[Mémoire des luttes] L’invention du capitalisme : comment des paysans autosuffisants ont été changés en esclaves salariés pour l’industrie (Yasha Levine, sur par​tage​-le​.com)

23/10/2018 | 9 commentaires

Source : Par​tage​-le​.com, http://​par​tage​-le​.com/​2​0​1​8​/​1​0​/​l​i​n​v​e​n​t​i​o​n​-​d​u​-​c​a​p​i​t​a​l​i​s​m​e​-​c​o​m​m​e​n​t​-​d​e​s​-​p​a​y​s​a​n​s​-​a​u​t​o​s​u​f​f​i​s​a​n​t​s​-​o​n​t​-​e​t​e​-​c​h​a​n​g​e​s​-​e​n​-​e​s​c​l​a​v​e​s​-​s​a​l​a​r​i​e​s​-​p​o​u​r​-​l​i​n​d​u​s​t​r​i​e​-​p​a​r​-​y​a​s​h​a​-​l​e​v​i​ne/

« …il faut être idiot pour ne pas com­prendre que les classes popu­laires doivent être main­te­nues dans la pau­vre­té, sans quoi elles ne seront jamais laborieuses. »
— Arthur Young (1771)

La doc­trine éco­no­mique de notre culture sti­pule que le capi­ta­lisme est syno­nyme de liber­té indi­vi­duelle et de socié­tés libres, n’est-ce pas ? Eh bien, si vous vous êtes déjà dit que cette logique était une belle conne­rie, je vous recom­mande la lec­ture d’un livre inti­tu­lé The Inven­tion of Capi­ta­lism (L’invention du capi­ta­lisme, non tra­duit), écrit par un his­to­rien de l’économie du nom de Michael Per­el­man, contraint de s’exiler à Chi­co State, une uni­ver­si­té per­due dans la Cali­for­nie rurale, pour son manque de sym­pa­thie envers l’économie de mar­ché. Per­el­man a uti­li­sé son temps d’exil d’une des meilleures manières pos­sibles, explo­rant et fouillant les tra­vaux et la cor­res­pon­dance d’Adam Smith et de ses contem­po­rains afin d’écrire une his­toire de la créa­tion du capi­ta­lisme allant au-delà du conte de fées super­fi­ciel qu’est La Richesse des nations ; il nous pro­pose ain­si de lire les pre­miers capi­ta­listes, éco­no­mistes, phi­lo­sophes, prêtres et poli­ti­ciens dans leurs propres mots. Et ce n’est pas beau à voir.

L’étude de l’histoire expose clai­re­ment le fait qu’Adam Smith et ses amis par­ti­sans du lais­ser-faire étaient en fait une bande de cryp­to-éta­tistes, qui avaient besoin de poli­tiques gou­ver­ne­men­tales bru­tales pour contraindre la pay­san­ne­rie anglaise à deve­nir une main d’œuvre capi­ta­liste docile prête à accep­ter l’esclavage salarial.

Fran­cis Hut­che­son, duquel Adam Smith apprit toute la ver­tu de la liber­té natu­relle, écrit : « c’est un des grands des­seins des lois civiles que de ren­for­cer les lois de la nature par des sanc­tions poli­tiques… La popu­lace doit être édu­quée et gui­dée par les lois vers les meilleures méthodes dans la ges­tion de ses affaires et dans l’exercice de l’art mécanique. »

Eh oui, au contraire de ce qui est sou­vent sug­gé­ré, la tran­si­tion vers une socié­té capi­ta­liste ne s’est pas faite natu­rel­le­ment ou sans dou­leur. Les pay­sans anglais, voyez-vous, n’avaient aucune envie d’abandonner leurs com­mu­nau­tés rurales et leurs terres afin de tra­vailler pour des salaires plus que pré­caires dans d’atroces et dan­ge­reuses usines, ins­tal­lées par une nou­velle et riche classe de pro­prié­taires ter­riens capi­ta­listes. Et pour de bonnes rai­sons. Selon les esti­ma­tions four­nies par Adam Smith lui-même, avec un salaire ouvrier dans l’Écosse d’alors, un pay­san d’usine devait tri­mer plus de trois jours durant pour pou­voir se payer une paire de chaus­sures pro­duites com­mer­cia­le­ment. Autre­ment, il pou­vait fabri­quer ses propres chaus­sures tra­di­tion­nelles en uti­li­sant son propre cuir, en quelques heures, et pas­ser le reste du temps à s’enivrer à la bière. Quel cruel dilemme.

Seule­ment, pour faire mar­cher le capi­ta­lisme, les capi­ta­listes avaient besoin d’une main d’œuvre peu chère et abon­dante. Que faire alors ? Appe­ler la Garde Nationale !

Face à une pay­san­ne­rie qui ne vou­lait pas être réduite en escla­vage, phi­lo­sophes, éco­no­mistes, poli­ti­ciens, mora­listes et hommes d’affaires com­men­cèrent à plé­bis­ci­ter l’action gou­ver­ne­men­tale. Avec le temps, ils mirent en place une série de lois et de mesures cali­brées pour for­cer les pay­sans à se sou­mettre en détrui­sant leurs moyens d’autosuffisance traditionnels.

« Les actes bru­taux asso­ciés au pro­ces­sus de dépos­ses­sion de la capa­ci­té d’une majo­ri­té de la popu­la­tion à être auto­suf­fi­sante appa­raissent bien éloi­gnés de la répu­ta­tion de lais­ser-faire de l’économie poli­tique clas­sique, écrit Per­el­man. En réa­li­té, la dépos­ses­sion de la majo­ri­té des petits pro­duc­teurs et la construc­tion du lais­ser-faire sont étroi­te­ment liés, à tel point que Marx, ou du moins ses tra­duc­teurs, don­nèrent un nom à cette expro­pria­tion des masses :« l’accumulation pri­mi­tive ». »

Per­el­man sou­ligne les nom­breuses poli­tiques qui for­cèrent les pay­sans hors de leurs terres — de la mise en place des Game Laws (lois sur la chasse) empê­chant les pay­sans de chas­ser, à la des­truc­tion de la pro­duc­ti­vi­té pay­sanne par la divi­sion des com­muns en par­celles plus petites — mais les par­ties les plus inté­res­santes du livre sont incon­tes­ta­ble­ment celles où le lec­teur découvre les com­plaintes et autres gémis­se­ments des col­lègues pro­to-capi­ta­listes d’Adam Smith se lamen­tant de ce que les pay­sans sont trop indé­pen­dants et à leurs affaires pour pou­voir être effi­ca­ce­ment exploi­tés, et essayant de trou­ver un moyen de les for­cer à accep­ter une vie d’esclavage salarial.

Ce pam­phlet de l’époque illustre bien l’attitude géné­rale des capi­ta­listes envers les pay­sans auto­suf­fi­sants et prospères :

« Pos­sé­der une vache ou deux, un porc et quelques oies exalte natu­rel­le­ment le pay­san… À flâ­ner après son bétail, il devient indo­lent. Des quarts, des moi­tiés, voire des jour­nées entières de tra­vail sont imper­cep­ti­ble­ment per­dues. La jour­née de tra­vail devient repous­sante ; et l’aversion aug­mente avec la com­plai­sance. Enfin, la vente d’un veau ou d’un porc à moi­tié nour­ri donne les moyens d’ajouter l’intempérance à l’oisiveté. »

Tan­dis qu’un autre pam­phlé­taire écrivait :

« Je ne peux pas conce­voir de plus grande malé­dic­tion pour un groupe de per­sonnes que d’être jeté sur un ter­rain où la pro­duc­tion des moyens de sub­sis­tance et de la nour­ri­ture serait prin­ci­pa­le­ment spon­ta­née, et où le cli­mat ne requer­rait ou n’admettrait que peu de vête­ments ou de couvertures. »

John Bel­lers, « phi­lan­thrope » qua­ker et pen­seur éco­no­mique, consi­dé­rait les pay­sans indé­pen­dants comme une menace l’empêchant de contraindre les pauvres dans des usines-pri­sons où ils vivraient, tra­vaille­raient et pro­dui­raient un pro­fit de 45% à des­ti­na­tion des aris­to­crates propriétaires :

« Nos Forêts et grands Com­muns (poussent les Pauvres qui y habitent à deve­nir presque des Indiens) et sont une menace à l’Industrie, ain­si que des Ber­ceaux d’Oisiveté et d’Insolence. »

Daniel Defoe, écri­vain et com­mer­çant, notait quant à lui que dans les High­lands écos­sais, « on était extrê­me­ment bien four­ni en pro­vi­sions […] gibier à foi­son, en toute sai­son, jeune ou vieux, qu’ils tuent de leurs pis­to­lets quand ils en trouvent ».

Pour Tho­mas Pen­nant, un bota­niste, l’autosuffisance gâchait une popu­la­tion pay­sanne sinon par­fai­te­ment correcte :

« Les mœurs des indi­gènes des High­lands peuvent être résu­mées en quelques mots : indo­lence maxi­male, sauf lorsqu’ils sont sti­mu­lés par la guerre ou par quelque amusement. »

Si avoir un esto­mac bien rem­pli et une terre pro­duc­tive consti­tuait le pro­blème, alors la solu­tion pour bien dres­ser ces fai­gnants était évi­dente : virons-les de leurs terres et affamons-les !

Arthur Young, auteur popu­laire et pen­seur éco­no­mique res­pec­té par John Stuart Mill, écri­vait en 1771 qu’il « faut être idiot pour ne pas com­prendre que les classes popu­laires doivent être main­te­nues dans la pau­vre­té, sans quoi elles ne seront jamais labo­rieuses ». Sir William Temple, poli­ti­cien et patron de Jona­than Swift, était d’accord et sug­gé­rait qu’il fal­lait taxer la nour­ri­ture, autant que pos­sible, afin de sau­ver les classes popu­laires d’une vie « de paresse et de débauche ».

Temple défen­dait éga­le­ment le tra­vail des enfants à l’usine, dès quatre ans, arguant « qu’ainsi, nous espé­rons que la nou­velle géné­ra­tion sera si bien habi­tuée à l’emploi per­ma­nent qu’il lui sera, à terme, agréable et diver­tis­sant. » Pour d’autres, quatre ans, ce n’était pas assez. Selon Per­el­man, « John Locke, sou­vent vu comme un phi­lo­sophe de la liber­té, défen­dait le tra­vail dès l’âge de trois ans ». Le tra­vail des enfants exci­tait éga­le­ment Defoe, qui se réjouis­sait de ce que « des enfants de quatre ou cinq ans […] pou­vaient cha­cun gagner leur propre pain ». Mais trêve de digression.

Même David Hume, le grand huma­niste, van­tait la pau­vre­té et la faim comme des expé­riences posi­tives pour les classes popu­laires, et blâ­mait même la « pau­vre­té » de la France sur son cli­mat favo­rable et ses sols fertiles :

« Les années de pénu­rie, à condi­tion qu’elle ne soit pas extrême, on observe tou­jours que les pauvres tra­vaillent plus, et vivent réel­le­ment mieux. »

Le révé­rend Joseph Town­send croyait que res­treindre l’accès à la nour­ri­ture était la voie à suivre :

« Contraindre [direc­te­ment] et juri­di­que­ment [au tra­vail] […] est reçu avec trop de pro­tes­ta­tions, de vio­lences et de bruit, […] tan­dis que la faim est non seule­ment un moyen de pres­sion pai­sible, silen­cieux et inces­sant, mais en tant que meilleure moti­va­tion natu­relle au tra­vail, elle appelle les plus puis­sants efforts […]. La faim domp­te­rait les plus rebelles des ani­maux, elle incul­que­rait décence et civi­li­té, obéis­sance et assu­jet­tis­se­ment aux plus bru­taux, aux plus obs­ti­nés et aux plus pervers. »

Patrick Col­qu­houn, un mar­chand qui mon­ta la pre­mière « police de pré­ven­tion » pri­vée d’Angleterre pour empê­cher les tra­vailleurs des docks d’arrondir leurs maigres salaires avec de la mar­chan­dise volée, four­nit ce qui est peut-être l’explication la plus lucide sur la manière dont la faim et la pau­vre­té sont cor­ré­lés à la pro­duc­ti­vi­té et la créa­tion de richesse :

« La pau­vre­té est l’état et la condi­tion sociale de l’individu qui n’a pas de force de tra­vail en réserve ou, en d’autres termes, pas de biens ou de moyens de sub­sis­tance autres que ceux pro­cu­rés par l’exercice constant du tra­vail dans les dif­fé­rentes occu­pa­tions de la vie. La pau­vre­té est donc l’ingrédient le plus néces­saire et indis­pen­sable de la socié­té, sans lequel les nations et les com­mu­nau­tés ne pour­raient exis­ter dans l’état de civi­li­sa­tion. C’est le des­tin de l’homme. C’est la source de la richesse, car sans pau­vre­té, il ne pour­rait y avoir de tra­vail ; et il ne pour­rait donc y avoir de biens, de raf­fi­ne­ments, de conforts, et de béné­fices pour les riches. »

La for­mule de Col­qu­houn est si juste qu’elle méri­té d’être répé­tée. Car ce qui était vrai à l’époque l’est encore aujourd’hui :

« La pau­vre­té est donc l’ingrédient le plus néces­saire et indis­pen­sable de la socié­té […], c’est la source de la richesse, car sans pau­vre­té, il n’y aurait pas de tra­vail ; et il ne pour­rait donc y avoir de biens, de raf­fi­ne­ments, de conforts, et de béné­fices pour les riches. »

Yasha Levine


Article ori­gi­nal (en anglais) : http://​exi​le​don​line​.com/​r​e​c​o​v​e​r​e​d​-​e​c​o​n​o​m​i​c​-​h​i​s​t​o​r​y​-​e​v​e​r​y​o​n​e​-​b​u​t​-​a​n​-​i​d​i​o​t​-​k​n​o​w​s​-​t​h​a​t​-​t​h​e​-​l​o​w​e​r​-​c​l​a​s​s​e​s​-​m​u​s​t​-​b​e​-​k​e​p​t​-​p​o​o​r​-​o​r​-​t​h​e​y​-​w​i​l​l​-​n​e​v​e​r​-​b​e​-​i​n​d​u​s​t​r​i​o​u​s​/​#​m​o​r​e​-​2​9​048

Tra­duc­tion : Alice Tréga

Édi­tion : Nico­las Casaux

Source : Par​tage​-le​.com, http://​par​tage​-le​.com/​2​0​1​8​/​1​0​/​l​i​n​v​e​n​t​i​o​n​-​d​u​-​c​a​p​i​t​a​l​i​s​m​e​-​c​o​m​m​e​n​t​-​d​e​s​-​p​a​y​s​a​n​s​-​a​u​t​o​s​u​f​f​i​s​a​n​t​s​-​o​n​t​-​e​t​e​-​c​h​a​n​g​e​s​-​e​n​-​e​s​c​l​a​v​e​s​-​s​a​l​a​r​i​e​s​-​p​o​u​r​-​l​i​n​d​u​s​t​r​i​e​-​p​a​r​-​y​a​s​h​a​-​l​e​v​i​ne/

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9 Commentaires

  1. etienne

    Le mou­ve­ment des ENCLOSURES fait réfé­rence aux chan­ge­ments qui, sur­tout à par­tir de la fin du XVIe siècle et au XVIIe siècle, ont trans­for­mé, dans cer­taines régions de l’An­gle­terre, une agri­cul­ture tra­di­tion­nelle dans le cadre d’un sys­tème de coopé­ra­tion et de com­mu­nau­té d’ad­mi­nis­tra­tion des terres (géné­ra­le­ment des champs de super­fi­cie impor­tante, sans limi­ta­tion phy­sique) en sys­tème de pro­prié­té pri­vée des terres (chaque champ étant sépa­ré du champ voi­sin par une bar­rière, voire une haie comme dans un bocage). Les enclo­sures marquent la fin des droits d’u­sage, en par­ti­cu­lier des com­mu­naux, dont un bon nombre de pay­sans dépendaient. […]

    https://​fr​.wiki​pe​dia​.org/​w​i​k​i​/​M​o​u​v​e​m​e​n​t​_​d​e​s​_​e​n​c​l​o​s​u​res

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  2. etienne

    Edward P. Thompson, La guerre des forêts. Luttes sociales dans l’Angleterre du XVIIIe siècle


    https://​jour​nals​.ope​ne​di​tion​.org/​l​e​c​t​u​r​e​s​/​1​4​352

    « Dès le titre, le décor est plan­té, un ter­ri­toire contes­té : des forêts. Les acteurs de cette « guerre », de ces « luttes sociales » ? Tous ceux qui font usage et qui par­ti­cipent de près ou de loin au gou­ver­ne­ment des forêts. Un point de départ pour l’analyse : une loi. Une loi par­ti­cu­liè­re­ment sévère et qui ins­tau­ra, en 1723, à l’unanimité de la chambre des com­munes, plus de cin­quante crimes capi­taux : Le Black Act. Black, car « la pre­mière caté­go­rie de délin­quants visés par cette loi com­pre­nait toute per­sonne “armée d’épée, d’arme à feu ou de toute autre arme offen­sive, ayant le visage noir­ci”, qui se trou­vait dans toute forêt, chasse, parc ou ter­rain clos, “où l’on garde habi­tuel­le­ment ou pour­rait gar­der un ou plu­sieurs cerfs” » (p. 18). Une loi qui punit de la peine de mort le simple port de signes sug­gé­rant la pos­si­bi­li­té d’un acte de « braconnage ».

    Pour­quoi une loi aus­si intran­si­geante fut-elle votée, de sur­croit à l’unanimité ? À quelle urgence répon­dait-elle ? Pour répondre à cette ques­tion, Thomp­son nous invite limi­nai­re­ment à pro­cé­der à deux dépla­ce­ments heu­ris­tiques. Pre­miè­re­ment, plu­tôt que de consi­dé­rer a prio­ri ceux qui tombent sous le joug de cette loi comme des cri­mi­nels (rejouant ain­si le juge­ment dont ils purent faire les frais à cette époque), il convient au contraire de faire l’effort de com­prendre les res­sorts sociaux et his­to­riques de la carac­té­ri­sa­tion « en tant que crimes » des actes que cette loi englobe. Deuxiè­me­ment, plu­tôt que d’envisager ces actes comme la mani­fes­ta­tion spon­ta­née d’une cri­mi­na­li­té ou d’une bar­ba­rie intrin­sèque à la vie en socié­té ou pire, à l’humaine condi­tion, il faut se deman­der de quoi ces actes sont le fruit, à quelles cir­cons­tances par­ti­cu­lières ils répondent, de quelles néces­si­tés ils sont le pro­duit ? La cri­mi­na­li­té, ain­si rela­ti­vi­sée et replon­gée dans le milieu qui la déter­mine, peut alors ser­vir de focale pour l’analyse de la socié­té qui la pro­duit, être abor­dée comme un prin­cipe qui la fait fonc­tion­ner, qui y orga­nise des découpes et y dis­tri­bue du pou­voir, des rôles et des légitimités.

    De ces consi­dé­ra­tions heu­ris­tiques se dégage un récit qui fait voir toute la richesse des usages dont la forêt et ses pro­duits étaient l’objet. Car, pour une bonne part, la forêt était un « bien com­mun », un ter­ri­toire offert à la ges­tion réglée par la cou­tume et par une mul­ti­tude de droits col­lec­tifs de ceux, usa­gers mul­tiples, qui en tiraient pro­fits et sub­sis­tance. Or, en ce début de XVIIIe siècle, cette rela­tive entente sur la ges­tion com­mune de ces ter­ri­toires était mise à mal par leur appro­pria­tion exclu­sive et crois­sante par la classe domi­nante et gouvernante.

    Ce cadre res­ti­tué, il devient pos­sible d’envisager le Bla­cking (le bra­con­nage armé, le visage noir­ci) comme une réponse à la ten­ta­tive d’une auto­ri­té fores­tière de se réac­ti­ver via un arse­nal juri­dique très répres­sif. Cette réac­ti­va­tion visait à faire taire la contes­ta­tion du gri­gno­tage et de la déné­ga­tion crois­sants des droits cou­tu­miers – par le phé­no­mène des enclo­sures notam­ment. Ces Blacks, nous dit Thomp­son, ce sont « des habi­tants de la forêt, armés, qui impo­saient par la force la défi­ni­tion des droits à laquelle le peuple des cam­pagnes avait été habi­tué, et qui résis­taient à la mise en place des clô­tures mena­çant leur libre uti­li­sa­tion des terres culti­vées, des sources de chauf­fage et de pâtu­rages » (p. 46).

    Face à ces résis­tances, dont le Bla­cking était la forme la plus spec­ta­cu­laire et par­fois la plus popu­laire – Thomp­son nous décrit dans des pages sublimes l’épopée d’un « Prince Jean », sorte de Robin des bois ridi­cu­li­sant cer­taines ten­ta­tives d’appropriation exclu­sive de ter­ri­toires fores­tiers –, l’édiction du Black Act, série de mesures « écrites en lettres de sang » (p. 22) est à consi­dé­rer comme une ten­ta­tive de neu­tra­li­sa­tion de ces contes­ta­tions par la ter­reur. Plus géné­ra­le­ment cepen­dant, cette loi san­glante n’est que le point d’acmé d’une lente mais cer­taine redé­fi­ni­tion de la pro­prié­té, qui gagnait l’Angleterre depuis plus d’un siècle déjà. La pro­prié­té exclu­sive et abso­lue sup­plan­tait et détrui­sait pro­gres­si­ve­ment les anciens par­tages des biens et des ter­ri­toires. Pro­ces­sus qu’enregistrait le droit par une redé­fi­ni­tion du crime, qui s’étendait doré­na­vant de l’atteinte des per­sonnes à l’atteinte aux choses.

    Le récit que pro­pose Thomp­son de cette « guerre des forêts » rap­pelle, ou tout du moins indique, la vio­lence qu’il fut néces­saire de déployer (qu’elle soit « effec­tive » ou qu’elle fonc­tionne sous le mode de la menace et de la ter­reur) pour que des « biens com­muns » deviennent la pro­prié­té de quelques-uns. Il est tou­jours bon de se sou­ve­nir de cette vio­lence ini­tiale, pro­gres­si­ve­ment dis­til­lée, effa­cée, attei­gnant la forme de l’évidence dans les énon­cés juri­diques : comme la signa­ture d’un acte de pro­prié­té qui oblige les occu­pants d’un lieu à devoir le quitter.

    C’est d’ailleurs à une réflexion riche et ambi­va­lente du droit que Thomp­son nous invite dans cet ouvrage. Thomp­son s’oppose à une vision mar­xiste « plus ou moins sophis­ti­quée » qui ne consi­dé­re­rait le droit qu’à l’aune de sa fonc­tion idéo­lo­gique, au ser­vice de la classe domi­nante (ici en par­ti­ci­pant de la natu­ra­li­sa­tion pro­gres­sive de la pro­prié­té). Si Thomp­son, loin de là, ne refuse ou récuse cette fonc­tion, il insiste cepen­dant sur les carac­té­ris­tiques que doit imman­qua­ble­ment rem­plir le droit pour qu’elle s’exerce. Car le droit, pour fonc­tion­ner – sa fonc­tion étant notam­ment de pou­voir exer­cer du pou­voir sans avoir à exer­cer une force sem­blant arbi­traire – doit offrir des garan­ties : il ne doit pré­ci­sé­ment pas avoir l’air arbi­traire et, pour ce faire, ne doit pas ser­vir que les domi­nants. Ces carac­té­ris­tiques qua­si intrin­sèques lui offrent alors une varia­bi­li­té de prises et d’usages que sa seule fonc­tion mys­ti­fi­ca­trice ne sau­rait rem­plir. Dans cette faille s’ouvre la pos­si­bi­li­té pour les classes domi­nées de se défendre par le droit, d’en faire usage et de retour­ner sa fonc­tion idéo­lo­gique. Le droit doit alors aus­si être envi­sa­gé moins comme un ins­tru­ment de pou­voir que comme le ter­rain, l’enregistreur et l’outil ambi­va­lents de conflits tra­ver­sant et façon­nant une socié­té. C’est à une cer­taine intel­li­gence stra­té­gique du droit que nous engage ici l’auteur.

    Ce court texte offre donc de nom­breux points d’accroche qui résonnent avec notre actua­li­té. Qu’il soit ques­tion de nous mettre à pen­ser et à agir pour les « biens com­muns », à défi­nir le droit et ses usages mili­tants (pers­pec­tive que l’on pour­rait enri­chir des ana­lyses fou­cal­diennes, par ailleurs contem­po­raines de ce texte dans sa ver­sion anglaise), ou encore à nour­rir nos ima­gi­naires des résis­tances et des richesses des socié­tés pas­sées, ce petit livre est une source géné­reuse et vivante appor­tant, par l’histoire, des forces pour mener un com­bat tou­jours actuel. »

    https://​jour​nals​.ope​ne​di​tion​.org/​l​e​c​t​u​r​e​s​/​1​4​352

    Réponse
    • ève

      OUI , je le savais ! Je ne déve­loppe pas

      Réponse
  3. etienne

    Michael Perelman

    Source : https://​www​.csu​chi​co​.edu/​e​c​o​n​/​f​a​c​u​l​t​y​/​p​e​r​e​l​m​a​n​.​s​h​t​m​l​?​f​b​c​l​i​d​=​I​w​A​R​1​a​j​8​j​L​n​Y​M​o​V​4​A​O​j​3​G​D​l​i​M​-​g​d​B​r​_​Z​S​i​C​K​d​3​x​W​q​-​Z​7​-​4​H​a​u​o​Y​G​n​o​K​8​t​E​YPI

    [tra­duc­tion automatique]

    Pro­fes­seur d’économie
    doc­to­rat Éco­no­mie agri­cole, Uni­ver­si­té de Cali­for­nie à Ber­ke­ley, 1971 
    Maî­trise en éco­no­mie, San Fran­cis­co State Col­lege, SF, CA. 1966 
    BA en éco­no­mie, Uni­ver­si­té du Michi­gan, Ann Arbor, MI., 1961

    Bien que j’ai obte­nu un diplôme en éco­no­mie agri­cole de l’U­ni­ver­si­té de Cali­for­nie à Ber­ke­ley en 1971, je ne pou­vais jamais me résoudre à accep­ter le cadre idéo­lo­gique de l’é­co­no­mie conven­tion­nelle. Au début, j’ai remar­qué que le sys­tème agri­cole consom­mait dix fois plus d’éner­gie qu’il n’en pro­dui­sait sous forme d’a­li­ments comes­tibles. J’ai exa­mi­né plus en pro­fon­deur les coûts envi­ron­ne­men­taux, sociaux et éco­no­miques du sys­tème agri­cole actuel. Ces enquêtes ont fina­le­ment abou­ti à mon pre­mier livre, Far­ming for Pro­fit in a Hun­gry World (1977) .Dans ce livre, j’ai mon­tré com­ment le sys­tème agri­cole à but lucra­tif créait la faim, la pol­lu­tion, de graves consé­quences pour la san­té publique et la per­tur­ba­tion de l’en­vi­ron­ne­ment, tout en ren­voyant des mil­lions de per­sonnes de la terre.

    Je m’in­té­res­sais éga­le­ment beau­coup à l’his­toire de la pen­sée éco­no­mique, ce qui m’a ame­né à exa­mi­ner l’é­vo­lu­tion his­to­rique du sys­tème agri­cole du point de vue des prin­ci­paux repré­sen­tants de l’é­co­no­mie poli­tique clas­sique. Ces éco­no­mistes, qui ont écrit pen­dant une période allant de la fin du 17ème siècle au milieu du 19ème siècle, ont van­té les mérites de mar­chés théo­riques sur des mar­chés libres et sans entraves. Dans leurs écrits plus axés sur les poli­tiques – lettres, agen­das et ouvrages plus axés sur les poli­tiques – ils ont encou­ra­gé l’u­ti­li­sa­tion active de l’É­tat pour appli­quer des forces extra-mar­chandes dans l’in­té­rêt des capi­ta­listes au détri­ment des autres. En par­ti­cu­lier, j’ai exa­mi­né l’appel assez uni­ver­sel de ces éco­no­mistes poli­tiques pour saper les petits agri­cul­teurs rela­ti­ve­ment auto­suf­fi­sants et les trans­for­mer en tra­vailleurs sala­riés. Cette étude m’a ame­né à écrire l’é­co­no­mie poli­tique clas­sique, l’ac­cu­mu­la­tion pri­mi­tive et la divi­sion sociale du tra­vail (1983) .

    Un thème cen­tral de ce livre a été la créa­tion d’une divi­sion sociale du tra­vail – la divi­sion de l’économie en uni­tés de pro­duc­tion de pro­duits de base. J’ai ensuite com­men­cé à regar­der quelle lumière Karl Marx pour­rait jeter sur ce sujet. La lec­ture de Marx dans cette optique m’a fait com­prendre que la plu­part de ses lec­teurs ont oublié ce que je consi­dé­rais comme très impor­tant pour com­prendre son tra­vail. Ces recherches ont mené à mon livre, Les théo­ries des crises de Karl Marx : tra­vail, pénu­rie et capi­tal fic­tif (1987) . J’ai trou­vé que Marx écri­vait par­fois pour influen­cer les condi­tions poli­tiques contem­po­raines. Cet aspect de son tra­vail l’a ame­né à écrire d’une manière qui sem­blait induire en erreur les lec­teurs ulté­rieurs. À défaut de voir cet élé­ment de l’œuvre de Marx, les lec­teurs modernes sont géné­ra­le­ment enclins à lire ses écrits comme s’il s’a­gis­sait de véri­tés intem­po­relles. Par exemple, ses articles célèbres sur l’Inde affir­maient que l’An­gle­terre favo­ri­sait le pro­grès en Inde, mais que Marx en savait très peu sur l’Inde à l’é­poque. Au lieu de cela, il essayait de saper l’in­fluence d’Hen­ry Carey au New York Tri­bune , où Marx écri­vait éga­le­ment. J’ai éga­le­ment consta­té que la pénu­rie était impor­tante pour Marx, mais il a mas­qué cet aspect de son tra­vail dans la caté­go­rie de la com­po­si­tion orga­nique du capi­tal. Dans cette pers­pec­tive, la théo­rie de la crise de Marx était bien plus sophis­ti­quée que beau­coup de lec­teurs modernes ne l’a­vaient ima­gi­né. Pour Marx, des éva­lua­tions sub­jec­tives ont pro­vo­qué une vio­lente oscil­la­tion des prix du mar­ché. À mesure que les inves­tis­seurs deve­naient plus opti­mistes, les prix aug­men­te­raient de manière irré­gu­lière, empê­chant les prix de gui­der l’é­co­no­mie de manière appro­priée. Des crises étaient néces­saires pour redres­ser l’é­co­no­mie, même si la vio­lence du remède fini­rait par pro­vo­quer l’ef­fon­dre­ment du système.

    Mon étude du tra­vail de Marx sur le capi­tal constant m’a rame­née à mon tra­vail dans les études supé­rieures, où je m’in­té­res­sais à l’ir­ra­tio­na­li­té de l’in­ves­tis­se­ment dans des biens d’é­qui­pe­ment à longue durée de vie.Comme un bien d’é­qui­pe­ment durable est un inves­tis­se­ment qui ne rap­porte que dans l’a­ve­nir et que l’a­ve­nir est incon­nu, la ratio­na­li­té de l’in­ves­tis­se­ment ne peut se pro­duire que par acci­dent. Pen­ser aux mar­chés sous cet angle m’a ame­né à me tour­ner vers John May­nard Keynes. J’ai consta­té que, bien que Keynes s’intéresse à l’investissement dans les biens d’équipement, il a tota­le­ment igno­ré la déci­sion de rem­pla­cer des biens d’équipement obso­lètes. Le résul­tat de cette recherche est Keynes, Théo­rie de l’in­ves­tis­se­ment et Ralen­tis­se­ment éco­no­mique : le rôle de l’in­ves­tis­se­ment de rem­pla­ce­ment et les ratios q »(1989) . Ce livre a mon­tré que la négli­gence des inves­tis­se­ments de rem­pla­ce­ment avait entraî­né une grave erreur de lec­ture du tra­vail de Keynes.

    L’une des consé­quences de cette étude a été de réa­li­ser que les crises consti­tuaient une com­po­sante néces­saire des éco­no­mies capi­ta­listes dans le contexte de l’a­na­lyse de Keynes, tout comme dans le cas de Marx. En par­ti­cu­lier, une éco­no­mie forte ne favo­rise pas les inves­tis­se­ments de rem­pla­ce­ment. En consé­quence, sans crise, une éco­no­mie aurait ten­dance à se dété­rio­rer à mesure que son stock de capi­tal vieillit. En outre, une éco­no­mie en expan­sion libé­rée des crises ne crée­rait pas d’in­ci­ta­tions suf­fi­santes pour que les entre­prises deviennent plus effi­caces. En bref, les efforts visant à main­te­nir la san­té éco­no­mique causent effec­ti­ve­ment l’af­fai­blis­se­ment de l’é­co­no­mie. Le capi­ta­lisme a besoin de crises. Ces crises peuvent tou­te­fois détruire le capi­ta­lisme, car les crises qui pro­voquent une vague d’in­ves­tis­se­ments de rem­pla­ce­ment détruisent éga­le­ment la valeur du capi­tal exis­tant. Cette conclu­sion est simi­laire à la théo­rie de la crise de Marx dont j’ai par­lé dans mon livre sur Marx.

    Mon pro­chain livre, Infor­ma­tion, rela­tions sociales et éco­no­mie de la haute tech­no­lo­gie (1991) , était un pro­jet de tran­si­tion. Comme le titre l’in­dique, contrai­re­ment à mes études pré­cé­dentes, qui avaient ten­dance à s’in­té­res­ser aux sec­teurs tra­di­tion­nels de l’é­co­no­mie – l’a­gri­cul­ture et la fabri­ca­tion -, je m’in­té­res­sais de plus près aux impli­ca­tions de la haute tech­no­lo­gie. La prin­ci­pale conclu­sion de ce livre est que les mar­chés sont abso­lu­ment inap­pro­priés pour le trai­te­ment de l’in­for­ma­tion. Étant don­né que les mar­chés sont cen­sés fixer le prix près du coût de pro­duc­tion de la pro­chaine uni­té sup­plé­men­taire et que l’in­for­ma­tion est qua­si­ment sans coût pour être repro­duite, les prix concur­ren­tiels des biens d’in­for­ma­tion tendent à être pra­ti­que­ment nuls.

    Je suis ensuite reve­nu aux tra­vaux du livre Keynes, en essayant de les appli­quer à l’é­co­no­mie amé­ri­caine d’a­près-guerre dans La patho­lo­gie de l’é­co­no­mie amé­ri­caine : le coût d’un sys­tème de bas salaires (1993) . La prin­ci­pale inno­va­tion du livre était de mon­trer com­ment des salaires éle­vés, tels que les crises, pour­raient obli­ger les entre­prises à deve­nir plus effi­caces. Le thème prin­ci­pal du livre était que le capi­ta­lisme était un sys­tème conflic­tuel et contra­dic­toire. Tout effort visant à assu­rer le bon fonc­tion­ne­ment d’une éco­no­mie de mar­ché ne crée­ra fina­le­ment que de nou­veaux problèmes.

    J’ai ensuite déci­dé d’exa­mi­ner de plus près l’é­co­no­mie amé­ri­caine dans ce qui est deve­nu The End of Eco­no­mics (1996) . J’ai réa­li­sé que j’a­vais man­qué une consi­dé­ra­tion majeure dans cer­tains de mes tra­vaux pré­cé­dents. La même struc­ture de coûts qui a ren­du les mar­chés inap­pli­cables à l’in­for­ma­tion a été approxi­mée dans les sec­teurs de la fabri­ca­tion et des che­mins de fer. En d’autres termes, le coût de pro­duc­tion ou de trans­port d’une autre livre d’acier est rela­ti­ve­ment faible.Les dépenses majeures dans de telles indus­tries sont les lourds inves­tis­se­ments en capi­tal fixe. Dans cette enquête, j’ai réa­li­sé que les socié­tés géantes étaient inci­tées à réa­li­ser des éco­no­mies de coûts grâce à l’in­tro­duc­tion de nou­velles tech­no­lo­gies. Cette stra­té­gie mena­ce­rait de détruire les valeurs du capi­tal fixe et de sus­ci­ter une réac­tion de la part des concur­rents. Géné­ra­le­ment, ces inves­tis­se­ments aug­mentent l’échelle de la pro­duc­tion. Au fur et à mesure que la pro­duc­tion aug­mente, les prix s’ef­fondrent vers le coût de pro­duc­tion d’une autre uni­té. La consé­quence est la faillite de la majo­ri­té des participants.

    Tout comme dans le cas des éco­no­mistes poli­tiques clas­siques dis­cu­tant du sec­teur rural, les grands éco­no­mistes du XIXe siècle ont rédi­gé des trai­tés éla­bo­rés sur la per­fec­tion des mar­chés libres tout en recom­man­dant vive­ment que les socié­tés soient auto­ri­sées à créer des trusts, des car­tels ou des mono­poles. En effet, à par­tir de la fin du XIXe siècle, une grande vague de fusion a conso­li­dé indus­trie après indus​trie​.Au cours des pro­chaines décen­nies, les forces concur­ren­tielles se sont affai­blies jus­qu’à ce que la Grande Dépres­sion éclate.

    Je me suis ren­du compte que dans l’é­co­no­mie amé­ri­caine, la confiance dans le mar­ché bat­tait son plein. Pen­dant un cer­tain temps, les forces éco­no­miques auraient eu la main libre jus­qu’à ce que l’i­né­vi­table crise se pro­duise, puis la pres­sion popu­laire exi­ge­rait l’exer­cice d’un contrôle sur le marché.

    Ensuite, je suis reve­nu au sujet de l’information et de la haute tech­no­lo­gie dans La guerre des classes à l’ère de l’information (1998). Ce livre détaille plus en détail la manière dont les mar­chés sont inap­pro­priés pour trai­ter les infor­ma­tions. Un thème plus fon­da­men­tal était que l’é­co­no­mie de l’in­for­ma­tion serait uti­li­sée pour la sur­veillance et le contrôle plu­tôt que pour four­nir des biens et des ser­vices sus­cep­tibles d’a­mé­lio­rer la vie des personnes.

    Un grand nombre des idées des livres pré­cé­dents ont été réunies dansL’ins­ta­bi­li­té natu­relle des mar­chés : attentes, ren­de­ments crois­sants et effon­dre­ment des mar­chés (1999) . Sur un plan plus théo­rique, j’ai essayé de mon­trer pour­quoi les mar­chés sont fon­da­men­ta­le­ment instables parce que les prix ont ten­dance à évo­luer vers le coût de pro­duc­tion d’une uni­té sup­plé­men­taire de pro­duc­tion. Comme je l’ai déjà men­tion­né, la concur­rence dans les sec­teurs de l’in­for­ma­tion et de la fabri­ca­tion pro­voque des pres­sions défla­tion­nistes qui tendent à la crise. J’ai mon­tré que les coûts de main-d’œuvre éle­vés ain­si que les coûts de res­sources éle­vés résul­tant de la régle­men­ta­tion ont ten­dance à pro­duire des pres­sions com­pen­sa­toires qui réduisent la ten­dance à la crise.

    Plus pro­fon­dé­ment, ce livre remet en ques­tion la concep­tion de la concur­rence. Je montre qu’une concur­rence intense équi­vaut à une dépres­sion, mais la plu­part des éco­no­mistes estiment que la concur­rence est bonne et que les dépres­sions sont mau­vaises. Afin de mieux cer­ner la concur­rence, j’ai fait appel à la vision de Ste­phen Gould de la concur­rence bio­lo­gique. Cet argu­ment de livre est plus com­plexe et il m’est presque impos­sible de le résu­mer en quelques para­graphes. En bref, c’é­tait pro­ba­ble­ment le livre pré­fé­ré jus­qu’à cette date.

    Mon pro­chain pro­jet était Trans­cen­der l’é­co­no­mie : sur le poten­tiel du tra­vail pas­sion­né et les déchets du mar­ché (2000) . Ce livre est très dif­fé­rent de tout ce que j’ai essayé. La pro­po­si­tion sous-jacente est que le sys­tème éco­no­mique actuel contient tel­le­ment de déchets que le pas­sage à un autre type d’é­co­no­mie ne pré­sente pas beau­coup de risque. La pre­mière par­tie de l’ou­vrage explore les nom­breux et énormes déchets de l’é­co­no­mie actuelle. La deuxième par­tie explore le poten­tiel du tra­vail pas­sion­né, c’est-à-dire le genre de prouesses que les gens peuvent accom­plir lors­qu’ils ont la pos­si­bi­li­té de tra­vailler sur quelque chose qu’ils aiment.

    Au même moment, je tra­vaillais depuis presque 15 ans sur L’invention du capi­ta­lisme : l’histoire secrète de l’accumulation pri­mi­tive . Ce livre a com­men­cé comme une simple réécri­ture de mon livre pré­cé­dent sur l’économie poli­tique clas­sique, mais avec le temps, le livre a pris une vie propre. Bien que l’i­dée de base soit res­tée la même, cette ver­sion consti­tuait une amé­lio­ra­tion consi­dé­rable par rap­port à la précédente.

    Ensuite, je me suis tour­né vers La patho­lo­gie de l’économie amé­ri­caine revi­si­tée : Les contra­dic­tions insou­te­nables de la poli­tique éco­no­mique »(2001) , qui a com­men­cé comme une mise à jour d’un livre pré­cé­dent por­tant un titre simi­laire. Je n’a­vais pas réa­li­sé à quel point je devais révi­ser ce manus­crit à cause des bou­le­ver­se­ments éco­no­miques sur­ve­nus au cours des années 90.

    Je suis ensuite reve­nu à la ques­tion de la pro­prié­té intel­lec­tuelle dansSteal This Idea : Pro­prié­té intel­lec­tuelle et The Confis­ca­tion of Crea­ti­vi­ty (2002) , qui ana­lyse le carac­tère des­truc­teur de la pro­prié­té intellectuelle.Dans ce livre, je décris com­ment les entre­prises ont mis en place un sys­tème de droits de pro­prié­té intel­lec­tuelle qui per­met de confis­quer les avan­tages de la créa­ti­vi­té dans le domaine de la science et de la culture.Ce sys­tème menace de faire dérailler les pro­grès éco­no­miques et scien­ti­fiques, tout en bou­le­ver­sant la socié­té et en mena­çant la liber­té indi­vi­duelle. Le résul­tat natu­rel de ce sys­tème est un monde de litiges exces­sifs, de vio­la­tions intru­sives de la vie pri­vée, le sys­tème de des­truc­tion de l’en­sei­gne­ment supé­rieur, une ingé­rence dans la recherche scien­ti­fique et une répar­ti­tion inégale des revenus.

    Dans L’économie per­verse : l’impact des mar­chés sur les hommes et lanature (2003) , je me suis tour­né vers ce que j’appelle le tra­vailleur ouvrier agri­cole, à savoir que le capi­ta­lisme traite les gens et les condi­tions qui sont les plus essen­tielles à la vie humaine avec un mépris total. J’ai inté­gré cette idée à mes tra­vaux pré­cé­dents sur l’i­nef­fi­ca­ci­té des mar­chés pour mon­trer quels mar­chés étaient par­ti­cu­liè­re­ment inca­pables de gérer les res­sources de manière rationnelle.

    C’est à ce moment que j’ai com­men­cé à tra­vailler sur Manu­fac­tu­ring Dis­content : Le piège de l’in­di­vi­dua­lisme dans une socié­té d’en­tre­prise (2005) . Ce livre est plus détaillé sur la manière dont la ver­sion amé­ri­caine du capi­ta­lisme opprime mal les gens en tant que tra­vailleurs, consom­ma­teurs et citoyens. J’ai com­pa­ré le fonc­tion­ne­ment réel de l’é­co­no­mie avec ses fon­de­ments idéologiques.

    Mon pro­jet sui­vant était Rail­roa­ding Eco­no­mics : La créa­tion de la mytho­lo­gie du mar­ché libre (2006) , une ver­sion bien amé­lio­rée et mise à jour de The End of Eco­no­mics, que Rout­ledge a gra­cieu­se­ment autorisé.Monthly Review Press a publié le livre à un prix abordable.

    De là, je me suis tour­né vers La confis­ca­tion de la pros­pé­ri­té amé­ri­caine : de l’ex­tré­misme de droite et de l’i­déo­lo­gie éco­no­mique à la pro­chaine grande dépres­sion , où j’ai pré­sen­té en détail com­ment les forces conser­va­trices ont réus­si à remettre en cause les modestes gains réa­li­sés par les popu­la­tions depuis la Grande Dépres­sion . Dépres­sion. Bien que cette vic­toire poli­tique ait sans aucun doute pro­cu­ré des gains à court terme aux entre­prises, j’ai consa­cré une bonne par­tie de mon ouvrage à l’analyse des rai­sons pour les­quelles ce virage à droite se révé­le­rait tout à fait des­truc­teur, à tel point qu’il nui­rait même aux béné­fi­ciaires immé­diats. Enfin, je dis­cute des rai­sons pour les­quelles la pro­fes­sion d’économiste n’a pas été en mesure de faire face aux consé­quences désas­treuses de la révo­lu­tion de droite.

    Mon der­nier pro­jet s’in­ti­tule Les menottes invi­sibles du capi­ta­lisme : com­ment le contrôle du mar­ché sape l’é­co­no­mie par des tra­vailleurs en retard de crois­sance, en ver­tu d’un contrat avec la Stan­ford Uni­ver­si­ty Press. Le thème de base est la façon dont le capi­ta­lisme est struc­tu­ré de manière à être inca­pable de gérer effi­ca­ce­ment le pro­ces­sus de tra­vail et que les efforts du capi­ta­lisme pour contrô­ler le pro­ces­sus de tra­vail créent de graves dom­mages sociaux et économiques.

    Michael Per­el­man

    https://​www​.csu​chi​co​.edu/​e​c​o​n​/​f​a​c​u​l​t​y​/​p​e​r​e​l​m​a​n​.​s​h​t​m​l​?​f​b​c​l​i​d​=​I​w​A​R​1​a​j​8​j​L​n​Y​M​o​V​4​A​O​j​3​G​D​l​i​M​-​g​d​B​r​_​Z​S​i​C​K​d​3​x​W​q​-​Z​7​-​4​H​a​u​o​Y​G​n​o​K​8​t​E​YPI

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  4. BlueMan

    Un article majeur pour bien com­prend cer­taines racines, volon­tai­re­ment occul­tées par le sys­tème, du capitalisme.

    Les libé­raux se jus­ti­fient tou­jours par liber­té, et nous enivrent même avec elle, mais la réa­li­té est toute autre : c’est la mise en escla­vage sala­rié de gens libres et auto­suf­fi­sants dans le but de les exploi­ter, afin de pou­voir en extraire de la valeur ajou­tée, une plus-value créée par leur travail.

    Notez bien que le dum­ping social, par la mise au tra­vail des femmes, puis de la poli­tique déli­bé­rée de l’im­mi­gra­tion de masse par les capi­ta­listes (relayée par les idiots utiles que sont les bobos, les gau­chistes, et les bien-pen­sants), va exac­te­ment dans le même sens : faire en sorte que les gens ne soient plus auto­suf­fi­sants, et donc exploi­tables à mer­ci, en les contrai­gnants à avoir des salaires le plus bas pos­sible en aug­men­tant n par tous les moyens dans la relation :

    1 emploi pro­po­sé – n demandeurs

    De nos jours, tout dépend de cette rela­tion et des valeurs de n :

    - Plus n est grand, plus les salaires sont bas. On a pu l’ob­ser­ver crû­ment durant de la crise de 1929 où, lors­qu’un emploi était pro­po­sé, il arri­vait que des mil­liers de gens pos­tulent pour cet emploi unique. Vous ima­gi­nez bien que, dans ces condi­tions, le salaire était bien plus bas que d’ha­bi­tude, et que l’employeur était encore plus exi­geants sur les qua­li­tés et com­pé­tences deman­dées. « Vous n’êtes pas d’ac­cord avec mes condi­tions ? Au suivant ! »
    – Plus n se rap­proche de 1, plus les salaires aug­mentent, et les condi­tions de tra­vail deviennent normales.
    – Enfin, dès que n passe sous la barre de 1 (par exemple 0,5, c’est-à-dire ici 1 tra­vailleur pour deux emplois offerts), les salaires deviennent vrai­ment inté­res­sants, et les employeurs se battent pour offrir des condi­tions de tra­vail et des avan­tages divers afin d’at­ti­rer les com­pé­tences dont ils ont besoin chez eux, et aus­si et sur­tout de les garder !

    Le capi­ta­lisme n’est donc pas, comme ses pro­pa­gan­distes nous le rabâchent à loi­sir, un pro­grès par la liber­té éco­no­mique, mais un asser­vis­se­ment par la contrainte éco­no­mique, la ruse, et la Loi.

    À lire abso­lu­ment pour com­prendre le monde d’au­jourd’­hui par une meilleure connais­sance du monde d’hier.

    Réponse
  5. etienne

    Six points sur les origines de la révolution industrielle

    Source : https://​gybn​-his​toire​.blog​spot​.com/​2​0​1​0​/​0​2​/​s​i​x​-​p​o​i​n​t​s​-​s​u​r​-​l​e​s​-​o​r​i​g​i​n​e​s​-​d​e​-​l​a​-​r​i​.​h​tml

    Sur cette page : 

    Six points sur les ori­gines de la révo­lu­tion industrielle
    Hypo­thèse de l’esclavage industriel
    Sources sur la condi­tion ouvrière au XIXe siècle
    Causes de la révo­lu­tion indus­trielle selon l’historiographie
    LIVRES
    AUDIO
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    LIENS

    Six points sur les origines de la Révolution industrielle

    Com­ment le capi­ta­lisme indus­triel s’est-il constitué ?
    Quelles sont les ori­gines de la Révo­lu­tion industrielle ?


    Pho­to de W. Eugene Smith, Trois mineurs gal­lois, 1950.

    Pour­quoi l’Europe a‑t-elle eu le pri­vi­lège d’inventer la Révo­lu­tion indus­trielle puis de domi­ner le monde jusqu’en 1945 ? Est-ce parce que les Euro­péens (de l’Ouest) sont plus malins ? plus éco­nomes ? plus chanceux ?

    Pour­quoi la Révo­lu­tion indus­trielle a‑t-elle débu­té en Europe occidentale ?

    Pour­quoi la Chine, si puis­sante et domi­nante durant l’Antiquité, au Moyen Age et encore entre 1500 et 1800 n’a‑t-elle pas déve­lop­pé de sys­tème capi­ta­liste ni inven­té la Révo­lu­tion industrielle ?

    En lisant His­toire de l’Humanité 1492–1789, Paris :UNESCO, 2008 (1999), vol. V, les cha­pitres de Ifran Habib, pp. 40–93, « L’essor de la tech­nique » et « Le chan­ge­ment éco­no­mique et social », on pour­rait ran­ger les évé­ne­ments dans un ordre sus­cep­tible de répondre à ces ques­tions. La démons­tra­tion se fait en 6 points.

    Pre­mier point
    L’argent du Pérou. Les Amé­riques ont pro­duit beau­coup d’or et d’argent. Cet argent des ter­ri­toires cap­tu­rés était en plus presque gra­tuit à l’extraction puisque les Espa­gnols uti­li­saient sans ména­ge­ment la popu­la­tion locale (déci­mée à 90% durant la période).

    « L’Empire inca, l’Empire aztèque ruis­se­laient d’or. On esti­ma à 200 tonnes l’or amé­ri­cain rap­por­té en Espagne de 1500 à 1600, alors qu’en 500 ans l’Espagne, le Por­tu­gal, l’Italie, la France et l’Angleterre n’avaient pro­duit à eux tous que 20 tonnes. … Quel que soit le mine­rai, la teneur en or est tou­jours faible : 4 à 5 g par tonne en moyenne. … Des géné­ra­tions d’Indiens féro­ce­ment trai­tés s’épuisèrent à leur extrac­tion, et y périrent. C’est pour les rem­pla­cer que les colons du Nou­veau Monde firent appel aux tra­fi­quants d’esclaves d’Afrique noire. » (Mourre, Dic­tion­naire d’histoire)

    Deuxième point
    Ce métal pré­cieux « gra­tuit » fut vital à l’enrichissement de l’Europe. Diri­gé vers la Chine, où l’argent valait autant que l’or, il pre­nait une valeur consi­dé­rable et per­met­tait l’achat des matières de luxe chi­noises comme la soie et la por­ce­laine. Ces pré­cieuses mar­chan­dises chi­noises payées avec le mine­rai du Pérou arri­vaient en Europe « gra­tui­te­ment » si ce n’est au coût du transport.

    Troi­sième point
    Les routes mari­times d’Asie ont d’abord été conquises par les Por­tu­gais puis par les Anglais et les Néer­lan­dais. Ces der­niers cap­tu­rèrent Java et l’Inde. Dans ces ter­ri­toires den­sé­ment peu­plés et à l’agriculture déve­lop­pée, ils impo­sèrent de lourds impôts qui ser­vaient à finan­cer leurs opé­ra­tions com­mer­ciales sur place. Ain­si les mar­chands et les colons anglais et hol­lan­dais pou­vaient envoyer des matières pre­mières et des tex­tiles impri­més en Europe uni­que­ment en recou­rant à leurs extor­sions en Asie. Du point de vue glo­bal de l’Angleterre et de la Hol­lande, ces mar­chan­dises en pro­ve­nance d’Inde et de Java arri­vaient « gratuitement ».

    Qua­trième point
    Ain­si des mar­chan­dises de grande valeur comme la por­ce­laine, la soie, les indiennes, les épices, le thé
    en pro­ve­nance de Chine, d’Inde et d’Indonésie s’amoncelaient en Angle­terre sans avoir coû­té beau­coup (hor­mis les frais mili­taires et de trans­port). Ces mar­chan­dises obte­nues « gra­tui­te­ment » ont ser­vi en par­tie de mon­naie d’échange pour l’achat des 13 mil­lions d’esclaves afri­cains envoyés aux Amériques.

    Cin­quième point
    Ces esclaves font mar­cher les plan­ta­tions du Nou­veau monde qui pro­duisent 80% du tabac, du coton, du café, du sucre mon­dial. Cette immense pro­duc­tion, bien sûr enri­chit consi­dé­ra­ble­ment l’Europe.

    Sixième point
    Pour que l’industrialisation décolle, il faut, tout d’abord une accu­mu­la­tion de capi­tal. L’exploitation à mort par l’Europe nord occi­den­tale des Amé­riques, de l’Afrique, de l’Inde et de l’Indonésie, pen­dant 300 ans, de 1500 à 1800, a per­mis une accu­mu­la­tion de capi­tal comme jamais aupa­ra­vant, même pas par le plus grand, le plus avan­cé et le plus ancien empire du monde, la Chine. C’est cette accu­mu­la­tion de capi­tal unique dans l’histoire mon­diale, com­bi­née en Angle­terre par toutes sortes d’avancées tech­niques qui per­mirent l’éclosion de la révo­lu­tion industrielle.
    Depuis, le monde est divi­sé en deux : les pays riches (on dit indus­tria­li­sés) et les pays pauvres.

    Hypothèse de l’esclavage industriel

    Autre hypo­thèse sur les ori­gines de la Révo­lu­tion indus­trielle. La révo­lu­tion indus­trielle cor­res­pond à l’application d’une nou­velle forme d’exploitation humaine, l’esclavage indus­triel. Les indus­triels anglais ont été les pre­miers à trou­ver, à appli­quer et à pro­fi­ter de cette nou­velle force extraite de l’esclavage industriel.
    Au XIXe siècle déjà, il existe toute une lit­té­ra­ture d’enquête et de dénon­cia­tion sur la situa­tion des esclaves indus­triels en Grande-Bre­tagne et en France. Cela com­mence en Angle­terre avec le phé­no­mène du pau­pé­risme. L’Angleterre est alors le labo­ra­toire mons­trueux de la moder­ni­té. Man­ches­ter est consi­dé­ré comme syno­nyme d’enfer, de cala­mi­té. Dénon­cia­tion d’une nou­velle féo­da­li­té entre 1830 et 1840. La dépen­dance des ouvriers aux manu­fac­tures est vécue comme un escla­vage. Condi­tions com­pa­rables à celle de l’esclavage de plan­ta­tion. Notion d’esclaves blancs. Déshu­ma­ni­sa­tion du pro­lé­taire, dépen­dance radi­cale. Simi­li­tude entre l’esclavage indus­triel et l’esclavage de plan­ta­tion. Ver­sion aggra­vée de l’esclavage.

    Com­ment était-il pos­sible d’exploiter à ce point femmes et enfants, ouvriers ? C’était pos­sible car on attri­buait leur situa­tion de misère, non pas à l’exploitation qu’ils subis­saient mais à leur propre immo­ra­li­té, à leur manque de ver­tu. A contra­rio, ce juge­ment fon­dait la morale bour­geoise, l’étiquette bour­geoise, l’idéologie char­gée d’innocenter le mépris uti­li­sé contre les prolétaires.

    La répres­sion contre les ouvriers récal­ci­trants était impi­toyable, la forme la plus simple étant la pri­va­tion d’emploi. Mais les révoltes étaient tout aus­si impi­toya­ble­ment trai­tées (par l’armée) : Lyon, révolte des Canuts, 1834, 600 morts du côté ouvrier (et 10’000 arres­ta­tions sui­vies de dépor­ta­tion). La répres­sion s’exerçait éga­le­ment contre ceux qui osaient prendre la défense des insur­gés, comme cer­tains jour­na­listes qui étaient eux aus­si arrê­tés et condamnés.

    Une fois « inven­té », quelque part, cet escla­vage est sus­cep­tible d’être imi­té. Par exemple au Japon. Si d’autres pays recourent à cet escla­vage, c’est donc que cet escla­vage est pos­sible, qu’il est sup­por­table. Si cette exploi­ta­tion inhu­maine per­met d’accéder à un pou­voir domi­nant, nous devons nous aus­si prendre le che­min de cette manière d’enrichir notre pays. Voyons cette citation :

    « Les patrons pré­fèrent employer des jeunes filles, plus stables et régu­lières. Les condi­tions de tra­vail des ouvrières ont été abon­dam­ment décrites comme l’un des scan­dales des débuts de l’ère indus­trielle au Japon. Le recru­te­ment en usine se fait sur une base régio­nale, les salaires sont direc­te­ment ver­sés aux pères des jeunes filles. Celles-ci vivent en dor­toirs, dans des condi­tions proches de celles de mai­sons de déten­tion. Contrats d’embauche aux clauses inéga­li­taires et salaires très bas, tra­vail douze heures par jour et sou­vent plus, manque de som­meil, acci­dents du tra­vail, condi­tions insa­lubres des loge­ments et pro­mis­cui­tés, inter­dic­tion de sor­tir pen­dant la semaine, rete­nues de salaire pour une nour­ri­ture sou­vent infecte, pra­tique bru­tales de l’encadrement mas­cu­lin (par­fois accom­pa­gnées de châ­ti­ments cor­po­rels et de viols), mala­dies (notam­ment la tuber­cu­lose)… » p. 493, Pierre-Fran­çois Souy­ri, Nou­velle his­toire du Japon, Paris : Per­rin, 2010.

    Ce nou­vel escla­vage a été, en son temps, abon­dam­ment décrit et dénon­cé. Les condi­tions d’existences des tra­vailleurs en Angle­terre puis en France étaient effroyables.

    Sources sur la condition ouvrière au XIXe siècle

    1803
    Sis­mon­di, Jean-Charles-Léo­nard Simonde de, De la richesse com­mer­ciale ou prin­cipes d’é­co­no­mie poli­tique, appli­qués à la légis­la­tion du com­merce / J.C.L. Simonde, Genève : J.J. Paschoud, 1803.

    1819
    Rubi­chon Mau­rice, De l’An­gle­terre / par M. Rubi­chon, Paris : Impr. de Lefebvre, 1816–1819, Nouv. éd., 2 vol. (583, 437 p.).

    1827
    Comte Charles, Trai­té de légis­la­tion ou expo­si­tion des lois géné­rales sui­vant les­quelles les peuples pros­pèrent, dépé­rissent ou res­tent sta­tion­naires / par Charles Comte, Paris : A. Sau­te­let, 1826–1827, 4 vol.
    Texte en ligne :
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​4​3​8​2​338 — [VOL. 1]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​4​3​8​2​339 — [VOL. 2]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​4​3​8​2​340 — [VOL. 3]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​4​3​8​2​341 — [VOL. 4]

    Nota : voir sur­tout le vol. 4, dis­cus­sion de l’esclavage indus­triel en France et en Angle­terre (pas en Amé­rique où il n’existe pas vers 1830 – 1840).

    1833
    La Grande-Bre­tagne en 1833 / par M. le Baron d’Haus­sez, Paris : A. Pinard, 1834, deuxième édi­tion, revue, cor­ri­gée et aug­men­tée de plu­sieurs chapitres.
    Texte en ligne :
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​4​3​6​723 — [VOL. 1]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​4​3​6​724 — [VOL. 2]
    Nota : « Le sort des ouvriers est pire que celui des nègres, tous sont éga­le­ment esclaves ».

    1833
    Gri­gnon, Ouvrier tailleur, Réflexions d’un ouvrier tailleur sur la misère des ouvriers en géné­ral, le taux des salaires, les rap­ports actuel­le­ment éta­blis entre les ouvriers et les maîtres d’a­te­liers, sur la néces­si­té des asso­cia­tions d’ou­vriers, comme moyen d’a­mé­lio­rer leur condi­tion / [Gri­gnon], [Paris] : [s.n.], [1833], 4p.

    1834
    Chambre des Com­munes, Blue Books, Enquête par­le­men­taire sur le pau­pé­risme en Grande-Bre­tagne 1834, 7 vols. Royal Com­mis­sion, 1834, Report from his Majesty’s Com­mis­sio­ners for Inqui­ring into the Admi­nis­tra­tion and Prac­ti­cal Ope­ra­tion of the Poor Laws, Lon­don, B. Fellowes.
    Nota : Les Livres bleus (Blue Books), déno­mi­na­tion géné­rale due à la cou­leur bleue de la cou­ver­ture des publi­ca­tions du Par­le­ment bri­tan­nique et des docu­ments diplo­ma­tiques du Forei­gn Office. Ils sont édi­tés en Angle­terre depuis le XVIIe siècle et sont la prin­ci­pale source offi­cielle de l’his­toire éco­no­mique et diplo­ma­tique du pays.

    1834
    Vil­le­neuve-Bar­ge­mont, Alban de, Éco­no­mie poli­tique chré­tienne ou recherches sur la nature et les causes du pau­pé­risme en France et en Europe et sur les moyens de le sou­la­ger et de le pré­ve­nir / par Alban de Vil­le­neuve-Bar­ge­mont, Paris, 1834, 3 vol.
    Texte en ligne :
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​9​2​8​979 — [VOL. 1]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​9​2​8​980 — [VOL. 2]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​9​2​8​981 — [VOL. 3]
    Nota : « Il dénon­ça « l’é­tat de dépen­dance et d’a­ban­don dans lequel la socié­té livre les ouvriers aux chefs et entre­pre­neurs de manu­fac­tures… la faci­li­té illi­mi­tée lais­sée à des capi­ta­listes spé­cu­la­teurs de réunir autour d’eux des popu­la­tions entières pour en employer les bras sui­vant leur inté­rêt, pour en dis­po­ser, en quelque sorte, à dis­cré­tion, sans qu’au­cune garan­tie d’exis­tence, d’a­ve­nir, d’a­mé­lio­ra­tion morale ou phy­sique soit don­née de leur part, ni à la popu­la­tion, ni à la socié­té qui doit les pro­té­ger. » (wiki).

    1837
    Rubi­chon Mau­rice, Du méca­nisme de la socié­té en France et en Angle­terre / M. Rubi­chon, Paris : Cha­tet, 1837, 492 p.
    Texte en ligne : http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​7​5​1​859

    1838
    Féli­ci­té-Robert de Lamen­nais, Le livre du peuple / par F. Lamen­nais, Paris : Pagnerre, 1838, 211 p.
    Texte en ligne :
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​2​5​4​1​619

    Nota : Lamen­nais, Féli­ci­té-Robert de, Paroles d’un croyant ; Le livre du peuple ; Une voix de pri­son ; Du pas­sé et de l’a­ve­nir du peuple ; De l’es­cla­vage moderne / par F. Lamen­nais, Paris : Gar­nier, [ca 1860], 355 p.

    1839
    Orestes A. Brown­son parle de la situa­tion amé­ri­caine : le sala­riat comme en France et en Angle­terre ne peut être qu’un « slave labour » oppo­sé au « free labour » de type américain.

    1840
    Vil­ler­mé, Louis-René, Tableau de l’é­tat phy­sique et moral des ouvriers employés dans les manu­fac­tures de coton, de laine et de soie / par L. R. Vil­ler­mé ; textes choi­sis et prés. par Yves Tyl L, [Paris] : Union géné­rale d’Ed., 1971, col­lec­tion 1018.
    Nota : Concerne les condi­tions à Lille, Rouen, Mulhouse.

    1840
    Buret Eugène, De la misère des classes labo­rieuses en Angle­terre et en France : de la nature de la misère, de son exis­tence, de ses effets, de ses causes […] / par Eugène Buret, Paris : Edhis, 1979, ori­gi­nal : Paris : Pau­lin, 1840, 2 vol.
    Texte en ligne :
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​4​7​9​9​889 — [VOL. 1]
    http://​books​.google​.com/​b​o​o​k​s​?​v​i​d​=​B​C​U​L​1​0​9​4​7​9​9​890 — [VOL. 2]
    Nota : Com­pare la situa­tion fran­çaise et la situa­tion anglaise. Les quar­tiers maudits.

    1843
    Chad­wick, Edwin, Report on the sani­ta­ry condi­tion of the labou­ring popu­la­tion of Gt. Bri­tain / by Edwin Chad­wick ; ed. with an introd. by M.W. Flinn, Edin­burgh : Edin­burgh Uni­ver­si­ty Press, cop. 1965 (1843), 443 p.

    1845
    Engels Frie­drich, La situa­tion de la classe labo­rieuse en Angle­terre : d’a­près les obser­va­tions de l’au­teur et des sources authen­tiques / Frie­drich Engels ; trad. et notes par Gil­bert Badia et Jean Fré­dé­ric, Paris : Ed. sociales, 1975 (1845).
    Texte en ligne :
    http://​clas​siques​.uqac​.ca/​c​l​a​s​s​i​q​u​e​s​/​E​n​g​e​l​s​_​f​r​i​e​d​r​i​c​h​/​s​i​t​u​a​t​i​o​n​/​s​i​t​u​a​t​i​o​n​.​h​tml

    Ces ouvrages sont évo­quées par Pierre Rosan­val­lon, dans son cours 2010 au Col­lège de France « Qu’est-ce qu’une socié­té démo­cra­tique ? », cours 4 (23 der­nières minutes du pod­cast) et cours 5.
    En ligne : Col­lège de France (His­toire), pod​cast​.col​lege​-de​-france​.fr/​h​i​s​t​o​i​r​e​c​d​f​.​xml
    Pierre Rosan­val­lon Col­lège de France His­toire moderne et contemporaine.

    Causes de la RI selon l’historiographie

    Accu­mu­la­tion du capital
    Exploitation
    Matières premières
    Inventions
    Esprit d’entreprise
    Marché
    Impérialisme

    Accu­mu­la­tion du capital
    Vers 1750, Londres est deve­nu le grand centre finan­cier, com­mer­cial du monde.
    L’acquisition d’or et sur­tout d’argent venant des colo­nies per­met le com­merce avec l’Asie où l’on désire ache­ter du coton, de la por­ce­laine, etc.
    L’Angleterre avait d’énormes quan­ti­tés de capi­taux à dis­po­si­tion. Mais les besoins en capi­taux de la grande indus­trie nais­sante n’étaient pas très élevés.
    La grande soif de capi­taux vien­dra au moment de la construc­tion des che­mins de fer, à par­tir de 1840.
    En revanche, les capi­taux cher­chaient volon­tiers les sec­teurs aux meilleurs ren­de­ments. Ces ren­de­ments étaient pro­ba­ble­ment meilleurs dans les sec­teurs de pointe, durant la période où il y a peu de concurrence.
    Voir ci-des­sus, hypo­thèse de l’ac­cu­mu­la­tion du capital.

    Exploi­ta­tion
    1700–1850 env., les impôts en Grande-Bre­tagne sont les plus éle­vés du monde.
    La révo­lu­tion indus­trielle vit à tra­vers des crises cycliques, inévi­ta­ble­ment pro­duites par les réajus­te­ments de pro­duc­tion (sur­pro­duc­tion) et les réajus­te­ments finan­ciers. La popu­la­tion est vouée à ce nou­veau temps où « le chan­ge­ment révo­lu­tion­naire devient la norme ». Mais cer­tains his­to­riens disent que les crises de l’ère indus­trielle sont moins ter­ribles que celles de l’ère préindustrielle.
    Voir ci-des­sus, hypo­thèse de l’es­cla­vage industriel.

    Matières pre­mières
    L’Angleterre est riche en char­bon bon mar­ché (d’extraction facile). Seul autre pays simi­laire, la Bel­gique. En 1700, 80% de tout le char­bon extrait dans le monde l’est en Angle­terre. On va uti­li­ser cette manne pour déve­lop­per les indus­tries qui consomment beau­coup de cha­leur (sucre, savon, céra­mique, etc.).

    Inven­tions
    Les inven­tions, comme la machine à vapeur de New­co­men (1712), sont natu­rel­le­ment mises au ser­vice du sec­teur du charbon.
    Inven­tions qui aug­mentent la pro­duc­ti­vi­té (navette volante 1733, spin­ning jen­ny 1764, pud­dlage 1783, métier à tis­ser méca­nique 1784, etc.).

    Le déclen­che­ment de la révo­lu­tion indus­trielle n’a rien à voir avec le niveau géné­ral d’éducation de la popu­la­tion. Les sys­tèmes édu­ca­tifs anglais et fran­çaises étaient plu­tôt mau­vais aux XVIIIe et XIXe siècles.
    « En ce qui concerne les inven­tions tech­no­lo­giques, l’Angleterre n’était pas en avance sur la France. Les inven­tions les plus ori­gi­nales étaient assez sou­vent des inven­tions fran­çaises ». Eric Hobs­bawm (cf. AUDIO ci-dessous).

    Esprit d’entreprise
    Avant la RI, il y a déjà, en Angle­terre, une pro­duc­tion de masse de tex­tile à base de laine.
    La pro­duc­tion se spé­cia­lise par région. Des canaux, et plus tard des voies fer­rées (finan­ce­ment pri­vé) sont construits entre ces régions. Démar­rage de l’infrastructure de l’économie industrielle.
    Pla­ce­ment des capi­taux, voir ci-dessus.

    Mar­ché
    Au cours du XVIIIe s., de plus en plus de gens gagent des salaires grâce à l’industrie tex­tile. Avec ces salaires, ils peuvent ache­ter des choses. Déve­lop­pe­ment du mar­ché. Aug­men­ta­tion de la popu­la­tion. Popu­la­tion urbaine. On passe d’une robe par vie à une robe par an.

    Impé­ria­lisme
    La recherche d’or et d’argent outre-mer n’aboutit pas, mais à l’occasion de ces recherches, l’Angleterre acquiert un empire.
    De 1700 à 1800, l’Angleterre entre­prend 11 guerres afin d’assurer sa domi­na­tion en tant que nation mari­time, en tant que pre­mière nation mar­chande du monde.
    Pro­tec­tion­nisme agres­sif de son mar­ché métro­po­li­tain et de ses colonies.

    Un pro­ces­sus lent
    On uti­lise le terme « révo­lu­tion indus­trielle » car elle marque un grand chan­ge­ment uni­ver­sel et irré­ver­sible entre avant et après ; en réa­li­té, ce fut en Angle­terre et c’est encore dans le monde un pro­ces­sus très lent et très long. En Angle­terre, la révo­lu­tion indus­trielle – l’industrialisation – a réus­si car les racines du déve­lop­pe­ment étaient très pro­fondes, très anciennes et très variées.

    En fait, les débats his­to­rio­gra­phiques sur ce vaste sujet, sont consi­dé­rables. Un excellent pre­mier aper­çu dans les émis­sions suivantes :
    Indus­trie ver­sus culture (2÷5) – Causes et conséquences
    Audio dif­fu­sé sur RSR le mar­di 15 mars 2011

    « L’intérêt que les his­to­riens portent aux phé­no­mènes du déve­lop­pe­ment éco­no­mique n’est pas une nou­veau­té. En Angle­terre, en Alle­magne de nom­breux écrits vont dans le même sens. L’entre-deux-guerres s’est pas­sa­gè­re­ment détour­né de ces tra­vaux en se tour­nant vers le sujet majeur du moment : la crise. À par­tir des années 50 un grand nombre de tra­vaux tentent de reprendre le fil de l’histoire. Autant d’études consa­crées à la nais­sance, au déve­lop­pe­ment, et aux moda­li­tés de la Révo­lu­tion industrielle ».

    HISTOIRE VIVANTE, RSR, 14–20 mars 2011
    Indus­trie ver­sus culture, 5 épi­sodes audio :
    De l’usine à la grève, une his­toire à sens unique.

    BBC, In Our Time,The Indus­trial Revo­lu­tion, consul­té le 28 octobre 2011.
    BBC, In Our Time, Conse­quences of the Indus­trial Revo­lu­tion, consul­té le 28 octobre 2011.

    LIVRES

    Frank Andre Gun­der, ReO­RIENT : Glo­bal Eco­no­my In The Asian Age, Ber­ke­ley ; Los Angeles [etc.] : Uni­ver­si­ty of Cali­for­nia Press, cop. 1998. 

    Une grande diver­gence : la Chine, l’Eu­rope et la construc­tion de l’é­co­no­mie mon­diale de Ken­neth Pome­ranz, Paris : Albin Michel, 2010 (ori­gi­nal en anglais, 2000).
    Bref compte ren­du par Jean-Pas­cal Bae­chler dans Le Temps​.ch, 17 mai 210, p. 14.

    Adam Smith à Pékin : les pro­messes de la voie chi­noise de Gio­van­ni Arri­ghi, Paris : Max Milo, 2009.

    La force de l’empire : révo­lu­tion indus­trielle et éco­lo­gie, ou pour­quoi l’An­gle­terre a fait mieux que la Chine / Ken­neth Pome­ranz, All­fort­ville (Val-de-Marne) : Ere, 2009.

    Foh­len Claude, Qu’est-ce que la révo­lu­tion indus­trielle ? / Claude Foh­len, Paris : R. Laf­font, 1971.

    Man­toux Paul, La révo­lu­tion indus­trielle au XVIIIe siècle : essai sur les com­men­ce­ments de la grande indus­trie moderne en Angle­terre / Paul Man­toux ; préf. de T. S. Ash­ton, Paris : Génin, 1973 (1905).

    Pola­nyi Karl, La grande trans­for­ma­tion : aux ori­gines poli­tiques et éco­no­miques de notre temps / Karl Pola­nyi ; trad. de l’an­glais par Cathe­rine Mala­moud et Mau­rice Ange­no ; préf. de Louis Dumont, [Paris] : Gal­li­mard, 2005 (1944).
    AUDIO du 12 novembre 2011, France culture, Les Nou­veaux che­mins de la connaissance
    Avez-vous lu Polanyi ?

    Rioux Jean-Pierre, La révo­lu­tion indus­trielle : 1780–1880 / Jean-Pierre Rioux, Paris : Ed. du Seuil, 1989, Points. His­toire H6.

    Ros­tow W.W., Les étapes de la crois­sance éco­no­mique : un mani­feste non com­mu­niste / W.W. Ros­tow, Paris : Eco­no­mi­ca, 1997, (1962, 1960).

    Vere­na Wini­war­ter, Hans-Rudolf Bork : Ges­chichte unse­rer Umwelt – Sech­zig Rei­sen durch die Zeit, Pri­mus Verlag

    AUDIO

    His­toire de l’environnement
    Vere­na Wini­war­ter, Hans-Rudolf Bork : Ges­chichte unse­rer Umwelt – Sech­zig Rei­sen durch die Zeit, Pri­mus Verlag
    dis­cu­té dans Audio Mensch und Natur – die Ges­chichte einer schwie­ri­gen Beziehung
    http://​www​.srf​.ch/​p​l​a​y​e​r​/​r​a​d​i​o​/​p​o​p​u​p​a​u​d​i​o​p​l​a​y​e​r​?​i​d​=​4​6​1​7​d​7​d​7​-​4​4​2​b​-​4​e​0​d​-​b​4​9​2​-​e​5​9​5​4​d​5​3​1​f​3​8​&​s​t​a​r​t​t​i​m​e​=​4​.​483

    La « révo­lu­tion indus­trielle » dès le XVIIe siècle.
    La Fabrique de l’His­toire – France culture
    53 minutes, Usine 4/4 4, 21.02.2013 – 09:06
    L’in­dus­trie en France au XVIIe siècle
    Les manu­fac­tures, les usines dès 1650 en France.
    Pre­mières pro­duc­tions indus­trielles d’Europe
    Méti­te­rait d’être com­pa­ré avec les indus­tries en Chine, par ex. Jin de zhen (por­ce­laine).
    Chine, Ita­lie, France, Hol­lande, Suède, Angle­terre. Ajou­tons Suisse.

    RSR, HISTOIRE VIVANTE, émis­sion du mar­di 15 mars 2011, en ligne (consul­té 28 octobre 2011).
    Indus­trie ver­sus culture (2÷5) – Causes et conséquences.

    RSR, HISTOIRE VIVANTE, 31 octobre au 6 novembre 2011
    L’Angleterre vic­to­rienne : en ligne (consul­té 4 novembre 2011). 4×50 min. en grande par­tie consti­tué d’in­ter­views avec Eric Hobsbawm.
    L’Angleterre vic­to­rienne (2÷5) – So typical
    L’Angleterre vic­to­rienne (3÷5) – Une révolte ! Pas une révolution
    L’Angleterre vic­to­rienne (4÷5) – Ordre appa­rent désordre caché
    L’Angleterre vic­to­rienne (5÷5) – Entre­tien avec Mathieu Verboud.

    BBC, In Our Time,The Indus­trial Revo­lu­tion, consul­té le 28 octobre 2011.
    BBC, In Our Time, Conse­quences of the Indus­trial Revo­lu­tion, consul­té le 28 octobre 2011.

    BBC, Niall Fer­gu­son : The Human Hive.

    Voir la série en 4 épi­sodes de His­toire vivante, RTS, mars 2014

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/5658557-sciences-eco-versus-sciences-po‑1–5.html

    Sciences éco ver­sus sciences po (1÷5) à

    http://www.rts.ch/docs/histoire-vivante/5658563-sciences-eco-versus-sciences-po‑4–5.html

    sur le fonc­tion­ne­ment du capitalisme.

    DVD

    Les condi­tions de tra­vail des mineurs de Vir­gi­nie aux États-Unis, telles que décrites dans le film amé­ri­cain de John Sayles, MATEWAN (1987).

    A toute vapeur ! [Enre­gis­tre­ment vidéo] : aux sources de la révo­lu­tion indus­trielle en Angle­terre / un film de Pas­cal Le Berre ; réal. par Jean-Paul Cayeux, [Chartres] : CDDP de l’Eure, 1995, (28 min).

    A His­to­ry Of Bri­tain – Part 13, Vic­to­ria And Her Sisters

    Règne de la reine Vic­to­ria, 1837–1901. En 1848, le Char­tisme (1838−1858). Mou­ve­ments ouvrier, social, fémi­niste bri­tan­niques. « Escla­vage des blancs à Londres ». John Stuart Mill. Dès 1867, presque tous les hommes sol­vables en ville peuvent voter. Annie Besant. Mary Bar­ton (Eli­za­beth Gaskell).

    https://​you​tu​.be/​9​m​a​u​2​P​I​K​I​b​Q​&​l​i​s​t​=​P​L​A​8​7​1​3​3​E​B​8​D​B​9​C​AA8

    Les Bâtis­seurs de l’A­mé­rique : 1910 – 1940 (Ame­ri­ca and Lewis Hine), docu­men­taire de Nina Rosen­blum et Daniel V. Allen­tuck, 1985 (se trouve au Bugnon).
    Pré­sente la situa­tion des tra­vailleurs dans une grande ville (New York). Image sur le tra­vail des enfants.

    LIENS

    Billet sur 3 théo­ries, 2012
    Pour­quoi l’Oc­ci­dent est-il plus riche que la Chine ?

    HISTOIRE
    GYMNASE CANTONAL DU BUGNON – Sz
    gmslausanne

    Source : https://​gybn​-his​toire​.blog​spot​.com/​2​0​1​0​/​0​2​/​s​i​x​-​p​o​i​n​t​s​-​s​u​r​-​l​e​s​-​o​r​i​g​i​n​e​s​-​d​e​-​l​a​-​r​i​.​h​tml

    Réponse
  6. etienne

    Méca­ni­que­ment et pro­gres­si­ve­ment, l’é­lec­tion donne le pou­voir aux pires d’entre nous, et pro­duit le cau­che­mar anti­so­cial nom­mé « capitalisme »…

    Aujourd’­hui, après 200 ans d’é­vo­lu­tion, les « repré­sen­tants » poli­tiques n’ont rigou­reu­se­ment plus aucun rap­port avec le bien commun.

    Envoyé spécial – Ivanka : l’atout Trump

    12 jan­vier 2017 (France 2)

    Réponse

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