piquer, par définition.
Nous produisons 2 000 milliards par an. Sur ces 2 000 milliards, y en a 1 300 qui nous reviennent : 100 milliards comme produit du travail des travailleurs indépendants et1 200 milliards comme produit du travail salarié sous forme du salaire direct (celui du bas de la feuille de paie) et 650 milliards, et sous forme de cotisations sociales : 550 milliards. Nos salaires sont produits par notre travail, y compris le salaire des fonctionnaires qui est produit par le salaire des fonctionnaires, le salaire des parents est produit par le travail des parents, les allocations familiales, la pension des retraités est produite par les retraités, moi en ce moment je suis en train de produire de la valeur économique, et ma pension est l’expression de la valeur économique que je suis en train de produire.
Sur les 700 milliards qui vont au profit, la valeur ajoutée se partage entre ce qui va aux travailleurs qui ont produit cette valeur ajoutée et ce qui va au profit, c’est-à-dire à des parasites, qui (au nom de la propriété dont ils disent qu’elle produit de la valeur) piquent 700 milliards sur ce que nous produisons. 35 % de ce que nous produisons est piqué par les propriétaires, propriétaires directs, actionnaires et prêteurs. C’est nous qui produisons ces 700 milliards, seul le travail produit de la valeur, et ces 700 milliards vont — au titre de la croyance que le patrimoine génère de la valeur — aux propriétaires. On va dire « ils en récupèrent trop », y a un coût du capital, le coût du capital c’est les dividendes excessifs. C’est Pierre Laurent dans son débat avec Gattaz, c’est Lepaon lui il est un peu plus disqualifié. Je ne sais ce que dit Martinez mais la campagne de la CGT sur le coût du capital c’est sur le coût excessif du capital. Y a trop de dividendes, il y a trop de taux d’intérêt, les propriétaires s’empiffrent. Mais il n’y a pas de mise en cause de la rémunération du capital puisqu’il y a croyance dans le fait que le patrimoine génère de la valeur et cette croyance est populaire puisqu’elle a une pratique populaire dans nos propres vies dès lors que nous sommes locataires à autrui d’un terrain ou d’un appartement.
Or le coût du capital, ce n’est pas seulement (sur les 700 milliards) les 300 milliards qui ne sont pas investis : puisque les propriétaires empochent 700 milliards, ils en investissent 400, y a donc 300 milliards qui ne sont pas investis, la campagne de la CGT elle porte là-dessus, les dividendes après investissement et les taux d’intérêt, tout ça, ça fait 300 milliards, et la CGT, le parti communiste, le Front de gauche se battent contre ce coût du capital c’est-à-dire ces 300 milliards qui sont totalement parasitaires puisqu’ils ne sont pas investis, ils vont aller aux dépenses somptuaires et ils vont aller à la spéculation.
Mais les 400 autres milliards qui après nous avoir été piqués, nous sont prêtés… Pas de contestation, pas de contestation puisque nous croyons — c’est de la croyance — nous croyons qu’il est normal qu’il y ait un crédit pour financer l’investissement. Or ces 400 milliards nous sont piqués et s’ils nous sont prêtés c’est parce qu’ils nous sont piqués. La classe capitaliste passe son temps à piquer, à prêter ce qu’elle vient de piquer et à exiger un retour sur investissement. Ces 400 milliards c’est nous qui les produisons, ici et maintenant, c’est ni ailleurs, ni dans le passé.
« Mais oui, c’est ailleurs puisque vous avez des investissements qui viennent de l’étranger, c’est donc que ça a été produit ailleurs, et heureusement qu’il y a des capitaux qui viennent investir en France, heureusement que le Qatar… » Ah NON ! Rectification : ce qu’on appelle la balance des capitaux (c’est-à-dire la comparaison entre les capitaux qui viennent d’ailleurs et les capitaux qui sortent du pays), elle est nulle [équilibrée]. C’est-à-dire que les capitaux qui viennent de l’étranger sont compensés par les capitaux qui sortent du pays. Ça veut donc dire que les 400 milliards d’investissement en France sont produits en ce moment par notre travail. En ce moment, pas hier, donc ce n’est pas ailleurs que c’est produit, c’est par notre travail en ce moment.
« En ce moment » ? pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas mettre de la valeur au congélateur dans des titres financiers, ça n’existe pas, ça. La valeur soit elle se coagule dans des outils de travail et là pendant les cinq ans de l’amortissement cette valeur va durer, de plus en plus faible, c’est ce que Marx appelle le travail mort dans les machines, soit elle s’évanouit dans le moment même où elle est créée, mais en aucun cas la monnaie ne peut être une réserve de valeur, en aucun cas. En aucun cas un titre financier ne peut être une réserve de valeur, c’est d’ailleurs parce que ça ne peut être en aucun cas que les programmes d’économie qui sont du catéchisme nous enseignent que la monnaie c’est de la réserve de la valeur, bien sûr ! Et puis y a des profs de catéchisme qui pensent qu’ils sont laïcs, alors que ce sont des curés, des profs d’économie qui enseignent que la monnaie c’est de la réserve de valeur. C’est plus questions / réponses que dans le catéchisme d’avant le Concile : Qui est Dieu ? Dieu est un être…. en trois personnes, etc… c’est plus tout à fait ça, nos manuels sont un peu plus interactifs mais c’est toujours du catéchisme avec des curés qui enseignent la religion. Alors que ça crève les yeux que c’est ce que nous sommes en train de produire ce qui finance l’investissement, bien sûr ! Ben non, la religion capitaliste nous fait croire que ce qui finance l’investissement, c’est de la production d’hier ou d’ailleurs, qui est accumulée dans les mains de gens qui sont peut-être des salauds mais qui sont bien utiles, des salauds utiles.
Contre dieu, on dresse un poing vengeur (ce qui est toujours une façon de l’honorer : dire que dieu est un salaud c’est toujours pareil, c’est y croire, s’il est salaud c’est qu’il fait quelque chose, c’est qu’il sert à quelque chose).
Évidemment, l’investissement de 2014 est produit par notre travail en 2014, et il n’y a aucune raison que le produit de notre travail nous soit prêté, aucune. Il ne nous est prêté que parce qu’il vient de nous être piqué.
Or, nous avons déjà inventé l’antidote, la classe ouvrière a inventé la subversion de la croyance dans le crédit par de la subvention d’investissement grâce à l’impôt et à la cotisation sociale. Comment on finance (en tout cas jusqu’aux 30 dernières années, où nous sommes dans une régression considérable), comment est-ce qu’on finance les équipements collectifs ? Par de la subvention, le trésor public subventionne, il ne prête pas. Comment est-ce qu’on a financé l’investissement hospitalier, les CHU — cet énorme travail d’investissement des années 60 [par lequel] on a transformé un système hospitalier qui était un mouroir en un lieu de soins, et dieu sait si un hôpital c’est une usine en terme d’investissement — ? Par un appel aux marchés des capitaux ? Pas du tout. Par la cotisation maladie qui a subventionné l’investissement, mais pour une raison très simple (encore une fois) :
Qu’est-ce que c’est qu’investir ? C’est attribuer une partie de ce que nous produisons, non pas de la consommation finale qui va en salaire pour de la consommation finale, mais à l’entretien et à l’augmentation de l’outil de travail : on affecte une partie de ce qu’on est en train de produire. Donc, il n’y a aucune raison que cette affectation se fasse par du crédit puisque c’est ce qu’on est en train de produire. Il suffit que nous nous appropriions cette valeur et que nous l’affections par subvention aux hôpitaux et aux équipements collectifs. Depuis quand les hôpitaux et les collectivités locales sont sous la coupe de Dexia ? Depuis que l’on n’augmente ni les impôts, ni les cotisations sociales. Et pourquoi est-ce qu’on n’augmente pas les impôts et les cotisations sociales ? Parce que vous avez un numéro annuel de la NVO : « pas un euro de trop en impôt », c’est même le numéro de la NVO qui se vend le plus, hélas ! les bons numéros se vendent pas ou sont pas lus, et puis parce que personne au Front de gauche, personne à la CGT ne se bat pour une hausse massive du taux des cotisations, personne, personne.
Comment est-ce que vous pensez que le taux de cotisations qui est aujourd’hui de 66 % du brut — 22 % cotisations salariales, 44 % de cotisations employeur — comment vous pensez que ce taux est passé de 32 % en 1945 à 66 % à la fin des années 70 ? Par une intervention du Saint-Esprit, par l’État providence ? Par une bagarre constante de la classe ouvrière pour que la cotisation à la place du profit finance l’investissement, pour que la cotisation et l’impôt, à la place du marché, du travail finance le salaire des fonctionnaires de la fonction publique hospitalière, finance les allocations familiales des parents. C’est parce que cette bagarre est abandonnée, parce que nous croyons qu’il faut du crédit pour investir, que nous sommes aujourd’hui pour les hôpitaux et pour les collectivités territoriales, dans une merde financière absolue, que l’on ne peut pas exclusivement attribuer à la mauvaise gestion des maires (je fais allusion à Grasse).
L’antidote, donc, de la croyance, l’affirmation laïque, ça n’est pas le crédit public (qui est toujours dans la croyance qu’il faut du crédit) : l’affirmation laïque qui nous fait advenir comme souverain de la valeur c’est la cotisation sociale pour financer l’investissement hospitalier. Généralisons ! Nous pouvons financer tout investissement par une subvention de caisse d’investissement qui collectera 40 % du PIB, ou 30 où du PIB pour subventionner les investissements, et là nous allons faire jaillir les PME qui aujourd’hui crèvent, n’ont aucun accès aux financements, etc., relancer les services publics qui aujourd’hui crèvent de sous-investissements. Mais ça passe par un combat laïc contre la croyance dans la nécessité du crédit.
Quatrième croyance : la croyance dans la réduction du temps de travail comme fondement de la productivité, comme mesure de la productivité. Là encore nous sommes dans une institution fondamentalement capitaliste et dans une croyance qui nous aliène et qui nous empêche de nous poser comme peuple souverain en matière économique.
L’idée qu’il faut abaisser le temps de travail pour avoir des gains de productivité, une idée où nous souffrons mais comme dit l’autre, j’aime l’amour qui fait mal, nous souffrons du fait que notre production soit mesurée par le temps de travail, qu’il s’agisse en permanence de réduire le temps de travail par unité produite, nous souffrons dans les services publics lorsque le New public Management introduit cette gestion capitaliste par le temps qui transforme l’appareil de santé en lieu de protocoles là où c’était un lieu de clinique. Et tous ceux qui soignants sont obligés d’appliquer des protocoles — parce que les protocoles c’est gérables quant au temps, la maitrise du temps devient possible — tous ceux qui sont obligés d’appliquer des protocoles et de ne plus faire de clinique, souffrent de ce mauvais travail qu’on leur fait faire, tous ceux qui passent leur temps à remplir des paperasses pour la gestion du temps, souffrent de tout cela mais ils continuent, c’est ça le soupir de la religion, je soupire, je crois… il faut réduire le temps de travail pour les gains de productivité. Je crois que ce qui fonde de la valeur de ce verre d’eau, de ce stylo, de ce micro, de ce cahier… qui sont des valeurs d’usage incommensurables, ce qui permet de les comparer c’est le temps de travail qu’ils contiennent, je le crois, croyance totale qui nous est imposée par la religion capitaliste mais on le croit, ça nous fait souffrir, c’est beau, je souffre.
Quel est l’antidote qui a été inventé, parce que là encore la classe ouvrière quand elle était révolutionnaire — j’en parle au passé c’est clair, mais elle l’a été — la classe ouvrière quand elle a été révolutionnaire s’est battue pour une autre mesure de la valeur que le temps : la qualification du producteur. Elle s’est battue comme un chien pour la convention collective, pour que le salaire ne soit pas mesuré comme prix de la force de travail sur un marché, c’est-à-dire le temps nécessaire à la production des biens que va consommer le travailleur, ça c’est la définition capitaliste du salaire. Elle s’est battue pour que ça ne soit pas ça qui mesure le salaire mais la qualification du poste qui n’a rien à voir avec le temps. Elle s’est battue pour que ce qui mesure la production ce soit la qualification du producteur. Et là on n’est plus dans l’emploi où ça c’est la qualification du poste, on est à mi-chemin là, on est dans la fonction publique où c’est la qualification du producteur qui mesure la valeur.
Comment est-ce qu’on mesure la valeur produite par l’administration dans le PIB, comment est-ce que les statisticiens de l’INSEE mesurent la contribution à l’administration à la production de valeur ? En additionnant les salaires des fonctionnaires. Puisque le salaire d’un fonctionnaire mesure sa qualification propre, le fonctionnaire c’est quelqu’un qui a un salaire à vie, on mesure la valeur non pas par le temps de travail mais par la qualification du producteur, mesure éminemment émancipatrice. Et tous ceux qui, dans les services publics, sont progressivement avec le new public management sous la dictature du temps savent la régression qu’il y a à passer de la qualification du producteur à la mesure de la valeur par le temps de production.
Donc nous avons inventé l’antidote, nous ne sommes pas démunis :
c’est parce que nous croyons dur comme fer que le marché du travail est nécessaire, que le crédit est nécessaire, que la mesure de la valeur par le temps est nécessaire, que la propriété lucrative est nécessaire.
Cinquième croyance : la sécurité sociale comme solidarité. Vous voyez que, pour le capital pour qu’il puisse dominer nos vies, pour qu’il puisse empêcher la souveraineté populaire, il faut qu’il dégage en permanence des croyances religieuses, c’est une condition sine qua non : s’il n’y a pas de religion, il n’y a pas de pouvoir, et tout pouvoir s’exprime d’abord dans la religion.
La religion du capital nous dit que ne produit de valeur que celui qui va sur un marché du travail se soumettre à un propriétaire lucratif qui a financé son investissement par crédit et qui mesure la valeur de ce que l’on produit par le temps. En dehors de ça y’a pas de production, y’a de l’utilité sociale mais y’a pas de production de valeur. Donc tous ceux qui ne sont pas dans cette situation s’ils ont des ressources c’est à cause de la solidarité, c’est parce que ceux qui produisent de la valeur sont solidaires d’eux, ceux qui produisent de la valeur ne consomment pas tout leur salaire, y a une partie de la valeur qu’ils ont produite, les cotisations sociales, c’est eux qui les ont produites — je dis la religion là, nous sommes d’accord — Sur ma feuilles de paie, les cotisations sociales, c’est moi qui les ai produites mais je les consomme pas parce que je suis solidaire. Je suis solidaire des vieux, les vieux ça produit pas, ça n’a pas d’emploi, ils ne produisent pas, s’ils ont des ressources c’est parce qu’ils ont produit d’accord, c’est normal qu’on les récompense, mais aujourd’hui ils ne produisent rien, ils ne se soumettent à aucune des institutions de la valeur du capital. La classe ouvrière n’ayant jamais été révolutionnaire dans la religion, on n’a pas inventé d’alternative, on n’a pas inventé d’alternative à la valeur capitaliste, on n’a pas inventé une valeur salariale anticapitaliste, non on n’a rien inventé de tout ça, on n’a pas inventé une valeur salariale, on s’est juste battu pour le partage de la valeur mais pas pour le changement de la valeur, alors que c’est ce qu’on a fait, la classe ouvrière révolutionnaire s’est battu pour le changement de la valeur, non pas pour son partage mais pour son changement.
Dans ce cas-là, tous ceux qui ne se soumettent pas aux institutions du capital (ou qui en sont libérés), ils n’en sont libérés qu’au prix de la solidarité des autres, et les retraités bénéficient de la solidarité des actifs. Je reviens à la feuille de paie, à sa lecture religieuse, la lecture religieuse de la feuille de paye consiste à dire : C’est moi qui ai produit mes cotisations sociales je ne les dépense pas toute – je suis dans la formation syndicale niveau 1 qui enseigne la religion du capital – c’est moi qui est produit mes cotisations sociales, je ne les consomme pas toute, je les verse à la solidarité, solidarité avec les retraités, solidarité avec les malades, solidarités avec les familles, solidarité avec les chômeurs. Et cette solidarité c’est en même temps de la prévoyance. C’est pour ça que ces cotisations c’est du salaire différé — là, je suis plutôt à FO qu’à la CGT, parce qu’à la CGT, ils parlent de salaire socialisé depuis que j’ai fait campagne pour le salaire socialisé. C’est un article de Arguments et Documents Economiques, le conseiller fédéral qui bosse sur les questions de finance, il est cité dans la dernière NVO de février, qui au début des années 2000 a insisté pour qu’à la CGT on parle plus de salaire différé mais de salaire socialisé, sauf que la façon qu’on a de parler du salaire socialisé c’est comme si c’était du salaire différé.
Le salaire socialisé ça veut dire que ce n’est pas mon travail passé qui finance ma pension ou mon allocation de chômage ou ma prestation de santé. Bien sûr que c’est le travail actuel, donc on parle de salaire socialisé aujourd’hui et non pas de salaire différé, sauf que le salaire socialisé dont on parle on en parle exactement dans les termes du salaire différé, ce que je suis en train de vous dire : sur ma feuille de paie y a mon salaire net qui est ce que je consomme de mon salaire, puis il y a le salaire indirect ou socialisé mais en réalité différé puisque je vais le récupérer plus tard, je suis prévoyant et lorsque je serai moi-même malade, en retraite, chargé de famille ou chômeur, je bénéficierai de la solidarité des autres mais qui ne sera jamais que l’expression de la solidarité que j’ai moi envers les autres. Salaire différé, je ne consomme pas tout mon salaire tout de suite, j’en consommerai une partie demain. Nous sommes dans la religion qui veut qu’un chômeur ne produit pas, un parent ne produit pas, un fonctionnaire de santé ne produit pas, un soignant en général ne produit pas, un retraité ne produit pas, s’il a des ressources c’est par la solidarité et la prévoyance que sont les cotisations, nous adhérons à la religion qui veut que seul celui qui a un emploi produit de la valeur, ceux qui n’ont pas d’emploi ne produisent pas de valeur.
L’antidote a déjà trouvé lorsque nous avons imposé justement comme du salaire la cotisation, ça ne voulait pas dire que c’était mon salaire, ça voulait dire que tous ceux qui produisent du non-marchand, les fonctionnaires parce qu’on peut dire la même chose de l’impôt, les retraités, les parents, les chômeurs et les soignants (je prends les quatre branches de la sécurité sociale, je prends aussi la fonction publique), tous ceux qui produisent du non-marchand produisent évidemment de la valeur mais cette valeur ne peut pas s’exprimer dans le prix des biens et services qu’ils rendent puisqu’ils sont sans prix précisément.
Où se trouve la monnaie ? Dans ce qui a du prix. Donc la monnaie qui reconnait de la valeur produite par les fonctionnaires, l’impôt, la monnaie qui reconnait la valeur produite par les soignants, les retraités, les parents et les chômeurs, cette valeur se trouve dans le prix des marchandises mais ça n’est pas la valeur de la marchandise, le prix des marchandises inclut la valeur du non-marchand. Mais le non-marchand est produit par ceux qui travaillent dans le non-marchand, ma pension est produite par moi, pas par un autre qui travaille pour moi. On ne peut pas y échapper à cette croyance, c’était il y a quelques années, ce n’est pas récent mais on était en réunion, un téléphone sonne toujours (ces saloperies de téléphones qui sonnent quand on est en réunion et en plus les gens vont écouter leur truc), et le gars dit : « On m’annonce la naissance d’un tel, ah bien bravo pour nos retraites c’est une bonne nouvelle ».
La croyance ça s’exprime toujours dans le quotidien, dans le tissu de nos vies les plus quotidiennes, c’est pour ça que c’est une tunique de Nessus dont il faut que nous nous débarrassions, l’État déjà sinon nous-mêmes.
La bataille laïque suppose de séparer l’État de l’église capitaliste. C’est une église parce qu’elle a un rituel qui est un rituel religieux. J’en donne seulement deux exemples :
Nous formatons pendant 18 ans, entre 3 ans et 21 ans, nous formatons nos enfants pour qu’ils se conforment aux exigences du marché du travail. Si ce n’est pas dieu, ça, je ne sais pas ce que c’est, dieu… Les exigences du marché du travail. Pensez à l’inquiétude des parents pour leurs enfants qui ne se soumettent pas aux exigences du marché du travail, à 18 ans ce n’est pas grave, à 25 ans on commence déjà à tortiller des fesses, à 30 ans « mais quand est-ce que tu te vends bonsoir de pipe ! ». Qu’est-ce que c’est ça sinon un rituel religieux ; un dieu dont il faut satisfaire les exigences.
Deuxième exemple du rituel religieux : régulièrement dans la journée si nous n’avons pas pris l’habitude de fermer notre poste ou de ne pas aller regarder sur internet (ce qui est encore pire, on croit s’en libérer en étant tout le temps victime du truc. Vous savez ce que c’est que d’aller écouter la radio sur internet où y a les journaux, c’est être encore davantage victime). On ne peut pas échapper au moment tout à fait rituel où depuis le temple (jamais depuis le studio), sur le ton du moulin à prières, on nous égrène le Cac 40… dont-on n’a rien à cirer et on comprend rien, 3800 ça veut dire qu’il a été multiplié par 3,8 depuis la fin des années 80. Est-ce que nos salaires ont été augmentés de 480 % depuis la fin des années 80 lorsque le seul ouvrier d’un ministre socialiste monsieur Bérégovoy crée le Cac 40 (l’ouvrier de service, c’est toujours à eux qu’on demande de faire des saloperies : c’est bien tout le mépris de Mitterrand pour la classe ouvrière… [Bérégovoy] qui a fini par se suicider d’ailleurs… Qu’est-ce qu’il lui restait comme autre chose ? C’est tragique, quand on voit ce destin). Je reviens à la religion : nous avons le muezzin qui régulièrement nous rappelle à la prière et ce n’est pas pour rien qu’on nous associe à cette liturgie permanente, c’est pour que le matin on écoute le sermon du curé, et c’est un curé d’avant le Concile, un curé qui nous dit : « si vous n’êtes pas sage vous irez en enfer », il nous le répète tous les matins et on est là, on continue à écouter notre radio…
Déplaçons nos combats laïcs, nos sociétés ne sont qu’à mi-chemin dans la bagarre de la laïcité. Nous avons à mener un combat laïc qui lui ne sera jamais récupérable par le front national, puisque c’est le combat contre les croyances qui assurent la domination du capital.
Bernard Friot (27 février 2015).
https://youtu.be/3vW8EoVUaEo
Merci Nicole ! 🙂
La croyance (religieuse, irrationnelle) que
« le patrimoine crée de la valeur économique »
(croyance en la légitimité de la propriété lucrative ;
croyance que « il est normal de tirer un revenu d’un patrimoine »,
alors que la seule source de valeur est — exclusivement — le travail vivant).
le patrimoine crée bien de la valeur, mais pas selon la vision des saint simoniens capitalistes le patrimoine dont il est question est la source de dieu, il s’agit du champ electromagnetique, ces memes ondes qui crééent la matiere et l’energie necessaire en tout travail. et jusqu’ a preuve du contraire personne n’est proprietaire des ondes qui ont pour symbole l’infini.
BF écrit :
« n’ayons pas de la laïcité une définition qui la réduit aux rapports entre l’État et la religion. »
Difficile à avaler !
BN écrit :
« rendre possible des lois, des institutions, qui affirment contre le pouvoir la souveraineté populaire »
Cette sentence définie la « Démocratie » et pas le « Laïcité ».
Franck Lepage (sur Ballast) :
« L’école fabrique des travailleurs adaptables et non des esprits critiques »
http://www.revue-ballast.fr/franck-lepage/
Bonjour,
Autant je trouve remarquables vos travaux et vos réflexions sur la Constitution, autant je trouve intellectuellement navrant et profondément naïf votre support du communisme.
Mon épouse a fui le régime de Caucescu lorsqu’elle avais 16 ans. Elle a vécu la souffrance de ses parents et enduré l’incertitude de revoir un jour sa mère, contrainte de rester au pays, et malmenée par des interrogatoires cherchant à savoir où avait fui la famille.
26 ans plus tard, après avoir été rescapée d’un régime de terreur communiste, lorsqu’elle croise des communistes EN FRANCE, elle ne peut évidemment pas comprendre… et elle rêverait de pouvoir les téléporter ne serait-ce qu’une semaine dans un vrai régime communiste, où toutes les fourmis ouvrières ont EFFECTIVEMENT du travail, mais pas grand chose d’autre. Cette expérience leur permettrait sans nul doute de comprendre à quel point le rêve que M. Bernard Friot tente de leur vendre – c’est son fond de commerce – n’a de saveur que pour l’esprit.
Messieurs les communistes, réveillez-vous ! Rappelez-vous l’Histoire, et faites confiance à ceux qui ont VRAIMENT vécu le communisme…
Cher David,
Êtes-vous certain qu’il soit pertinent (et utile) d’appeler « communisme » les régimes de terreur dont vous parlez ?
À mon sens, ils ne sont pas plus « communistes » que nos régimes ne sont des « démocraties » ; sans quoi on serait fondé à détester aussi « la démocratie ». Ce qui ne serait pas pertinent non plus puisque nous ne sommes pas en démocratie.
Non ?
La violence extrême (différente, certes, mais extrême aussi) des régimes dits « démocratiques », violence faite aux esclaves à l’intérieur et aux colonies à l’extérieur, même s’il y reste les espaces de liberté dont nous profitons encore ici (pour le moment), cette violence dite « démocratique » me semble aussi détestable que les violences dites « communistes » dont vous faites bien de maintenir vivante la mémoire.
Il me semble qu’il y a d’autres communismes bien plus désirables (des communismes libertaires, plutôt que marxistes-léninistes) ; en tout cas bien plus intéressants : je pense à toutes ces petites communautés humaines (anarchistes ou démocratiques, comme on veut) où, d’une part, LES COMMUNS sont importants et gérés pacifiquement (souvent par les femmes, d’ailleurs) dans l’intérêt général bien compris (Indiens d’Amérique, villages du moyen-âge, sociétés de pirates, etc.) et où, d’autre part, les pouvoirs sont limités et sous la surveillance quotidienne et efficace de tous les individus.
Il me semble que c’est le communisme imposé par une élite autoproclamée qui est une horreur.
Le communisme délibéré (discuté), limité (circonscrit) et surtout voulu PAR TOUS me semble intéressant et acceptable, non inquiétant par construction puisque refusable.
Je vous fais remarquer que nous sommes déjà communistes pour des tas d’activités importantes, sans avoir à nous en plaindre (au contraire) : par exemple (il y a mille exemples), nous sommes communistes pour tout ce qui concerne les routes. Est-ce que ça se passe mal ? Nous sommes communistes pour le traitements des ordures et des eaux (eau courante au robinet et collecte/traitement des eaux usées). Même question. Et quand les services publics (comme le traitement des eaux) est privatisé, est-ce que c’est satisfaisant ? (moi, je trouve la privatisation de l’eau littéralement catastrophique).
Donc, ce qui semble utile à débattre, ensemble, vraiment, c’est « le niveau de communisme » que nous souhaitons (NOUS vraiment, et pas nos maîtres), les domaines où la mise en commun est nécessaire et pertinente, et les domaines où elle ne l’est pas. Cette discussion publique au cas par cas n’a jamais lieu dans nos prétendues démocraties où tous ces choix de société majeurs sont faits à notre place et contre nos intérêts par nos maîtres « élus » vendus.
Qu’en pensez-vous ?
Je pense qu’il faut opposer le communisme avec le capitalisme, le bien commun avec la propriété privée privilégiée par le capital.
Un régime fasciste communiste (Staline) ou fasciste capitaliste (Hitler) ne fonctionne pas pour l’intérêt des citoyens pour l’intérêt de quelques uns.
Le communisme ne devient intéressant pour les citoyens que s’il s’inscrit dans un régime démocratique, un vrai, où ce sont les citoyens qui décident et non sous notre démocratie de « façade » qui n’est autre qu’une aristocratie revisitée.
Les étiquettes ne font pas les politiques.
-Nous ne sommes pas en démocratie, je pense que nous ne sommes même pas en république.
‑Et de même les pays de l’est n’étaient pas communistes.
Ni notre système ni celui de l’URSS ne discréditent les principes qui ont été trahis ou mal implémentés.
La question et le challenge demeurent, nous avons à inventer un contrat social équitable ( ainsi qu’un contrat transpéciste entre nous et la vie ) et les modèles théoriques déjà déclinés peuvent être utiles à la réflexion, sans leur accorder ni aux uns ni aux autres des qualités qu’ils n’ont pas.
Nous sommes face à la page blanche de l’Histoire, qui nous demande d’être créatifs, et ça urge.
Cher Etienne,
Merci pour le temps accordé à votre réponse structurée.
Voici ma réponse, certes un peu longue…
1) De la violence :
Je me permets de reprendre votre propos en citant :
« La violence extrême (…) des régimes dits « démocratiques » (…) me semble aussi détestable que les violences dites « communistes » dont vous faites bien de maintenir vivante la mémoire. »
Je pense tout simplement que vous ne savez pas du tout de quoi vous parlez lorsque vous comparez les deux.
Il y a le poids des mots, et il y a le poids du vécu.
S’improviser dans ce type de comparaison, c’est dire droit dans les yeux à un ex-réfugié politique d’un pays communiste que son nouveau pays d’accueil est aussi violent que l’ancien parce que c’est un terrible pays capitaliste où les riches ne pensent qu’à eux … C’est juste absurde.
Si ce genre de discours pourra sans mal convaincre n’importe quel communiste français en mal de grande camaraderie – et mal payé par ses patrons capitalistes sans scrupule – , je puis vous assurer vous ne pourrez JAMAIS convaincre un ex-réfugié politique de retourner d’où il vient pour fuir « la violence du capitalisme » dont vous parlez.
Toute pirouette réthorique ne saurait retomber sur ses pattes lorsqu’il s’agit de comparer la violence d’un communisme étatique, imposé, paranoïaque, et meurtrier, avec un état certes honteusement capitaliste, mais qui n’exécute pas encore ses citoyens pour des divergences d’opinion.
Il n’y a tout simplement aucune comparaison possible, et je regrette que ces comparaisons puissent être faites par gens qui n’ont aucune expérience de ces régimes, et qui n’ont, selon moi, aucun droit d’en faire l’apologie, ne serait-ce que par respect pour tous les gens qui ont souffert dans ces régimes politiques extrêmement violents – et pas « légèrement violents ».
En disant cela, je pointe spécialement du doigt l’orateur Bernard Friot, dont le public communiste français se délecte de ses puissantes paroles dont la gravité me semble, hélas, bien sous-estimée.
L’idéal de laïcité qu’il vend dans le démantelement des cinq croyances, c’est exactement ce qui était appliqué dans les vieux modèles communistes de l’Est.
Je ne vois pas où se situe l’innovation.
Je reviendrai d’ailleurs un peu plus tard sur le sujet, en montrant comment il cherche à démonter un système de croyances (la religion capitaliste) tout en le remplaçant par son propre système de croyances, encore plus subversif (voir point 4).
Pardonnez-moi, j’ai peu de compassion pour les gourous, fussent-ils bouddhistes.
2) De la liberté :
Pour reprendre votre expression, les « espaces de liberté dont nous profitons ici » sont très loin d’être aussi négligeables que votre propos semble le souligner.
Beaucoup de personnes sont mortes dans l’ensemble des états communistes (et pas seulement en Roumanie) pour avoir ne serait-ce qu’envisagé ce petit espace de liberté qui nous semble si évident chez nous.
Je suis né dans une dictature capitaliste – la France – où j’ai pu recevoir formation, esprit critique, et même, droit à la critique. Je suis né dans le pays de Charlie.
Que je ne sois pas entendu en tant que citoyen est un fait navrant et pour lequel je soutiens totalement votre démarche intelligente de reprendre notre Constitution en main, mais aujourd’hui, ma pensée divergente ne me menace ni de camp de travail, ni d’interrogatoire, ni d’exécution silencieuse.
C’est précisément pour cela que le père de mon épouse, lorsqu’il a pu fuir le régime avec ses enfants, a préféré la dictature capitaliste à la dictature communiste.
Pour cela, ne confondons pas les dictatures, s’il vous plait, car l’une est presque vivable, alors que l’autre pas du tout.
3) De la dédiabolisation du communisme :
L’histoire nous a montré de nombreux essais de communisme, sous plusieurs formes possibles, avec à chaque fois une violente dictature comme épilogue.
Voulez-vous vraiment réessayer encore une fois, pour être tout à fait sûr de la fin de l’histoire ? Voulez-vous rejouer le film ?
J’ai bien analysé le discours de M.Friot, et je ne vois pas d’innovation par rapport à l’ancien modèle communiste.
Patrimoine nationalisé, mise en commun de l’outil de travail, partage des ressources, salaire et sécurité pour tous, etc…
Pouvez-vous préciser quelle est la nouveauté dans son discours qui va nous garantir que nous n’aboutirons pas aux mêmes effets à partir des mêmes causes ?
L’entreprise de dédiabolisation du communisme me semble aussi dangereuse que l’entreprise de dédiabolisation d’un certain parti d’extrême droite et menée par une certaine personne dont je ne ferai pas la publicité ici.
Attention, loin de moi l’idée de vous comparer : vous n’avez clairement pas les mêmes valeurs, et je suis convaincu que votre démarche est tout à fait saine et honnête.
En revanche, je souhaite vous alerter contre ce procédé très insidieux de réhabilitation du communisme, que vous soutenez lorsque vous citez M.Friot en exemple.
Si « votre » communisme à vous se limite au sens éthymologique du mot et donc à la mise en commun de moyens – comme le ramassage des ordures – alors, je suppose que personne n’y voit d’objection.
Le problème, c’est que beaucoup de gens aujourd’hui ont l’esprit moins structuré que le vôtre et ne connaissent absolument pas la différence entre le communisme que vous soutenez et celui des ex-pays de l’Est.
Je vous rappelle surtout qu’il y a encore aujourd’hui en France un très grand nombre de personnes tout à fait convaincues que le communisme pratiqué autrefois dans les pays de l’Est fut un modèle d’organisation de la société et un idéal de camaraderie, et que tout ce que l’on raconte de négatif à propos des régimes totalitaires n’est que de la propagande capitaliste.
Ce renversement de la vérité est si choquant – surtout pour des ex-réfugiés politiques qui savent très bien ce qu’ils ont vévu – qu’il est important de toujours garder à l’esprit que le mot « communisme » est chargé d’un sens beaucoup plus lourd que celui de son éthymologie.
Lorsque vous soutenez le « communisme », vous ne soutenez pas forcément le communisme que vous avez en tête.
Peut-être faudrait-il tout simplement changer de mot pour éviter l’amalgame ?
4) De l’idéologie :
Je suis le premier à reconnaître que l’idée du communisme est une très belle idée, fondée principalement sur une collaboration bienveillante entre les êtres de la communauté.
Etre communiste, c’est être tourné vers le partage.
Etre communiste, c’est faire passer l’intérêt général avant l’intérêt particulier.
L’être communiste est un être doué de compassion envers ses proches, et sacrifie sans aucun état d’âme la possibilité pour lui de faire fortune, au profit d’une répartition de la richesse entre tous.
L’être communiste admet aussi que chaque être humain est différent, et a des aptitudes différentes au travail, dans différents domaines.
L’organisation générale de la société doit donc placer chaque individu là où ses talents particuliers s’exprimeront le mieux (talents artistiques inclus, puisqu’une société humaine s’exprime aussi par la création artistique).
Ainsi, chaque personne, capable et moins capable, bénéficie d’un salaire à vie (proposition faite par M.Friot) au titre de son utilité envers la communauté, et non au titre de son EMPLOI.
Je reprends les merveilleux exemples de M.Friot, où d’ailleurs le salaire ne serait plus attaché à un poste de travail, mais à une personne.
C’est un très bon exemple, car il illustre parfaitement l’absurdité utopiste du modèle communiste.
En octroyant un salaire à vie à la personne et non au poste de travail, comment M.Friot va-t-il gérer l’être humain qui souhaite, non pas travailler à l’usine, mais plutôt faire le tour du monde avec son sac à dos pour faire un magnifique reportage photo dont toute la communauté bénéficiera afin de s’enrichir culturellement ?
Comment monsieur Friot va-t-il gérer l’artiste peintre qui souhaite s’enfermer deux ans dans son grenier en recherche d’inspiration, afin de (peut-être) créer une oeuvre majeure ?
(je connais quelqu’un comme ça, cela existe vraiment !)
Et comment M.Friot va-t-il gérer le monsieur qui va tous les jours à l’usine, et qui, lui aussi, aimerait bien pouvoir faire le tour du monde ou peindre pour obtenir un salaire ?
J’irai même plus loin : M.Friot propose aussi que le salaire ne soit plus lié au poste ou au temps de travail, mais à la compétence.
Sur quelle échelle de valeur M.Friot va-t-il évaluer la compétence du peintre génial et du photo reporter, tout aussi utiles à une société humaine qu’un électro-mécanicien ? Quel salaire aura le peintre qui a recherché son inspiration pendant 2 ans, puisqu’il n’est pas évalué à son temps de travail ?
Sur deux exemples pris à la volée et qu’on pourrait multiplier à l’infini, on voit bien l’ineptie du système : bien que le globe-trotter et le peintre aient une utilité vitale pour une communauté d’être humains épanouis, je fais le pari que PERSONNE, fut-il un communiste convaincu, ne souhaitera partir travailler à l’usine pour financer le choix de vie de ces deux individus.
Dans une société d’être humains, personne ne veut être celui qui travaille à l’usine pour financer le voyage du globe trotter.
Dans une société d’être humains, personne ne veut être celui qui travaille à l’usine pour financer le peintre.
Dans une société d’être humains, TOUT LE MONDE veut être celui qui fait le boulot le moins pénible, pour le meilleur salaire.
Comment les fameux « antidotes » de M.Friot vont-ils bien pouvoir gérer cela ?
Ce que je veux dire par là, c’est que le modèle dont parle M.Friot où tout le monde est rémunéré à vie au titre de son utilité dans la société, ce n’est pas une société d’êtres humains.
Le modèle dont parle M.Friot, et que j’appellerai « son autre religion », sa croyance personnelle, c’est une société de fourmis où il n’y a ni peintre, ni globe trotter.
5) De la source du problème :
Pour conclure, les formes de communisme « bien plus désirables » dont vous parlez n’existent que dans les livres, et cela pour une raison très évidente : l’EGO.
L’ego humain est un pivot incontournable qui doit être intégré totalement dans votre réflexion, sinon, vous ne resterez, comme M.Friot, qu’un utopiste parmi d’autres.
J’imagine que vous connaissez par coeur le film « Animal Farm », qui illustre brillamment comment un groupe d’animaux évicte du pouvoir l’être humain (le tyran capitaliste exploitant) pour reconstruire sa société parfaite où tous les animaux seront égaux entre eux. Egaux… au début de l’histoire, tout du moins ! La fin de l’histoire, je la donne à ceux qui n’ont pas vu le film (ou lu le livre), puisque les règles évoluent progressivement en faveur des cochons, qui finissent par s’auto-proclamer « plus égaux que les autres ».
Pourquoi les cochons ? Tout simplement parce qu’ils sont les plus intelligents.
La nature est ainsi faite.
Ces cochons, ce sont nos être humains les « plus malins », dirons-nous pour être courtois.
De manière générale, la plupart des hommes ayant un talent particulier ne voient pas de raison objective pour que cet avantage offert par la nature ne soit pas mis à leur profit.
Pourquoi ? Toujours à cause de l’ego, cet ingrédient inhérent dans la formule de l’être humain.
L’ego est un fait : ce n’est même pas une fatalité ni une résignation que de l’admettre.
C’est juste du réalisme.
Toute tentative d’inventer un nouveau modèle de société – comme celui de M.Friot – dans lequel on ne prendrait pas en compte l’existence de l’ego est voué à l’échec.
Depuis plus de deux milles ans, les sages tentent de sortir les hommes de leur ego sans avoir trouvé de recette universelle.
Tant que l’ego vivra, vous ne pourrez jamais endiguer l’extrême tentation de posséder – ou tout simplement « être » – plus que le voisin.
Si votre projet de construction d’une nouvelle Constitution doit réussir, je vous suggère vivement de ne pas ignorer la puissance de l’ego dans votre équation.
Le centre du modèle capitaliste, c’est l’ego !
Bon courage à vous.
Bien amicalement,
David
Vous opposez démocratie et communisme, mais l’un ne va pas sans l’autre. Vous devez opposer communisme et capitalisme.
Un système communiste dans un régime non démocratique, vous l’avez connu, ça peut être l’horreur, mais attention, comme tout régime non démocratique. Pensez à l’Allemagne Nazie qui était une dictature capitaliste ou au Chili de Pinochet. Toute dictature dépend de la bonne volonté du dictateur (ou de ces maîtres qui le financent). Peu importe le type de dictature : qu’elle soit communiste ou capitaliste, nous finirons tous égaux dans la misère aux services de nos maîtres.
Si nous voulons changer les choses, c’est maintenant. Maintenant que nous avons ce petit espace de liberté. Hélas plus pour longtemps, pensez aux lois liberticides. Ce n’est certainement pas le moment de baisser les bras ou de faire la fête comme sur le Titanic tant que le champagne coule à flot.
Si nous voulons apporter la Démocratie, nous savons ce qu’il faut modifier, tout est inscrit dans la Constitution. C’est le coeur de notre société malade.
Oui Joss,
Vous avez raison, j’oppose démocratie et communisme car il se trouve que les deux ne se sont encore jamais rencontré : hasard ?
Pas si sûr. Je veux précisément faire passer le message que le communisme n’est structurellement pas la bonne solution parce qu’il repose entièrement sur l’utopie d’une société où les être humains sont tous identiques et sans ego, à la manière des fourmis.
Pour pouvoir fonctionner indépendamment du « marché du travail » (seconde croyance capitaliste, selon M.Friot), ce système doit nécessairement être contraignant, sinon, pour le même salaire, tout le monde veut être « photo reporter / globe trotter » plutôt que « travailleur dans la mine ».
Etienne Chouard pourrait être suivi plus massivement s’il n’était pas associé à l’idée d’un renouveau communiste « qui, cette fois-ci, va fonctionner, on vous le promet ».
Reprendre la Constitution en main, c’est extrêmement sensé.
« Distribuer un salaire à vie, pour tous, indépendamment du temps de travail, et au titre de son utilité dans la société » (idée proposée par M.Friot et couverte d’éloges par M.Chouard), c’est tellement démagogique (du grec demos « le peuple » et ago : « conduire ») que cela fait sombrer de facto tout le reste du blog pour toutes les personnes souhaitant vraiment réfléchir sans pour autant suivre une mouvance idéologique (dans ce cas, le communisme).
Je suis le premier à le déplorer, car le blog est une mine d’or pour plein de choses.
Saboter toute cette intelligence en soutenant des idées irréalisables, c’est vraiment du gâchis.
On dirait que M.Chouard ne veut PAS réussir.
Ou alors, il faut aller au bout des idées, et nous expliquer clairement comment seront rémunérés nos artistes peintres et nos photos reporters…
J’ai comme dans l’idée que la seule solution pour répondre à cette question sera d’imaginer un certain modèle de vie afin de répartir équitablement l’effort collectif. Et pour fonctionner, ce cadre d’équité devra être imposé à tous, pour le bien de tous… Et là, j’ai déjà peur de la suite, car on la connait.
Oui pour une mobilisation afin de récupérer le contrôle de notre Constitution.
Non aux utopies et aux discours démagogiques.
Amicalement.
Quelques remarques de Paul Jorion à méditer (en tout cas que je médite!):
8 mai 2015 (12min29): https://youtu.be/5A4hw1IMKh4
15 mai 2015 (7min57): https://youtu.be/lcFRPbhzGVs
26 juin 2015 (10min40): https://youtu.be/oA4rNclBkbs
Je ne retrouve plus celle où il mentionne Francois Roddier, mais il y a un billet qui présente spécialement une de ses vidéo (1h17min): https://www.pauljorion.com/blog/2015/03/21/la-thermodynamique-des-transitions-economiques-par-francois-roddier/
Je suis très persévérant lorsque je vois que la seule réponse est le silence, et j’attends toujours une proposition pour fournir un salaire à vie à mon artiste peintre, en rappelant les règles du jeu de M.Friot :
– salaire à vie pour mon artiste peintre,
– financement de l’investissement sans crédit pour son atelier de peinture (contre le chantage des prêteurs)
– mesure de la valeur par la qualification du producteur (= mesure de son talent ?) contre sa mesure par le temps de travail
Que proposez-vous pour évaluer la valeur du salaire à vie du peintre (et pour ce cas d’école en générale) ?
A moins que l’on doive sortir le peintre (et tous les artistes) de votre système ?
il ne vend pas ses oeuvres ( en plus du revenu inconditionnel ? )
He bien, on laisse un an a l’artiste peintre pour voir si son tableau prend de la valeur (si sa gloire est posthume tant pis pour lui!)… et ensuite on laisse faire l’artiste trader ! Vive Goliath ! Lol !
http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/05/14/les-chiffres-vertigineux-du-marche-mondial-de-l-art-en-2014_4632429_4355770.html#
p.184 du livre « Le cerveau de Bouddha » : « En plus de rechercher le plaisir de l’amour, nous essayons d’eviter de souffir lorsqu’il prend fin. Lorsqu’on subit une rupture amoureuse, une partie de notre systeme limbique s’active – la meme qui se manifeste lorsqu’on fait des investissement a haut risques susceptibles de tres mal tourner. La douleur physique et sociale est basee sur des systemes neuronaux qui se chevauchent : etre rejete fait mal, a proprement parler. »
En bas a gauche page 8 ici http://www.helenfisher.com/downloads/articles/Article_final_JRS_06.pdf : « Other studies have shown that the nucleus accumbens/ventral pallidum/putamen region where we found activity becomes more active as an individual chooses a high-risk investment associated with big gains or big losses, making it an uncertain gain (Kuhnen & Knutson 2005), or anticipates a money reward (Zald et al. 2004) »
David, le fait que certains cochons se ‘retrouvent’ plus égaux que les autres, n’est pas simplement du fait de leur ego mais particulièrement du fait de leur pouvoir propre, pas de leur entendement, ni de leur intelligence. Du fait du pouvoir personnel de certains cochon qui en disposent ‘naturellement’ plus que d’autre. Certainement le pouvoir personnel est une composante de l’égo mais pas sa totalité.
De ce fait la limitation constitutionnelle des pouvoirs est probablement la façon d’empêcher les excès de pouvoirs. À condition que son bras soit armé. L’équation est relativement simple, on ne peut échapper au pouvoir des plus puissants qu’en y substituant un pouvoir équivalent dont la qualité ne dépend que de notre maturité collective. Même une société anarchiste doit respecter l’ordre, d’une façon ou d’un autre.
Si on parle de revenu de base, ou d’un revenu universel attribué sans contrepartie, sauf légale, il n’empêche ni les autres activités lucratives, dans les limites légales, ni de ne rien faire pour celui dont c’est le désir, à supposer bien sur que la loi autorise à ne rien faire… d’apparent.
Et si personne ne veut aller à l’usine, c’est parce que ce n’est plus un projet pour personne. Après ceux qui veulent avoir des esclaves peuvent toujours faire œuvre de séduction, dans les limites légales…
Si tu a remarqué la tendance de fond est à l’autosuffisance alimentaire, y compris l’autosuffisance alimentaire urbaine, sinon il faudra bien mourir de faim, mais c’est assez long.
Merci pour vos réponses intéressantes, et votre temps accordé.
Hélas, je ne vois rien de concret pour justifier qu’on va payer indifféremment l’artiste peintre – en train de méditer dans son atelier – et le travailleur à l’usine, qui va se lever tôt chaque jour pour accomplir son labeur.
Si EN PLUS l’artiste peintre peut vendre ses toiles (suggestion d’Ana), c’est une double paye ! Paye du salaire « automatique » ajoutée à la paye de la vente de ses oeuvres. Le système devient encore plus inégalitaire, car le travailleur à l’usine n’aura pas eu le luxe de monayer une activité parallèle.
Et si EN PLUS l’artiste peintre peut spéculer sur le marché de l’art (remarque de Jacques), alors l’inégalité entre le travailleur à l’usine et l’artiste peintre devient abyssale.
Comment, dans ces conditions, accorder un salaire pour tous et à vie pour des activités qui n’ont rien à voir entre elles ?
Je ne vois toujours pas de réponse claire venir.
Pire encore : puisque mon salaire tombe automatiquement tous les mois, je ne comprends pas exactement par quelle sorte de miracle j’aurais envie d’aller travailler à l’usine ?
Plus drôle encore : puisque l’on peut travailler et gagner de l’argent EN PLUS du salaire automatique, il y a nécessairement un moment où les cochons (les plus malins) auront plus de richesses et de confort que d’autres, et je vois déjà arriver les revendications des moins riches : pourquoi accorder un salaire automatique aux plus riches puisqu’ils n’en ont pas besoin ?
Je pourrais continuer de multiplier les exemples de dysfonctionnements, mais je m’arrête ici.
Ces cochons, nous les connaissons tous, ils existent. Pourquoi vouloir nier leur existence ?
Proposer à des gens un salaire à vie « en tant que personne » et non pour un travail fourni, c’est au mieux une utopie, et au pire de la démagogie pour attirer les votants.
@David
En discuter fait déjà avancer le problème vers la solution.
Si on reprend les idées de Friot (enfin ce que j’en ai retenu),
‑les salaires pourraient varier de 1500 à 6000eur
‑ils dépendraient de la qualification (plus de l’emploi)
‑la propriété lucrative serait remplacée par la co-propriété d’usage
‑les salaires seraient payés par une caisse des cotisations
‑il parle aussi de supprimer l’impôt et l’usure et de récupérer la création monétaire
‑gérer les entreprises de manière démocratique (et l’état aussi)
‑il faut en finir avec :
« tu travaille, je te pique, je te prête et tu me rembourse ».
Alors, revenons au peintre :
‑en fonction de sa qualification il touchera un salaire,
‑si ce n’est pas un travail enregistré, le salaire sera le minimum (1500eur), il peut vendre des toiles mais au prix de la matière première x l’inflation,
‑si c’est un travail enregistré, le salaire sera fonction de sa qualification (plus que 1500eur par ex.), il vendra des toiles au prix estimé (matière première + heures de travail) mais l’entièreté de la vente ira à la caisse des cotisations.
Vous aviez parler aussi de mineurs (travailleurs des mines), qui voudra descendre dans les mines si tout le monde reçoit un salaire sans travailler ?
‑actuellement, pourquoi des gens choisissent le travail de mineur alors qu’ils pourraient très bien faire autre chose (de moins contraignant) ?
‑et si à la fin on ne trouve personne pour descendre dans la mine, comment on fait ?
…les travaux contraignant sont réalisés par les machines ou les robots !
la technologie au service de l’humanité et pas l’inverse (comme pour le moment).
et si vraiment, on ne peut faire autrement que d’envoyer un être humain dans la mine ? on tirera au sort parmi des personnes compétentes et capables pour ce genre de travail (sous forme de tournante pourquoi pas).
Quand on doit faire la vaisselle et que personne n’en a envie et bien on tire au sort et chacun son tour 😉 cela s’appelle l’entraide.
Le tirage au sort peut servir aussi à cela, Etienne sera content 😉
Maintenant si on vit en démocratie, toute notre vie sociale et économique se déciderait ensemble. D’autres pourraient avoir des idées plus adaptées ou plus respectueuses de chacun.
« Comment, dans ces conditions, accorder un salaire pour tous et à vie pour des activités qui n’ont rien à voir entre elles ?
Je ne vois toujours pas de réponse claire venir. »
»»
Il ne s’agit pas d’accorder un salaire pour telle ou telle activité mais d’accorder un droit, en gros celui que décrit l’article 25 de la DUDH, un droit INCONDITIONNEL.
Si ensuite les gens font plus, tant mieux. 🙂
Il est pour moi assez clair qu’accorder ce droit inconditionellement et intégralement est impossible dans le système monétaire actuel.
Par contre, la chose devient naturelle si la création monétaire ne correspond plus à un crédit mais à un DON, dont une des cibles prioritaires est/sera(it) le citoyen. ( grosso modo le principe de l’initiative monnaie pleine en Suisse )
Il s’agit de rien moins que d’une révolution psychanalytique amorcée, transition de la civilisation du contractuel truqué à la civilisation du don et du contributisme.
On ne peut entrevoir le projet que si personnellement on change de logiciel le temps de l’examen.
@Joss
« Alors, revenons au peintre :
‑en fonction de sa qualification il touchera un salaire »
Qui évalue la qualification du peintre abstrait ?
« ‑si ce n’est pas un travail enregistré, le salaire sera le minimum (1500eur), il peut vendre des toiles mais au prix de la matière première x l’inflation, »
Quels sont les critères pour qu’un travail soit enregistré ?
Si c’est la masse qui décide et qu’on juge un travail à son utilité, les artistes seront toujours en queue de peloton de votre société idéale.
« ‑si c’est un travail enregistré, le salaire sera fonction de sa qualification (plus que 1500eur par ex.), il vendra des toiles au prix estimé (matière première + heures de travail) mais l’entièreté de la vente ira à la caisse des cotisations. »
Pour quelle mystérieuse raison prendrai-je du temps pour vendre mes toiles si tout va dans la caisse commune ?
La partie « vente » n’intéresse quasiment aucun artiste qui ne le font que par nécessité. C’est un supplice pour eux.
J’en connais même qui ont le sentiment de « vendre leur corps » lorsqu’ils vendent leurs oeuvres, mais ils le font par nécessité.
Si demain les artistes sont payés par défaut et que tout le temps consacré à la vente (et c’est considérable !) ne leur rapporte rien, alors ils reporteront ce temps à leur passion, plutôt qu’en viles tâches commerciales.
« ‑actuellement, pourquoi des gens choisissent le travail de mineur alors qu’ils pourraient très bien faire autre chose (de moins contraignant) ? »
Les raisons sont multiples : contexte économique difficile, peu de formation pour prétendre à un boulot moins pénible, etc… En fait, la plupart qui le font n’ont justement pas choisi, c’est bien là votre erreur.
Pour ce qui est d’envoyer les gens dans la mine par tirage au sort… c’est vraiment amusant ! Et si celui qui est tiré au sort ne veut vraiment pas y aller, on fait quoi ? Prison ?
« Quand on doit faire la vaisselle et que personne n’en a envie et bien on tire au sort et chacun son tour, cela s’appelle l’entraide. »
Oui, je vois très bien le concept de ce monde magique où tout le monde est prêt à aider tout le monde. Ca doit être formidable.
Mais ne parle-t-on pas là d’utopie ?
Comme je le faisais remarquer précédemment, ces systèmes naïfs oublient tous le moteur de principal de 99% des êtres humains (et je suis optimiste avec ce chiffre): l’EGO. C’est lui qui veut plus, c’est lui qui veut s’emparer des situations à son avantage, c’est lui qui veut se protéger en priorité avant de penser aux autres.
@Ana Sailland
« Il ne s’agit pas d’accorder un salaire pour telle ou telle activité mais d’accorder un droit, en gros celui que décrit l’article 25 de la DUDH, un droit INCONDITIONNEL. »
On pourrait résumer ce nouveau droit Shakespearien par : « Je pense donc j’ai un salaire ».
Pratique.
Une petite anecdote de l’endroit où j’habite actuellement, La Réunion. Une très belle île, avec environ 40% de chômage, mais pourtant quasiment aucune misère (je parle de la misère qu’on pourrait trouver dans des pays du Tiers Monde et que j’ai largement visités pour pouvoir en témoigner).
Pourquoi ? Parce que votre droit inconditionnel au salaire existe déjà quasiment, sous une forme détournée (RSA, allocations diverses, …). Et ce système fabuleux où l’on a un salaire sans travailler nous produit à La Réunion le meilleur de l’exemplarité : des tonnes gens, et de plus en plus de jeunes, adossés sur des bancs avec une bière à la main.
Manque de travail ? Pas vraiment : ici à la Réunion, il est quasiment impossible de trouver un plombier, un électricien, un maçon compétent, un carreleur encore moins, etc… Il y a des tonnes de secteurs qui cherchent et qui ne trouvent pas.
J’ai un ami dont la société de construction désespère de ne pouvoir constituer une équipe technique fiable, et le son de cloche est le même à peu près partout… Pourtant : 40% de chômage ?
Alors, bug ???
Non, pas bug , mais plutôt « nature humaine ».
Si vous donnez à quelqu’un assez pour qu’il vive sans effort, alors l’effort n’est plus d’aucune utilité.
Evidemment, dire cela, c’est être très politiquement incorrect !
Parallèlement, dans tous les pays que j’ai pu visiter et qui n’ont pas tous ces avantages bien Français (Zimbabwe, Zambie, Mozambique, Laos, Népal, Sri Lanka…), je n’ai pas croisé de jeunesse désoeuvrée, à attendre sur des bancs une bière à la main.
Le manque mobilise. L’effort n’est même pas compté, pourvu qu’il y ait un petit quelque chose à la clé.
Je crois que votre droit inaliénable au salaire ne produira que des gens « avec des droits », et peu enclins à réaliser qu’il y a des devoirs en face. J’aime profondément votre idée de société, mais c’est hélas une Utopie.
Et pour en revenir au problème, je reprendrai une thématique chère à Etienne Chouard : s’attaquer à la Cause des Causes.
La Cause des Causes, ce n’est même pas notre Constitution, c’est l’Ego.
Résolvez les problèmes d’Ego des êtres humains, et tous les autres problèmes disparaîtront simplement, naturellement, automatiquement.
Mettez un seul être humain avec un peu de pouvoir et un Ego fort, et il corrompra tout le système.
« Qui évalue la qualification du peintre abstrait ? »
‑les citoyens
« Quels sont les critères pour qu’un travail soit enregistré ? »
‑aucun critère, il suffirait de s’enregistrer simplement.
« Pour quelle mystérieuse raison prendrai-je du temps pour vendre mes toiles si tout va dans la caisse commune ? »
‑Vous ne prendriez pas du temps pour vendre vos toiles, vous prendriez le temps nécessaire pour les réaliser. Rien ne vous oblige de les vendre, c’est vous qui parliez de les vendre, rien ne vous en oblige, surtout si ce que vous cherchez c’est la reconnaissance des autres.
« Pour ce qui est d’envoyer les gens dans la mine par tirage au sort… c’est vraiment amusant ! Et si celui qui est tiré au sort ne veut vraiment pas y aller, on fait quoi ? Prison ? »
‑Qui décide de faire la vaisselle chez vous (je suppose que vous êtes en couple) ? ou le ménage ? si aucun des 2 ne se propose, que faites vous ? Ce choix n’est pas une utopie, c’est très pratique, c’est un exemple réel. C’est un fonctionnement en communauté. Si vous ne voulez pas vivre avec les autres (ou en communauté), c’est votre choix et rien ne vous y oblige.
« Comme je le faisais remarquer précédemment, ces systèmes naïfs oublient tous le moteur de principal de 99% des êtres humains (et je suis optimiste avec ce chiffre): l’EGO. »
‑Vous dites « système naîf ». Qu’est-ce que l’entraide ? Pensez aux manchots qui ne peuvent passer l’hiver qu’en comptant sur l’entraide (ils s’agglutinent les uns aux autres) et non sur l’égo. Leur système naïf leur a permis tout simplement de survivre à un environnement agressif.
Cela n’a rien d’une utopie, tout est déjà dans la nature, il suffit d’ouvrir les yeux, on ne doit pas réinventer l’eau chaude.
David
Je m’abstiendrai de répondre à votre évocation littéraire par celle de Charlot 🙂
Le théâtre de Shakespeare est en effet très éloigné de l’idée de substituer la création monétaire par injection à l’actuelle création par le crédit.
Suivant le mécanisme d’émission choisi, le revenu inconditionnel n’est ni une utopie ni une revendication mais une conséquence.
;;;;;;;;
Evoquer l’ego ou la nature humaine est très intéressant, merci de l’avoir fait.
Pourrait s’ouvrir ici la question de la pertinence du concept de nature humaine. Est elle. Est elle cause ou effet, est elle définitive. Disposons nous du moyen de la modeler.
Soyons attentifs à cela que si la nature humaine, telle qu’elle fut peut être, a engendré une société, réformer cette société est de nature à réformer l’humain. Il serait dommage de considérer comme définitif ce qui fut choisi et de prendre l’Histoire comme prétexte à ne pas penser le futur.
Ah !
Les manchots n’ont justement pas d’ego, c’est précisément ce que j’essaie de vous dire. Le jour où les êtres humains agiront comme les manchots, il y aura probablement moins de problèmes.
Mais pour l’instant, dans la REALITE, nous avons affaire à des êtres humains, et leur ego.
Dans l’UTOPIE, nous pouvons effectivement nous faire croire que nous sommes comme les gentils manchots.
J’aime bien la comparaison de la vaisselle et du travail à la mine, mais… comment dire… je préfère faire la vaisselle. Vous partez systématiquement du principe que tous les êtres sont voués d’une empathie innée les uns envers les autres, et que le partage du travail est une évidence.
Ce n’est pas comme cela que cela fonctionne chez les êtres humains.
Je ne remets pas en cause votre système, qui est sûrement très bien pensé, et qui aboutirait sûrement à quelque chose de formiable. Ce que je remets en cause, c’est que ceux pensent ce système oublient systématiquement la donnée plus importante : on ne s’adresse pas à des manchots, mais à des êtres humains.
Les êtres humains, c’est le meilleur, et c’est AUSSI le pire (Daesh, etc…)
Si tout le système est uniquement fondé sur l’hypothèse du meilleur, alors c’est en même temps se bander les yeux en éludant le pire. Ca me semble une stratégie hasardeuse : dans la vraie vie, il y a toujours un gars qui se débrouille pour ne jamais faire la vaisselle (et je vous donnais mon exemple très parlant des jeunes passant la journée sur un banc avec une bière à la main).
Ma question est, entre autres, de savoir si on donne un salaire à ce celui qui ne fait jamais la vaisselle, puisqu’il se contente tout à fait de son salaire sans jamais contribuer la société.
Ce que j’ai voulu expliqué avec les manchots, c’est que l’individualisme n’est pas toujours la solution.
Dans la théorie des besoins et de la motivation de Maslow, l’égo n’est qu’un besoin parmi d’autres, et n’est certainement pas dans les besoins de base. Le système de Friot n’annule pas l’égo de chacun. Chacun garde son égo. Dans le système actuel, la pyramide de Maslow, c’est du « gruyère ». Toute la base de la pyramide est rognée : besoins de survie, sécurité, appartenance. Avant de pourvoir satisfaire son égo, il faut d’abord combler ces 3 besoins.
C’est le système capitaliste qui nous pousse vers des solutions individualistes, de concurrence entre individus, de mettre en évidence nos moindres différences, tout ce qui nous sépare et nous affaiblit.
Le système pensé par Friot ne remet pas en cause le fait qu’il y ait des gentils et des méchants humains.
L’UTOPIE, c’est de vouloir à tout prix faire tourner un système capitaliste qui fait marcher le monde sur sa tête. Ça c’est de l’UTOPIE qui nous mènera à la catastrophe.
Faites la vaisselle pour combler votre ego si vous voulez, mais vous recevrez un salaire quoi qu’il en soit.
« Ma question est, entre autres, de savoir si on donne un salaire à ce celui qui ne fait jamais la vaisselle »
OUI
Ce ne sera pas long : Il va mourir d’ennui 😉
On ne peut qu’être d’accord avec Paul Jorion lorsqu’il dit « Quand on me parle de l’allocation universelle parce qu’il n’y aura pas de travail pour tout le monde, je dis non : nous consommons aujourd’hui en huit mois toutes les ressources renouvelables que la planète peut produire en un an. Nous consommons 1,6 planète par an. Si l’on veut retourner à une utilisation plus raisonnable, il y a un énorme travail à réaliser, qui occupera beaucoup de monde. » https://www.pauljorion.com/blog/wp-content/uploads/Paul-Jorion‑1.pdf
Il est évident que la droite s’y intéresse : ils vont sucrer toutes les allocs et instaurer un salaire minimum de survie, tout en gardant le système tel qu’il est.
Dans la perspective de Bernard Friot, à moins que je ne me trompe, il s’agit avant tout de revoir le système.
Exemples :
Tomates sans eau (4min) : https://youtu.be/CCSCCp2kLVE
Agroforesterie (moyen terme) (1h16 en tout ; de 41’52 à 48’48 il est au top ! (Merci Eve !)) : https://youtu.be/V33pyKqvMDU&feature=youtu.be&t=41m52s
Permaculture (long terme) (33 min) : https://youtu.be/VjQUh5-CnZk
Un article bien intéressant chez les militaires :
http://www.penseemiliterre.fr/la-strategie-de-l-abstention-_2014256.html
et quelques autres :
http://www.penseemiliterre.fr/quand-l-argent-est-strategique_2014252.html
http://www.penseemiliterre.fr/mafias-et-etat-entre-ambivalence-et-ambiguites-une-geopolitique-de-la-complexite_2013840.html
http://www.penseemiliterre.fr/la-ville-ou-la-force-incarceree-_2014926.html
Last but not least : (qui me fait penser au 9e – et dernier – retournement (chapitre 8) de Sun Zi « il y a des ordres royaux auxquels ne pas obéir »)
http://www.penseemiliterre.fr/et-s-il-fallait-apprendre-a-mieux-savoir-dire-non-_2015252.html
Le monde à l’envers :
« Aujourd’hui comme hier, la propagande existe. Galula le rappelait : « L’insurgé, détaché de toute responsabilité, peut faire jouer tous les rouages de la propagande ; il peut, en tant que de besoin, mentir, tricher ou embellir la réalité. Il n’a pas l’obligation de prouver les informations qu’il avance ; il est jugé sur ses promesses et non sur ses actes. (…) Le loyaliste est prisonnier de ses responsabilités et de son passif, et pour lui les actes en disent plus long que les mots. S’il ment, triche ou embellit la vérité, s’il ne prouve pas les informations qu’il avance, il n’obtient que des victoires temporaires et est définitivement discrédité. Dans son propre camp, l’opposition sera prompte à démasquer chacune de ses manœuvres psychologiques. (…) Le loyaliste peut donc rarement masquer l’inefficacité ou l’absence de politique par la propagande ». » (P.665 ici : http://www.institut-strategie.fr/93949596.pdf)
L’auteur Sandrine Desse, dans son roman Charlie profané, livre une réflexion assez intéressante à ce sujet :
« Les religions m’indiffèrent profondément. Il n’existe pour moi que des humains dont le droit essentiel est de vivre en pensant ce qu’ils veulent sans avoir à risquer leur vie pour ça. Et c’est ce que la laïcité avait presque réussi à accomplir. Aidé de la science, l’homme avait tué le merveilleux, et la sagesse qui seule peut permettre le véritable vivre ensemble était enfin à portée de main.
Et aujourd’hui, ce sursaut de délire mystique remet en cause des siècles de combat silencieux et sans violence. Tous les discours que nous pourrions faire pour inciter l’homme à la raison seraient inutiles. L’être humain a besoin de merveilleux autant que de nourriture. C’est la seule chose que la laïcité n’a pas pu lui fournir. C’est notre seule faiblesse. »