L’autorité, analysée par Yann Martin (EM Strasbourg)

9/05/2016 | 42 commentaires

Je vous recom­mande cette confé­rence sur l’au­to­ri­té (et les pou­voirs, les abus de pou­voir, les ruses des pou­voirs, etc.), abso­lu­ment pas­sion­nante d’un bout à l’autre :

Yann Mar­tin : l’autorité

Ça s’é­coute et se réécoute le crayon à la main.

Il fau­drait retrans­crire les meilleures for­mules, et les publier ici en com­men­taires, pour nous aider à les digé­rer ensemble.

Toutes ces clefs nous ser­vi­ront sans doute, dans notre appren­tis­sage popu­laire des dif­fé­rentes façons d’or­ga­ni­ser et de limi­ter les pouvoirs.

Hâte de vous lire à ce propos 🙂

Étienne.

Fil Face­book cor­res­pon­dant à ce billet :
https://​www​.face​book​.com/​e​t​i​e​n​n​e​.​c​h​o​u​a​r​d​/​p​o​s​t​s​/​1​0​1​5​4​1​7​9​2​7​9​5​7​7​317

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[Edit (8 juillet 2016) : Anne nous a retrans­crit toute la confé­rence (quel boulot !!!):

L’autorité

Yann Mar­tin

Je vous pro­pose de com­men­cer par un lieu com­mun en vous rap­pe­lant qu’en phi­lo­so­phie il est tou­jours de bon ton de com­men­cer par le plus simple, quitte à inter­ro­ger à par­tir de là ce qui pour­rait res­sem­bler à des lieux com­muns, à des cli­chés, et à des idées reçues. Il se trouve que ça tombe bien avec le thème de l’autorité parce que les idées reçues sur l’autorité ça ne manque pas.

Le lieu com­mun le plus clas­sique c’est celui qui consiste à affir­mer que nous tra­ver­sons aujourd’hui une crise de l’autorité qui serait même pour cer­tains, une crise majeure, et pour les plus alar­mistes une crise sans pré­cé­dent, et que cette crise de l’autorité se mani­fes­te­rait en par­ti­cu­lier à tra­vers quelques vic­times qui en subi­raient des dom­mages col­la­té­raux : Les poli­tiques, les prêtres, les enseignants…

S’il est vrai que nous tra­ver­sons aujourd’hui quelque chose qui est une crise d’autorité, cette crise ne date pas d’hier. Je vou­drais vous rap­pe­ler à pro­pos de Nietzche qui écri­vait déjà dans le cré­pus­cule des idoles : On se croit en dan­ger d’esclavage dès que le mot auto­ri­té se fait seule­ment entendre.  Ca veut dire qu’on est dans la deuxième moi­tié du 19ième siècle et que Nietzche fin obser­va­teurs des mœurs de son temps, remarque déjà le pro­blème avec le mot lui-même qui est deve­nu insup­por­table aux oreilles de ses contemporains.

Cette crise d’autorité dont je ne nie pas le carac­tère contem­po­rain, se mani­feste d’une double façon :

  • d’abord par une sorte de mise à mal des hié­rar­chies. La hié­rar­chie au sens éty­mo­lo­gique c’est le pou­voir en ce qu’il a de sacré (hié­ros en grec : le sacré / arché : le pou­voir). Or s’il y a une chose qui semble rela­ti­ve­ment claire c’est que la reven­di­ca­tion d’autonomie qui est une com­po­sante de la pen­sée occi­den­tale, a pro­duit une mise à mal des hié­rar­chies, qui aujourd’hui n’ont plus grand-chose de hié­ros, qui n’ont plus grand-chose de sacré. Elles nous semblent si peu sacrées, si peu légi­ti­mables qu’elles semblent sou­vent au contraire à la fois oppres­sives et arbi­traires. Là où il y aurait des hié­rar­chies, nom­breux sont ceux qui ne voient qu’oppression, exer­cices arbi­traires du pouvoir.
  • La deuxième mani­fes­ta­tion de cette crise de l’autorité tien­drait peut-être dans la manière dont nous pen­sons aujourd’hui l’égalité, comme si la seule éga­li­té qui vaille était une éga­li­té pure­ment hori­zon­tale sans la moindre dis­sy­mé­trie. Cette idée sans doute fausse que là où il y a des hié­rar­chies, là où il y a des subor­don­nées c’est l’égalité elle-même qui serait mise à mal. Or il y a là sans doute une mau­vaise concep­tion de l’égalité, une fausse repré­sen­ta­tion de l’égalité, mais qui explique en par­tie le dis­cré­dit qui affecte aujourd’hui la ques­tion de l’autorité.

En même temps ce qu’il y a de bien dans une crise c’est que ça per­met de voir un peu mieux ce qu’on voyait très mal aupa­ra­vant. Tant que l’autorité fonc­tionne, dans les socié­tés tra­di­tion­nelles, on n’a pas à se deman­der ce qu’est l’autorité, on n’a pas à se deman­der ce qu’est le pou­voir, on n’a pas à se deman­der ce qu’est le sacré, on n’a pas à se deman­der ce qu’est une hié­rar­chie, quand il n’y a pas de pro­blème ça va de soi. L’avantage d’une crise c’est que ça nous oblige à pen­ser ce que d’ordinaire nous ne pen­sons pas et ça nous oblige à nous deman­der : mais qu’est ce qu’il en est  de cette auto­ri­té qui nous semble aujourd’hui, à tort ou à rai­son, dans une situa­tion critique ?

Et cette crise d’autorité mani­feste déjà quelque chose, elle nous fait décou­vrir que le pou­voir ne suf­fit pas à ordon­ner la socié­té. Parce que le pou­voir ça existe tou­jours, ça a tou­jours exis­té. S’il y a crise de l’autorité aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’il y aurait défaut de pou­voir mais cette crise de l’autorité se mani­feste jus­te­ment quand ceux qui sont sen­sés avoir le pou­voir ne sont plus en mesure de l’exercer de manière effi­cace ou quand leur légi­ti­mi­té dans l’exercice de leur pou­voir, se trouve contestée. 

Mais si la crise de l’autorité se mani­feste lorsqu’est remise en ques­tion la légi­ti­mi­té du pou­voir, ça nous fait décou­vrir que le pou­voir ne suf­fit pas à ordon­ner, le mot « ordon­ner » est à entendre avec une oreille décras­sée, ordon­ner ce n’est pas seule­ment com­man­der, ce n’est pas seule­ment don­ner un ordre, bien sur que tout pou­voir est pou­voir d’ordonner, seul celui qui a le pou­voir peut don­ner l’ordre de faire quelque chose. Mais ordon­ner, dans un sens plus cou­rant, plus modeste, c’est mettre en ordre, c’est mettre de l’ordre. Et cette crise de l’autorité qui mani­feste une cer­taine impuis­sance du pou­voir,  nous montre que quand le pou­voir est nu, quand le pou­voir est brut, quand il est aban­don­né à lui-même, quand il n’est rien d’autre que le pou­voir, il échoue aus­si bien à mettre de l’ordre qu’à don­ner des ordres.

Le pou­voir ne suf­fit pas à l’autorité et il y a une consé­quence que vous pou­vez déga­ger immé­dia­te­ment, c’est que l’autorité c’est autre chose que le pou­voir. Non seule­ment l’autorité c’est autre chose que le pou­voir mais il semble bien qu’elle puisse par­fois se pas­ser de lui et qu’on puisse par­ler avec auto­ri­té alors même qu’on n’a qua­si­ment aucun pou­voir. Vous connais­sez peut-être une parole qui revient sou­vent dans les évan­giles, on dit que Jésus par­lait avec auto­ri­té, je ne sais pas quelle est cette auto­ri­té par­ti­cu­lière qu’on lui attri­but mais elle n’est pas l’autorité de quelqu’un qui serait doté d’un pouvoir.

Si je pour­suis ma réflexion, je vou­drais aus­si vous mettre en garde contre un risque de mal­en­ten­du, c’est que ce sub­stan­tif « auto­ri­té » est sen­sé cor­res­pondre à un adjec­tif qui est « auto­ri­taire ».  On serait ten­té de dire ce n’est pas com­pli­qué, est auto­ri­taire celui qui a de l’autorité, il suf­fit que je le dise pour que vous vous ren­diez compte que ce n’est abso­lu­ment pas vrai. L’autoritaire est peut-être celui qui a si peu d’autorité qu’il est obli­gé de la sur-jouer, qu’il est obli­gé d’en rajou­ter et qu’il se retrouve par consé­quent dans une pos­ture faus­sée . L’autorité véri­table pour­rait être ce qui me dis­pen­se­rait d’avoir à être auto­ri­taire, ça veut dire aus­si que l’autorité véri­table n’est pas à cher­cher du côté des auto­ri­taires, elle est sans doute à cher­cher ailleurs.

Pour com­prendre de quoi il s’agit il nous fau­dra dis­tin­guer ce que nous sommes par­fois ten­tés de confondre. Je n’arrête pas de dire depuis des années que la phi­lo­so­phie c’est d’abord l’art de mettre de l’ordre dans les concepts et de dis­tin­guer ce que le dis­cours com­mun tente à confondre. Quand on com­mence à ordon­ner, à mettre de l’ordre, à dis­tin­guer, on com­mence à y voir plus clair et on peut com­men­cer à s’entendre parce qu’on mul­ti­plie les chances d’être d’accord sur ce dont on parle.

Or jus­te­ment ce qu’on risque de confondre ici c’est trois notions : Le pou­voir, la puis­sance et l’autorité. En pro­dui­sant ces dis­tinc­tions on va peut-être se don­ner les moyens de com­men­cer à y voir un peu clair.

  • Le pou­voir (je reprends la défi­ni­tion de Julien Freund, phi­lo­sophe et socio­logue) c’est le com­man­de­ment struc­tu­ré socia­le­ment et par­ta­gé en fonc­tions hié­rar­chiques. Ce qui est impor­tant ici sont les termes com­man­de­ment et hié­rar­chie. Celui qui a le pou­voir a le pou­voir de com­man­der au nom du carac­tère recon­nu comme légi­time du pou­voir qui est le sien et qu’il est habi­li­té à exer­cer. Pas de pou­voir sans hié­rar­chie, pas de pou­voir qui ne soit en même temps pou­voir de commander.
  • La puis­sanceelle est capa­ci­té à faire ou à faire faire. Si je sais faire quelque chose j’en ai la puis­sance, mais en même temps si je peux le faire faire c’est que j’ai bien une puis­sance qui m’est recon­nue, aus­si mys­té­rieuse soit-elle, qui me per­met de pro­duire un effet. La puis­sance se mesure aux effets concrets quelle produit.

Le pou­voir est du côté du droit, de la recon­nais­sance d’un droit ; la puis­sance est du côté du fait et de l’effectivité. Le pou­voir réel est bien évi­dem­ment un pou­voir puis­sant. Un pou­voir réduit à l’impuissance ne serait que nomi­nal et formel.

Celui qui a la puis­sance peut l’avoir pour dif­fé­rentes rai­sons, il peut avoir la puis­sance parce qu’il dis­pose du savoir faire, il peut avoir la puis­sance parce qu’il dis­pose d’un pou­voir coer­ci­tif  (la puis­sance paren­tale par exemple, qui est autre chose que l’autorité paren­tale, peut s’accommoder d’une part de coer­ci­tion, l’enfant est contraint d’obéir à ses parents). La puis­sance peut pas­ser par le savoir-faire, la com­pé­tence, qui peut s’exercer à tra­vers la coer­ci­tion, peut s’exercer aus­si par la per­sua­sion. La puis­sance peut-être douce et souple, elle peut être la capa­ci­té à faire faire à quelqu’un ce dont on est par­ve­nu à le per­sua­der. La puis­sance peut être de l’ordre de la com­pé­tence, elle peut être coer­ci­tive, elle peut être persuasive.

  • L’autorité c’est ce qui exclu aus­si bien la contrainte que la per­sua­sion. Si j’ai recours à la contrainte ou si je suis obli­gé d’avoir recours à la contrainte c’est que je manque d’autorité. L’autorité n’a pas à jouer le jeu des dis­cus­sions inter­mi­nables au cours des­quelles j’essaierai de per­sua­der quelqu’un de ce qui est bon pour lui. Le mys­tère et la magie de l’autorité c’est quelle n’a pas besoin de l’arsenal de la puis­sance pour pro­duire des effets. L’autorité comme le pou­voir a avoir avec le droit, celui à qui je recon­nais une auto­ri­té c’est celui a qui je recon­nais le droit de dire ce qu’il dit ou de faire ce qu’il fait. Il n’y a d’autorité véri­table que là où il est recon­nu qu’il a le droit de par­ler et d’agir comme il le fait, l’autorité ne tient que par le droit recon­nu à celui dont on recon­nait l’autorité.

L’enjeu de mon pro­pos sera de cher­cher la source de ce droit, d’où vient ce droit recon­nu à cer­tains de par­ler ou d’agir avec auto­ri­té. On peut déjà remar­quer l’effet majeur de l’autorité, c’est qu’elle met de l’ordre dans les rela­tions sociales, la famille, l’entreprise, une asso­cia­tion. S’il n’y a pas de pôle d’autorité dans une entre­prise, c’est le désordre, quand bien même il y aurait un pou­voir bien déter­mi­né, quand bien même on sau­rait qui est le chef et com­ment est struc­tu­rée la société.

Je dirais donc que si le pou­voir est le pou­voir en tant que don­ner l’ordre, c’est-à-dire com­man­der ; l’autorité est l’autorité en tant qu’elle met de l’ordre. Et il va de soi que dans toute socié­té on a besoin des deux, on a besoin d’un com­man­de­ment qui assure la cir­cu­la­tion des ordres on a besoin d’une auto­ri­té qui rend pos­sible la mise en ordre.

Pour le dire autre­ment, elle sub­sti­tue des rela­tions de subor­di­na­tion à des rela­tions de domi­na­tion. Là non plus il ne faut pas confondre les deux, dans le mot subor­di­na­tion vous enten­dez le terme « ordre », être subor­don­né ce n’est pas être sou­mis, c’est rece­voir sa place d’un ordre qui me sur­plombe et à par­tir duquel je recon­nais mon rôle et ma fonc­tion. Etre subor­don­né c’est être pla­cé sous un ordre à par­tir duquel je reçois la place et la fonc­tion qui est la mienne.

Etre domi­né bien évi­dem­ment c’est subir l’emprise de plus fort ou de plus puis­sant que soi. Les rela­tions sociales sont par­fois de simples rela­tions de domi­na­tion, bien ça veut dire que ça marche mal. Quand une socié­té est fonc­tion­nelle, quand elle assure la cir­cu­la­tion de l’ordre, c’est qu’elle a su sub­sti­tuer des rela­tions de subor­di­na­tion à des rela­tions de domination.

Cette dis­tinc­tion en subor­di­na­tion et domi­na­tion va me ser­vir d’arrière plan pour cher­cher la source et les condi­tions à par­tir des­quelles on pour­ra pen­ser les effets d’une auto­ri­té authen­tique. L’autorité implique bien quelque chose qui est de l’obéissance, mais une obéis­sance qui est autre chose que la sou­mis­sion, autre chose que la ser­vi­tude. Donc pour que mon obéis­sance puisse être vrai­ment obéis­sance et non pas sou­mis­sion, qu’est ce que doit être l’autorité ? Ou bien, ce qui revient au même, qu’est ce que peut être le pou­voir quand il accepte de ne pas être réduit au jeu bar­bare d’une simple domi­na­tion coer­ci­tive ? Vous com­pre­nez bien que l’enjeu de mon topo c’est de repen­ser les liens de subor­di­na­tion qui n’ont pas grand-chose à voir avec les dis­tinc­tions faciles et faus­sées entre infé­rieur et supé­rieur. Je crois que quand on aura ban­ni de notre dis­cours des termes qui sont infâ­mants et qui ne disent pas la réa­li­té des rap­ports d’autorité, nous aurons peut-être contri­bués à pou­voir mettre de l’ordre dans les rela­tions sociales quand nous sommes vis-à-vis d’elles inves­tis d’une cer­taine res­pon­sa­bi­li­té.Pen­ser l’autorité comme ce qui struc­ture des rap­ports de subor­di­na­tion sera peut-être nous dis­pen­ser d’un pou­voir qui ne serait rien d’autre que la consti­tu­tion de rap­ports de domi­na­tion supé­rieurs / inférieurs. 

Com­ment fonc­tionne le pou­voir et sur quoi ça bute ? Quand on com­prend com­ment marche le pou­voir on est ame­né à com­prendre ce qui fait sa fai­blesse et ce qui fait le carac­tère néces­saire et indis­pen­sable de l’autorité.

Le pou­voir est un thème qui méri­te­rait à lui seul une confé­rence. Je vais me conten­ter d’une approche qui joue avec trois per­son­nages pour qui j’ai une grande affec­tion : Saint Augus­tin qui a vécu il y a très long­temps, l’autre un peu plus proche Pas­cal et encore plus proche Pierre Bour­dieu, Pierre Bour­dieu qui a d’ailleurs écrit « les médi­ta­tions pas­ca­liennes », et Pas­cal qui est un Augus­ti­nien, au fond il y a bien une filia­tion assez natu­relle qui va d’Augustin à Pas­cal et à Bour­dieu. Ils ont ceci de com­mun, (même si je ne suis pas tout à fait d’accord) qu’ils consi­dèrent que les rela­tions sociales sont tou­jours fon­da­men­ta­le­ment, consti­tu­ti­ve­ment, des rela­tions de domi­na­tion. Qu’est ce que c’est que la vie sociale ? Pour n’importe lequel d’entre eux c’est le jeu qui cor­res­pond au fait que cha­cun veut domi­ner cha­cun, et ce jeu struc­ture ou déstruc­ture, aus­si bien les familles que les asso­cia­tions ou les entre­prises ou la poli­tique. Une fois qu’on a dit qu’il y a socié­té là où cha­cun aspire à domi­ner cha­cun, on bute sur le fait que tous ne sont pas aus­si forts et qu’il faut bien que cer­tains consentent à être domi­nés. Mais si nous consen­tons à être domi­nés ce n’est jamais de gai­té de cœur parce que nous avons recon­nu notre fai­blesse ou notre posi­tion basse, c’est pour s’assurer par là même, une marge de domi­na­tion pos­sible. Un exemple tout bête : Si je consens à ne pas être le meilleur de ma classe et à recon­naitre ceux qui sont plus forts que moi aus­si nom­breux soient-ils, il faut bien une com­pen­sa­tion sym­bo­lique, qu’on me recon­naisse alors comme le plus drôle, comme le boute-en-train de ser­vice, comme le plus spor­tif ou le plus sym­pa… ou à la limite comme le plus agres­sif peu importe, mais il faut quelque part qu’une plus-value sym­bo­lique me soit recon­nue et accor­dée. Je ne peux tenir ma place dans l’ordre social qu’à condi­tion que ma libi­do domi­nan­di pour par­ler comme Saint Augus­tin, ma pul­sion de domi­na­tion trouve des pos­si­bi­li­tés de satisfaction.

Donc Augus­tin je viens de vous le dire, rat­tache cela à la libi­do domi­nan­di et il rat­tache cette libi­do domi­nan­di à l’amour propre, au fait que cor­rom­pu par ce qu’il appelle le pêché ori­gi­nel je me pré­fère moi-même à tout autre et me pré­fé­rant moi-même à tout autre je trouve juste d’être en situa­tion de pou­voir domi­ner tout autre possible.

Pas­cal reprend ce jeu de la libi­do domi­nan­di et il en fait le prin­cipe même de la poli­tique et des stra­té­gies de pou­voir. Pour Pas­cal la poli­tique c’est ce jeu par lequel cha­cun veut le pou­voir parce qu’il est convain­cu d’être le seul légi­time pour l’exercer et qu’il a un droit abso­lu de domi­na­tion sur autrui. Et pour Pas­cal c’est le nerf de la guerre, c’est le nerf de la poli­tique. Le pro­blème, et là Pas­cal devient un très fin pen­seur poli­tique, c’est que si ça se savait on ne joue­rait pas le jeu et on n’accepterait pas d’être gou­ver­nés par ceux-là même qui vou­draient nous impo­ser leur libi­do domi­nan­di. Pas­cal dit que la ruse du pou­voir poli­tique c’est de réus­sir à camou­fler la véri­té du jeu poli­tique, c’est-à-dire de réus­sir à cacher suf­fi­sam­ment l’instinct de domi­na­tion pour que ça puisse pas­ser par exemple pour un ser­vice du bien com­mun, un ser­vice public. Pas­cal n’est pas un cynique, ce n’est pas quelqu’un qui dit tous pour­ris et je crois qu’il aurait tort s’il le disait, c’est quelqu’un qui nous dit que la socié­té est telle, que tout homme est asser­vi par la libi­do domi­nan­di, que cha­cun veut domi­ner cha­cun et si on laisse libre cours à cette pul­sion de domi­na­tion il n’y a plus de socié­té pos­sible. Il faut donc bien que nous soyons gou­ver­nés. Et ceux qui nous gou­vernent par là même satis­font leur libi­do domi­nan­di, mais il faut qu’ils puissent la satis­faire, il faut qu’ils puissent exer­cer le pou­voir pour pou­voir bri­der nos pas­sions et rendre pos­sible la vie sociale mal­gré la libi­do domi­nan­di. Il faut qu’ils rusent avec nous, il faut qu’ils nous trompent, même s’ils nous trompent pour notre bien. Pas­cal disait que le plus sage des légis­la­teurs (et il pen­sait à Saint Augus­tin) affir­mait que pour le bien des hommes il est sou­vent néces­saire de les piper. De les trom­per, de les abu­ser, de les cir­con­ve­nir, de flat­ter leur libi­do domi­nan­di de manière à leur per­mettre de vivre ensemble. Et com­ment on flatte la libi­do domi­nan­di de ceux dont on est res­pon­sable ? En mul­ti­pliant dans la socié­té des situa­tions concur­ren­tielles qui per­mettent à cha­cun de recueillir le béné­fice sym­bo­lique de sa propre puis­sance indi­vi­duelle. Donc pour Pas­cal qu’est ce que c’est que la socié­té ? C’est un espèce de champ de force struc­tu­ré par des rap­ports de force, quand cha­cun veut domi­ner cha­cun, cha­cun en même temps à besoin de cha­cun. Si j’assassine tous ceux qui sont autour de moi sous le pré­texte de satis­faire de manière abso­lue ma libi­do domi­nan­di, je ne pour­rais plus domi­ner per­sonne et en plus il n’y aura plus per­sonne pour me recon­naitre comme le plus puis­sant et le plus fort. A quoi bon être le plus fort si je n’ai pas face à moi des indi­vi­dus qui me ren­voient l’image de ma force.

C’est ça la socié­té pour Bour­dieu. C’est ce jeu de rap­port de force qui est telle que cha­cun est en posi­tion d’être pour cha­cun le miroir de sa propre puis­sance et cha­cun peut satis­faire dans son ordre propre sa libi­do dominandi.

La forme la plus simple de la domi­na­tion, pour­rait-on croire, c’est la force. La force a un avan­tage qu’avait bien vu Pas­cal et Jean de la Fon­taine, elle ne se dis­cute pas. On peut tou­jours dis­cu­ter pour savoir si vous êtes plus intel­li­gents que moi, on peut dis­cu­ter pour savoir qui est le plus beau, le plus gen­til, le plus humble, mais pour savoir qui est le plus fort ce n’est pas la peine de dis­cu­ter il suf­fit d’un ring, frap­pez-vous des­sus, le pre­mier qui tombe c’est le plus faible, je vais l’exprimer comme Pas­cal : La force est très recon­nais­sable et sans dis­pute ; ou à la façon de La Fon­taine : La rai­son du plus fort est tou­jours la meilleure, quelques soient les argu­ments de l’agneau de toute façon il fini­ra pas se faire bouf­fer par le loup et le loup aura prou­vé qu’il est bien le dominant.

La force est pra­tique, pour­quoi l’ordre social ne serait pas assu­ré par la force puisqu’elle est indis­cu­table, mais le para­doxe de la force est qu’elle est tou­jours insuf­fi­sante, le para­doxe de la force c’est qu’en réa­li­té elle est tou­jours fai­blesse. Pour citer Rous­seau : le plus fort n’est jamais assez fort pour res­ter le maitre, et pour une rai­son toute simple c’est que d’abord le plus fort va vieillir, il va deve­nir plus faible, le pou­voir qu’il se sera acquis sera évi­dem­ment très vite mena­cé par plus fort que lui, puis il y a une deuxième rai­son c’est que même s’il reste fort assez long­temps il suf­fit que deux ou trois se liguent contre lui et sa force vien­dra buter sur une force plus grande. Le para­doxe de la force est qu’alors même qu’elle est sans dis­pute, incon­tes­table, elle est dotée d’une fai­blesse qui la rend insuf­fi­sante pour s’assurer l’acquisition et la conser­va­tion du pou­voir. Ce que savent tous les poli­tiques à part peut-être les tyrans (et encore ils font sem­blant de pas savoir), c’est qu’au fond la force ne suf­fit jamais, ni pour conqué­rir, ni pour conser­ver le pou­voir, il faut autre chose. Il faut au plus fort quelque chose qui ne relève pas sim­ple­ment de sa force, le plus fort va devoir ruser. Il va devoir nous dit Rous­seau : Trans­for­mer sa force en droit et l’obéissance en devoir, extrait du « contrat social » livre 1, cha­pitre 3. Il faut qu’il nous convainc qu’il est le plus fort, ca c’est facile il suf­fit qu’il nous tape des­sus, mais il faut qu’il arrive à nous per­sua­der que sa force même lui donne le droit de l’exercer, qu’il a le droit de nous gou­ver­ner parce que c’est le plus fort. Au pas­sage c’est la stra­té­gie du loup dans « le loup et l’agneau », le loup met un temps fou à dévo­rer l’agneau, il dis­cute 107 ans avec lui, il écoute les argu­ments de l’agneau. Pour­quoi ? Parce que le loup ce qui l’intéresse n’est pas seule­ment de dévo­rer l’agneau, il n’est pas seule­ment tenaillé par la faim, la libi­do domi­nan­di c’est plus puis­sant que la libi­do haben­di, le loup ce qu’il aime­rait arra­cher à l’agneau c’est la recon­nais­sance de son droit à le dévo­rer, c’est un per­vers le loup. L’agneau il ne joue pas le jeu, il dis­cute, il pinaille, il n’est pas d’accord et résul­tat il se fait bouf­fer mais pour le loup c’est un échec, il a raté quelque chose, il n’a pas réus­si à trans­for­mer sa force en droit, et la stra­té­gie du pou­voir c’est tou­jours de trans­for­mer la force en droit et l’obéissance en devoir. Le pou­voir ne se satis­fait jamais de l’obéissance, il faut que cette obéis­sance soit consi­dé­rée comme du, le pou­voir ne consiste pas seule­ment à dire « obéis­sez-moi », mais « vous devez m’obéir ». Et dire vous devez m’obéir veut dire non seule­ment subir le pou­voir qui est le mien mais vous devez en recon­naitre la légi­ti­mi­té. Bref la force est si fra­gile que pour se trans­for­mer en pou­voir elle requière d’être jus­ti­fiée, elle demande à être légi­ti­mée. Mais là encore on bute sur une dif­fi­cul­té, com­ment pour­rait-on légi­ti­mer la force que nous recon­nai­trions comme une force supé­rieure et que nous trans­for­me­rions en pou­voir en la légi­ti­mant ? Ce n’est pas pos­sible ! Si la libi­do domi­nan­di est le lot de tous quelque chose devrait résis­ter, on ne devrait pas jouer le jeu, on le joue tous, on accepte tous l’idée que le plus fort, à condi­tion que ça joue pas à 53 voix près, c’est celui qui légi­ti­me­ment est là pour domi­ner, pour gou­ver­ner, pour exer­cer son pou­voir. Et que faut-il pour ça ? Quelque chose de tout simple qu’avait bien remar­qué Pas­cal, il faut qu’on y croie, il faut que celui qui exerce le pou­voir pro­duise en même temps des effets de croyances. C’est-à-dire que celui qui veut domi­ner par­vienne à nous faire croire que son pou­voir est légi­time. Ca ne veut pas dire qu’il s’agit sim­ple­ment pour lui de nous duper et de nous trom­per, faire croire à quelqu’un ce n’est pas for­cé­ment lui vou­loir du mal. Si je fais croire à un ami gra­ve­ment malade qu’il a toutes les chances de gué­rir s’il se soigne, même si j’y crois pas vrai­ment moi-même, j’augmente pour lui les chances de gué­ri­son, si je laisse croire à l’élève en grosse dif­fi­cul­té qu’il va pro­gres­ser s’il s’accroche, je ne le fais pas pour le trom­per mais pour l’aider à pro­gres­ser. Le jeu du pou­voir c’est de réus­sir à pro­duire des effets de croyances, selon Bour­dieu, selon Pas­cal, selon Machia­vel… c’est-à-dire de réus­sir à ce qu’on croit en lui parce que ça ne tien­dra pas si on n’y croit pas. Ca marche à un niveau tout simple si vous n’étiez pas là entrain de croire que j’ai un mini­mum de com­pé­tence pour vous par­ler de l’autorité, ça ferait long­temps que vous seriez par­tis. C’est parce que vous croyez que j’ai un droit par­ti­cu­lier à être moi der­rière ce bureau alors que vous êtes assis sage­ment sur vos chaises, que je peux par­ler dans une situa­tion qui est glo­ba­le­ment une situa­tion d’ordre, ça marche parce que vous y croyez. Un des grands théo­ri­ciens de l’autorité Max Weber, rat­tache toutes les formes de l’autorité à des pro­cé­dures de croyances, on peut noter dans « le savant et le poli­tique » Weber dis­tingue trois types d’autorités : Une qu’il appelle « tra­di­tion­nelle », l’autre qu’il appelle « cha­ris­ma­tique » et la troi­sième qu’il appelle « l’égal ration­nel », il consi­dère que ce qu’elles ont en com­mun c’est qu’elles sont toutes fon­dées sur la croyance et à par­tir de là il construit un concept de  herr­shaft, pou­voir, auto­ri­té… on ne sait pas trop bien com­ment le tra­duire le herr­shaft de Weber, domi­na­tion, mai­trise, com­man­de­ment… mais ce qu’il appelle herr­shaft c’est ce qui ne fonc­tionne qu’à condi­tion de sus­ci­ter une adhé­sion, il n’y a d’autorité véri­table que si j’adhère à celui dont je recon­nais l’autorité et je ne peux y adhé­rer qu’à condi­tion d’y croire. Je vous ren­voie à un petit ouvrage éclai­rant, de Myriam Revault d’Al­lonnes «  Le pou­voir des com­men­ce­ments », elle connait très bien Max Weber, je la cite : Est ration­nel laherr­shaft fon­dée sur la croyance en la léga­li­té des règles ins­ti­tuées. Est tra­di­tion­nel la herr­shaft fon­dée sur la croyance en la sain­te­té des tra­di­tions éter­nel­le­ment valables. Est cha­ris­ma­tique la domi­na­tion fon­dée sur la dévo­tion à l’égard du carac­tère sacré de la force héroïque ou de la valeur exem­plaire d’une per­sonne. Quelque soit la forme de l’autorité évo­quée par Max Weber, elle n’existe comme puis­sance, comme herr­shaft que dans la mesure où on y croit. Pour que le pou­voir puisse s’exercer dura­ble­ment il faut qu’il puisse pro­duire des effets de croyance.

Com­ment fait-il ? Il fait en sorte que ce qui est fort soit juste, si vous me trou­vez cynique, je suis per­sua­dé de ne pas l’être, je vous prends un exemple très simple parce que dans nos socié­tés démo­cra­tiques on pour­rait dire qu’est ce que c’est la démo­cra­tie ? C’est ce qui jus­ti­fie des rap­ports de droit, des rap­ports de force, on va lais­ser ça pour le caté­chisme répu­bli­cain, ce n’est pas ça le fonc­tion­ne­ment réel de la démo­cra­tie. Je prends un exemple tout bête, vous êtes à l’assemblée natio­nale, vous avez un pro­jet de loi à défendre, il va y avoir des dis­cus­sions, des débats, des argu­ments, puis un vote, puis en fonc­tion de la majo­ri­té le pro­jet de loi s’il est vali­dé sera recon­nu comme légi­time. Très bien, mais au fond ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les plus nom­breux seront les plus forts et que le pro­jet de loi sor­ti­ra parce qu’il aura pour lui une majo­ri­té capable de le défendre. Ce sont les plus forts parce que les plus nom­breux qui par­vien­dront à faire pas­ser un pro­jet de loi qui sous une autre majo­ri­té ne serait pas pas­sé. Ce qui veut dire que sa légi­ti­mi­té n’est pas une légi­ti­mi­té abso­lue, qua­si divine, que sa légi­ti­mi­té que je ne conteste pas est une légi­ti­mi­té adve­nue dans un jeu de rap­port de force. Le fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique c’est ce qui per­met pré­ci­sé­ment d’habiller des rap­ports de force en puis­sance de légi­ti­ma­tion, même quand il y a élec­tions pré­si­den­tielles celui qui est élu c’est celui qui a eu le plus de force pour pro­vo­quer l’adhésion à sa per­sonne, quelques soient les moyens légaux qu’il ait pu employer. Pour le dire comme Pas­cal en poli­tique la force est tou­jours pre­mière, la poli­tique n’abolit jamais les rap­ports de force, elle les consti­tue en rap­ports sym­bo­liques de domi­na­tion ; tout pou­voir est usur­pée, on prend tou­jours le pou­voir, on ne vient jamais vous l’offrir sur un pla­teau. Jus­te­ment parce que le pou­voir se prend et que sa légi­ti­ma­tion n’est jamais abso­lue, il lui faut pro­duire les effets de croyance qui lui per­mettent de durer et d’apparaitre comme légi­time. Même sur la scène inter­na­tio­nale, même quand un pou­voir est pris par un coup d’état, géné­ra­le­ment la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale va s’émouvoir pen­dant quelques semaines, puis si ça tient, si les rela­tions sociales et poli­tiques sont sta­bi­li­sées, on va se cal­mer, on lais­se­ra pas­ser quelques mois et celui qui quelques mois plus tôt était regar­dé comme un odieux tyran qui vient de faire un coup d’état inac­cep­table, sera regar­dé comme le chef légi­time de l’état dont il aura pris le pouvoir. 

Pour que le pou­voir tienne il faut qu’il réus­sisse à pro­duire des effets de croyance qui assurent sa légi­ti­mi­té. Il faut faire croire que la loi de la suc­ces­sion héré­di­taire, par exemple dans un sys­tème monar­chique, est par­fai­te­ment légi­time, ou faire croire que la loi de l’élection démo­cra­tique est plus légi­time que la loi de la suc­ces­sion héré­di­taire, ou faire croire que les pri­vi­lèges de la noblesse sont légi­times… et tant qu’on y croit ça marche. Et quand on n’y croit plus on est en août 89.

Il y a une autre manière, il y a une manière de faire que tous les poli­tiques connaissent, pas que les poli­tiques, les ensei­gnants, les curés, les chefs d’entreprise… Pour que ça marche il faut frap­per l’imagination, c’est-à-dire qu’il faut pou­voir mettre en scène, il faut théâ­tra­li­ser son pou­voir. Le pou­voir du roi ne tien­drait pas long­temps sans le sceptre, la cou­ronne, la cour, le trône, le palais prin­cier… Le pou­voir démo­cra­tique ne nous impres­sion­ne­rait pas beau­coup sans le balai des limou­sines dans la cour de l’Elysée, les pro­to­coles. On pour­rait ima­gi­ner que je vous parle du milieu d’entre vous, mais il y a quelque chose de théâ­tral ici, on m’a mis en hau­teur et devant moi une lon­gueur pas pos­sible qui me sépare bien de vous, théâ­tra­li­sa­tion mas­sive de ma pré­sence qui vise à assu­rer un effet de pouvoir. 

Dans le jeu du pou­voir c’est qu’il n’y a pas de pou­voir sans repré­sen­ta­tion du pou­voir, il n’y a de pou­voir que mis en signes, à tra­vers des signes qui vont frap­per l’imagination et qui sup­posent une mise en scène théâ­trale de ces signes. Cette repré­sen­ta­tion du pou­voir à tra­vers ses signes est tou­jours ce qui assure le pou­voir de la repré­sen­ta­tion. Nos repré­sen­ta­tions sont puis­santes, au fond nous sommes gou­ver­nés par nos propres repré­sen­ta­tions bien d’avantage que par ceux qui croient nous gou­ver­ner, la preuve est qu’ils ne peuvent nous gou­ver­ner que tant que la repré­sen­ta­tion que l’on se fait d’eux coïn­cide avec la repré­sen­ta­tion qu’ils espèrent qu’on a d’eux.

Le pou­voir s’il est fra­gile, il est fra­gile puisqu’il a besoin de signes, de croyances, d’être théâ­tra­li­sé, d’être légi­ti­mé il est fra­gile d’une manière telle que ce qui le rend néces­saire Pas­cal, Bour­dieu, Augus­tin sont d’accord là-des­sus, aus­si fra­gile, aus­si trom­peur qu’il soit le pou­voir est néces­saire pour mettre de l’ordre dans les rela­tions sociales. Mais ce qui rend le pou­voir néces­saire c’est aus­si, et c’est le drame du pou­voir, c’est ce qui le rend fra­gile, parce qu’en réa­li­té on n’est pas si dupe que cela. Pas­cal a le sou­ci de démys­ti­fier le jeu poli­tique pour nous mon­trer com­ment ça marche, il est à mon avis bien plus pré­cis que Machia­vel,  Pas­cal nous dit « ce que je vous dis là il ne faut pas le répé­ter », il est bon que le peuple ne le sache pas, là Pas­cal est un peu naïf, le peuple le sait tou­jours, on a par­fois besoin de se le cacher un peu à nous-mêmes mais au fond on sait bien com­ment ça marche, on n’est pas si dupe que ça, il est arri­vé à cha­cun de nous de dou­ter de l’absolu légi­ti­mi­té d’un supé­rieur hié­rar­chique, d’un pro­fes­seur, d’un homme politique.

Tout pou­voir vient buter sur la libi­do domi­nan­di de ceux sur qui il s’exerce, le pro­blème c’est que le pou­voir ne peut jamais tenir par sa propre force jus­te­ment parce que face à lui il y a d’autres volon­tés de pou­voir. Moi j’ai le pou­voir de faire en sorte que mes élèves res­tent assis dans la classe sans bou­ger mais s’ils déci­daient mas­si­ve­ment de se lever, de plus m’écouter et de foutre le souk, c’est-à-dire d’affirmer leur propre libi­do domi­nan­di contre la mienne, ce n’est pas cer­tain du tout que je ferai le poids, il est même cer­tain que je ne le ferai pas. Ca veut dire que tout pou­voir vient buter sur la libi­do domi­nan­di de ceux sur qui il s’exerce, c’est-à-dire qu’il a tou­jours à conju­rer le risque de la révolte, de la contes­ta­tion, de la révo­lu­tion, de la cri­tique, c’est donc compliqué.

La légi­ti­ma­tion n’est jamais totale on sait qu’aucun pou­voir n’est abso­lu­ment pas légi­time. Le pou­voir pour fonc­tion­ner vrai­ment a besoin d’autre chose et ce quelque chose dont il a besoin c’est l’autorité. L’autorité est tou­jours ce qui doit relayer le pou­voir pour que le pou­voir puisse conti­nuer à s’exercer comme pou­voir. L’autorité est peut-être même par­fois ce qui assure le pou­voir, du pou­voir, ce qui l’augmente et lui per­met de tenir. Et la puis­sance de l’autorité est par­fois plus grande que celle du pou­voir. Je cite Cicé­ron, à pro­pos d’un séna­teur : Ce qu’il ne pou­vait pas réa­li­ser par le pou­voir, il l’obtint par l’autorité, Cicé­ron recon­nait déjà que la puis­sance de l’autorité est par­fois plus grande que la puis­sance du pou­voir. Com­ment c’est pos­sible qu’on puisse obte­nir par l’auctoritas ce qu’on ne peut pas obte­nir par le potes­tas ? Ety­mo­lo­gi­que­ment le mot auto­ri­té vient de verbe latin augere qui veut dire accroitre, aug­men­ter, l’autorité c’est donc ce qui aug­mente le pou­voir de per­sua­der, non pas à par­tir d’un pou­voir qu’il aurait reçu ins­ti­tu­tion­nel­le­ment mais à par­tir de qua­li­tés qui sont celles de sa per­sonne (exploits, com­pé­tences, ver­tus, suc­cés…). Ce qui donne pou­voir est reçu d’ailleurs, ce qui donne auto­ri­té pro­vient tou­jours de quelque chose qui est recon­nu comme étant de la per­sonne. L’autorité ne s’institue pas c’est une carac­té­ris­tique per­son­nelle, non trans­fé­rable. On peut trans­fé­rer un pou­voir, on peut don­ner pou­voir à quelqu’un, l’autorité est intrans­fé­rable. Emile Ben­ve­niste, spé­cia­liste de l’indo-européen, va cher­cher par­fois l’étymologie bien plus loin que dans le latin, il voit dans le augere (moi je vais cher­cher dans le latin la racine du mot auto­ri­té, lui va cher­cher dans l’indo-européen la racine du mot augere) il lui semble que le verbe latin augere vient d’une racine indo-euro­péenne aug qui désigne la force, mais pas n’importe quelle force, pas une force humaine, une force qui est d’abord celle des Dieux, une puis­sance par­ti­cu­lière de faire être hors de soi quelque chose par sa puis­sance propre, aug c’est donc la puis­sance effi­cace qua­si divine. On trouve au pas­sage quelque chose de ce sens dans le mot auteur qui est la même racine qu’autorité, dans un sens méta­pho­rique, quand on dit de quelqu’un « il est auteur de nos jours », l’auteur de mes jours c’est bien celui qui a pu pro­duire hors de soi ce qu’il avait la puis­sance de pro­duire hors de soi, l’efficace d’un faire être entiè­re­ment du à l’auteur de mes jours. Si on parle de l’auteur comme un écri­vain c’est encore plus net, l’auteur est moins celui qui est auto­ri­sé que celui qui a le pou­voir de faire exis­ter hors de lui quelque chose qui a ensuite sa force propre de pro­duire cer­tains effets.

Si nous com­pre­nons l’autorité à par­tir de ce que nous révèle Cice­ron ou Ben­ve­niste, ou sim­ple­ment un exa­men de l’étymologie, je crois qu’on peut en tirer un cer­tain nombre de carac­tères, je vais vous en pro­po­ser 7 :

  • L’autorité exclue la coer­ci­tion, elle ne fonc­tionne pas sur le mode de la contrainte. Celui qui parle avec auto­ri­té n’a pas besoin d’élever la voix. Celui qui agit avec auto­ri­té n’a pas besoin de for­cer les évè­ne­ments. Il suf­fit qu’il parle, il suf­fit qu’il oriente, il suf­fit qu’il dise ce qu’il faut faire et on fait comme il dit et on écoute sa parole.
  • L’autorité repose sur la recon­nais­sance, il n’y a auto­ri­té réelle que d’autorité recon­nue, à tel point que l’expression « auto­ri­té recon­nue » peut être consi­dé­rée comme un pléo­nasme. Si elle n’est auto­ri­té que si elle est recon­nue c’est que son par­cours est contraire à celui du pou­voir. Le pou­voir s’exerce de haut en bas mais puisque l’autorité n’est auto­ri­té qu’à être recon­nue elle s’exerce de bas en haut puisque n’a auto­ri­té que celui a qui vous don­nez auto­ri­té en recon­nais­sant pré­ci­sé­ment l’autorité qui est la sienne.
  • L’autorité bien qu’elle fonc­tionne que sur la base d’une recon­nais­sance qui néces­sai­re­ment me vient d’en bas, elle n’est pas pour autant éga­li­taire, elle exclue le débat, l’argumentation, la dis­cus­sion. Si on est entre égaux on peut dis­cu­ter, débattre, argu­men­ter, faire valoir nos points de vue, mais quand quelqu’un parle avec auto­ri­té on recon­nait la puis­sance et l’efficacité de sa parole. L’autorité ne se dis­cute pas. Dans la mesure où l’autorité fonc­tionne hors débat, l’ordre auto­ri­taire est tou­jours un ordre hiérarchique.
  • Si l’autorité a quelque chose de per­son­nel, contrai­re­ment au pou­voir, sa source semble tou­jours quelque chose qui trans­cende la per­sonne auto­ri­sée. On recon­nait à celui dont on recon­nait l’autorité, des qua­li­tés par­ti­cu­lières et en même temps on recon­nait en sa pré­sence, quelque chose qui le dépasse, quelque chose de plus grand que lui.
  • Dans la sphère poli­tique la source de l’autorité est tou­jours la loi. Quelque soit l’autorité dont on dis­pose on ne peut jamais conser­ver l’autorité contre la loi ou dans le jeu de la trans­gres­sion de la loi. C’est ce qui dis­tingue un régime auto­ri­taire (il s’en tient au res­pect des lois, il reste ordon­né à l’ordre de la loi) d’une tyrannie.
  • Le mot et le concept d’autorité sont issus du droit romain. En droit romain on dis­tingue bien l’auctoritas et le potes­tas. Le pou­voir c’est le mono­pole de la mai­son impé­riale, l’empereur et les proches de l’empereur qui ont le pou­voir. L’autorité c’est le pri­vi­lège du sénat, c’est-à-dire des anciens. La poli­tique romaine à l’époque impé­riale est struc­tu­rée entre ces deux pôles.
  • L’autorité est de nature spi­ri­tuelle c’est-à-dire non coer­ci­tive. Han­nah Arendt nous le dit. La chute de l’Empire romain 476, au Vème siècle l’église, ins­ti­tu­tion­nel­le­ment, se retrouve dans une situa­tion où elle peut faire valoir son expé­rience, sa com­pé­tence, son mode d’organisation, et elle entre dans une dimen­sion poli­tique. Pour exer­cer ce pou­voir l’église va adop­ter la dis­tinc­tion romaine entre le pou­voir et l’autorité, et elle reven­dique pour elle la vieille auto­ri­té du sénat et aban­donne le pou­voir aux rois et aux empe­reurs du monde. Même ce jeu qui va tra­ver­ser tout le moyen âge, non pas un jeu de sépa­ra­tion, mais l’articulation du pou­voir reli­gieux et du pou­voir royal au moyen âge n’est pas un conflit de pou­voir parce qu’elle fonc­tionne bien déjà sur ce qui est une sépa­ra­tion des pou­voirs. Le pou­voir reven­di­qué par l’église médié­vale c’est l’autorité, c’est le pou­voir spi­ri­tuel non coer­ci­tif, et le pou­voir qu’elle aban­donne qu’elle recon­nait aux princes et aux rois de ce monde, c’est le pou­voir de la mai­son impé­riale. On com­prend qu’il n’y ait pas vrai­ment de crise de l’autorité pen­dant plu­sieurs siècles.

Ce qui est inté­res­sant ici c’est ce par­tage des rôles de la pen­sée. Ca nous aide à com­prendre que toute socié­té a besoin de ces deux pôles. Toute socié­té a besoin d’un pôle de pou­voir ins­ti­tué et d’un pôle d’autorité. Le pôle d’autorité c’est ce pôle où se joue la capa­ci­té à mobi­li­ser plu­tôt qu’à contraindre. Quand on doit contraindre ses subor­don­nés à faire leur tra­vail, c’est déjà que ça va mal. Et le pou­voir qui est le notre est frap­pé d’insuffisance. Mais si on arrive à mobi­li­ser une équipe, des éner­gies, c’est quelque soit le pou­voir que l’on a ou que l’on n’a pas, on joui d’une cer­taine auto­ri­té. Donc le pôle d’autorité c’est ce qui per­met de mobi­li­ser plu­tôt que de contraindre, autre­ment dit de faire qu’on y croit sans pour autant nous faire croire. Je crois que l’autorité véri­table c’est ce qui peut se pas­ser des effets de théâ­tra­li­sa­tion dont je fai­sais tout à l’heure le jeu du pou­voir parce que le pou­voir n’est jamais de lui-même assez sur de sa légi­ti­ma­tion il faut qu’il se mette en scène, il faut la bonne cra­vate et le beau cos­tume. L’autorité peut nous dis­pen­ser des effets de pou­voir et en par­ti­cu­lier des effets de théâ­tra­li­sa­tion. Ce qui me frappe chez les gens dont je recon­nais l’autorité c’est qu’ils n’ont pas besoin d’en rajou­ter, ils n’ont pas besoin de sur-jouer. Ca me rap­pelle la confi­dence d’un ami qui me par­lait d’un ancien doyen de l’inspection géné­rale, il me par­lait de lui avec beau­coup de bon­té, de gen­tillesse, d’affection… puis il a eu une for­mule éton­nante, il me dit « ce qui a de bien avec lui c’est qu’il ne joue pas au doyen ». Au fond c’est ça l’autorité c’est ce qui nous dis­pense d’avoir à jouer, quand vous n’êtes pas sur vrai­ment d’être à la place qui devrait être la votre vous devez en rajou­ter pour convaincre les autres que c’est bien vous le chef et que votre pou­voir est légi­time. Mais quand vous êtes à l’aise dans vos propres com­pé­tences, avec votre pou­voir, avec votre fonc­tion vous n’avez pas besoin de sur-jouer. Il se pour­rait bien que l’autorité ce soit ça.

Je vou­drais ter­mi­ner sur les condi­tions de l’autorité.

  • Elle s’ignore elle-même comme auto­ri­té. L’autorité que je reven­dique, l’autorité que je pose comme étant la mienne c’est tou­jours celle que je risque de sur-jouer et en la sur-jouant, celle que je risque de perdre. On n’a jamais autant d’autorité que quand on ne se pose pas la ques­tion de son auto­ri­té, quand on ignore notre auto­ri­té et quand on est dis­pen­sé par là-même d’avoir une pos­ture affec­tée qui tom­be­rait immé­dia­te­ment dans l’imposture. L’autorité qui se prend au sérieux, l’autorité qui ne s’ignore pas elle-même, l’autorité trop sure d’elle c’est ce qui risque tou­jours de nous faire som­brer dans l’autoritarisme ou dans le ridi­cule, au choix et je ne sais ce qui est le pire.
  • L’autorité a à voir avec une cer­taine sagesse recon­nue, cette sagesse peut être aus­si bien une sagesse pra­tique, qu’une sagesse théo­rique. Elle peut être une sagesse pra­tique parce qu’elle peut être de l’ordre de la com­pé­tence, du savoir-faire, de la pru­dence, de l’expérience et quand on a acquis une cer­taine com­pé­tence qui nous donne une cer­taine effi­ca­ci­té, quand notre savoir-faire est rela­ti­ve­ment indis­cu­té, quand nous sommes suf­fi­sam­ment pru­dent pour prendre le temps de mesu­rer une situa­tion, quand nous avons l’expérience qui nous per­met peut-être de ne pas faire les mêmes erreurs, d’autres éven­tuel­le­ment mais pas les mêmes, à par­tir de là nous pou­vons appa­raitre comme ayant une cer­taine auto­ri­té. Même chose pour la sagesse théo­rique, celle qui se carac­té­rise par un cer­tain recul, une cer­taine dis­tance cri­tique, une cer­taine hau­teur de vue et celui qui a cette hau­teur de vue, cette dis­tance cri­tique, c’est celui dont on sera enclin à recon­naitre l’autorité.

Ce que je suis entrain de vous dire là c’est que l’autorité n’est pas un espèce de don natu­rel, on ne nait pas avec l’autorité che­villée à l’âme, l’autorité c’est ce qui nous advient avec l’expérience, avec le recul, avec la com­pé­tence, avec le savoir-faire, avec la pru­dence, avec tout ce qu’il a fal­lu construire, avec tout ce qu’il a fal­lu acqué­rir. La mau­vaise nou­velle c’est que ce n’est pas un don magique et la bonne nou­velle c’est que mine de rien ça peut se tra­vailler. D’une manière para­doxale parce qu’à vou­loir acqué­rir de l’autorité je risque de perdre le peu d’autorité qui me res­tait. Mais ça veut dire que si j’oublie l’autorité et que je pense vrai­ment à deve­nir plus com­pé­tent, plus effi­cace, plus pru­dent, à tirer par­ti de mon expé­rience, l’autorité vien­dra comme de surcroit.

Je vois cer­tains d’entre vous qui disent « oui mais y’a quand même l’autorité cha­ris­ma­tique ! », celle là se joue à un niveau qui ne se tra­vaille pas. Cha­ris en grec c’est la grâce, le don, et l’autorité cha­ris­ma­tique ça serait une sorte de don qua­si sur­na­tu­rel et mira­cu­leux que l’on recon­nai­trait chez cer­tains. On voit par­fois dans l’autorité la marque d’un cha­risme, il est d’ailleurs éton­nant qu’on soit dans le voca­bu­laire don divin qua­si théo­lo­gique et mys­tique, je suis assez per­plexe, j’y crois pas trop. Je vous raconte une anec­dote par laquelle on a essayé de me convaincre que cer­tains avaient une auto­ri­té cha­ris­ma­tique en me pré­sen­tant une petite dame extra­or­di­naire et dont on disait qu’elle avait un cha­risme, c’était la pré­si­dente d’ATD quart monde il y a quelques années, une petite bonne femme pleine d’énergie, déjà assez âgée, elle allait régu­liè­re­ment frap­per à la porte des minis­tères et on la fai­sait pas attendre ¼ d’heure, elle avait ses entrées, on l’accueillait, on l’écoutait, elle engueu­lait les ministres et les ministres se lais­saient engueu­ler par elle. « Donc là on est vrai­ment dans l’autorité cha­ris­ma­tique ! » cette per­sonne s’appelait Gene­viève Antho­niosz qui avait bien pris soin de ne pas enle­ver son nom de jeune fille qui était De Gaulle alors oui quand on s’appelle Gene­viève Antho­nioz De Gaule ça pro­duit des effets de croyance et de sidé­ra­tion qui n’auraient pas été pro­duits si elle s’était appe­lée Arlette Dupont. L’autorité cha­ris­ma­tique à discuter.

  • L’autorité implique le res­pect, il n’y a pas d’autorité sans res­pect et le res­pect en deux sens : « tenir quelqu’un en res­pect » c’est le tenir à bonne dis­tance, je crois que c’est ça le res­pect, la ver­tu de la bonne dis­tance ni trop près, ni trop loin. Trop loin c’est de l’indifférence, trop près c’est de la confu­sion. Res­pec­ter ses élèves, res­pec­ter ses enfants c’est n’être pas trop près, ni trop loin d’eux, trou­ver la juste dis­tance qui per­met à cha­cun d’être à sa place.

Puis res­pect dans un sens plus tech­nique, c’est la recon­nais­sance de l’inaliénable digni­té de ceux à qui on s’adresse, je ne peux pas être recon­nu comme ayant auto­ri­té par quelqu’un que je mépri­se­rais, par quelqu’un dont je bafoue­rais la digni­té. Les condi­tions d’exercice de l’autorité c’est tou­jours le res­pect scru­pu­leux de celui à qui on s’adresse, avec qui on agit.

  • L’autorité implique la mise entre paren­thèses des hié­rar­chies ins­ti­tuées c’est-à-dire que l’autorité per­met de les court-cir­cui­ter pro­vi­soi­re­ment. C’est ce que Pas­cal dans un texte extra­or­di­naire qui s’appelle « trois dis­cours sur la condi­tion des grands » appe­lait les gran­deurs d’établissement c’est-à-dire des gran­deurs qui sont socia­le­ment éta­blies mais qui ne doivent rien aux ver­tus, aux qua­li­tés par­ti­cu­lières de ceux à qui on recon­nait ces gran­deurs, pas­cal disait par exemple qu’être Duc c’est une gran­deur d’établissement.

Elle ouvre une brèche dans le jeu des hié­rar­chies for­melles. Celui qui a auto­ri­té n’est pas celui qui conteste le pou­voir, il ne conteste pas la légi­ti­mi­té de son chef, mais c’est celui qui, parce qu’il a auto­ri­té bous­cule un peu les hié­rar­chies et qui peut être éven­tuel­le­ment enten­du bien au-delà de sa fonc­tion for­melle. Il y a dans cer­taines entre­prises, dans cer­taines écoles, dans cer­tains clubs… des indi­vi­dus qui n’ont pas de fonc­tion offi­cielle éle­vée et qu’on écoute pour­tant quand ils parlent, aux­quels on est atten­tif sans que l’attention qu’on a pour eux soit à la mesure du pou­voir offi­ciel qui est le leur. Ca c’est indis­pen­sable dans une socié­té, ça veut dire que ça donne du jeu aux hié­rar­chies ins­ti­tuées, ça per­met de ne pas les sclé­ro­ser, de ne pas les rigi­di­fier, ça fait cir­cu­ler du sens, de l’énergie, qui rend pos­sible une rela­ti­vi­sa­tion des rap­ports de domi­na­tion et jus­te­ment de ces jeux entre supé­rieur et inférieur.

Si on appli­quait ça au monde de l’entreprise, quand je dis monde de l’entreprise c’est aus­si le monde de l’éducation natio­nale, plus je fré­quente les deux plus je me rends compte qu’ils fonc­tionnent selon les mêmes sché­mas. Le monde de l’entreprise est sou­vent celui des hié­rar­chies un peu for­melles, ces hié­rar­chies sont néces­saires et en même temps on sait qu’elles sont insuf­fi­santes. For­ma­li­ser autant que vous vou­lez une hié­rar­chie ça ne suf­fi­ra jamais à assu­rer son bon fonc­tion­ne­ment. Il ne suf­fit pas d’avoir du pou­voir pour par­ler et agir avec auto­ri­té et en même temps si le monde de l’entreprise est tou­jours le monde des hié­rar­chies for­melles, il n’est pas condam­né à être le lieu des hié­rar­chies oppres­sives. Une hié­rar­chie n’est pas oppres­sive quand l’autorité lui donne du jeu, cette auto­ri­té ça peut être l’autorité d’un chef… quand on a à la fois le pou­voir et l’autorité on est pour une entre­prise, quelqu’un de pré­cieux. Mais cette auto­ri­té peut être celle d’un employé expé­ri­men­té sans pou­voir effec­tif, d’un cadre qu’on qua­li­fie­ra de cha­ris­ma­tique, ou d’un per­son­nage sim­ple­ment atten­tif aux autres, à leurs sou­cis, et qui pour autant ne se dis­pense pas de faire son tra­vail et que l’on écoute parce qu’il est capable de se déprendre un peu de lui-même et qu’il peut par­ler avec un peu d’autorité parce qu’on sait que quand il parle ce n’est pas pour lui, ni à par­tir de lui.

L’autorité a bien de visages pos­sibles qu’il est impor­tant de savoir recon­naitre. Mais elle exige trois choses indispensables :

  • Le refus des pos­tures. Dès qu’on com­mence à jouer au chef on a déjà per­du toute autorité
  • Le res­pect de cha­cun. Et le res­pect de cha­cun nous oblige à consi­dé­rer qu’il ne faut confondre un subor­don­né et un infé­rieur. Un subor­don­né ne m’est en rien infé­rieur, c’est seule­ment sur un plan fonc­tion­nel qu’il est sous mes ordres, ce que veut dire exac­te­ment subor­don­né. Mais sa subor­di­na­tion fonc­tion­nelle n’a rien d’une infériorité.
  • Pour que ce jeu de l’autorité puisse fonc­tion­ner, il faut une troi­sième chose liée aux deux pre­mières : la capa­ci­té à dis­tin­guer for­te­ment rap­ports de domi­na­tion et rap­ports de subor­di­na­tion. C’est là mon désac­cord avec Bour­dieu, Pas­cal mal­gré l’admiration que j’ai pour eux je refuse de croire que les rap­ports sociaux soient essen­tiel­le­ment des rap­ports de domi­na­tion plus ou moins bien camou­flés. En ver­tu même du jeu de l’autorité les rap­ports sociaux peuvent être des rap­ports de subor­di­na­tion bien sur, et de véri­tables rap­ports sociaux. Mais pour qu’ils puissent l’être il faut ce jeu de l’autorité sans lequel aucun pou­voir n’est effectif

Ques­tion : Vous confluez en par­lant des trois aspects : refus des pos­tures, res­pect de cha­cun et capa­ci­té à dis­tin­guer rap­ports de domi­na­tion et rap­ports de subor­di­na­tion, vous n’évoquez pas le fait d’accepter de lais­ser sa place à sa propre auto­ri­té. Il me semble que par­fois on ne s’autorise pas sa propre auto­ri­té, on y renonce.

Yann Mar­tin : C’est vrai que le verbe s’autoriser a quelque chose d’un peu sidé­rant, il est com­pli­qué à com­prendre. Le pro­blème c’est que je ne suis pas sur que ce soit d’autorité qu’il s’agisse quand on ne s’autorise pas quelque chose. Il se peut que parce que je suis un peu com­plexé où parce que je pense que le moment n’est pas venu, que je ne m’autorise pas à dire ou à faire ce que je devrais dire ou faire, mais soit c’est de l’ordre de l’autorité et dans ce cas là en ne m’autorisant pas à rabrouer quelqu’un sous le motif par exemple que ça serait inef­fi­cace, qu’il a trop de pro­blèmes, que ça va le détruire et que ça l’aidera pas, mais en lais­sant de côté, en ne m’autorisant pas à lui dire ses quatre véri­tés, je mani­feste par là mon auto­ri­té, je mani­feste que je ne suis pas sou­mis  au pou­voir, ce pou­voir que j’ai et ce droit que j’aurai de le remettre à sa place j’y renonce en ver­tu de l’autorité qui est la mienne. Il se peut que ce renon­ce­ment soit fai­blesse mais dans ce cas là mon auto­ri­té est déjà dimi­nuée. Dans cette capa­ci­té à renon­cer à cette auto­ri­té je vois soit une simple fai­blesse, soit au contraire un acte para­doxal d’autorité.

Lien vers le docu­ment au for­mat DOC :

https://​old​.chouard​.org/​E​u​r​o​p​e​/​Y​a​n​n​-​M​a​r​t​i​n​-​L​A​U​T​O​R​I​T​E​.​doc

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42 Commentaires

  1. etienne

    À lire à ce sujet, cette pas­sion­nante com­pi­la­tion de l’in­fan­ti­li­sa­tion pré­coce des petits d’homme, qui explique sans doute bien des infan­ti­li­sa­tions tar­dives de notre temps :
    « La domi­na­tion adulte », d’Yves Bonnardel :

    https://​del​phy​syl​lepse​.word​press​.com/​2​0​1​5​/​0​9​/​1​8​/​a​v​a​n​t​-​p​r​o​p​o​s​-​a​-​l​a​-​d​o​m​i​n​a​t​i​o​n​-​a​d​u​l​t​e​-​d​e​-​y​v​e​s​-​b​o​n​n​a​r​d​el/

    Réponse
    • etienne

      Yves Bon­nar­del est sur Face­book et il a publié ceci en com­men­taire :

      Tiens, concer­nant Rous­seau, voi­ci un petit pas­sage où je parle de lui en le citant, dans mon bou­quin « La Domi­na­tion adulte. L’op­pres­sion des mineurs » : 

      « Cette volonté de faire intérioriser les règles par l’éduqué rend bien compte du pro­jet ter­rible de Rous­seau, fan­tasmé par cet auteur dans son Émile, mais fina­le­ment appliqué par les sociétés modernes, en cela ses héritières : le pro­jet éducatif tout entier fondé sur l’idée de liberté humaine et de res­pect de la liberté de l’enfant n’a qua­si­ment pas d’équivalent dans l’histoire de la pédagogie par l’exemple d’une emprise aus­si tota­li­taire exercée par le maître sur l’enfant :

      “Qu’il croie tou­jours être le maître, et que ce soit tou­jours vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si par­fait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on cap­tive ain­si la volonté même. Le pauvre enfant qui ne sait rien, qui ne peut rien, n’est-il pas à votre mer­ci ? Ne dis­po­sez-vous pas, par rap­port à lui, de tout ce qui l’environne ? N’êtes-vous pas le maître de l’affecter comme il vous plaît ? Ses tra­vaux, ses plai­sirs, ses peines, tout n’est-il pas dans vos mains sans qu’il le sache ? Sans doute il ne doit rien faire que ce qu’il veut ; mais il ne doit pas faire un pas que vous ne l’ayez prévu ; il ne doit pas ouvrir la bouche que vous ne sachiez déjà ce qu’il va dire.”

      Ce texte bien connu de Rous­seau dévoile sans fards l’objectif réel de l’éducation moderne, moder­niste, humaniste.

      Ses atten­dus sont aujourd’hui plei­ne­ment confirmés par la psy­cho­lo­gie sociale qui montre que la mani­pu­la­tion donne des résultats inespérés à condi­tion de se fon­der sur l’idée de liberté du mani­pulé. Lais­sez les contraintes informulées et faites que la liberté au contraire soit sans cesse proclamée, et vous obtien­drez de façon étonnante tout ce que vous vou­drez, ayant ren­du votre vic­time réellement sans défense. Vous obtien­drez d’elle les com­por­te­ments escomptés, et vous l’amènerez en outre à modi­fier son psy­chisme (son uni­vers cog­ni­tif, sa psy­cho­lo­gie) pour l’adapter à ce que vous avez requis d’elle…

      Ce sont là des résultats sur les­quels vous ne pou­vez pas comp­ter en usant de la force : celui qui braque un pis­to­let sur la tempe de sa vic­time pour­ra bien l’obliger à faire sur le moment ce qu’il lui ordonne, il n’obtiendra guère son assen­ti­ment. Celui qui presse sa vic­time de faire ce qu’il sou­haite, tout en lui répétant qu’elle est bien évidemment libre de refu­ser de lui com­plaire, a en revanche toutes les chances d’obtenir ce qu’il veut. Il modi­fie­ra en outre en conséquence l’état d’esprit de la per­sonne qu’il a ain­si asser­vie à ses intérêts. Je ne m’étends pas plus sur le sujet, il a suf­fi­sam­ment été développé par ailleurs par nombre de psy­cho- socio­logues. Mais on ne peut com­prendre l’éducation moderne sans être au fait des procédés de mani­pu­la­tion fondés sur l’affirmation de liberté du sujet.

      Cf. Jean-Léon Beau­vois et Robert Joule, Petit Traité de mani­pu­la­tion à l’usage des honnêtes gens, Presses uni­ver­si­taires de Gre­noble, 1988, et Sou­mis­sion et idéologies. Psy­cho­so­cio­lo­gie de la ratio­na­li­sa­tion, Paris, Presses Uni­ver­si­taires de France, 1981. 

      Réponse
    • etienne
  2. Christine BAGROS

    Pas­sion­nant, mer­ci Etienne.

    « Ordon­ner ce n’est pas seule­ment com­man­der… Ordon­ner c’est mettre de l’ordre… Quand le pou­voir n’est rien autre que le pou­voir, il échoue aus­si bien à mettre de l’ordre qu’à don­ner des ordres. » (…) 

    « Le pou­voir ne suf­fit pas à l’au­to­ri­té, il ne suf­fit pas d’a­voir du pou­voir pour avoir de l’autorité. »

    Réponse
  3. zedav

    Bra­vo pour les sté­réo­types entre­te­nus par les pho­tos et le dessin.
    Pour­tant, l’au­to­ri­té (et les vio­lences) exer­cées sur les enfant est majo­ri­tai­re­ment le fait des femmes.
    Déci­dé­ment, par­tout, même ici, hommes cou­pables femmes victimes…
    De nos jours et en occi­dent, je pré­fé­re­rais très lar­ge­ment être une femme (sauf pour me pro­me­ner seule la nuit).

    Réponse
    • etienne

      🙂
      Parce que tu n’as pas de sté­réo­types, cher Zoltan ? 🙂
      On a tous des idées reçues, bien sûr.
      Ces images (clai­re­ment cari­ca­tu­rales) ne sont ni des modèles ni des contre modèles (évi­dem­ment), mais de modestes invi­ta­tions à réfléchir.
      Et ça fonc­tionne, appa­rem­ment ; super 🙂

      Moi, la piste d’un lien entre la domi­na­tion sys­té­mique des enfants et celle des adultes m’in­té­resse. Pas toi ?

      Réponse
  4. Tim-X

    @zedav
    Les sté­réo­types ? Vous trou­vez réel­le­ment que c’est sté­réo­ty­pé vous ?
    Et je ne suis pas cer­tain que les vio­lences exer­cées sur les enfants soient spé­cia­le­ment l’a­pa­nage des femmes.
    Un père absent qui tra­vaille tout le temps est aus­si une forme de vio­lence, non pas phy­sique évi­dem­ment mais psy­cho­lo­gique, sym­bo­lique. La vio­lence peut tout à fait être sous forme d’hu­mi­lia­tions, de puni­tions, de refus, d’ab­sences de ten­dresse ou d’at­ten­tion… En cela, je trouve que les pères ont une bonne lon­gueur d’avance.

    Et puis, homme, femme, ou qui que ce soit, les vio­lences sur les enfants ne peuvent pas être tolé­rées, exac­te­ment de la même manière qu’entre adultes on ne les tolère pas (ou même entre enfants).

    Réponse
  5. joss

    Hen­ri Labo­rit, à la fin du film « mon oncle d’A­mé­rique » (ou la cause scien­ti­fique… de la cause des causes) :

    « On com­mence à com­prendre par quel méca­nisme, pour­quoi et com­ment, à tra­vers l’histoire et dans le pré­sent se sont éta­bli des échelles hié­rar­chiques de domi­nance. Pour aller sur la lune, on a besoin de connaître les lois de la gra­vi­ta­tion. Quand on connaît ces lois de la gra­vi­ta­tion, ça ne veut pas dire qu’on se libère de la gra­vi­ta­tion. Ça veut dire qu’on les uti­lise pour faire autre chose.
    Tant qu’on n’aura pas dif­fu­sé très lar­ge­ment à tra­vers les hommes de cette pla­nète la façon dont fonc­tionne leur cer­veau, la façon dont ils l’utilisent, tant qu’on ne leur aura pas dit que, jusqu’ici, ça a tou­jours été pour domi­ner l’autre, il y a peu de chances qu’il y ait quelque chose qui change. »

    Quelque part, deve­nir « citoyen consti­tuant » et faire fonc­tion­ner notre socié­té en « mode démo­cra­tique » est un moyen de se pro­té­ger contre les domi­nances. Et le tra­vail de dif­fu­sion de cette infor­ma­tion est en train de se réa­li­ser : GV, Nuit­De­bout, et tas d’autres…
    Peut-être, aurions-nous alors un peu de chance que quelque chose change ?

    Lec­tures inté­res­santes sur le sujet :
    Hen­ri Labo­rit : « l’é­loge de la fuite » et « la nou­velle grille »

    Réponse
  6. etienne

    Suite de notre grande série sur les 28 pages – rappel :

    I. La 6e Vidéo

    Cette vidéo a deman­dé un énorme tra­vail, et elle contient d’incroyables extraits très peu connus, pour la pre­mière fois acces­sibles en français…

    Il est même fas­ci­nant de voir qu’à peine 15 ans après les faits, on a les types de la CIA qui déballent – sinon tout, ne soyons pas naïfs  – au moins des choses extrê­me­ment lourdes… […]


    6 Pro­jet 28 pages – 2016 par les-crises

    Lire la suite (le script com­plet de toutes les vidéos est publié sur les​-crises​.fr ! C’est un tra­vail d’u­ti­li­té publique. Mer­ci Oli­vier Ber­ruyer, brave lan­ceur d’alerte !) :

    http://​www​.les​-crises​.fr/​2​8​-​p​a​g​e​s​-​5​e​-​v​i​d​e​o​-​l​a​-​c​i​a​-​b​a​l​a​n​c​e​-​t​o​u​t​-​s​u​r​-​l​e​q​u​i​p​e​-​b​u​sh/

    Réponse
    • Ronald

      A pro­pos d’un éven­tuel « com­plot », c’est amu­sant, en écou­tant la video, je m’é­tais fait la même réflexion que Ber­ruyer avant même de lire son com­men­taire. Je pense aus­si qu’ils sont juste des incom­pé­tents, mais comme ils sont en même temps des men­teurs et des meur­triers, c’est dif­fi­cile à croire 🙂

      Réponse
  7. Morpheus

    Je n’ai encore regar­dé que les 20 pre­mières minutes, et jus­qu’i­ci, le confé­ren­cier n’é­voque nul­le­ment l’o­ri­gine de la hié­rar­chie, il en parle – comme cela se fait bien trop sou­vent – comme s’il s’a­gis­sait d’une com­po­sante intrin­sèque de TOUTE socié­té humaine, or ce n’est pas le cas. Le modèle d’ordre social fon­dé sur la hié­rar­chie est intrin­sèque au mode de socié­té civi­li­sé (qui vit dans la cité), c’est-à-dire rela­tif aux modes de socié­tés qui se sont déve­lop­pé au néo­li­thique depuis envi­ron 8000 ans. D’autres modes de socié­tés, non fon­dées sur des prin­cipes hié­rar­chiques, ont exis­té, y com­pris jus­qu’au ving­tième siècle (même si celles-ci sont en voie de dis­pa­ri­tion). Jus­qu’i­ci, donc, c’est incomplet…

    Réponse
  8. etienne

    En cas de 49–3, ren­dez-vous le soir-même dans votre #Nuit­De­bout la plus proche :

    https://​www​.face​book​.com/​1​2​2​0​3​0​0​9​6​8​7​7​/​p​h​o​t​o​s​/​a​.​1​0​1​5​0​8​6​1​3​0​5​1​6​6​8​7​8​.​4​2​7​2​7​7​.​1​2​2​0​3​0​0​9​6​8​7​7​/​1​0​1​5​4​0​6​6​4​3​6​2​5​6​8​7​8​/​?​t​y​p​e=3

    Contre le 49.3 ! Nuit Debout se rameute à l’As­sem­blée Natio­nale ce soir à 18h :

     » 1 307 000 signa­taires contre la loi tra­vail, des cen­taines des mil­liers de mani­fes­tant-e‑s à plu­sieurs reprises dans les rues, 200 #Nuit­De­bout en France, 71% de la popu­la­tion contre la loi tra­vail : la seule réponse du gou­ver­ne­ment c’est le pas­sage en force et la répression !

    49.3 et Loi « Tra­vail », une insulte au peuple

    Plu­sieurs com­mis­sions de Nuit Debout Paris dénoncent cette volon­té de pas­sage en force. Si Manuel Valls per­siste dans cette voie, nous répon­drons par tous les moyens légi­times en pro­por­tion au mépris affi­ché. Nous appe­lons toutes et tous les démo­crates à se mobi­li­ser contre cette der­nière attaque contre nos droits sociaux et notre démocratie.

    Démo­crates, debout ! »

    ***
    Ce ras­sem­ble­ment est une action de déso­béis­sance civile, assu­mée et menée à visage découvert
    – Res­pect des per­sonnes et des biens tout en affi­chant notre détermination,
    – Atta­che­ment à garan­tir la sécu­ri­té des indi­vi­dus pré­sents sur les lieux
    ***

    Réponse
  9. etienne

    [Salauds de négriers « libé­raux »] Alle­magne : Wolf­gang Schäuble pro­pose la retraite à 70 ans, par Roma­ric Godin :

    http://​www​.les​-crises​.fr/​a​l​l​e​m​a​g​n​e​-​w​o​l​f​g​a​n​g​-​s​c​h​a​u​b​l​e​-​p​r​o​p​o​s​e​-​l​a​-​r​e​t​r​a​i​t​e​-​a​-​7​0​-​a​n​s​-​p​a​r​-​r​o​m​a​r​i​c​-​g​o​d​in/

    En relan­çant le débat sur l’âge de départ à la retraite, le ministre fédé­ral alle­mand des Finances sape la stra­té­gie de la chan­ce­lière et pose un pro­blème grave pour l’avenir du pays.

    Depuis quelques semaines, le débat sur les retraites a com­men­cé à s’imposer en Alle­magne comme un sujet cen­tral qui risque d’être, avec la crise des réfu­giés, un des thèmes clé de la pro­chaine élec­tion fédé­rale en sep­tembre 2017. Non sans rai­son. Alors que la poli­tique moné­taire de la BCE inquiète les retrai­tés et futurs retrai­tés qui dépendent de fonds de pen­sion gérés par les assu­reurs, un son­dage ren­du public par la chaîne publique ARD estime que 57 % des Alle­mands estiment que les retraites ne sont pas suf­fi­sam­ment sûres. Une inquié­tude sur­tout forte chez les plus jeunes : elle touche 62 % des 18–25 ans. Le fon­de­ment de cette inquié­tude est évi­dem­ment démo­gra­phique. Selon l’office fédé­ral des sta­tis­tiques Des­ta­tis, en 2030, un tiers des Alle­mands aura plus de 65 ans, contre un cin­quième aujourd’hui.

    Problème démographique et pauvreté des retraités

    Ce pro­blème démo­gra­phique, a sou­li­gné récem­ment Des­ta­tis, ne sera pas réso­lu par l’arrivée du mil­lion de migrants en 2015, quand bien même ces der­niers demeu­re­raient en Alle­magne. Le « défi­cit natu­rel », solde entre les nais­sances et les décès, devrait, en effet, dans les pro­chaines années, se creu­ser sous le double coup d’une faible fer­ti­li­té (envi­ron 1,43 enfant par femme) et d’une mor­ta­li­té ren­for­cée par le vieillis­se­ment de la popu­la­tion. Cette situa­tion pose évi­dem­ment un pro­blème pour le sys­tème de retraite alle­mand, compte tenu de la baisse du nombre de coti­sants au regard du nombre de retraités.

    Le pro­blème qui risque de se poser est celui de la pau­vre­té des futurs retrai­tés. Selon les pré­vi­sions de l’assurance retraite alle­mande, plus de 25 mil­lions d’Allemands sont mena­cés de tou­cher une retraite infé­rieure au seuil de pau­vre­té en 2030. Pour pas­ser au-delà de ce seuil, pré­voit l’institution, il fau­dra avoir tra­vaillé 40 ans de façon inin­ter­rom­pue et tou­cher au moins 2.097 euros bruts par mois. Or, la flexi­bi­li­sa­tion du mar­ché du tra­vail outre-Rhin et l’explosion du tra­vail par­tiel qui touche près de 15 mil­lions de sala­riés alle­mands, soit 38,3 % du total, selon les chiffres de l’institut IAB, rendent de plus en plus dif­fi­cile de telles conditions.

    Réformes et contre-réformes

    Bref, les retraites sont clai­re­ment une menace pour l’Allemagne et la réforme de 2005, enga­gée par Gerhard Schrö­der et mise en place par Ange­la Mer­kel, qui pré­voit le pas­sage de l’âge légal de départ à la retraite à 65 à 67 ans entre 2005 et 2030 risque de ne plus suf­fire. Face à ce défi, la « grande coa­li­tion » entre la CDU/CSU de la chan­ce­lière et la SPD sociale-démo­crate a long­temps choi­si de ne rien faire, contrai­re­ment à la légende tenace en France selon laquelle ce type de coa­li­tion « per­met de réfor­mer ». En réa­li­té, en 2014, la CDU a accep­té de per­mettre des départs à la retraite à 63 ans pour ceux qui ont coti­sé le plus long­temps afin d’obtenir l’appui de la SPD sur la poli­tique bud­gé­taire res­tric­tive du gou­ver­ne­ment et sur sa poli­tique euro­péenne. Non pas dans le cadre d’un pro­jet réel, mais uni­que­ment pour gérer l’équilibre interne de la grande coalition.

    Travailler plus longtemps ?

    Pour le patro­nat alle­mand, la solu­tion est toute trou­vée : il faut tra­vailler encore plus long­temps, sup­pri­mer l’exception des 63 ans et remon­ter l’âge légal de départ à la retraite en 2030 à 70 ans ou, du moins, le « flexi­bi­li­ser » à l’évolution démo­gra­phique. L’idée est aus­si défen­due par la Com­mis­sion euro­péenne et l’OCDE, mais la SPD ne veut pas en entendre par­ler. Pour une rai­son fort simple : à l’agonie dans les son­dages – cer­tains lui attri­buent moins de 20 % des suf­frages – la for­ma­tion de centre-gauche tente de se pré­sen­ter comme défen­seur des sala­riés et des retrai­tés. Il s’agit de cor­ri­ger l’image issue de la réforme de 2005 qui a été conçue et por­tée par les Sociaux-démo­crates. Ange­la Mer­kel, sen­tant le piège de ce sujet, a ten­té, la semaine der­nière de lan­cer une réflexion sur le sujet pour désa­mor­cer le débat. Le but est d’abord de par­ve­nir à un consen­sus sur une réforme pour que le débat soit clos avant l’élection de 2017. Appa­rem­ment, la chan­ce­lière n’est pas à l’aise avec ce sujet. Et pour cause : elle ne veut ni s’aliéner les milieux éco­no­miques, ni ses alliés de la SPD dont elle a le plus impé­rieux besoin, alors qu’une par­tie de la droite doute de plus en plus d’elle.

    Wolfgang Schäuble relance le débat

    Cette stra­té­gie dila­toire, assez typique de la méthode de gou­ver­ne­ment de la chan­ce­lière, a cepen­dant déjà échoué face à l’action concer­tée de deux de ses « alliés. » D’abord, le ministre-pré­sident bava­rois, chef de la CSU, sœur de la CDU dans le Land du sud du pays, Hors See­ho­fer, qui, en début de semaine, a récla­mé le pas­sage de la retraite à 70 ans. Et sur­tout Wolf­gang Schäuble, le ministre fédé­ral des Finances, très popu­laire qui, mer­cre­di, s’est éga­le­ment ran­gé par­mi les par­ti­sans de la « flexi­bi­li­sa­tion » de l’âge du départ à la retraite. Immé­dia­te­ment, le débat s’est ral­lu­mé en Alle­magne. Sig­mar Gabriel, vice-chan­ce­lier et ministre de l’Economie a reje­té cette demande comme « cynique » et un appel à « une baisse cachée des retraites. » Et de conclure : « avec la SPD, cela n’aura pas lieu. »

    Revoi­ci la polé­mique relan­cée au sein de la « Gro­Ko », la « grande coa­li­tion ». Les bras droits de la chan­ce­lière au sein de la CDU ont ten­té de clore le débat, rap­pe­lé qu’un rap­port a été deman­dé et sera ren­du en octobre et qu’il faut attendre jusque-là… Mais en vain. Le patro­nat alle­mand, trop heu­reux de l’aubaine, a répé­té sa demande de report de l’âge de la retraite jusqu’à 70 ans. Dans le Rhei­nische Post de ce ven­dre­di, Ingo Kra­mer, le pré­sident de la DBA, la fédé­ra­tion des employeurs alle­mands, a esti­mé que si rien n’était fait, les coti­sants, patrons et employés, devront payer 60 mil­liards d’euros de plus qu’aujourd’hui. Le pré­sident de la fédé­ra­tion des assu­reurs alle­mands, la GDV, Alexan­der Erd­land, a, lui, esti­mé que des « âges de départ à la retraite fixes ne cor­res­pondent plus à une espé­rance de vie plus dyna­mique. »

    Des problèmes structurels

    L’affaire est cepen­dant plus com­plexe. L’espérance de vie est un concept com­mode pour les par­ti­sans d’un départ plus tar­dif à la retraite, mais il ne repré­sente qu’une par­tie du pro­blème. L’autre par­tie est évi­dem­ment la dimi­nu­tion de la popu­la­tion active qui reflète un des échecs les plus cui­sants de la poli­tique alle­mande de ces der­nières années. Mal­gré 200 mil­liards d’euros de poli­tique fami­liale dépen­sés chaque année, le taux de fer­ti­li­té est res­té très bas. Il est récem­ment remon­té légè­re­ment, mais pas suf­fi­sam­ment. L’apport des réfu­giés est, de ce point de vue, une bonne nou­velle, mais ne règle pas tout, car il reste insuf­fi­sant à long terme. L’activité à temps plein des femmes devrait aus­si être encou­ra­gée, ce qui n’est pas encore suf­fi­sam­ment le cas. Bref, le pro­blème des retraites cachent une série de ratés de la poli­tique allemande.

    Du reste, les poli­tiques tant van­tées à l’étranger de flexi­bi­li­sa­tion de l’emploi ont conduit à un fort par­tage du temps de tra­vail qui a réduit le nombre d’heures tra­vaillés par le déve­lop­pe­ment du temps par­tiel. Résul­tat : les salaires ver­sés sont donc sou­vent réduits, mal­gré le plein emploi et les coti­sa­tions à terme insuf­fi­santes. C’est le revers du plein emploi et c’est un modèle qui pose pro­blème pour le finan­ce­ment des retraites. Les employeurs alle­mands ont beau­coup pro­fi­té de cette situa­tion, comme ils ont beau­coup encou­ra­gé la baisse de la cou­ver­ture des accords sala­riaux col­lec­tifs, ce qui a conduit à réduire les hausses de salaires, mais aus­si celles des cotisations.

    L’espérance de vie, un bon critère ?

    Enfin, l’espérance de vie est un argu­ment qui semble peu por­teur. En Alle­magne, celle à un an, selon Euro­stat, est de 78 ans pour les hommes et 82 pour les femmes, soit une moyenne de 80,4 ans. C’est moins que la moyenne de la zone euro (81,3 ans) et bien moins que l’espérance de vie en Espagne et en Ita­lie (82,5 ans), mais aus­si en France (82,1 ans). Cette espé­rance de vie n’est donc pas excep­tion­nelle. Sur­tout, elle n’est pas liée à une bonne san­té. Selon les don­nées récentes de Euro­hex, l’espérance de vie en bonne san­té en Alle­magne pour un habi­tant de 65 ans n’est que de 7 ans. C’était 7,6 ans en 2006. Autre­ment dit, cet élé­ment se dégrade et sur­tout il reste très infé­rieur à la moyenne euro­péenne (8 ans). En France, cet espé­rance de vie à 65 ans est de 9,8 ans, contre 9,6 ans en 2006. On le voit donc : la situa­tion se dégrade dan­ge­reu­se­ment outre-Rhin. Et l’espérance de vie à la nais­sance pour­rait donc être le mau­vais indi­ca­teur. Rele­ver l’âge de départ sans régler ces pro­blèmes struc­tu­rels est donc une solu­tion de faci­li­té qui ne règle­ra en réa­li­té rien.

    A quoi joue Wolfgang Schäuble ?

    Pour­quoi alors Wolf­gang Schäuble part-il à l’offensive ? Pour des rai­sons poli­tiques, évi­dem­ment. Ange­la Mer­kel semble dura­ble­ment affai­blie par la ques­tion des réfu­giés. Tous les son­dages montrent un affai­blis­se­ment pré­oc­cu­pant de la « grande coa­li­tion ». C’est vrai pour la SPD, mais aus­si pour la CDU qui, selon la der­nière enquête FGW n’est qu’à 33 % des inten­tions de vote, du jamais vu depuis 2011. Or le ministre fédé­ral des Finances semble déci­der à savon­ner la planche de la chan­ce­lière pour prendre la tête d’une oppo­si­tion conser­va­trice interne. Pour cela, il dis­tille savam­ment des petites phrases qui pro­voquent la colère de la SPD et la gêne de la chan­ce­lière. Il l’a fait sur la ques­tion grecque et sur celle des réfu­giés, il le fait à pré­sent sur la ques­tion des retraites.

    L’objectif est simple : rui­ner la stra­té­gie tem­po­ri­sa­trice d’Angela Mer­kel, la mon­trer inca­pable de contrô­ler la situa­tion et l’identifier dans l’esprit des élec­teurs conser­va­teurs aux Sociaux-démo­crates. In fine, il s’agit de faire reve­nir dans le giron d’une CDU « redroi­ti­sée » les élec­teurs d’Alternative für Deut­schland (AfD), le par­ti d’extrême-droite, et, sur­tout, de conser­ver la CSU bava­roise dans l’orbite de la CDU, alors que cette der­nière diverge de plus en plus du par­ti d’Angela Mer­kel et pen­se­rait même à se pré­sen­ter au niveau natio­nal… Le dur­cis­se­ment du ton face à la Grèce via le FMI va dans le même sens. Ange­la Mer­kel a des rai­sons de s’inquiéter : ses rivaux sont proches d’elle…

    Source : La Tri­bune, Roma­ric Godin, 22/04/2016

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  10. etienne

    [Gou­ver­ner en semant le CHAOS dans les colonies]
    [Pro­jet] 250 000 euros par migrant pour les pays de l’UE refu­sant d’accueillir des deman­deurs d’asile…
    http://www.les-crises.fr/250–000-euros-par-migrant-pour-les-pays-de-lue-refusant-daccueillir-des-demandeurs-dasile/

    Nous n’a­vons pas de repré­sen­tants, et ceux qui se disent nos repré­sen­tants sont des traîtres. Impos­sible de com­prendre ce qu’ils font tant que l’on croit qu’ils servent le bien com­mun de bonne foi. Par contre, quand on réa­lise qu’ils servent des puis­sances étran­gères, tout s’é­claire et leur com­por­te­ment devient cohérent. 

    Il est peut-être temps, pour la foule des endor­mis, de se réveiller et de résister.

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  11. Sylvain Rochex

    Si on reprend les termes de cette confé­rence, la pré­sen­ta­tion du livre de Yves Bon­nar­del aurait dû se trou­ver en tant que billet et la dite confé­rence… en simple com­men­taire. Yann Mar­tin le dit lui-même, il a sur­tout du Pou­voir, et a besoin de la théâ­tra­li­sa­tion et des pro­ces­sus de légi­ti­ma­tion pour être là où il est, et pour dire ce qu’il dit. Selon son ana­lyse, il est donc en très bonne pos­ture pour ne pas avoir d’au­to­ri­té, pour ne pas faire auto­ri­té. Il a besoin de la croyance col­lec­tive dans ses attri­buts et pré­ro­ga­tives, il a besoin de ce GÉANT bureau (le même que celui des juges), de ce micro de poli­ti­cien, de cette recon­nais­sance for­cée, de ses diplômes, d’a­voir été pré­fé­ré à d’autres etc… Et l’au­to­ri­té, dit-il lui-même, c’est ce qui n’a pas besoin de tout ça.
    Oui, cette socié­té, n’a pas d’au­to­ri­té en son sein, car elle ne donne la parole qu’à ceux qui ont du Pou­voir, qu’à des Yann Mar­tin, et tous ceux qui ont une auto­ri­té natu­relle liée à une indi­vi­dua­tion, sont écar­tés. Nous res­tons donc uni­que­ment avec la parole des Pou­voirs ins­ti­tués et/ou légi­ti­més par la croyance ou par « le spec­tacle » (Debord). Il aurait mieux valu mettre Yves Bon­nar­del en billet : il a plus « d’au­to­ri­té » jus­te­ment qu’un vul­gaire « prof » qui n’a QUE du pou­voir (notam­ment parce qu’Yves est un sans-pou­voir et un égalitariste/horizontaliste tous azi­muts, en acte et en éthique).
    J’a­joute en com­men­taire que je trouve son déve­lop­pe­ment sur la subor­di­na­tion (qui appa­raî­trait tout à coup comme poten­tiel­le­ment ver­tueuse) com­plè­te­ment fal­la­cieux et sophis­tique, il s’a­git là en fait de la par­tie pro­pa­gan­diste de son dis­cours cohé­rente avec le lieu où il se trouve, et c’est là aus­si où on peut per­ce­voir qu’il n’a pas d’au­to­ri­té natu­relle, mais qu’il demeure in fine uni­que­ment l’AGENT pros­ti­tué d’une volon­té exté­rieure (l’argent et son salaire entrent donc en compte dans ses paroles). Comme tous les gens de pou­voir institués/légitimés, on a le gros pro­blème qu’il est « arri­vé », et ça s’en res­sent sur ses soi-disant com­pé­tences – nous aurions davan­tage besoin de « maîtres igno­rants ». « Apprendre est l’es­sence de la vie », c’est pour­quoi tous les « arri­vés » (Profs, Élus, and co), ne sont jamais en phase avec la vie, avec la véri­té. (Je sors à l’ins­tant d’un contrôle péda­go­gique liée à l’ins­truc­tion à domi­cile, et il est facile de consta­ter que l’ins­pec­teur, char­gé de voir si l’en­fant est bien dans une démarche d’ap­pren­tis­sage, N’EST PAS lui-même dans une démarche d’ap­pren­tis­sage, non, car il est ARRIVÉ, tout son être et ce qu’il dégage en per­ma­nence est impré­gné de ça ! (il est mort quoi).) – Ceux qui nous gou­vernent (à for­tio­ri y com­pris les profs) sont ceux qui apprennent le moins… « Les pires gouverneront »…
    J’in­siste, ce dis­tin­guo entre subor­di­na­tion et sou­mis­sion, oui, est par­fai­te­ment sophistique/fallacieux/trompeur. Je rejoins Mor­pheus dans ses pro­pos : le pos­tu­lat « l’homme est un loup pour l’homme » n’est pas juste (ou disons, c’est un pré­sup­po­sé que j’es­time infer­tile pour la pen­sée). Cette confé­rence reste très inté­res­sante sur bien des points. Mer­ci de l’a­voir poin­tée, je suis comme vous tous, très très inté­res­sé à phi­lo­so­pher au quo­ti­dien sur ces concepts (Pou­voir, Puis­sance, Auto­ri­té) et tout est bon à prendre (Le plus riche à ce jour étant tou­jours « pro­pos sur les pou­voirs » de Alain). Gros Bisous. Sylvain.

    Réponse
  12. Anne

    Mer­ci Étienne pour la mise en lien de cette vidéo super intéressante ! 🙂

    J’ai­me­rais avoir vos avis sur un élé­ment appor­té par Yann Mar­tin à deux ou trois reprises mais non argumenté : 

    Une socié­té a besoin, pour être « ordon­née », de pou­voir et d’autorité. 

    La réflexion que Yann apporte éclaire bien com­ment le manque d’au­to­ri­té avec le main­tient d’un pou­voir mène au « désordre » dans le sens où chaque indi­vi­du d’une socié­té qui vivrait cela, ne sou­hai­te­rait plus être subor­don­né au pou­voir coer­ci­tif délé­gi­ti­mé par son manque d’au­to­ri­té, soit délé­gi­ti­mé par le manque de supé­rio­ri­té assu­rée par l’au­to­ri­té, aucun être humain ne sup­por­tant (n’ai­mant) être contraint par son égal. Et ain­si chaque indi­vi­du remet­tant en cause le pou­voir éta­bli et refu­sant de confor­mer à ses règles.

    Il est pos­sible, qu’une socié­té ait de toute façon besoin d’au­to­ri­té pour s’or­ga­ni­ser, « s’or­don­ner » de façon suf­fi­sam­ment effi­cace au regard des condi­tions néces­saires pour notre repro­duc­tion maté­rielle et suf­fi­sam­ment fluide et dans une tem­po­ra­li­té qui reste accep­table, agréable et vivable par cha­cun, ain­si qu’au regard de la néces­si­té des trans­ferts de compétence/connaissance dont nous avons besoin de géné­ra­tion en génération.

    Là où je ne suis pas, de prime abord, en accord avec lui, c’est sur la néces­si­té d’un pou­voir ins­ti­tu­tion­na­li­sé dans toute socié­té (ou alors, il n’é­tait pas envi­sa­geable de dire le contraire dans une école de management ?). 

    De prime abord, il ne me semble pas impos­sible d’i­ma­gi­ner une socié­té, dans laquelle on fonc­tion­ne­rait uni­que­ment sur de l’au­to-orga­ni­sa­tion et de l’au­to­ri­té, ce qui nous vient d’ailleurs natu­rel­le­ment dès qu’on expé­ri­mente « l’ho­ri­zon­ta­li­té » (ce qu’on expé­ri­mente dans les nuit debout est pas­sion­nant sur le fonc­tion­ne­ment en col­lec­tif, sur com­ment s’or­ga­nisent les prises de déci­sion, les « mises au tra­vail », l’o­rien­ta­tion que prend un groupe …)

    Je dis­tingue depuis peu, et je pense que ça revient au même : le lea­der et le chef.
    On a besoin du lea­der (de celui qui fait auto­ri­té, celui dont on suit la pro­po­si­tion, l’i­dée, le choix, l’ex­pé­rience … ), de toute façon, et même si pas en toute situa­tion (il me semble pour ma part qu’on est constam­ment en balance entre par­fois suivre, l’un puis l’autre en fonc­tion des situa­tions, et par­fois être dans la négo­cia­tion, le débat, quand il n’y a pas eu de per­sonne fai­sant auto­ri­té ou qu’il y a eu plu­sieurs pro­po­si­tions non départagées).
    Par contre, on n’a, il me semble (pour l’ins­tant), aucun besoin de chef ados­sé (par défi­ni­tion car on parle main­te­nant de pou­voir) sur de la coer­ci­tion, qu’elle soit d’E­tat et poli­cière par exemple pour le pou­voir ins­ti­tu­tion­na­li­sé, ou qu’elle soit phy­sique, ou psy­cho­lo­gique pour la domi­na­tion entre individus.
    Et j’i­rai même plus loin, autant les lea­ders nous sont béné­fiques, autant les chefs, ados­sés à la force, nous sont néfastes, puisque nous ne pou­vons nous extraire de leur emprise sauf à quit­ter leur lieu/cercle d’in­fluence ou à les com­battre (ce qui est une entre­prise sans fin dans cer­tains cas).
    Un lea­der peut être remis en cause et rede­ve­nir une « simple » per­sonne, à tout moment et de façon très facile car il ne demande pas le pou­voir, et même s’il rechigne, aucune ins­ti­tu­tion coer­ci­tive nous oblige à conti­nuer à le suivre. Un chef, à contra­rio, ne peut être remis en cause que très dif­fi­ci­le­ment si l’ins­ti­tu­tion lui donne pou­voir et moyen de coer­ci­tion pour faire res­pec­ter son pouvoir.
    Il ne me semble pas absurde d’i­ma­gi­ner un fonc­tion­ne­ment de socié­té qui ten­drait à sup­pri­mer, par défi­ni­tion, tout pou­voir (donc coer­ci­tif), (et donc qui ne repo­se­rait plus que sur l’au­to-orga­ni­sa­tion ou débat/négociation/faire du consen­sus, et sur les lea­ders, soit l’autorité)
    On pour­rait ima­gi­ner une « règle du jeu » dans laquelle on sup­prime tout rôle de pou­voir, donc dans laquelle on « inter­dit d’in­ter­dire » et on « inter­dit de rendre obli­ga­toire ». La libre acti­vi­té de cha­cun, mou­vante, se cris­tal­li­se­rait sur les dif­fé­rentes acti­vi­té et pro­jets de la socié­té au grès des affects com­muns construits par le « débat démo­cra­tique » et en fai­sant socié­té, et au grès des auto­ri­tés recon­nues. La « règle du jeu » pré­voyant uni­que­ment ce qu’il se passe en cas de ten­ta­tive de prise de pou­voir, à savoir, en cas de ten­ta­tive de coer­ci­tion pour for­cer à faire faire à d’autres des choses.
    En somme, une règle du jeu qui pré­voi­rait une seule coer­ci­tion pos­sible : celle du groupe dans son ensemble envers tout indi­vi­du ou par­tie du groupe qui uti­li­se­rait la force envers tout indi­vi­du ou par­tie du groupe. 

    (je ne pro­pose pas d’ap­pli­quer ceci à l’en­semble d’une nation d’un coup, bien évi­dem­ment, je réflé­chi vers quel hori­zon je sou­haite tendre, le che­min pour y aller étant à construire à par­tir de là où nous en sommes, c’est-à-dire bien loin, j’en suis bien consciente)

    Voi­là, j’ai hâte de lire d’autres avis sur la ques­tion si cela vous inté­resse également !

    Anne

    Réponse
    • Anne

      J’a­joute que dans une socié­té sans pou­voir ins­ti­tu­tion­na­li­sé (consciente de la ten­dance humaine à aimer le pou­voir, et donc qui se donne une règle pour le limi­ter dès qu’il réap­pa­rait), il me semble néces­saire d’a­voir des humains les plus conscients et rai­son­nants possible :

      - avoir une école libre qui pousse à l’é­man­ci­pa­tion et per­met l’enthousiasme

      - avoir des « auto­ri­tés » conscientes des béné­fices de leur place (recon­nais­sance, écoute, pou­voir faire faire, pou­voir concré­ti­ser leurs idées, …), conscientes que ce n’est pas lié à une supé­rio­ri­té intrin­sèque et qui poussent à l’é­man­ci­pa­tion des « sui­veurs » (en leur rap­pe­lant qu’ils sont tout autant capables, qu’ils peuvent voler de leurs propres ailes dès qu’ils s’en sen­ti­ront capables, en les aidant à pro­gres­ser si besoin et si demandé,…)

      - avoir une organisation/répartition des tâches dif­fi­ciles (phy­si­que­ment ou psy­cho­lo­gi­que­ment) égale, que cha­cun soit ame­né à y par­ti­ci­per, y com­pris (et sur­tout) les « auto­ri­tés » (la mise au tra­vail non coer­ci­tive reste, pour moi, à inven­ter dans un monde que j’i­ma­gine sans argent)

      Réponse
    • joss

      Il faut du pou­voir et de l’au­to­ri­té pour être « ordon­né », mais il n’est pas néces­saire d’être ordon­né pour être « organisé ».

      Réponse
    • joss

      En gros, il est néces­saire de com­prendre en par­tie le fonc­tion­ne­ment de notre sys­tème nerveux.
      Tout être vivant qui pos­sède un sys­tème ner­veux (et donc un cer­veau) va recher­cher la gra­ti­fi­ca­tion (ce qui lui pro­cure du plai­sir). Par l’ex­pé­rience de l’ac­tion (par appren­tis­sage), il apprend donc quel objet ou quel être le lui en pro­cure. Par appren­tis­sage, la domi­nance va ser­vir de moyen pour assu­rer ses gra­ti­fi­ca­tions et la notion de pro­prié­té va en déri­ver, va en être une consé­quence. La pro­prié­té est donc liée à la domi­nance (ex. la pro­prié­té pri­vée des moyens de pro­duc­tion). Il n’y a pas d’ins­tinct de pro­prié­té, ni de domi­nance. Car celles-ci s’ac­quièrent par appren­tis­sage. La dif­fé­rence entre l’homme et les ani­maux, c’est que l’homme le sait (ou est en mesure de le savoir) et donc serait en mesure de s’en pro­té­ger. D’où l’in­té­rêt de LA DEMOCRATIE.
      La domi­nance pro­voque chez le domi­né la fuite, la lutte ou (si celles-ci sont impos­sibles) l’in­hi­bi­tion de l’ac­tion. Cette inhi­bi­tion est la cause des prin­ci­pales mala­dies psy­cho­so­ma­tiques actuelles (depuis l’angoisse…jusqu’au sui­cide). Le lan­gage (pour le domi­nant) ne sert incons­ciem­ment qu’à mas­quer la cause, la domi­nance, ne sert qu’à jus­ti­fier son action pour sa recherche de la gratification.

      Voir les expli­ca­tions du Pr Hen­ri Labo­rit dans les extraits du film « Mon oncle d’Amérique » :
      https://​you​tu​.be/​h​h​O​v​R​h​1​Y​o1E

      Réponse
  13. MaQiavel

    @Morphéus

    Il fait la dis­tinc­tion entre hié­rar­chie du pou­voir et hié­rar­chie auto­ri­taire, dis­tinc­tion qui s’appuie
    elle-même sur la dis­tinc­tion entre auto­ri­té et pouvoir.

    Si la hié­rar­chie du pou­voir est celle qui s’exprime par une rela­tion poli­tique de com­man­de­ment obéis­sance (ou domi­nant / domi­né) tu as tout à fait rai­son ‚c’est quelque chose qui a émer­gé à la révo­lu­tion néolithique.

    Par contre la hié­rar­chie auto­ri­taire a tou­jours existé.

    Le confé­ren­cier décrit l’autorité comme étant une carac­té­ris­tique non trans­fé­rable qui existe en ver­tu des exploits et des suc­cès réa­li­sés par son déten­teur ain­si que de com­pé­tences et de ver­tus recon­nues en lui, on peut trans­fé­rer et rece­voir le pou­voir et mais on ne peut trans­fé­rer et rece­voir une autorité.

    Elle exclut la contrainte et la per­sua­sion Celui qui parle avec auto­ri­té est celui qui n’a pas besoin d’élever la voix, celui qui agit avec auto­ri­té est celui qui n’a pas besoin de for­cer les évé­ne­ments, il suf­fit qu’il parle et on écoute sa parole, il suf­fit qu’il oriente, qu’il dise ce qu’il faut faire et on fait comme il dit. Alors que le pou­voir s’exerce de haut en bas puisque le domi­nant impose son pou­voir au domi­né, l’autorité quant à elle s’exerce de bas en haut puisqu’elle n’existe que si elle est recon­nue par celui sur qui elle s’exerce : n’a auto­ri­té que celui à qui on donne autorité.

    Si la domi­na­tion poli­tique n’a pas tou­jours exis­té, c’est dif­fé­rent pour l’autorité , par­ti­cu­liè­re­ment dans les com­mu­nau­tés pri­mi­tive dont les tra­di­tions étaient orales , dans ces com­mu­nau­tés , les anciens sont révé­rés et écou­té , ils détiennent en eux un prin­cipe d’autorité même en étant poli­ti­que­ment égaux aux autres membres du groupe.

    Réponse
  14. zedav

    Après Tat­cher, Royal et tant d’autres, les femmes conti­nuent d’insuffler un vent nou­veau en politique…

    Ain­si la Bri­tan­nique Rebec­ca Harms, dépu­té euro­péen membre du groupe « Les Verts-Alliance libre euro­péenne » a décla­ré que les ques­tions rela­tives à l’Europe devraient être écar­tées du champ d’application des réfé­ren­dums. Elle a d’ailleurs ajou­té qu’il était inac­cep­table que la popu­lace [sic] puisse reje­ter un accord voté par des Parlements.

    Réponse
  15. BA

    Les Etats-Unis, un modèle à suivre.

    Les Etats-Unis, un modèle pour tous les pays de la planète.

    Les Etats-Unis nous montrent ce que sera le XXIe siècle.

    Le XXIe siècle ver­ra le retour des esclaves, qui res­te­ront debout dans leurs usines pen­dant des heures, qui pis­se­ront et qui chie­ront dans leurs couche-culottes.

    Ven­dre­di 13 mai 2016 :

    Etats-Unis : pri­vés de pause-toi­lettes, des employés portent des couches.

    Les employés du sec­teur volailler aux Etats-Unis tra­vaillent dans un tel cli­mat de peur qu’ils n’osent pas deman­der de pause pour aller aux toi­lettes et portent des couches au tra­vail, affirme l’ONG bri­tan­nique Oxfam dans une étude.

    D’a­près ce rap­port publié mar­di 10 mai, « la grande majo­ri­té » des 250.000 ouvriers du sec­teur avi­cole amé­ri­cain « dit ne pas béné­fi­cier de pauses-toi­lettes adé­quates », en « claire vio­la­tion des lois amé­ri­caines de sécu­ri­té au travail ». 

    Ils « luttent pour s’a­dap­ter à ce déni d’un besoin humain de base. Ils urinent et défèquent debout face à la ligne d’as­sem­blage, portent des couches au tra­vail, réduisent leurs prises de liquides et fluides à des niveaux dan­ge­reux » et risquent « de graves pro­blèmes de san­té », mar­tèle l’étude.

    Les chefs de ligne refusent aux ouvriers ces pauses « parce qu’ils sont sous pres­sion pour main­te­nir la vitesse de pro­duc­tion », fait valoir Oxfam. « Le sec­teur volailler affiche aujourd’­hui des béné­fices records » tan­dis que « les ouvriers gagnent de faibles salaires, souffrent de taux éle­vés de bles­sures et mala­dies, évo­luent dans des condi­tions dif­fi­ciles » et « un cli­mat de peur », dénonce l’étude. 

    http://www.leparisien.fr/economie/etats-unis-prives-de-pause-toilettes-des-employes-portent-des-couches-13–05-2016–5791913.php

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    • Comte des Tuiles

      Si tout ceci est vrai, j’i­gnore s’il faut prendre éga­le­ment ces propos/vidéo sui­vants tout autant au sérieux… ou n’y voir là que pur conspi­ra­tion­nisme, j’en­tends par-là cette pro­pen­sion à voir des com­plots par­tout et à s’i­ma­gi­ner des sce­na­rii plus impro­bables les uns que les autres…

      https://​you​tu​.be/​z​a​Z​_​x​3​s​L​b​k​Q​&​i​n​d​e​x​=​7​&​l​i​s​t​=​P​L​o​v​l​W​0​s​n​o​k​T​e​1​p​B​V​s​P​7​0​Y​7​y​J​f​9​E​k​k​g​Bib

      J’a­vais déjà enten­du par­ler de ces fameux camps (concen­tra­tion­naires) de la FEMA, pers­pec­tives dif­fi­ci­le­ment envi­sa­geables excep­té peut-être en cas de catas­trophes majeures… mais ces jolies cités high-tech dédiées au bien-vivre, à la sécu­ri­té et, for­cé­ment, label éco­lo, on peut envi­sa­ger alors plus sérieu­se­ment ces espaces et ces poli­tiques autre­ment plus concen­tra­tion­naires que tout ce que l’on veut bien nous faire.
      Bref, ceci à titre infor­ma­tif et pour ne rien omettre de l’ordre et de la réa­li­té des pos­si­bi­li­tés, sans aucune volon­té dite « conspi­ra­tion­niste » de ma part, sinon ces réflexions que je me fais et cette sou­ve­rai­ne­té à part égale à autrui et à la Nation que je n’exerce ni ne pos­sède pas ^^

      Réponse
      • joss

        Revoir le film d’an­ti­ci­pa­tion de George Lucas : THX 1138.
        Un mélange de « 1984 » et du « meilleur des mondes ».

        Je ne peux pas croire que ces idées servent uni­que­ment à nous faire peur, elle devrait au moins atti­ser notre vigi­lance. Peu importe à la fin si c’est actuel et que cela pro­vient d’un com­plot. Nous devons évi­ter à tout prix ce genre de socié­té « humaine », nous devons nous en protéger.

        Réponse
  16. zedav

    Depuis long­temps, Étienne a pro­nos­ti­qué – sauf chan­ge­ment majeur – que la pers­pec­tive de nos pseu­dos démo­cra­ties était le retour des camps de travail.

    Je le pense aussi…

    Réponse
    • binnemaya

      Oui d’ailleurs pour moi on vit le remake des années 30, cette confé­rence d’An­nie Lacroix-Riz sur le choix de la défaite l’illustre très bien tout y est et même les socié­tés (banques+multinationales) de l’é­poque qui grâce a la 2ème guerre mon­diale sont deve­nus encore plus puissantes :

      Réponse
  17. krol

    on a auto­ri­té quand on agit et parle selon l’u­ni­ver­sel, l’au­to­ri­té ne découle jamais de la per­sonne qui l’exerce, les lois mathé­ma­tiques et phy­sique sont la force et l’au­to­ri­té de la fable de lafon­taine. d’où, res­pec­ter = com­prendre, don­nez moi un contre exemple sinon. il jus­ti­fie d’ailleurs dans cette confu­sion les rap­port de subor­di­na­tion dans l’en­tre­prise qui « fonc­tion­ne­raient » si jus­te­ment il n’y avait pas subor­di­na­tion mais consen­sus sur leur action cha­cun ferait alors tout ce qu’il sait faire pour éla­bo­rer col­lec­ti­ve­ment et effi­ca­ce­ment ce qu’on a déci­dé soi même.

    Réponse
  18. zedav

    « Car enfin le trait le plus visible dans l’homme juste est de ne point vou­loir du tout gou­ver­ner les autres, et de se gou­ver­ner seule­ment lui-même. Cela décide tout. Autant dire que les pires gou­ver­ne­ront ». Alain

    Pour para­phra­ser Alain sous une forme plus psy­cho­lo­gique et moins moraliste :

    Le trait le plus visible de l’homme au nar­cis­sisme effi­cient est de ne point vou­loir du tout gou­ver­ner les autres, et de se gou­ver­ner seule­ment lui même.
    Autant dire que dési­re­ront gou­ver­ner ceux qui trouvent dans cette domi­na­tion une com­pen­sa­tion à leur nar­cis­sisme défaillant.

    Réponse
    • Sam

      @ Zedav,

      je trouve que ta décli­nai­son est d’au­tant plus per­ti­nente qu’elle est d’ac­tua­li­té, et qu’elle risque de l’être tou­jours plus jus­qu’à nou­vel ordre.

      L’un des sous-pro­duits les plus navrants, et tout à la fois l’un des moteurs de la repro­duc­tion en tou­jours pire de notre espèce de socié­té dégé­né­rée, est ce que les connais­seurs appellent les « PN ». Les per­vers narcissiques. 

      Comme Nar­cisse, le per­vers nar­cis­sique se déteste lui-même, et c’est pour cela qu’il ne peut prendre les autres que pour des pions, et les mani­pu­ler tou­jours pour avoir, dans le pro­duit de ses manœuvres de déva­lo­ri­sa­tion, sa dose éphé­mère de sub­sti­tut, par l’i­mage, à une forme de recon­nais­sance de soi-même qu’il ne peut lui-même obtenir. 

      Si cette ter­rible mala­die, semble-t-il, est de plus en plus cou­rante, c’est que de plus de parents gèrent leurs mômes au lieu de les aimer, quand ce n’est pas faute de les aimer. A l’a­to­mi­sa­tion des indi­vi­dus qu’on connait et dont je ne vais pas rap­pe­ler les diverses causes concou­rantes, s’a­joute les effets de « l’É­tat thé­ra­peu­tique », encore une com­po­sante de la « gauche du capi­tal » qu’on a mis long­temps à recon­naître comme telle : dans les années 1970 déjà, aux USA, les mères se gavaient de bou­quins dans le registre « com­ment éle­ver son enfant ». Papa n’est plus là, non plus, mais on lui fait croire qu’il croit com­pen­ser en jouant au foot avec le fis­ton, quand il n’est pas absor­bé par ses pro­blèmes et ses envies de consom­ma­teur. Et comme de toutes façons ni papa ni maman ne savent où ils vont, en quel ave­nir croire encore, … Occu­pés qu’ils sont à devoir se réin­ven­ter sans cesse, se réédu­quer sans cesse. Le seul genre de chose qui leur donnent encore l’oc­ca­sion de dis­ser­ter, c’est quand ils sont mor­ti­fiés à l’i­dée que le gamin a fini par prendre la fes­sée qu’il cherchait…

      Un sala­rié de PN met­tra le temps avant de com­prendre, du moins, qu’il n’a aucune autre solu­tion que de se bar­rer. Un conjoint de PN met typi­que­ment 10 ans et sou­vent plus à endu­rer sans com­prendre avant de com­men­cer à com­prendre pour­quoi il n’y com­prend rien mais que c’est mort. Un enfant de PN sou­vent bien plus. Les symp­tômes de cette mala­die sont si sub­tils, bien que constants. Au mieux, ils vont consul­ter… mais à part qu’il y a un tas de mau­vais psy­cho­thé­ra­peutes et psy­cha­na­lystes, et à part que ce ne sont pas les malades mais leurs vic­times qui consultent, dans ce cas, il faut aus­si noter que la mala­die en ques­tion n’existe pas dans les clas­si­fi­ca­tions des pra­ti­ciens chez les­quels on peut se faire rem­bour­ser : psy­chiatres et psychologues.

      Réponse
    • Comte des Tuiles

      SAM, pour­rait-on appe­ler « per­vers éco­lo­gique » ce qu’on appelle com­mu­né­ment le consom­ma­teur lamb­da, j’en­tends celui qui dont la conscience éco­no­mique, éco­lo­gique et poli­tique n’est pas réel­le­ment en adé­qua­tion avec ses vrais besoins, ce res­pect d’au­trui et cette conscience à soi, ce consom­ma­teur qui se contre­fiche éper­du­ment de la dépense quand il en a les moyens ou/et celui qui ne trouve son équi­libre que dans le rem­plis­sage constant de ce vide en soi et au monde ? Autre­ment dit, l’in­cons­cience, l’in­con­sé­quence ne sont-elles pas fina­le­ment une sorte de per­ver­sion, tel un com­por­te­ment dénaturé ?…

      Réponse
  19. BA

    Le 19 mai 1974 est une grande rup­ture dans l’his­toire de France.

    Le peuple fran­çais choi­sit de faire une nou­velle expé­rience : la construc­tion européenne.

    Le 19 mai 1974, le peuple fran­çais choi­sit un chef de l’E­tat qui n’a plus comme prio­ri­té l’in­té­rêt national.

    Pour la pre­mière fois de son his­toire, le peuple fran­çais choi­sit un chef de l’E­tat qui a comme prio­ri­té numé­ro un la construc­tion européenne.

    L’é­lec­tion de Valé­ry Gis­card d’Es­taing est une rup­ture his­to­rique : à par­tir du 19 mai 1974, tous les chefs de l’E­tat auront comme prio­ri­té numé­ro un la construc­tion européenne.

    De même, tous les pre­miers ministres auront comme prio­ri­té numé­ro un la construc­tion européenne.

    Valé­ry Gis­card d’Es­taing, Fran­çois Mit­ter­rand, Jacques Chi­rac, Fran­çois Fillon, Nico­las Sar­ko­zy, Fran­çois Hol­lande : tous ces euro­péistes sont les res­pon­sables de la déca­dence de la France.

    Ils ont été au pou­voir, on les a vus à l’oeuvre.

    Bilan de ces 42 ans de construc­tion euro­péenne inin­ter­rom­pue : un échec total.

    La construc­tion euro­péenne abou­tit à un échec éco­no­mique, un échec finan­cier, un échec envi­ron­ne­men­tal, un échec concer­nant le « vivre-ensemble », un échec social, un échec démo­cra­tique, un échec moral, un échec politique.

    Dans les autres pays membres de l’U­nion Euro­péenne, c’est pareil. Par­tout en Europe, les par­tis extré­mistes explosent leurs résul­tats électoraux.

    http://mobile.lemonde.fr/idees/article/2016/05/04/l‑autriche-dans-la-nasse-populiste_4913685_3232.html

    Conclu­sion :

    En France, qui est le res­pon­sable de ce désastre ?

    Depuis le 19 mai 1974, le peuple fran­çais est le pre­mier res­pon­sable de la déca­dence de la France, car il vote tou­jours pour des européistes.

    Aujourd’­hui, nous avons la déca­dence de la France, car nous sommes deve­nus un peuple décadent.

    Réponse
  20. Personne

    Je reposte ici un mail envoyé à Etienne Chouard (mais sans réponse, donc pas sur qu’il fut reçu). =>

    Récem­ment je suis tom­bé sur un mes­sage résu­mant une étude qui devrait te plaire (si tu n’en a déjà pas eu vent).

    Voi­ci l’ar­ticle ori­gi­nal (datant de 2014) :
    https://​scho​lar​.prin​ce​ton​.edu/​s​i​t​e​s​/​d​e​f​a​u​l​t​/​f​i​l​e​s​/​m​g​i​l​e​n​s​/​f​i​l​e​s​/​g​i​l​e​n​s​_​a​n​d​_​p​a​g​e​_​2​0​1​4​_​-​t​e​s​t​i​n​g​_​t​h​e​o​r​i​e​s​_​o​f​_​a​m​e​r​i​c​a​n​_​p​o​l​i​t​i​c​s​.​d​o​c​.​pdf

    En gros cette étude montre que « l’é­lite éco­no­mique » (les 10% les plus riches de la popu­la­tion) et les groupes orga­ni­sés repré­sen­tants des inté­rêts éco­no­mique ont une influence cer­taines sur les poli­tiques adop­tées par les gou­ver­ne­ments aux Etats-Unis sur la période 1981–2002 tan­dis que la majo­ri­té, les citoyens moyens et grou­pe­ments poli­tiques citoyens eux n’ont eu que très peu voir pas d’in­fluence sur les poli­tiques adop­tées par les gouvernements.

    Certes les révé­la­tions ne sont pas très sur­pre­nantes mais c’est tou­jours impor­tant de quan­ti­fier pour avoir des preuves solides lorsque nous expli­quons aux gens que la démo­cra­tie repré­sen­ta­tive n’est pas démo­cra­tie et qu’on peut le véri­fier objec­ti­ve­ment à ses fruits.
    Ils ont obte­nus ces résul­tats en ana­ly­sant 1800 poli­tiques mises en appli­ca­tion entre 1981 et 2002.

    Quelques cita­tions :

    When a majo­ri­ty of citi­zens disa­grees with eco­no­mic elites and/or with orga­ni­sed inter­ests, they gene­ral­ly lose. Moreo­ver, because of the strong sta­tus quo bias built into the US poli­ti­cal sys­tem, even when fair­ly large majo­ri­ties of Ame­ri­cans favour poli­cy change, they gene­ral­ly do not get it 

    Ame­ri­cans do enjoy many fea­tures cen­tral to demo­cra­tic gover­nance, such as regu­lar elec­tions, free­dom of speech and asso­cia­tion and a wides­pread (if still contes­ted) fran­chise. But we believe that if poli­cy­ma­king is domi­na­ted by power­ful busi­ness orga­ni­sa­tions and a small num­ber of affluent Ame­ri­cans, then Ame­ri­ca’s claims to being a demo­cra­tic socie­ty are serious­ly threatened. 

    Extrait d’un mes­sage sur le forum Air-Défense sec­tion Poli­tique Inter­na­tio­nale (par Tancrède) :

    – si 90% des Amé­ri­cains refusent une poli­tique (avan­cée par l’é­lite et/ou les groupes d’in­té­rêts busi­ness), elle a encore 30% de chances de passer

    – si 90% des Amé­ri­cains veulent une poli­tique, elle a aus­si 30% de chances de passer

    – si les l’é­lite (les 10% les plus riches) refusent une poli­tique, elle a 0% de chances de pas­ser (le fait est appe­lé « le veto des riches »). Il faut pré­ci­ser que ce n’est pas un abso­lu mathé­ma­tique : le point sou­ligne que si 100% de ces 10% les plus riches refusent la dite poli­tique, elle a 0% de chances de pas­ser (ce qui en soi est déjà cho­quant); comme une telle una­ni­mi­té est impos­sible, la réa­li­té est net­te­ment plus contras­tée, même si elle reste dans une four­chette de dis­pro­por­tion de pou­voir abso­lu­ment scandaleuse

    – si 100% des 10% les plus riches veut une loi, elle a 61% de chances de pas­ser : là encore, la réa­li­té sera donc plus contras­tée, mais les pro­ba­bi­li­tés res­tent bonnes et beau­coup trop lour­de­ment dans le camp de l’é­lite. Et l’é­vo­lu­tion depuis 2002 n’a pas été dans le sens d’une réduc­tion de ce fait, mais bien plu­tôt vers une ampli­fi­ca­tion accé­lé­rée de cette logique

    On note­ra qu’il y a plus de chances de consen­sus du côté de l’é­lite : plus petit nombre, gens très connec­tés (entre eux, avec des ins­ti­tu­tions regrou­pant leurs inté­rêts, et avec les sources d’in­for­ma­tion), quan­ti­tés de sujets sur les­quels la réflexion est infor­mée et faite sur les mêmes bases, beau­coup d’in­té­rêts com­muns. Les diver­gences poli­tiques existent, et sont par­fois fortes, mais il est beau­coup plus simple de réunir une masse de manoeuvre suf­fi­sante pour agir, et encore plus simple d’en réunir une pour blo­quer et/ou amen­der une poli­tique jugée néfaste. 

    Bref à mon avis une étude extrê­me­ment inté­res­sante qui mérite d’être lue en entier. On pour­rait pro­ba­ble­ment s’ins­pi­rer de leur métho­do­lo­gie pour des études simi­laires en France et ailleurs.

    On note­ra qu’ils ont choi­sit seule­ment les 10% les plus riches pour des rai­sons métho­do­lo­giques et que le but est en fait d’u­ti­li­ser ces 10% pour avoir une idée de l’in­fluence des « vrai­ment riches » qu’ils estiment être les 2% les plus riches.
    Ils estiment que le choix de ces 10% pour des faci­li­tés sta­tis­tiques a conduit à sous esti­mer l’im­por­tance de la domi­na­tion des élites éco­no­miques (ce qui n’empêche pas qu’ils l’ont ample­ment prou­vé même en uti­li­sant ce 10% pour­tant bien trop large).

    Cor­dia­le­ment,
    Personne.

    Réponse
  21. zedav

    @ Sam : mer­ci pour ce commentaire.

    J’ai eu à faire à une PN, la mère de ma fille. Ça ne m’a pris « que » 3 ans pour lui échapper. 

    C’est exac­te­ment ça : on ne com­prend rien à ce qui se passe, on est déso­rien­té et puis…la lumière !

    Sauf qu’une der­nière rechute m’a conduite en paternité.

    C’est ce qui a per­mis à cette PN de récu­pé­rer une par­tie de son emprise, via la caste PN par excel­lence : les juges.

    La maxime pré­fé­rée des JAFs : « Il est vrai que nous, les JAFs, par­tons du prin­cipe de pré­somp­tion de véra­ci­té du pro­pos des mères ; qu’une maman qui vient nous trou­ver pour nous rap­por­ter tel ou tel pro­blème, c’est dans l’in­té­rêt de son enfant. »

    Sur­tout, ne pas s’i­ma­gi­ner que cette maxime est sexiste. Non, le sexisme, c’est uni­que­ment les dis­cri­mi­na­tions faites aux femmes.

    C’est donc une inver­sion com­plète de la pré­somp­tion d’in­no­cence. Et l’in­ver­sion, c’est pré­ci­sé­ment la méthode de pré­di­lec­tion des Pervers.

    Quand une PN dit : attou­che­ment sexuel ! Le père est direct exclu et sou­vent défi­ni­ti­ve­ment (j’ai la chance de ne pas être dans ce cas). Cette accu­sa­tion « joker » pour « tuer » le père est pour­tant bien connue. Les anglo-saxons l’ap­pellent « la balle d’argent », celle qui tue à tout les coups.

    Ce sont les juges qui m’ont ins­pi­ré cette para­phrase psy­cho­lo­gique d’A­lain, même si elle s’ap­plique bien aus­si aux poli­tiques et aux « petits chefs » en général.

    Exer­cice d’un pou­voir exor­bi­tant sans contrôle et en toute impu­ni­té : Ça attire for­cé­ment les PN (et les ten­dances para­noïaques qui adorent aus­si le pouvoir). 

    Et une fois la cape qui donne les « super pou­voirs » endos­sée, les névroses ou néo-psy­choses déjà pré­sentes ne peuvent que s’aggraver.

    Je crois que ça vaut bien un petit bou­quin dédié au sujet…

    Réponse
  22. etienne

    Nicole nous a retrans­crit toute la confé­rence (quel boulot !!!):

    L’autorité

    Yann Mar­tin

    Je vous pro­pose de com­men­cer par un lieu com­mun en vous rap­pe­lant qu’en phi­lo­so­phie il est tou­jours de bon ton de com­men­cer par le plus simple, quitte à inter­ro­ger à par­tir de là ce qui pour­rait res­sem­bler à des lieux com­muns, à des cli­chés, et à des idées reçues. Il se trouve que ça tombe bien avec le thème de l’autorité parce que les idées reçues sur l’autorité ça ne manque pas.

    Le lieu com­mun le plus clas­sique c’est celui qui consiste à affir­mer que nous tra­ver­sons aujourd’hui une crise de l’autorité qui serait même pour cer­tains, une crise majeure, et pour les plus alar­mistes une crise sans pré­cé­dent, et que cette crise de l’autorité se mani­fes­te­rait en par­ti­cu­lier à tra­vers quelques vic­times qui en subi­raient des dom­mages col­la­té­raux : Les poli­tiques, les prêtres, les enseignants…

    S’il est vrai que nous tra­ver­sons aujourd’hui quelque chose qui est une crise d’autorité, cette crise ne date pas d’hier. Je vou­drais vous rap­pe­ler à pro­pos de Nietzche qui écri­vait déjà dans le cré­pus­cule des idoles : On se croit en dan­ger d’esclavage dès que le mot auto­ri­té se fait seule­ment entendre.  Ca veut dire qu’on est dans la deuxième moi­tié du 19ième siècle et que Nietzche fin obser­va­teurs des mœurs de son temps, remarque déjà le pro­blème avec le mot lui-même qui est deve­nu insup­por­table aux oreilles de ses contemporains.

    Cette crise d’autorité dont je ne nie pas le carac­tère contem­po­rain, se mani­feste d’une double façon :

    • d’abord par une sorte de mise à mal des hié­rar­chies. La hié­rar­chie au sens éty­mo­lo­gique c’est le pou­voir en ce qu’il a de sacré (hié­ros en grec : le sacré / arché : le pou­voir). Or s’il y a une chose qui semble rela­ti­ve­ment claire c’est que la reven­di­ca­tion d’autonomie qui est une com­po­sante de la pen­sée occi­den­tale, a pro­duit une mise à mal des hié­rar­chies, qui aujourd’hui n’ont plus grand-chose de hié­ros, qui n’ont plus grand-chose de sacré. Elles nous semblent si peu sacrées, si peu légi­ti­mables qu’elles semblent sou­vent au contraire à la fois oppres­sives et arbi­traires. Là où il y aurait des hié­rar­chies, nom­breux sont ceux qui ne voient qu’oppression, exer­cices arbi­traires du pouvoir.
    • La deuxième mani­fes­ta­tion de cette crise de l’autorité tien­drait peut-être dans la manière dont nous pen­sons aujourd’hui l’égalité, comme si la seule éga­li­té qui vaille était une éga­li­té pure­ment hori­zon­tale sans la moindre dis­sy­mé­trie. Cette idée sans doute fausse que là où il y a des hié­rar­chies, là où il y a des subor­don­nées c’est l’égalité elle-même qui serait mise à mal. Or il y a là sans doute une mau­vaise concep­tion de l’égalité, une fausse repré­sen­ta­tion de l’égalité, mais qui explique en par­tie le dis­cré­dit qui affecte aujourd’hui la ques­tion de l’autorité.

    En même temps ce qu’il y a de bien dans une crise c’est que ça per­met de voir un peu mieux ce qu’on voyait très mal aupa­ra­vant. Tant que l’autorité fonc­tionne, dans les socié­tés tra­di­tion­nelles, on n’a pas à se deman­der ce qu’est l’autorité, on n’a pas à se deman­der ce qu’est le pou­voir, on n’a pas à se deman­der ce qu’est le sacré, on n’a pas à se deman­der ce qu’est une hié­rar­chie, quand il n’y a pas de pro­blème ça va de soi. L’avantage d’une crise c’est que ça nous oblige à pen­ser ce que d’ordinaire nous ne pen­sons pas et ça nous oblige à nous deman­der : mais qu’est ce qu’il en est  de cette auto­ri­té qui nous semble aujourd’hui, à tort ou à rai­son, dans une situa­tion critique ?

    Et cette crise d’autorité mani­feste déjà quelque chose, elle nous fait décou­vrir que le pou­voir ne suf­fit pas à ordon­ner la socié­té. Parce que le pou­voir ça existe tou­jours, ça a tou­jours exis­té. S’il y a crise de l’autorité aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’il y aurait défaut de pou­voir mais cette crise de l’autorité se mani­feste jus­te­ment quand ceux qui sont sen­sés avoir le pou­voir ne sont plus en mesure de l’exercer de manière effi­cace ou quand leur légi­ti­mi­té dans l’exercice de leur pou­voir, se trouve contestée. 

    Mais si la crise de l’autorité se mani­feste lorsqu’est remise en ques­tion la légi­ti­mi­té du pou­voir, ça nous fait décou­vrir que le pou­voir ne suf­fit pas à ordon­ner, le mot « ordon­ner » est à entendre avec une oreille décras­sée, ordon­ner ce n’est pas seule­ment com­man­der, ce n’est pas seule­ment don­ner un ordre, bien sur que tout pou­voir est pou­voir d’ordonner, seul celui qui a le pou­voir peut don­ner l’ordre de faire quelque chose. Mais ordon­ner, dans un sens plus cou­rant, plus modeste, c’est mettre en ordre, c’est mettre de l’ordre. Et cette crise de l’autorité qui mani­feste une cer­taine impuis­sance du pou­voir,  nous montre que quand le pou­voir est nu, quand le pou­voir est brut, quand il est aban­don­né à lui-même, quand il n’est rien d’autre que le pou­voir, il échoue aus­si bien à mettre de l’ordre qu’à don­ner des ordres.

    Le pou­voir ne suf­fit pas à l’autorité et il y a une consé­quence que vous pou­vez déga­ger immé­dia­te­ment, c’est que l’autorité c’est autre chose que le pou­voir. Non seule­ment l’autorité c’est autre chose que le pou­voir mais il semble bien qu’elle puisse par­fois se pas­ser de lui et qu’on puisse par­ler avec auto­ri­té alors même qu’on n’a qua­si­ment aucun pou­voir. Vous connais­sez peut-être une parole qui revient sou­vent dans les évan­giles, on dit que Jésus par­lait avec auto­ri­té, je ne sais pas quelle est cette auto­ri­té par­ti­cu­lière qu’on lui attri­but mais elle n’est pas l’autorité de quelqu’un qui serait doté d’un pouvoir.

    Si je pour­suis ma réflexion, je vou­drais aus­si vous mettre en garde contre un risque de mal­en­ten­du, c’est que ce sub­stan­tif « auto­ri­té » est sen­sé cor­res­pondre à un adjec­tif qui est « auto­ri­taire ».  On serait ten­té de dire ce n’est pas com­pli­qué, est auto­ri­taire celui qui a de l’autorité, il suf­fit que je le dise pour que vous vous ren­diez compte que ce n’est abso­lu­ment pas vrai. L’autoritaire est peut-être celui qui a si peu d’autorité qu’il est obli­gé de la sur-jouer, qu’il est obli­gé d’en rajou­ter et qu’il se retrouve par consé­quent dans une pos­ture faus­sée . L’autorité véri­table pour­rait être ce qui me dis­pen­se­rait d’avoir à être auto­ri­taire, ça veut dire aus­si que l’autorité véri­table n’est pas à cher­cher du côté des auto­ri­taires, elle est sans doute à cher­cher ailleurs.

    Pour com­prendre de quoi il s’agit il nous fau­dra dis­tin­guer ce que nous sommes par­fois ten­tés de confondre. Je n’arrête pas de dire depuis des années que la phi­lo­so­phie c’est d’abord l’art de mettre de l’ordre dans les concepts et de dis­tin­guer ce que le dis­cours com­mun tente à confondre. Quand on com­mence à ordon­ner, à mettre de l’ordre, à dis­tin­guer, on com­mence à y voir plus clair et on peut com­men­cer à s’entendre parce qu’on mul­ti­plie les chances d’être d’accord sur ce dont on parle.

    Or jus­te­ment ce qu’on risque de confondre ici c’est trois notions : Le pou­voir, la puis­sance et l’autorité. En pro­dui­sant ces dis­tinc­tions on va peut-être se don­ner les moyens de com­men­cer à y voir un peu clair.

    • Le pou­voir (je reprends la défi­ni­tion de Julien Freund, phi­lo­sophe et socio­logue) c’est le com­man­de­ment struc­tu­ré socia­le­ment et par­ta­gé en fonc­tions hié­rar­chiques. Ce qui est impor­tant ici sont les termes com­man­de­ment et hié­rar­chie. Celui qui a le pou­voir a le pou­voir de com­man­der au nom du carac­tère recon­nu comme légi­time du pou­voir qui est le sien et qu’il est habi­li­té à exer­cer. Pas de pou­voir sans hié­rar­chie, pas de pou­voir qui ne soit en même temps pou­voir de commander.
    • La puis­sanceelle est capa­ci­té à faire ou à faire faire. Si je sais faire quelque chose j’en ai la puis­sance, mais en même temps si je peux le faire faire c’est que j’ai bien une puis­sance qui m’est recon­nue, aus­si mys­té­rieuse soit-elle, qui me per­met de pro­duire un effet. La puis­sance se mesure aux effets concrets quelle produit.

    Le pou­voir est du côté du droit, de la recon­nais­sance d’un droit ; la puis­sance est du côté du fait et de l’effectivité. Le pou­voir réel est bien évi­dem­ment un pou­voir puis­sant. Un pou­voir réduit à l’impuissance ne serait que nomi­nal et formel.

    Celui qui a la puis­sance peut l’avoir pour dif­fé­rentes rai­sons, il peut avoir la puis­sance parce qu’il dis­pose du savoir faire, il peut avoir la puis­sance parce qu’il dis­pose d’un pou­voir coer­ci­tif  (la puis­sance paren­tale par exemple, qui est autre chose que l’autorité paren­tale, peut s’accommoder d’une part de coer­ci­tion, l’enfant est contraint d’obéir à ses parents). La puis­sance peut pas­ser par le savoir-faire, la com­pé­tence, qui peut s’exercer à tra­vers la coer­ci­tion, peut s’exercer aus­si par la per­sua­sion. La puis­sance peut-être douce et souple, elle peut être la capa­ci­té à faire faire à quelqu’un ce dont on est par­ve­nu à le per­sua­der. La puis­sance peut être de l’ordre de la com­pé­tence, elle peut être coer­ci­tive, elle peut être persuasive.

    • L’autorité c’est ce qui exclu aus­si bien la contrainte que la per­sua­sion. Si j’ai recours à la contrainte ou si je suis obli­gé d’avoir recours à la contrainte c’est que je manque d’autorité. L’autorité n’a pas à jouer le jeu des dis­cus­sions inter­mi­nables au cours des­quelles j’essaierai de per­sua­der quelqu’un de ce qui est bon pour lui. Le mys­tère et la magie de l’autorité c’est quelle n’a pas besoin de l’arsenal de la puis­sance pour pro­duire des effets. L’autorité comme le pou­voir a avoir avec le droit, celui à qui je recon­nais une auto­ri­té c’est celui a qui je recon­nais le droit de dire ce qu’il dit ou de faire ce qu’il fait. Il n’y a d’autorité véri­table que là où il est recon­nu qu’il a le droit de par­ler et d’agir comme il le fait, l’autorité ne tient que par le droit recon­nu à celui dont on recon­nait l’autorité.

    L’enjeu de mon pro­pos sera de cher­cher la source de ce droit, d’où vient ce droit recon­nu à cer­tains de par­ler ou d’agir avec auto­ri­té. On peut déjà remar­quer l’effet majeur de l’autorité, c’est qu’elle met de l’ordre dans les rela­tions sociales, la famille, l’entreprise, une asso­cia­tion. S’il n’y a pas de pôle d’autorité dans une entre­prise, c’est le désordre, quand bien même il y aurait un pou­voir bien déter­mi­né, quand bien même on sau­rait qui est le chef et com­ment est struc­tu­rée la société.

    Je dirais donc que si le pou­voir est le pou­voir en tant que don­ner l’ordre, c’est-à-dire com­man­der ; l’autorité est l’autorité en tant qu’elle met de l’ordre. Et il va de soi que dans toute socié­té on a besoin des deux, on a besoin d’un com­man­de­ment qui assure la cir­cu­la­tion des ordres on a besoin d’une auto­ri­té qui rend pos­sible la mise en ordre.

    Pour le dire autre­ment, elle sub­sti­tue des rela­tions de subor­di­na­tion à des rela­tions de domi­na­tion. Là non plus il ne faut pas confondre les deux, dans le mot subor­di­na­tion vous enten­dez le terme « ordre », être subor­don­né ce n’est pas être sou­mis, c’est rece­voir sa place d’un ordre qui me sur­plombe et à par­tir duquel je recon­nais mon rôle et ma fonc­tion. Etre subor­don­né c’est être pla­cé sous un ordre à par­tir duquel je reçois la place et la fonc­tion qui est la mienne.

    Etre domi­né bien évi­dem­ment c’est subir l’emprise de plus fort ou de plus puis­sant que soi. Les rela­tions sociales sont par­fois de simples rela­tions de domi­na­tion, bien ça veut dire que ça marche mal. Quand une socié­té est fonc­tion­nelle, quand elle assure la cir­cu­la­tion de l’ordre, c’est qu’elle a su sub­sti­tuer des rela­tions de subor­di­na­tion à des rela­tions de domination.

    Cette dis­tinc­tion en subor­di­na­tion et domi­na­tion va me ser­vir d’arrière plan pour cher­cher la source et les condi­tions à par­tir des­quelles on pour­ra pen­ser les effets d’une auto­ri­té authen­tique. L’autorité implique bien quelque chose qui est de l’obéissance, mais une obéis­sance qui est autre chose que la sou­mis­sion, autre chose que la ser­vi­tude. Donc pour que mon obéis­sance puisse être vrai­ment obéis­sance et non pas sou­mis­sion, qu’est ce que doit être l’autorité ? Ou bien, ce qui revient au même, qu’est ce que peut être le pou­voir quand il accepte de ne pas être réduit au jeu bar­bare d’une simple domi­na­tion coer­ci­tive ? Vous com­pre­nez bien que l’enjeu de mon topo c’est de repen­ser les liens de subor­di­na­tion qui n’ont pas grand-chose à voir avec les dis­tinc­tions faciles et faus­sées entre infé­rieur et supé­rieur. Je crois que quand on aura ban­ni de notre dis­cours des termes qui sont infâ­mants et qui ne disent pas la réa­li­té des rap­ports d’autorité, nous aurons peut-être contri­bués à pou­voir mettre de l’ordre dans les rela­tions sociales quand nous sommes vis-à-vis d’elles inves­tis d’une cer­taine res­pon­sa­bi­li­té.Pen­ser l’autorité comme ce qui struc­ture des rap­ports de subor­di­na­tion sera peut-être nous dis­pen­ser d’un pou­voir qui ne serait rien d’autre que la consti­tu­tion de rap­ports de domi­na­tion supé­rieurs / inférieurs. 

    Com­ment fonc­tionne le pou­voir et sur quoi ça bute ? Quand on com­prend com­ment marche le pou­voir on est ame­né à com­prendre ce qui fait sa fai­blesse et ce qui fait le carac­tère néces­saire et indis­pen­sable de l’autorité.

    Le pou­voir est un thème qui méri­te­rait à lui seul une confé­rence. Je vais me conten­ter d’une approche qui joue avec trois per­son­nages pour qui j’ai une grande affec­tion : Saint Augus­tin qui a vécu il y a très long­temps, l’autre un peu plus proche Pas­cal et encore plus proche Pierre Bour­dieu, Pierre Bour­dieu qui a d’ailleurs écrit « les médi­ta­tions pas­ca­liennes », et Pas­cal qui est un Augus­ti­nien, au fond il y a bien une filia­tion assez natu­relle qui va d’Augustin à Pas­cal et à Bour­dieu. Ils ont ceci de com­mun, (même si je ne suis pas tout à fait d’accord) qu’ils consi­dèrent que les rela­tions sociales sont tou­jours fon­da­men­ta­le­ment, consti­tu­ti­ve­ment, des rela­tions de domi­na­tion. Qu’est ce que c’est que la vie sociale ? Pour n’importe lequel d’entre eux c’est le jeu qui cor­res­pond au fait que cha­cun veut domi­ner cha­cun, et ce jeu struc­ture ou déstruc­ture, aus­si bien les familles que les asso­cia­tions ou les entre­prises ou la poli­tique. Une fois qu’on a dit qu’il y a socié­té là où cha­cun aspire à domi­ner cha­cun, on bute sur le fait que tous ne sont pas aus­si forts et qu’il faut bien que cer­tains consentent à être domi­nés. Mais si nous consen­tons à être domi­nés ce n’est jamais de gai­té de cœur parce que nous avons recon­nu notre fai­blesse ou notre posi­tion basse, c’est pour s’assurer par là même, une marge de domi­na­tion pos­sible. Un exemple tout bête : Si je consens à ne pas être le meilleur de ma classe et à recon­naitre ceux qui sont plus forts que moi aus­si nom­breux soient-ils, il faut bien une com­pen­sa­tion sym­bo­lique, qu’on me recon­naisse alors comme le plus drôle, comme le boute-en-train de ser­vice, comme le plus spor­tif ou le plus sym­pa… ou à la limite comme le plus agres­sif peu importe, mais il faut quelque part qu’une plus-value sym­bo­lique me soit recon­nue et accor­dée. Je ne peux tenir ma place dans l’ordre social qu’à condi­tion que ma libi­do domi­nan­di pour par­ler comme Saint Augus­tin, ma pul­sion de domi­na­tion trouve des pos­si­bi­li­tés de satisfaction.

    Donc Augus­tin je viens de vous le dire, rat­tache cela à la libi­do domi­nan­di et il rat­tache cette libi­do domi­nan­di à l’amour propre, au fait que cor­rom­pu par ce qu’il appelle le pêché ori­gi­nel je me pré­fère moi-même à tout autre et me pré­fé­rant moi-même à tout autre je trouve juste d’être en situa­tion de pou­voir domi­ner tout autre possible.

    Pas­cal reprend ce jeu de la libi­do domi­nan­di et il en fait le prin­cipe même de la poli­tique et des stra­té­gies de pou­voir. Pour Pas­cal la poli­tique c’est ce jeu par lequel cha­cun veut le pou­voir parce qu’il est convain­cu d’être le seul légi­time pour l’exercer et qu’il a un droit abso­lu de domi­na­tion sur autrui. Et pour Pas­cal c’est le nerf de la guerre, c’est le nerf de la poli­tique. Le pro­blème, et là Pas­cal devient un très fin pen­seur poli­tique, c’est que si ça se savait on ne joue­rait pas le jeu et on n’accepterait pas d’être gou­ver­nés par ceux-là même qui vou­draient nous impo­ser leur libi­do domi­nan­di. Pas­cal dit que la ruse du pou­voir poli­tique c’est de réus­sir à camou­fler la véri­té du jeu poli­tique, c’est-à-dire de réus­sir à cacher suf­fi­sam­ment l’instinct de domi­na­tion pour que ça puisse pas­ser par exemple pour un ser­vice du bien com­mun, un ser­vice public. Pas­cal n’est pas un cynique, ce n’est pas quelqu’un qui dit tous pour­ris et je crois qu’il aurait tort s’il le disait, c’est quelqu’un qui nous dit que la socié­té est telle, que tout homme est asser­vi par la libi­do domi­nan­di, que cha­cun veut domi­ner cha­cun et si on laisse libre cours à cette pul­sion de domi­na­tion il n’y a plus de socié­té pos­sible. Il faut donc bien que nous soyons gou­ver­nés. Et ceux qui nous gou­vernent par là même satis­font leur libi­do domi­nan­di, mais il faut qu’ils puissent la satis­faire, il faut qu’ils puissent exer­cer le pou­voir pour pou­voir bri­der nos pas­sions et rendre pos­sible la vie sociale mal­gré la libi­do domi­nan­di. Il faut qu’ils rusent avec nous, il faut qu’ils nous trompent, même s’ils nous trompent pour notre bien. Pas­cal disait que le plus sage des légis­la­teurs (et il pen­sait à Saint Augus­tin) affir­mait que pour le bien des hommes il est sou­vent néces­saire de les piper. De les trom­per, de les abu­ser, de les cir­con­ve­nir, de flat­ter leur libi­do domi­nan­di de manière à leur per­mettre de vivre ensemble. Et com­ment on flatte la libi­do domi­nan­di de ceux dont on est res­pon­sable ? En mul­ti­pliant dans la socié­té des situa­tions concur­ren­tielles qui per­mettent à cha­cun de recueillir le béné­fice sym­bo­lique de sa propre puis­sance indi­vi­duelle. Donc pour Pas­cal qu’est ce que c’est que la socié­té ? C’est un espèce de champ de force struc­tu­ré par des rap­ports de force, quand cha­cun veut domi­ner cha­cun, cha­cun en même temps à besoin de cha­cun. Si j’assassine tous ceux qui sont autour de moi sous le pré­texte de satis­faire de manière abso­lue ma libi­do domi­nan­di, je ne pour­rais plus domi­ner per­sonne et en plus il n’y aura plus per­sonne pour me recon­naitre comme le plus puis­sant et le plus fort. A quoi bon être le plus fort si je n’ai pas face à moi des indi­vi­dus qui me ren­voient l’image de ma force.

    C’est ça la socié­té pour Bour­dieu. C’est ce jeu de rap­port de force qui est telle que cha­cun est en posi­tion d’être pour cha­cun le miroir de sa propre puis­sance et cha­cun peut satis­faire dans son ordre propre sa libi­do dominandi.

    La forme la plus simple de la domi­na­tion, pour­rait-on croire, c’est la force. La force a un avan­tage qu’avait bien vu Pas­cal et Jean de la Fon­taine, elle ne se dis­cute pas. On peut tou­jours dis­cu­ter pour savoir si vous êtes plus intel­li­gents que moi, on peut dis­cu­ter pour savoir qui est le plus beau, le plus gen­til, le plus humble, mais pour savoir qui est le plus fort ce n’est pas la peine de dis­cu­ter il suf­fit d’un ring, frap­pez-vous des­sus, le pre­mier qui tombe c’est le plus faible, je vais l’exprimer comme Pas­cal : La force est très recon­nais­sable et sans dis­pute ; ou à la façon de La Fon­taine : La rai­son du plus fort est tou­jours la meilleure, quels que soient les argu­ments de l’agneau de toute façon il fini­ra pas se faire bouf­fer par le loup et le loup aura prou­vé qu’il est bien le dominant.

    La force est pra­tique, pour­quoi l’ordre social ne serait pas assu­ré par la force puisqu’elle est indis­cu­table, mais le para­doxe de la force est qu’elle est tou­jours insuf­fi­sante, le para­doxe de la force c’est qu’en réa­li­té elle est tou­jours fai­blesse. Pour citer Rous­seau : le plus fort n’est jamais assez fort pour res­ter le maitre, et pour une rai­son toute simple c’est que d’abord le plus fort va vieillir, il va deve­nir plus faible, le pou­voir qu’il se sera acquis sera évi­dem­ment très vite mena­cé par plus fort que lui, puis il y a une deuxième rai­son c’est que même s’il reste fort assez long­temps il suf­fit que deux ou trois se liguent contre lui et sa force vien­dra buter sur une force plus grande. Le para­doxe de la force est qu’alors même qu’elle est sans dis­pute, incon­tes­table, elle est dotée d’une fai­blesse qui la rend insuf­fi­sante pour s’assurer l’acquisition et la conser­va­tion du pou­voir. Ce que savent tous les poli­tiques à part peut-être les tyrans (et encore ils font sem­blant de pas savoir), c’est qu’au fond la force ne suf­fit jamais, ni pour conqué­rir, ni pour conser­ver le pou­voir, il faut autre chose. Il faut au plus fort quelque chose qui ne relève pas sim­ple­ment de sa force, le plus fort va devoir ruser. Il va devoir nous dit Rous­seau : Trans­for­mer sa force en droit et l’obéissance en devoir, extrait du « contrat social » livre 1, cha­pitre 3. Il faut qu’il nous convainc qu’il est le plus fort, ca c’est facile il suf­fit qu’il nous tape des­sus, mais il faut qu’il arrive à nous per­sua­der que sa force même lui donne le droit de l’exercer, qu’il a le droit de nous gou­ver­ner parce que c’est le plus fort. Au pas­sage c’est la stra­té­gie du loup dans « le loup et l’agneau », le loup met un temps fou à dévo­rer l’agneau, il dis­cute 107 ans avec lui, il écoute les argu­ments de l’agneau. Pour­quoi ? Parce que le loup ce qui l’intéresse n’est pas seule­ment de dévo­rer l’agneau, il n’est pas seule­ment tenaillé par la faim, la libi­do domi­nan­di c’est plus puis­sant que la libi­do haben­di, le loup ce qu’il aime­rait arra­cher à l’agneau c’est la recon­nais­sance de son droit à le dévo­rer, c’est un per­vers le loup. L’agneau il ne joue pas le jeu, il dis­cute, il pinaille, il n’est pas d’accord et résul­tat il se fait bouf­fer mais pour le loup c’est un échec, il a raté quelque chose, il n’a pas réus­si à trans­for­mer sa force en droit, et la stra­té­gie du pou­voir c’est tou­jours de trans­for­mer la force en droit et l’obéissance en devoir. Le pou­voir ne se satis­fait jamais de l’obéissance, il faut que cette obéis­sance soit consi­dé­rée comme du, le pou­voir ne consiste pas seule­ment à dire « obéis­sez-moi », mais « vous devez m’obéir ». Et dire vous devez m’obéir veut dire non seule­ment subir le pou­voir qui est le mien mais vous devez en recon­naitre la légi­ti­mi­té. Bref la force est si fra­gile que pour se trans­for­mer en pou­voir elle requière d’être jus­ti­fiée, elle demande à être légi­ti­mée. Mais là encore on bute sur une dif­fi­cul­té, com­ment pour­rait-on légi­ti­mer la force que nous recon­nai­trions comme une force supé­rieure et que nous trans­for­me­rions en pou­voir en la légi­ti­mant ? Ce n’est pas pos­sible ! Si la libi­do domi­nan­di est le lot de tous quelque chose devrait résis­ter, on ne devrait pas jouer le jeu, on le joue tous, on accepte tous l’idée que le plus fort, à condi­tion que ça joue pas à 53 voix près, c’est celui qui légi­ti­me­ment est là pour domi­ner, pour gou­ver­ner, pour exer­cer son pou­voir. Et que faut-il pour ça ? Quelque chose de tout simple qu’avait bien remar­qué Pas­cal, il faut qu’on y croie, il faut que celui qui exerce le pou­voir pro­duise en même temps des effets de croyances. C’est-à-dire que celui qui veut domi­ner par­vienne à nous faire croire que son pou­voir est légi­time. Ca ne veut pas dire qu’il s’agit sim­ple­ment pour lui de nous duper et de nous trom­per, faire croire à quelqu’un ce n’est pas for­cé­ment lui vou­loir du mal. Si je fais croire à un ami gra­ve­ment malade qu’il a toutes les chances de gué­rir s’il se soigne, même si j’y crois pas vrai­ment moi-même, j’augmente pour lui les chances de gué­ri­son, si je laisse croire à l’élève en grosse dif­fi­cul­té qu’il va pro­gres­ser s’il s’accroche, je ne le fais pas pour le trom­per mais pour l’aider à pro­gres­ser. Le jeu du pou­voir c’est de réus­sir à pro­duire des effets de croyances, selon Bour­dieu, selon Pas­cal, selon Machia­vel… c’est-à-dire de réus­sir à ce qu’on croit en lui parce que ça ne tien­dra pas si on n’y croit pas. Ca marche à un niveau tout simple si vous n’étiez pas là en train de croire que j’ai un mini­mum de com­pé­tence pour vous par­ler de l’autorité, ça ferait long­temps que vous seriez par­tis. C’est parce que vous croyez que j’ai un droit par­ti­cu­lier à être moi der­rière ce bureau alors que vous êtes assis sage­ment sur vos chaises, que je peux par­ler dans une situa­tion qui est glo­ba­le­ment une situa­tion d’ordre, ça marche parce que vous y croyez. Un des grands théo­ri­ciens de l’autorité Max Weber, rat­tache toutes les formes de l’autorité à des pro­cé­dures de croyances, on peut noter dans « le savant et le poli­tique » Weber dis­tingue trois types d’autorités : Une qu’il appelle « tra­di­tion­nelle », l’autre qu’il appelle « cha­ris­ma­tique » et la troi­sième qu’il appelle « l’égal ration­nel », il consi­dère que ce qu’elles ont en com­mun c’est qu’elles sont toutes fon­dées sur la croyance et à par­tir de là il construit un concept de  herr­shaft, pou­voir, auto­ri­té… on ne sait pas trop bien com­ment le tra­duire le herr­shaft de Weber, domi­na­tion, mai­trise, com­man­de­ment… mais ce qu’il appelle herr­shaft c’est ce qui ne fonc­tionne qu’à condi­tion de sus­ci­ter une adhé­sion, il n’y a d’autorité véri­table que si j’adhère à celui dont je recon­nais l’autorité et je ne peux y adhé­rer qu’à condi­tion d’y croire. Je vous ren­voie à un petit ouvrage éclai­rant, de Myriam Revault d’Al­lonnes «  Le pou­voir des com­men­ce­ments », elle connait très bien Max Weber, je la cite : Est ration­nel laherr­shaft fon­dée sur la croyance en la léga­li­té des règles ins­ti­tuées. Est tra­di­tion­nel la herr­shaft fon­dée sur la croyance en la sain­te­té des tra­di­tions éter­nel­le­ment valables. Est cha­ris­ma­tique la domi­na­tion fon­dée sur la dévo­tion à l’égard du carac­tère sacré de la force héroïque ou de la valeur exem­plaire d’une per­sonne. Quelle que soit la forme de l’autorité évo­quée par Max Weber, elle n’existe comme puis­sance, comme herr­shaft que dans la mesure où on y croit. Pour que le pou­voir puisse s’exercer dura­ble­ment il faut qu’il puisse pro­duire des effets de croyance.

    Com­ment fait-il ? Il fait en sorte que ce qui est fort soit juste, si vous me trou­vez cynique, je suis per­sua­dé de ne pas l’être, je vous prends un exemple très simple parce que dans nos socié­tés démo­cra­tiques on pour­rait dire qu’est ce que c’est la démo­cra­tie ? C’est ce qui jus­ti­fie des rap­ports de droit, des rap­ports de force, on va lais­ser ça pour le caté­chisme répu­bli­cain, ce n’est pas ça le fonc­tion­ne­ment réel de la démo­cra­tie. Je prends un exemple tout bête, vous êtes à l’assemblée natio­nale, vous avez un pro­jet de loi à défendre, il va y avoir des dis­cus­sions, des débats, des argu­ments, puis un vote, puis en fonc­tion de la majo­ri­té le pro­jet de loi s’il est vali­dé sera recon­nu comme légi­time. Très bien, mais au fond ça veut dire quoi ? Ça veut dire que les plus nom­breux seront les plus forts et que le pro­jet de loi sor­ti­ra parce qu’il aura pour lui une majo­ri­té capable de le défendre. Ce sont les plus forts parce que les plus nom­breux qui par­vien­dront à faire pas­ser un pro­jet de loi qui sous une autre majo­ri­té ne serait pas pas­sé. Ce qui veut dire que sa légi­ti­mi­té n’est pas une légi­ti­mi­té abso­lue, qua­si divine, que sa légi­ti­mi­té que je ne conteste pas est une légi­ti­mi­té adve­nue dans un jeu de rap­port de force. Le fonc­tion­ne­ment démo­cra­tique c’est ce qui per­met pré­ci­sé­ment d’habiller des rap­ports de force en puis­sance de légi­ti­ma­tion, même quand il y a élec­tions pré­si­den­tielles celui qui est élu c’est celui qui a eu le plus de force pour pro­vo­quer l’adhésion à sa per­sonne, quels que soient les moyens légaux qu’il ait pu employer. Pour le dire comme Pas­cal en poli­tique la force est tou­jours pre­mière, la poli­tique n’abolit jamais les rap­ports de force, elle les consti­tue en rap­ports sym­bo­liques de domi­na­tion ; tout pou­voir est usur­pée, on prend tou­jours le pou­voir, on ne vient jamais vous l’offrir sur un pla­teau. Jus­te­ment parce que le pou­voir se prend et que sa légi­ti­ma­tion n’est jamais abso­lue, il lui faut pro­duire les effets de croyance qui lui per­mettent de durer et d’apparaitre comme légi­time. Même sur la scène inter­na­tio­nale, même quand un pou­voir est pris par un coup d’état, géné­ra­le­ment la com­mu­nau­té inter­na­tio­nale va s’émouvoir pen­dant quelques semaines, puis si ça tient, si les rela­tions sociales et poli­tiques sont sta­bi­li­sées, on va se cal­mer, on lais­se­ra pas­ser quelques mois et celui qui quelques mois plus tôt était regar­dé comme un odieux tyran qui vient de faire un coup d’état inac­cep­table, sera regar­dé comme le chef légi­time de l’état dont il aura pris le pouvoir. 

    Pour que le pou­voir tienne il faut qu’il réus­sisse à pro­duire des effets de croyance qui assurent sa légi­ti­mi­té. Il faut faire croire que la loi de la suc­ces­sion héré­di­taire, par exemple dans un sys­tème monar­chique, est par­fai­te­ment légi­time, ou faire croire que la loi de l’élection démo­cra­tique est plus légi­time que la loi de la suc­ces­sion héré­di­taire, ou faire croire que les pri­vi­lèges de la noblesse sont légi­times… et tant qu’on y croit ça marche. Et quand on n’y croit plus on est en août 89.

    Il y a une autre manière, il y a une manière de faire que tous les poli­tiques connaissent, pas que les poli­tiques, les ensei­gnants, les curés, les chefs d’entreprise… Pour que ça marche il faut frap­per l’imagination, c’est-à-dire qu’il faut pou­voir mettre en scène, il faut théâ­tra­li­ser son pou­voir. Le pou­voir du roi ne tien­drait pas long­temps sans le sceptre, la cou­ronne, la cour, le trône, le palais prin­cier… Le pou­voir démo­cra­tique ne nous impres­sion­ne­rait pas beau­coup sans le balai des limou­sines dans la cour de l’Elysée, les pro­to­coles. On pour­rait ima­gi­ner que je vous parle du milieu d’entre vous, mais il y a quelque chose de théâ­tral ici, on m’a mis en hau­teur et devant moi une lon­gueur pas pos­sible qui me sépare bien de vous, théâ­tra­li­sa­tion mas­sive de ma pré­sence qui vise à assu­rer un effet de pouvoir. 

    Dans le jeu du pou­voir c’est qu’il n’y a pas de pou­voir sans repré­sen­ta­tion du pou­voir, il n’y a de pou­voir que mis en signes, à tra­vers des signes qui vont frap­per l’imagination et qui sup­posent une mise en scène théâ­trale de ces signes. Cette repré­sen­ta­tion du pou­voir à tra­vers ses signes est tou­jours ce qui assure le pou­voir de la repré­sen­ta­tion. Nos repré­sen­ta­tions sont puis­santes, au fond nous sommes gou­ver­nés par nos propres repré­sen­ta­tions bien d’avantage que par ceux qui croient nous gou­ver­ner, la preuve est qu’ils ne peuvent nous gou­ver­ner que tant que la repré­sen­ta­tion que l’on se fait d’eux coïn­cide avec la repré­sen­ta­tion qu’ils espèrent qu’on a d’eux.

    Le pou­voir s’il est fra­gile, il est fra­gile puisqu’il a besoin de signes, de croyances, d’être théâ­tra­li­sé, d’être légi­ti­mé il est fra­gile d’une manière telle que ce qui le rend néces­saire Pas­cal, Bour­dieu, Augus­tin sont d’accord là-des­sus, aus­si fra­gile, aus­si trom­peur qu’il soit le pou­voir est néces­saire pour mettre de l’ordre dans les rela­tions sociales. Mais ce qui rend le pou­voir néces­saire c’est aus­si, et c’est le drame du pou­voir, c’est ce qui le rend fra­gile, parce qu’en réa­li­té on n’est pas si dupe que cela. Pas­cal a le sou­ci de démys­ti­fier le jeu poli­tique pour nous mon­trer com­ment ça marche, il est à mon avis bien plus pré­cis que Machia­vel,  Pas­cal nous dit « ce que je vous dis là il ne faut pas le répé­ter », il est bon que le peuple ne le sache pas, là Pas­cal est un peu naïf, le peuple le sait tou­jours, on a par­fois besoin de se le cacher un peu à nous-mêmes mais au fond on sait bien com­ment ça marche, on n’est pas si dupe que ça, il est arri­vé à cha­cun de nous de dou­ter de l’absolu légi­ti­mi­té d’un supé­rieur hié­rar­chique, d’un pro­fes­seur, d’un homme politique.

    Tout pou­voir vient buter sur la libi­do domi­nan­di de ceux sur qui il s’exerce, le pro­blème c’est que le pou­voir ne peut jamais tenir par sa propre force jus­te­ment parce que face à lui il y a d’autres volon­tés de pou­voir. Moi j’ai le pou­voir de faire en sorte que mes élèves res­tent assis dans la classe sans bou­ger mais s’ils déci­daient mas­si­ve­ment de se lever, de plus m’écouter et de foutre le souk, c’est-à-dire d’affirmer leur propre libi­do domi­nan­di contre la mienne, ce n’est pas cer­tain du tout que je ferai le poids, il est même cer­tain que je ne le ferai pas. Ca veut dire que tout pou­voir vient buter sur la libi­do domi­nan­di de ceux sur qui il s’exerce, c’est-à-dire qu’il a tou­jours à conju­rer le risque de la révolte, de la contes­ta­tion, de la révo­lu­tion, de la cri­tique, c’est donc compliqué.

    La légi­ti­ma­tion n’est jamais totale on sait qu’aucun pou­voir n’est abso­lu­ment pas légi­time. Le pou­voir pour fonc­tion­ner vrai­ment a besoin d’autre chose et ce quelque chose dont il a besoin c’est l’autorité. L’autorité est tou­jours ce qui doit relayer le pou­voir pour que le pou­voir puisse conti­nuer à s’exercer comme pou­voir. L’autorité est peut-être même par­fois ce qui assure le pou­voir, du pou­voir, ce qui l’augmente et lui per­met de tenir. Et la puis­sance de l’autorité est par­fois plus grande que celle du pou­voir. Je cite Cicé­ron, à pro­pos d’un séna­teur : Ce qu’il ne pou­vait pas réa­li­ser par le pou­voir, il l’obtint par l’autorité, Cicé­ron recon­nait déjà que la puis­sance de l’autorité est par­fois plus grande que la puis­sance du pou­voir. Com­ment c’est pos­sible qu’on puisse obte­nir par l’auctoritas ce qu’on ne peut pas obte­nir par le potes­tas ? Ety­mo­lo­gi­que­ment le mot auto­ri­té vient de verbe latin augere qui veut dire accroitre, aug­men­ter, l’autorité c’est donc ce qui aug­mente le pou­voir de per­sua­der, non pas à par­tir d’un pou­voir qu’il aurait reçu ins­ti­tu­tion­nel­le­ment mais à par­tir de qua­li­tés qui sont celles de sa per­sonne (exploits, com­pé­tences, ver­tus, suc­cés…). Ce qui donne pou­voir est reçu d’ailleurs, ce qui donne auto­ri­té pro­vient tou­jours de quelque chose qui est recon­nu comme étant de la per­sonne. L’autorité ne s’institue pas c’est une carac­té­ris­tique per­son­nelle, non trans­fé­rable. On peut trans­fé­rer un pou­voir, on peut don­ner pou­voir à quelqu’un, l’autorité est intrans­fé­rable. Emile Ben­ve­niste, spé­cia­liste de l’indo-européen, va cher­cher par­fois l’étymologie bien plus loin que dans le latin, il voit dans le augere (moi je vais cher­cher dans le latin la racine du mot auto­ri­té, lui va cher­cher dans l’indo-européen la racine du mot augere) il lui semble que le verbe latin augere vient d’une racine indo-euro­péenne aug qui désigne la force, mais pas n’importe quelle force, pas une force humaine, une force qui est d’abord celle des Dieux, une puis­sance par­ti­cu­lière de faire être hors de soi quelque chose par sa puis­sance propre, aug c’est donc la puis­sance effi­cace qua­si divine. On trouve au pas­sage quelque chose de ce sens dans le mot auteur qui est la même racine qu’autorité, dans un sens méta­pho­rique, quand on dit de quelqu’un « il est auteur de nos jours », l’auteur de mes jours c’est bien celui qui a pu pro­duire hors de soi ce qu’il avait la puis­sance de pro­duire hors de soi, l’efficace d’un faire être entiè­re­ment du à l’auteur de mes jours. Si on parle de l’auteur comme un écri­vain c’est encore plus net, l’auteur est moins celui qui est auto­ri­sé que celui qui a le pou­voir de faire exis­ter hors de lui quelque chose qui a ensuite sa force propre de pro­duire cer­tains effets.

    Si nous com­pre­nons l’autorité à par­tir de ce que nous révèle Cice­ron ou Ben­ve­niste, ou sim­ple­ment un exa­men de l’étymologie, je crois qu’on peut en tirer un cer­tain nombre de carac­tères, je vais vous en pro­po­ser 7 :

    • L’autorité exclue la coer­ci­tion, elle ne fonc­tionne pas sur le mode de la contrainte. Celui qui parle avec auto­ri­té n’a pas besoin d’élever la voix. Celui qui agit avec auto­ri­té n’a pas besoin de for­cer les évè­ne­ments. Il suf­fit qu’il parle, il suf­fit qu’il oriente, il suf­fit qu’il dise ce qu’il faut faire et on fait comme il dit et on écoute sa parole.
    • L’autorité repose sur la recon­nais­sance, il n’y a auto­ri­té réelle que d’autorité recon­nue, à tel point que l’expression « auto­ri­té recon­nue » peut être consi­dé­rée comme un pléo­nasme. Si elle n’est auto­ri­té que si elle est recon­nue c’est que son par­cours est contraire à celui du pou­voir. Le pou­voir s’exerce de haut en bas mais puisque l’autorité n’est auto­ri­té qu’à être recon­nue elle s’exerce de bas en haut puisque n’a auto­ri­té que celui a qui vous don­nez auto­ri­té en recon­nais­sant pré­ci­sé­ment l’autorité qui est la sienne.
    • L’autorité bien qu’elle fonc­tionne que sur la base d’une recon­nais­sance qui néces­sai­re­ment me vient d’en bas, elle n’est pas pour autant éga­li­taire, elle exclue le débat, l’argumentation, la dis­cus­sion. Si on est entre égaux on peut dis­cu­ter, débattre, argu­men­ter, faire valoir nos points de vue, mais quand quelqu’un parle avec auto­ri­té on recon­nait la puis­sance et l’efficacité de sa parole. L’autorité ne se dis­cute pas. Dans la mesure où l’autorité fonc­tionne hors débat, l’ordre auto­ri­taire est tou­jours un ordre hiérarchique.
    • Si l’autorité a quelque chose de per­son­nel, contrai­re­ment au pou­voir, sa source semble tou­jours quelque chose qui trans­cende la per­sonne auto­ri­sée. On recon­nait à celui dont on recon­nait l’autorité, des qua­li­tés par­ti­cu­lières et en même temps on recon­nait en sa pré­sence, quelque chose qui le dépasse, quelque chose de plus grand que lui.
    • Dans la sphère poli­tique la source de l’autorité est tou­jours la loi. Quelle que soit l’autorité dont on dis­pose on ne peut jamais conser­ver l’autorité contre la loi ou dans le jeu de la trans­gres­sion de la loi. C’est ce qui dis­tingue un régime auto­ri­taire (il s’en tient au res­pect des lois, il reste ordon­né à l’ordre de la loi) d’une tyrannie.
    • Le mot et le concept d’autorité sont issus du droit romain. En droit romain on dis­tingue bien l’auctoritas et le potes­tas. Le pou­voir c’est le mono­pole de la mai­son impé­riale, l’empereur et les proches de l’empereur qui ont le pou­voir. L’autorité c’est le pri­vi­lège du sénat, c’est-à-dire des anciens. La poli­tique romaine à l’époque impé­riale est struc­tu­rée entre ces deux pôles.
    • L’autorité est de nature spi­ri­tuelle c’est-à-dire non coer­ci­tive. Han­nah Arendt nous le dit. La chute de l’Empire romain 476, au Vème siècle l’église, ins­ti­tu­tion­nel­le­ment, se retrouve dans une situa­tion où elle peut faire valoir son expé­rience, sa com­pé­tence, son mode d’organisation, et elle entre dans une dimen­sion poli­tique. Pour exer­cer ce pou­voir l’église va adop­ter la dis­tinc­tion romaine entre le pou­voir et l’autorité, et elle reven­dique pour elle la vieille auto­ri­té du sénat et aban­donne le pou­voir aux rois et aux empe­reurs du monde. Même ce jeu qui va tra­ver­ser tout le moyen âge, non pas un jeu de sépa­ra­tion, mais l’articulation du pou­voir reli­gieux et du pou­voir royal au moyen âge n’est pas un conflit de pou­voir parce qu’elle fonc­tionne bien déjà sur ce qui est une sépa­ra­tion des pou­voirs. Le pou­voir reven­di­qué par l’église médié­vale c’est l’autorité, c’est le pou­voir spi­ri­tuel non coer­ci­tif, et le pou­voir qu’elle aban­donne qu’elle recon­nait aux princes et aux rois de ce monde, c’est le pou­voir de la mai­son impé­riale. On com­prend qu’il n’y ait pas vrai­ment de crise de l’autorité pen­dant plu­sieurs siècles.

    Ce qui est inté­res­sant ici c’est ce par­tage des rôles de la pen­sée. Ca nous aide à com­prendre que toute socié­té a besoin de ces deux pôles. Toute socié­té a besoin d’un pôle de pou­voir ins­ti­tué et d’un pôle d’autorité. Le pôle d’autorité c’est ce pôle où se joue la capa­ci­té à mobi­li­ser plu­tôt qu’à contraindre. Quand on doit contraindre ses subor­don­nés à faire leur tra­vail, c’est déjà que ça va mal. Et le pou­voir qui est le notre est frap­pé d’insuffisance. Mais si on arrive à mobi­li­ser une équipe, des éner­gies, c’est quel que soit le pou­voir que l’on a ou que l’on n’a pas, on jouit d’une cer­taine auto­ri­té. Donc le pôle d’autorité c’est ce qui per­met de mobi­li­ser plu­tôt que de contraindre, autre­ment dit de faire qu’on y croit sans pour autant nous faire croire. Je crois que l’autorité véri­table c’est ce qui peut se pas­ser des effets de théâ­tra­li­sa­tion dont je fai­sais tout à l’heure le jeu du pou­voir parce que le pou­voir n’est jamais de lui-même assez sur de sa légi­ti­ma­tion il faut qu’il se mette en scène, il faut la bonne cra­vate et le beau cos­tume. L’autorité peut nous dis­pen­ser des effets de pou­voir et en par­ti­cu­lier des effets de théâ­tra­li­sa­tion. Ce qui me frappe chez les gens dont je recon­nais l’autorité c’est qu’ils n’ont pas besoin d’en rajou­ter, ils n’ont pas besoin de sur-jouer. Ca me rap­pelle la confi­dence d’un ami qui me par­lait d’un ancien doyen de l’inspection géné­rale, il me par­lait de lui avec beau­coup de bon­té, de gen­tillesse, d’affection… puis il a eu une for­mule éton­nante, il me dit « ce qui a de bien avec lui c’est qu’il ne joue pas au doyen ». Au fond c’est ça l’autorité c’est ce qui nous dis­pense d’avoir à jouer, quand vous n’êtes pas sur vrai­ment d’être à la place qui devrait être la votre vous devez en rajou­ter pour convaincre les autres que c’est bien vous le chef et que votre pou­voir est légi­time. Mais quand vous êtes à l’aise dans vos propres com­pé­tences, avec votre pou­voir, avec votre fonc­tion vous n’avez pas besoin de sur-jouer. Il se pour­rait bien que l’autorité ce soit ça.

    Je vou­drais ter­mi­ner sur les condi­tions de l’autorité.

    • Elle s’ignore elle-même comme auto­ri­té. L’autorité que je reven­dique, l’autorité que je pose comme étant la mienne c’est tou­jours celle que je risque de sur-jouer et en la sur-jouant, celle que je risque de perdre. On n’a jamais autant d’autorité que quand on ne se pose pas la ques­tion de son auto­ri­té, quand on ignore notre auto­ri­té et quand on est dis­pen­sé par là-même d’avoir une pos­ture affec­tée qui tom­be­rait immé­dia­te­ment dans l’imposture. L’autorité qui se prend au sérieux, l’autorité qui ne s’ignore pas elle-même, l’autorité trop sure d’elle c’est ce qui risque tou­jours de nous faire som­brer dans l’autoritarisme ou dans le ridi­cule, au choix et je ne sais ce qui est le pire.
    • L’autorité a à voir avec une cer­taine sagesse recon­nue, cette sagesse peut être aus­si bien une sagesse pra­tique, qu’une sagesse théo­rique. Elle peut être une sagesse pra­tique parce qu’elle peut être de l’ordre de la com­pé­tence, du savoir-faire, de la pru­dence, de l’expérience et quand on a acquis une cer­taine com­pé­tence qui nous donne une cer­taine effi­ca­ci­té, quand notre savoir-faire est rela­ti­ve­ment indis­cu­té, quand nous sommes suf­fi­sam­ment pru­dent pour prendre le temps de mesu­rer une situa­tion, quand nous avons l’expérience qui nous per­met peut-être de ne pas faire les mêmes erreurs, d’autres éven­tuel­le­ment mais pas les mêmes, à par­tir de là nous pou­vons appa­raitre comme ayant une cer­taine auto­ri­té. Même chose pour la sagesse théo­rique, celle qui se carac­té­rise par un cer­tain recul, une cer­taine dis­tance cri­tique, une cer­taine hau­teur de vue et celui qui a cette hau­teur de vue, cette dis­tance cri­tique, c’est celui dont on sera enclin à recon­naitre l’autorité.

    Ce que je suis en train de vous dire là c’est que l’autorité n’est pas un espèce de don natu­rel, on ne nait pas avec l’autorité che­villée à l’âme, l’autorité c’est ce qui nous advient avec l’expérience, avec le recul, avec la com­pé­tence, avec le savoir-faire, avec la pru­dence, avec tout ce qu’il a fal­lu construire, avec tout ce qu’il a fal­lu acqué­rir. La mau­vaise nou­velle c’est que ce n’est pas un don magique et la bonne nou­velle c’est que mine de rien ça peut se tra­vailler. D’une manière para­doxale parce qu’à vou­loir acqué­rir de l’autorité je risque de perdre le peu d’autorité qui me res­tait. Mais ça veut dire que si j’oublie l’autorité et que je pense vrai­ment à deve­nir plus com­pé­tent, plus effi­cace, plus pru­dent, à tirer par­ti de mon expé­rience, l’autorité vien­dra comme de surcroit.

    Je vois cer­tains d’entre vous qui disent « oui mais y’a quand même l’autorité cha­ris­ma­tique ! », celle là se joue à un niveau qui ne se tra­vaille pas. Cha­ris en grec c’est la grâce, le don, et l’autorité cha­ris­ma­tique ça serait une sorte de don qua­si sur­na­tu­rel et mira­cu­leux que l’on recon­nai­trait chez cer­tains. On voit par­fois dans l’autorité la marque d’un cha­risme, il est d’ailleurs éton­nant qu’on soit dans le voca­bu­laire don divin qua­si théo­lo­gique et mys­tique, je suis assez per­plexe, j’y crois pas trop. Je vous raconte une anec­dote par laquelle on a essayé de me convaincre que cer­tains avaient une auto­ri­té cha­ris­ma­tique en me pré­sen­tant une petite dame extra­or­di­naire et dont on disait qu’elle avait un cha­risme, c’était la pré­si­dente d’ATD quart monde il y a quelques années, une petite bonne femme pleine d’énergie, déjà assez âgée, elle allait régu­liè­re­ment frap­per à la porte des minis­tères et on la fai­sait pas attendre ¼ d’heure, elle avait ses entrées, on l’accueillait, on l’écoutait, elle engueu­lait les ministres et les ministres se lais­saient engueu­ler par elle. « Donc là on est vrai­ment dans l’autorité cha­ris­ma­tique ! » cette per­sonne s’appelait Gene­viève Antho­niosz qui avait bien pris soin de ne pas enle­ver son nom de jeune fille qui était De Gaulle alors oui quand on s’appelle Gene­viève Antho­nioz De Gaule ça pro­duit des effets de croyance et de sidé­ra­tion qui n’auraient pas été pro­duits si elle s’était appe­lée Arlette Dupont. L’autorité cha­ris­ma­tique à discuter.

    • L’autorité implique le res­pect, il n’y a pas d’autorité sans res­pect et le res­pect en deux sens : « tenir quelqu’un en res­pect » c’est le tenir à bonne dis­tance, je crois que c’est ça le res­pect, la ver­tu de la bonne dis­tance ni trop près, ni trop loin. Trop loin c’est de l’indifférence, trop près c’est de la confu­sion. Res­pec­ter ses élèves, res­pec­ter ses enfants c’est n’être pas trop près, ni trop loin d’eux, trou­ver la juste dis­tance qui per­met à cha­cun d’être à sa place.

    Puis res­pect dans un sens plus tech­nique, c’est la recon­nais­sance de l’inaliénable digni­té de ceux à qui on s’adresse, je ne peux pas être recon­nu comme ayant auto­ri­té par quelqu’un que je mépri­se­rais, par quelqu’un dont je bafoue­rais la digni­té. Les condi­tions d’exercice de l’autorité c’est tou­jours le res­pect scru­pu­leux de celui à qui on s’adresse, avec qui on agit.

    • L’autorité implique la mise entre paren­thèses des hié­rar­chies ins­ti­tuées c’est-à-dire que l’autorité per­met de les court-cir­cui­ter pro­vi­soi­re­ment. C’est ce que Pas­cal dans un texte extra­or­di­naire qui s’appelle « trois dis­cours sur la condi­tion des grands » appe­lait les gran­deurs d’établissement c’est-à-dire des gran­deurs qui sont socia­le­ment éta­blies mais qui ne doivent rien aux ver­tus, aux qua­li­tés par­ti­cu­lières de ceux à qui on recon­nait ces gran­deurs, pas­cal disait par exemple qu’être Duc c’est une gran­deur d’établissement.

    Elle ouvre une brèche dans le jeu des hié­rar­chies for­melles. Celui qui a auto­ri­té n’est pas celui qui conteste le pou­voir, il ne conteste pas la légi­ti­mi­té de son chef, mais c’est celui qui, parce qu’il a auto­ri­té bous­cule un peu les hié­rar­chies et qui peut être éven­tuel­le­ment enten­du bien au-delà de sa fonc­tion for­melle. Il y a dans cer­taines entre­prises, dans cer­taines écoles, dans cer­tains clubs… des indi­vi­dus qui n’ont pas de fonc­tion offi­cielle éle­vée et qu’on écoute pour­tant quand ils parlent, aux­quels on est atten­tif sans que l’attention qu’on a pour eux soit à la mesure du pou­voir offi­ciel qui est le leur. Ca c’est indis­pen­sable dans une socié­té, ça veut dire que ça donne du jeu aux hié­rar­chies ins­ti­tuées, ça per­met de ne pas les sclé­ro­ser, de ne pas les rigi­di­fier, ça fait cir­cu­ler du sens, de l’énergie, qui rend pos­sible une rela­ti­vi­sa­tion des rap­ports de domi­na­tion et jus­te­ment de ces jeux entre supé­rieur et inférieur.

    Si on appli­quait ça au monde de l’entreprise, quand je dis monde de l’entreprise c’est aus­si le monde de l’éducation natio­nale, plus je fré­quente les deux plus je me rends compte qu’ils fonc­tionnent selon les mêmes sché­mas. Le monde de l’entreprise est sou­vent celui des hié­rar­chies un peu for­melles, ces hié­rar­chies sont néces­saires et en même temps on sait qu’elles sont insuf­fi­santes. For­ma­li­ser autant que vous vou­lez une hié­rar­chie ça ne suf­fi­ra jamais à assu­rer son bon fonc­tion­ne­ment. Il ne suf­fit pas d’avoir du pou­voir pour par­ler et agir avec auto­ri­té et en même temps si le monde de l’entreprise est tou­jours le monde des hié­rar­chies for­melles, il n’est pas condam­né à être le lieu des hié­rar­chies oppres­sives. Une hié­rar­chie n’est pas oppres­sive quand l’autorité lui donne du jeu, cette auto­ri­té ça peut être l’autorité d’un chef… quand on a à la fois le pou­voir et l’autorité on est pour une entre­prise, quelqu’un de pré­cieux. Mais cette auto­ri­té peut être celle d’un employé expé­ri­men­té sans pou­voir effec­tif, d’un cadre qu’on qua­li­fie­ra de cha­ris­ma­tique, ou d’un per­son­nage sim­ple­ment atten­tif aux autres, à leurs sou­cis, et qui pour autant ne se dis­pense pas de faire son tra­vail et que l’on écoute parce qu’il est capable de se déprendre un peu de lui-même et qu’il peut par­ler avec un peu d’autorité parce qu’on sait que quand il parle ce n’est pas pour lui, ni à par­tir de lui.

    L’autorité a bien de visages pos­sibles qu’il est impor­tant de savoir recon­naitre. Mais elle exige trois choses indispensables :

    • Le refus des pos­tures. Dès qu’on com­mence à jouer au chef on a déjà per­du toute autorité
    • Le res­pect de cha­cun. Et le res­pect de cha­cun nous oblige à consi­dé­rer qu’il ne faut confondre un subor­don­né et un infé­rieur. Un subor­don­né ne m’est en rien infé­rieur, c’est seule­ment sur un plan fonc­tion­nel qu’il est sous mes ordres, ce que veut dire exac­te­ment subor­don­né. Mais sa subor­di­na­tion fonc­tion­nelle n’a rien d’une infériorité.
    • Pour que ce jeu de l’autorité puisse fonc­tion­ner, il faut une troi­sième chose liée aux deux pre­mières : la capa­ci­té à dis­tin­guer for­te­ment rap­ports de domi­na­tion et rap­ports de subor­di­na­tion. C’est là mon désac­cord avec Bour­dieu, Pas­cal mal­gré l’admiration que j’ai pour eux je refuse de croire que les rap­ports sociaux soient essen­tiel­le­ment des rap­ports de domi­na­tion plus ou moins bien camou­flés. En ver­tu même du jeu de l’autorité les rap­ports sociaux peuvent être des rap­ports de subor­di­na­tion bien sur, et de véri­tables rap­ports sociaux. Mais pour qu’ils puissent l’être il faut ce jeu de l’autorité sans lequel aucun pou­voir n’est effectif

    Ques­tion : Vous confluez en par­lant des trois aspects : refus des pos­tures, res­pect de cha­cun et capa­ci­té à dis­tin­guer rap­ports de domi­na­tion et rap­ports de subor­di­na­tion, vous n’évoquez pas le fait d’accepter de lais­ser sa place à sa propre auto­ri­té. Il me semble que par­fois on ne s’autorise pas sa propre auto­ri­té, on y renonce.

    Yann Mar­tin : C’est vrai que le verbe s’autoriser a quelque chose d’un peu sidé­rant, il est com­pli­qué à com­prendre. Le pro­blème c’est que je ne suis pas sur que ce soit d’autorité qu’il s’agisse quand on ne s’autorise pas quelque chose. Il se peut que parce que je suis un peu com­plexé où parce que je pense que le moment n’est pas venu, que je ne m’autorise pas à dire ou à faire ce que je devrais dire ou faire, mais soit c’est de l’ordre de l’autorité et dans ce cas là en ne m’autorisant pas à rabrouer quelqu’un sous le motif par exemple que ça serait inef­fi­cace, qu’il a trop de pro­blèmes, que ça va le détruire et que ça l’aidera pas, mais en lais­sant de côté, en ne m’autorisant pas à lui dire ses quatre véri­tés, je mani­feste par là mon auto­ri­té, je mani­feste que je ne suis pas sou­mis  au pou­voir, ce pou­voir que j’ai et ce droit que j’aurai de le remettre à sa place j’y renonce en ver­tu de l’autorité qui est la mienne. Il se peut que ce renon­ce­ment soit fai­blesse mais dans ce cas là mon auto­ri­té est déjà dimi­nuée. Dans cette capa­ci­té à renon­cer à cette auto­ri­té je vois soit une simple fai­blesse, soit au contraire un acte para­doxal d’autorité.

    Lien vers le docu­ment au for­mat DOC :

    https://​old​.chouard​.org/​E​u​r​o​p​e​/​Y​a​n​n​-​M​a​r​t​i​n​-​L​A​U​T​O​R​I​T​E​.​doc

    Mer­ci Nicole ! 🙂

    Réponse
  23. Benoit

    Confé­rence inté­res­sante sur L’AUTORITÉ par Ariane Bilheran.

    Elle déclare dans le maga­zine Nexus n°105 : « il faut reve­nir aux fon­da­men­taux de la démo­cra­tie, c’est-à-dire au tirage au sort des citoyens qui vont exer­cer le pou­voir dans l’in­té­rêt géné­ral de leur peuple et à l’é­cri­ture par le peuple de sa propre Consti­tu­tion (cf. les brillantes ana­lyses d’ Etienne Chouard) »

    Réponse

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