10ème anniversaire du verdict condamnant injustement Jamal Zougam, véritable nouveau Dreyfus, pour les attentats de Madrid en 2004. Une enquête bouleversante de Cyrille Martin.

15/11/2017 | 2 commentaires

Chers amis,

Je vous pro­pose de décou­vrir ci-des­sous une enquête remar­quable, menée par un simple citoyen, Cyrille Mar­tin, pour dis­cul­per un pauvre homme broyé par « La Jus­tice » et crou­pis­sant injus­te­ment en pri­son depuis plus de 10 ans pour que nos socié­tés puissent mau­dire un bouc émissaire.

Je vous laisse lire Cyrille et sur­tout voir son film, vrai­ment bien fait, je trouve.

La vidéo pro­po­sée en bonus est très bonne aus­si : je trouve Daniele Gan­ser épa­tant, admi­rable ; je vous en repar­le­rai (je suis en train de dévo­rer son der­nier livre « les guerres illé­gales de l’O­TAN », aux édi­tions Demi-Lune).

Étienne.



Cyrille Martin :

« Il y a 10 ans, le 31 octobre 2007, la Jus­tice espa­gnole ren­dait son ver­dict dans l’affaire des ter­ribles atten­tats de Madrid du 11 mars 2004 (Ato­cha, 191 morts). Après avoir sus­pec­té l’ETA, l’enquête s’était diri­gée vers de sup­po­sés dji­ha­distes, au pre­mier rang des­quels le maro­cain Jamal Zou­gam, qui fut condam­né à la réclu­sion à per­pé­tui­té, accu­sé d’être l’un des poseurs de bombes.

Ce juge­ment est remis en ques­tion par un docu­men­taire, réa­li­sé en auto­pro­duc­tion par l’auteur de ces lignes. Inti­tu­lé ’Un nou­veau Drey­fus, Jamal Zou­gam, bouc émis­saire des atten­tats de Madrid ?’, ce docu­men­taire est construit sur la com­pa­rai­son des images des jour­naux télé­vi­sés avec celles des enre­gis­tre­ments vidéos du pro­cès. Il montre que, dans cer­tains cas sen­sibles, on conti­nue sur le vieux conti­nent à condam­ner à per­pé­tui­té des boucs émis­saires dont le seul tort est d’avoir la ’mau­vaise’ reli­gion du moment. Que ce soit par l’intermédiaire de la Jus­tice espa­gnole ou de la Jus­tice européenne.

La ver­sion espa­gnole du docu­men­taire (dif­fu­sée sur inter­net et sur la chaîne lati­no-amé­ri­caine Tele­Sur) a com­men­cé à bri­ser le tabou qui entoure cette affaire en Espagne. Nous vous pro­po­sons l’interview de la famille de Jamal Zou­gam, réa­li­sée suite à cette dif­fu­sion par l’un des rares médias espa­gnols à cri­ti­quer le ver­dict, eles​pa​nol​.com. Ain­si que le bonus à cette ver­sion espa­gnole : une inter­view vidéo en fran­çais de l’historien Daniele Gan­ser, qui bat en brèche l’idée que le ter­ro­risme serait aujourd’hui néces­sai­re­ment isla­miste (sans pour autant reve­nir à l’accusation d’ETA, idée encore sou­te­nue dans cer­tains médias espagnols). »

Le docu­men­taire en fran­çais :


Interview de la famille de Jamal Zougam, Eles​pa​nol​.com, 10 et 12 mars 2017 :

La famille Zou­gam est musul­mane mais elle a des goût occi­den­taux. Les filles sont en jeans et ne portent pas le voile. Moha­med [frère de Jamal] aime les Beatles et Mike Old­field. « A mon tra­vail à la banque, tout le monde m’a cru dès le début et ils m’ont trai­té comme si j’étais une vic­time de plus de cet atten­tat, même si je n’avais pas de proches dans ces trains » assure Sami­ra [sa soeur]. « Pareil à la mai­son » ajoute Moha­med. « Les voi­sins n’ont pas chan­gé avec nous. Parce qu’ils sentent qu’on n’est pas des mau­vaises gens. »

Ce matin-là, jure Moha­med, ce fut la rou­tine habi­tuelle. « Quand je me suis levé, il était là, devant moi. Je ne l’oublierai jamais. Il était com­plè­te­ment endor­mi. Il dort comme une souche, pas moyen de le réveiller quand il dort ». « Moi je n’ai pas été appe­lé à décla­rer au pro­cès », dit Sami­ra. « Je crois que ça a été à cause d’une erreur de notre avo­cat José Luis Abas­cal. Il ne se réunis­sait même pas avec nous. Il ne nous consul­tait pas. »

Cinq fois par semaine, Zou­gam a le droit de faire un appel télé­pho­nique de cinq minutes. Et sa famille peut lui rendre visite une fois par mois. « Il a été en régime d’isolement total jusqu’à il y a deux ans. Tou­jours seul, même pen­dant qu’il était dans la cour. Il a de l’arthrose et il souffre beau­coup du froid, mais per­sonne ne règle ça » dit Samira.

Ques­tions à Aicha, mère de Jamal Zou­gam, qui rompt 13 années de silence :

Com­ment savez-vous que votre fils est innocent ?

Parce qu’il n’a rien fait. Parce qu’il était avec moi la nuit du 10 mars. Il est ren­tré du gym­nase, en sueur, vers minuit… Et il serait allé poser des bombes au matin ? Puis il serait allé au tra­vail ? Ce matin-là on a dis­cu­té, la télé­vi­sion était allu­mée. Son frère est par­ti au tra­vail en pre­mier et lui est res­té dis­cu­ter avec moi.

Est-ce vrai que la veille des atten­tats, Jamal avait visi­té un appar­te­ment à louer pour emmé­na­ger avec sa femme ?

C’est vrai. Il est allé voir le loge­ment, il a lais­sé la pho­to­co­pie de sa carte d’identité au pro­prié­taire. Et il est allé au tra­vail. La police et la Jus­tice le savent, parce qu’ils sont allé voir le pro­prié­taire… Mais tout a été étouf­fé ensuite.

Cette infor­ma­tion n’est pas sor­tie, ensuite, pen­dant le procès ?

Ils ne vou­laient pas, ils ne me lais­saient même pas par­ler pen­dant le pro­cès. Ce salaud [le juge Gomez Ber­mu­dez] ne m’a même pas lais­sé par­ler. Il m’a dit « C’est bon, c’est bon. Tais-toi ». Mais il s’agit de mon fils, je devais par­ler ! Pour­quoi ? Pour­quoi ne m’ont-ils pas lais­ser par­ler ? [A la fin de l’entretien, elle s’excuse pour ce coup de sang : « C’est à cause de cette impuissance »]

Ce n’est pas vrai que vous avez logé chez vous Abou Mughen ?

Jamais. Je ne le connais même pas. Écou­tez, per­sonne n’est venu chez moi. Tout les voi­sins me connaissent. Je n’ai pas démé­na­gé. Ils sont tous gen­tils avec moi.

Croyez-vous que votre fils a été choi­si inten­tion­nel­le­ment, ou sim­ple­ment qu’il n’a pas eu de chance ?

Ils l’ont choisi.

Pour­quoi ?

Je ne le sais pas. Je ne sais pas. Parce qu’ils n’avaient per­sonne d’autre.

Jamal a dit pen­dant le pro­cès que ça pour­rait être pour se ven­ger du fait qu’il ait refu­sé l’offre du CNI [les ser­vices de ren­sei­gne­ment] de col­la­bo­rer avec eux.

Ils lui avaient dit qu’ils arran­ge­raient le venue de son père du Maroc… mais il n’a pas voulu.

Qui aurait com­mis les atten­tats selon vous ?

Je ne sais pas. Je ne peux pas… je ne sais pas. La police ? Je ne sais pas. Beau­coup de gens.

Que pen­sez-vous d’Al Qae­da et de l’État Islamique ?

Du mal, beau­coup de mal. Les bar­bus je ne peux même plus les voir à la télé­vi­sion. Je vous jure. Je vois les gens qui vont voi­lés, comme ça, au Maroc, et je dis « Regarde la fille de p… A cause de ces gens mon fils est en prison. »

Votre fils est condam­né sur la base du témoi­gnage de deux femmes rou­maines. Pour­quoi croyez-vous qu’elles aient décla­ré l’avoir vu dans les trains ?

Parce qu’elles ont été payées, et bien payées [Elles ont reçu une indem­ni­té et une régu­la­ri­sa­tion en tant que vic­times, note du tra­duc­teur]. Pour­quoi aucun espa­gnol n’est venu dire qu’il l’avait vu ? Seule­ment des rou­maines ? Il y en a eu quatre ou cinq. Mais pas d’espagnols, ni maro­cains, ni ita­liens. Seule­ment des rou­mains… parce qu’elles ont tou­ché. Je demande au gou­ver­ne­ment qu’il rouvre le dos­sier de mon fils, parce qu’il n’a rien fait. S’il vous plaît.

Avez-vous vu le docu­men­taire du fran­çais Cyrille Mar­tin, qui défend l’innocence de votre fils ?

Non. Je n’aime pas voir mon fils dans ce pro­cès, ni me rap­pe­ler des images de cette époque. Je ne peux pas. Mais ses frères et sœurs l’ont vu et ils disent qu’il raconte les choses telles qu’elles se sont passées.

Après tout ce qui s’est pas­sé, vous regret­tez d’être venue en Espagne ?

Oui… Vous savez que ça fait 13 ans que mon fils est en pri­son et per­sonne ne parle de lui, alors que tout le monde sait qu’il n’a rien fait. Il y en a qui ont les preuves de ça. Ils ne veulent pas par­ler. Tout le monde la ferme. Pour­quoi ? Parce qu’il est maro­cain ? Pour­quoi ? Beau­coup de gens ont com­mis des erreurs et per­sonne ne veut parler.

 

Bonus de la ver­sion espa­gnole du docu­men­taire, une inter­view exclu­sive en fran­çais de Daniele Ganser :

Cyrille Mar­tin

Source : Le Grand Soir :
https://​www​.legrand​soir​.info/​1​0​e​m​e​-​a​n​n​i​v​e​r​s​a​i​r​e​-​d​u​-​v​e​r​d​i​c​t​-​c​o​n​d​a​m​n​a​n​t​-​i​n​j​u​s​t​e​m​e​n​t​-​j​a​m​a​l​-​z​o​u​g​a​m​-​v​e​r​i​t​a​b​l​e​-​n​o​u​v​e​a​u​-​d​r​e​y​f​u​s​-​p​o​u​r​-​l​e​s​-​a​t​t​e​n​t​a​t​s​-​d​e​-​m​a​d​r​i​d​.​h​tml

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2 Commentaires

  1. Khaldi

    A les dom­mages col­la­té­raux sa peux être moi vous un parent un ami des enfants nous sommes tous concer­nés Qui a le droit de tuer et d accu­sé les autres afin d’a­voir Le pou­voir abso­lu ter­ro­ri­sé pour obte­nir se qu’il veut du peuple

    Réponse

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