Les élus des maîtres-chanteurs ne lâcheront jamais le pouvoir. Il faut apprendre à écrire nous-mêmes les institutions.

14/08/2016 | 13 commentaires

J’a­vais oublié ce court entre­tien, au calme avec de très jeunes jour­na­listes, au cours de l’U­ni­ver­si­té d’é­té du reve­nu de base, en 2014.


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Étienne

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13 Commentaires

  1. Citoyens Debout

    Je ne par­tage pas du tout cette idée de reve­nu de base qui me semble être une aber­ra­tion comp­table. Le pro­blème vient à mon avis d’une erreur de per­cep­tion sur la nature même de ce qu’est la mon­naie. Nous savons com­ment la mon­naie fonc­tionne actuel­le­ment : c’est de la dette créée de toute pièce par les ban­quiers. Par­tant de ce constat, le pre­mier point à résoudre, c’est la créa­tion de la mon­naie sans dette. 

    Voi­ci très sché­ma­ti­que­ment mon approche : la mon­naie n’est pas la pro­prié­té de la banque, même pas d’une banque cen­trale ni d’un État, c’est la pro­prié­té de la Nation. Qu’un État emprunte de l’argent pour fonc­tion­ner est un non-sens.

    L’argent n’a abso­lu­ment aucune valeur en soi. Si vous vous retrou­vez sur une île déserte, un caillou pelé au milieu de l’o­céan avec rien d’autre qu’une mon­tagne de billets de banque, ça ne vous ser­vi­ra stric­te­ment à rien et l’argent n’au­ra aucune valeur puisque rien n’é­tant dis­po­nible, vous ne pour­rez rien ache­ter. L’argent est la repré­sen­ta­tion de la valeur des choses. Si une chose est créée, on doit créer la mon­naie cor­res­pon­dante. Si une chose est détruite, la mon­naie cor­res­pon­dante doit l’être éga­le­ment. Le rôle réga­lien de l’É­tat est donc de créer ou de détruire la mon­naie selon ce qui est pro­duit et détruit dans la Nation.

    Ce qui ruine actuel­le­ment la plu­part des pays du monde, c’est d’une part ce sys­tème de dettes arti­fi­cielles, d’autre part la rare­té de l’argent qui n’est pas créé de la manière décrite plus haut mais selon l’hu­meur d’un ban­quier qui décide s’il vous prête ou non les mon­tants dont vous avez besoin.

    Ce qu’on oublie éga­le­ment, c’est que si on consi­dère que l’argent cor­res­pond à la valeur des choses, le ban­quier en prê­tant de l’argent s’ar­roge la pro­prié­té de cet argent créé, et de ce fait la pro­prié­té des choses. Mais même si on reve­nait à un sys­tème où l’É­tat emprunte à sa banque cen­trale, même à taux zéro, le constat serait le même : l’É­tat s’ar­ro­ge­rait la pro­prié­té des choses. Dans tous les cas, ce sys­tème reste un vol.

    Je suis éga­le­ment conscient d’un aspect corol­laire de ce que je sug­gère : l’é­pargne tue l’in­dus­trie. L’argent, c’est comme de l’eau. Si on en bloque la cir­cu­la­tion, ça crou­pit et devient aus­si nau­séa­bond qu’i­nu­ti­li­sable. Donc, blo­quer une somme dans une banque pour faire des éco­no­mies, c’est dans le même temps empê­cher que cet argent ne suis dis­po­nible pour échan­ger les choses. Je suis donc enclin à envi­sa­ger une autre forme d’é­pargne : l’a­chat de valeurs tan­gibles et échan­geable à plus long terme : or, bijoux, terre, immo­bi­lier ou que sais-je.

    Mais bon, je sais que cette approche va à l’en­contre de ce que peuvent dire tous les éco­no­mistes, je n’en ai cure, je reste quand même ouvert aux débats.

    Réponse
    • etienne

      Les principes fondamentaux de l’UE

      Au sujet du referendum sur l’appartenance de la Grande-Bretagne à l’Union européenne

      par Richard A. Werner

      hd. Le 20 juin 2016, trois jours avant le vote des Bri­tan­niques concer­nant le retrait de l’Union euro­péenne, le pro­fes­seur Richard A. Wer­ner a publié le texte ci-des­sous. Il est de grande impor­tance – avant et après le référendum.

      La popu­la­tion bri­tan­nique doit être au clair sur l’option exacte qu’elle choi­si­ra lorsqu’elle vote­ra au refe­ren­dum sur l’UE mar­di pro­chain. Que signi­fie vrai­ment res­ter dans l’UE ? Et que signi­fie en sortir ?

      En ce qui concerne la seconde ques­tion, le pro­blème domi­nant du débat a été la ques­tion de savoir si la sor­tie du Royaume-Uni aurait un impact néga­tif signi­fi­ca­tif. David Came­ron, le Pre­mier ministre, ain­si que les diri­geants du FMI, de l’OCDE et de diverses agences euro­péennes ont lan­cé des cris d’alarme inquié­tants concer­nant la dimi­nu­tion de la crois­sance éco­no­mique, la dégra­da­tion de la situa­tion finan­cière, le flé­chis­se­ment de la devise natio­nale et le déclin accé­lé­ré des impor­ta­tions bri­tan­niques. George Osborne, le Chan­ce­lier de l’échiquier, a mena­cé de dimi­nuer les retraites si les retrai­tés osaient voter en faveur du Brexit. Mais, dans les faits, qu’en est-il ?

      J’ai été for­mé à l’économie inter­na­tio­nale et moné­taire à la Lon­don School of Eco­no­mics et suis titu­laire d’un doc­to­rat en éco­no­mie de l’Université d’Oxford. J’ai éga­le­ment tes­té récem­ment, avec l’aide de tech­niques quan­ti­ta­tives avan­cées, la ques­tion de l’importance de l’impact sur la livre (GDP) d’une entrée ou d’une sor­tie de l’UE et de la zone euro. La conclu­sion en est que cela ne fera aucune dif­fé­rence pour la crois­sance éco­no­mique et toute per­sonne se récla­mant d’une opi­nion contraire n’est pas gui­dée par les faits. La rai­son en est que la crois­sance éco­no­mique et le reve­nu natio­nal sont presqu’entièrement déter­mi­nés par un fac­teur déci­dé en interne, c’est-à-dire le mon­tant du cré­dit ban­caire géné­ré à des fins pro­duc­tives. Mal­heu­reu­se­ment, il a été très réduit au Royaume-Uni au cours des der­nières décen­nies, ce qui veut dire qu’une crois­sance éco­no­mique beau­coup plus impor­tante sera pos­sible dès que des mesures auront été prises pour boos­ter le cré­dit ban­caire à des fins pro­duc­tives – indé­pen­dam­ment du fait que le Royaume-Uni reste dans l’UE ou non (quoique le Brexit faci­li­te­rait gran­de­ment l’adoption de ces politiques).

      Nous devrions aus­si nous rap­pe­ler qu’une éco­no­mie beau­coup plus réduite, telle la Nor­vège – pour­tant beau­coup plus dépen­dante du com­merce inter­na­tio­nal – a affi­ché d’excellents résul­tats après que ses élec­teurs aient reje­té l’adhésion à l’UE dans un refe­ren­dum orga­ni­sé en 1995 (ce qui s’est pro­duit en contra­dic­tion avec les menaces et les aver­tis­se­ments les plus alar­mants de la part des élites tous par­tis confon­dus, de la plu­part des medias et du chœur una­nime des diri­geants des orga­ni­sa­tions inter­na­tio­nales). D’autre part, le Japon, la Corée, Tai­wan et la Chine n’ont jamais eu besoin d’appartenir à l’UE pour pas­ser d’un sta­tut d’économie en déve­lop­pe­ment à celui de nations indus­tria­li­sées de pre­mier plan en moins d’un demi-siècle. L’argument des consé­quences éco­no­miques désas­treuses suite au Brexit est tout sim­ple­ment bidon.

      Le rapport des « Cinq présidents »

      En ce qui concerne la pre­mière ques­tion, c’est-à-dire ce que signi­fie­rait res­ter dans l’UE, nous devrions nous en rap­por­ter à l’UE elle-même. Heu­reu­se­ment, l’UE a publié un rap­port offi­ciel impor­tant à pro­pos de ses poli­tiques essen­tielles et ce qu’elle entend réa­li­ser dans un futur proche, en octobre 2015. Ce rap­port a été publié sous le nom des « Cinq pré­si­dents » de l’UE. Pour le cas où vous n’auriez pas remar­qué qu’il existe, non pas un, mais cinq pré­si­dents de l’UE, ce sont : le pré­sident non-élu de la Banque cen­trale euro­péenne, ancien de Gold­man Sachs, Mario Dra­ghi ; Jean-Claude Jun­cker, le pré­sident de la Com­mis­sion euro­péenne ; le Com­mis­saire non-élu de Bruxelles et pré­sident de l’Eurogroupe, Jeroen Dijs­sel­bloem ; le pré­sident du som­met de la zone euro, Donald Tusk, et le pré­sident du Par­le­ment euro­péen, Mar­tin Schulz. Quel est le mes­sage qu’envoient ce nombre non négli­geable de pré­si­dents de l’UE au sujet de la direc­tion prise par l’UE ? Le titre de leur rap­port conjoint donne un indice : « Rap­port des cinq pré­si­dents (sic): « Réa­li­sa­tion de l’Union éco­no­mique et moné­taire européenne ».

      (https://​ec​.euro​pa​.eu/​p​r​i​o​r​i​t​i​e​s​/​p​u​b​l​i​c​a​t​i​o​n​s​/​f​i​v​e​-​p​r​e​s​i​d​e​n​t​s​-​r​e​p​o​r​t​-​c​o​m​p​l​e​t​i​n​g​-​e​u​r​o​p​e​s​-​e​c​o​n​o​m​i​c​-​a​n​d​-​m​o​n​e​t​a​r​y​-​u​n​i​o​n​_en)

      Le rap­port démarre sur une preuve de fran­chise en décla­rant qu’«avec plus de 18 mil­lions de chô­meurs dans la zone euro, il reste encore beau­coup à faire pour amé­lio­rer les poli­tiques éco­no­miques » à l’intérieur de l’UE.

      Bien dit. Mais que faut-il faire exactement ?

      « L’Union éco­no­mique et moné­taire (UEM) de l’Europe d’aujourd’hui res­semble à une mai­son en construc­tion depuis des décen­nies, mais seule­ment par­tiel­le­ment ter­mi­née. En cas de tem­pête, ses murs et son toit doivent être rapi­de­ment sta­bi­li­sés. Il est à pré­sent grand temps de ren­for­cer ses fon­da­tions et d’en faire ce que l’UEM devrait être […].»

      « Il nous faut pour­suivre les mesures d’achèvement de l’UEM. »

      Les pla­ni­fi­ca­teurs de la cen­trale bruxel­loise et de la BCE à Franc­fort ne sont pas sans se rendre compte que sous leurs ordres, une dis­lo­ca­tion éco­no­mique sans pré­cé­dent dans l’histoire s’est pro­duite en Europe durant les dix der­nières années, incluant des bulles finan­cières et immo­bi­lières, des crises ban­caires et un chô­mage de masse dans tous les pays péri­phé­riques – avec un taux de chô­mage des jeunes de plus de 50% en Grèce, en Espagne et au Por­tu­gal, ain­si qu’une absence, aux fron­tières exté­rieures de l’UE, de véri­tables contrôles cen­sés empê­cher l’afflux d’une quan­ti­té sans pré­cé­dent d’immigrés éco­no­miques et illégaux.

      Une plus grande concentration de pouvoir dans l’UE

      Cepen­dant, les pla­ni­fi­ca­teurs de la cen­trale de l’UE nient tota­le­ment que ces pro­blèmes soient le résul­tat de leurs poli­tiques mal­avi­sées et désas­treuses. En fin de compte, ils sou­tiennent que la solu­tion à ces pro­blèmes ne peut être qu’une plus grande concen­tra­tion de pou­voirs entre leurs mains : « Il faut plus d’Europe » comme le pro­fesse Mme Mer­kel (cf. les affir­ma­tions de Mme Mer­kel au sujet de l’UE : http://​www​.eur​ac​tiv​.com/​s​e​c​t​i​o​n​/​e​u​-​p​r​i​o​r​i​t​i​e​s​-​2​0​2​0​/​n​e​w​s​/​m​e​r​k​e​l​-​c​a​l​l​s​-​f​o​r​-​p​o​l​i​t​i​c​a​l​-​u​n​i​o​n​-​t​o​-​s​a​v​e​-​t​h​e​-​e​u​ro/) C’est ce qu’ils se pro­posent de réa­li­ser dans les années à venir, en réunis­sant tous les Etats membres de l’UE dans un seul pays.

      Ain­si le rap­port des cinq pré­si­dents éta­blit clai­re­ment que l’Europe n’est pas sim­ple­ment une zone de libre-échange. Ce pro­jet a pris du retard avec le Trai­té de Maas­tricht en 1992 et un genre d’Europe tota­le­ment dif­fé­rent a été enté­ri­né avec la Consti­tu­tion euro­péenne de 2007 – appe­lée « Trai­té de Lis­bonne » depuis que les Euro­péens l’ont reje­tée lors de divers réfé­ren­dums. (voir ce qu’en dit l’auteur de la Consti­tu­tion euro­péenne reje­tée : http://​www​.inde​pendent​.co​.uk/​v​o​i​c​e​s​/​c​o​m​m​e​n​t​a​t​o​r​s​/​v​a​l​e​a​c​u​t​e​r​y​-​g​i​s​c​a​r​d​-​d​e​s​t​a​i​n​g​-​t​h​e​-​e​u​-​t​r​e​a​t​y​-​i​s​-​t​h​e​-​s​a​m​e​-​a​s​-​t​h​e​-​c​o​n​s​t​i​t​u​t​i​o​n​-​3​9​8​2​8​6​.​h​tml).

      Au lieu de quoi l’UE forme le pro­jet d’abandonner toute sou­ve­rai­ne­té natio­nale, d’abolir les fron­tières inté­rieures et de refondre toutes les nations euro­péennes qui n’ont pas réus­si à en sor­tir à temps en un seul nou­veau pays, com­mun et fusion­né, avec un seul gou­ver­ne­ment cen­tral euro­péen, une seule poli­tique moné­taire euro­péenne et cen­tra­li­sée, une seule poli­tique fis­cale euro­péenne et une régle­men­ta­tion euro­péenne cen­tra­li­sée, incluant les mar­chés finan­ciers et le sys­tème ban­caire. Ces Etats-Unis d’Europe, un Lévia­than anti-démo­cra­tique que les peuples euro­péens n’ont jamais sou­hai­té est le point culmi­nant d’un man­tra tou­jours res­sas­sé d’une « union tou­jours plus étroite ».

      « Mis en place continuellement et en catimini sur plusieurs décennies »

      Ce pro­jet a été mis en place conti­nuel­le­ment et en cati­mi­ni sur plu­sieurs décen­nies, mal­gré de graves mal­adresses poli­tiques et des scan­dales impli­quant les pla­ni­fi­ca­teurs cen­traux (par ex. en 1999, quand la tota­li­té de la Com­mis­sion euro­péenne – le gou­ver­ne­ment non-élu et le cabi­net du super-Etat euro­péen – a démis­sion­né en catas­trophe, lorsqu’il fut révé­lé qu’ils avaient accep­té des pots-de-vin et s’étaient livrés à diverses fraudes, tan­dis que la Cour des comptes euro­péenne refu­sait à plu­sieurs reprises d’approuver les registres comp­tables offi­ciels de l’UE).

      La ligne éco­no­mique est claire : il n’y a pas besoin d’être membre de l’UE pour pros­pé­rer sur le plan éco­no­mique et en sor­tir n’aura pas néces­sai­re­ment d’impact sur la crois­sance éco­no­mique du Royaume-Uni. Le Royaume-Uni peut res­ter dans l’Espace éco­no­mique euro­péen, comme la Nor­vège l’a fait, ou conclure tout sim­ple­ment des accords com­mer­ciaux, comme l’a fait la Suisse et pro­fi­ter du libre-échange – le meilleur atout des accords euro­péens aux yeux du public. La ligne poli­tique est claire, elle aus­si : le super-Etat euro­péen qui a déjà été mis au point n’est pas démo­cra­tique. Le soi-disant « Par­le­ment euro­péen », seul exemple par­mi les par­le­ments, ne peut pro­po­ser aucune légis­la­tion – les lois sont toutes for­mu­lées et pro­po­sées par la Com­mis­sion euro­péenne, non-élue !

      Comme un obser­va­teur russe l’a remar­qué, le Par­le­ment euro­péen est un simu­lacre qui approuve tout sans dis­cu­ter, tout comme l’était le par­le­ment sovié­tique à l’époque de l’Union sovié­tique, alors que le gou­ver­ne­ment non-élu est la Com­mis­sion euro­péenne – le Polit­bu­ro – regor­geant de com­mis­saires politiques.

      L’élite financière se trouve derrière

      Les grandes entre­prises et les grandes banques, ain­si que les banques cen­trales et le FMI, consti­tuent l’élite finan­cière qui se trouve der­rière cette concen­tra­tion inten­tion­nelle de pou­voir – ras­sem­blant tou­jours plus de pou­voir dans les mains d’un nombre tou­jours plus réduit. La nature anti­dé­mo­cra­tique des ins­ti­tu­tions euro­péennes a atteint un tel niveau que j’ai enten­du récem­ment un membre fraî­che­ment retrai­té du conseil diri­geant de la BCE confes­ser en pri­vé que son plus grand sou­ci était la nature anti­dé­mo­cra­tique et l’accroissement des pou­voirs de la BCE, détour­nés de façon expo­nen­tielle à des fins poli­tiques. On a noyé ces faits sous le constant goutte-à-goutte d’une pro­pa­gande éma­nant des puis­santes élites qui sont der­rière la créa­tion des Etats-Unis d’Europe.

      « Important soutien apporté par les Etats-Unis »

      Durant toutes ces années et ces décen­nies de trans­ferts régu­liers des pou­voirs et de la sou­ve­rai­ne­té des Etats-nations et de leurs assem­blées démo­cra­ti­que­ment élues à la bureau­cra­tie non-élue de Bruxelles, j’ai été constam­ment éton­né de l’important sou­tien appa­rent que les Etats-Unis y appor­taient. Chaque fois que le pro­ces­sus de « tou­jours plus d’union » sem­blait se heur­ter à un ob­stacle, le pré­sident amé­ri­cain – sans dis­tinc­tion de nom ou de par­ti – est inter­ve­nu pour, en des termes dénués d’indécision, rap­pe­ler aux Euro­péens brouillons de faire de cohé­rence et d’accélérer l’unification de l’Europe en un seul Etat. Quand j’étais jeune et naïf, cela m’avait vrai­ment for­te­ment sur­pris. De la même façon, les élec­teurs bri­tan­niques se sont vus rap­pe­ler récem­ment par le pré­sident amé­ri­cain Oba­ma qu’abandonner l’Europe n’était pas une bonne idée et qu’ils feraient mieux de voter pour rester.

      Alors qu’il n’est pas sur­pre­nant que l’élite mon­diale, ayant béné­fi­cié de la ten­dance au regrou­pe­ment de pou­voir, devienne de plus en plus hys­té­rique dans ses ten­ta­tives de per­sua­sion de l’électorat bri­tan­nique pour qu’il vote son main­tien dans l’UE, les rai­sons qui poussent le pré­sident des Etats-Unis et son gou­ver­ne­ment à tenir autant au pro­jet euro­péen sont moins claires. Par le pas­sé, les médias euro­péens nous ont dit que la concen­tra­tion du pou­voir éco­no­mique et de la déci­sion poli­tique en Europe avait été mise en œuvre pour faire contre­poids à la domi­na­tion amé­ri­caine. Cela a paru moti­ver des votes pro-UE. Le pré­sident amé­ri­cain a cer­tai­ne­ment dû en entendre parler ?

      Il y a un autre mys­tère. Hier, jus­te­ment, j’ai trou­vé dans la boîte aux lettres de ma mai­son de Win­ches­ter une impres­sion­nante bro­chure inti­tu­lée « Fon­da­men­taux de l’UE – Votre guide pour le réfé­ren­dum ». Elle avait été édi­tée par une orga­ni­sa­tion appe­lée « Mou­ve­ment euro­péen ». Le fas­ci­cule de 16 pages, en cou­leur et sur papier gla­cé, argu­men­tait en faveur du main­tien du Royaume-Uni dans l’UE. Qui est ce « Mou­ve­ment euro­péen » et qui le finance ? Cette orga­ni­sa­tion peu connue semble suf­fi­sam­ment puis­sante finan­ciè­re­ment pour adres­ser une bro­chure de haute qua­li­té dans chaque foyer du Royaume-Uni.

      Opérations clandestines américaines depuis 1945

      La déclas­si­fi­ca­tion de dos­siers autre­fois tenus secrets a réso­lu les deux mys­tères. Car, en fin de compte, ils sont liés. Comme le dit Richard Aldrich, pro­fes­seur à l’Université de Nottingham :

      « L’utilisation d’opérations clan­des­tines pour la pro­mo­tion spé­ci­fique de l’unité euro­péenne a atti­ré peu d’attention scien­ti­fique et demeure mal com­prise. […] L’injection dis­crète de plus de trois mil­lions de dol­lars entre 1949 et 1960, éma­nant en grande par­tie de sources gou­ver­ne­men­tales amé­ri­caines, était au centre des efforts pour récol­ter un sup­port mas­sif au Plan Schu­man, à la Com­mu­nau­té de défense euro­péenne et à une assem­blée euro­péenne dotée de pou­voirs sou­ve­rains. Cette contri­bu­tion secrète a tou­jours contri­bué à la moi­tié au moins du bud­get du Mou­ve­ment euro­péen et, après 1952, pro­ba­ble­ment aux deux-tiers.

      Simul­ta­né­ment, on a cher­ché à miner la forte résis­tance du gou­ver­ne­ment tra­vailliste bri­tan­nique aux idées fédé­ra­listes […]. Il est aus­si par­ti­cu­liè­re­ment frap­pant que la même petite bande de hauts fonc­tion­naires, la plu­part d’entre eux issus de la com­mu­nau­té du ren­sei­gne­ment de l’Ouest (donc amé­ri­cain), étaient au centre du sou­tien appor­té à trois des plus impor­tants groupes d’élites trans­na­tio­nales appa­rus dans les années 50 : le Mou­ve­ment euro­péen, le groupe Bil­der­berg et le ‹Comi­té d’action Jean Mon­net pour les Etats-Unis d’Europe› (CAEUE). Fina­le­ment, à une époque où les anti-fédé­ra­listes bri­tan­niques voyaient dans une ‹rela­tion spé­ciale› pro­lon­gée avec les Etats-Unis une alter­na­tive (et peut-être un refuge) au fédé­ra­lisme euro­péen, il est iro­nique que des ini­tia­tives fédé­ra­listes euro­péennes aient été sou­te­nues par un appui américain ».

      Il y a encore bien plus à lire dans ce mor­ceau explo­sif de recherche scien­ti­fique : (Richard J. Aldrich (1997), « OSS, CIA and Euro­pean uni­ty : The Ame­ri­can com­mit­tee on Uni­ted Europe, 1948–60 », Diplomacy?&?Statecraft, 8(1), pp. 184–227, en ligne sur : http://​www​.tand​fon​line​.com/​d​oi/ abs/10.1080/09592299708406035#.V2exrU36voo)

      Résultats importants de la recherche scientifique

      Ambrose Evans-Prit­chard, jour­na­liste bri­tan­nique et ancien cor­res­pon­dant à Bruxelles, a été le seul jour­na­liste à com­men­ter ces résul­tats de recherches uni­ver­si­taires dans deux articles parus en 2000 et 2007 :

      « Des docu­ments déclas­si­fiés amé­ri­cains montrent que la com­mu­nau­té du ren­sei­gne­ment amé­ri­cain a mené une cam­pagne dans les années cin­quante et soixante pour créer une dyna­mique en faveur d’une Europe unie […]. Le ren­sei­gne­ment amé­ri­cain ali­men­tait secrè­te­ment les fonds du Mou­ve­ment euro­péen, à hau­teur de plus de la moi­tié de son bud­get. Cer­tains des pères fon­da­teurs de l’Europe émar­geaient sur la liste des sala­riés américains […].

      Les docu­ments confirment les soup­çons, émis à l’époque, que l’Amérique déployait en cou­lisses d’énormes efforts pour pous­ser la Grande-Bre­tagne vers un Etat euro­péen. N’oublions pas que les Fran­çais ont dû être traî­nés à leur corps défen­dant à la table des négo­cia­tions fédé­ra­listes au début des années cin­quante. Eisen­ho­wer mena­ça d’interrompre le plan Mar­shall si Paris n’embrassait et ne fai­sait pas la paix avec Ber­lin. Le Fran­çais Jean Mon­net, tête pen­sante de l’UE, pas­sait pour un agent amé­ri­cain – ce qu’en fait, il était. Mon­net était l’homme-à-tout-faire de Roo­se­velt en Europe pen­dant la guerre et orches­tra les efforts (ratés) des Amé­ri­cains pour empê­cher de Gaulle de prendre le pouvoir.

      Un mémo daté du 26 juillet 1950 donne des ins­truc­tions pour une cam­pagne de pro­mo­tion d’un par­le­ment euro­péen à part entière. Il est signé du géné­ral William Dono­van, chef du bureau amé­ri­cain des ser­vices stra­té­giques en temps de guerre, pré­cur­seur de la CIA. […] L’outil prin­ci­pal de Washing­ton dans le façon­nage de l’agenda euro­péen était le ‹Comi­té amé­ri­cain pour une Europe unie›, créé en 1948. Son pré­sident était Dono­van, opé­rant à l’époque pré­ten­du­ment en tant qu’avocat pri­vé. Le vice-pré­sident était Allan Dulles, le direc­teur de la CIA dans les années cin­quante. Le Conseil incluait Wal­ter Bedell Smith, le pre­mier direc­teur de la CIA et un fichier d’ex-personnalités et autres res­pon­sables de l’OSS qui entraient et sor­taient de la CIA. Les docu­ments montrent que le CAEUE finan­çait le Mou­ve­ment euro­péen, l’organisation fédé­ra­liste la plus impor­tante des années d’après-guerre. En 1958, par exemple, il était à l’origine de 53,5% des fonds du mou­ve­ment. La ‹Cam­pagne euro­péenne pour la jeu­nesse›, une branche du Mou­ve­ment euro­péen, était entiè­re­ment finan­cée et contrô­lée par Washington.

      « Hommes de main des sponsors américains »

      Les lea­ders du Mou­ve­ment euro­péen – Retin­ger, le vision­naire Robert Schu­man et l’ancien Pre­mier ministre belge Paul-Hen­ri Spaak – étaient tous consi­dé­rés comme des hommes de main par leurs spon­sors amé­ri­cains. Le rôle des Etats-Unis était géré comme une opé­ra­tion secrète. Le finan­ce­ment de le CAEUE venait des fon­da­tions Ford et Rocke­fel­ler ain­si que d’entreprises com­mer­ciales en liai­son avec le gou­ver­ne­ment américain.

      Le chef de la Fon­da­tion Ford, l’ancien offi­cier de l’OSS Paul Hoff­man, ser­vait éga­le­ment de direc­teur de le CAEUE à la fin des années cin­quante. Le Dépar­te­ment d’Etat jouait lui aus­si un rôle. Un mémo de la Sec­tion euro­péenne, daté du 11 juin 1965, enjoint Robert Mar­jo­lin, vice-pré­sident de la Com­mu­nau­té éco­no­mique euro­péenne, de pour­suivre en secret l’union monétaire.

      Il recom­mande de sup­pri­mer les débats jusqu’à ce que « l’adoption de ces pro­po­si­tions devienne vir­tuel­le­ment incontournable ».

      Cin­quante ans après le Trai­té de Rome, les archi­tectes de la poli­tique amé­ri­caine de l’après-guerre seraient assez contents, je pense, s’ils pou­vaient reve­nir aujourd’hui. […]»

      (Extrait de : Ambrose Evans-Prit­chard, « Euro-fede­ra­lists finan­ced by US spy chiefs », « The Dai­ly Tele­graph », 19/9/2000 ;http://​www​.tele​graph​.co​.uk/​n​e​w​s​/​w​o​r​l​d​n​e​ws/ europe/1356047/Euro-federalists-financed-by-US-spy-chiefs.html et Ambrose Evans-Prit­chard, « The scare of a super­state has pas­sed, but do we want to lose the EU alto­ge­ther ? », « The Dai­ly Tele­graph », 7/4/07).

      Il n’y a donc pas à s’étonner si M. Evans-Prit­chard en arrive main­te­nant à la conclu­sion qu’il vote­ra pour le Brexit:www.telegraph. co​.uk/​b​u​s​i​n​e​s​s​/​2​0​1​6​/​0​6​/​1​2​/​b​r​e​x​i​t​-​v​o​t​e​-​i​s​-​a​b​o​u​t​-​t​h​e​-​s​u​p​r​e​m​a​c​y​-​o​f​-​p​a​r​l​i​a​m​e​n​t​-​a​n​d​-​n​o​t​h​i​n​g​-​e​ls/

      L’UE – le produit d’une importante opération des services secrets américains

      La révé­la­tion que l’UE est le pro­duit d’une impor­tante opé­ra­tion des ser­vices secrets amé­ri­cains – en fait juste un leurre secret de plus, créé par la CIA (occu­pant la place d’honneur dans le musée des hor­reurs qui com­prend des opé­ra­tions sous fausse ban­nière, des inva­sions, des coups d’Etat et l’implantation d’organisations telles qu’al-Qaïda et Daech) – résout le troi­sième mys­tère, c’est-à-dire com­ment diable les pré­ten­dues nations démo­cra­tiques d’Europe ont pu conce­voir une telle struc­ture anti-démo­cra­tique, vir­tuel­le­ment dic­ta­to­riale. Avec l’UE/ Etats-Unis d’Europe, les Etats-Unis non seule­ment atteignent leur but géos­tra­té­gique en Europe, mais éli­minent éga­le­ment ces aga­çants Par­le­ments natio­naux qui peuvent à l’occasion se mettre en tra­vers du che­min de la poli­tique étran­gère des Etats-Unis ou de la CIA. Et une autre énigme est réso­lue, celle de la rai­son qui a pous­sé l’UE à répondre si promp­te­ment à une requête amé­ri­caine d’il y a quelques années, afin que les agences d’espionnage amé­ri­caines aient accès à tous les cour­riels et appels télé­pho­niques en Europe …

      Elimination de la souveraineté et soumission aux intérêts américains

      Un vote pour res­ter dans l’UE est donc un vote des­ti­né à abo­lir le Royaume-Uni en tant qu’Etat sou­ve­rain et à l’incorporer aux – anti­dé­mo­cra­tiques – Etats-Unis d’Europe que les élites euro­péennes sont en train de construire sous tutelle amé­ri­caine. Que les citoyens euro­péens – et semble-t-il même les poli­ti­ciens euro­péens – ne soient pas ou peu consul­tés pour les déci­sions-clés euro­péennes, on peut s’en aper­ce­voir dans l’attitude de plus en plus agres­sive de l’OTAN envers la Rus­sie (L’OTAN, basée à Bruxelles, étant pour l’UE sa branche mili­taire, ouver­te­ment sous contrôle amé­ri­cain) et dans les sanc­tions uni­la­té­rales envers la Rus­sie que les Etats-Unis peuvent tout sim­ple­ment ordon­ner aux Euro­péens d’appliquer (entrai­nant ain­si des pertes signi­fi­ca­tives en termes de reve­nus et d’emplois en Europe, dans le même temps qu’elles ren­forcent les inté­rêts com­mer­ciaux américains).

      Les poli­tiques d’immigration en sont un autre exemple. Si les Etats-Unis ont consi­dé­ré par le pas­sé les popu­la­tions euro­péennes, lar­ge­ment homo­gènes, comme une source poten­tielle de résis­tance locale à leurs pro­jets pour l’Europe, alors leur poli­tique – ten­dant à les rem­pla­cer par des sortes de « mel­ting pots » bal­ka­ni­sés et avor­tés – prend tout son sens.

      En 1995, la Nor­vège a voté au sujet de son adhé­sion à l’UE. Les par­tis au pou­voir étaient tous en faveur de cette adhé­sion. Les grands groupes inter­na­tio­naux, les banques cen­trales, les prin­ci­paux médias et les ani­ma­teurs TV har­ce­lèrent et flat­tèrent alter­na­ti­ve­ment et fré­né­ti­que­ment les élec­teurs nor­vé­giens pour qu’ils votent « oui ». Ceux-ci res­tèrent sur leurs posi­tions et votèrent « non ». La Nor­vège s’en est très bien tirée. Et le Royaume-Uni s’en tire­ra encore mieux.

      Source : https://professorwerner.wordpress. com/2016/06/21/eu-basics-your-guide-to-the-uk-refe­ren­dum-on-eu-mem­ber­ship/

      (Tra­duc­tion Hori­zons et débats)

      Source : Hori­zons et débats

      hd. En lien avec l’UE, le terme « fédé­ra­liste » a un sens spé­ci­fique et exprime en pre­mière ligne la remise crois­sante des droits sou­ve­rains des Etats-nations à la cen­trale bruxelloise.

      Richard A. Wer­ner est Alle­mand et spé­cia­li­sé en sciences éco­no­miques et pro­fes­seur en sys­tème ban­caire inter­na­tio­nal. En 1989, il ter­mine ses études uni­ver­si­taires à la Lon­don School of Eco­no­mics, puis il obtient son doc­to­rat en éco­no­mie poli­tique (notam­ment éco­no­mie et sys­tème ban­caire du Japon) à l’Université d’Oxford. Dès 1990, il pour­suit des études à l’Université de Tokyo à l’institut de recherche sur la créa­tion de capi­taux de la Banque de déve­lop­pe­ment japo­naise. Puis suivent diverses acti­vi­tés au Japon et auprès de la banque de déve­lop­pe­ment asia­tique. Il publie en 2001 ses ana­lyses sur les des­sous de la crise japo­naise dans un livre inti­tu­lé « Princes of the Yen » qui ren­con­tra un vif suc­cès. En 2004, Richard Wer­ner obtint une chaire à l’Université de Sou­thamp­ton en Angle­terre. Actuel­le­ment, il est pro­fes­seur en sys­tème ban­caire inter­na­tio­nal et direc­teur du dépar­te­ment pour le déve­lop­pe­ment inter­na­tio­nal et direc­teur (fon­da­teur) du « Centre for Ban­king, Finance and Sus­tai­nable Deve­lop­ment ». Il a sou­vent aus­si des enga­ge­ments en tant que pro­fes­seur invi­té à l’Université Johann Wolf­gang Goethe de Franc­fort. M. Wer­ner est éga­le­ment membre fon­da­teur de Local First CIC, une entre­prise d’utilité publique pré­pa­rant l’introduction de banques locales en Angle­terre selon le modèle des caisses d’épargne et des banques coopé­ra­tives allemandes.

      Réponse
  2. etienne

    Derek Sivers :
    Com­ment démar­rer un mouvement ?

    Réponse
  3. etienne

    Namibie. Les miracles du revenu minimum garanti

    Une photo tirée du rapport sur l’expérience menée en Namibie

    Dans le cadre d’un pro­jet pilote, les habi­tants d’un vil­lage déshé­ri­té ont reçu chaque mois l’équivalent de 10 euros. Deux ans plus tard, le bilan est vrai­ment posi­tif, se féli­cite Her­bert Jauch, le res­pon­sable du programme.

    http://​www​.cour​rie​rin​ter​na​tio​nal​.com/​a​r​t​i​c​l​e​/​2​0​1​0​/​0​4​/​2​9​/​l​e​s​-​m​i​r​a​c​l​e​s​-​d​u​-​r​e​v​e​n​u​-​m​i​n​i​m​u​m​-​g​a​r​a​nti

    On débat dans de nom­breux pays de l’instauration d’un reve­nu mini­mum garan­ti (RMG) qui ne soit assor­ti d’aucune condi­tion contrai­gnante. Pour­quoi la Nami­bie a‑t-elle pris les devants avec ce pro­jet pilote ?

    HERBERT JAUCH La Com­mis­sion d’orientation natio­nale a, dès 2002, recom­man­dé le ver­se­ment d’un reve­nu mini­mum à tous les citoyens pour mieux s’attaquer aux inéga­li­tés sociales. La Nami­bie est, selon les Nations unies, le pays qui pré­sente les plus grands écarts de reve­nus au monde. Comme le gou­ver­ne­ment n’a pu se déci­der à ins­tau­rer un RMG, les Eglises et les syn­di­cats ont lan­cé un pro­jet pilote.

    Pour­quoi avoir choi­si le petit ­vil­lage d’Otjivero ?

    Nous vou­lions un endroit dans lequel il ne se pas­se­rait rien pen­dant au moins deux ans : pas de pro­gramme de créa­tion d’emplois, pas de pro­jet d’aide au déve­lop­pe­ment, pas de ren­trées finan­cières. Il ne devait y avoir que le reve­nu mini­mum, soit 100 dol­lars nami­biens (envi­ron 10 euros) par per­sonne et par mois. Otji­ve­ro avait l’air d’être dans une situa­tion tel­le­ment déses­pé­rée que nous avons pen­sé au début que le RMG ne ser­vi­rait pas à grand-chose, hor­mis une légère réduc­tion de la pauvreté.

    Rece­voir de l’argent sans condi­tion, sans tra­vailler, est-ce que cela peut faire bou­ger les choses ?

    Ce sont des pré­ju­gés aux­quels nous nous heur­tons en per­ma­nence. Si les gens d’Otjivero ne tra­vaillent pas, ce n’est pas parce qu’ils sont pares­seux mais tout sim­ple­ment parce qu’il n’y a pas de tra­vail. Le fait est qu’ils n’ont pas dépen­sé cet argent pour s’acheter de l’alcool et qu’ils ne l’ont pas dila­pi­dé pour rien.

    Qu’en ont-ils fait ?

    Nous avons pu obser­ver une chose sur­pre­nante. Une femme s’est mise à confec­tion­ner des petits pains ; une autre achète désor­mais du tis­su et coud des vête­ments ; un homme fabrique des briques. On a vu tout d’un coup toute une série d’activités éco­no­miques appa­raître dans ce petit vil­lage. Cela montre clai­re­ment que le reve­nu mini­mum ne rend pas pares­seux mais ouvre des perspectives.

    Vous auriez pu par­ve­nir au même résul­tat avec des micro­cré­dits ciblés.

    Contrai­re­ment aux micro­cré­dits et à beau­coup de pro­grammes d’aide au déve­lop­pe­ment clas­siques, le reve­nu mini­mum a un impact non seule­ment sur la pro­duc­tion, mais aus­si sur la demande. En Afrique, le pou­voir d’achat se concentre en géné­ral dans quelques centres, ce qui force les gens à quit­ter les cam­pagnes pour les villes, où les bidon­villes finissent par s’étendre. Le RMG per­met à des régions rurales de se déve­lop­per, il crée des mar­chés locaux et per­met aux gens d’être autosuffisants.

    Quels effets avez-vous pu consta­ter à Otji­ve­ro ?

    Le nombre de per­sonnes vivant au-des­sous du seuil de pau­vre­té est pas­sé de 76 à 37 %. Avant l’expérience, près de la moi­tié des enfants étaient sous-ali­men­tés, aujourd’hui ils sont moins de 10 % ; 90 % finissent leur sco­la­ri­té, avant, ils n’étaient que 60 %. Et la cri­mi­na­li­té a baissé.

    Pour­quoi deman­dez-vous la créa­tion d’un RMG pour tous les Nami­biens et pas seule­ment pour les pauvres ?

    Cela deman­de­rait beau­coup trop de tra­vail et coû­te­rait beau­coup trop cher de véri­fier les besoins de cha­cun. De plus, il ne faut pas péna­li­ser les gens qui ont trou­vé un tra­vail ou qui se sont construit une exis­tence. Celui qui gagne bien sa vie et qui est riche reverse le RMG à l’Etat par ses impôts.

    La Nami­bie pour­rait-elle se per­mettre de ver­ser un reve­nu mini­mum à tous ses habitants ?

    La Com­mis­sion d’orientation l’a cal­cu­lé depuis long­temps. Le RMG coû­te­rait 5 à 6 % du bud­get natio­nal. Pour le finan­cer, il fau­drait rele­ver légè­re­ment le taux maxi­mum d’imposition, qui est de 34 % actuel­le­ment, et la taxe sur le chiffre d’affaires. Le gou­ver­ne­ment pour­rait éga­le­ment intro­duire des pré­lè­ve­ments sur les expor­ta­tions de matières pre­mières et lut­ter contre l’évasion fiscale.

    Mais le ver­se­ment du RMG serait très lourd à gérer.

    Bien au contraire ! Les coûts de ges­tion repré­sentent envi­ron 10 %. A Otji­ve­ro, nous avons uti­li­sé des cartes à puce per­son­nelles pour l’identification des inté­res­sés et ça s’est très bien pas­sé. Et la poste nami­bienne affirme qu’il serait ren­table pour elle d’ouvrir un bureau dans chaque ville en cas d’instauration du RMG. Même avec deux retraits d’argent sans frais par mois, ça vau­drait encore le coup.

    Qu’est-ce qui empêche la Nami­bie d’introduire le RMG ?

    Le gou­ver­ne­ment n’est pas encore tout à fait convain­cu. Notre ministre de l’Economie a com­pris que le reve­nu mini­mum consti­tuait un ins­tru­ment simple et bon mar­ché pour chan­ger les choses. Il y a cepen­dant des résis­tances du côté du minis­tère des Finances et de notre Pre­mier ministre, qui émet encore des réserves.

    L’expérience menée à Otji­ve­ro n’a‑t-elle donc pas convaincu ?

    La pres­sion exer­cée par le Fonds moné­taire inter­na­tio­nal (FMI) n’est pas sans effet en Nami­bie. Le FMI a pré­sen­té des chiffres erro­nés sur le coût du RMG. Il prend par exemple en compte les plus de 60 ans, alors qu’ils ne sont pas concer­nés par leRMG. Il craint que la Nami­bie démontre que le RMG fonc­tionne. Ce sys­tème devien­drait alors très inté­res­sant pour des pays comme le Bré­sil et l’Inde.

    Com­ment réagis­sez-vous à cela ?

    Nous fai­sons le tour du pays avec des gens d’Otjivero pour qu’ils racontent leur his­toire. Et nous sommes sou­te­nus par­tout ! Nous espé­rons pou­voir arri­ver à nos fins dans le cou­rant de l’année pro­chaine. L’important, c’est que la pres­sion de la base soit forte. Quand les élec­teurs l’exigeront, la SWAPO, le par­ti au pou­voir, ne pour­ra plus dire que ça ne l’intéresse pas.

    Tobias Schwab
    Réponse
  4. Eve

    Bon jour !
    On aurait bien toutes les rai­sons de ne pas faire confiance au FMI , les men­songes font par­tie de leur quo­ti­dien et l’é­man­ci­pa­tion des peuples ne sont sûre­ment pas leurs objec­tifs prio­ri­taires ! Mais bon sang , ce que cette
    réus­site serait géniale ! Ajou­ter à cela , un déve­lop­pe­ment agri­cole à la manière de Pierre Rha­bi , si ce n’est déjà fait , pro­dui­rait l’é­tin­celle de pos­sibles foyers ins­truits et « consti­tuants » , même si ce n’est pas pour demain matin !
    Mer­ci pour ce regain d’espoir !
    Bonne jour­née de 15 Août

    Réponse
  5. etienne

    [Des nou­velles (ça va bien mer­ci) de la plou­to­cra­tie, régnant sur terre depuis que les mar­chands (à com­men­cer par les mar­chands d’argent) ont pris le contrôle des consti­tu­tions, et donc du droit, et donc de tout le reste] 

    Pour­quoi le Brexit n’a pas désta­bi­li­sé les mar­chés financiers

    « En Bourse, le Brexit n’a pas été le tsu­na­mi redou­té. On est très loin de la catas­trophe que tout le monde atten­dait après la déci­sion du Royaume-Uni de quit­ter l’Union euro­péenne [UE]. »
    C’est ce que constate Hugues de Mont­va­lon, res­pon­sable de la recherche à Oddo Banque privée.

    […] ces inquié­tudes ont été « neu­tra­li­sées » par une nou­velle injec­tion mas­sive de liqui­di­tés. Une nou­velle fois, les banques cen­trales ont mon­tré qu’elles étaient prêtes à tout pour évi­ter un scé­na­rio catastrophe.

    La Banque d’Angleterre (Bank of England, BOE) a ain­si abais­sé ses taux direc­teurs et a réac­ti­vé son pro­gramme d’assouplissement moné­taire (« quan­ti­ta­tive easing »), tan­dis que la Banque cen­trale euro­péenne (BCE) éten­dait son propre pro­gramme de rachat d’actifs. De même, l’atmosphère s’est déten­due à Wall Street depuis que la Réserve fédé­rale amé­ri­caine (Fed) a lais­sé entendre qu’il n’y aurait pas de relè­ve­ment de taux avant l’élection pré­si­den­tielle de novembre. « Une confi­gu­ra­tion idéale pour les inves­tis­seurs en actions », estime Isa­belle Mateos y Lago, direc­trice géné­rale du Bla­ckRock Invest­ment Institute.

    La poli­tique accom­mo­dante de la Fed dope arti­fi­ciel­le­ment le prix des actifs risqués.

    […]

    « Les inves­tis­seurs n’ont pas le choix »

    En abais­sant tou­jours davan­tage les taux d’intérêt, les ban­quiers cen­traux de la pla­nète obligent les inves­tis­seurs à prendre des risques. C’est-à-dire à délais­ser les obli­ga­tions d’Etat, qui ne rap­portent plus rien, voire coûtent de l’argent, au pro­fit des actions.

    […]

    Les flux d’argent s’orientent vers les der­niers actifs qui pro­curent encore du rendement. […]

    [etc.]

    Source : Le Monde 

    http://​www​.lemonde​.fr/​e​c​o​n​o​m​i​e​/​a​r​t​i​c​l​e​/​2​0​1​6​/​0​8​/​1​6​/​p​o​u​r​q​u​o​i​-​l​e​-​b​r​e​x​i​t​-​n​-​a​-​p​a​s​-​d​e​s​t​a​b​i​l​i​s​e​-​l​e​s​-​m​a​r​c​h​e​s​-​f​i​n​a​n​c​i​e​r​s​_​4​9​8​3​1​7​6​_​3​2​3​4​.​h​tml

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    Réponse
  6. binnemaya

    Salut Etienne et les autres,
    Une petite vidéo excel­lente de Keny Arkana

    Un Autre Monde Possible :

    Réponse
  7. joss

    Je suis tom­bé sur une perle :
    « le fond de l’air est rouge »


    Le fond de l’air est rouge : 1 – Les Mains… par Snanf

    Ce film/documentaire montre que les luttes, les révo­lu­tions, les guerres depuis la der­nière guerre mon­diale (et avant si on veut) n’ont jamais rien chan­gé à notre sou­mis­sion aux gens de pou­voir. Nous n’a­vons fait que repro­duire les échelles hié­rar­chiques de domi­nance à tra­vers le temps.

    1. https://www.dailymotion.com/video/x11eekv_le-fond-de-l-air-est-rouge-1-les-mains-fragiles‑1–2_news

    2. https://www.dailymotion.com/video/x11eewv_le-fond-de-l-air-est-rouge-1-les-mains-fragiles‑2–2_news

    3. https://www.dailymotion.com/video/x11ef4t_le-fond-de-l-air-est-rouge-2-les-mains-coupees‑2–1_news

    4. https://www.dailymotion.com/video/x11ef5n_le-fond-de-l-air-est-rouge-2-les-mains-coupees‑2–2_news

    De CHE GUEVARA à Rudi DUTSCHKE, de LENINE à MAO, de Cha­ronne à la rue de Gay-Lus­sac, de Cuba à San­tia­go, « Le fond de l’air est rouge » retrace la mon­tée puis la retom­bée des uto­pies révo­lu­tion­naires dans les années 60 et 70. Extra­or­di­naire mon­tage d’ar­chives, ce film culte de Chris MARKER à été dif­fu­sé sur ARTE le 31/05/1996. En trois heures et en deux par­ties : « Les mains fra­giles » et « Les mains cou­pées », Chris MARKER pro­pose une lec­ture de l’his­toire à tra­vers un enchaî­ne­ment d’i­mages dont le sens peu à peu se dévoile.

    Des images fortes, san­glantes, iro­niques, bou­le­ver­santes, drôles. Et instructives. 

    Cris­tal­li­sé par la guerre du Viet­nam, un souffle de contes­ta­tion se pro­page d’un conti­nent à l’autre.
    Les trames de la petite et de la grande his­toire se superposent.

    Réponse
  8. etienne

    Pensée d’un libéral – Joseph Townsend

    « La faim appri­voi­se­ra les ani­maux les plus féroces, elle appren­dra la décence et la civi­li­té, l’obéissance et la sujé­tion aux plus per­vers. En géné­ral, la faim seule peut épe­ron­ner et aiguillon­ner [les pauvres] pour les faire tra­vailler ; et pour­tant nos lois ont dit qu’ils ne doivent jamais avoir faim. Les lois, il faut l’avouer, ont dit, aus­si bien, qu’ils doivent être for­cés à travailler. 

    Mais alors la contrainte de la loi est accom­pa­gnée de beau­coup de troubles, de vio­lence et de bruit, elle engendre la mau­vaise volon­té et ne peut jamais être pro­duc­trice d’un ser­vice bon et accep­table, alors que la faim n’est pas seule­ment un moyen de pres­sion paci­fique, silen­cieux, inces­sant, mais, comme elle est le mobile le plus natu­rel d’assiduité et de tra­vail, elle pro­voque les efforts les plus puis­sants, et, quand elle est satis­faite par la liber­té d’autrui, elle pose des fon­da­tions durables et sûres pour la bonne volon­té et la gra­ti­tude. L’esclave doit être for­cé à tra­vailler, mais l’homme libre doit être lais­sé à son propre juge­ment et à sa dis­cré­tion, il doit être pro­té­gé dans la pleine jouis­sance de son bien, que ce soit beau­coup ou peu ; et puni quand il enva­hit la pro­prié­té de son voi­sin. »

    A dis­se­ta­tion on poor laws, 1786
    Joseph Town­send

    « Cet homme a fait par­tie des pen­seurs impor­tants du libé­ra­lisme au XVIIIème.

    De par son rai­son­ne­ment il a contri­bué au déve­lop­pe­ment de la phi­lo­so­phie libé­rale en s’appuyant sur l’idée que l’homme n’est qu’un ani­mal et qu’il doit donc être sou­mis aux lois de la jungle.

    Jus­ti­fiant ain­si la mise en place d’un sys­tème où ceux qui n’ont pas été élus par la nature, les pauvres, doivent être for­cés au tra­vail par la faim.
    Cette pen­sée sera recon­nue comme valide et sou­te­nue par les gens de pou­voir, sou­cieux de vivre dans le par­fait petit bas­tion du libé­ra­lisme et de son ordre social.

    Une hypo­cri­sie folle dans laquelle sont tom­bés nos oli­garques qui veulent nous faire croire que c’est la nature qui rend légi­time et pré­fé­rable ce type d’organisation. »

    http://​karu​gi​do​.fr/​i​n​d​e​x​.​p​h​p​/​2​0​1​6​/​0​8​/​2​6​/​p​e​n​s​e​e​-​d​u​n​-​l​i​b​e​r​a​l​-​j​o​s​e​p​h​-​t​o​w​n​s​e​nd/

    Réponse

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Chers amis, Je récapitule, sur ma chaîne et dans ce billet, les vidéos que j'ai conçues et publiées pour Une Nôtre Histoire pour faire le point sur la démocratie et les institutions, en insistant évidemment sur l'importance prioritaire d'un processus constituant...