Rétablir les faits : Que se passe-t-il réellement au Nicaragua ? (Popular Resistance, traduit par Viktor Dedaj pour Le Grand Soir)

3/08/2018 | 2 commentaires

Encore un article pas­sion­nant et impor­tant, sur le site impor­tant d’in­for­ma­tion quo­ti­dienne qu’est Le Grand Soir. 

Mer­ci Vik­tor, pour la tra­duc­tion et pour le signalement.

On recon­naît le mode opé­ra­toire du putsch néo­na­zi en Ukraine orga­ni­sé et sou­te­nu par les USA et l’UE.

Étienne.

Rétablir les faits : Que se passe-t-il réellement au Nicaragua ? (Popular Resistance, traduit par Viktor Dedaj pour Le Grand Soir)

10 juillet 2018 – Il y a beau­coup d’informations fausses et inexactes sur le Nica­ra­gua dans les médias. Même à gauche, cer­tains ont sim­ple­ment répé­té les affir­ma­tions dou­teuses de CNN et des médias oli­gar­chiques du Nica­ra­gua pour sou­te­nir la des­ti­tu­tion du pré­sident Orte­ga. Le récit de mani­fes­tants non vio­lents contre les esca­drons anti-émeute et les para­mi­li­taires pro-gou­ver­ne­men­taux n’a pas été remis en ques­tion par les médias internationaux.

Cet article cherche à réta­blir les faits, à décrire ce qui se passe au Nica­ra­gua et pour­quoi. Au moment où nous écri­vons ces lignes, le coup d’Etat semble échouer, les gens se sont ral­liés pour la paix (comme l’a mon­tré cette marche mas­sive pour la paix du same­di 7 juillet) et la véri­té est en train de sor­tir (par exemple, la https://​you​tu​.be/​S​e​u​e​3​a​Q​8​-hM catho­lique le 9 juillet). Il est impor­tant de com­prendre ce qui se passe parce que le Nica­ra­gua est un exemple des types de coups d’État vio­lents que les États-Unis et les riches uti­lisent pour mettre en place des gou­ver­ne­ments néo­li­bé­raux domi­nés par le monde des affaires. Si les gens com­prennent ces tac­tiques, celles-ci seront moins efficaces.

Brouiller les inté­rêts de classe

Les experts amé­ri­cains tirent en par­tie leur infor­ma­tion des médias, comme La Pren­sa de Jaime Cha­mor­ro-Car­de­nal et Confi­den­cial de la même famille oli­gar­chique, qui sont les élé­ments les plus actifs des médias pro-coup. La répé­ti­tion et l’amplification de leur récit délé­gi­ti­ment le gou­ver­ne­ment san­di­niste et demande la red­di­tion incon­di­tion­nelle de Daniel Orte­ga comme la seule option accep­table. Ces experts four­nissent une cou­ver­ture à des inté­rêts internes et externes néfastes qui ont pour objec­tif de contrô­ler le pays le plus pauvre et pour­tant riche en res­sources de l’Amérique centrale.

La ten­ta­tive de coup d’Etat a mis en évi­dence les divi­sions de classe au Nica­ra­gua. Pie­ro Coen, l’homme le plus riche du Nica­ra­gua, pro­prié­taire de toutes les opé­ra­tions natio­nales de Wes­tern Union et d’une entre­prise agro­chi­mique, est arri­vé per­son­nel­le­ment le pre­mier jour des pro­tes­ta­tions à l’Université Poly­tech­nique de Mana­gua, pour encou­ra­ger les étu­diants à conti­nuer à pro­tes­ter, en pro­met­tant son soutien.

L’oligarchie tra­di­tion­nelle du Nica­ra­gua, diri­gée poli­ti­que­ment par la famille Cha­mor­ro, publie des ulti­ma­tums constants au gou­ver­ne­ment par l’intermédiaire de ses médias et finance les bar­rages rou­tiers qui para­lysent le pays depuis huit semaines.

L’Église catho­lique, long­temps alliée aux oli­garques, a mis tout son poids der­rière la créa­tion et le main­tien d’actions anti­gou­ver­ne­men­tales, y com­pris ses uni­ver­si­tés, ses écoles secon­daires, ses églises, ses comptes ban­caires, ses véhi­cules, ses tweets, ses ser­mons domi­ni­caux et un effort tota­le­ment par­ti­san pour ser­vir de média­teur au Dia­logue natio­nal. Des évêques ont pro­fé­ré des menaces de mort contre le pré­sident et sa famille, et un prêtre a été fil­mé en train de super­vi­ser la tor­ture des San­di­nistes. Le pape Fran­çois a appe­lé à un dia­logue de paix, et même convo­qué le car­di­nal Leo­nal­do Brenes et l’évêque Rolan­do Alva­rez à une réunion pri­vée au Vati­can, déclen­chant des rumeurs selon les­quelles les mon­señores nica­ra­guayens étaient ser­mon­nés pour leur impli­ca­tion évi­dente dans le conflit qu’ils étaient offi­ciel­le­ment en train d’arbitrer. L’église reste l’un des rares piliers qui main­tiennent le coup d’Etat en vie.

Une affir­ma­tion cou­rante est que Orte­ga s’est allié à l’oligarchie tra­di­tion­nelle, mais c’est tout le contraire. C’est le pre­mier gou­ver­ne­ment depuis l’indépendance du Nica­ra­gua qui ne com­prend pas un membre de l’oligarchie. Depuis les années 1830 jusqu’aux années 1990, tous les gou­ver­ne­ments nica­ra­guayens – même pen­dant la Révo­lu­tion san­di­niste – com­pre­naient des membres des ’grandes familles’, Cha­mor­ro, Car­de­nal, Bel­li, Pel­las, Lacayo, Mon­tea­legre, Gur­dián. Depuis 2007, ce n’est plus cas, ce qui explique pour­quoi ces familles appuient le coup d’État.

Les détrac­teurs d’Ortega affirment que son dia­logue tri-par­tite, entre syn­di­cats, capi­ta­listes et l’État consti­tue une alliance avec les grandes entre­prises. En fait, ce pro­ces­sus a per­mis d’obtenir le taux de crois­sance le plus éle­vé d’Amérique cen­trale et des aug­men­ta­tions annuelles du salaire mini­mum de 5 à 7 % supé­rieures à l’inflation, amé­lio­rant ain­si les condi­tions de vie des tra­vailleurs et per­met­tant aux gens de sor­tir de la pau­vre­té. Le pro­jet Bor­gen de lutte contre la pau­vre­té rap­porte que la pau­vre­té a chu­té de 30 pour cent entre 2005 et 2014.

Le gou­ver­ne­ment diri­gé par le FSLN a mis en place un modèle éco­no­mique basé sur l’investissement public et le ren­for­ce­ment du filet de sécu­ri­té pour les pauvres. Le gou­ver­ne­ment inves­tit dans l’infrastructure, le trans­port en com­mun, l’entretien de l’eau et de l’électricité dans le sec­teur public et a trans­fé­ré les ser­vices pri­va­ti­sés, par exemple, les soins de san­té et l’éducation pri­maire dans le sec­teur public. Ceci a assu­ré une struc­ture éco­no­mique stable qui favo­rise l’économie réelle par rap­port à l’économie spé­cu­la­tive. La part du lion de l’infrastructure au Nica­ra­gua a été construite au cours des 11 der­nières années, ce qui est com­pa­rable à l’époque du New Deal aux États-Unis, y com­pris les cen­trales élec­triques à éner­gies renou­ve­lables à tra­vers le pays.

Ce que les com­men­ta­teurs libé­raux et même de gauche négligent, c’est que contrai­re­ment au gou­ver­ne­ment Lula au Bré­sil, qui a réduit la pau­vre­té par des ver­se­ments d’argent aux familles pauvres, le Nica­ra­gua a redis­tri­bué le capi­tal pro­duc­tif afin de déve­lop­per une éco­no­mie popu­laire auto­suf­fi­sante. Le modèle FSLN doit être com­pris comme un modèle qui met l’accent sur l’économie popu­laire plu­tôt que sur l’État ou les sphères capitalistes.

Alors que le sec­teur pri­vé emploie envi­ron 15% des tra­vailleurs nica­ra­guayens, le sec­teur infor­mel emploie plus de 60%. Le sec­teur infor­mel a béné­fi­cié d’investissements publics de 400 mil­lions de dol­lars, dont une grande par­tie pro­vient des fonds de l’alliance ALBA pour finan­cer des micro­cré­dits pour les petites et moyennes entre­prises agri­coles. Ces entre­prises sont sou­te­nues aus­si par les poli­tiques visant à faci­li­ter le cré­dit, l’équipement, la for­ma­tion, le bétail, les semences et le car­bu­rant sub­ven­tion­né. Les petits et moyens pro­duc­teurs du Nica­ra­gua ont conduit le pays à pro­duire 80 à 90 % de sa pro­duc­tion ali­men­taire et à mettre fin à sa dépen­dance aux prêts du FMI.

En tant que tels, les tra­vailleurs et les pay­sans – dont beau­coup sont des tra­vailleurs indé­pen­dants et qui ont accé­dé au capi­tal pro­duc­tif par la Révo­lu­tion san­di­niste et les luttes qui ont sui­vi – repré­sentent un sujet poli­tique impor­tant du déve­lop­pe­ment social stable de l’après-guerre de la der­nière décen­nie, y com­pris les cen­taines de mil­liers de pay­sans qui ont reçu des titres fon­ciers et près du quart du ter­ri­toire natio­nal attri­bué à titre col­lec­tif en tant que ter­ri­toire des nations autoch­tones. Les mou­ve­ments sociaux des tra­vailleurs, des pay­sans et des groupes indi­gènes ont été la base du sou­tien popu­laire qui a rame­né le FSLN au pouvoir.

L’octroi de titres fon­ciers et l’aide aux petites entre­prises ont éga­le­ment mis l’accent sur l’égalité des femmes, ce qui a per­mis au Nica­ra­gua d’avoir le niveau d’inégalité entre les sexes le plus bas d’Amérique latine et de se clas­ser 12e sur 145 pays dans le monde, juste der­rière l’Allemagne.

Au fil du temps, le gou­ver­ne­ment du FSLN a incor­po­ré ce sec­teur indé­pen­dant mas­sif, ain­si que les tra­vailleurs maqui­la­do­ra (c’est-à-dire les tra­vailleurs du tex­tile dans les usines étran­gères situées dans les zones franches créées par les gou­ver­ne­ments néo­li­bé­raux pré­cé­dents), dans le sys­tème de soins de san­té et de retraite, ce qui a fait croître les enga­ge­ments finan­ciers, ce qui exi­geait une nou­velle for­mule pour assu­rer la sta­bi­li­té fis­cale. Les réformes pro­po­sées à la sécu­ri­té sociale ont déclen­ché des pro­tes­ta­tions du sec­teur pri­vé et des étu­diants le 18 avril. Le lob­by des entre­prises a appe­lé à la pro­tes­ta­tion lorsque Orte­ga a pro­po­sé d’augmenter de 3,5 % les coti­sa­tions patro­nales aux fonds de pen­sion et de san­té, alors que les coti­sa­tions des tra­vailleurs n’étaient que légè­re­ment aug­men­té de 0,75 %, et de trans­fé­rer 5 % des pen­sions des retrai­tés à leur fonds de soins de san­té. La réforme a éga­le­ment mis fin à une échap­pa­toire qui per­met­tait aux per­sonnes à reve­nu éle­vé de décla­rer un faible reve­nu afin d’avoir accès aux pres­ta­tions de santé.

Il s’agissait d’une contre-pro­po­si­tion à celle du FMI de rele­ver l’âge de la retraite et de plus que dou­bler le nombre de semaines que les tra­vailleurs devraient coti­ser à la caisse de retraite pour avoir accès aux pres­ta­tions. Le fait que le gou­ver­ne­ment se soit sen­ti assez fort pour refu­ser les demandes d’austérité du FMI et du lob­by des entre­prises était un signe que le pou­voir de négo­cia­tion du capi­tal pri­vé a dimi­nué, alors que la crois­sance éco­no­mique impres­sion­nante du Nica­ra­gua, une aug­men­ta­tion de 38% du PIB entre 2006–2017, a été tirée par les petits pro­duc­teurs et les dépenses publiques. Cepen­dant, l’opposition a uti­li­sé des publi­ci­tés mani­pu­la­trices sur Face­book pré­sen­tant la réforme comme une mesure d’austérité, plus des fausses nou­velles de la mort d’un étu­diant le 18 avril, pour pro­vo­quer des pro­tes­ta­tions à tra­vers le pays le 19 avril. Aus­si­tôt, la machine à chan­ger de régime s’est mise en marche.

Le Dia­logue natio­nal montre les inté­rêts de classe dans le conflit. L’Alliance civique pour la jus­tice et la démo­cra­tie de l’opposition a comme figures clés : José Adan Aguirre, chef du lob­by des entre­prises pri­vées ; Maria Nel­ly Rivas, direc­trice de Car­gill au Nica­ra­gua et direc­trice de la Chambre de com­merce États-Unis-Nica­ra­gua ; les étu­diants d’universités pri­vées du Mou­ve­ment du 19 avril ; Michael Hea­ly, direc­teur d’une socié­té sucrière colom­bienne et chef du lob­by agroa­li­men­taire ; Juan Sebas­tian Cha­mor­ro, qui repré­sente l’oligarchie dégui­sé en socié­té civile ; Car­los Tun­ner­mann, 85 ans, ex-ministre san­di­niste et ex-chan­ce­lier de l’Université natio­nale ; Aza­lea Solis, direc­trice d’une orga­ni­sa­tion fémi­niste finan­cée par le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain ; et Medar­do Mai­re­na, un ’lea­der pay­san’ finan­cé par le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain, qui a vécu 17 ans au Cos­ta Rica avant d’être dépor­té en 2017 pour tra­fic d’êtres humains. Tun­ner­mann, Solis et les étu­diants du 19 avril sont tous asso­ciés au Mou­ve­ment pour la Réno­va­tion du San­di­nisme (MRS), un petit par­ti san­di­niste qui mérite néan­moins une atten­tion particulière.

Dans les années 1980, de nom­breux cadres supé­rieurs du Front san­di­niste étaient, en fait, les enfants de cer­taines des célèbres familles oli­gar­chiques, comme les frères Car­de­nal et une par­tie de la famille Cha­mor­ro, en charge res­pec­ti­ve­ment des minis­tères de la Culture et de l’Éducation et des médias du gou­ver­ne­ment révo­lu­tion­naire. Après la défaite élec­to­rale du FSLN en 1990, les enfants de l’oligarchie ont pro­vo­qué un exode du par­ti. Avec eux, cer­tains des cadres intel­lec­tuels, mili­taires et du ren­sei­gne­ment les plus remar­quables ont quit­té et for­mé, au fil du temps, le MRS. Le nou­veau par­ti a renon­cé au socia­lisme, blâ­mé Daniel Orte­ga pour toutes les erreurs de la Révo­lu­tion et, avec le temps, s’est empa­ré de la sphère des orga­ni­sa­tions non gou­ver­ne­men­tales (ONG) au Nica­ra­gua, y com­pris les orga­ni­sa­tions fémi­nistes, éco­lo­gistes, les jeunes, les médias et les orga­ni­sa­tions de défense des droits de l’homme.

Depuis 2007, le MRS est deve­nu de plus en plus proche de l’extrême droite du Par­ti répu­bli­cain amé­ri­cain. Depuis l’éclatement de la vio­lence en avril, beau­coup sinon la plu­part des sources citées par les médias occi­den­taux (y com­pris, ce qui est inquié­tant, Demo­cra­cy Now ! d’Amy Good­man), pro­viennent de ce par­ti, qui a le sou­tien de moins de 2% de l’électorat nica­ra­guayen. Cela per­met aux oli­garques d’exprimer leur vio­lente ten­ta­tive de réins­tal­ler le néo­li­bé­ra­lisme dans un dis­cours qui sonne de gauche d’anciens san­di­nistes cri­tiques à l’égard du gou­ver­ne­ment Ortega.

C’est une farce de pré­tendre que les tra­vailleurs et les pay­sans sont der­rière les troubles. Vía Cam­pe­si­na, le Syn­di­cat natio­nal des agri­cul­teurs et des éle­veurs, l’Asso­cia­tion des tra­vailleurs ruraux, le Front natio­nal des tra­vailleurs, la nation indi­gène Mayan­gna et d’autres mou­ve­ments et orga­ni­sa­tions ont récla­mé sans équi­voque la fin de la vio­lence et annon­cé leur sou­tien au gou­ver­ne­ment Orte­ga. Cette agi­ta­tion est une opé­ra­tion de chan­ge­ment de régime à grande échelle menée par des oli­garques des médias, un réseau d’ONG finan­cé par le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain, des élé­ments armés de familles de pro­prié­taires ter­riens de l’élite et l’Église catho­lique, et a ouvert la voie aux car­tels de la drogue et au crime orga­ni­sé pour prendre pied au Nicaragua.

L’éléphant dans la pièce

Ce qui nous amène à l’implication du gou­ver­ne­ment amé­ri­cain dans le coup d’Etat violent.

Comme Tom Ricker l’a signa­lé au début de cette crise poli­tique, il y a plu­sieurs années, le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain a déci­dé de finan­cer le sec­teur de la socié­té civile des ONG au lieu de finan­cer les par­tis poli­tiques de l’opposition, qui ont per­du une énorme légi­ti­mi­té au Nica­ra­gua. Le Natio­nal Endow­ment for Demo­cra­cy (NED) a don­né plus de 700 000 $ pour bâtir une oppo­si­tion au gou­ver­ne­ment en 2017, et a accor­dé plus de 4,4 mil­lions de dol­lars depuis 2014. L’objectif prin­ci­pal de ce finan­ce­ment était de ’four­nir une stra­té­gie coor­don­née et une voix média­tique pour les groupes d’opposition au Nica­ra­gua’. Ricker ajoute :

« Le résul­tat de cette construc­tion cohé­rente et du finan­ce­ment des res­sources de l’opposition a été de créer une chambre d’écho ampli­fiée par les com­men­ta­teurs des médias inter­na­tio­naux – dont la plu­part n’ont pas de pré­sence au Nica­ra­gua et s’appuient sur ces sources secondaires. »

Le père fon­da­teur de NED, Allen Wein­stein, a décrit NED comme une façade de la CIA : « Beau­coup de ce que nous fai­sons aujourd’hui a été fait clan­des­ti­ne­ment il y a 25 ans par la CIA. » Au Nica­ra­gua, plu­tôt que la droite tra­di­tion­nelle, le NED finance les orga­ni­sa­tions affi­liées à la MRS qui émettent des cri­tiques sup­po­sé­ment de gauche contre le gou­ver­ne­ment. Les mili­tants du chan­ge­ment de régime uti­lisent des slo­gans, des chan­sons et des sym­boles san­di­nistes alors même qu’ils brûlent des monu­ments his­to­riques, repeignent par des­sus les marques rouges et noires des mar­tyrs tom­bés au champ d’honneur et attaquent phy­si­que­ment les membres du par­ti sandiniste.

Par­mi les groupes d’opposition du Dia­logue natio­nal, l’organisation fémi­niste Aza­lea Solis et l’organisation pay­sanne Medar­do Mai­re­na sont finan­cées par des sub­ven­tions NED, tan­dis que les étu­diants du 19 avril séjournent dans des hôtels et font des voyages payés par Free­dom House, un autre organe de chan­ge­ment de régime finan­cé par NED et USAID. NED finance éga­le­ment Confi­den­cial, l’organisation média­tique des Cha­mor­ro. Les sub­ven­tions du NED financent l’Institute of Stra­te­gic Stu­dies and Public Poli­cy (IEEPP), dont le direc­teur exé­cu­tif, Felix Mara­dia­ga, est un autre cadre de MRS très proche de l’ambassade des États-Unis. En juin, Mara­dia­ga a été accu­sé d’avoir diri­gé un réseau cri­mi­nel appe­lé Viper qui, depuis le cam­pus occu­pé de l’UPOLI, a orga­ni­sé des vols de voi­tures, des incen­dies cri­mi­nels et des meurtres afin de créer le chaos et la panique pen­dant les mois d’avril et mai.

Mara­dia­ga a gran­di aux États-Unis et est deve­nu membre de l’Aspen Lea­der­ship Ins­ti­tute, avant d’étudier les poli­tiques publiques à Har­vard. Il a été secré­taire au minis­tère de la Défense du der­nier pré­sident libé­ral, Enrique Bolaños. Il est un « Young Glo­bal Lea­der » au Forum éco­no­mique mon­dial et, en 2015, le Chi­ca­go Coun­cil on Glo­bal Affairs lui a décer­né la bourse Gus Hart, bourse déjà décer­née dans le pas­sé à la dis­si­dente cubaine Yoa­ni Sán­chez et à Hen­rique Capriles Radons­ki, le lea­der de l’opposition véné­zué­lienne qui a atta­qué l’ambassade cubaine lors de la ten­ta­tive de coup d’État de 2002.

Fait remar­quable, Mara­dia­ga n’est pas le seul diri­geant de la ten­ta­tive de coup d’État à faire par­tie du réseauAspen World Lea­der­ship Net­work. Maria Nel­ly Rivas, direc­trice au Nica­ra­gua du géant amé­ri­cain Car­gill, est l’un des prin­ci­paux porte-parole de l’Alliance civique de l’opposition. M. Rivas, qui dirige actuel­le­ment laChambre de com­merce États-Unis-Nica­ra­gua, est en cours de pré­pa­ra­tion en vue des pro­chaines élec­tions pré­si­den­tielles. Sous ces lea­ders pré­pa­rés aux États-Unis, il y a un réseau de plus de 2 000 jeunes qui ontreçu une for­ma­tion avec des fonds NED sur des sujets tels que les com­pé­tences en matière de médias sociaux pour la défense de la démo­cra­tie. Ce bataillon de guer­riers des médias sociaux a été en mesure de façon­ner et de contrô­ler immé­dia­te­ment l’opinion publique sur Face­book en cinq jours, du 18 au 22 avril, ce qui a don­né lieu à des mani­fes­ta­tions vio­lentes et spon­ta­nées dans tout le pays.

Sur la violence

L’une des façons dont les repor­tages sur le Nica­ra­gua se sont écar­tés le plus de la véri­té est de qua­li­fier l’opposition de ’non-vio­lente’. Le scé­na­rio de vio­lence, cal­qué sur les mani­fes­ta­tions gua­rim­bas de 2014 et 2017 au Vene­zue­la, consiste à orga­ni­ser des attaques armées contre les bâti­ments du gou­ver­ne­ment, à inci­ter la police à envoyer des esca­drons anti-émeute, à s’engager dans des confron­ta­tions fil­mées et à publier en ligne des images mon­tées en pré­ten­dant que le gou­ver­ne­ment est violent à l’encontre des mani­fes­tants non violents.

Plus de 60 bâti­ments gou­ver­ne­men­taux ont été incen­diés, des écoles, des hôpi­taux, des centres de san­té atta­qués, 55 ambu­lances endom­ma­gées, au moins 112 mil­lions de dol­lars en dom­mages aux infra­struc­tures, de petites entre­prises ont été fer­mées et 200 000 emplois ont été per­dus, ce qui a eu un impact éco­no­mique dévas­ta­teur pen­dant les mani­fes­ta­tions. Outre des mil­liers de bles­sés, 15 étu­diants et 16 poli­ciers ont été tués, ain­si que plus de 200 San­di­nistes kid­nap­pés, dont beau­coup ont été tor­tu­rés publi­que­ment. Lesatro­ci­tés vio­lentes de l’opposition ont été pré­sen­tées à tort comme une répres­sion gou­ver­ne­men­tale. S’il est impor­tant de défendre le droit du public à pro­tes­ter, quelles que soient ses opi­nions poli­tiques, il est mal­hon­nête d’ignorer que la stra­té­gie de l’opposition exige et se nour­rit de vio­lence et de morts.

Les infor­ma­tions natio­nales et inter­na­tio­nales font état de morts et de bles­sés dus à la ’répres­sion’ sans expli­quer le contexte. Les cock­tails Molo­tov, les lan­ceurs de mor­tier, les pis­to­lets et les fusils d’assaut uti­li­sés par les groupes d’opposition sont igno­rés par les médias, et lorsque des sym­pa­thi­sants san­di­nistes, des poli­ciers ou des pas­sants sont tués, ils sont faus­se­ment comp­tés comme vic­times de la répres­sion de l’État. Les allé­ga­tions explo­sives lan­cées par l’opposition telles que les mas­sacres d’enfants et les meurtres de femmes, se sont révé­lées fausses, et les cas de tor­ture, de dis­pa­ri­tions et d’exécutions extra­ju­di­ciaires par les forces de police n’ont pas été cor­ro­bo­rés par des preuves ou une pro­cé­dure régulière.

Bien qu’il existe des preuves à l’appui de l’allégation de l’opposition selon laquelle des tireurs d’élite tuent des mani­fes­tants, il n’y a pas d’explication logique pour que l’État uti­lise des tireurs d’élite pour aug­men­ter le nombre de morts, et les contre-mani­fes­tants ont éga­le­ment été vic­times de tirs de tireurs d’élite, sug­gé­rant la pré­sence d’un pro­vo­ca­teur ’tiers’ dans la vio­lence désta­bi­li­sante. Lorsqu’une famille san­di­niste entière a été brû­lée à mort à Mana­gua, les médias d’opposition ont tous cité un témoin qui affir­mait que la police avait mis le feu à la mai­son, alors que la mai­son se trou­vait dans un quar­tier bar­ri­ca­dé inter­dit à la police.

La Police natio­nale du Nica­ra­gua est recon­nue depuis long­temps pour son modèle de police com­mu­nau­taire (contrai­re­ment à la police mili­ta­ri­sée dans la plu­part des pays d’Amérique cen­trale), son manque rela­tif de cor­rup­tion et ses hauts gra­dés majo­ri­tai­re­ment fémi­nins. La stra­té­gie du coup d’État a cher­ché à détruire la confiance du public dans la police par l’utilisation fla­grante de fausses nou­velles, comme les nom­breuses fausses allé­ga­tions d’assassinats, de pas­sages à tabac, de tor­ture et de dis­pa­ri­tions au cours de la semaine du 17 au 23 avril. Plu­sieurs jeunes dont les pho­tos ont été prises lors de ras­sem­ble­ments d’opposition en tant que vic­times de la vio­lence poli­cière se sont révé­lés vivants et en bonne santé.

La police a été tota­le­ment inadap­tée et sous-pré­pa­rée aux affron­te­ments armés. Les attaques contre plu­sieurs bâti­ments publics la même nuit et les pre­miers grands incen­dies cri­mi­nels ont conduit les fonc­tion­naires à tenir des veillées avec des barils d’eau et, sou­vent, des bâtons et des pierres, pour repous­ser les assaillants. L’opposition, frus­trée de ne pas par­ve­nir à plus de conflits avec les poli­ciers, a com­men­cé à construire des bar­rages rou­tiers à tra­vers le pays et à brû­ler les mai­sons des San­di­nistes, et même à tirer et brû­ler des familles san­di­nistes dans des crimes de haine atroces. Contrai­re­ment à la ver­sion des évé­ne­ments de La Pren­sa, les Nica­ra­guayens ont res­sen­ti le manque de pré­sence poli­cière et l’absence de sécu­ri­té dans leurs quar­tiers, alors que beau­coup étaient les cibles de la violence.

Depuis mai, la stra­té­gie de l’opposition a été de construire des bar­rages rou­tiers armés à tra­vers le pays, en blo­quant les trans­ports et en pié­geant les gens. Les bar­rages rou­tiers, géné­ra­le­ment construits avec de gros pavés, sont tenus par 5 à 100 hommes armés avec des ban­da­nas ou des masques. Alors que les médias parlent de jeunes idéa­listes qui contrôlent les bar­rages rou­tiers, la grande majo­ri­té des bar­rages rou­tiers sontcontrô­lés par des hommes rému­né­rés qui viennent d’un milieu de petite délin­quance. Là où de grandes zones urbaines sont blo­quées et inter­dits au gou­ver­ne­ment et aux forces de police, les acti­vi­tés liées à la drogue s’intensifient, et les gangs de la drogue contrôlent main­te­nant de nom­breux bar­rages rou­tiers et paient les salaires.

Ces bar­rages rou­tiers ont été les centres de vio­lence, les tra­vailleurs qui doivent pas­ser par des bar­rages rou­tiers sont sou­vent volés, frap­pés, insul­tés et, s’ils sont soup­çon­nés d’être san­di­nistes, ligo­tés, désha­billés,tor­tu­rés, peints en bleu et blanc et par­fois tués. Il y a trois cas de per­sonnes qui sont morts dans des ambu­lances inca­pables de fran­chir les bar­rages rou­tiers, et un cas d’une fillette de 10 ans enle­vée et vio­lée au bar­rage rou­tier de Las Made­ras. Lorsque les voi­sins orga­ni­sés ou la police fran­chissent les bar­rages rou­tiers, les groupes armés s’enfuient et se regroupent pour brû­ler des bâti­ments, kid­nap­per ou bles­ser des gens par ven­geance. Toutes les vic­times que cette vio­lence pro­duit sont comp­tées par les médias grand public comme des vic­times de la répres­sion. Un men­songe total.

Le gou­ver­ne­ment nica­ra­guayen a fait face à cette situa­tion en main­te­nant en grande par­tie la police à l’écart des rues, pour évi­ter les ren­contres et les accu­sa­tions de répres­sion. En même temps, plu­tôt que d’arrêter sim­ple­ment des mani­fes­tants vio­lents, ce qui aurait cer­tai­ne­ment don­né à l’opposition les morts au com­bat dont elle avait besoin, le gou­ver­ne­ment a appe­lé à un dia­logue natio­nal, sous la média­tion de l’Église catho­lique, dans le cadre duquel l’opposition peut pré­sen­ter toute pro­po­si­tion de réforme poli­tique et des droits de l’homme. Le gou­ver­ne­ment a créé une com­mis­sion par­le­men­taire pour la véri­té et la paix et a lan­cé une enquête indé­pen­dante auprès du minis­tère public.

La police n’étant plus dans les rues, la vio­lence de l’opposition s’est inten­si­fiée tout au long des mois de mai et juin. En consé­quence, un pro­ces­sus d’autodéfense de voi­si­nage s’est déve­lop­pé. Des familles dépla­cées, des jeunes qui ont été bat­tus, volés ou tor­tu­rés, des vété­rans de l’insurrection de 1979 et/ou de la guerre contre la Contra, orga­nisent des veillées autour du quar­tier géné­ral du Front san­di­niste dans chaque ville. Dans de nom­breux endroits, ils ont construit des bar­ri­cades contre les attaques de l’opposition et ont été faus­se­ment éti­que­tés comme forces para­mi­li­taires par les médias. Dans les villes qui n’ont pas de telles bar­ri­cades orga­ni­sées par la com­mu­nau­té, le bilan humain de la vio­lence de l’opposition est beau­coup plus lourd. L’Union natio­nale des étu­diants nica­ra­guayens a été par­ti­cu­liè­re­ment visée par la vio­lence de l’opposition. Un délé­gué étu­diant du Dia­logue natio­nal, Leo­nel Morales, a été kid­nap­pé, abat­tu d’une balle dans l’abdomen et jeté dans un fos­sé en juin, afin de sabo­ter le dia­logue et le punir pour avoir contes­té le droit des étu­diants du 19 avril de par­ler au nom de tous les étu­diants nicaraguayens.

Depuis avril, quatre grands ras­sem­ble­ments de l’opposition ont été orga­ni­sés pour mobi­li­ser les Nica­ra­guayens de la classe moyenne supé­rieure qui vivent dans les ban­lieues entre Mana­gua et Masaya. Ces ras­sem­ble­ments met­taient en vedette tout le gra­tin de la haute socié­té, dont des reines de beau­té, des pro­prié­taires d’entreprises et des oli­garques, ain­si que des étu­diants uni­ver­si­taires du Mou­ve­ment du 19 avril, le haut lieu moral de l’opposition.

Trois mois après le début du conflit, aucun des morts ne fai­sait par­tie de la bour­geoise. Tous sont issus des classes popu­laires du Nica­ra­gua. Mal­gré les annonces d’une de répres­sion totale, la bour­geoi­sie se sent par­fai­te­ment en sécu­ri­té pour par­ti­ci­per à des mani­fes­ta­tions publiques de jour – bien que le der­nier ras­sem­ble­ment en jour­née se soit sol­dée par une attaque chao­tique de mani­fes­tants contre des squat­ters sur une pro­prié­té de Pie­ro Coen, curieu­se­ment, l’homme le plus riche du Nica­ra­gua. Les attaques armées noc­turnes sont géné­ra­le­ment menées par des gens qui viennent de quar­tiers pauvres, dont beau­coup sont payés deux à quatre fois le salaire mini­mum jour­na­lier pour chaque nuit de destruction.

Mal­heu­reu­se­ment, la plu­part des orga­ni­sa­tions nica­ra­guayennes de défense des droits de l’homme sont finan­cées par NED et contrô­lées par le Mou­ve­ment pour la réno­va­tion san­di­niste. Ces orga­ni­sa­tions ont accu­sé le gou­ver­ne­ment nica­ra­guayen de dic­ta­ture et de géno­cide tout au long de la pré­si­dence d’Ortega. Les orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales de défense des droits humains, y com­pris Amnes­ty Inter­na­tio­nal, ont été cri­ti­quées pour leurs rap­ports par­tiaux, qui ne contiennent aucune des infor­ma­tions four­nies par le gou­ver­ne­ment ou des indi­vi­dus qui s’identifient comme Sandinistes.

Le gou­ver­ne­ment a invi­té la Com­mis­sion inter­amé­ri­caine des droits de l’homme (CIDH) de l’OEA, une enti­té basée à Washing­ton, notoi­re­ment hos­tile aux gou­ver­ne­ments de gauche, à enquê­ter sur les évé­ne­ments vio­lents du mois d’avril et à déter­mi­ner s’il y a eu répres­sion. La nuit d’une escar­mouche contro­ver­sée sur l’autoroute à l’extérieur de l’Université agraire de Mana­gua a mis fin à une trêve négo­ciée de 48 heures, le direc­teur de la CIDH, Pau­lo Abrao Abrao, a visi­té le site pour décla­rer son sou­tien à l’opposition. La CIDH aigno­ré la vio­lence géné­ra­li­sée de l’opposition et n’a ren­du compte que de la vio­lence défen­sive du gou­ver­ne­ment. Non seule­ment elle a été caté­go­ri­que­ment reje­tée par le ministre des affaires étran­gères du Nica­ra­gua Denis Mon­ca­da comme une ’insulte à la digni­té du peuple nica­ra­guayen’, mais une réso­lu­tion approu­vant le rap­port de la CIDH n’a été sou­te­nue que par dix pays sur 34.

Pen­dant ce temps, le Mou­ve­ment du 19 avril, com­po­sé d’étudiants ou d’anciens étu­diants uni­ver­si­taires en faveur d’un chan­ge­ment de régime, a envoyé une délé­ga­tion à Washing­ton et a réus­si à alié­ner une grande par­tie de la socié­té nica­ra­guayenne en sou­riant aux camé­ras avec des membres inter­ven­tion­nistes d’extrême droite du Congrès amé­ri­cain, dont le repré­sen­tant Ilea­na Ros Leh­ti­nen, le séna­teur Mar­co Rubio et le séna­teur Ted Cruz. Les diri­geants du M19 ont éga­le­ment applau­di les aver­tis­se­ments bel­li­queux lan­cés par le vice-pré­sident Mike Pence selon les­quels le Nica­ra­gua figure sur la courte liste des pays qui connaî­tront bien­tôt ce qui signi­fie la liber­té selon l’administration Trump, et ont ren­con­tré le par­ti ARENA d’El Sal­va­dor, connu pour ses liens avec les esca­drons de la mort qui ont assas­si­né le théo­lo­gien Oscar Rome­ro, l’archevêque de la théo­lo­gie de la libé­ra­tion. Au Nica­ra­gua, la masse cri­tique d’étudiants a ces­sé de mani­fes­ter il y a des semaines, les grandes mani­fes­ta­tions civiques d’avril et de mai ont dimi­nué, et les mêmes vieux visages fami­liers de la droite nica­ra­guayenne se retrouvent devant la note à payer des dégâts maté­riels mas­sifs et des pertes de vie.

Pour­quoi le Nicaragua ?

Orte­ga a rem­por­té son troi­sième man­dat en 2016 avec 72,4 % des suf­frages avec un taux de par­ti­ci­pa­tion de 66 %, très éle­vé par rap­port aux élec­tions US. Non seule­ment le Nica­ra­gua a mis en place une éco­no­mie qui traite les pauvres comme des pro­duc­teurs, avec des résul­tats remar­quables pour amé­lio­rer leur niveau de vie en 10 ans, mais il a aus­si un gou­ver­ne­ment qui rejette constam­ment l’impérialisme amé­ri­cain, s’alliant à Cuba, au Vene­zue­la et à la Pales­tine, et exprime son sou­tien à l’indépendance por­to­ri­caine et à une solu­tion paci­fique à la crise coréenne. Le Nica­ra­gua est membre de l’Alliance boli­va­rienne des Amé­riques et de la Com­mu­nau­té des États d’Amérique latine et des Caraïbes, une alter­na­tive lati­no-amé­ri­caine à l’OEA, dont ni les États-Unis ni le Cana­da ne font par­tie. Il s’est éga­le­ment allié à la Chine pour un pro­jet de canal et à la Rus­sie pour la coopé­ra­tion en matière de sécu­ri­té. Pour toutes ces rai­sons, les États-Unis veulent mettre en place un gou­ver­ne­ment nica­ra­guayen favo­rable aux États-Unis.

Plus impor­tant est l’exemple que le Nica­ra­gua a don­né pour un modèle social et éco­no­mique réus­si en dehors de la sphère de domi­na­tion US. Géné­rant plus de 75% de son éner­gie à par­tir de sources renou­ve­lables, le Nica­ra­gua était le seul pays ayant l’autorité morale pour s’opposer à l’Accord de Paris sur le cli­mat, le jugeant insuf­fi­sant (il a rejoint le trai­té un jour après que Trump ait reti­ré les Etats-Unis, décla­rant ’nous nous sommes oppo­sés à l’accord de Paris par res­pon­sa­bi­li­té, les Etats-Unis s’y opposent par irres­pon­sa­bi­li­té’). Le gou­ver­ne­ment FMLN d’El Sal­va­dor, bien que poli­ti­que­ment moins domi­nant que le Front san­di­niste, a pris l’exemple de la bonne gou­ver­nance au Nica­ra­gua, inter­di­sant récem­ment l’exploitation minière et la pri­va­ti­sa­tion de l’eau. Même le Hon­du­ras, l’éternel bas­tion de la puis­sance US en Amé­rique cen­trale, avait mon­tré des signes d’un dépla­ce­ment vers la gauche, jusqu’au coup d’État mili­taire sou­te­nu par les États-Unis en 2009. Depuis lors, il y a eu une répres­sion mas­sive des mili­tants sociaux, une élec­tion clai­re­ment volée en 2017, et le Hon­du­ras a per­mis l’expansion des bases mili­taires amé­ri­caines près de la fron­tière nicaraguayenne.

En 2017, la Chambre des repré­sen­tants des États-Unis a adop­té à l’unanimité la Nica­ra­guan Invest­ment Condi­tio­na­li­ty Act (NICA Act), qui, si elle est adop­tée par le Sénat, obli­ge­ra le gou­ver­ne­ment US à oppo­ser son veto aux prêts consen­tis par des ins­ti­tu­tions inter­na­tio­nales au gou­ver­ne­ment nica­ra­guayen. Cetimpé­ria­lisme US para­ly­se­ra la capa­ci­té du Nica­ra­gua à construire des routes, à moder­ni­ser les hôpi­taux, à construire des usines d’énergie renou­ve­lable et à pas­ser de l’élevage exten­sif à des sys­tèmes inté­grés d’élevage et de fores­te­rie, entre autres consé­quences. Il peut aus­si signi­fier la fin de nom­breux pro­grammes sociaux popu­laires, comme l’électricité sub­ven­tion­née, des tarifs d’autobus stables et le trai­te­ment médi­cal gra­tuit des mala­dies chroniques.

Le pou­voir exé­cu­tif amé­ri­cain a uti­li­sé la Glo­bal Magnits­ky Act pour cibler les finances des diri­geants de la Cour suprême élec­to­rale, de la police natio­nale, du gou­ver­ne­ment de la ville de Mana­gua et de l’ALBA au Nica­ra­gua. Les poli­ciers et les bureau­crates de la san­té publique se sont enten­dus dire que leurs visas US avaient été révo­qués. La ques­tion n’est pas de savoir si ces fonc­tion­naires ont ou n’ont pas com­mis des actes qui méritent leur répri­mande au Nica­ra­gua, mais si le gou­ver­ne­ment US a la juri­dic­tion pour inti­mi­der et s’en prendre aux fonc­tion­naires nicaraguayens.

Alors que la vio­lence sadique se pour­suit, la stra­té­gie des put­schistes visant à chas­ser le gou­ver­ne­ment a échoué. La réso­lu­tion de la crise poli­tique pas­se­ra par des élec­tions, et le FSLN est sus­cep­tible de rem­por­ter ces élec­tions, à moins d’une nou­velle offen­sive dra­ma­tique et impro­bable de la part de l’opposition de droite.

Une guerre des classes à l’envers

Il est impor­tant de com­prendre la nature des coups d’État amé­ri­cains et oli­gar­chiques de cette époque et le rôle des médias et de la trom­pe­rie des ONG parce qu’elle se répète dans de nom­breux pays d’Amérique latine et dans d’autres pays. On peut s’attendre à une attaque simi­laire contre Andrés Manuel López Obra­dor, récem­ment élu au Mexique, s’il cherche à obte­nir les chan­ge­ments qu’il a promis.

Les États-Unis cherchent à domi­ner le Nica­ra­gua depuis le milieu du XIXe siècle. Les riches du Nica­ra­gua ont cher­ché le retour de la gou­ver­nance alliée aux Etats-Unis depuis que les San­di­nistes ont pris le pou­voir. Cet échec du coup d’État ne signi­fie pas la fin de leurs efforts ou la fin de la dés­in­for­ma­tion dans les médias. Savoir ce qui se passe réel­le­ment et par­ta­ger cette infor­ma­tion est l’antidote pour les vaincre au Nica­ra­gua et dans le monde entier.

Le Nica­ra­gua est une guerre de classes à l’envers. Le gou­ver­ne­ment a rele­vé le niveau de vie de la majo­ri­té pauvre en redis­tri­buant les richesses. Les oli­garques et les Etats-Unis, inca­pables d’installer le néo­li­bé­ra­lisme par le biais d’élections, ont créé une crise poli­tique, mise en évi­dence par une fausse cou­ver­ture média­tique pour for­cer Orte­ga à démis­sion­ner. Le coup d’État échoue, la véri­té émerge et ne doit pas être oubliée.

Kevin Zeese, Nils McCune

Kevin Zeese est un avo­cat qui codi­rige Popu­lar Resis­tance, basée aux Etats-Unis. Nils McCune fait par­tie de l’équipe tech­nique de l’IALA Mesoa­me­ri­ca (Ins­ti­tut agroé­co­lo­gique d’Amérique latine au Nica­ra­gua) et est cher­cheur à l’Université du Michigan.

Tra­duc­tion « bon, avec ça, y’en a qui devraient com­prendre, non ? » par Vik­tor Dedaj pour le Grand Soir avec pro­ba­ble­ment toutes les fautes et coquilles habituelles

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