Roméo Bouchard : « Constituer le Québec – Pistes de solution pour une véritable démocratie »

25/07/2014 | 3 commentaires

Les idées authen­ti­que­ment démo­cra­tiques se déve­loppent des deux côtés de l’At­lan­tique, bien sûr, au sein des peuples, à la base, et je vou­drais vous signa­ler un bon petit livre qui vient de sor­tir au Québec :

Couverture du livre de Roméo Bouchard :
http://​nou​veau​pro​jet​.com/​m​a​g​a​z​i​n​e​/​c​o​n​s​t​i​t​u​e​r​-​l​e​-​q​u​e​bec

Roméo Bou­chard

J’y ai retrou­vé des tas d’i­dées connues, bien sûr, mais sous des for­mu­la­tions ori­gi­nales, et j’y ai aus­si trou­vé des ana­lyses et des pro­po­si­tions utiles et sur­pre­nantes, nou­velles pour moi ; et puis un ton par­ti­cu­lier, qui n’est pas tout à fait le nôtre et qui est bien intéressant.

Extrait :

« Les mots consti­tu­tion et assem­blée consti­tuante ne font pas par­tie de la tra­di­tion ni du voca­bu­laire poli­tique au Cana­da, où la popu­la­tion n’a jamais eu à se pro­non­cer sur une consti­tu­tion. Nous sommes nés par césa­rienne, en quelque sorte, comme beau­coup d’ex-colo­nies. Lors de l’é­lec­tion qué­bé­coise de 2012, mal­gré le peu de temps dis­po­nible, nous avons quand même vou­lu faire de l’as­sem­blée consti­tuante la base d’un pro­jet élec­to­ral auda­cieux : sous le nom de Coa­li­tion pour la consti­tuante, nous avons pré­sen­té 19 can­di­dats. Le seul article au pro­gramme était la convo­ca­tion d’une assem­blée consti­tuante dont les membres devaient être tirés au sort. » […]

http://​www​.sans​par​ti​.org

Plan du livre :
Préface
L’illu­sion de la démocratie
Com­ment j’ai per­du la foi
Voter ou ne pas voter ?
Pre­mière piste : avec ou sans partis ?
Deuxième piste : élec­tion ou tirage au sort ?
Troi­sième piste : la démo­cra­tie directe
Qua­trième piste : le prin­cipe de proximité
Cin­quième piste : une éco­no­mie citoyenne
La solu­tion-clef : l’as­sem­blée constituante
Conclu­sion : des « citoyens constituants »

Un bon petit livre, qui pour­ra vous aider à être bien conta­gieux, bande de virus 🙂

À pro­pos de Qué­bec, il est ques­tion que des Qué­bé­cois m’in­vitent bien­tôt chez eux, pour réflé­chir ensemble sur nos idées de réap­pro­pria­tion popu­laire du poli­tique et du bien com­mun : j’es­père que ce sera pos­sible et j’ai hâte d’y être !

Mer­ci Roméo, pour les mots gentils 🙂

Pour m'aider et m'encourager à continuer, il est désormais possible de faire un don.
Un grand merci aux donatrices et donateurs : par ce geste, vous permettez à de beaux projets de voir le jour, pour notre cause commune.
Étienne

Catégorie(s) de l'article :

3 Commentaires

  1. etienne

    Entre­vue de Pierre Clou­tier avec Roméo Bouchard :

    Pour une réforme en pro­fon­deur de nos ins­ti­tu­tions démocratiques
    Haro sur les par­tis politiques

    http://​www​.vigile​.net/​P​o​u​r​-​u​n​e​-​r​e​f​o​r​m​e​-​e​n​-​p​r​o​f​o​n​d​e​u​r​-de

    Études en phi­lo­so­phie, théo­lo­gie, his­toire et sciences poli­tiques, ensei­gnant, jour­na­liste indé­pen­dant, ani­ma­teur social, syn­di­ca­liste, mili­tant éco­lo­giste, agri­cul­teur bio­lo­gique, pré­sident-fon­da­teur et direc­teur géné­ral de l’Union pay­sanne de 2001 à 2005, direc­teur géné­ral et porte-parole de la Coa­li­tion pour la consti­tuante, Roméo Bou­chard a une réflexion pro­fonde et ori­gi­nale sur ce qu’on appelle géné­ra­le­ment mais peut-être aus­si faus­se­ment la « démo­cra­tie ». Une pen­sée forte et inédite. Lisez-le ici.

    Pierre Clou­tier

    Q – Roméo Bou­chard, dans votre vie vous avez été impli­qué dans plu­sieurs causes sociales, mais celle d’une véri­table démo­cra­tie authen­tique vous tient par­ti­cu­liè­re­ment à coeur. Pourquoi ?

    J’ai consta­té, sur­tout depuis que l’intégration éco­no­mique se déploie au-delà des fron­tières des états natio­naux, que les luttes que nous menons comme citoyens se butent sys­té­ma­ti­que­ment sur le mur des diri­geants éco­no­miques et finan­ciers. Le contrôle des grands lob­bies est si total sur les élec­tions, les par­tis poli­tiques et les élus que les citoyens n’ont plus aucun moyen de faire valoir leur point de vue de façon contrai­gnante auprès de leurs repré­sen­tants, quelque soit l’ampleur et le bien-fon­dé de leurs reven­di­ca­tions : que ce soit sur l’éducation gra­tuite, l’utilisation de nos res­sources natu­relles, la répar­ti­tion de la richesse, les gaz à effet de serre, l’exploitation du pétrole, on le voit chaque jour, les citoyens perdent leur temps à se battre car ce sont les grands lob­bies qui ont le der­nier mot quand vient le moment pour nos élus de déci­der. La démo­cra­tie de repré­sen­ta­tion dont nous avons héri­té est blo­quée. Une réforme en pro­fon­deur de nos ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques est deve­nue pour moi la prio­ri­té des priorités.

    Q – Vous ne sem­blez pas vouer un grand res­pect aux par­tis poli­tiques tra­di­tion­nels et aux poli­ti­ciens pro­fes­sion­nels. Pourquoi ?

    Il est deve­nu évident pour moi que les par­tis poli­tiques sont l’instrument par excel­lence dont se sert le pou­voir éco­no­mique pour contrô­ler les déci­sions de nos élus. Les par­tis poli­tiques sont, selon moi, les pre­miers res­pon­sables du détour­ne­ment de nos ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques au pro­fit des riches. Ils sont avant tout des machines dont le pre­mier but est de s’emparer du pou­voir. Ils contrôlent les ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques du début à la fin et ils ont besoin de l’argent et du pres­tige des « créa­teurs de richesse » pour s’emparer du pou­voir et le gar­der. Le pro­gramme et les pro­messes des par­tis, à mesure qu’ils s’approchent du pou­voir, deviennent tota­le­ment secon­daires et aléa­toires : ce qui compte pour eux, c’est de gagner majo­ri­taire pour pou­voir agir, à leur gré et impu­né­ment, pen­dant 4 ans, et si pos­sible, au-delà. Libé­raux, Par­ti qué­bé­cois, Ave­nir Qué­bec et de plus en plus aus­si Qué­bec soli­daire : même com­bat, mêmes stra­té­gies. La cor­rup­tion et la col­lu­sion ne sont pas des excep­tions : elles sont struc­tu­relles dans un sys­tème démo­cra­tique basé sur les par­tis poli­tiques, quelle que soit la bonne volon­té des indi­vi­dus impliqués.

    Q – Vous avez par­ti­ci­pé à la créa­tion de la Coa­li­tion pour une consti­tuante citoyenne et du Par­ti des sans par­ti. Com­ment ces 2 orga­ni­sa­tions sont-elles liées ?

    Tout a com­men­cé avec une sorte de « Par­le­ment vir­tuel » que nous avons ten­té de mettre en place sur le web : que​be​vote​.ca. Nous pen­sions que les médias de com­mu­ni­ca­tion modernes rendent désor­mais pos­sible une démo­cra­tie de par­ti­ci­pa­tion. Ceci nous a conduit à éla­bo­rer, sur le web tou­jours, un pro­jet de démo­cra­tie sans par­tis poli­tiques, que nous avons appe­lé le Pro­jet Papi­neau, et dont il reste plu­sieurs videos expli­ca­tives sur You­Tube. Au prin­temps 2011, nous avons publié le Mani­feste des Sans­Par­ti, qui pro­po­sait une assem­blée consti­tuante tirée au sort comme solu­tion au blo­cage de la réforme démo­cra­tique et du pro­jet sou­ve­rai­niste, et, pour ne pas revivre la mise au ran­cart des résul­tats des États géné­raux de 2003, l’élection de can­di­dats voués à la convo­ca­tion de cette consti­tuante par l’assemblée natio­nale elle-même, plu­tôt que l’éternel vote stra­té­gique. Cette idée de consti­tuante nous avait été pro­po­sée sur que​bec​vote​.ca par André Larocque, ancien sous-ministre de René Lévesque à la réforme démo­cra­tique et conseiller de Claude Béland lors des États géné­raux de 2003 sur la réforme des ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques. Entre temps, nous avions décou­vert les tra­vaux de Étienne Chouard, qui allaient tout à fait dans le même sens.

    À la fin de l’été, nous avons pro­fi­té de l’élection par­tielle dans Bona­ven­ture pour ten­ter l’expérience d’un can­di­dat indé­pen­dant sans­par­ti, lequel a recueilli une cen­taine de votes. Nous avons pris conscience que, comme can­di­dat indé­pen­dant, il était net­te­ment défa­vo­ri­sé, car le nom de son allé­geance ne pou­vait être ins­crit sur le bul­le­tin de vote et il ne pou­vait pro­fi­ter des pri­vi­lèges réser­vés aux can­di­dats de par­ti. Lors de la pre­mière assem­blée du mou­ve­ment à Qué­bec, après de longues dis­cus­sions, nous avons déci­dé de pré­sen­ter le plus de can­di­dats pos­sibles aux pro­chaines élec­tions et d’obtenir le sta­tut de par­ti, un par­ti pro­vi­soire en quelque sorte, pour que nos can­di­dats puissent se battre à armes égales, mais il demeu­rait clair que le seul véri­table article au pro­gramme de ce par­ti était la convo­ca­tion de l’assemblée consti­tuante et la ges­tion cou­rante de l’État en atten­dant les nou­velles ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques décré­tées par la nou­velle consti­tu­tion. Nous avons aus­si déci­dé d’adopter le nom de Coa­li­tion pour la Consti­tuante de façon à évi­ter le para­doxe d’un « par­ti des sans par­ti ». Les élec­tions furent devan­cées en mai : mal­gré tout, nous avons réus­si à pré­sen­ter 19 can­di­dats, qui ont eu une cer­taine visi­bi­li­té, et obte­nu près de 200 votes cha­cun. Suite à l’élection, le groupe s’est divi­sé sur des ques­tions de stra­té­gie, je m’en suis reti­ré, pré­fé­rant appro­fon­dir le pro­jet et l’expliquer davan­tage – ce que j’ai fait dans Consti­tuer le Qué­bec – ; ceux qui conti­nuent l’aventure ont renom­mé le par­ti Par­ti des Sans Parti.

    Q – Depuis 200 ans et plus, nous vivons en Occi­dent dans un sys­tème de gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif qui s’est appro­prié le mono­pole exclu­sif de ce qu’on appelle aujourd’hui la « démo­cra­tie ». Croyez-vous qu’il soit pos­sible d’inventer une autre forme de démo­cra­tie dans laquelle le citoyen serait au coeur de nos ins­ti­tu­tions politiques ?

    Non seule­ment je crois que c’est pos­sible, mais c’est abso­lu­ment néces­saire et prio­ri­taire. Il faut ces­ser de voter stra­té­gique et de s’en repen­tir d’élection en élec­tion pour bâtir enfin l’alternative à ce cirque poli­tique. Il faut ces­ser d’essayer de rafis­to­ler à la pièce ce sys­tème qui n’a plus de démo­cra­tique que le nom en tri­po­tant les lois sur le finan­ce­ment des par­tis, sur le mode de scru­tin, des ini­tia­tives popu­laires qui n’en sont point, etc. Il faut sur­tout réa­li­ser une fois pour toutes qu’il ne faut abso­lu­ment pas faire confiance aux poli­ti­ciens pour faire cette réforme en pro­fon­deur d’un sys­tème dont ils pro­fitent hon­teu­se­ment. Le recours à la sou­ve­rai­ne­té du peuple, s’exprimant de façon ordon­née et effi­cace dans une assem­blée consti­tuante non par­ti­sane, est le pas­sage obli­gé d’une telle réforme. La tâche ne sera pas facile. Il s’agit d’un pro­ces­sus révo­lu­tion­naire sans pré­cé­dent, qui néces­si­te­ra une mobi­li­sa­tion citoyenne éga­le­ment sans pré­cé­dent, car il fau­dra du même coup remettre en ques­tion la dic­ta­ture des ban­quiers et des mul­ti­na­tio­nales qui est à la base de cette super­che­rie démo­cra­tique et qui fera tout pour faire échouer ce chan­tier démo­cra­tique popu­laire. En défi­ni­tive, ce qui doit être remis en cause, c’est la crois­sance illi­mi­tée et la concen­tra­tion sans frein de la richesse qui menacent l’avenir de l’humanité à plus ou moins court terme. Nous n’avons pas le choix : si nous vou­lons sur­vivre, il faut ini­tier ce grand chan­tier démocratique.

    Q – Dans son livre : « Prin­cipes du gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif », Ber­nard Manin men­tionne que le gou­ver­ne­ment repré­sen­ta­tif mêle en fait des traits démo­cra­tiques et aris­to­cra­tiques parce qu’il com­prend d’une part le suf­frage uni­ver­sel mais, d’autre part, puisque l’élu n’est jamais le double ni le porte-parole de l’électeur, mais il gou­verne en anti­ci­pant le jour où le public ren­dra son juge­ment. Que pen­sez-vous de cette affirmation ?

    Bien d’accord. La démo­cra­tie de repré­sen­ta­tion pra­ti­quée dans le monde est une démo­cra­tie d’apparence. En réa­li­té, ce sont les par­tis qui mènent le jeu et leur objec­tif est le pou­voir à tout prix. L’élection n’est même plus vrai­ment une sanc­tion de leur admi­nis­tra­tion : à l’ère des médias inté­grés, l’élection est elle-même contrô­lée en cou­lisses par les par­tis et les grands lob­bies éco­no­miques et finan­ciers. Nous ne choi­sis­sons même pas les can­di­dats : ils sont choi­sis par les par­tis. Tous les experts le recon­naissent aujourd’hui, tout a été conçu, dans cette démo­cra­tie de repré­sen­ta­tion, pour s’assurer que ce ne soit pas le peuple, igno­rant et envieux, qui décide, mais l’élite éclai­rée, les riches, les seuls qui savent com­ment admi­nis­trer et gouverner.

    Q – On a l’impression en écou­tant le com­mun des mor­tels ici au Qué­bec et ailleurs dans le monde occi­den­tal qu’une consti­tu­tion cela ne sert à rien. Quelle est votre opi­nion à ce sujet ?

    Les consti­tu­tions actuelles servent à jus­ti­fier les agis­se­ments des poli­ti­ciens en place parce qu’elles ont été écrites par eux et pour eux. Elles cau­tionnent leurs abus de pou­voir. Et les tri­bu­naux s’en portent garants. Nous en avons un bel exemple au Cana­da : le pacte fédé­ral de 1867 et son rapa­trie­ment en 1982 ont été adop­té par une poi­gnée de poli­ti­ciens pour cou­ler dans le ciment leur pro­jet d’un Cana­da « coast to coast » et mul­ti­cul­tu­rel. Le vrai rôle d’une consti­tu­tion, c’est de pré­ser­ver le peuple des abus de pou­voir de ses diri­geants, mais pour cela, il faut que la consti­tu­tion soit écrite et adop­tée par le peuple. Les gens ont rai­son : des consti­tu­tions comme ça, ça ne sert à rien d’autre qu’à garan­tir les pri­vi­lèges de ceux qui nous exploitent.

    Q – Un Par­ti des sans par­ti qui se pré­sente aux élec­tions, n’y a‑t-il pas là une contradiction ?

    La contra­dic­tion n’est qu’apparente. Contrai­re­ment aux par­tis nor­maux, un par­ti des sans par­ti ne pro­pose pas un pro­gramme de gou­ver­ne­ment : il pro­pose un gou­ver­ne­ment de tran­si­tion dont la prio­ri­té abso­lue est la convo­ca­tion d’une assem­blée consti­tuante non par­ti­sane man­da­tée pour redé­fi­nir nos ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques, en dehors de toute réfé­rence par­ti­sane. Il s’engage d’ailleurs à se dis­soudre dès que les ins­ti­tu­tions démo­cra­tiques décré­tées dans la nou­velle consti­tu­tion entre­ront en vigueur. C’est un par­ti tem­po­raire ou pro­vi­soire ou de tran­si­tion, un par­ti qui n’en est pas un mais existe uni­que­ment pour per­mettre la convo­ca­tion légi­time d’une assem­blée consti­tuante. Tou­te­fois, per­son­nel­le­ment, suite aux expé­riences rela­tées plus haut, je crois qu’il serait pré­fé­rable de s’en tenir à une Coa­li­tion de can­di­dats indé­pen­dants pour la Consti­tuante. J’estime que, dans le contexte de la loi élec­to­rale actuelle, il y a plus de désa­van­tages que d’avantages dans le sta­tut de par­ti et qu’il est pré­fé­rable que les can­di­dats en faveur de la consti­tuante assument plei­ne­ment leur res­pon­sa­bi­li­té de repré­sen­tant de leur com­mu­nau­té plu­tôt que le par­ti, ce qui n’empêche pas de se doter d’une coor­di­na­tion à l’intérieur d’une coalition.

    Q – Le pro­fes­seur d’économie et de droit, Étienne Chouard, fait cam­pagne depuis plu­sieurs années sur le même thème d’une assem­blée consti­tuante citoyenne mais insiste pour que cette assem­blée soit com­po­sée de per­sonnes tirées au sort en invo­quant le fait qu’on ne peut confier aux gens de pou­voir le man­dat d’écrire les règles du pou­voir. Quelle est votre opi­nion à ce sujet ? Et qui devraient être membres d’une consti­tuante citoyenne québécoise ?

    Je suis tout à fait d’accord avec Étienne Chouard, et André Larocque d’ailleurs, que le tirage au sort des membres de la consti­tuante est indis­pen­sable pour assu­rer son indé­pen­dance de toute allé­geance et de tout groupe d’intérêt. Une assem­blée consti­tuante élue au suf­frage uni­ver­sel ouvre toute grande la porte à son noyau­tage par les par­tis poli­tiques et les groupes d’intérêt. Il fau­dra aus­si, bien sûr, éta­blir des règles pour assu­rer l’équité dans les débats, la publi­ci­té et les consul­ta­tions publiques. C’est la seule façon de pré­ser­ver la sou­ve­rai­ne­té du peuple. Géné­ra­le­ment, on admet que les per­sonnes tirées au sort sont libres d’accepter et doivent satis­faire à cer­taines condi­tions, comme maî­tri­ser le fran­çais par exemple, ou ne pas être sous le coup d’une condam­na­tion, etc. On devra aus­si s’assurer que l’échantillon per­met de repré­sen­ter adé­qua­te­ment les grandes caté­go­ries sociales qui com­posent la population.

    Q – Seriez-vous favo­rable à ce que, dans une période tran­si­toire, l’Assemblée natio­nale du Qué­bec soit com­po­sée de 2 chambres : une chambre des élus, comme actuel­le­ment et une chambre citoyenne dont les membres seraient tirés au sort pour des man­dats courts et non renouvelables ?

    Je suis tout à fait d’accord per­son­nel­le­ment avec l’idée d’une chambre citoyenne dont les membres seraient tirés au sort pour un man­dat court et non renou­ve­lable, tout comme pour une chambre des régions à repré­sen­ta­tion pari­taire. Ce sont des méca­nismes de vigi­lance et de contre-pou­voir essen­tiels dans une démo­cra­tie de par­ti­ci­pa­tion. Mais doit-on cher­cher à obte­nir ces réformes à la pièce, avant la rédac­tion d’une consti­tu­tion citoyenne par l’assemblée consti­tuante ? Je ne crois pas. Cha­cun ris­que­rait d’y aller de sa liste d’épicerie et de s’étouffer dans les mar­chan­dages avec les par­tis poli­tiques en place. On a vu les valses dis­gra­cieuses et sté­riles du dépu­té Drain­ville au cours des der­nières années concer­nant sa liste d’épicerie à lui. Je ne fais confiance à aucun par­ti poli­tique dans ce domaine.

    Q – Sans tom­ber dans le mani­chéisme si vous aviez à choi­sir entre l’indépendance du Qué­bec et une consti­tuante citoyenne, comme prio­ri­té, quel choix feriez-vous et pourquoi ?

    Sans hési­ta­tion, je choi­si­rais une consti­tu­tion citoyenne. Mais la ques­tion me paraît pure­ment hypo­thé­tique. En réa­li­té, je crois que l’exercice démo­cra­tique de la sou­ve­rai­ne­té condui­ra for­cé­ment le peuple qué­bé­cois à remettre en ques­tion l’ensemble de son sta­tut social et poli­tique. Je ne suis pas sûr que le résul­tat sera l’indépendance comme telle : la majo­ri­té des Qué­bé­cois me semblent plu­tôt favo­rables à un sta­tut par­ti­cu­lier du Qué­bec sans rompre tous les liens avec un Cana­da qu’ils ont fon­dé. De toutes façons, le pro­jet d’indépendance est pré­sen­te­ment plom­bé : il est sou­vent per­çu par les plus jeunes comme le pro­jet des géné­ra­tions pré­cé­dentes et, sur­tout, celui d’un par­ti, d’une secte fer­mée de convain­cus avec laquelle il n’y a plus de dia­logue pos­sible. L’idée de la sou­ve­rai­ne­té est deve­nue mal­heu­reu­se­ment une idée par­ti­sane. La seule façon, selon moi, de relan­cer ce débat, est de miser sur l’autre sou­ve­rai­ne­té, la sou­ve­rai­ne­té du peuple, plu­tôt que sur la sou­ve­rai­ne­té consti­tu­tion­nelle et un réfé­ren­dum sur ce seul sujet.

    Q – Qué­bec soli­daire pro­pose dans son pro­gramme poli­tique de mettre sur pied une consti­tuante dans les mois sui­vant sa prise de pou­voir. En quoi cette posi­tion dif­fère-t-elle de la vôtre ?

    La convo­ca­tion d’une assem­blée consti­tuante est un atout excep­tion­nel du pro­gramme de Qué­bec soli­daire : je me demande par­fois si ses diri­geants, sur­tout en cam­pagne élec­to­rale, en sont vrai­ment conscients ! Il faut sans doute miser sur cette ouver­ture chez le seul par­ti qui a encore la confiance de beau­coup de mili­tants. Tou­te­fois, le pro­jet de consti­tuante de Qué­bec soli­daire com­porte des lacunes impor­tantes que ses mili­tants peuvent contri­buer à cor­ri­ger. Le point le plus inquié­tant est l’élection des membres de la consti­tuante au suf­frage uni­ver­sel plu­tôt que leur tirage au sort. L’autre ques­tion déli­cate est le fait que cette consti­tuante soit pro­po­sée par un par­ti qui aspire à gou­ver­ner pour appli­quer son pro­gramme de gou­ver­ne­ment. Com­ment ne pas craindre que ce par­ti, une fois par­ve­nu au pou­voir, ne craigne de mettre en dan­ger son pro­jet poli­tique en redon­nant le pou­voir au peuple sans arrière pen­sée et sans ten­ter de tirer les ficelles, dans une consti­tuante non par­ti­sane ? En somme, le pro­jet de consti­tuante pro­po­sé par Qué­bec soli­daire peut-il être non-par­ti­san ? Pour que ce soit cré­dible, Qué­bec soli­daire devra démon­trer que la sou­ve­rai­ne­té du peuple sera sa prio­ri­té et qu’elle est dis­po­sée à remettre le pou­voir au peuple et à res­pec­ter la consti­tu­tion qui sera pro­po­sée et adop­tée, tout en fai­sant valoir ses convic­tions sociales et éco­no­miques au cours du pro­ces­sus. L’inquiétude est d’autant plus réelle pour moi que les mili­tants de gauche, comme les mili­tants sou­ve­rai­nistes d’ailleurs, habi­tués à se voir comme les citoyens éclai­rés, n’ont pas par­ti­cu­liè­re­ment la répu­ta­tion d’être por­tés sur la démo­cra­tie. Qué­bec soli­daire sau­ra-t-il échap­per à la logique par­ti­sane des par­tis poli­tiques de gou­ver­ne­ment tra­di­tion­nels et jouer fran­che­ment la carte de la sou­ve­rai­ne­té du peuple et de la démo­cra­tie de par­ti­ci­pa­tion ? C’est là selon moi son prin­ci­pal défi. Le défi est d’ailleurs le même pour tout par­ti qui vou­drait rega­gner la confiance des citoyens. L’important, selon moi, est de mul­ti­plier les can­di­dats, et éven­tuel­le­ment les dépu­tés « consti­tuants », d’où qu’ils viennent, afin de rendre pos­sible la convo­ca­tion légi­time de l’assemblée consti­tuante par l’Assemblée nationale.

    Q – En ver­tu de la consti­tu­tion cana­dienne, les pro­vinces ont le droit d’adopter leur propre consti­tu­tion, sous réserve de cer­taines limites, comme la modi­fi­ca­tion du poste de Lieu­te­nant-Gou­ver­neur. Accep­te­riez-vous de vivre sous une consti­tu­tion pro­vin­ciale citoyenne enca­drée par la très monar­chique consti­tu­tion canadienne ?

    Je suis prêt à vivre avec la consti­tu­tion qu’aura adop­té le peuple qué­bé­cois. D’ici là, je vais faire tout mon pos­sible pour faire valoir mon point de vue sur ce qu’elle devrait conte­nir. Et tous auront la même oppor­tu­ni­té. Mais une consti­tu­tion ne doit pas être cou­lée dans le ciment, comme celle de Tru­deau. Elle doit pou­voir évo­luer au rythme de l’évolution de la popu­la­tion. L’exemple suisse est élo­quent à ce sujet. Le pro­jet de consti­tuante non par­ti­sane oblige tout le monde à repen­ser son action et ses convic­tions en fonc­tion de la sou­ve­rai­ne­té du peuple. Il est très dif­fi­cile pour des mili­tants sou­ve­rai­nistes de longue date de sor­tir du cadre par­ti­san où le pro­jet de sou­ve­rai­ne­té a évo­lué. Mais la consti­tuante n’est pas un son­dage où une simple consul­ta­tion : c’est un vaste chan­tier col­lec­tif, une déli­bé­ra­tion col­lec­tive, qui dure­ra quelques années, et cha­cun aura ample­ment le temps de che­mi­ner. Je fais entiè­re­ment confiance dans la capa­ci­té de notre peuple de par­ti­ci­per à cet exer­cice avec ouver­ture, res­pon­sa­bi­li­té et intel­li­gence si on lui en donne l’opportunité et les moyens. Il faut juste avoir le cou­rage de plonger. »

    Source : http://​www​.vigile​.net/​P​o​u​r​-​u​n​e​-​r​e​f​o​r​m​e​-​e​n​-​p​r​o​f​o​n​d​e​u​r​-de

    Réponse
  2. J-Stéphane

    Bon­soir,
    http://​www​.livre​de​poche​.com/​c​o​n​s​c​i​e​n​c​e​-​c​o​n​t​r​e​-​v​i​o​l​e​n​c​e​-​s​t​e​f​a​n​-​z​w​e​i​g​-​9​7​8​2​2​5​3​1​5​3​719
    Titre : Conscience contre vio­lence, de Ste­fan Zweig.
    Résumé :
    Ce pré­cieux docu­ment était deve­nu introu­vable depuis près de cin­quante ans ! À par­tir du conflit exem­plaire entre Sébas­tien Cas­tel­lion (1515 – 1563) et Cal­vin, Ste­fan Zweig nous fait vivre un affron­te­ment qui déborde de beau­coup son cadre his­to­rique. Cette cause nous inté­resse tous : liber­té et tolé­rance contre intégrisme.
    Si Ste­fan Zweig finit de rédi­ger ce texte pré­mo­ni­toire en 1936, en pleine mon­tée du fas­cisme, il faut y voir un sens pro­fond. En effet, com­ment ne pas faire le rap­pro­che­ment entre la ville de Genève et l’Al­le­magne nazie, entre Cal­vin et Hit­ler, les sbires de Farel et les hordes hitlériennes ?
    Quelques décen­nies plus tard, fana­tisme reli­gieux et résur­gence des extrêmes droites doivent à nou­veau nous ouvrir les yeux. Cet écrit polé­mique devient alors une charge d’une force redoutable.

    Réponse

Laisser un commentaire

Derniers articles